Revue internationale d'écologie méditerranéenne International ...
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◆ M. BARBERO<br />
L’étage montagnard montre une grande diversité de<br />
situations avec, en particulier, l’extension importante d’un<br />
montagnard-méditerranéen très original dans toute sa<br />
séquence de pelouses écorchées, de garrigues à Juniperus<br />
hemisphaerica et de pinèdes de pin sylvestre localement<br />
infiltrées de pin à crochets. Les groupements qui se développent<br />
dans cet étage sont en tous points voisins de ceux<br />
de l’Espagne nord-occidentale et vicariants de ceux des<br />
montagnes des Balkans. Il faut insister sur la présence<br />
remarquable d’espèces très intéressantes du point de<br />
vue biogéographique (Eryngium spinalba, Knautia mollis,<br />
Sesleria argentea, Chamaecytisus polytrichus). Le montagnard<br />
interne est également caractérisé en Ubaye par des<br />
pinèdes à Ononis s’encartant dans les Pino-Juniperetea et<br />
des pelouses du Stipo-Poion xerophilae qui atteignent facilement<br />
1900 m d’altitude, avec notamment la présence<br />
de Astragalus alopecuroides.<br />
Quant au montagnard mésophile et méso-xérophile<br />
plus « classique » des Alpes, il apparaît, ici, bien caractérisé<br />
avec la diversité de ses pinèdes mésophiles riches<br />
notamment à Erica carnea dans les Alpes de Tende et dans<br />
les vallées Grana et Maira, ainsi que celle de la pessièresapinière<br />
caractérisée par ses niveaux intermédiaires. A<br />
noter en Ubaye, la timide expression dans les amonts des<br />
vallées latérales, en adrets, de pessières xérophiles internes<br />
à Arctostaphylos uva-ursi.<br />
L’étage subalpin offre une diversité tout aussi remarquable<br />
avec l’extension de sapinières à rhododendron<br />
dans le subalpin mésophile (surtout au nord de la chaîne),<br />
des pessières subalpines qui en sont le vicariant au sud.<br />
La série du cembro-mélèze revêt toute la diversité et le<br />
caractère multiforme qu’on lui connaît partout ailleurs<br />
dans les Alpes. Quant aux influences <strong>méditerranéenne</strong>s,<br />
elles restent bien marquées au sud de la chaîne avec les<br />
peuplements de la série méridionale du pin à crochets qui<br />
présentent, à leur niveau, l’extension de belles formations<br />
de pelouses écorchées et la remontée altitudinale d’espèces<br />
comme Lavandula angustifolia, Rhamnus saxatilis,<br />
Rhamnus alpina, Juniperus thurifera, Rosa montana, Rosa<br />
pimpinellifolia. De telles situations apparaissent aussi en<br />
zone continentale de l’Ubaye, dans la série interne du pin<br />
à crochets avec des associations où se mélangent jusque<br />
vers 2200-2300 m des caractéristiques de pelouses écorchées<br />
(Helictotrichon parlatorei, Astragalus sempervirens)<br />
et des espèces xérophiles internes (Carex nitida, Koeleria<br />
pyramidata, Helianthemum grandiflorum, Festuca valesiaca).<br />
Il est évident aussi qu’on ne saurait clore cette conclusion<br />
biogéographique sans faire référence à l’originalité de la<br />
série du pin mugho, vicariante de celle des Alpes orientales<br />
et des Balkans.<br />
Les tableaux récapitudatifs 1, 2 et 3 montrent les affinités<br />
biogéographiques des principales séries. Au delà des<br />
caractères biogéographiques originaux des Alpes maritimes,<br />
on insistera en conclusion sur les grandes tendances<br />
actuelles de la sylvigénèse en relation avec l’écroulement<br />
du système agro-sylvo-pastoral traditionnel ayant des<br />
effets sur la progression de la plupart des essences forestières<br />
et notamment, celle du pin sylvestre et du mélèze<br />
qui traduit bien ce phénomène.<br />
Les principales cultures avaient été étendues sur<br />
restanques dans les séries du chêne pubescent et même,<br />
assez nettement, dans la série supérieure du pin sylvestre,<br />
jusque vers 1 700-1 800 m dans les Alpes maritimes occidentales<br />
et à un moindre degré dans les Alpes tendasques.<br />
Ce système cultural d’adret était complété par un système<br />
pastoral, sur les terrains les plus ingrats de basse altitude<br />
et sur l’ensemble des sols à plus haute altitude, avec quasi<br />
élimination des conifères produisant des litières à mor<br />
(comme le pin sylvestre, le pin à crochets et l’arole) et<br />
qui avaient été épargnés dans des refuges situés dans les<br />
zones subrupicoles.<br />
Les mélézins, compte tenu de leur compatibilité avec<br />
l’existence d’une strate herbacée de qualité, avaient été<br />
traditionnellement bien protégés et étendus à basse altitude,<br />
dans les zones du sapin et de l’épicéa ; ils étaient<br />
souvent gérés en prairies de fauche avant de servir de<br />
parcours en automne. L’importance des faciès à mélèze<br />
dans différentes séries et des mélézins sur pelouses, dans<br />
la sous-série mésophile et dans la sous-série inférieure de<br />
la série du cembro-mélèze, traduit bien le poids que ces<br />
peuplements ont joué dans l’économie sylvopastorale de<br />
toutes les montagnes des Alpes maritimes.<br />
Un autre ensemble forestier avait été également privilégié<br />
au maximum dans les Alpes maritimes : la châtaigneraie.<br />
Cet écosystème était bien développé en Piémont,<br />
dans les stations mésoxérophiles et mésophiles, avec les<br />
châtaigneraies fruitières, cultivées ou fauchées, liées à la<br />
série acidophile du chêne sessile et les taillis, plus particulièrement<br />
liées à la série du charme. Au contraire, sur<br />
le versant sud, partout où les substrats siliceux affleurent<br />
en Roya, Vésubie et Tinée, les châtaigneraies fruitières ont<br />
été favorisées avec de savants systèmes d’irrigation allant<br />
chercher l’eau partout dans la montagne. A ce niveau, le<br />
noyer avait aussi été favorisé : la prairie de fauche associée<br />
au sous-bois répondait aux exigences de nourriture du<br />
bétail de somme.<br />
L’homme vivait en autarcie, sur des écosystèmes dans<br />
des montagnes isolées et manifestement beaucoup plus<br />
dégradées qu’aujourd’hui. D’ailleurs, la limite forestière<br />
avait été volontairement abaissée et des versants étaient<br />
ecologia mediterranea, tome 29, fascicule 2, 2003