Suicide chez les Autochtones au Canada - Fondation autochtone de ...
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Chapitre 4 En même temps que cette comparaison entre des dimensions individualistes et sociocentristes du « moi », une troisième dimension qui n’est pas correctement intégrée aux modèles psychologiques actuels s’intéresse au rôle de l’environnement en fonction de l’expérience du moi-écocentriste. Dans bon nombre de visions du monde traditionnelles autochtones, la nature, les animaux et les éléments sont en interaction avec soi, et en fait, dans un certain sens, ils constituent des aspects de la personne (ou plutôt, de l’être humain qui participe à ces réalités plus vastes et plus englobantes) (Martin, 1978; Stairs, 1992; Tanner, 1979). Des atteintes à la nature, une usurpation des terres et des restrictions de l’espace peuvent constituer des assauts contre le sens individuel et collectif du moi chez des personnes qui adhèrent à la vision du monde écocentriste (Richardson, 1991; Wadden, 1991). Ces attaques environnementales du moi peuvent avoir des conséquences psychologiques équivalentes en gravité à la perte du rôle et du statut social dans une grande société urbaine ou le cas d’un fermier qui perd sa terre, ce qui met simultanément en péril son gagne-pain et son identité. L’aboutissement est certainement une perte possible de l’estime de soi, mais également la destruction d’une forme distinctive de l’identité et de l’auto-efficacité rattachée au fait de vivre sur la terre et de la terre (Brody, 1975; 2000). La portée de ces questions qui peuvent sembler purement politiques ou territoriales pour la société dominante est pourtant fondamentale en fonction de l’identité et du mieux-être personnels et collectifs des personnes et des collectivités autochtones. Changement culturel, modernisation et acculturation [TRADUCTION] Je pense que la culture est très importante pour chaque personne dans la communauté, à cause de l’identité? Comme j’ai été élevé il y a plusieurs années et je me sens comme si j’étais pris entre deux cultures. Et, si on considère cela de façon positive, c’est bon de connaître les deux côtés, mais c’était aussi important pour moi de découvrir d’où je venais et d’avoir une identité. D’avoir une bonne connaissance de ma culture et d’être solidement enraciné. Vous savez, être enraciné là où je peux me tenir debout et dire « c’est moi » et être fier de cela. Et il y a beaucoup d’élèves – je suis conseiller en éducation à l’école de ma communauté et j’ai affaire à beaucoup de gens, à de nombreux adolescents et étudiants – leur identité c’est un gros problème et la culture est très importante... la culture est très importante pour eux et il faut lutter, se défendre pour la garder, et avoir une identité. Et c’est ce qui aide [à faire face] au suicide – savoir qui on est et ne pas être confus ou se trouver entre les deux ou dans une situation où on ne peut pas retrouver son équilibre (adulte de Première Nation). Dans le cas des Autochtones, le changement culturel a été entraîné par des intérêts d’ordre économique qui leur étaient propres et par des pressions externes énormes venant du gouvernement, d’actions liées à l’économie, à l’éducation et à la santé, de même que des institutions religieuses à différentes périodes de leur histoire (Adams, 1989; Berger, 1991; Crowe, 1991; Dickason, 1992; Miller, 2000; Moore, 1993; Satzewich et Wotherspoon, 1993; York, 1990). Cette évolution favorisant la confrontation des cultures et le changement s’est généralement effectuée selon un rythme imposé par des intérêts étrangers, à l’extérieur des collectivités autochtones. Pour des groupes autochtones appartenant à des sociétés de chasseurs et de cueilleurs où tout était organisé au niveau de la famille élargie, de clans, de bandes ou de tribus, ces changements ont été particulièrement profonds. Dans la plupart des cas, ils étaient habitués à la mobilité, à des déplacements dans de vastes territoires ayant un faible nombre d’habitants et des systèmes sociaux relativement non structurés. L’évolution vers la sédentarisation a transformé toutes ces dimensions de la vie traditionnelle. Des communautés de centaines 70
71 Chapitre 4 ou de quelques milliers de personnes non apparentées vivant dans des logements surpeuplés au sein d’un système complexe constitué de nouvelles institutions politiques et bureaucratiques qui restreignent la liberté d’action correspondent à la réalité actuelle d’une grande partie d’Autochtones. Ces modifications ont perturbé le rôle, l’identité et le mode d’interaction traditionnels, ainsi que l’entraide et les réseaux de soutien. Le taux croissant de suicides et d’autres problèmes sociaux et psychologiques chez les peuples autochtones du monde entier ont été attribués à des changements de cette nature (Leineweber et coll., 2001; Leineweber et Arensman, 2003). Acculturation « Acculturation » est un terme s’appliquant à l’adaptation des personnes à une culture étrangère à leur héritage culturel avec laquelle elles sont en contact. Berry (1993) indique qu’au niveau du groupe, l’acculturation peut entraîner de nombreux types de changements : 1) des changements dans l’environnement physique, notamment la localisation, l’habitat, la densité de la population, l’urbanisation, la dégradation de l’environnement et la pollution; 2) des changements biologiques au niveau de l’état nutritionnel et de la susceptibilité aux maladies transmissibles; 3) des changements politiques ayant pour effet de transformer ou de faire disparaître les structures du pouvoir existantes et de les soumettre à la société dominante; 4) des changements économiques influant sur les habitudes de subsistance et de travail; 5) des changements culturels touchant la langue, la religion, l’éducation et les pratiques et institutions d’ordre technique; 6) des changements sur le plan des relations sociales, notamment une évolution des relations intergroupes et intragroupes. Berry (1976; 1985) a décrit quatre modes de comportement différents comme réactions à l’acculturation : l’intégration, l’assimilation, la séparation et la marginalisation. Le choix (ou l’émergence) d’une réaction particulière en fonction de la tension créée par l’acculturation est fondé sur deux variables : 1) soit que la culture traditionnelle et l’identité sont valorisées et, par conséquent, valent la peine d’être conservées; 2) soit qu’on vise à avoir des relations positives avec la société dominante. En général, l’intégration et l’assimilation sont considérées comme des résultats positifs par la société dominante – l’intégration est liée à une forme de biculturalisme, alors que l’assimilation représente un changement complet du fait que la personne abandonne sa propre identification à sa culture d’origine pour adopter la culture dominante. En fait, des efforts continus et dynamiques visant à préserver la culture traditionnelle peuvent parfois être une mesure protectrice contre la perturbation causée par un changement culturel trop rapide : [TRADUCTION] Des groupes ayant maintenu une attitude séparationiste comme beaucoup de Pueblos du sud-ouest et les Navajo l’ont fait ont eu un taux de suicide inférieur à celui d’autre Amérindiens confrontés à la tension créée par la modernisation, les changements technologiques et le stress de l’acculturation (Group for the Advancement of Psychiatry, 1989:51).
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Chapitre 4<br />
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système complexe constitué <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> institutions politiques et bure<strong>au</strong>cratiques qui restreignent la<br />
liberté d’action correspon<strong>de</strong>nt à la réalité actuelle d’une gran<strong>de</strong> partie d’<strong>Autochtones</strong>. Ces modifications ont<br />
perturbé le rôle, l’i<strong>de</strong>ntité et le mo<strong>de</strong> d’interaction traditionnels, ainsi que l’entrai<strong>de</strong> et <strong>les</strong> rése<strong>au</strong>x <strong>de</strong> soutien.<br />
Le t<strong>au</strong>x croissant <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>s et d’<strong>au</strong>tres problèmes soci<strong>au</strong>x et psychologiques <strong>chez</strong> <strong>les</strong> peup<strong>les</strong> <strong>au</strong>tochtones<br />
du mon<strong>de</strong> entier ont été attribués à <strong>de</strong>s changements <strong>de</strong> cette nature (Leineweber et coll., 2001; Leineweber<br />
et Arensman, 2003).<br />
Acculturation<br />
« Acculturation » est un terme s’appliquant à l’adaptation <strong>de</strong>s personnes à une culture étrangère à leur héritage<br />
culturel avec laquelle el<strong>les</strong> sont en contact. Berry (1993) indique qu’<strong>au</strong> nive<strong>au</strong> du groupe, l’acculturation peut<br />
entraîner <strong>de</strong> nombreux types <strong>de</strong> changements :<br />
1) <strong>de</strong>s changements dans l’environnement physique, notamment la localisation, l’habitat, la <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> la<br />
population, l’urbanisation, la dégradation <strong>de</strong> l’environnement et la pollution;<br />
2) <strong>de</strong>s changements biologiques <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> <strong>de</strong> l’état nutritionnel et <strong>de</strong> la susceptibilité <strong>au</strong>x maladies<br />
transmissib<strong>les</strong>;<br />
3) <strong>de</strong>s changements politiques ayant pour effet <strong>de</strong> transformer ou <strong>de</strong> faire disparaître <strong>les</strong> structures du<br />
pouvoir existantes et <strong>de</strong> <strong>les</strong> soumettre à la société dominante;<br />
4) <strong>de</strong>s changements économiques influant sur <strong>les</strong> habitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> subsistance et <strong>de</strong> travail;<br />
5) <strong>de</strong>s changements culturels touchant la langue, la religion, l’éducation et <strong>les</strong> pratiques et institutions<br />
d’ordre technique;<br />
6) <strong>de</strong>s changements sur le plan <strong>de</strong>s relations socia<strong>les</strong>, notamment une évolution <strong>de</strong>s relations intergroupes<br />
et intragroupes.<br />
Berry (1976; 1985) a décrit quatre mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> comportement différents comme réactions à l’acculturation :<br />
l’intégration, l’assimilation, la séparation et la marginalisation. Le choix (ou l’émergence) d’une réaction<br />
particulière en fonction <strong>de</strong> la tension créée par l’acculturation est fondé sur <strong>de</strong>ux variab<strong>les</strong> :<br />
1) soit que la culture traditionnelle et l’i<strong>de</strong>ntité sont valorisées et, par conséquent, valent la peine d’être<br />
conservées;<br />
2) soit qu’on vise à avoir <strong>de</strong>s relations positives avec la société dominante.<br />
En général, l’intégration et l’assimilation sont considérées comme <strong>de</strong>s résultats positifs par la société<br />
dominante – l’intégration est liée à une forme <strong>de</strong> biculturalisme, alors que l’assimilation représente un<br />
changement complet du fait que la personne abandonne sa propre i<strong>de</strong>ntification à sa culture d’origine<br />
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changements technologiques et le stress <strong>de</strong> l’acculturation (Group for the Advancement of<br />
Psychiatry, 1989:51).