Revue internationale d'écologie méditerranéenne International ...
Revue internationale d'écologie méditerranéenne International ...
Revue internationale d'écologie méditerranéenne International ...
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
176<br />
◆ L. ABDALLAH, M. CHAIEB & E. LE FLOC’H<br />
sur d’autres espèces xérophiles, soit au système racinaire<br />
à la fois superficiel, traçant et pivotant, permettant d’explorer<br />
un volume de sol maximum (Turner, 1982) et de<br />
bénéficier d’un apport d’eau suffisant même en zone<br />
aride et saharienne (Shmida & Burgess, 1988).<br />
Ce caractère permet donc à l’espèce de se comporter<br />
comme une arido-active (Evenari et al., 1982). Cette<br />
stratégie est connue chez d’autres espèces de la famille<br />
des Fabaceae, et plus précisément chez Retama raetam<br />
et Astragalus armatus subsp. armatus (Chaieb, 1997).<br />
Toutefois, après une longue période sèche (6 à 10 mois),<br />
le rythme biologique du S. saharae est profondément<br />
affecté par le stress, et les précipitations qui succèdent à<br />
cette période sèche ne semblent pas réussir à remédier à<br />
l’effet antécédent du stress. L’arrêt de croissance se poursuit<br />
alors durant quelques semaines encore. Cet effet a<br />
également été constaté par Ansley et al. (1992) chez<br />
Prosopis glandulosa et qualifié de phénomène d’“histoire<br />
de stress”.<br />
Le système racinaire de C. comosum n’est ni traçant<br />
ni pivotant et ce taxon se révèle plutôt relativement<br />
sensible vis-à-vis du déficit hydrique, par comparaison<br />
avec son comportement en conditions plus pluvieuses.<br />
L’architecture et la structure de son système racinaire ne<br />
lui permettant pas de subvenir aux besoins transpiratoires<br />
de sa phytomasse aérienne ; il se comporte alors en aridopassif<br />
(Evenari et al., 1982), en perdant à priori toute possibilité<br />
de photosynthèse durant la saison défavorable.<br />
Ce constat est conforté par les mesures attestant de<br />
la chute de son potentiel hydrique même suite à certaines<br />
précipitations qui, trop faibles, n’humectent que<br />
les couches superficielles du sol, dépourvues de racines<br />
traçantes. Il faut cependant signaler la réponse immédiate<br />
du C. comosum aux précipitations supérieures à<br />
10 mm. Cette réponse apparaît à travers l’augmentation<br />
brusque de son potentiel hydrique, qui cependant chute<br />
à nouveau après la pluie. Sous conditions d’humidité<br />
saturante, Ourcival et al. (1994) ont constaté le même<br />
phénomène d’augmentation brusque du potentiel hydrique<br />
chez Anthyllis sericea subsp. henoniana dans le sud<br />
de la Tunisie. Ceci n’est à priori pas rare en zones aride<br />
et saharienne, mais mérite cependant d’être vérifié par<br />
d’autres séries d’observations. Le même constat a été<br />
fréquemment observé par Zâafouri (1993), qui signale<br />
une brusque augmentation du potentiel hydrique chez<br />
les genres Prosopis et Acacia, suite à des faibles précipitations<br />
en zone aride de Tunisie. Sous ce même bioclimat,<br />
Chaieb (1989, 1993) a constaté le même phénomène,<br />
mais sur des graminées pérennes et non pas sur des<br />
arbustes. D’après cet auteur, le potentiel hydrique de<br />
Stipa lagascae augmente de –2 MPa à –0,5 MPa suite<br />
à une pluviosité de quelques millimètres seulement. Le<br />
système racinaire semble jouer un rôle important au<br />
niveau du statut hydrique des xérophytes. Ce système<br />
racinaire présente chez la plupart des espèces de la zone<br />
aride (Ben Dali, 1987) un dimorphisme marqué, par<br />
la présence de racines très superficielles qui exploitent<br />
même l’humidité provenant de la condensation nocturne<br />
de la vapeur d’eau, et de racines pivotantes aptes à aller<br />
chercher l’eau dans les couches profondes du sol.<br />
La sensibilité du C. comosum vis-à-vis de la sécheresse<br />
(par comparaison avec S. saharae) se traduit également<br />
par sa réponse phénologique. La croissance ainsi que la<br />
floraison de ce taxon sont limitées à la période favorable<br />
(humidité suffisante dans le sol et température adéquate).<br />
En revanche, S. saharae a un rythme biologique qui coïncide<br />
plutôt avec la période chaude (Badalotti et al., 2000).<br />
La coexistence de ces deux taxons au sein d’un même<br />
écosystème pourrait être signe d’une complémentarité<br />
fonctionnelle. Cette complémentarité garantit un partage<br />
adéquat des ressources en eau du sol dans un environnement<br />
marqué par le déficit hydrique permanent. Les<br />
bienfaits de ce partage sont recherchés en écologie de la<br />
restauration, dans la mesure où il constitue une condition<br />
nécessaire pour le maintien de l’équilibre écologique et<br />
surtout le succès des éventuelles actions de restauration<br />
(Aronson et al., 1994).<br />
CONCLUSIONS<br />
En dépit du manque d’information relative à la variation<br />
spatio-temporelle du stock hydrique du sol ainsi qu’à<br />
la conductance stomatique, le suivi de la phénologie de<br />
S. saharae et de C. comosum et la caractérisation de leur<br />
état hydrique ont permis d’établir des stratégies propres<br />
d’adaptation de ces deux taxons aux conditions climatiques<br />
hyper-arides, qui prévalent dans la zone d’étude.<br />
S. saharae, grâce a son système racinaire à la fois<br />
traçant et pivotant, semble mieux valoriser les faibles<br />
précipitations qui apparaissent occasionnellement dans<br />
cette région saharienne. Pourvue des feuilles réduites en<br />
écailles, S. saharae n’a qu’une surface transpirante réduite,<br />
lui permettant d’ajuster son transfert hydrique tout en<br />
restant active sur le plan photosynthétique durant presque<br />
toute l’année. Ce taxon constitue ainsi une certaine<br />
réserve pastorale pour les animaux, et par son aptitude<br />
à fixer l’azote atmosphérique, contribue à l’amélioration<br />
de la fertilité du sol.<br />
ecologia mediterranea, tome 29, fascicule 2, 2003