Réconciliation - Fondation autochtone de guérison
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se soit produite. J’ai précédemment suggéré que l’expansion coloniale européenne à partir du XV e siècle avait produit une rupture sur le continent américain, qui a en partie créé l’État-nation colonial du Canada et a également établi de nouvelles manières d’être pour les peuples autochtones et, plus tard, pour les peuples africains. Ces noms collectifs — « autochtones », « africains », « indiens », « asiatiques » et même « européens » — sont un catalogage qui atteste de la rupture historique induisant l’homme européen à se représenter comme étant l’Homme. Comme Paul Gilroy le suggère, « il a rarement été permis que les récits sanguinaires de colonisation et de conquête viennent entacher l’histoire de ce triomphe », 11 et les excuses et les politiques de réconciliation tentent de dissimuler ces histoires à l’époque contemporaine. Ainsi, la réconciliation implique également qu’une sorte de cicatrisation soit possible à la suite de brutalités et que cette cicatrisation soit nécessaire en premier lieu. Toutefois, la réconciliation ne semble pas ébranler les bases institutionnelles de l’organisation actuelle de la vie humaine. La réconciliation ne nous demande pas de réfléchir à qui nous sommes, mais plutôt d’accepter le présent comme une accumulation de blessures pour lesquelles des excuses suffisent et se présentent comme un billet d’entrée dans le monde moderne vicié, génocidaire, destructeur de l’environnement et inhumain toujours basé sur la vision européenne partiale qui considère sa manière d’être comme la seule possible sur Terre. La réconciliation peut nous permettre d’envisager de nouvelles, ou de plus nombreuses, relations humaines optimistes, mais elle ne nous permet pas de traiter sérieusement des actes de brutalité qui nous ont rassemblés dans ces nouvelles zones géopolitiques ainsi que des nombreuses relations inégales que l’Europe a entretenues avec les autres genres qu’elle a inventés. Bref, la réconciliation n’absout en rien les histoires et les actes de cruauté. Pour les immigrés venus des Caraïbes qui, en vertu de la modernité européenne, ont dû se considérer comme « n’étant pas originaires de l’endroit où ils vivent » 12 et dont les histoires d’esclavage et de colonisation sont étroitement liées, d’une manière incroyablement créative et complexe, aux cultures autochtones du continent américain, les excuses et la réconciliation — précédentes et actuelles — proposées par l’État-nation du Canada et par les puissances impériales européennes soulignent la perversité et la cruauté de la modernité et de ses promesses non tenues de libération des êtres humains. Pour les anciens esclaves, victimes de servitude, et de toutes les formes hybrides de « l’archipel » de la pauvreté, 13 le combat mené pour devenir des êtres humains est conditionné au fait d’intégrer les discours des Européens et de les retourner pour se présenter comme des sujets dignes d’être considérés comme des êtres humains, ne serait-ce qu’accessoirement. La lutte contre l’esclavage atlantique, en particulier dans l’Empire britannique, est désormais considérée comme le premier réel combat mondial pour les droits de l’homme. En effet, les actes de barbarie de l’esclavage des Africains et la résistance des Autochtones face à une expansion 352 | Rinaldo Walcott
coloniale qui modifie les modes de vie représentent le fondement d’un discours sur les droits de l’homme qui est désormais impuissant et vidé de ses idées visant à réfléchir fondamentalement et radicalement à la signification de la vie humaine. Je soutiens que l’importance des politiques de réconciliation découle uniquement du fait que ces pratiques retracent l’autre histoire bien plus troublante du triomphe apparent du capitalisme mondial et, concomitamment, des tentatives pour y résister et annuler ses effets sur le passé, le présent et l’avenir. L’enjeu est de montrer que le coût de l’expansion européenne a été plus élevé et plus brutal que la conception du monde proposée par l’Europe comme étant la seule idée de la vie humaine valable, et qu’il s’agit d’une pratique cruelle, logique et qui persiste de nos jours, visant à continuellement réprimer dans les cultures préeuropéennes les aspirations à vivre différemment. J’ai également écrit que les discours sur la diaspora des Noirs et des Africains, ou les histoires des personnes n’étant pas considérées comme des hommes à part entière selon les Européens, ont une importance car ils montrent la face cachée des récits glorifiant la mondialisation (plus particulièrement dans le milieu universitaire) qui présentent désormais le triomphe de la vision européenne d’une humanité mondiale. 14 Dans cette optique, la brutalité de l’histoire de la diaspora des Noirs nuance et propose d’autres indications sur l’histoire de la mondialisation, sur ses effets et sur son caractère actuel, de sorte que les charmes vénéneux de la modernité et ses conséquences soient dévoilés. Ainsi, les récits sur la diaspora des Noirs et des Africains décrivent non seulement le déroulement historique de la course à la domination mondiale dans laquelle l’Europe s’est lancée, mais présentent également le refus continu, dès le début, de cette domination par différentes forces mondiales. Les récits de la diaspora des Noirs et des Africains concernent également, et ce, de manière déterminante, l’élaboration d’une façon de vivre enrichissante dans le contexte de la modernité euro-occidentale et des Lumières, en étant à la fois le produit de ces éléments et en redéfinissant, inventant et créant ce qu’on peut appeler des « modernités divergentes » pour ceux qui ont été victimes des pratiques expansionnistes européennes. 15 Au fond, on peut considérer que ceux produits dans le creuset du Nouveau Monde sont véritablement les peuples modernes, c’est-à-dire les Autochtones et les Noirs. J’insiste sur le fait que la région de l’Atlantique, avec son histoire d’expropriation, d’esclavage transatlantique et de génocide, a permis le développement d’un ensemble de conditions dont nous avons hérité, soit une situation mondiale fondée sur les traditions philosophiques et la perception de l’homme euro-occidentales, et dont nous devons apprendre à nous extirper, car il ne s’agit que d’une vision partiale de l’existence humaine. Une brève discussion sur le sens de cette sortie ainsi que de ses résultats et effets devra prendre en compte l’économie politique, les échanges, les mélanges et les emprunts culturels — de manière contradictoire ou autre — ainsi que nos histoires de puissance, de connaissance et de territoire qui sont étroitement liées. Je ne suis pas certain que les excuses et la réconciliation nous y amènent, mais en tant qu’occidental Cultiver le Canada | 353
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Je soutiens que l’importance <strong>de</strong>s politiques <strong>de</strong> réconciliation découle uniquement<br />
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apparent du capitalisme mondial et, concomitamment, <strong>de</strong>s tentatives pour y<br />
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montrer que le coût <strong>de</strong> l’expansion européenne a été plus élevé et plus brutal que<br />
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nos jours, visant à continuellement réprimer dans les cultures préeuropéennes<br />
les aspirations à vivre différemment. J’ai également écrit que les discours sur la<br />
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(plus particulièrement dans le milieu universitaire) qui présentent désormais le<br />
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actuel, <strong>de</strong> sorte que les charmes vénéneux <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>rnité et ses conséquences<br />
soient dévoilés. Ainsi, les récits sur la diaspora <strong>de</strong>s Noirs et <strong>de</strong>s Africains décrivent<br />
non seulement le déroulement historique <strong>de</strong> la course à la domination mondiale<br />
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déterminante, l’élaboration d’une façon <strong>de</strong> vivre enrichissante dans le contexte<br />
<strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>rnité euro-occi<strong>de</strong>ntale et <strong>de</strong>s Lumières, en étant à la fois le produit<br />
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expansionnistes européennes. 15 Au fond, on peut considérer que ceux produits dans<br />
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les Autochtones et les Noirs. J’insiste sur le fait que la région <strong>de</strong> l’Atlantique, avec<br />
son histoire d’expropriation, d’esclavage transatlantique et <strong>de</strong> génoci<strong>de</strong>, a permis<br />
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l’homme euro-occi<strong>de</strong>ntales, et dont nous <strong>de</strong>vons apprendre à nous extirper, car il<br />
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manière contradictoire ou autre — ainsi que nos histoires <strong>de</strong> puissance, <strong>de</strong><br />
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