Syndrome d'alcoolisation foetale chez les peuples autochtones du ...

Syndrome d'alcoolisation foetale chez les peuples autochtones du ... Syndrome d'alcoolisation foetale chez les peuples autochtones du ...

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Chapitre 3 euroaméricains de la consommation alcoolique amérindienne. Il s’agit d’un danger qui ne peut être évité qu’en faisant un examen ethnographique approfondi et rigoureux de la normalité et du pathologique au sein de chaque collectivité (O’Nell et Mitchell, 1996). Facteurs politiques et économiques Les travaux de recherche portant sur l’examen des facteurs économiques et politiques contributifs à l’abus d’alcool chez les Autochtones montrent que la dépossession de ceux-ci – ainsi que la marginalisation sur les plans économique et politique que cette dépossession continue à entraîner – a contribué à l’abus d’alcool et aux effets néfastes qui y sont associés au sein de ce groupe (Hunter, 1993; Moore, 1992). La dépossession et ses conséquences ont été aussi adoptées par Santé Canada 10 comme explication du taux élevé de consommation d’alcool et d’abus d’alcool, et elles ont été mises en corrélation avec des problèmes de faible revenu, de sous-scolarisation et de statut professionnel inférieur (Santé et bien-être social Canada, 1989). Gray et ses collaborateurs ont constaté que les indicateurs sociaux et économiques lient clairement les inégalités à la consommation d’alcool et à l’abus d’alcool chez les jeunes Autochtones en Australie occidentale (Gray, Morfitt, Williams, Ryan et Coyne, 1996). Des auteurs soutiennent que c’est plus le statut socio-économique inférieur que l’identité autochtone en soi qui est important pour expliquer le problème d’abus d’alcool chez les Autochtones. Brody (1997 dans Saggers et Gray, 1998), indique notamment que les collectivités inuites et dénées sont sujettes à la même incidence néfaste de l’expansion industrielle que les groupes non autochtones, aux prises avec des conséquences similaires, y compris le taux élevé d’abus d’alcool. Smart et Ogborne (1986) font observer que chez des segments de la population non autochtone qui sont semblables à ceux relevés chez certains Autochtones du Nord, les comportements de buveur excessif font partie de la société canadienne. Par ailleurs, comme Saggers et Gray en font état, peu d’études effectuent une analyse comparative avec des collectivités non autochtones (1998; McKenzie, 1993). Saggers et Gray (1998) posent la question à savoir de quelle façon la dépossession, la marginalisation politique et économique et la discrimination peuvent « causer » l’abus de l’alcool. Ils énumèrent plusieurs facteurs, notamment la souffrance ou détresse psychologique provoquée par une pluie de mauvais traitements, d’outrages, comme le rejet, l’éclatement de la famille, l’institutionnalisation et la dévalorisation. Saggers et Gray pensent également que l’abus d’alcool est un mécanisme d’adaptation lorsque la personne est confrontée à la pauvreté, notamment lorsqu’elle à peu ou pas du tout de possibilité de participer à des activités de loisirs pour avoir du plaisir. Un petit nombre d’auteurs ont expliqué que l’abus d’alcool est, dans certaines situations, une forme de résistance des Autochtones (Sackett, 1988; Brady et Palmer, 1984). Lurie (1979) a fait référence notamment aux habitudes de consommation alcoolique des Autochtones en Amérique du Nord comme « une manifestation protestataire continue la plus ancienne du monde ». Par contre, catégoriser l’abus de l’alcool et ses conséquences comme une forme de résistance et de protestation est plutôt douteux 10 Même si Santé Canada a semblé opter pour cette explication, les mesures gouvernementales générales en matière de politique de programmation et de financement n’ont pas été adéquatement prises, ni efficacement mises en application par les gouvernements fédéral et provinciaux pour résoudre des problèmes comme la pauvreté, le manque de formation et le chômage chronique dans les collectivités autochtones. 44

Chapitre 3 puisque cette idée suppose que les « protestataires » ont pleinement conscience de leurs actes. Il est tout à fait improbable que les dirigeants autochtones ou leurs collaborateurs fassent une telle analogie, compte tenu des préoccupations exprimées publiquement au sujet de l’envergure des problèmes de santé et des problèmes sociaux générés par l’abus d’alcool dans les collectivités (Tait, 2003). Saggers et Gray (1998) ont adopté une approche de l’« économie politique » pour expliquer les différences de comportements ou d’habitudes en matière de consommation d’alcool, et leurs incidences néfastes entre les Autochtones et les non Autochtones. Ils écrivent : [TRADUCTION] L’approche de l’« économie politique » est similaire à certains égards à d’autres perspectives qui mettent l’accent sur l’influence des facteurs politiques et économiques. Cependant, elle diffère d’autres approches en ce sens qu’elle ne traite pas les facteurs considérés comme variables secondaires; cette approche traite plutôt les régimes politiques et économiques contemporains, non pas comme des institutions établies, mais bien comme des institutions façonnées par l’histoire et les rapports de pouvoir ou de force différentiels. Par conséquent, des différences notamment dans la répartition des richesses entre les Autochtones et les non Autochtones ne sont pas considérées comme le résultat de « forces du marché » hypothétiques, mais plutôt comme le résultat de rapports de pouvoir ou de force différentiels entre ces deux peuples (Saggers et Gray, 1998 : 85). Saggers et Gray (1998) expliquent qu’une recension des écrits sur la consommation d’alcool dans l’ensemble des groupes autochtones laisse entrevoir des modalités et des aspects communs dans l’évolution caractéristique de la consommation d’alcool. Une grande similitude entre les expériences devient évidentes lorsqu’on en fait la comparaison. Cependant, dans le cas où on ne prend en considération que des caractéristiques particulières, des cultures ou des histoires connues, ou bien des personnes, des groupes ou des populations autochtones en particulier, ces aspects communs et ces expériences similaires ne sont plus aussi précis, n’apparaissent pas avec la même évidence. Qui plus est, ces auteurs ajoutent qu’en cherchant une explication des comportements et habitudes en matière de consommation alcoolique dans le contexte culturel de groupes en particulier, on ne tient pas compte du fait que ces groupes n’existent pas en vase clos. Comme les groupes autochtones ont eu des contacts avec les Européens depuis plus de 150 ans, leur vie a été façonnée en partie par l’influence des sociétés colonisatrices; il n’est donc plus possible d’essayer de bien les comprendre en les considérant à part. Voici ce que Saggers et Gray écrivent à ce sujet : [TRADUCTION] En raison de cette similitude, il est improbable que [les habitudes de consommation d’alcool chez les Autochtones] résultent de circonstances particulières dans les sociétés autochtones. A notre avis, l’explication de ce phénomène requiert de prendre en considération ce qui est commun à toutes ces sociétés. Par là, on entend l’expérience du colonialisme, l’abolition des économies traditionnelles, l’exploitation et la marginalisation, la perte du pouvoir entraînée par ces cheminements ainsi que la réponse, les attitudes des Autochtones à cet égard. Un modèle explicatif de la consommation d’alcool typique chez les Autochtones doit prendre comme point de départ ces considérations ainsi que d’autres facteurs dans le contexte des rapports politiques et économiques (1998 : 86). 45

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euroaméricains de la consommation alcoolique amérindienne. Il s’agit d’un danger qui ne peut être évité<br />

qu’en faisant un examen ethnographique approfondi et rigoureux de la normalité et <strong>du</strong> pathologique au<br />

sein de chaque collectivité (O’Nell et Mitchell, 1996).<br />

Facteurs politiques et économiques<br />

Les travaux de recherche portant sur l’examen des facteurs économiques et politiques contributifs à<br />

l’abus d’alcool <strong>chez</strong> <strong>les</strong> Autochtones montrent que la dépossession de ceux-ci – ainsi que la marginalisation<br />

sur <strong>les</strong> plans économique et politique que cette dépossession continue à entraîner – a contribué à l’abus<br />

d’alcool et aux effets néfastes qui y sont associés au sein de ce groupe (Hunter, 1993; Moore, 1992). La<br />

dépossession et ses conséquences ont été aussi adoptées par Santé Canada 10 comme explication <strong>du</strong> taux<br />

élevé de consommation d’alcool et d’abus d’alcool, et el<strong>les</strong> ont été mises en corrélation avec des problèmes<br />

de faible revenu, de sous-scolarisation et de statut professionnel inférieur (Santé et bien-être social<br />

Canada, 1989). Gray et ses collaborateurs ont constaté que <strong>les</strong> indicateurs sociaux et économiques lient<br />

clairement <strong>les</strong> inégalités à la consommation d’alcool et à l’abus d’alcool <strong>chez</strong> <strong>les</strong> jeunes Autochtones en<br />

Australie occidentale (Gray, Morfitt, Williams, Ryan et Coyne, 1996).<br />

Des auteurs soutiennent que c’est plus le statut socio-économique inférieur que l’identité autochtone en<br />

soi qui est important pour expliquer le problème d’abus d’alcool <strong>chez</strong> <strong>les</strong> Autochtones. Brody (1997<br />

dans Saggers et Gray, 1998), indique notamment que <strong>les</strong> collectivités inuites et dénées sont sujettes à la<br />

même incidence néfaste de l’expansion in<strong>du</strong>strielle que <strong>les</strong> groupes non <strong>autochtones</strong>, aux prises avec des<br />

conséquences similaires, y compris le taux élevé d’abus d’alcool. Smart et Ogborne (1986) font observer<br />

que <strong>chez</strong> des segments de la population non autochtone qui sont semblab<strong>les</strong> à ceux relevés <strong>chez</strong> certains<br />

Autochtones <strong>du</strong> Nord, <strong>les</strong> comportements de buveur excessif font partie de la société canadienne. Par<br />

ailleurs, comme Saggers et Gray en font état, peu d’études effectuent une analyse comparative avec des<br />

collectivités non <strong>autochtones</strong> (1998; McKenzie, 1993).<br />

Saggers et Gray (1998) posent la question à savoir de quelle façon la dépossession, la marginalisation<br />

politique et économique et la discrimination peuvent « causer » l’abus de l’alcool. Ils énumèrent plusieurs<br />

facteurs, notamment la souffrance ou détresse psychologique provoquée par une pluie de mauvais<br />

traitements, d’outrages, comme le rejet, l’éclatement de la famille, l’institutionnalisation et la<br />

dévalorisation. Saggers et Gray pensent également que l’abus d’alcool est un mécanisme d’adaptation<br />

lorsque la personne est confrontée à la pauvreté, notamment lorsqu’elle à peu ou pas <strong>du</strong> tout de possibilité<br />

de participer à des activités de loisirs pour avoir <strong>du</strong> plaisir.<br />

Un petit nombre d’auteurs ont expliqué que l’abus d’alcool est, dans certaines situations, une forme de<br />

résistance des Autochtones (Sackett, 1988; Brady et Palmer, 1984). Lurie (1979) a fait référence<br />

notamment aux habitudes de consommation alcoolique des Autochtones en Amérique <strong>du</strong> Nord comme<br />

« une manifestation protestataire continue la plus ancienne <strong>du</strong> monde ». Par contre, catégoriser l’abus<br />

de l’alcool et ses conséquences comme une forme de résistance et de protestation est plutôt douteux<br />

10 Même si Santé Canada a semblé opter pour cette explication, <strong>les</strong> mesures gouvernementa<strong>les</strong> généra<strong>les</strong> en matière<br />

de politique de programmation et de financement n’ont pas été adéquatement prises, ni efficacement mises en application<br />

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