Réconciliation - Fondation autochtone de guérison

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Au fil du temps, les groupes de Tziganes sont partis de l’Anatolie vers les Balkans de leur propre initiative, ou encore en participant à l’invasion de la région par l’Empire ottoman, à titre d’auxiliaires 7 , au début du douzième siècle. Au début du quinzième siècle, des groupes de Tziganes sont apparus partout dans l’Europe chrétienne. Selon des écrits de l’époque, 8 ces groupes étaient formés d’au moins une centaine de gens sous le commandement d’hommes qui se faisaient appeler « contes » ou « ducs » de la Petit Égypte. L’artiste Jacques Callot a créé des illustrations d’un des groupes avec lequel il a voyagé de la France à l’Italie au début du dix-septième siècle. Ses oeuvres montrent des dirigeants fastueusement habillés, montés sur de bons chevaux, accompagnés d’hommes à cheval portant les armes les plus modernes de l’époque, y compris des fusils, ainsi que des charriots tirés par des chevaux et des femmes et enfants à pied. C’était l’époque des guerres religieuses dans l’Europe de l’Ouest, et ce que Jacques Callot illustrait était probablement un groupe de Tziganes armés pour se défendre, en route pour rejoindre l’armée d’un quelconque dirigeant militaire. 9 À cette époque, les Tziganes avaient fait leur entrée dans l’histoire européenne, mais on les prenait à tort pour des « Égyptiens », probablement parce que certains groupes tziganes d’Europe stipulaient qu’ils étaient des chrétiens égyptiens en pèlerinage d’expiation pour avoir renié le Christ afin d’échapper à la mort par les envahisseurs musulmans en Égypte. 10 Au début, les États catholiques d’Europe les croyaient, car un grand nombre de Tziganes leur avaient dit qu’ils provenaient de la Peitte Égypte (Kleine Aegipter en allemand), au Moyen-Orient, un endroit qui, à l’époque, faisait partie de l’empire des dirigeants musulmans mamelouks de l’Égypte. 11 Les Tziganes ont reçu des droits de passage de la part des papes et des dirigeants de divers pays, ils recevaient de la charité et, pendant une courte période, ils étaient traités comme des membres d’une nation souveraine que l’on référait sous le nom de peuple « Égyptiens ». Leurs « ducs » et « contes » étaient reçus par des rois et des nobles, mais cette situation favorable n’a pas duré. Alors que l’hégémonie catholique se désintégrait en Europe, en raison de la Réforme protestante et la Renaissance, les États-nations de l’Europe centrale et orientale ont progressé. Les Tziganes étaient maintenant perçus comme des intrus, des membres non productifs de la société, d’éventuels criminels, des païens ou des sorciers. 12 Dans la plupart des pays d’Europe centrale, tant catholiques que protestants, les Tziganes ont été condamnés comme des païens et des non-croyants. Les prêtres locaux répandaient la fausse croyance que les Tziganes étaient des forgerons en Palestine, et qu’ils avaient forgé les clous utilisés pour la Crucifixion. Ils accusaient les Tziganes de comeurtriers du Christ et de complices des Juifs. À cette époque, les ancêtres des Tziganes n’avaient pas quitté l’Inde. Pour contrer ces attaques, les Tziganes ont à leur tour propagé une légende : un forgeron tzigane a volé un quatrième clou, épargnant ainsi à Jésus encore plus d’agonie et, pour ce geste, le Christ a béni les Tziganes et leur a donné le droit de voler pour gagner leur vie. 226 | Ronald Lee

Aux yeux de l’église, le blanc signifiait le bien et la chrétienté, et le noir signifiait le mal et Satan. Les Tziganes à la peau foncée étaient perçus comme des « diablotins de Satan. » Ils clamaient être chrétiens, mais ils n’allaient jamais à la messe, et ne payaient jamais la dîme. Ils (nous) étaient aussi accusés de cannibalisme. 13 Pour un Tzigane, la seule idée du cannibalisme est complètement ridicule. Les étrangers ou les non Tziganes par rapport aux Tziganes traditionnels (ce que nous étions tous à l’époque, assurément) étaient vus comme des sources de contamination. Le concept qu’un Tzigane mange un non Tzigane est comparable à ce qu’un brahmane mange un Sudra. 14 Ce que le monde extérieur ignorait complètement, c’est que les Tziganes pratiquaient une religion folklorique non structurée, tirant son origine de l’hindouisme, et influencée par les systèmes d’autres croyances, comparable au vaudou ou du Santeria. Contrairement aux religions structurées - lesquelles ont des dogmes et des doctrines immuables, des livres sacrés, des lieux de culte, et dans lesquelles des prêtres ou des ministres sont nommés - les religions folkloriques nécessitent peu, soit seulement un système de croyances et des cérémonies simples, appliquées par l’ensemble de la communauté. Parmi les Tziganes parlant le valaque, cette religion porte le nom de Romaniya ou Pochitayimos-Rromano, et les autres groupes tziganes la nomment Romanipen/Romanipe. 15 Ce manque de visibilité de cette religion et l’ignorance de la culture et des croyances spirituelles des Tziganes ont causé des siècles de persécution et de souffrance humaine à travers l’Europe, la source étant des fanatiques zélés qui se consacraient à nous forcer à nous conformer à leurs croyances. Les étrangers savaient que les Tziganes parlaient un langage intelligible, dont des extraits ont occasionnellement été pris en note, 16 mais les écrivains stipulaient que la langue que nous parlions n’était pas légitime, qu’il s’agissait d’un charabia inventé, ou encore les jargons utilisés par les voleurs locaux, par exemple l’argot en France, le germania en Espagne, ou le cant, aussi appelé la « langue vulgaire » en Angleterre. 17 C’est donc dire qu’on nous reniait notre propre langue. Et d’aussi loin que le vingtième siècle, durant l’ère communiste, beaucoup de politiciens non-linguistes ont déclaré le tzigane comme une langue non viable qui ne mérite aucun développement ni préservation. 18 Même aujourd’hui, le tzigane cherche à être reconnu à titre de langue minoritaire légitime par tous les pays de l’UE. Le gouvernement canadien ne reconnaît pas le tzigane comme une langue minoritaire. Nous sommes la pièce manquante de la mosaïque multiculturelle, et complètement absents des livres d’histoire canadiens. 19 Des centaines de milliers de Tziganes ont perdu leur langue. Environ trois ou quatre millions de personnes parlent le tzigane en Europe et en Amérique. Par conséquent, elle fait maintenant partie des langues menacées, après avoir survécu des milliers d’années, malgré les nombreuses tentatives de l’effacer, elle et ceux qui la parlent. Au dix-septième siècle, les Tziganes ont graduellement perdu leur statut de peuple distinct ou membres d’une nation légitime, pour être réduits au rang de vagabonds Cultiver le Canada | 227

Aux yeux <strong>de</strong> l’église, le blanc signifiait le bien et la chrétienté, et le noir signifiait le<br />

mal et Satan. Les Tziganes à la peau foncée étaient perçus comme <strong>de</strong>s « diablotins<br />

<strong>de</strong> Satan. » Ils clamaient être chrétiens, mais ils n’allaient jamais à la messe, et ne<br />

payaient jamais la dîme. Ils (nous) étaient aussi accusés <strong>de</strong> cannibalisme. 13 Pour un<br />

Tzigane, la seule idée du cannibalisme est complètement ridicule. Les étrangers ou<br />

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l’époque, assurément) étaient vus comme <strong>de</strong>s sources <strong>de</strong> contamination. Le concept<br />

qu’un Tzigane mange un non Tzigane est comparable à ce qu’un brahmane mange<br />

un Sudra. 14<br />

Ce que le mon<strong>de</strong> extérieur ignorait complètement, c’est que les Tziganes pratiquaient<br />

une religion folklorique non structurée, tirant son origine <strong>de</strong> l’hindouisme, et<br />

influencée par les systèmes d’autres croyances, comparable au vaudou ou du<br />

Santeria. Contrairement aux religions structurées - lesquelles ont <strong>de</strong>s dogmes et<br />

<strong>de</strong>s doctrines immuables, <strong>de</strong>s livres sacrés, <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> culte, et dans lesquelles<br />

<strong>de</strong>s prêtres ou <strong>de</strong>s ministres sont nommés - les religions folkloriques nécessitent<br />

peu, soit seulement un système <strong>de</strong> croyances et <strong>de</strong>s cérémonies simples, appliquées<br />

par l’ensemble <strong>de</strong> la communauté. Parmi les Tziganes parlant le valaque, cette<br />

religion porte le nom <strong>de</strong> Romaniya ou Pochitayimos-Rromano, et les autres groupes<br />

tziganes la nomment Romanipen/Romanipe. 15 Ce manque <strong>de</strong> visibilité <strong>de</strong> cette<br />

religion et l’ignorance <strong>de</strong> la culture et <strong>de</strong>s croyances spirituelles <strong>de</strong>s Tziganes ont<br />

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source étant <strong>de</strong>s fanatiques zélés qui se consacraient à nous forcer à nous conformer<br />

à leurs croyances. Les étrangers savaient que les Tziganes parlaient un langage<br />

intelligible, dont <strong>de</strong>s extraits ont occasionnellement été pris en note, 16 mais les<br />

écrivains stipulaient que la langue que nous parlions n’était pas légitime, qu’il<br />

s’agissait d’un charabia inventé, ou encore les jargons utilisés par les voleurs locaux,<br />

par exemple l’argot en France, le germania en Espagne, ou le cant, aussi appelé la<br />

« langue vulgaire » en Angleterre. 17 C’est donc dire qu’on nous reniait notre propre<br />

langue. Et d’aussi loin que le vingtième siècle, durant l’ère communiste, beaucoup<br />

<strong>de</strong> politiciens non-linguistes ont déclaré le tzigane comme une langue non viable<br />

qui ne mérite aucun développement ni préservation. 18 Même aujourd’hui, le tzigane<br />

cherche à être reconnu à titre <strong>de</strong> langue minoritaire légitime par tous les pays <strong>de</strong><br />

l’UE. Le gouvernement canadien ne reconnaît pas le tzigane comme une langue<br />

minoritaire. Nous sommes la pièce manquante <strong>de</strong> la mosaïque multiculturelle, et<br />

complètement absents <strong>de</strong>s livres d’histoire canadiens. 19 Des centaines <strong>de</strong> milliers<br />

<strong>de</strong> Tziganes ont perdu leur langue. Environ trois ou quatre millions <strong>de</strong> personnes<br />

parlent le tzigane en Europe et en Amérique. Par conséquent, elle fait maintenant<br />

partie <strong>de</strong>s langues menacées, après avoir survécu <strong>de</strong>s milliers d’années, malgré les<br />

nombreuses tentatives <strong>de</strong> l’effacer, elle et ceux qui la parlent.<br />

Au dix-septième siècle, les Tziganes ont graduellement perdu leur statut <strong>de</strong> peuple<br />

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