Réconciliation - Fondation autochtone de guérison
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et un jeune homme célibataire, comme mon père, ne pouvait donc avoir que des relations familiales longue distance. Il a cependant réussi à engendrer trois fils avec sa première femme, en Chine, à cette époque, mais cette dernière n’a jamais pu s’installer au Canada et est décédée outre-mer. Mon père s’est finalement remarié avec sa deuxième femme, la mère de Harvey, qui a dû attendre plusieurs années avant de pouvoir venir vivre au Canada. Elle s’était, en attendant son passage au Canada, installée contre son gré chez la mère du père de Harvey et avait probablement joué le rôle de servante de la vieille dame. C’est tout ce que sait Harvey. Il ne sait rien de la vie de son père et des vingt-cinq ans que ce dernier a passés loin de sa première femme et de leurs enfants, puis de sa seconde femme. Il ne sait pas comment s’appelait son grand-père, ni ce qu’il faisait, ni où il est enterré. Ils n’ont jamais parlé de cette époque. M. le président, nous désirons, au nom de tous les Canadiens et du gouvernement canadien, présenter toutes nos excuses à la population sino-canadienne au sujet de la taxe d’entrée et aimerions exprimer nos regrets les plus profonds pour l’exclusion des immigrants chinois qui s’en est suivie... Aucun pays n’est parfait. Comme tous les pays, le Canada a fait des erreurs dans le passé et nous en sommes conscients. Les Canadiens sont cependant un peuple juste et bon qui tient à réparer les injustices qui ont été commises. Et bien que la taxe d’entrée — le produit d’une époque très différente — soit une chose du passé, nous nous sentons obligés de réparer cette injustice historique tout simplement parce que c’est la chose juste à faire, ce besoin de justice étant une des caractéristiques principales de l’esprit canadien — Stephen Harper, 22 juin 2006 Le mot « Apology » (Excuses) vient du grec apo et de logos (« parole »), et comme le sait tout étudiant de première année de philosophie qui a lu « l’Apologie » de Platon, ce mot signifiait à l’origine « défendre sa propre position ». Mais, au cours du temps, ce mot a également pris le sens contraire (mot « Janus »). Plutôt que de l’utiliser pour justifier ses propres actions ou position, ce mot est maintenant utilisé pour admettre le mal qui a été fait et accepter la responsabilité de ses actions. Lorsque M. Harper s’est exprimé au sujet de la taxe d’entrée, son discours mettait en évidence les deux visages de ce mot : C’était une époque différente. Nous avons changé. Nous devrions, en fait, être fiers de nous. Nous devrions nous féliciter. Réaffirmer aujourd’hui notre droiture d’esprit en sacrifiant ceux qui sont disparus. Plutôt que de redonner vie au passé, ce genre de déclaration semble rompre les liens que nous avons tissés avec notre histoire, nous sépare de nos origines et promeut la notion de notre avancement moral. Elles justifient aussi les façons dont les Canadiens continuent toujours à profiter de ce passé et dénuent ces excuses de tout remords. Les rendant insignifiantes. Peu mémorables. Je n’étais pas le seul à faire une pause. J’ai suivi une Canadienne japonaise aux cheveux courts et gris. Elle descendait la rue en direction du parc Oppenheimer et je l’ai regardée de loin, alors qu’elle posait doucement sa main sur le tronc de l’un des vieux cerisiers. J’ai appris plus tard que ces arbres étaient des arbres « du souvenir », plantés par des Canadiens japonais, il y a trente ans. La Ville de Vancouver avait 366 | Mitch Miyagawa
tenté de les abattre dans le cadre d’un récent projet de développement, mais la communauté canadienne japonaise s’était ralliée pour les sauver (bien que le vieux terrain de baseball, lui, soit toujours destiné à être détruit). Je suis revenu au hall de réunion juste à temps pour le dîner. Devant moi, dans la queue, se trouvait l’écrivain et intellectuel Roy Miki, un des principaux dirigeants du mouvement demandant la réparation des torts subis par les Canadiens japonais et un membre du comité négociateur de l’association nationale des Canadiens japonais. Miki est né dans un camp d’internement, au Manitoba, en 1942, six mois après que les membres de sa famille ont été déracinés de leur foyer à Haney, C-B. Il a ri quand je lui ai parlé de ma famille et, intrigué, s’est installé à côté de moi pendant le dîner. Ses cheveux blancs étaient parfaitement coiffés, la raie d’un côté, et il portait des lunettes teintées en bleu. Nous avons joué à mettre des boîtes bento en équilibre sur nos genoux et il m’a dit quelque chose qui m’a époustouflé : les négociateurs n’avaient pas tenu à obtenir des excuses à tout prix. « Nous voulions mettre en lumière le fonctionnement du système, pour mettre l’accent sur ses défauts », m’a t-il dit. « Notre objectif principal n’était pas de recevoir des excuses ou une compensation. La vraie victime était la démocratie elle-même, pas les gens ». Ceux qui avaient exigé d’obtenir des réparations voulaient en fait que le gouvernement reconnaisse que la démocratie avait été bafouée et que certains avaient en fait bénéficié de l’internement des Canadiens japonais. Ils voulaient changer le système pour protéger les droits de chacun dans le futur. Miki continuait à se méfier des expressions de remords offertes par le gouvernement et s’inquiétait du fait que le contenu émotionnel des excuses — l’accent sur la « guérison » — permettait de détourner l’attention d’un sujet plus important, celui de la justice. « La présentation d’excuses est devenue maintenant l’élément essentiel » a dit Miki. « Cela permet au gouvernement de se faire passer pour le bon samaritain. Mais il existe un déséquilibre de pouvoir qui doit être remis en question ; celui qui fait des excuses a plus de pouvoir que celui à qui on fait des excuses. » Au moment de présenter des excuses aux Canadiens japonais, M. Mulroney a dit que « l’objectif était d’offrir réparation aux survivants, à leurs enfants et aux nôtres, pour qu’ils puissent vivre ensemble dans ce pays, sans devoir porter le lourd fardeau des torts infligés aux, et des griefs entretenus par, les générations précédentes. » Le persécuteur tout comme la victime sont alors libérés de leurs liens. L’internement des Canadiens japonais « était contre la nature de ce que promeut notre nation ». Les excuses présentées par M. Mulroney, disait ce récit de rédemption, permettaient au Canada de retourner à son état d’origine, un état de perfection. Musique. Tambours. Les lumières s’allument et tout va à nouveau bien dans ce monde. Je trouve qu’il est difficile de résister à cette histoire, surtout quand on sait que les personnages principaux nous ont quittés depuis longtemps. Mais ceci est loin d’être un conte de fées. Cultiver le Canada | 367
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Je suis revenu au hall <strong>de</strong> réunion juste à temps pour le dîner. Devant moi, dans la<br />
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mouvement <strong>de</strong>mandant la réparation <strong>de</strong>s torts subis par les Canadiens japonais et<br />
un membre du comité négociateur <strong>de</strong> l’association nationale <strong>de</strong>s Canadiens japonais.<br />
Miki est né dans un camp d’internement, au Manitoba, en 1942, six mois après que<br />
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cheveux blancs étaient parfaitement coiffés, la raie d’un côté, et il portait <strong>de</strong>s lunettes<br />
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pas les gens ». Ceux qui avaient exigé d’obtenir <strong>de</strong>s réparations voulaient en fait que<br />
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Miki continuait à se méfier <strong>de</strong>s expressions <strong>de</strong> remords offertes par le gouvernement<br />
et s’inquiétait du fait que le contenu émotionnel <strong>de</strong>s excuses — l’accent sur la<br />
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Mais il existe un déséquilibre <strong>de</strong> pouvoir qui doit être remis en question ; celui qui fait<br />
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Au moment <strong>de</strong> présenter <strong>de</strong>s excuses aux Canadiens japonais, M. Mulroney a dit<br />
que « l’objectif était d’offrir réparation aux survivants, à leurs enfants et aux nôtres,<br />
pour qu’ils puissent vivre ensemble dans ce pays, sans <strong>de</strong>voir porter le lourd far<strong>de</strong>au<br />
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Les lumières s’allument et tout va à nouveau bien dans ce mon<strong>de</strong>. Je trouve qu’il<br />
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