Revue internationale d'écologie méditerranéenne International ...
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ANNIK SCHNITZLER, CLAIRE ARNOLD<br />
20<br />
ment moindre que dans les îles <strong>méditerranéenne</strong>s.<br />
La distance par rapport aux continents<br />
africain et européen est le facteur le plus<br />
évident pour cette relative plus grande pauvreté<br />
spécifique.<br />
Les lianes des Canaries sont souvent endémiques,<br />
au niveau du genre (Canarina canariensis<br />
(L) Vatke, Semele androgyna (L)<br />
Kunth), mais le plus souvent au niveau de<br />
l’espèce (Hedera canariensis Willd, Smilax<br />
canariensis Brouss. ex Willd, Rubia fruticosa<br />
Aiton, Rubus bollei Focke, Convolvulus canariensis).<br />
Les espèces à plus large aire de distribution,<br />
et qu’on retrouve également dans le<br />
bassin méditerranéen, sont rares (Galium aparine,<br />
Smilax aspera). La plupart sont sempervirentes<br />
sclérophylles, mais certaines présentent<br />
des adaptations à la chaleur estivale telles<br />
que la perte partielle des feuilles l’été (chez<br />
Canarina canariensis, seul un toupet de<br />
feuilles apicales subsiste durant cette saison)<br />
ou partiellement sempervirent (Rubia fruticosa<br />
Aiton ssp periclymenum par exemple<br />
n’est pérenne que pour ses parties basses).<br />
Tamus edulis Lowe disparaît totalement<br />
durant l’été, montrant un comportement rare<br />
pour une liane géophyte. Myrsiphyllum asparagoïdes<br />
Willdest décidu, perdant ses feuilles<br />
l’été (del Arco Aguilar, communication<br />
écrite).<br />
Les données phytosociologiques des forêts<br />
<strong>méditerranéenne</strong>s du monde sont rares, ce qui<br />
ne permet pas de comparaisons poussées. En<br />
Californie, dans la Sierra Nevada, la richesse<br />
spécifique est relativement limitée : 8 espèces<br />
dont 3 lianes phanérophytes décidues (Vitis<br />
californica Benth, Toxicodendron diversilobum<br />
Greene, Clematis ligusticifolia Nutt.).<br />
Les proportions de lianes sont respectivement<br />
de 9,3 % dans les chênaies sclérophylles et<br />
semi-caducifoliées et 6,3 % dans les forêts de<br />
conifères (Pinus, Cupressus, Abies et Juniperus)<br />
(Quézel & Shevock 1982). En Australie<br />
occidentale et en Afrique du Sud, les lianes<br />
sont aussi peu nombreuses (Rundel & Franklin<br />
1991). En revanche, les forêts <strong>méditerranéenne</strong>s<br />
du Chili sont plus riches avec une<br />
proportion globale de 13 % sur l’ensemble de<br />
la flore forestière et une richesse moyenne de<br />
15 lianes par communauté forestière. Les<br />
lianes sont essentiellement sempervirentes et<br />
incluent une proportion non négligeable de<br />
malacophylles, du fait que l’influence maritime<br />
humide persiste même dans ces biomes<br />
(Amigo-Vásquez, communication personnelle).<br />
Lianes et forêts primaires<br />
Les conditions écologiques des lianes du bassin<br />
méditerranéen étaient différentes dans les<br />
forêts primaires. Sans l’homme en effet, le<br />
bassin méditerranéen présenterait une couverture<br />
forestière étendue des sols profonds<br />
hérités des périodes postglaciaires, un microclimat<br />
forestier plus humide, et pour les forêts<br />
de plaine, une composition taxonomique différente.<br />
Les feux y étaient également bien<br />
moins fréquents (Aubert & Thinon 1981 ;<br />
Barbero 1990 ; Barbero & Quézel 1994 ; Quézel<br />
& Médail 2003).<br />
Les populations de lianes, installées dans les<br />
chablis, les ruptures de canopée, les écotones,<br />
ou végétant dans les sous-bois étaient cependant<br />
régulièrement rajeunies par les événements<br />
sylvigénétiques de type biologique<br />
(chutes de porteurs, abroutissement) ou climatique<br />
(tempête, feu), à des fréquences<br />
variables en fonction des périodes climatiques.<br />
Au regard des observations effectuées<br />
dans des forêts en bon état de conservation,<br />
on peut supposer que les lianes présentaient<br />
toutes les classes de diamètre et de longueur.<br />
Il est hautement probable que les individus<br />
atteignaient des âges plus avancés, notamment<br />
parmi les phanérophytes, ainsi qu’on peut<br />
l’observer dans les forêts <strong>méditerranéenne</strong>s<br />
après quelques décennies d’abandon (observations<br />
personnelles pour le lierre dans la chênaie<br />
caduque de la forêt de Païolive en<br />
Ardèche ; pour la vigne sauvage dans la chênaie<br />
sclérophylle de la réserve Monte Arcosu<br />
ou des fonds de ravin « oubliés » des hommes<br />
en Sardaigne, mais aussi dans la forêt alluviale<br />
à peupliers blancs en Camargue à Tourtoulen,<br />
laissée en libre évolution depuis<br />
quelques décennies). Lorsque les phanérophytes<br />
vieillissent et s’étendent dans les sousbois<br />
et les chablis, ils finissent par occuper<br />
des espaces considérables.<br />
Ces situations ont disparu avec la fragmentation<br />
des forêts, leur rajeunissement trop<br />
rapide, les modifications des sols et de la<br />
composition taxonomique. L’homme agit fortement<br />
sur les communautés de lianes forestières<br />
en favorisant les espèces adaptées à des<br />
stress et/ou de perturbations élevés, par les<br />
feux, la coupe et le pâturage sous forêt.<br />
Une nouvelle situation écologique se profile<br />
dans les décennies à venir, avec la concurrence<br />
des lianes exotiques. Clairement, le<br />
nombre d’espèces et l’abondance des lianes<br />
augmente en zone tempérée en réponse aux<br />
ecologia mediterranea – Vol. 36 (1) – 2010