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Réconciliation - Fondation autochtone de guérison

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compensation et <strong>de</strong> présenter <strong>de</strong>vant un juge l’histoire <strong>de</strong> leur viol et <strong>de</strong> leur solitu<strong>de</strong><br />

pour recevoir ensuite les in<strong>de</strong>mnisations officielles. Et tout était alors réglé. Et<br />

pourtant...<br />

Etheline, je te présente mes excuses. Je t’ai connu pendant dix ans, et pourtant, je n’ai<br />

jamais vraiment su d’où tu venais. Je suis éduqué, né dans l’ère post-coloniale, postmo<strong>de</strong>rne,<br />

<strong>de</strong> race mixte, j’ai beaucoup voyagé, je suis curieux, plus ou mois libéral et<br />

politiquement correct. On m’a dit « Tu es le plus canadien <strong>de</strong> tous les Canadiens ». Et<br />

pourtant, je ne t’ai jamais <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> me parler <strong>de</strong>s années que tu avais passées dans<br />

ces pensionnats. Je ne m’y étais jamais vraiment intéressé jusqu’au soir où nous avons<br />

été témoin <strong>de</strong> l’heure <strong>de</strong> gloire <strong>de</strong> Stephen Harper, cette cérémonie mémorable — et<br />

quand j’ai senti ton émotion, les poils <strong>de</strong> mes bras se sont hérissés et j’ai eu <strong>de</strong>s frissons<br />

dans le dos ; nous nous sommes mis à parler, tard le soir, et tu m’as raconté l’histoire<br />

<strong>de</strong> ton grand-père qu’on avait arraché à sa famille alors qu’il n’avait que quatre ans, le<br />

même âge que mon fils aîné, tu m’as dit qu’il n’avait jamais connu ses parents, mais<br />

qu’il avait réappris le style <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s Cri dans sa famille adoptive et qu’il était <strong>de</strong>venu<br />

et resté un homme fort, même après qu’on lui a enlevé ses propres enfants, tu m’as<br />

expliqué qu’il t’avait élevée parce que ta mère en était incapable, tu m’as parlé <strong>de</strong>s<br />

quatre années que tu avais passées à l’école <strong>de</strong> missionnaire, tu m’as dit que ton<br />

grand-père avait refusé qu’on coupe tes nattes, que tu sentais la froi<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>s murs <strong>de</strong><br />

brique sur tes mains, que les lingères ne t’appelaient pas par ton nom mais juste par<br />

un numéro, que tu t’asseyais à la fenêtre pour regar<strong>de</strong>r le chemin <strong>de</strong> terre qui menait<br />

loin <strong>de</strong> l’école et que tu pleurais car tu voulais ton Kokum et Meshom. Je ne savais<br />

pas. Ou, peut-être avais-tu essayé <strong>de</strong> me raconter, mais je n’avais écouté qu’à moitié.<br />

Et je voudrais aussi m’excuser <strong>de</strong> raviver tous ces souvenirs, <strong>de</strong> mettre sur papier tes<br />

souffrances personnelles. Mais je sais qu’il faut en parler et en reparler. Nous <strong>de</strong>vons<br />

en faire quelque chose <strong>de</strong> vrai, quelque chose qui ira droit au cœur <strong>de</strong>s gens.<br />

Et je me trouve donc aujourd’hui en train <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s excuses pour les excuses<br />

présentées par le gouvernement. Et, quoi que je pense du fait dont elles peuvent ai<strong>de</strong>r<br />

à enterrer les torts faits dans le passé au lieu <strong>de</strong> les mettre à la lumière du jour et du<br />

fait qu’elles profitent <strong>de</strong>s émotions <strong>de</strong> tous pour éviter d’accepter toute responsabilité,<br />

elles ont malgré cela changé ma vie. Elles m’ont fait réfléchir à ce que cela signifie que<br />

d’être un citoyen <strong>de</strong> notre pays. Elles m’ont permis <strong>de</strong> me rapprocher <strong>de</strong> ma famille.<br />

Vers la fin <strong>de</strong> la conférence, la femme aux cheveux gris et courts s’est levée et a<br />

raconté une histoire. Après la <strong>de</strong>uxième Guerre Mondiale, lorsqu’elle était encore à<br />

l’école, elle avait, un jour, refusé <strong>de</strong> lire à voix haute un extrait d’un livre qui contenait<br />

le mot « Jap ». On l’avait renvoyée chez elle et elle avait fièrement raconté à son père<br />

ce qu’elle avait fait. Il l’avait giflée. Ces excuses, a-t-elle dit à l’audience, lui avaient<br />

redonné sa dignité. La conférence a pris fin le len<strong>de</strong>main, et je suis rentré chez moi,<br />

en proie à <strong>de</strong> nouvelles réflexions.<br />

C’est l’été ici, alors que j’écris ces mots, presque un an après la conférence et les<br />

excuses ont continué à pleuvoir. L’État <strong>de</strong> la Californie a présenté ses excuses pour<br />

Cultiver le Canada | 369

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