Syndrome d'alcoolisation foetale chez les peuples autochtones du ...

Syndrome d'alcoolisation foetale chez les peuples autochtones du ... Syndrome d'alcoolisation foetale chez les peuples autochtones du ...

28.08.2013 Views

Chapitre 3 consommation d’alcool, l’expérience de vie préalable à la consommation d’alcool, le poids de la personne, ces facteurs s’appliquant généralement à tous les principaux groupes raciaux (Reed, 1985; May, 1991 : 240). La susceptibilité biologique à l’alcool et à l’abus d’alcool (et plus récemment aux malformations congénitales liées à l’alcool) établie selon la race a été depuis longtemps associée aux populations autochtones. May et les autres chercheurs, en essayant de rééduquer la communauté scientifique et la communauté des non-spécialistes, ont recensé la documentation scientifique; ils ont démontré que, non seulement le lien entre la race biologique et l’alcoolisme ou un comportement entraîné par l’abus d’alcool n’est pas étayé par des preuves dans la documentation scientifique, mais également, que les catégorisations raciales fondées sur la biologie sont impossibles à mettre en application dans la recherche inductive. Il n’en reste pas moins que, malgré cette absence d’indications probantes, une image hypothétique élaborée scientifiquement qui représente les Autochtones comme des personnes ayant une susceptibilité biologique à l’alcool et à l’abus d’alcool est généralement répandue auprès de certains groupes professionnels et non professionnels (Tait, 2003). Selon les allégations de Waldram et ses collaborateurs, cette perception va de pair avec la croyance analogue que les Autochtones ont une susceptibilité particulière à la tuberculose. Voici ce qu’ils écrivent : [TRADUCTION] Cette [susceptibilité particulière à l’alcool et à la tuberculose] accentue encore plus le contraste avec la présumée résistance des Euro-Canadiens à ces deux problèmes. Par ces affirmations, on peut clairement constater l’essentiel de cette notion discréditant les traits raciaux et toutes ses incidences sur les politiques de traitement. Également importants, les effets de cette présomption dépassent de loin le domaine de la recherche fondamentale; en fait, « l’explication biologique persiste dans le domaine de la croyance populaire » (May, 1984 : 15), pouvant tenir lieu d’explication aux problèmes personnels entraînés par l’abus d’alcool chez les Autochtones et les non Autochtones qui acceptent cette croyance (Waldram, Herring et Kue Young, 1995 : 266). Comme le soulignent Waldram et ses collaborateurs, l’hypocrisie dont parlait au dix-neuvième siècle George Copway persiste encore aujourd’hui. Le stéréotype de l’« Indien ivre » Les incidences préjudiciables que l’abus d’alcool a eues dans de nombreuses collectivités autochtones et le fait que les médias leur ont donné une très grande importance ont eu pour effet d’entretenir auprès de l’opinion publique cette association négative des Autochtones et de la consommation d’alcool. Le stéréotype de l’« Indien ivre, » grandement amplifié dans la société canadienne, représente clairement l’exemple le plus commun (Royal Commission on Aboriginal Peoples [Commission royale sur les peuples autochtones], 1996b). Pris au pied de la lettre, ce stéréotype signifie qu’ individuellement, les Autochtones sont biologiquement incapables de consommer de l’alcool « raisonnablement » et qu’ils sont enclins ou prédisposés à des actes d’insouciance et au laisser-aller, entraînant souvent des répercussions tragiques (May, 1988). Du côté des Autochtones, ce stéréotype a sur le plan collectif des incidences aux niveaux social et politique (Maracle, 1994). 30

Chapitre 3 Le stéréotype de l’« Indien ivre » a des échos retentissant non seulement à chaque échelon de la société non autochtone en Amérique du Nord, mais des indications démontrent qu’il a également des effets au sein même des collectivités autochtones. A titre d’exemple, une étude américaine menée par May et Smith (1988) a permis d’analyser les opinions sur l’abus d’alcool chez les Navajos. Elle a rapporté que seulement 30 % à 42 % des adultes navajos consommaient de l’alcool, comparativement à 71 % de la population générale. Pourtant les participants à l’étude signalaient l’alcoolisme comme principal problème de santé dans leur réserve. Soixante-trois pour cent des participants de l’étude avaient l’impression que les Autochtones avaient de façon générale une débilité physique à l’égard de l’alcool qui n’affecte pas la population non autochtone (May et Smith, 1988). Il n’apparaît pas clairement dans la démonstration de May et Smith quels facteurs ont influencé les participants de l’étude dans leurs réponses, mais la connaissance de l’histoire des relations des Autochtones avec les Blancs permet d’avancer que ces réponses ont été inspirées par le discours historique et social de la société dominante. Dépendance à l’alcool, une « maladie » ou un « dysfonctionnement » L’abus d’alcool, la dépendance à l’alcool et l’alcoolisme sont fortement associés, et, dans certains cas, ces termes sont employés de façon interchangeable sur l’alcool dans des débats par des professionnels et des non-professionnels, sur les femmes, sur le syndrome d’alcoolisation foetale ou les malformations congénitales liées à l’alcool. Il importe cependant de faire la distinction entre ces termes, étant donné que, selon les contextes, ils ont un sens très différent. Voici ce qu’Abel écrit à ce sujet : [TRADUCTION] ... l’abus d’alcool fait référence à un comportement de consommation d’alcool qui porte atteinte à la santé de la personne, un comportement nuisible pour la société dans laquelle cette personne vit, mais n’empêchant pas nécessairement la personne de maîtriser sa consommation d’alcool. Si la consommation devient irrésistible, fait l’objet d’obsession ou de compulsion, elle est désignée sous le terme alcoolisme ou dépendance à l’alcool (Abel, 1998a : 11; U.S. Department of Health and Human Services, 1993). Comme il n’existe aucun « marqueur biologique » pour la consommation d’alcool entièrement digne de foi, les cliniciens et les chercheurs s’appuient sur les autoévaluations ou les déclarations des sujetspatients concernant leurs habitudes de consommation d’alcool (Abel, 1998a). Dans les domaines de la recherche, miser sur des autoévaluations pour étudier les habitudes de consommation d’alcool soulève des réticences, étant donné que de nombreux problèmes peuvent survenir, notamment la sous-déclaration ou la sur-déclaration et la défaillance de mémoire. A titre d’exemple, la Commission royale sur les peuples autochtones (Royal Commission on Aboriginal Peoples, 1996b) a exprimé sa préoccupation devant le taux inférieur de consommation d’alcool chez les Autochtones rapporté par l’enquête auprès des peuples autochtones (EPA) (Statistique Canada, 1993). Ce taux peut indiquer d’une part que, dans les circonstances présentes, les Autochtones ont commencé à avoir un plus grand nombre d’abstinents, ou bien révéler une sous-déclaration de la consommation d’alcool, inspirée par les craintes des participants concernant la divulgation possible de renseignements confidentiels. Cette question est importante puisque chaque hypothèse incite à l’adoption de stratégies différentes pour les prochains efforts de recherche, pour l’élaboration de politiques sur la santé et de politiques sociales ainsi que pour l’affectation des fonds. 31

Chapitre 3<br />

consommation d’alcool, l’expérience de vie préalable à la consommation d’alcool, le<br />

poids de la personne, ces facteurs s’appliquant généralement à tous <strong>les</strong> principaux groupes<br />

raciaux (Reed, 1985; May, 1991 : 240).<br />

La susceptibilité biologique à l’alcool et à l’abus d’alcool (et plus récemment aux malformations<br />

congénita<strong>les</strong> liées à l’alcool) établie selon la race a été depuis longtemps associée aux populations<br />

<strong>autochtones</strong>. May et <strong>les</strong> autres chercheurs, en essayant de réé<strong>du</strong>quer la communauté scientifique et la<br />

communauté des non-spécialistes, ont recensé la documentation scientifique; ils ont démontré que,<br />

non seulement le lien entre la race biologique et l’alcoolisme ou un comportement entraîné par l’abus<br />

d’alcool n’est pas étayé par des preuves dans la documentation scientifique, mais également, que <strong>les</strong><br />

catégorisations racia<strong>les</strong> fondées sur la biologie sont impossib<strong>les</strong> à mettre en application dans la recherche<br />

in<strong>du</strong>ctive. Il n’en reste pas moins que, malgré cette absence d’indications probantes, une image<br />

hypothétique élaborée scientifiquement qui représente <strong>les</strong> Autochtones comme des personnes ayant<br />

une susceptibilité biologique à l’alcool et à l’abus d’alcool est généralement répan<strong>du</strong>e auprès de certains<br />

groupes professionnels et non professionnels (Tait, 2003). Selon <strong>les</strong> allégations de Waldram et ses<br />

collaborateurs, cette perception va de pair avec la croyance analogue que <strong>les</strong> Autochtones ont une<br />

susceptibilité particulière à la tuberculose. Voici ce qu’ils écrivent :<br />

[TRADUCTION] Cette [susceptibilité particulière à l’alcool et à la tuberculose] accentue<br />

encore plus le contraste avec la présumée résistance des Euro-Canadiens à ces deux<br />

problèmes. Par ces affirmations, on peut clairement constater l’essentiel de cette notion<br />

discréditant <strong>les</strong> traits raciaux et toutes ses incidences sur <strong>les</strong> politiques de traitement.<br />

Également importants, <strong>les</strong> effets de cette présomption dépassent de loin le domaine de<br />

la recherche fondamentale; en fait, « l’explication biologique persiste dans le domaine<br />

de la croyance populaire » (May, 1984 : 15), pouvant tenir lieu d’explication aux<br />

problèmes personnels entraînés par l’abus d’alcool <strong>chez</strong> <strong>les</strong> Autochtones et <strong>les</strong> non<br />

Autochtones qui acceptent cette croyance (Waldram, Herring et Kue Young, 1995 :<br />

266).<br />

Comme le soulignent Waldram et ses collaborateurs, l’hypocrisie dont parlait au dix-neuvième siècle<br />

George Copway persiste encore aujourd’hui.<br />

Le stéréotype de l’« Indien ivre »<br />

Les incidences préjudiciab<strong>les</strong> que l’abus d’alcool a eues dans de nombreuses collectivités <strong>autochtones</strong> et<br />

le fait que <strong>les</strong> médias leur ont donné une très grande importance ont eu pour effet d’entretenir auprès de<br />

l’opinion publique cette association négative des Autochtones et de la consommation d’alcool. Le<br />

stéréotype de l’« Indien ivre, » grandement amplifié dans la société canadienne, représente clairement<br />

l’exemple le plus commun (Royal Commission on Aboriginal Peop<strong>les</strong> [Commission royale sur <strong>les</strong> peup<strong>les</strong><br />

<strong>autochtones</strong>], 1996b). Pris au pied de la lettre, ce stéréotype signifie qu’ indivi<strong>du</strong>ellement, <strong>les</strong> Autochtones<br />

sont biologiquement incapab<strong>les</strong> de consommer de l’alcool « raisonnablement » et qu’ils sont enclins ou<br />

prédisposés à des actes d’insouciance et au laisser-aller, entraînant souvent des répercussions tragiques<br />

(May, 1988). Du côté des Autochtones, ce stéréotype a sur le plan collectif des incidences aux niveaux<br />

social et politique (Maracle, 1994).<br />

30

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!