Syndrome d'alcoolisation foetale chez les peuples autochtones du ...

Syndrome d'alcoolisation foetale chez les peuples autochtones du ... Syndrome d'alcoolisation foetale chez les peuples autochtones du ...

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Chapitre 5 Situer les pensionnats dans leur contexte historique [TRADUCTION] ... c’est vers la jeunesse que nous devons nous tourner pour effectuer un changement complet de la condition (Tel que cité dans la Royal Commission on Aboriginal Peoples [Commission royale sur les peuples autochtones], 1996a : vol. 1 : 337). 14 Notre mode de vie Sto:lo nous a été volé. Nos enfants ont été enlevés par des prêtres, des travailleurs sociaux et la police des pensionnats, par les placements en famille d’accueil et la prison. Ma famille s’est trouvée au beau milieu de la tourmente et nous venons à peine de commencer à retrouver notre chemin. Partout en Amérique du Nord, d’autres familles des Premières Nations vivent les mêmes essais et les mêmes victoires que ma famille (tel que cité dans Fournier et Crey, 1997 : 22). Au Canada, les premières démarches connues pour établir des pensionnats destinés aux jeunes autochtones ont débuté en 1620 sous l’autorité des Récollets, un ordre religieux appartenant aux Franciscains et qui s’étaient établis en Nouvelle-France. Cette école avait pour objectif principal d’évangéliser les Autochtones en s’occupant de l’éducation des enfants (Miller, 1996). Cependant, bon nombre de ces pensionnats ont été ouverts pendant le dix-septième et le dix-huitième siècles par d’autres ordres religieux, notamment par des moines et des Jésuites; cette époque est caractérisée par une vive concurrence entre les ordres religieux. Cette tendance s’est prolongée pendant toute la durée du régime des pensionnats. Le Rapport de la Commission Bagot (1844) a permis de formaliser dans les années qui suivirent une politique d’assimilation et de consolider le rôle attribué au régime des pensionnats dans le cadre d’un Canada post-confédéré (Rapport Bagot, 1844 dans Royal Commission on Aboriginal Peoples [Commission royale sur les peuples autochtones], 1996 : vol. 1). Après un examen d’une durée de deux ans des conditions de vie des réserves, la Commission a soutenu que les collectivités autochtones étaient dans une « situation semi-civilisée » et que les collectivités ne pourraient poursuivre leur évolution que si on les « civilisait » et si on leur inculquait les principales conditions de développement ou principales caractéristiques de la civilisation : l’industrie et le savoir (Milloy, 1999 : 12-13). Les écoles industrielles, comme le Mohawk Institute (1834) et le Mount Elgin (1850), ont été établies en Ontario dans l’espoir que les élèves « puissent acquérir imperceptiblement les façons de faire, les habitudes et les coutumes de la vie civilisée » (Rapport Bagot, 1844 dans Milloy, 1999 : 13; Furniss, 1992; Grant, 1996; Miller, 1991; 1996; Graham, 1997). Par la suite, le gouverneur Sir E. Head a commandé en 1856 le Rapport des commissaires spéciaux désignés pour tenir une enquête auprès des Affaires indiennes au Canada, qui a conclu que « tout espoir d’élever les Indiens comme entité à un rang social et politique similaire à celui de leurs voisins blancs n’était encore qu’un soupçon d’idée et qu’une lointaine lueur » ( Milloy, 1999 : 12). 14 NAC RG 10, volume 3647, dossier 8128, MR C 101113, au Commissaire des affaires indiennes, Régina, J.A. Macrae, 18 décembre 1886. 72

Chapitre 5 A partir de 1830, le ministère des Affaires indiennes 15 nouvellement formé s’est montré disposé à considérer que tous les Autochtones – hommes, femmes et enfants – pouvaient être civilisés et que, collectivement, ils recevraient toute l’attention nécessaire dans le but d’améliorer leur vie (Milloy, 1999). Cependant, à la suite du Rapport de la Commission Bagot, le ministère a donc décidé que les Autochtones adultes ne pourraient faire que des « progrès » limités vers l’atteinte de l’objectif fixé. Afin de maximiser le potentiel d’assimilation des Autochtones, le ministère a décidé qu’on accorderait la priorité aux enfants autochtones. Cette décision était fondée sur la croyance que les enfants possédaient une identité plus influençable qui pourrait être forgée par l’éducation colonialiste. Ainsi, ce sont les enfants autochtones, plutôt que leurs parents, que les dirigeants de l’État ont retenu comme la préoccupation centrale des stratégies d’assimilation (Grant, 1996; Graham, 1997; Milloy, 1999; Miller et Danziger, 2000). On avait l’impression que les adultes autochtones, particulièrement les Aînés, représentaient une menace dans le cadre de cette stratégie d’assimilation, étant donné que leur mode de vie traditionnel autochtone était plutôt considéré comme des reliques de cultures moribondes et d’une race en voie de disparition, n’ayant aucune fonction, ni aucune valeur dans ce Canada nouvellement constitué (Miller, 1996; Fournier et Crey, 1997; Milloy, 1999). Le retrait des enfants des collectivités autochtones pour les éduquer dans des pensionnats, là où ils seraient influencés profondément, complètement imprégnés des valeurs et de la culture européennes, a constitué une première stratégie adoptée par les politiques colonialistes dans le but de christianiser (le but de l’Église) et d’assimiler (le but du gouvernement) les Autochtones (Miller, 1987; 1989; 1996; Ing, 1991; Furniss, 1992; Armitage, 1995; Feehan, 1996; Grant, 1996; Milloy, 1999; Johansen, 2000). Par ailleurs, dès 1858, le ministère des Affaires indiennes et les Églises constatent que le système des écoles industrielles est complètement inefficace à faire progresser l’assimilation. Cet insuccès est attribué en partie à des difficultés concernant les inscriptions et aux fugueurs ainsi que, de façon encore plus importante, au comportement des finissants de ces écoles. Milloy relève les points suivants : [TRADUCTION] Encore plus problématique ... était le comportement des finissants. A leur retour dans leur collectivité, supposément socialement rééduqués comme des non Autochtones, ils retombaient dans leur culture, récidivaient. Ils n’avaient pas été contaminés par le zèle, l’application au travail, et ils n’ont pas joué de rôle prépondérant dans le développement communautaire ... Dans leur analyse de la situation, les commissaires [de la commission Bagot], « extrêmement découragés », n’ont pas jeté le blâme de cet échec sur les écoles, mais bien sur les conditions des réserves dans lesquelles ces finissants retournaient (1999 : 18). Le ministère a particulièrement blâmé l’influence des parents et des Aînés pour expliquer la « récidive » des finissants (Miller, 1987; Furniss, 1992; Grant, 1996; Milloy, 1999). 15 Le ministère des Affaires indiennes a été créé en 1830 par Sir George Murray, le Secrétaire d’État pour les colonies sous la tutuelle du gouvernement de l’Empire britannique. L’établissement du ministère a été un changement radical dans le cadre de la politique déjà ancienne relative aux Premières Nations du Haut et du Bas-Canada mise en vigueur par le gouvernement impérial au moment de la Proclamation en 1763. Le ministère a reçu la mission d’améliorer le sort des collectivités autochtones en favorisant « par tous les moyens possibles l’avancement de la connaissance et de l’éducation religieuse de façon générale chez les tribus indiennes » (Murray, 1830 dans Milloy, 1999 : 11). 73

Chapitre 5<br />

Situer <strong>les</strong> pensionnats dans leur contexte historique<br />

[TRADUCTION] ... c’est vers la jeunesse que nous devons nous tourner pour effectuer<br />

un changement complet de la condition (Tel que cité dans la Royal Commission on<br />

Aboriginal Peop<strong>les</strong> [Commission royale sur <strong>les</strong> peup<strong>les</strong> <strong>autochtones</strong>], 1996a : vol. 1<br />

: 337). 14<br />

Notre mode de vie Sto:lo nous a été volé. Nos enfants ont été enlevés par des prêtres, des<br />

travailleurs sociaux et la police des pensionnats, par <strong>les</strong> placements en famille d’accueil<br />

et la prison. Ma famille s’est trouvée au beau milieu de la tourmente et nous venons à<br />

peine de commencer à retrouver notre chemin. Partout en Amérique <strong>du</strong> Nord, d’autres<br />

famil<strong>les</strong> des Premières Nations vivent <strong>les</strong> mêmes essais et <strong>les</strong> mêmes victoires que ma<br />

famille (tel que cité dans Fournier et Crey, 1997 : 22).<br />

Au Canada, <strong>les</strong> premières démarches connues pour établir des pensionnats destinés aux jeunes <strong>autochtones</strong><br />

ont débuté en 1620 sous l’autorité des Récollets, un ordre religieux appartenant aux Franciscains et qui<br />

s’étaient établis en Nouvelle-France. Cette école avait pour objectif principal d’évangéliser <strong>les</strong> Autochtones<br />

en s’occupant de l’é<strong>du</strong>cation des enfants (Miller, 1996). Cependant, bon nombre de ces pensionnats<br />

ont été ouverts pendant le dix-septième et le dix-huitième sièc<strong>les</strong> par d’autres ordres religieux, notamment<br />

par des moines et des Jésuites; cette époque est caractérisée par une vive concurrence entre <strong>les</strong> ordres<br />

religieux. Cette tendance s’est prolongée pendant toute la <strong>du</strong>rée <strong>du</strong> régime des pensionnats.<br />

Le Rapport de la Commission Bagot (1844) a permis de formaliser dans <strong>les</strong> années qui suivirent une<br />

politique d’assimilation et de consolider le rôle attribué au régime des pensionnats dans le cadre d’un<br />

Canada post-confédéré (Rapport Bagot, 1844 dans Royal Commission on Aboriginal Peop<strong>les</strong><br />

[Commission royale sur <strong>les</strong> peup<strong>les</strong> <strong>autochtones</strong>], 1996 : vol. 1). Après un examen d’une <strong>du</strong>rée de deux<br />

ans des conditions de vie des réserves, la Commission a soutenu que <strong>les</strong> collectivités <strong>autochtones</strong> étaient<br />

dans une « situation semi-civilisée » et que <strong>les</strong> collectivités ne pourraient poursuivre leur évolution que<br />

si on <strong>les</strong> « civilisait » et si on leur inculquait <strong>les</strong> principa<strong>les</strong> conditions de développement ou principa<strong>les</strong><br />

caractéristiques de la civilisation : l’in<strong>du</strong>strie et le savoir (Milloy, 1999 : 12-13).<br />

Les éco<strong>les</strong> in<strong>du</strong>striel<strong>les</strong>, comme le Mohawk Institute (1834) et le Mount Elgin (1850), ont été établies<br />

en Ontario dans l’espoir que <strong>les</strong> élèves « puissent acquérir imperceptiblement <strong>les</strong> façons de faire, <strong>les</strong><br />

habitudes et <strong>les</strong> coutumes de la vie civilisée » (Rapport Bagot, 1844 dans Milloy, 1999 : 13; Furniss,<br />

1992; Grant, 1996; Miller, 1991; 1996; Graham, 1997). Par la suite, le gouverneur Sir E. Head a<br />

commandé en 1856 le Rapport des commissaires spéciaux désignés pour tenir une enquête auprès des Affaires<br />

indiennes au Canada, qui a conclu que « tout espoir d’élever <strong>les</strong> Indiens comme entité à un rang social<br />

et politique similaire à celui de leurs voisins blancs n’était encore qu’un soupçon d’idée et qu’une lointaine<br />

lueur » ( Milloy, 1999 : 12).<br />

14 NAC RG 10, volume 3647, dossier 8128, MR C 101113, au Commissaire des affaires indiennes, Régina, J.A.<br />

Macrae, 18 décembre 1886.<br />

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