Syndrome d'alcoolisation foetale chez les peuples autochtones du ...

Syndrome d'alcoolisation foetale chez les peuples autochtones du ... Syndrome d'alcoolisation foetale chez les peuples autochtones du ...

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Chapitre 9 on devrait prendre en considération le fait que des programmes de traitement de la dépendance sont très institutionnalisés et très structurés, 43 et peuvent à leur insu recréer, d’après les clientes, un contexte semblable à celui des pensionnats en adoptant des méthodes similaires. Mentionnons comme exemples des pratiques ou des méthodes qui peuvent être considérées comme des mesures punitives en réponse à certains comportements (p. ex. des clients assignés à « la chaise chaude » ou qui passent sur la sellette pour témoigner de leur comportement à l’égard d’autres clients ou de conseillers; des clients qui ne peuvent cesser de consommer sont forcés de se cacher et par la suite sont renvoyés du programme pour n’avoir pas pu rester sobres ou abstinents); des clients assignés et obligés de faire des corvées domestiques auxquelles le personnel administratif et les conseillers ne participent pas, notamment préparer les repas et nettoyer, ce qui prend une grande partie du temps des clients passé au centre de traitement; 44 les clients n’ayant pas la permission de téléphoner ou de rencontrer des amis ou des membres de leur famille pendant les premiers temps de leur traitement (dans certains cas, jusqu’à 30 jours), ou n’étant pas autorisés à quitter l’établissement de traitement ni ses terrains. Bien qu’il n’y ait aucune étude de recherche ayant analysé cette question, il y a des indications à l’appui que les Autochtones devraient se préoccuper du fait que les programmes de traitement destinés aux Autochtones sont administrés de façon non autochtone. Dans certains cas, ces programmes « adoptent » des méthodes traditionnelles autochtones dans le cadre de leur programmation, ce qui peut masquer certaines des préoccupations mentionnées précédemment (Tait, 2003). Roberts et Nanson (2000), avec le concours du comité directeur national, ont identifié six « pratiques exemplaires » liées à la prévention tertiaire du SAF/ACLA. Services destinés aux femmes ainsi qu’à celles respectueuses de la culture Mesures punitives « Pratiques exemplaires » 1. Il n’existe aucune indication probante appuyant l’application de mesures punitives, comme un traitement prescrit pouvant contribuer à améliorer la santé de la mère et celle du foetus. Un consensus des spécialistes indiquent que de telles mesures dissuadent les femmes enceintes de recourir à des soins et à des services nécessaires. 43 Ces programmes desservent généralement des clients autochtones et non autochtones; beaucoup de clients autochtones vivant dans des collectivités hors réserve. 44 Les corvées domestiques sont généralement assignées dans le but de réduire les dépenses budgétaires et réduire le personnel de soutien. Leur valeur « thérapeutique » est sujette à caution; on se préoccupe du fait que l’affectation des corvées domestiques est considérée par le personnel administratif comme partie intégrante du programme de traitement (Tait, 2003). 238

Chapitre 9 Au Canada, on a amorcé un débat important sur le fait de savoir s’il y a lieu d’obliger une femme enceinte ayant un problème de consommation abusive de substances psychoactives à suivre un programme de traitement de la dépendance à l’alcool dans des « circonstances exceptionnelles » pour protéger l’enfant à naître. En 1997, cette question a été soumise à la Cour suprême du Canada en s’inspirant du cas d’une future mère de 32 ans, une Autochtone résidant à Winnipeg, connue sous le nom de cas « G ». Dans ce cas particulier, le centre de services sociaux avait découvert de longs antécédents de dépendance à l’alcool, notamment des événements entourant le retrait permanent de trois enfants sous la garde de « G » à différents moments, en raison de son problème de dépendance. La Cour suprême du Canada a statué contre le traitement prescrit à l’intention d’une femme enceinte, du fait que le foetus n’est pas considéré comme une personne et, par conséquent, une femme enceinte n’a pas « l’obligation juridique de prudence et de vigilance » à l’égard de son enfant à naître. 45 Au Canada, les causes judiciaires concernant le traitement obligatoire de la dépendance destiné à la femme enceinte qui ont été intentées par les services d’aide à l’enfance ont montré que l’ethnicité, de même que le statut socio-économique, sont d’importants facteurs. Les femmes les plus susceptibles d’être sujettes à une intervention judiciaire sont, de manière disproportionnée, pauvres ou défavorisées, Autochtones ou appartenant à une minorité ethnique visible (Royal Commission on New Reproductive Technologies [Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction], 1993). Les raisons invoquées dans la majorité des poursuites ou affaires judiciaires au Canada impliquant des femmes ayant des origines socio-économiques et ethniques semblables sont complexes. Ces motifs semblent indiquer qu’il pourrait y avoir une discrimination raciale et que les conditions de vie de ces femmes font en sorte que leur comportement pendant la grossesse risque fort de relever de la surveillance d’instances légales (Royal Commission on New Reproductive Technologies [Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction], 1993; Women’s Legal Education and Action Fund [Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes], 1997). Ces deux facteurs sont particulièrement vrais dans le cas des femmes autochtones les plus pauvres qui sont susceptibles d’avoir de longs antécédents avec les organismes gouvernementaux et les institutions (Swift, 1991; 1995; Gurstein, 1977; Williams, 1997; Whiteford et Vitucci, 1997). Qui plus est, dans un milieu urbain, ces femmes sont souvent isolées de leur réseau de soutien social notamment du Conseil de Bande qui pourrait faire des revendications en leur nom (Gill, 1995; Williams, 1997). Ironiquement, c’est cette vulnérabilité qui a contribué à restreindre le nombre de causes judiciaires portant sur un traitement imposé par la Cour, 46 qui aboutissent forcément devant les tribunaux. En effet, n’étant pas en mesure de résister, les femmes susceptibles de se trouver dans ce type de situations consentent donc, et se plient à la volonté des médecins ou des travailleurs sociaux (Royal Commission on New Reproductive Technologies [Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction], 1993). 45 Pour obtenir plus de détails, se reporter à Tait, 2003. 46 Bien que la Cour suprême du Canada ait statué contre le traitement forcé, les femmes faisant usage de drogues illicites peuvent tout de même se voir obligées de suivre un traitement, par suite de leur inculpation pour drogues et conditions rattachées à la sentence. 239

Chapitre 9<br />

Au Canada, on a amorcé un débat important sur le fait de savoir s’il y a lieu d’obliger une femme<br />

enceinte ayant un problème de consommation abusive de substances psychoactives à suivre un programme<br />

de traitement de la dépendance à l’alcool dans des « circonstances exceptionnel<strong>les</strong> » pour protéger<br />

l’enfant à naître. En 1997, cette question a été soumise à la Cour suprême <strong>du</strong> Canada en s’inspirant <strong>du</strong><br />

cas d’une future mère de 32 ans, une Autochtone résidant à Winnipeg, connue sous le nom de cas<br />

« G ». Dans ce cas particulier, le centre de services sociaux avait découvert de longs antécédents de<br />

dépendance à l’alcool, notamment des événements entourant le retrait permanent de trois enfants sous<br />

la garde de « G » à différents moments, en raison de son problème de dépendance. La Cour suprême <strong>du</strong><br />

Canada a statué contre le traitement prescrit à l’intention d’une femme enceinte, <strong>du</strong> fait que le foetus<br />

n’est pas considéré comme une personne et, par conséquent, une femme enceinte n’a pas « l’obligation<br />

juridique de prudence et de vigilance » à l’égard de son enfant à naître. 45<br />

Au Canada, <strong>les</strong> causes judiciaires concernant le traitement obligatoire de la dépendance destiné à la<br />

femme enceinte qui ont été intentées par <strong>les</strong> services d’aide à l’enfance ont montré que l’ethnicité, de<br />

même que le statut socio-économique, sont d’importants facteurs. Les femmes <strong>les</strong> plus susceptib<strong>les</strong><br />

d’être sujettes à une intervention judiciaire sont, de manière disproportionnée, pauvres ou défavorisées,<br />

Autochtones ou appartenant à une minorité ethnique visible (Royal Commission on New Repro<strong>du</strong>ctive<br />

Technologies [Commission royale sur <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> techniques de repro<strong>du</strong>ction], 1993). Les raisons<br />

invoquées dans la majorité des poursuites ou affaires judiciaires au Canada impliquant des femmes<br />

ayant des origines socio-économiques et ethniques semblab<strong>les</strong> sont complexes.<br />

Ces motifs semblent indiquer qu’il pourrait y avoir une discrimination raciale et que <strong>les</strong> conditions de<br />

vie de ces femmes font en sorte que leur comportement pendant la grossesse risque fort de relever de la<br />

surveillance d’instances léga<strong>les</strong> (Royal Commission on New Repro<strong>du</strong>ctive Technologies [Commission<br />

royale sur <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> techniques de repro<strong>du</strong>ction], 1993; Women’s Legal E<strong>du</strong>cation and Action Fund<br />

[Fonds d’action et d’é<strong>du</strong>cation juridiques pour <strong>les</strong> femmes], 1997). Ces deux facteurs sont<br />

particulièrement vrais dans le cas des femmes <strong>autochtones</strong> <strong>les</strong> plus pauvres qui sont susceptib<strong>les</strong> d’avoir<br />

de longs antécédents avec <strong>les</strong> organismes gouvernementaux et <strong>les</strong> institutions (Swift, 1991; 1995; Gurstein,<br />

1977; Williams, 1997; Whiteford et Vitucci, 1997). Qui plus est, dans un milieu urbain, ces femmes<br />

sont souvent isolées de leur réseau de soutien social notamment <strong>du</strong> Conseil de Bande qui pourrait faire<br />

des revendications en leur nom (Gill, 1995; Williams, 1997). Ironiquement, c’est cette vulnérabilité<br />

qui a contribué à restreindre le nombre de causes judiciaires portant sur un traitement imposé par la<br />

Cour, 46 qui aboutissent forcément devant <strong>les</strong> tribunaux. En effet, n’étant pas en mesure de résister, <strong>les</strong><br />

femmes susceptib<strong>les</strong> de se trouver dans ce type de situations consentent donc, et se plient à la volonté<br />

des médecins ou des travailleurs sociaux (Royal Commission on New Repro<strong>du</strong>ctive Technologies<br />

[Commission royale sur <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> techniques de repro<strong>du</strong>ction], 1993).<br />

45 Pour obtenir plus de détails, se reporter à Tait, 2003.<br />

46 Bien que la Cour suprême <strong>du</strong> Canada ait statué contre le traitement forcé, <strong>les</strong> femmes faisant usage de drogues<br />

illicites peuvent tout de même se voir obligées de suivre un traitement, par suite de leur inculpation pour drogues et<br />

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