Syndrome d'alcoolisation foetale chez les peuples autochtones du ...

Syndrome d'alcoolisation foetale chez les peuples autochtones du ... Syndrome d'alcoolisation foetale chez les peuples autochtones du ...

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Chapitre 7 sans risque pendant la grossesse, mais que l’incidence de ce niveau de consommation peut varier en fonction de plusieurs facteurs, notamment des facteurs génétiques liés tant à la femme qu’au foetus, à l’état général de santé de la femme, à son âge au moment de la grossesse et à ses habitudes-types de consommation de substances psychoactives. L’Institut de médecine (IOM) aux États-Unis a tenu récemment les propos suivants sur l’alcool et ses effets tératogènes : [TRADUCTION] Même si l’alcool est l’agent tératogène nécessaire, il reste que, comme unique facteur, l’alcool ne peut être suffisamment tératogénique pour causer le SAF chez les humains ou des anomalies congénitales chez les animaux. Comme c’est le cas pour la plupart des agents tératogènes, ce ne sont pas tous les foetus exposés à des quantités importantes d’alcool qui risquent d’être atteints. L’issue de la grossesse peut être modifiée ou favorisée par un grand nombre de facteurs biologiques et environnementaux (Stratton, Howe et coll., 1996 : 20). Ernest Abel (1998a), un chercheur du domaine du SAF ayant beaucoup publié sur ce sujet, est un ardent défenseur d’une clarification précise de la signification du diagnostic de SAF. Il soutient que le terme SAF est souvent trompeur, en ce sens qu’il laisse entendre que toute consommation d’alcool pendant la grossesse est toxique. Qui plus est, des centaines de rapports de cas et d’études cliniques ont permis de constater que les femmes alcooliques sont des mères donnant naissance à des enfants affectés. Dans aucun des rapports de cas ou d’études cliniques analysés par Ernest Abel, il n’a été relevé qu’un enfant manifestant des symptômes était né d’une mère ayant bu un seul verre d’alcool chaque jour pendant sa grossesse. Il est clair cependant que, d’après Williams et Gloster, il n’y a aucun niveau de consommation d’alcool sans risque pendant la grossesse, même si des études de recherche médicale prétendent le contraire. Selon toute évidence, il semble que ce soient ces auteurs, plutôt que les participants à leur étude, qui sont mal informés ou ignorants des résultats récents de la recherche médicale. On pourrait également avancer qu’il s’agit d’un exemple évident où la valeur morale est déguisée en connaissance médicale objective dans le but de manipuler le comportement de certains groupes de personnes, dans ce cas-ci, les femmes autochtones (Tait, 2003). Au Canada, au moment de la rédaction de ce rapport, l’information en matière de santé publique n’est pas claire et elle est même parfois contradictoire, à savoir s’il y a des niveaux de consommation d’alcool sans risque pour la femme enceinte. Ce que les campagnes de santé publique ont décidé de faire, c’est d’aller du côté de la prudence. Certains messages de santé publique affirment qu’un niveau de consommation d’alcool sans risque dans le cas de la femme enceinte n’a pas encore été déterminé, alors que d’autres établissent clairement que toute consommation d’alcool pendant la grossesse comporte des risques. Ces messages s’adressent directement aux femmes enceintes dans le but de leur faire comprendre les risques encourus et de les amener à éviter toute consommation d’alcool, vu que tout alcool est susceptible de présenter un risque pour le foetus. Par ailleurs, au Canada, on communique régulièrement aux femmes enceintes des avis différents sur la consommation d’alcool et la grossesse provenant de sources diverses, notamment des fournisseurs de soins de santé, d’ami(e)s et de membres de la famille, de documentation médicale, de sources Internet ou de documentation autodidactique (Tait, 2000a; 2003). 130

Chapitre 7 En critiquant Williams et Gloster ainsi que le message de la santé publique diffusé au Canada auprès du public en général, l’intention n’est pas de recommander aux femmes enceintes de boire de l’alcool sans se préoccuper de la façon dont cette consommation pourrait influer sur leur santé, sur leur grossesse et sur l’enfant à naître. Il s’agit plutôt de faire ressortir l’importance pour les femmes, y compris pour les femmes autochtones, à titre de consommatrices de soins de santé, d’obtenir l’information médicale la plus récente et la plus exacte auprès des personnes ayant la compétence nécessaire pour le faire. La connaissance ou l’information d’ordre médical – qu’elle soit dispensée par la recherche, les services cliniques, l’information et l’éducation en matière de santé publique, ou par des programmes de prévention – devrait établir très clairement ce dont la recherche médicale actuelle fait état à cet égard; les fournisseurs de soins de santé et des services sociaux devraient éviter de transmettre de la désinformation ou d’exagérer des résultats de recherche médicale en croyant que cette stratégie dissuadera les consommateurs de cette information d’adopter un comportement à risque. Il y a des risques inhérents à la diffusion de désinformation; notamment, la désinformation au sujet des risques connus associés à la consommation d’alcool et la grossesse peut entraîner l’interruption d’une grossesse désirée ou planifiée par des femmes croyant avoir causé une atteinte grave au développement du foetus en consommant même de petites quantités d’alcool (Tait, 2003). Dans l’étude menée par Williams et Gloster, les femmes ayant répondu qu’un niveau de consommation d’alcool modéré peut être sans risque pendant la grossesse (57 %) n’avaient pas nécessairement tort ou n’étaient pas nécessairement mal informées. Des études comme celles-ci ne font pas que contribuer à semer de la confusion chez les fournisseurs et les consommateurs de soins de santé, mais elles ont aussi pour conséquence de cataloguer des groupes tels que les femmes autochtones comme des personnes mal informées et donc des personnes ou populations à « risque élevé ». Ce qui apparaît clairement dans une publication comme celle de Williams et Gloster, c’est la partialité avec laquelle cette recherche a été menée, émettant un commentaire moral sur la consommation d’alcool chez les Autochtones, plutôt que de nous renseigner véritablement sur la connaissance que les Autochtones du nord du Manitoba ont au sujet des substances psychoactives et la grossesse, ou au sujet du taux de consommation d’alcool des femmes autochtones enceintes de cette région géographique (Tait, 2003). Études chez les Amérindiens Bon nombre d’études visant spécifiquement le taux de SAF dans les collectivités amérindiennes ont été menées aux États-Unis. De 1979 à 1983, le Service de santé des Indiens et une organisation tribale, All Indian Pueblo Council, ont entrepris un projet pilote pour déterminer le taux de prévalence du SAF dans les trois principaux groupes indiens 28 au Nouveau-Mexique, dans le nord-est de l’Arizona et la région méridionale du Colorado (May et Hymbaugh, 1983). Ce projet pilote a été également planifié 28 Les groupes culturels amérindiens dans le sud-ouest des États-Unis sont répartis en trois groupes culturels : les Navajos, les Pueblos et Southwestern Plains. Ces groupes se subdivisent en tribus différentes. Un certain nombre de groupes Navajos vivent dans une grande réserve au Nouveau-Mexique, en Arizona et en Utah. Ce sont également trois petites réserves au Nouveau-Mexique. Les dix-neuf tribus Pueblo vivent aussi au Nouveau-Mexique (Les Indiens Zuni, Acoma, Laguna, Santo Domingo et Taos); un groupe vit en Arizona (les Hopi). Southwestern Plains est un groupe culturel qui décrit de façon générale une diversité de groupes d’Apaches, résidant dans quatre réserves différentes en Arizona et au Nouveau-Mexique; les Utes résident dans trois réserves en Utah et au Colorado (May, 1991). 131

Chapitre 7<br />

En critiquant Williams et Gloster ainsi que le message de la santé publique diffusé au Canada auprès <strong>du</strong><br />

public en général, l’intention n’est pas de recommander aux femmes enceintes de boire de l’alcool sans<br />

se préoccuper de la façon dont cette consommation pourrait influer sur leur santé, sur leur grossesse et<br />

sur l’enfant à naître. Il s’agit plutôt de faire ressortir l’importance pour <strong>les</strong> femmes, y compris pour <strong>les</strong><br />

femmes <strong>autochtones</strong>, à titre de consommatrices de soins de santé, d’obtenir l’information médicale la<br />

plus récente et la plus exacte auprès des personnes ayant la compétence nécessaire pour le faire.<br />

La connaissance ou l’information d’ordre médical – qu’elle soit dispensée par la recherche, <strong>les</strong> services<br />

cliniques, l’information et l’é<strong>du</strong>cation en matière de santé publique, ou par des programmes de prévention<br />

– devrait établir très clairement ce dont la recherche médicale actuelle fait état à cet égard; <strong>les</strong> fournisseurs<br />

de soins de santé et des services sociaux devraient éviter de transmettre de la désinformation ou d’exagérer<br />

des résultats de recherche médicale en croyant que cette stratégie dissuadera <strong>les</strong> consommateurs de cette<br />

information d’adopter un comportement à risque. Il y a des risques inhérents à la diffusion de<br />

désinformation; notamment, la désinformation au sujet des risques connus associés à la consommation<br />

d’alcool et la grossesse peut entraîner l’interruption d’une grossesse désirée ou planifiée par des femmes<br />

croyant avoir causé une atteinte grave au développement <strong>du</strong> foetus en consommant même de petites<br />

quantités d’alcool (Tait, 2003).<br />

Dans l’étude menée par Williams et Gloster, <strong>les</strong> femmes ayant répon<strong>du</strong> qu’un niveau de consommation<br />

d’alcool modéré peut être sans risque pendant la grossesse (57 %) n’avaient pas nécessairement tort ou<br />

n’étaient pas nécessairement mal informées. Des études comme cel<strong>les</strong>-ci ne font pas que contribuer à<br />

semer de la confusion <strong>chez</strong> <strong>les</strong> fournisseurs et <strong>les</strong> consommateurs de soins de santé, mais el<strong>les</strong> ont aussi<br />

pour conséquence de cataloguer des groupes tels que <strong>les</strong> femmes <strong>autochtones</strong> comme des personnes mal<br />

informées et donc des personnes ou populations à « risque élevé ». Ce qui apparaît clairement dans une<br />

publication comme celle de Williams et Gloster, c’est la partialité avec laquelle cette recherche a été<br />

menée, émettant un commentaire moral sur la consommation d’alcool <strong>chez</strong> <strong>les</strong> Autochtones, plutôt que<br />

de nous renseigner véritablement sur la connaissance que <strong>les</strong> Autochtones <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> Manitoba ont au<br />

sujet des substances psychoactives et la grossesse, ou au sujet <strong>du</strong> taux de consommation d’alcool des<br />

femmes <strong>autochtones</strong> enceintes de cette région géographique (Tait, 2003).<br />

Études <strong>chez</strong> <strong>les</strong> Amérindiens<br />

Bon nombre d’études visant spécifiquement le taux de SAF dans <strong>les</strong> collectivités amérindiennes ont été<br />

menées aux États-Unis. De 1979 à 1983, le Service de santé des Indiens et une organisation tribale, All<br />

Indian Pueblo Council, ont entrepris un projet pilote pour déterminer le taux de prévalence <strong>du</strong> SAF<br />

dans <strong>les</strong> trois principaux groupes indiens 28 au Nouveau-Mexique, dans le nord-est de l’Arizona et la<br />

région méridionale <strong>du</strong> Colorado (May et Hymbaugh, 1983). Ce projet pilote a été également planifié<br />

28 Les groupes culturels amérindiens dans le sud-ouest des États-Unis sont répartis en trois groupes culturels : <strong>les</strong><br />

Navajos, <strong>les</strong> Pueblos et Southwestern Plains. Ces groupes se subdivisent en tribus différentes. Un certain nombre de<br />

groupes Navajos vivent dans une grande réserve au Nouveau-Mexique, en Arizona et en Utah. Ce sont également trois<br />

petites réserves au Nouveau-Mexique. Les dix-neuf tribus Pueblo vivent aussi au Nouveau-Mexique (Les Indiens Zuni,<br />

Acoma, Laguna, Santo Domingo et Taos); un groupe vit en Arizona (<strong>les</strong> Hopi). Southwestern Plains est un groupe culturel<br />

qui décrit de façon générale une diversité de groupes d’Apaches, résidant dans quatre réserves différentes en Arizona et au<br />

Nouveau-Mexique; <strong>les</strong> Utes résident dans trois réserves en Utah et au Colorado (May, 1991).<br />

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