Réconciliation - Fondation autochtone de guérison
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Un L’été 1984 était une période instable au regard du redressement. Un rapport gouvernemental à l’initiative de tous les partis sur les conséquences du racisme au Canada, intitulé L’égalité ça presse!, a été publié avec une recommandation en faveur d’un traité sur le redressement. Cependant, le gouvernement libéral de Pierre Eliot Trudeau, et Trudeau lui-même, a véhément exclu toute reconnaissance officielle des injustices et toute demande de réparation directe. 5 Tout ce que son gouvernement était en mesure de proposer se réduisait à une déclaration de « regret » vis-à-vis de ce qu’avaient enduré les CJ ainsi que quelques millions de dollars afin de mettre en place un institut, dont la description laissait à désirer, visant à commémorer leur internement. À la même période, les discussions relatives au redressement faisaient des remous au sein des communautés des CJ, et les débats sont soudainement devenus tendus après le refus de Trudeau. Ceux qui, parmi nous, ont essayé de lancer un mouvement de redressement à Vancouver, ont pris la décision de tenir un évènement public le soir du grand Powell Street Festival à Vancouver, la fête annuelle des CJ se déroulant à Oppenheimer Park, au cœur de ce qui était auparavant connu sous le nom de Nihon machi. La réticence de nombreux CJ âgés à s’exposer dans des évènements publics nous a amenés à considérer l’importance de présenter de talentueux orateurs. Heureusement, trois orateurs habitués à s’exprimer en public nous ont rapidement répondu positivement : David Suzuki, diffuseur à la SRC, Joy Kogawa, scientifique et auteur de Obasan, 6 ainsi qu’Ann Sunahara, auteur de The Politics of Racism: The Uprooting of Japanese Canadians during the Second World War. 7 L’unique voix manquante, en tout cas de notre point de vue, a été celle de Tom Shoyama, l’un des Nisei les plus respectés au sein de la communauté. Shoyama était l’éditeur de The New Canadian, l’unique journal communautaire dont la publication a été autorisée au moment de l’internement. 8 Dans les années d’après-guerre, Shoyama s’est forgé une réputation dans tout le pays, connu pour être un organisateur influent dans le parti de Tommy Douglas, le CCF (Cooperative Commonwealth Federal) en Saskatchewan. Lorsqu’il a rejoint la politique fédérale, il a gravi les échelons jusqu’à devenir sous-ministre des Finances sous le député libéral John Turner. Des rumeurs circulaient sur la volonté de Shoyama de prendre ses distances vis-à-vis de la question du redressement et, pour enfoncer le clou, sur le fait qu’il ne soutenait pas les réparations individuelles. Il n’a pas répondu à notre invitation à s’exprimer lors de l’évènement. J’étais à Ottawa, plus précisément à l’aéroport d’Ottawa, sur le chemin du retour après une réunion sur le redressement, et j’étais inquiet, car sans nouvelles de Shoyama. Si seulement je pouvais lui parler en face à face, pensais-je, je pourrais le convaincre de participer. Le grand respect qu’imposait son statut de Nisei contribuerait sans aucun doute à encourager de nombreuses personnes issues de sa génération à participer. J’avais la tête baissée, concentré à prendre des notes 326 | Roy Miki
pour la conférence, quand soudain je l’ai relevée et mon regard s’est porté sur la vaste zone d’attente de l’aéroport. Là, assis dans ma direction, j’aperçus un homme de corpulence mince dont le visage, apaisant, semblait être celui d’un CJ. Tom Shoyama, ai-je pensé, serait-ce lui? Se pourrait-il qu’il s’agisse précisément de la personne avec qui je souhaitais m’entretenir à cet instant-là? Je marchais vers lui et lui adressai la parole, « Tom Shoyama? » Il sourit et acquiesça d’un signe de tête. Je me présentais comme coordinateur de la conférence, il me remercia et déclina poliment mon invitation. En dernier recours, je lui proposai de m’asseoir à ses côtés pendant le court vol reliant Ottawa à Toronto, sa destination, lui disant que s’il maintenait sa décision une fois arrivés à terre, je la respecterais. Il a accepté, et par chance le vol n’était pas complet, ce qui nous a permis de nous asseoir l’un à côté de l’autre. Lorsque nous atterrissions, il était d’accord pour être notre orateur principal — puis il est parti en direction d’une autre réunion de la commission Macdonald sur l’économie, dont il était membre. Lors de l’évènement public, dans le vieux bâtiment rempli à craquer du Japanese Language Hall, situé sur Alexander Street, Shoyama s’est publiquement prononcé en faveur du redressement. deux Au cours du même été, le remplacement de Trudeau par John Turner avait mis la sphère politique nationale en état d’ébullition anticipée, et tous les partis fédéraux commencèrent à lancer leur campagne pour les élections à venir en septembre. La NJAC s’était attelée à préparer un dossier du redressement à présenter au parti politique qui formerait le prochain gouvernement. Je faisais partie du comité de rédaction du dossier et, étant donné mon expérience dans la recherche académique, il m’a été demandé de consulter les archives nationales à Ottawa afin de nous assurer que nos références aux documents historiques étaient justes. Dans l’avion pour Ottawa, j’étais occupé à classer les nombreux brouillons, à noter quels documents devaient être placés dans tel ou tel énorme dossier sur l’internement stocké aux archives nationales. De temps à autre, je décrochais de ma tâche en conversant avec voisin de bord qui, finissant par comprendre ce que je comptais faire à Ottawa, se montra de plus en plus curieux d’en savoir plus sur la notion de redressement et sur le dossier que nous comptions présenter au gouvernement fédéral. Il me posa des questions sur le déracinement de masse, la destruction des communautés de la côte ouest et sur la confiscation des propriétés et des biens personnels. Il m’expliqua avoir grandi dans les provinces maritimes et donc ne savoir que peu de choses concernant l’internement, mais il se montra très enthousiaste vis-à-vis de notre décision de redresser le passé. J’étais en pleine réflexion, encore une fois, sur le pouvoir qu’un homme politique de Colombie-Britannique exerçait au sein du gouvernement libéral de Mackenzie King. Ian Mackenzie, un député de Vancouver, était sans doute Cultiver le Canada | 327
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disant que s’il maintenait sa décision une fois arrivés à terre, je la respecterais. Il<br />
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public, dans le vieux bâtiment rempli à craquer du Japanese Language Hall,<br />
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présenter au parti politique qui formerait le prochain gouvernement. Je faisais<br />
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l’internement stocké aux archives nationales. De temps à autre, je décrochais<br />
<strong>de</strong> ma tâche en conversant avec voisin <strong>de</strong> bord qui, finissant par comprendre ce<br />
que je comptais faire à Ottawa, se montra <strong>de</strong> plus en plus curieux d’en savoir plus<br />
sur la notion <strong>de</strong> redressement et sur le dossier que nous comptions présenter au<br />
gouvernement fédéral. Il me posa <strong>de</strong>s questions sur le déracinement <strong>de</strong> masse,<br />
la <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>s communautés <strong>de</strong> la côte ouest et sur la confiscation <strong>de</strong>s<br />
propriétés et <strong>de</strong>s biens personnels. Il m’expliqua avoir grandi dans les provinces<br />
maritimes et donc ne savoir que peu <strong>de</strong> choses concernant l’internement,<br />
mais il se montra très enthousiaste vis-à-vis <strong>de</strong> notre décision <strong>de</strong> redresser le<br />
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