Vol. 32 – 2006 - Ecologia Mediterranea
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PIERRE GRILLET, MARC CHEYLAN, FRANÇOIS DUSOULIER<br />
70<br />
Porquerolles (1 250 ha), elle était donnée<br />
commune au début du XX e siècle. Elle s’y est<br />
éteinte au début des années 2000 du fait sans<br />
doute de l’évolution défavorable des habitats<br />
(Cheylan & Grillet 2005). Sur Berlenga<br />
(70 ha), la population était constituée d’environ<br />
180 individus au milieu des années 1980<br />
(Paulo 1988). Elle s’est éteinte en 2005 (soit<br />
20 ans plus tard), alors que Paulo (1988) estimait<br />
son extinction dans 50 années sur la base<br />
d’une modélisation démographique. Ces trois<br />
exemples montrent qu’un territoire compris<br />
entre 70 et 1 250 ha ne garantit pas la survie<br />
à long terme d’une population. Si l’on considère<br />
que les populations connues actuellement<br />
entre le Lot et la Charente-Maritime (à<br />
l’exception du site de Bussac) occupent des<br />
habitats qui n’excèdent pas une cinquantaine<br />
d’hectares, on peut affirmer que le risque de<br />
voir disparaître ces populations est très fort,<br />
même dans le cas d’interventions en faveur de<br />
l’espèce. Les effets de la réduction et de la<br />
fragmentation des habitats sur le déclin d’une<br />
espèce sont à présent bien connus (voir Fahrig<br />
2003 pour une synthèse sur le sujet). Chez<br />
une espèce de lézard Psammodromus algirus,<br />
Diaz et al. (2000) ont mis en évidence des<br />
processus d’extinction sur des sites fragmentés<br />
de moins de 90 ha, confirmant l’idée de<br />
risques d’extinction forts en deçà de 100 ha<br />
chez certaines populations de lézards.<br />
L’isolement et la régression des habitats favorables<br />
posent donc de sérieux problèmes de<br />
conservation pour le Lézard ocellé dans un<br />
échéancier temporel assez bref. Les modèles<br />
d’expansion géographique liés au réchauffement<br />
climatique ne semblent donc pas applicables<br />
à cette espèce, ce qui rejoint les<br />
constats formulés par Samways (2005) sur les<br />
insectes sténoèces. Dans un paysage fragmenté,<br />
les espèces spécialisées dans un type<br />
d’habitats seront en effet inaptes à s’ajuster<br />
aux changements climatiques, ou à trouver<br />
des habitats de substitution (Mac Nally &<br />
Brown 2001). De fait, le créneau est étroit<br />
pour que la disponibilité des habitats coïncide<br />
avec le rythme du changement climatique.<br />
Les effets écologiques du changement climatique<br />
pourraient de ce fait s’avérer catastrophiques<br />
(Samways 2005), notamment pour<br />
les espèces disposant de faibles capacités de<br />
dispersion. Pour certains groupes d’insectes,<br />
la fragmentation et la régression des habitats<br />
qui leur sont spécifiques ont un impact plus<br />
important que les effets directs du changement<br />
climatique global (Desender et al. 1994 ;<br />
Dusoulier 1999). Ce constat rejoint les<br />
conclusions plus générales faites par Sala et<br />
al. (2000) qui donnent une prédominance au<br />
changement d’utilisation des terres sur le<br />
changement climatique pour ce qui concerne<br />
les pertes de biodiversité à l’échelle globale.<br />
Conclusion<br />
La survie des populations de Lézard ocellé<br />
situées entre le Lot et la Charente-Maritime<br />
semble aujourd’hui fortement compromise.<br />
Ce constat est alarmant si l’on tient compte<br />
du fait que tous les sites qu’elles occupent ont<br />
été identifiés en tant que Zone naturelle d’intérêt<br />
écologique floristique et faunistique<br />
(ZNIEFF) et que 4 d’entre eux (Borrèze, La<br />
Rochebeaucourt, Marsac, Bussac) font partie<br />
du réseau Natura 2000. Ceci montre que le<br />
maintien en l’état d’espaces relictuels et isolés<br />
n’est pas à même d’assurer la survie à long<br />
terme de certaines populations animales. Seul<br />
le site de Borrèze, associé à un réseau de sites<br />
de pelouses sèches, pourra peut-être conserver<br />
une population viable de cette espèce dans<br />
le futur. Face à ce constat, il apparaît urgent<br />
d’engager une véritable politique de conservation<br />
des pelouses sèches en France. Cette<br />
politique devra prendre en compte les aspects<br />
économiques liés à la gestion de ces sites,<br />
comme par exemple le maintien de pratiques<br />
agro-pastorales. Il semble également important<br />
de sauvegarder les habitats périphériques<br />
à topoclimats différenciés afin de permettre<br />
aux populations de résister à des facteurs stochastiques<br />
de grande ampleur (Kindvall,<br />
1995, 1996). Cette précaution est indispensable<br />
afin d’assurer des connexions avec des<br />
milieux hétérogènes. La mise à disposition de<br />
véritables réseaux de sites permettra de garantir,<br />
sinon maximaliser, la pérennité de populations<br />
animales à fort intérêt patrimonial.<br />
Bibliographie<br />
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ecologia mediterranea <strong>–</strong> <strong>Vol</strong>. <strong>32</strong> <strong>–</strong> <strong>2006</strong>