Syndrome d'alcoolisation foetale chez les peuples autochtones du ...

Syndrome d'alcoolisation foetale chez les peuples autochtones du ... Syndrome d'alcoolisation foetale chez les peuples autochtones du ...

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Chapitre 7 En 1991, Philip May a publié un rapport de synthèse sur le SAF chez les Amérindiens. Il a commencé son article en rappelant les mythes qui entourent le « problème d’alcool chez les Indiens ». Il précise qu’aux États-Unis, les ouvrages de vulgarisation et les ouvrages spécialisés ont faussement gratifié les Amérindiens de stéréotypes, les accablant de problèmes plus graves d’alcool, particulièrement de problèmes d’alcoolisme, malgré que les données d’information à cet effet soient non concluantes. May (1991) écrit également que les femmes amérindiennes indiquent une fréquence plus élevée d’abstention que la norme collective aux États-Unis dans la majeure partie des groupes d’âge; de plus, il existe dans les groupes indiens beaucoup de comportements-types de consommation d’alcool différents, certains de ces comportements n’étant pas typiquement excessifs. Par ailleurs, May ajoute que l’abus sporadique d’alcool (buveurs excessifs irréguliers) est plus fréquent chez les Amérindiens et qu’il est la cause de nombreuses conséquences néfastes, notamment une fréquence plus élevée de mortalité, supérieure par rapport aux cas d’alcoolisme chronique. Les Amérindiens ont davantage tendance à boire de façon à atteindre un taux d’alcoolémie très élevé. Ce type de comportement de consommation alcoolique, associé à des environnements à risque élevé dans lesquels bon nombre d’Indiens s’adonnent à la consommation d’alcool (milieux ruraux, aux limites des villes) aboutit à des niveaux très élevés d’ivresse, d’incarcération, de morbidité, de traumatisme et de mauvaises moeurs. Comme May le rappelle, ce sont ces aspects qui contribuent à influencer l’opinion du profane et du spécialiste et à prêter aux Autochtones le stéréotype de l’ « Indien ivre ». May (1991) fait la recension et l’examen des écrits publiés sur le SAF et des EAF qui font l’estimation du taux de prévalence et d’incidence chez les Autochtones en Amérique du Nord. Il met en garde contre la méthode par comparaison directe du taux de prévalence des Autochtones et celui des études des non Autochtones, étant donné que méthodologiquement ils sont l’indication de problèmes différents. A titre d’exemple, des études qui sont arrivées à des estimations du taux de prévalence en Europe et en Amérique du Nord se sont appuyées sur une évaluation clinique, des études en zone urbaine ayant peu ou aucun rayonnement ou service ambulatoire. Par conséquent, exercer un suivi ou une surveillance est peu probable dans un tel cas (May, 1991; Little, Snell et coll., 1990). D’autre part, May écrit : [TRADUCTION] ... les études des Indiens du Canada ont porté principalement sur des collectivités de petite taille, des milieux à risque élevé (consommation alcoolique excessive irrégulière). Dans des milieux de ce genre, la surveillance est assez établie; on s’attend à ce que la prévalence soit élevée (Bray et Anderson, 1989). Par conséquent, le dépistage différentiel est un aspect majeur de la comparaison (1991 : 241). May fait aussi référence à une étude de Chavez et ses collaborateurs (1988); ces chercheurs ont mené une enquête nationale concernant les principales anomalies physiques aux États-Unis en examinant les certificats de naissance. Les chercheurs ont constaté que « dans certains cas, les médecins avaient tendance à évaluer pour dépister une malformation en particulier chez [des clients] d’une certaine race et de certains groupes ethniques, une évaluation qu’ils n’auraient pas faite chez d’autres [clients]. Il s’agit dans ce cas-là d’indication de partialité dans le dépistage » (Chavez, Cordero et Becerrant, 1988 dans May, 1991 : 241). Ce point a aussi été soulevé dans un exposé de synthèse subséquent rédigé par Burd et Moffatt (1994). A ce jour, il n’y a qu’une seule étude (Nanson, Bolaria et coll., 1995) publiée au Canada 120

Chapitre 7 qui a traité de la partialité du médecin et du diagnostic à l’égard du SAF et des EAF; par contre, des spécialistes et des travailleurs de divers champs de la santé et des services sociaux ont fait part de leurs préoccupations à cet effet (Tait, 2003). A titre d’exemple, Jo Nanson, chercheur et clinicien en Saskatchewan, a observé que, dans le cas des enfants autochtones, il n’est pas rare qu’un enfant ayant une apparence sortant quelque peu de l’ordinaire dont la mère a bu pendant la grossesse obtienne du médecin en soins de santé primaires un diagnostic du SAF (Nanson, communication personnelle, 1995 dans Abel, 1998b). Abel (1998a) précise qu’en conséquence de ce « diagnostic spécieux », il pourrait y avoir erreur de diagnostic, et ces enfants pourraient recevoir un traitement inadapté. Un troisième article de synthèse rédigé par Burd et Moffatt (1994) traite des données épidémiologiques portant sur le SAF recueillies auprès d’Autochtones de l’Alaska et du Canada. Cette recension d’écrits comprend six articles publiés et quatre rapports non publiés. L’inventaire d’études canadiennes de Burd et Moffatt comprend l’étude menée par Robinson et ses collaborateurs (1987) et celle d’Asante et Nelms-Matzke (1985) ainsi qu’une étude non publiée effectuée par Wong (1983). L’étude de Wong a utilisé le registre de la Colombie-Britannique sur les anomalies congénitales pour passer en revue tous les cas déclarés du SAF dans cette province. Le taux de fréquence a été fixé à 6, 6 cas par 1000 enfants. Burd et Moffatt (1994) indiquent qu’ils ont relevé de nombreux problèmes méthodologiques dans chacune des études recensées et qu’ils acceptent les conclusions de Bray et Anderson (1989), c’est-à-dire leur recommandation de faire preuve de prudence à l’égard de cette recherche avant de conclure que la population autochtone du Canada a un taux élevé de SAF. Ils ajoutent que cette mise en garde devrait être aussi appliquée aux études américaines recensées, citées dans cet article. Burd et Moffatt (1994) expliquent que le taux de prévalence élevé provient vraisemblablement du fait que les collectivités ont été sélectionnées pour la recherche en fonction de la prémisse voulant que le SAF est un problème de santé publique de grande envergure. Des études comparables de collectivités autochtones choisies pour des travaux de recherche en raison du taux de SAF présumément bas ne sont pas encore achevées. Burd et Moffatt laissent également entendre que la partialité des médecins peut avoir contribué au taux élevé, étant donné que les cliniciens ont tendance à diagnostiquer le SAF chez un nouveau-né autochtone plus souvent que chez tout autre groupe ethnique. Burd et Moffatt (1994) établissent de nombreuses pistes de recherche qui peuvent amener à faire préciser par des spécialistes du SAF la sensibilité et la spécificité du diagnostic clinique. Ils recommandent des études ayant pour objectif d’examiner des sujets à la naissance, à l’âge de 4 ou 5 ans et à l’âge adulte afin d’établir la confiance qu’on peut avoir à l’égard des critères diagnostiques. L’information longitudinale sur la constance du diagnostic, soutiennent-ils, est très importante, étant donné que l’évolution du développement du SAF entraîne des caractéristiques cliniques moins distinctives à mesure que les enfants grandissent et deviennent adultes. Un obstacle majeur à cette constance du diagnostic est le manque de mesures diagnostiques « de référence » auxquelles pourrait être comparé le diagnostic des cliniciens. Burd et Moffatt indiquent aussi qu’il faudrait beaucoup plus de recherche, étant donné le potentiel de diagnostic erroné du SAF et des ramifications sociales de cette erreur très défavorables pour les parents, la famille et l’enfant. Voici ce qu’ils apportent comme précision : 121

Chapitre 7<br />

qui a traité de la partialité <strong>du</strong> médecin et <strong>du</strong> diagnostic à l’égard <strong>du</strong> SAF et des EAF; par contre, des<br />

spécialistes et des travailleurs de divers champs de la santé et des services sociaux ont fait part de leurs<br />

préoccupations à cet effet (Tait, 2003).<br />

A titre d’exemple, Jo Nanson, chercheur et clinicien en Saskatchewan, a observé que, dans le cas des<br />

enfants <strong>autochtones</strong>, il n’est pas rare qu’un enfant ayant une apparence sortant quelque peu de l’ordinaire<br />

dont la mère a bu pendant la grossesse obtienne <strong>du</strong> médecin en soins de santé primaires un diagnostic<br />

<strong>du</strong> SAF (Nanson, communication personnelle, 1995 dans Abel, 1998b). Abel (1998a) précise qu’en<br />

conséquence de ce « diagnostic spécieux », il pourrait y avoir erreur de diagnostic, et ces enfants pourraient<br />

recevoir un traitement inadapté.<br />

Un troisième article de synthèse rédigé par Burd et Moffatt (1994) traite des données épidémiologiques<br />

portant sur le SAF recueillies auprès d’Autochtones de l’Alaska et <strong>du</strong> Canada. Cette recension d’écrits<br />

comprend six artic<strong>les</strong> publiés et quatre rapports non publiés. L’inventaire d’études canadiennes de Burd<br />

et Moffatt comprend l’étude menée par Robinson et ses collaborateurs (1987) et celle d’Asante et<br />

Nelms-Matzke (1985) ainsi qu’une étude non publiée effectuée par Wong (1983). L’étude de Wong a<br />

utilisé le registre de la Colombie-Britannique sur <strong>les</strong> anomalies congénita<strong>les</strong> pour passer en revue tous<br />

<strong>les</strong> cas déclarés <strong>du</strong> SAF dans cette province. Le taux de fréquence a été fixé à 6, 6 cas par 1000 enfants.<br />

Burd et Moffatt (1994) indiquent qu’ils ont relevé de nombreux problèmes méthodologiques dans<br />

chacune des études recensées et qu’ils acceptent <strong>les</strong> conclusions de Bray et Anderson (1989), c’est-à-dire<br />

leur recommandation de faire preuve de prudence à l’égard de cette recherche avant de conclure que la<br />

population autochtone <strong>du</strong> Canada a un taux élevé de SAF.<br />

Ils ajoutent que cette mise en garde devrait être aussi appliquée aux études américaines recensées, citées<br />

dans cet article. Burd et Moffatt (1994) expliquent que le taux de prévalence élevé provient<br />

vraisemblablement <strong>du</strong> fait que <strong>les</strong> collectivités ont été sélectionnées pour la recherche en fonction de la<br />

prémisse voulant que le SAF est un problème de santé publique de grande envergure. Des études<br />

comparab<strong>les</strong> de collectivités <strong>autochtones</strong> choisies pour des travaux de recherche en raison <strong>du</strong> taux de<br />

SAF présumément bas ne sont pas encore achevées. Burd et Moffatt laissent également entendre que la<br />

partialité des médecins peut avoir contribué au taux élevé, étant donné que <strong>les</strong> cliniciens ont tendance<br />

à diagnostiquer le SAF <strong>chez</strong> un nouveau-né autochtone plus souvent que <strong>chez</strong> tout autre groupe ethnique.<br />

Burd et Moffatt (1994) établissent de nombreuses pistes de recherche qui peuvent amener à faire préciser<br />

par des spécialistes <strong>du</strong> SAF la sensibilité et la spécificité <strong>du</strong> diagnostic clinique. Ils recommandent des<br />

études ayant pour objectif d’examiner des sujets à la naissance, à l’âge de 4 ou 5 ans et à l’âge a<strong>du</strong>lte afin<br />

d’établir la confiance qu’on peut avoir à l’égard des critères diagnostiques. L’information longitudinale<br />

sur la constance <strong>du</strong> diagnostic, soutiennent-ils, est très importante, étant donné que l’évolution <strong>du</strong><br />

développement <strong>du</strong> SAF entraîne des caractéristiques cliniques moins distinctives à mesure que <strong>les</strong> enfants<br />

grandissent et deviennent a<strong>du</strong>ltes. Un obstacle majeur à cette constance <strong>du</strong> diagnostic est le manque de<br />

mesures diagnostiques « de référence » auxquel<strong>les</strong> pourrait être comparé le diagnostic des cliniciens.<br />

Burd et Moffatt indiquent aussi qu’il faudrait beaucoup plus de recherche, étant donné le potentiel de<br />

diagnostic erroné <strong>du</strong> SAF et des ramifications socia<strong>les</strong> de cette erreur très défavorab<strong>les</strong> pour <strong>les</strong> parents,<br />

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