ACTIVITES DE RECHERCHE Dynamique de la végétation ... - Ecobio
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<strong>ACTIVITES</strong> <strong>DE</strong> <strong>RECHERCHE</strong><br />
<strong>Dynamique</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>végétation</strong> et <strong>de</strong>s échanges inter-systèmes dans un pol<strong>de</strong>r<br />
reconnecté à <strong>la</strong> mer.<br />
Eléments pour <strong>la</strong> restauration <strong>de</strong>s fonctions écologiques d'un marais salé.<br />
CONTEXTE GENERAL<br />
Le rôle <strong>de</strong>s marais salés pour le fonctionnement écologique <strong>de</strong>s zones côtières a<br />
<strong>la</strong>rgement été démontré lors <strong>de</strong>s 20 <strong>de</strong>rnières années. Or ces milieux ont été pour beaucoup<br />
détruits par <strong>de</strong>s aménagements du littoral, dont les endiguements, en vue <strong>de</strong> gagner <strong>de</strong>s terres<br />
sur <strong>la</strong> mer. Ces nouvelles terres sont désignées par le terme néer<strong>la</strong>ndais pol<strong>de</strong>r. Actuellement<br />
<strong>la</strong> ré-ouverture <strong>de</strong> pol<strong>de</strong>rs à <strong>la</strong> mer est utilisée par <strong>de</strong> nombreux pays en Europe et en<br />
Amérique du Nord comme mesure <strong>de</strong> restauration <strong>de</strong> marais salés. Le but est notamment <strong>de</strong><br />
protéger les côtes <strong>de</strong> l'élévation du niveau <strong>de</strong>s mers, <strong>de</strong> restaurer les fonctions écologiques<br />
perdue lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>structions <strong>de</strong> marais salés ou <strong>de</strong> préserver le patrimoine naturel.<br />
En France, <strong>la</strong> baie <strong>de</strong>s Veys, dans le Cotentin, connaît un très fort taux <strong>de</strong><br />
sédimentation et une diminution générale <strong>de</strong> sa productivité. Ces <strong>de</strong>ux facteurs peuvent être<br />
imputés à une poldérisation importante ayant abouti à une forte diminution <strong>de</strong>s zones <strong>de</strong><br />
marais salés. Une <strong>de</strong>s solutions envisagées afin <strong>de</strong> résoudre ces problèmes écologiques est<br />
l’ouverture <strong>de</strong> pol<strong>de</strong>rs à <strong>la</strong> mer.<br />
Les travaux <strong>de</strong> ma thèse visaient à évaluer si l'ouverture partielle d'un pol<strong>de</strong>r à <strong>la</strong> mer<br />
permet <strong>de</strong> restaurer <strong>la</strong> structure <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>végétation</strong> et certaines fonctions propres à un marais<br />
salé. Cette étu<strong>de</strong> s'est déroulée sur le pol<strong>de</strong>r du Carmel, situé en Baie <strong>de</strong>s Veys et<br />
partiellement reconnecté à <strong>la</strong> mer en 1991 par l'ouverture d'un c<strong>la</strong>pet. Ce pol<strong>de</strong>r est ainsi<br />
régulièrement mais faiblement inondé par les marées.<br />
Ce travail s'est focalisé sur trois axes: 1) <strong>la</strong> dynamique <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>végétation</strong> dans le pol<strong>de</strong>r<br />
<strong>de</strong>puis sa reconnection à <strong>la</strong> mer, 2) <strong>la</strong> dispersion <strong>de</strong> propagules au sein du pol<strong>de</strong>r comme<br />
élément explicatif <strong>de</strong> <strong>la</strong> dynamique végétale et 3) <strong>la</strong> dynamique <strong>de</strong>s flux <strong>de</strong> matières (azote<br />
minéral, carbone organique dissous et sédiments) entre le pol<strong>de</strong>r et les eaux côtières en vue<br />
d'établir un budget annuel <strong>de</strong> ces flux. L'ensemble <strong>de</strong>s résultats a permit d'envisager différents<br />
scénarii <strong>de</strong> gestion en fonction <strong>de</strong> l'objectif désiré: restauration d'un marais salé fonctionnel ou<br />
réhabilitation du site.
RESULTATS PRINCIPAUX<br />
1) <strong>Dynamique</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>végétation</strong> et <strong>de</strong> sa production dans le pol<strong>de</strong>r partiellement connecté<br />
à <strong>la</strong> mer.<br />
De nombreuses étu<strong>de</strong>s ont montré que l'ouverture d'un pol<strong>de</strong>r à <strong>la</strong> mer entraîne dans <strong>la</strong><br />
gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s cas <strong>la</strong> sénescence <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>végétation</strong> en p<strong>la</strong>ce et l'apparition d'une <strong>végétation</strong><br />
halophile (Eertman et al., 2002; Thom et al., 2002; Wolters et al., 2005b parmi d'autres).<br />
Dans le pol<strong>de</strong>r du Carmel <strong>la</strong> dynamique <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>végétation</strong> a été étudiée à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
cartographies réalisées en début (2002) et en fin d'étu<strong>de</strong> (2004) comparées à une carte<br />
antérieure à l'étu<strong>de</strong> réalisée 5 ans après l'ouverture du pol<strong>de</strong>r à <strong>la</strong> mer. Des transects et<br />
p<strong>la</strong>cettes permanentes p<strong>la</strong>cées dans trois zones du site présentant une zonation simi<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
<strong>végétation</strong> et relevés chaque été durant l'étu<strong>de</strong> sont venus compléter ces données.<br />
Une première étu<strong>de</strong> du site réalisée en 1998 suite à l’abaissement récent du niveau<br />
d’eau dans le pol<strong>de</strong>r, mettait en évi<strong>de</strong>nce <strong>la</strong> colonisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong> <strong>la</strong> surface du pol<strong>de</strong>r<br />
par <strong>de</strong>s halophytes (Daudon, 1998). Ces communautés ont nettement régressé <strong>de</strong>puis cette<br />
date, régression se poursuivant en 2004 lors <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers relevés. Cette dynamique peut être<br />
imputée à une modifications <strong>de</strong>s conditions abiotiques liée à <strong>la</strong> diminution du niveau d'eau<br />
minimum dans le pol<strong>de</strong>r. Une baisse <strong>de</strong> <strong>la</strong> salinité du sol, en particulier, semble avoir modifié<br />
<strong>la</strong> ba<strong>la</strong>nce compétitive entre les halophytes et les sub-halophytes, favorisant <strong>la</strong> progression<br />
vers le bas <strong>de</strong> pente <strong>de</strong>s secon<strong>de</strong>s. Cette dynamique n’est pas sans rappeler celle <strong>de</strong>s marais<br />
salés où <strong>la</strong> répartition <strong>de</strong>s espèces végétales s'effectue en fonction <strong>de</strong> <strong>la</strong> capacité compétitrice<br />
<strong>de</strong>s différentes espèces qui fixe les limites hautes <strong>de</strong>s communautés et par <strong>la</strong> tolérance aux<br />
conditions abiotiques (salinité et inondation principalement) qui fixe les limites basses le long<br />
d'un gradient topographique (Bertness & Ellison, 1987; Pennings & Cal<strong>la</strong>way, 1992;<br />
Pennings et al., 2005).<br />
Dans les zones occupées par <strong>de</strong>s halophytes en 2004, toutes les espèces cibles pour <strong>la</strong><br />
restauration d'un marais salé sont présentes à l'exception d'Atriplex portu<strong>la</strong>coi<strong>de</strong>s. Le<br />
recouvrement <strong>de</strong> Puccinellia maritima et <strong>de</strong> Spartina anglica augmente, ce qui peut être<br />
assimilé à une dynamique successionnelle <strong>de</strong> zone pionnière <strong>de</strong> marais salé. Toutefois, les<br />
recouvrements <strong>de</strong>s différentes espèces présentes restent très faibles par rapport à ceux<br />
observés dans les marais salés <strong>de</strong> <strong>la</strong> baie. A l'opposé, Salicornia spp. occupe <strong>la</strong> majeure partie<br />
<strong>de</strong>s zones les plus basses et a <strong>de</strong>s pourcentages <strong>de</strong> recouvrement avoisinants les 80% alors<br />
qu'elle est très peu fréquente dans <strong>la</strong> baie.<br />
Malgré <strong>de</strong>s conditions favorables au premier abord à <strong>la</strong> restauration <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>végétation</strong><br />
d'un marais salé dans le pol<strong>de</strong>r du Carmel, <strong>la</strong> dynamique végétale observée est donc opposée<br />
aux attentes. La dynamique actuelle, à l'exception <strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s niveaux topographiques les<br />
plus bas, s'apparente plutôt à celle observée dans les marais salés nouvellement endigués<br />
(Bouzillé, 1992). Ce type <strong>de</strong> déclin <strong>de</strong>s espèces halophiles a également été observé suite à <strong>la</strong><br />
suppression du marnage dans un estuaire <strong>de</strong>s Pays-Bas (Beeftink, 1987). Les conditions<br />
actuelles d'inondation par l'eau <strong>de</strong> mer sont donc insuffisantes pour maintenir une <strong>végétation</strong><br />
halophile sur une gran<strong>de</strong> partie du pol<strong>de</strong>r.<br />
Un suivi <strong>de</strong> <strong>la</strong> production <strong>de</strong> biomasse <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>végétation</strong> du pol<strong>de</strong>r entre 2002 et 2004 a<br />
montré que malgré une différence <strong>de</strong> composition spécifique <strong>de</strong>s communautés et une<br />
évolution spatiale <strong>de</strong> celles-ci, <strong>la</strong> production globale du pol<strong>de</strong>r n’a pas subi <strong>de</strong> variation<br />
significative au cours <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>. L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> répartition <strong>de</strong> matière organique produite dans<br />
le pol<strong>de</strong>r montre que les communautés les plus productives ne sont jamais immergée par l’eau<br />
<strong>de</strong> mer. A l’opposé, les communautés inondées ont une biomasse re<strong>la</strong>tivement faible,<br />
comparable à celle <strong>de</strong> marais salés peu productifs. Cette situation est peu favorable à l’export<br />
<strong>de</strong> matière organique issue <strong>de</strong>s <strong>la</strong> <strong>végétation</strong> sur pied vers les eaux côtières .
2) Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s flux <strong>de</strong> propagules et <strong>de</strong>s conditions abiotiques comme facteurs explicatifs<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> dynamique <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>végétation</strong><br />
Deux facteurs peuvent expliquer <strong>la</strong> différence <strong>de</strong> structure <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>végétation</strong> <strong>de</strong>s zones<br />
inondées du pol<strong>de</strong>r et du marais salé adjacent. Soit elle est liée à un déficit <strong>de</strong> flux <strong>de</strong><br />
propagules <strong>de</strong>s marais salés <strong>de</strong> <strong>la</strong> baie vers le pol<strong>de</strong>r et/ou au sein même du pol<strong>de</strong>r, soit elle<br />
était due à <strong>de</strong>s conditions abiotiques défavorables à l'instal<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> certaines espèces. Afin <strong>de</strong><br />
vérifier ces hypothèses, une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> dispersion <strong>de</strong> propagule <strong>de</strong> <strong>la</strong> baie vers le pol<strong>de</strong>r et au<br />
sein du pol<strong>de</strong>r a été initiée. En parallèle, les condition <strong>de</strong> salinité et <strong>de</strong> saturation en eau du<br />
sol, <strong>de</strong>ux facteurs structurant <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>végétation</strong> <strong>de</strong>s marais salés, ont été étudiés.<br />
L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> dispersion a consisté à piéger les propagules entrant dans le pol<strong>de</strong>r au<br />
niveau <strong>de</strong> l'exutoire unique à l'ai<strong>de</strong> d'un filet à mailles fines. Parallèlement, <strong>de</strong>s piégeage<br />
étaient effectués au niveau du sol à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> carrés d' Astroturf® (Wolters et al., 2004) p<strong>la</strong>cés<br />
à différents niveaux hypsométriques dans <strong>la</strong> zone inondée, afin <strong>de</strong> récolter les graines<br />
dispersées par hydrochorie.<br />
Les résultats ont montré que malgré une faible dispersion <strong>de</strong> propagules <strong>de</strong>s marais<br />
salés <strong>de</strong> <strong>la</strong> baie adjacent vers le pol<strong>de</strong>r, toutes les espèces cibles pour <strong>la</strong> restauration d'un<br />
marais salé entraient portées par le courant <strong>de</strong> flot. Néanmoins toutes ces espèces ne se<br />
retrouvaient pas dispersées dans le pol<strong>de</strong>r. Atriplex portu<strong>la</strong>coi<strong>de</strong>s et Spartina anglica en<br />
particulier étaient absents <strong>de</strong>s pièges à graines. Par ailleurs <strong>la</strong> composition spécifique <strong>de</strong>s flux<br />
<strong>de</strong> graines au sein du pol<strong>de</strong>r ne se reflétait pas au niveau <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>végétation</strong>. L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />
conditions abiotiques le long d'un gradient topographique a montré <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> salinité<br />
extrêmes en bas <strong>de</strong> pente et diminuant rapi<strong>de</strong>ment le long du gradient topographique<br />
expliquant probablement <strong>la</strong> distribution restreinte <strong>de</strong>s halophytes. Par ailleurs une saturation<br />
en eau du bas <strong>de</strong> pente importante tout au long <strong>de</strong> l’année est défavorables à l'instal<strong>la</strong>tion <strong>de</strong><br />
certaines espèces telles que Atriplex portu<strong>la</strong>coi<strong>de</strong>s et dans une moindre mesure Puccinellia<br />
maritima. Ces conditions abiotiques sont liées à l'ouvrage hydraulique qui limite les échanges<br />
d'eau entre <strong>la</strong> baie et le pol<strong>de</strong>r, en empêchant notamment <strong>la</strong> vidange complète du pol<strong>de</strong>r entre<br />
<strong>de</strong>ux pleines mers.<br />
3) <strong>Dynamique</strong> <strong>de</strong>s flux inter-systèmes entre le pol<strong>de</strong>r et <strong>la</strong> baie<br />
Cette partie <strong>de</strong> l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>vait permettre <strong>de</strong> déterminer si les échanges inter-systèmes<br />
mis en évi<strong>de</strong>nce entre le pol<strong>de</strong>r du Carmel et les eaux côtières sont comparable à ceux<br />
observés dans les marais salés.<br />
Depuis les premiers travaux <strong>de</strong> Teal (1962) et Odum (1967) sur les échanges entre les<br />
marais salés et <strong>la</strong> mer, <strong>de</strong> nombreux travaux ont montré que l'hypothèse <strong>de</strong> l'outwelling, selon<br />
<strong>la</strong>quelle les marais salés exportent une gran<strong>de</strong> part <strong>de</strong> <strong>la</strong> matière organique qu'ils produisent<br />
vers <strong>la</strong> baie, ne peut pas être généralisée. En effet il existe une gran<strong>de</strong> variabilité <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature<br />
<strong>de</strong>s flux entre ces <strong>de</strong>ux systèmes. Des synthèses <strong>de</strong>s différentes étu<strong>de</strong>s réalisées sur le sujet<br />
ont permis d'isoler certains facteurs pouvant être à l'origine <strong>de</strong> cette variabilité telles que l'âge<br />
du système, <strong>la</strong> géomorphologie du site, l'amplitu<strong>de</strong> tidale, les évènements météorologiques<br />
exceptionnels, une asymétrie entre les courants <strong>de</strong> flot et les courants <strong>de</strong> jusant et enfin <strong>la</strong><br />
concentration dans l'eau <strong>de</strong> certains éléments tels que l'azote minéral dissous et les sédiments<br />
(Nixon, 1980; Chil<strong>de</strong>rs et al., 2000 ; Valie<strong>la</strong> et al., 2000 ).<br />
Cette forte variabilité rends difficile le calcul d'un budget rigoureux <strong>de</strong>s éléments<br />
échangés entre les marais salés et <strong>la</strong> zones côtière. Aussi, Spurrier & Kjerfve (1988) ont<br />
développé une métho<strong>de</strong> utilisant <strong>de</strong>s données hydro-météorologiques, déterminées à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
régressions multiples, comme variables explicatives <strong>de</strong>s flux observés. Il est ainsi possible
pour chaque marée <strong>de</strong> l'année <strong>de</strong> calculer <strong>la</strong> valeur <strong>de</strong>s flux à partir <strong>de</strong>s variables hydrométéorologiques<br />
dont les mesures sont généralement automatisées. Les bi<strong>la</strong>ns annuels sont<br />
calculés en additionnant <strong>la</strong> valeur <strong>de</strong>s flux <strong>de</strong> chaque marée <strong>de</strong> l'année. Cette technique donne<br />
une bonne estimation <strong>de</strong>s flux annuels (Whiting et al., 1989; Sutu<strong>la</strong> et al., 2003). Elle a été<br />
utilisée dans notre étu<strong>de</strong> qui a été considérablement facilitée par <strong>la</strong> présence d'une exutoire<br />
unique dans le pol<strong>de</strong>r.<br />
Deux étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s échanges <strong>de</strong> matières entre le pol<strong>de</strong>r du Carmel et <strong>la</strong> baie <strong>de</strong>s Veys<br />
ont été réalisées. La première a consisté à suivre systématiquement une marée <strong>de</strong> coefficient<br />
équivalent tous les mois pendant <strong>de</strong>ux ans (d'avril 2002 à mai 2004). Ce suivi visait à mettre<br />
en évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>s fluctuations saisonnières <strong>de</strong>s flux en excluant les variations liées à l'amplitu<strong>de</strong><br />
tidale. La secon<strong>de</strong> étu<strong>de</strong> a consisté à suivre <strong>de</strong>ux cycles mortes eaux/vives eaux en situation<br />
météorologiques contrastées (l'une en février 2004 , l'autre en août 2004) afin <strong>de</strong> déterminer<br />
les variations <strong>de</strong> flux liées à l'amplitu<strong>de</strong> tidale et comparer ses variations dans l'année.<br />
La nature <strong>de</strong>s bi<strong>la</strong>ns observés pour les différents composants étudiés restent<br />
re<strong>la</strong>tivement homogènes dans le temps, que ce soit à l'échelle du cycle mortes eaux/vives eaux<br />
ou <strong>de</strong> l'année. Il existe néanmoins <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s variations saisonnières <strong>de</strong> <strong>la</strong> valeur <strong>de</strong>s flux,<br />
ainsi qu'une variabilité importante d'une marée à l’autre au cours <strong>de</strong>s cycles lunaires.<br />
Ces variations ne sont qu'en partie expliquées par les différences <strong>de</strong> coefficient <strong>de</strong>s<br />
marées. Les autres facteurs ayant un impact sur <strong>la</strong> valeur <strong>de</strong>s échanges inter-systèmes sont <strong>la</strong><br />
géomorphologie du site, les exports issus du bassin versant et certains facteurs hydrométéorologiques.<br />
Les flux entrants sont principalement dépendants <strong>de</strong> l'amplitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s marées<br />
et <strong>de</strong> <strong>la</strong> force du vent. La température est une facteur explicatif <strong>de</strong>s flux <strong>de</strong> nitrates et<br />
d'ammonium, ce qui implique l'intervention d'une activité biologique. Des mesures <strong>de</strong><br />
l’activité <strong>de</strong> dénitrification du sédiment ten<strong>de</strong>nt à montrer que celle-ci peut en gran<strong>de</strong> partie<br />
expliquer <strong>la</strong> rétention <strong>de</strong> nitrates dans le pol<strong>de</strong>r, l’absorption par les ulves, abondantes dans le<br />
retenue d’eau, semb<strong>la</strong>nt peu déterminant. Les flux sortants sont généralement dépendants <strong>de</strong><br />
l'amplitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s marées et <strong>de</strong> <strong>la</strong> pression atmosphérique, ces <strong>de</strong>ux facteurs influençant le<br />
niveau d'eau dans <strong>la</strong> baie et dans le pol<strong>de</strong>r et donc sur les volumes d'eau entrant et sortant du<br />
pol<strong>de</strong>r. La géomorphologie du site et les quantités <strong>de</strong> matières exportées par les bassins<br />
versants interagissent en contribuant à <strong>la</strong> modification <strong>de</strong> <strong>la</strong> concentration en nitrates, en<br />
ammonium et dans une moindre mesure en matière en suspension <strong>de</strong> l'eau entrant dans le<br />
pol<strong>de</strong>r. Ces facteurs déterminent en effet le mé<strong>la</strong>nge eau douce/eau <strong>de</strong> mer dans <strong>la</strong> baie,<br />
l'ampleur du mé<strong>la</strong>nge étant fortement dépendant <strong>de</strong> l'amplitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> marée et du moment<br />
dans le cycle <strong>de</strong> marée ainsi que du débit <strong>de</strong>s rivières.<br />
Les <strong>de</strong>ux étu<strong>de</strong>s ont permit <strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce une rétention annuelle <strong>de</strong> nitrates et<br />
<strong>de</strong> sédiments minéraux et organiques dans le pol<strong>de</strong>r et un export <strong>de</strong> carbone organique<br />
dissous, l'ammonium présentant un budget annuel globalement nul. Ces échanges sont<br />
comparables en nature à ceux observés dans <strong>de</strong>s marais salés jeunes. Néanmoins, les résultats<br />
mettent en évi<strong>de</strong>nce une rétention <strong>de</strong> nitrates par unité <strong>de</strong> surface nettement supérieure aux<br />
valeurs obtenues dans les marais salés. A l'opposé, les exports <strong>de</strong> carbone organique dissous<br />
sont inférieurs à ceux <strong>de</strong> ces milieux. Seuls les budgets re<strong>la</strong>tifs <strong>la</strong> matière en suspension sont<br />
en accord avec ceux observés dans <strong>de</strong>s marais salés <strong>de</strong> faible amplitu<strong>de</strong> tidale, bien que <strong>la</strong><br />
proportion <strong>de</strong> matière organique qu’elle contient soit supérieure à celle généralement observés<br />
dans les marais salés.
4) Synthèse et perspectives <strong>de</strong> gestion<br />
Les différentes observations <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>végétation</strong> et les mesures <strong>de</strong> flux permettent <strong>de</strong><br />
déduire qu'à court terme, le pol<strong>de</strong>r peut abriter une <strong>végétation</strong> équivalente à celle d'une zone<br />
pionnière et d'un bas marais salé et il présente <strong>de</strong>s échanges inter-systèmes comparables à<br />
ceux d'un marais salé jeune. Cependant le succès <strong>de</strong> restauration est mitigé par le<br />
développement limité <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>végétation</strong> halophile par rapport à <strong>la</strong> surface totale du pol<strong>de</strong>r,<br />
l'absence <strong>de</strong> l'espèce dominante <strong>de</strong>s moyens marais salés (Atriplex portu<strong>la</strong>coi<strong>de</strong>s) et par <strong>la</strong><br />
différence <strong>de</strong> l'ampleur <strong>de</strong>s flux <strong>de</strong> matière entre le pol<strong>de</strong>r et <strong>la</strong> baie par rapport à ce qui est<br />
observé dans les marais salés. Ces trois points sont imputés à <strong>la</strong> faible connectivité entre <strong>la</strong><br />
baie et le pol<strong>de</strong>r.<br />
Nous proposons donc différents scénarii <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> l'ouverture du pol<strong>de</strong>r à <strong>la</strong> mer<br />
en fonction <strong>de</strong> l'objectif recherché. Si le but est <strong>de</strong> restaurer un marais salé fonctionnel, en<br />
optimisant les échanges avec <strong>la</strong> baie et les marais salés déjà présents, il paraît souhaitable<br />
d'ouvrir une brèche dans <strong>la</strong> digue. En effet, c'est le seul scénario qui permettrait une<br />
colonisation totale <strong>de</strong> <strong>la</strong> surface du pol<strong>de</strong>r par <strong>de</strong>s halophytes (le niveau topographique du<br />
pol<strong>de</strong>r est favorable à l'instal<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s halophytes <strong>de</strong> bas et moyen marais) et optimiserait les<br />
échanges <strong>de</strong> matières entre les systèmes puisque les mouvements d'eau lié aux marées ne<br />
seraient plus limités. Si le but est <strong>de</strong> favoriser certaines fonctions telles que l'épuration <strong>de</strong> l'eau<br />
vis à vis du sédiment et <strong>de</strong>s nitrates, il est conseillé <strong>de</strong> maintenir <strong>la</strong> digue avec un ouvrage<br />
hydraulique permettant <strong>de</strong> contrôler le <strong>de</strong>gré d'inondation du pol<strong>de</strong>r. En effet ce scénario<br />
permettrait d'augmenter les surfaces <strong>de</strong> <strong>végétation</strong> halophile présent dans le pol<strong>de</strong>r tout en<br />
conservant une vitesse <strong>de</strong> vidange lente favorable à <strong>la</strong> rétention <strong>de</strong> sédiment et <strong>de</strong> nitrates<br />
ainsi que l'effet protecteur <strong>de</strong> <strong>la</strong> digue contre le vent et les vagues.<br />
5) Perspectives d'étu<strong>de</strong><br />
L'étu<strong>de</strong> réalisée lors <strong>de</strong> ma thèse m'a permit d'éluci<strong>de</strong>r certains éléments concernant le<br />
fonctionnement du pol<strong>de</strong>r du Carmel partiellement reconnecté à <strong>la</strong> mer (Fig. 1). Il reste<br />
mainteant à comprendre les processus explicatifs <strong>de</strong>s flux observés. Un point qu’il serait<br />
souhaitable d'abor<strong>de</strong>r concerne le <strong>de</strong>venir <strong>de</strong> <strong>la</strong> matière organique dans le pol<strong>de</strong>r (1) (Fig.1). Il<br />
serait notamment intéressant <strong>de</strong> différencier les parts re<strong>la</strong>tives <strong>de</strong> <strong>la</strong> décomposition, <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
séquestration et <strong>de</strong>s exports <strong>de</strong> matière organique vers <strong>la</strong> baie. Il serait également<br />
d’approfondir l’étu<strong>de</strong> commencée sur le <strong>de</strong>venir <strong>de</strong> l’azote entrant dans le pol<strong>de</strong>r (2) et<br />
notamment <strong>de</strong> définir quels sont les processus qui expliquent <strong>la</strong> rétention <strong>de</strong> nitrates en<br />
différenciant le rôle <strong>de</strong>s macro-algues se développant dans <strong>la</strong> retenue d’eau, celui du<br />
microphytobenthos et <strong>de</strong>s bactéries dénitrifiantes. L'étu<strong>de</strong> du patron <strong>de</strong> dépôt <strong>de</strong> sédiments (3)<br />
permettrait par ailleurs <strong>de</strong> déterminer les modifications topographiques possibles dans le<br />
pol<strong>de</strong>r et leurs conséquences sur <strong>la</strong> dynamique végétale en re<strong>la</strong>tion avec <strong>la</strong> modification <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
fréquence d'inondation.<br />
Par ailleurs, <strong>de</strong>s expériences <strong>de</strong> transp<strong>la</strong>ntation et <strong>de</strong>s testes <strong>de</strong> germination in situ<br />
accompagné d'expériences en conditions contrôlées permettraient <strong>de</strong> déterminer les causes <strong>de</strong><br />
l'absence <strong>de</strong> certaines espèces <strong>de</strong> marais salés dans le pol<strong>de</strong>r, notamment Atriplex<br />
portu<strong>la</strong>coi<strong>de</strong>s.<br />
A plus gran<strong>de</strong> échelle, il serait souhaitable d'étudier les flux inter-systèmes et <strong>la</strong> dynamique <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> <strong>végétation</strong> dans d'autres pol<strong>de</strong>rs reconnectés à <strong>la</strong> mer, avec <strong>de</strong>s <strong>de</strong>gré et dates <strong>de</strong><br />
connections différentes afin <strong>de</strong> voir si le fonctionnement établi pour le pol<strong>de</strong>r du Carmel peut<br />
être généralisé.
Pol<strong>de</strong>r<br />
(3<br />
?<br />
Matière organique<br />
particu<strong>la</strong>ire<br />
Végétation<br />
Conditions<br />
édaphiques<br />
?<br />
(1)<br />
Sédimentation<br />
Immobilisation<br />
Décomposition<br />
Assimi<strong>la</strong>tion<br />
Dénitrification<br />
? (2)<br />
MMS<br />
MOS<br />
COD<br />
NO3<br />
Baie<br />
MMS/MOS<br />
COD<br />
NH NH<br />
NO3<br />
N2<br />
Propagules Propagule<br />
Figure 1. Bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong>s interactions intra- et inter-systèmes. La grosseur <strong>de</strong>s flèches traduit<br />
l'importance <strong>de</strong>s processus, sans être proportionnels à leur valeur. Les points d'interrogation<br />
correspon<strong>de</strong>nt aux processus qui n'ont pas été étudiés ou pas suffisamment et qui pourraient<br />
faire l'objet d'étu<strong>de</strong>s futures. MMS: matière minérale en suspension; MOS: matière organique<br />
en suspension; COD: carbone organique dissous. Voir texte pour les explications re<strong>la</strong>tive aux<br />
chiffres.<br />
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