François Ier, l'Islam et la mer - CESM

François Ier, Roi Très Chrétien, la mer et l’islam
Hugues Eudeline
Centre d’études supérieures de la Marine
Date Océans et partage du monde Europe et Méditerranée
1455 Bulle Romanus Pontifex : elle
confirme les Portugais dans leurs
possessions d’Afrique occidentale
1481 La Provence, léguée au roi de France Louis XI à la mort de
Charles III du Maine, est rattachée au domaine royal en 1487
1491 Henri VIII couronné roi d’Angleterre et d’Irlande
1493 Bulle Inter coetera :
elle donne aux Rois Catholiques le
droit d’acquérir territoires au-delà
de 100 lieues (418 km) à l’ouest
des Açores
1494 Traité de Tordesillas: il reporte la
ligne de « marquation » à 370
lieues à l’ouest du Cap Vert.
Nota : La diplomatie de François
1 er fera admettre que la bulle de
1493 ne concernait que les terres
connues, pas celles à découvrir
1515 François Ier couronné roi de France
Charles Quint couronné roi d’Espagne
1516 Conquête de l’Égypte par les ottomans. Selim 1 er hérite
du titre califien officiel d’« émir des croyants » du calife
abbasside. Bien que les sultans ottomans ne le prirent
jamais, ils se présentent aux représentants occidentaux
comme en étant les détenteurs
Arouj Barberousse devient maître d’Alger
1518 Mort d’Arouj Barberousse à Tlemcen.
Khayr al-Din, son frère le remplace et place Alger sous la
domination du sultan ottoman. Nommé beylerbey, il prend le titre
de pacha

1519 Le Portugais Magellan au service
1520 de l’Espagne entame le premier Charles Quint sacré empereur du Saint Empire romain
tour du monde. Il meurt. El Cano,
un de ses capitaines, boucle le tour
Charles Quint élu roi des Romains
germanique
Soliman le Magnifique, sultan ottoman de 1520 à 1566
1521 l'armée impériale entre en Provence; échec du siège de Marseille
1524 Verrazano traverse l’Atlantique et
explore la côte orientale de
l’Amérique du Nord
1525 Déroute de Pavie et captivité de François Ier en Espagne.
1526 Second voyage de Verrazano sur la
côte orientale de l’Amérique du
Nord
1529 Le traité de Saragosse partage le
Pacifique entre l’Espagne et le
Portugal
Constat : la Marine est improvisée et manque de cohésion
Décision de faire alliance objective avec les Turcs
Échec de Soliman devant Vienne. Bloqué sur terre, il veut porter
la guerre sur mer
1530 Une flotte commandée par Barberousse, composée de 12
trirèmes, 17 galiotes et 42 autres bâtiments divers, passe une nuit
au mouillage devant Saint-Mandrier et renonce à attaquer
1531 Barberousse mouille avec 12 galères et 17 galiotes dans le golfe
de Carqueiranne. La Garde et La Valette sont brûlées; troupeaux
et captifs sont emmenés
1532 Charles Quint se déclare champion de la guerre contre les
Turcs
Campagne terrestre infructueuse de Soliman en Hongrie
Série de missions diplomatiques discrètes. Accueil fastueux
d’une mission de François 1er au sultan à Belgrade
1533 Ambassade de Barberousse en France
1534 20 avril 1534 – 5 septembre 1534 :
premier voyage de Jacques Cartier
à la recherche du passage du Nord
Ouest. Il explore le golfe Saint-
Laurent.
1535 Du 19 mai 1535 au 16 juillet
1536 :
deuxième voyage de Jacques
Cartier à la recherche du passage
du Nord Ouest. Découverte du
fleuve Saint-Laurent
Signature d’une trêve « marchande »de 3 ans négociée entre
Sébastien de Gozzo et Ibrahim Pacha à Alep (bien que sans
guerre préalable).
Opérations navales de Barberousse qui, plutôt que de s’emparer
de Gènes et de Milan pour la France, préfère ravager les côtes de
l’Italie et de la Sardaigne et s’emparer de Tunis à son profit
Ambassade de Jehan de la Forest à Constantinople, première
ambassade permanente après le bayle de Venise. Il rejoint
Constantinople sur les galères de Barberousse.
Il demande d’attaquer la Sicile et la Sardaigne (puis la Corse et
Gènes) et d’éviter les opérations terrestres pour ne pas provoquer
les princes allemands
ii

1536 Projet de Capitulation franco-turque (elles seront signées
respectivement en 1569 avec la France, 1580 avec l’Angleterre et
1598 avec les Provinces-Unies.
Second envahissement de la Provence par l'armée impériale
1537 Renouvellement de la trêve de 3 ans entre la France et l’Empire
ottoman
1538 Barberousse avec 122 navires, met en déroute à Prevenza (près
1541 23 mai 1541- juillet 1542 :
1542
troisième voyage de Jacques
Cartier qui commande la colonie
de Charlesbourg-Royal
1543 Le Portugais Mendes Pinto aborde
1544
au Japon
de Lépante) une grande flotte chrétienne à laquelle ne s’est joint
aucun navire français
Barberousse appareille avec 110 galères et 40 galiotes :
Sanglantes razzias effectuées dans les Pouilles, en Calabre et
en Sicile.
En juillet, escale à Marseille. Réception magnifique au nom
du Roi par Enghien, commandant une escadre de 50
vaisseaux
prend Villefranche et brûle la ville
assiège Nice qui capitule avec la promesse de ne pas être
pillée. Les Turcs ne font pas de quartier. Le château résiste
du 29 septembre 1543 à fin mars 1544 : hivernage de la
flotte ottomane à Toulon
1546 Mort de Barberousse
1547 Mort de François Ier
1553 Chancellor explore la mer Blanche
1555 Villegagnon débarque au Brésil
Le 18 septembre 1544, François Ier signe avec Charles Quint le
traité de Crépy par lequel il s’engage à combattre les ottomans
Mort d’Henri VIII
1557 Mort de Charles Quint
1560 Mort d’Andrea Doria
1562 Jean Ribaut aborde en Floride Début des guerres de religions
1566 Mort de Soliman le Magnifique
iii

Sommaire
A - Facteurs historiques médiévaux .......................................................................................................................................... 7
B - La Méditerranée à l’aube du XVIe siècle ........................................................................................................................... 9
1 - La Méditerranée physique ................................................................................................................................................. 9
2 - Les guerres européennes ................................................................................................................................................. 10
3 - Venise, grande puissance mondiale ............................................................................................................................ 11
4 - La menace barbaresque en Méditerranée occidentale ....................................................................................... 11
5 - L’Espagne et l’Empire ottoman, champions de la chrétienté et de l’islam ................................................. 14
C - Les grands changements géopolitiques .......................................................................................................................... 16
1 - L’évolution des échanges économiques .................................................................................................................... 16
2 - Les grandes découvertes .................................................................................................................................................. 17
3 - L’évolution de la diplomatie ........................................................................................................................................... 19
4 - L’alliance navale du royaume de France et de l’Empire Ottoman ................................................................. 20
Conclusions ......................................................................................................................................................................................... 25
SOURCES ........................................................................................................................ 26
INDEX ............................................................................................................................. 30
iv

Figures
Figure 1 : Méditerranée et proche Atlantique ......................................................................... 10
Figure 2 : Méditerranée orientale et proche Atlantique .......................................................... 22
Figure 3 : La flotte de Barberouse à Toulon vue par un miniaturiste turc, 1543. Anonyme,
dessinateur d'escadre. Miniatures 0,25 x 0,33. Bibliothèque du Vieux Sérail, Istanbul,
ms. n° 1608. ...................................................................................................................... 23
v

L’entrée dans l’époque moderne est marquée par les règnes concomitants de quatre
souverains exceptionnels: François Ier, roi de France de 1515 à 1547 ; Charles Quint, roi
d’Espagne de 1515 à 1557, et empereur du Saint Empire romain germanique de 1519 à 1556 ;
Henri VIII, roi d’Angleterre et d’Irlande de 1491 à 1547 ; Soliman le Magnifique, sultan
ottoman de 1520 à 1566.
L’activité maritime est intense. Sur les océans, les trois monarques européens participent à la
course aux grandes découvertes avec les moyens navals et financiers dont ils peuvent
disposer : importants pour l’Espagne, modestes pour la France et réduits pour l’Angleterre
pays assez pauvre et peu peuplé. En Méditerranée, les pays riverains vont s’opposer par
l’intermédiaire de la course barbaresque et de flottes placées sous le commandement des deux
plus fameux marins du temps, Kheir el Dyn Barberousse et Andrea Doria.
Pendant la première moitié du XVe siècle, François Ier va développer une politique en deux
volets pour contrer Charles Quint et chercher à assurer la liberté de trafic avec les Indes.
A la suite d’une série d’échecs militaires sur terre le Roi Très-Chrétien cherche le soutien de
l’Empire ottoman et établit des relations diplomatiques avec lui. Il poursuit des objectifs tout
à la fois stratégiques et commerciaux. Ne disposant pas d’une marine de guerre permanente, il
cherche dans un premier temps à obtenir l’appui de la puissante flotte turque pour attaquer
l’Italie par la mer. Il veut également développer le commerce vers l’Asie passant par les
routes traditionnelles en négociant des accords marchands préférentiels avec les ports du
Levant sous domination ottomane.
Enfin, soucieux de pouvoir disposer d’une route alternative indépendante de toute tutelle
étrangère et pour affirmer les droits de la France outre mer face aux Ibériques, il envoie
plusieurs missions maritimes d’exploration à la recherche du passage du Nord-Ouest.
En Méditerranée, l’alliance navale avec les Turcs n’atteint pas les objectifs fixés. Cet échec
stratégique a pourtant des conséquences politiques immédiates favorables, puisqu’il est un des
éléments qui conduit à la signature d’un traité de paix entre le Saint Empire romain
germanique et le royaume de France en 1544. A plus long terme l’établissement d’une
ambassade permanente à Constantinople dès 1535 constitue un préalable diplomatique qui
permettra la signature de Capitulations en 1569.
En Atlantique, à défaut de découvrir une nouvelle voie maritime vers les Indes, Jacques
Cartier donne le Canada à la France.
6

A - Facteurs historiques médiévaux
Selon l’amiral Auphan, « Quand on comprime à l’extrême, l’histoire de la Méditerranée se
réduit aux tableaux d’un diptyque : celui où la civilisation chrétienne s’est élaborée au sein de
l’ordre romain et celui où une intruse, la civilisation musulmane, est venue l’attaquer et a
essayé de la dominer, créant un déséquilibre qui dure encore. L’assaut de l’islam a été conduit
d’abord par les Arabes (sept siècles) ensuite par les Turcs ottomans (cinq siècles) 1 . »
La reconquête menée au VIe siècle sous Justinien, empereur romain d’Orient, restaure la
quasi totalité du territoire romain. L’ensemble des îles de la Méditerranée et la plus grande
partie de ses côtes sont sous domination byzantine et donc chrétienne quand l’islam apparaît.
« Le 8 juin 632, selon la biographie traditionnelle, le Prophète mourut après une brève
maladie. Son œuvre était immense. Il avait apporté aux peuples païens de l’Arabie
occidentale une nouvelle religion, de niveau beaucoup plus élevé que le paganisme
qu’elle remplaçait, grâce à son monothéisme et à ses doctrines éthiques. Il avait doté
cette religion d’une révélation qui allait devenir avec les siècles le bréviaire de pensée et
d’action pour d’innombrables millions de croyants. Mais il avait fait plus encore : il
avait établi une communauté et un État bien organisé et bien armé, dont la puissance et
le prestige étaient désormais l’élément prédominant en Arabie 2 . »
Le Prophète n’a laissé aucune instruction pour sa succession. C’est son beau-père Abou Bakr,
qui est coopté. Il se voit donner le titre de Khalifa (ou député du Prophète), transposé en
Europe sous la forme de calife. Cette élection inaugure la grande institution historique du
Califat. Son général en chef, Khalid ibn al-Walid décide de sa propre initiative la suite des
opérations en fixant un programme d’expansion militaire qui débute par la victoire d’Aqraba
en 633 qui assoit l’autorité du gouvernement de Médine sur les Arabes. Les Romains
subissent une série de défaites sur terre à partir de 634, dont la plus cuisante sur le Yarmouk
en 636 qui livre aux Arabes l’ensemble de la Syrie et de la Palestine. En 655 ou 656, les
Arabes remportent aussi une victoire navale surprenante sur les Byzantins au large de Phoenix
en Lycie à la bataille dite « des mâts » 3
À l’origine, les grandes conquêtes sont plus le fait de la nation arabe, poussée par la
1 AUPHAN, p. 15
2 LEWIS, Les arabes dans l’histoire, p. 62
3 CHRISTIDES Vassilios, Un exemple d’incompétence navale : la bataille dite « des mâts ». Paris, Stratégique
N° 89/90, p. 217-233.

surpopulation de sa péninsule que par la volonté d’expansion de l’islam 4 . La progression est
foudroyante. Elle est menée en parallèle suivant trois axes : le nord, l’est et l’ouest. Elle est
favorisée par l’épuisement des deux empires majeurs de l’époque, l’Empire romain d’Orient
et celui des Sassanides qui sortent alors usés par un long conflit. Elle est également avantagée
par l’accueil des populations qui trouvent peut-être le nouveau joug plus léger que celui des
Romains. Les Arabes ne s’emparent que des terres d’États et des ennemis du régime, laissant
leurs droits aux propriétaires qui reconnaissent le nouveau régime. Les religions cohabitent
assez facilement dans un premier temps.
Cent années seulement séparent la mort du Prophète (632) de la bataille de Poitiers (732),
point d’arrêt à l’avancée de l’islam en Occident. Vers l’Orient, l’empire omeyyade s’étend
jusqu’aux rives de l’Indus. Cette conquête est pérenne, car l’Espagne et Israël exceptés, aucun
territoire n’a été perdu depuis.
Au milieu du VIIIe siècle, l’empire islamique subit un éclatement politique et l’Espagne en
756, le Maroc en 788 et la Tunisie en 800 deviennent virtuellement indépendants sous la
direction de dynasties locales 5 . L’Égypte fait sécession en 868 et établit sa domination sur la
Syrie.
Dès le début du IXe siècle, la Méditerranée occidentale est sillonnée par les Maures venus
d’Espagne, qui, en intégrant les populations maritimes locales, ont créé une civilisation
originale. Contrairement aux autres Arabes, ils ont développé des capacités d’interventions
maritimes importantes qui vont leur permettre d’occuper les îles. La Corse subit des raids à
partir de 806 qui leur permettent de réaliser un important butin et de faire des captifs. Ils
s’installent en Sardaigne en 811 et peut-être également en Corse qu’ils ne quittent qu’en
1050 6 . Ils se rendent maîtres de Malte en 870 pour deux siècles 7 .
La Crète est occupée en 825 par des Andalous exilés. Elle devient pendant un siècle et demi le
point d'appui principal de la puissance maritime arabe en Méditerranée orientale. L’île n’est
reprise par Constantinople qu’en 961.
De 1096 à 1291, les Croisades ramènent une présence chrétienne en terre sainte, quatre cent
soixante ans après le défaite de Yarmouk.
4 Ibid. p. 71
5 LEWIS, Les Arabes dans l’histoire, p. 122
6 VERGE-FRANSCESCI, Histoire de Corse, p. 93
7 PETIET, p. 9
8

« La croisade était une réponse tardive à la jihâd, « la Guerre sainte » pour l’Islam ; son
objectif était de récupérer par la guerre ce qui avait été perdu par la guerre, pour libérer
les lieux saints de la chrétienté et pour les ouvrir de nouveau sans entrave aux
pèlerinages chrétiens 8 ».
Bien que la voie maritime soit très empruntée par les croisés, ils ne sont jamais attaqués sur
mer, tant la suprématie navale chrétienne est à présent totale.
L’échec militaire final des croisades a pourtant des retombées économiques positives :
« Le principal effet durable des croisades, pour l’ensemble de la région, affecta les
échanges. Des colonies de marchands occidentaux s’étaient établies dans les ports du
Levant sous l’autorité des Latins. Ils survécurent à la reconquête musulmane et
développèrent un commerce considérable d’exportations et d’importations 9 ».
Ce commerce va se perpétuer, en particulier grâce à l’empire Byzantin, trait d’union avec
l’Occident.
B - La Méditerranée à l’aube du XVIe siècle
La prise de Constantinople en 1453, soit trente-neuf ans seulement avant la fin de la
reconquista espagnole, met fin à un millénaire d’Empire romain d’Orient et à la
transformation de l’État ottoman en un empire musulman de longue durée, à cheval sur trois
continents et héritier du Califat 10 depuis 1516 par la conquête de l’Égypte. Il verrouille la
route commerciale traditionnelle vers l’Asie. Il se heurte alors à Venise, grande puissance
maritime méditerranéenne qui possède la plupart des îles de mer Égée, la Crète, a également
une présence côtière en Morée et se rend maîtresse de Chypre en 1489. Les États européens,
accaparés et affaiblis par les conflits majeurs qui les opposent les uns aux autres, vont
chercher d’autres routes sur les océans.
1 - La Méditerranée physique
Le bassin méditerranéen est essentiellement orienté est-ouest. Il s’étend sur 2 000 milles
nautiques et se partage en deux bassins maritimes principaux, séparé par le seuil sous-marin
reliant la Tunisie à la Sicile.
8
LEWIS, Les Arabes dans l’histoire, p. 184
9
Ibid., p. 188
10
CHALIAND, Géopolitique des empires, p. 162-163

« La Méditerranée est au moins double. Elle est composée d’une série de péninsules
compactes, montagneuses, coupées de plai plaines essentielles : Italie, Péninsule des
Balkans, Asie Mineure, Afrique du Nord, Péninsule ibérique. En second lieu, la mer
insinue, entre ces continents en miniature, ses vastes espaces compliqués, morcelés, car
la Méditerranée, plus qu’une masse maritime unique, est un « complexe de mers 11 ».
Figure 1 : Méditerranée et proche Atlantique
2 - Les guerres européennes
Pendant la période considérée considérée, , l’Europe est en proie à une suite quasi in ininterrompue de
conflits majeurs.
De 1494 à 1517, les guerres d’Italie opposent le Royaume de France aux États italiens.
À partir de 1519 jusqu’en 1559, la France va lutter pour défendre son existence et pour
abaisser la maison d´Autriche, c´est c´est-à-dire dire l´Autriche et l´Espagne étroitement unies.
C’est t pendant cette période que François 1 er nouera une brève alliance maritime avec
l’Empire ottoman.
Les guerres que se livrent les pays européens sont vitales pour ceux ceux-ci.
Sur mer, elles
prennent toujours le pas sur la lutte contre les Ottomans et les Barbaresques qui ravagent
pourtant les côtes.
11 BRAUDEL, T. 1, p. 21
10

3 - Venise, grande puissance mondiale
La chute de Constantinople menace l’hégémonie maritime de Venise. Elle s’était enrichie en
effectuant avec la capitale romaine le commerce des huiles et des soieries.
Centre commercial et financier, Venise est la plus grande puissance du monde à la fin de la
période médiévale. En 1423, le doge Mocenigo analyse dans un discours les éléments de la
prospérité de la cité : 190 000 habitants, 16 000 ouvriers dans l’industrie de la laine, 3000
dans celle de la soie, 17 000 employés à l’arsenal, 25 000 marins, 3000 navires de commerce,
300 bâtiments de guerre 12 .
Le commerce entre Venise, le Levant et l’Asie continue de se développer pendant tout le
XVIe siècle. Ce n’est qu’au XVIIe qu’il est éclipsé par celui des Portugais 13 . À la bataille de
Lépante en 1571, Venise alignera 108 galères et galéasses 14 , soit environ la moitié des unités
engagées. Le déclin de Venise se poursuivra inexorablement. Elle va devoir mener une série
de guerres contre l’Empire ottoman en Méditerranée orientale : guerre de Crète (1645-1669),
guerres de Morée (1684-1699 et 1714-1718). Après trois siècles de supériorité navale, la
flotte vénitienne sera mise en échec à Corfou en 1738, Venise signera un pacte de neutralité
avec la Sublime Porte en 1738 15 .
4 - La menace barbaresque en Méditerranée occidentale
La navigation en Méditerranée occidentale est rendue particulièrement périlleuse en raison de
l’activité pirate et corsaire qui y est particulièrement intense. Le trafic commercial est
périlleux.
Faisant partie du domaine royal depuis 1487, la Provence complète alors la façade
méditerranéenne de la France. Les côtes et les approches maritimes subissent de longue date
les incursions de corsaires génois, catalans et barbaresques. Ce sont les actions incessantes de
ces derniers qui vont prendre le plus d’importance pour ne cesser vraiment qu’en 1830 avec la
prise d’Alger.
12
NICOLAS, p. 20
13
KENNEDY, The Rise and Fall of British Naval Mastery, p. 18
14
PIGAILLEM, p. 57-58
15
PANZAC, La marine ottomane, p. 189

Les différents auteurs de l’époque évoquent rarement l’état d’esprit des populations côtières
exposées au danger des razzias ou de celui des gens de mer qui vivent sous la menace
permanente des corsaires.
La littérature, et particulièrement la littérature française, fait souvent allusion ou référence au
problème barbaresque. À titre d'exemple, s’agissant du « Bourgeois gentilhomme » de
Molière ou du « Pédant Joué » de Cyrano de Bergerac, c’est sur le mode de la comédie, avec
la mise en scène de faux turcs. Dans les « Fourberies de Scapin », il s’agit d’un faux
enlèvement. Pour Voltaire, il s’agit de faire une critique déguisée de la religion catholique.
Rien ne fait ressortir l’impact psychologique sur les populations vivant sous la menace. Il
apparaît un découplage total entre la perception des auteurs, qui vivent dans le microcosme de
la cour et de Paris, bien loin des dangers, et celle des populations rurales et maritimes des
côtes de France qui les subissent.
Le seul moyen d’évaluer le niveau de perception du danger, passe par l’analyse des mesures
prises localement pour s’en prémunir. Elles sont de trois types: les fortifications, l’adaptation
de l’habitat, l’organisation des mesures d’alerte et la défense active.
Toutes les côtes méditerranéennes d’Europe s’équipent très tôt de tours et de forteresses. Cela
ne se fait pas en un jour, en raison des dépenses considérables que cela représente et qui ne
s’arrêtent pas à leur simple édification. Pour rester efficaces, elles doivent être sans cesse
adaptées à l’évolution de la menace et modernisées. Fernand Braudel étudie la défense des
côtes d’Espagne et d’Italie, plus exposées que les côtes de France. Il relève qu’en 1563,
l’adaptation des vieilles tours de Valence à l’implantation d’artillerie est étudiée ; qu’en 1536
des guetteurs signalent des voiles ennemies à Majorque, ce qui signifie qu’il existait des tours
à cet effet, sans que l’on sache depuis quelle date. Il cite également l’organisation d’une garde
côtière à Valence à partir de 1519-1520, avec des « montres » et des services d’alerte. En
1576, les fortifications de Carthagène sont encore à l’état de projet, alors qu’existe un service
de garde des côtes à Grenade en 1579. Il y a également des projets détaillés de fortification de
la Sardaigne en 1574. Des tours y sont construites vers 1587 16 .
En Corse, la décision d’élever une ceinture de tours littorales remonte à 1532. Afin de
pourvoir à leur construction l’impôt sur le sel est augmenté, cette taxe étant jugée la plus
universelle et la moins lourde 17 . La construction débute cette même année. L’île est en effet
très exposée. Selon Michel Vergé-Franceschi, dans la région du cap Corse il n’y a guère de
16 BRAUDEL, T. II p. 180
17 VERGE-FRANCESCHI, Histoire de Corse, p. 153
12

village qui n’ait été attaqué par les Turcs et la région de Calvi ne cesse de faire l’objet de raids
corsaires depuis 1510-1511. Entre 1528 et 1531, les Turcs auraient pris en Corse plus de mille
âmes, et plusieurs localités auraient été totalement dépeuplées.
Les côtes de Provence sont également l’objet d’attaques fréquentes. La mise en place d’un
système d’alerte remonte à 1302, quand une série d’ordonnances signées du sénéchal de
Provence, Ricard de Combatesa, émanant de la chancellerie comtale d’Aix, sous l’autorité de
Charles II d’Anjou, roi de Sicile, intime aux autorités locales de Nice, Grasse, Draguignan,
Marseille et Arles d’installer des farots 18 sur le littoral afin de prévenir de navires suspects 19 .
Il semble que le réseau ait fonctionné jusqu’à la fin du XVIIIe siècle 20 . La persistance, sans
interruption, de cet effort coûteux pendant cinq siècles montre que la menace est
effectivement permanente pendant toute cette période et que le sentiment d’insécurité de la
population locale est fort.
Ce réseau présente l’avantage de la rapidité, mais aussi l’inconvénient du manque de
précision de l’information. La réponse aux interrogations quoi, par qui, quand, combien, où,
et vers où est importante pour les destinataires. De quel type d’attaque s’agit-il ? Qui l’a
menée ? Quand s’est-elle produite ? Combien sont les assaillants ? Où s’est déroulé
l’incident ? Dans quelle direction se dirigent à présent les attaquants ?
Il lui est donc adjoint un réseau postal entre les villes et villages que leur situation littorale
rend vulnérable à des actions à partir de la mer. Philippe Rigaud n’a pu trouver dans les
archives d’Arles des documents antérieurs à 1453 sur ce sujet, mais des mentions y font
cependant référence dès 1410.
Cette institution postale suit un réseau d’étapes bien définies. L’organisation des relais et le
paiement des cavaliers sont également préparés. Elle peut être activée à tout instant. Le point
le plus à l’est est Villefranche, le plus à l’ouest, Arles. Il faut trois jours pour que
l’information aille d’une extrémité à l’autre du réseau. La distance séparant Nice d’Aigues-
Mortes par la mer est d’environ 180 milles marins.
En Languedoc, un système similaire fonctionnait entre Perpignan et Narbonne.
Depuis toujours, pour disposer d’un délai de réaction suffisant en cas de débarquement par
surprise des Barbaresques, les habitants des côtes européennes qui ne sont pas dans des ports
fortifiées, s’établissent fréquemment dans des villages perchés. Fernand Braudel rappelle que
18 du grec faros. Il s’agit d’un système de tours sur lesquels des feux sont allumés pour donner l’alerte.
19 RIGAUD, p. 12
20 Ibid. p.14

les Crétois, pour échapper aux corsaires et aux navires turcs, se réfugient dans les montagnes
de leur île 21 . Cela bien sûr est également vrai dans le bassin occidental, à :
« cet occident pénétré de vie maritime, qui a vécu dans la crainte des pirateries, à l’écart
et au dessus de la plaine, ravagée souvent et malsaine par surcroît. On songe aux gros
villages perchés de Corse, de Sardaigne, de Sicile, de Provence, des Kabylies, du Rif 22 ».
Deux autres raisons peuvent cependant également expliquer ce choix : l’exploitation des
forêts qui s’y trouvent et une nécessité prophylactique en raison de risques de malaria dans les
plaines où des eaux stagnent 23 . Ce dernier argument est souvent avancé comme étant
l’explication principale de l’installation des villages dans les hauteurs. Il ne peut être retenu là
où les eaux sont courantes, ce qui est le cas sur la plus grande partie du littoral provençal qui
est abrupt. De plus, les plaines européennes sont, à l’époque considérée, cultivées, donc
drainées et bonifiées.
5 - L’Espagne et l’Empire ottoman, champions de la chrétienté et de
l’islam
Par une sorte de mouvement de balancier, un jusant de la présence musulmane à l’extrémité
occidentale de la Méditerranée, qui s’achève en 1492 par la prise de Grenade, paraît répondre
au flot dans le bassin oriental, marqué par la prise de Constantinople en 1453. Les côtes sud
du bassin occidental de la Méditerranée et tout le pourtour du bassin oriental sont sous
emprise musulmane.
Selon le professeur Veinstein, l’Empire ottoman se réclame haut et fort de l’islam. Il prétend,
incarner l’État islamique par excellence ; être au premier rang des États musulmans, le
défenseur de l’orthodoxie sunnite dans sa version hanafite. Enfin, il prétend être le champion
de la guerre sainte pour étendre indéfiniment sa domination sur les pays infidèles 24 . Les États
barbaresques d’Alger, de Tunis et de Tripoli vont devenir des régences en faisant allégeance à
l’Empire ottoman au XVIe siècle. Bien que la domination soit plus formelle que réelle, elles
adopteront son approche politique et spirituelle.
Le 12 février 1502, le premier décret expulsant d’Espagne plusieurs milliers de musulmans
est édicté par les souverains catholiques Ferdinand V, roi d’Aragon, et Isabelle de Castille.
21
BRAUDEL, T.I, p. 27, note 5
22
Ibid. p. 29
23
Ibid. p. 56-61
24
VEINSTEIN, Istanbul, carrefour diplomatique, première conférence prononcée au Collège de France, 2008
14

« Cet acte eut des conséquences d’une portée incalculable aux points de vue politique,
économique et social 25 . » Les Maures, ainsi chassés d’Espagne où ils se trouvent depuis huit
siècles, conçoivent une haine implacable et le désir de se venger. L’édit d’expulsion leur
assigne la Turquie comme lieu de séjour, avec interdiction de passer en Afrique sous peine de
mort. Beaucoup se fixent pourtant au Maghreb. Ils apportent avec eux leurs compétences dans
le domaine maritime et leur volonté de récupérer leurs biens confisqués, et au-delà.
En 1518, Khaïr el-Dyn, renégat fils d’un potier de Mytilène, maître d’Alger fait appel au
sultan ottoman Selim et lui offre, en échange de son aide, de placer ses possessions et lui-
même sous sa domination. Il se voit décerner le titre de pacha et devient beylerbey
(gouverneur de province). Le sultan lui envoie plusieurs milliers de soldats aguerris équipés
d’artillerie. « Ainsi se trouve constituée la force militaire, qui, soutenue par la Sublime Porte,
associant la maîtrise navale des corsaires avec la puissance et l’efficacité d’une armée de terre
moderne et disciplinée, restaure l’ordre religieux et politique de l’islam au Maghreb 26 ». Ces
troupes terrestres vont servir à la protection d’Alger, permettant aux corsaires d’agir en étant
certains de pouvoir retrouver leur sanctuaire au retour de croisière et à Barberousse d’assumer
le poste de Kapudan Pacha, commandant en chef la flotte ottomane de 1535 quasiment
jusqu’à sa mort en 1546, à l’âge de 80 ans.
Par son action politique, l’Espagne cristallise les aversions et les envies.
Haine des musulmans espagnols et des morisques expulsés de façon massive d’une terre
qu’ils avaient conquise sept à huit siècles auparavant ; détestation des habitants des
Provinces-Unies prêts à aider les ennemis de leurs occupants ibériques. Dans la seconde
moitié du XVIe siècle, s’y joindront l’exécration des Anglais menacés d’être ramenés à la
soumission à Rome par la force, attisée par la frayeur rétrospective engendrée par le spectre
de l’Invincible Armada et l’hostilité permanente de tous les protestants à l’égard d’un pays au
catholicisme intransigeant et militant. Mais aussi convoitise des richesses venant d’Amérique
tant par les États que par les aventuriers de toute nature.
Sa flotte est commandée à partir de 1528 par le génois Andrea Doria, chevalier de Saint Jean
de Jérusalem, capitaine général des galères de François Ier dans un premier temps, avant qu’il
ne passe au service de Charles Quint. Âgé de 88 ans, il commande encore à la mer avec
25 COINDREAU, p.23
26 PANZAC, Les corsaires barbaresques, p.12

succès et s’éteint à 94 ans en 1560.
Cet antagonisme entre l’Espagne, championne de la chrétienté et l’Empire ottoman, héritier
du califat musulman conduit à une lutte à mort sur terre comme sur mer qui interdit toute
relation diplomatique et nuit à l’activité commerciale.
C - Les grands changements géopolitiques
1 - L’évolution des échanges économiques
Au début de la période considérée, l’activité économique en Europe n’est pas en déclin. La
France se reconstruit après la guerre de Cent Ans et les industries d’Angleterre est des Pays-
Bas sont florissantes. Les échanges sont cependant contraints par de nombreux obstacles
physiques et intermédiaires commerciaux. Les routes du nord et de l’est sont difficiles, celles
du sud semblent devoir se fermer ; les Turcs sont moins tolérants que les Mongols dont ils ont
disloqué l’empire 27 .
La prise de contrôle total des rives de la Méditerranée orientale par l’Empire ottoman a, pour
la majorité des pays européens, un effet psychologique probablement plus fort que ne l’est
l’impact économique réel. Le marché de Constantinople est en effet un marché de moindre
importance que celui d’Alexandrie. Le trafic des épices et autres produits d’Orient se poursuit
grâce à une flotte de commerce ottomane nombreuse jusqu’en 1645, date de son entrée en
guerre avec Venise. La supériorité navale de la Sérénissime et de ses alliés va lui permettre de
couper les routes de communications maritimes de l’Empire en attaquant avec succès le
convoi d’Alexandrie, en faisant la chasse au commerce et le blocus des ports.
Par ailleurs, le bassin occidental de la Méditerranée et le proche Atlantique subissent la
pression barbaresque qui rend le trafic périlleux, en particulier pour l’Espagne et le Portugal
ce qui va être une des incitations à la recherche de routes maritimes moins exposées.
Les raisons qui vont conduire aux grandes découvertes sont triples :
27 Ibid. p. 35
16

La demande d’épices pour la cuisine et la pharmacie augmente et se diversifie à mesure
des découvertes. Il s’agit de « poivre noir de Ceylan ou malaguette d’Afrique, clous de
girofle et noix muscade des Moluques, gingembre et cannelle, sucre du Moyen-Orient,
plantes variées ayant des propriétés purgatives, astringentes ou tonifiantes, couleurs
végétales soit rouge avec les bois du Brésil et la garance d’Arabie, soit bleues avec
l’indigo des Indes ou jaune safran ; musc chinois ou nard indien ; perles d’Oman ou rubis
de Ceylan, etc. 28 ». La recherche d’une route directe, moins dépendante des aléas
politiques, pour répondre à l’importante demande d’épices et de métaux précieux devient
un souci permanent des négociants.
Des mobiles géopolitiques poussent également les royaumes ibériques à contourner le
monde musulman. Ils sont nettement définis dans les premières expéditions des Portugais
qui cherchent à s’allier au royaume mystérieux du Prêtre Jean, quelque part en Afrique,
peut-être en Éthiopie 29 . À cela s’ajoute le prosélytisme religieux qui anime les
conquistadores espagnols mais pas les Français.
Enfin, l’esprit de curiosité et d’aventure qui caractérise de toute éternité la population des
gens de mer. Les différents « métiers » se succèdent selon un mode chronologique
toujours identique. Les explorateurs viennent d’abord, permettant l’ouverture de routes
nouvelles. Ils sont suivis de commerçants qui les exploitent et de pirates qui rançonnent
ces derniers. Viennent ensuite des corsaires ou des marins d’États qui les sécurisent.
2 - Les grandes découvertes
Le partage du Monde
Le partage du monde s’effectue en quatre étapes principales, dont les deux premières sous
l’égide du pape :
1455: la bulle Romanus Pontifex confirme les Portugais dans leurs possessions d’Afrique
occidentale
1493: la bulle Inter coetera donne aux Rois Catholiques le droit d’acquérir territoires au
delà de 100 lieues (418 km) à l’ouest des Açores
1494 le traité de Tordesillas reporte la ligne de « marquation » à 370 lieues à l’ouest du
Cap Vert
1529 le traité de Saragosse (Pacifique)
28 NICOLAS., p.35
29 Ibid., p.36

La diplomatie de François 1er fera admettre que la bulle de 1493 ne concernait que les terres
connues, pas celles à découvrir. Il déclare au commandeur d’Alcantara, envoyé de Charles-
Quint :
« Est-ce déclarer la guerre et contrevenir à mon amitié avec sa Majesté que d’envoyer
là-bas mes navires? Le soleil luit pour moi comme pour les autres. Je voudrais bien
voir l’article du testament d’Adam, qui m’exclut du partage du monde. »
Il conteste ensuite la validité des deux traités qui n’ont pas fait l’objet de bulles papales et
justifie ainsi les voyages de Jacques Cartier à la recherche de nouvelles terres et d’un passage
du nord-ouest, route délaissée par les royaumes ibériques qui ouvrent et exploitent celles de
l’océan Indien.
Les expéditions
Elles se succèdent à un rythme accéléré :
En 1488, le Portugais Bartholomeu Dias découvre le cap de Bonne Espérance.
Le 12 septembre 1492, le Génois Christophe Colomb au service de l’Espagne aborde aux
Bahamas.
Le 24 juin 1497, le Vénitien Jean Cabot, au service de l’Angleterre, aborde au Labrador.
Le 22 novembre 1497, le Portugais Vasco de Gama franchit le premier le cap de Bonne
Espérance d’ouest en est. Il aborde à Calicut, sur la côte de Malabar dans le sous-
continent indien.
Le 22 avril 1500, le Portugais Cabral aborde au Brésil
Le 10 août 1500, le portugais Diogo Dias découvre Madagascar, qu’il nomme Saint-
Laurent.
En 1501, le Florentin Amerigo Vespucci aurait débarqué sur le continent américain entre
le Venezuela et le Brésil.
Le 21 mai 1502, découverte de l’île de Sainte Hélène, escale qui deviendra importante sur
la route des Indes.
En 1503, Gonneville est le premier français à aborder au Brésil.
En 1511, le Portugais Antonio Habreu découvre la Nouvelle-Guinée.
Le 13 septembre 1513, l’Espagnol Balboa traverse l’isthme de Panama et aperçoit l’océan
que Magellan baptise Pacifique huit ans plus tard.
18

Le 20 septembre 1519, le Portugais Magellan, au service de l’Espagne, entreprend son
voyage autour du monde avec cinq navires armés par deux cent trente-neuf hommes. Il
meurt le 27 avril 1521 aux Philippines dans l’île de Mactan. El Caño, un de ses capitaines,
rentre au Portugal avec un seul navire et dix-huit rescapés. Il a effectué le premier tour du
monde.
Le 7 mars 1524, le Florentin Verrazano, au service de la France, aborde en Caroline du
Sud. En 1524 et 1526, il explore la côte orientale de l’Amérique du Nord, visite le site de
l’actuel New York qu’il appelle Angoulême et pousse jusqu’à Terre-Neuve.
De 1534 à 1542, le Français Jacques Cartier, parti à la recherche du passage du Nord-
Ouest, explore la Nouvelle-France (Canada) :
o pendant le premier voyage, du 20 avril 1534 au 5 septembre 1534, il atterrit à
Terre-Neuve et explore le golfe du Saint-Laurent ;
o au cours du deuxième, du 19 mai 1535 au 16 juillet 1536, il découvre le fleuve
Saint-Laurent ;
o durant le troisième voyage du 23 mai 1541 au juillet 1542, il commande la colonie
de Charlesbourg-Royal.
3 - L’évolution de la diplomatie
Les capitulations
Lors de la chute de Constantinople, un ambassadeur de Venise est déjà en poste dans la ville.
Il est tué en participant à sa défense. Les Ottomans reconduisent pourtant cette fonction de
« bayle » de Venise en raison de son intérêt pour aider au règlement des problèmes
commerciaux. Il règle en fait tous les différends concernant la plupart des États européens en
percevant un pourcentage de la cargaison pour prix de son action. Les grandes puissances
européennes vont chercher à se libérer de cette tutelle vénitienne.
Bien qu’il n’y ait pas d’état de guerre, une trêve de trois ans est signée en 1534 entre
Sébastien de Gozo, au nom de la France, et le grand Vizir Ibrahim Pacha à Alep. Elle est
valable pour les mers du Levant et les territoires ottomans. La date de la signature de cet
accord est concomitante de l’alliance en vue d’une intervention de la flotte turque en soutien
des intentions françaises en Italie. En 1535 Jehan de la Forest devient le premier ambassadeur
permanent de France à Constantinople où il se rend après avoir rencontré Barberousse pour

préparer l’attaque de Gênes 30 . Un premier projet de capitulation franco-ottomane n’est pas
validé en 1536, mais la trêve est prolongée de trois années en 1537.
L’action diplomatique de la France est intense vers les pays musulmans. La France sera à
l’origine du premier traité de paix, de commerce et de navigation, conclu avec le Maroc en
1559. Il prévoit, outre la fourniture de cinq cents hommes d’arme chrétiens, de tout ce que
désirera l’Émir « en fait de munitions, d’armes, de mortiers, de mousquets, de lances pour
leur prix en pays chrétien ou bien des ouvriers capables afin que l’Émir en puisse faire
fabriques autant qu’il voudra ». En contrepartie, « L’Émir leur remettra le port de Kars-el-
Séghir 31 pour qu’ils construisent une citadelle où ils se fortifieront pour combattre leurs
ennemis et ceux de l’Émir ». De plus, il prévoit que tous les bâtiments français, qu’ils soient
marchands, corsaires, ou poursuivis par l’ennemi peuvent entrer et commercer dans n’importe
quel port marocain 32 . Il ne sera pas donné suite à cet accord.
La première capitulation française signée avec l’Empire ottoman le sera en 1569. La France
est le premier État, après Venise, à se voir accorder un tel traité.
4 - L’alliance navale du royaume de France et de l’Empire Ottoman
François 1er cherche à s’entendre avec les Turcs dans l’objectif de conquérir des territoires en
Italie. Dès 1520, il envoie son ambassadeur Guillaume du Bellay à Tunis pour prendre de
premiers contacts. L’alliance avec le sultan Selim lui paraît objective. Il veut seulement
oublier que les objectifs de celui-ci sont autant temporels que spirituels. L’héritier du califat
aspire tant à la prise de l’ensemble du pays qu’à celle du pape.
C’est la déroute de Pavie le 24 février 1525 et sa captivité en Espagne qui décide le roi de
France à franchir le pas. En 1529, Kheir-ed-Din, dit Barberousse, le Dey d’Alger qui assiège
le Peñon d’Alger peut de façon très opportune, prendre « de force » plusieurs pièces
d’artillerie sur des navires venus de France et qui sont là fort à propos 33 .
Cette même année, Soliman échoue devant Vienne. Levant le siège, il songe de plus en plus à
30
VEINSTEIN, Istanbul ottomane, carrefour diplomatique (XVe-XVIIIe siècles), cinquième conférence
prononcée au Collège de France
31
Ce port apparaît aujourd’hui sur les cartes sous l’appellation de Ksar Séghir. Il est situé à égale distance de
Ceuta et de Tanger, sur la côte sud du détroit de Gibraltar.
32
Traité de paix, de commerce et de navigation de 1559 entre la France et le Maroc. (En ligne). Consulté le 12
août 2010.
URL http://www.doc.diplomatie.gouv.fr/BASIS/choiseul/desktop/choiseul/DDW?M=1&K=15590002&W=PAY
S+%3D+%27Maroc%27+AND+TITRE+PH+WORDS+%27trait%E9+de+paix%27+ORDER+BY+SOUSSERI
E/Ascend
33
HEERS, Les Barbaresques, p.86
20

porter la guerre sur mer, à envahir l’Italie et à mener la grande offensive sur Rome. Il envoie
une ambassade en France en 1531 pour renforcer l’alliance. Les relations s’accentuent les
années suivantes. En 1538, une flotte française de douze galères, sous le commandement du
baron de Saint-Blancard, vice-amiral de Provence, cherche à rejoindre une flotte turque d’une
centaine de vaisseaux pour attaquer les Pouilles, la Sicile, puis l’Espagne. Le 27 septembre
1538, Barberousse avec cent vingt-deux navires, met en déroute à Prevenza (près de Lépante)
une grande flotte chrétienne à laquelle ne s’est joint aucun navire français.
C’est finalement en 1543 que Barberousse quitte l’Orient avec cent dix galères et quarante
galiotes. Paulin, ambassadeur de François 1 er est à ses côtés lors des sanglantes razzias
effectuées sur les côtes italiennes. En juillet, la flotte turque fait escale à Marseille où elle est
magnifiquement accueillie au nom du Roi par Enghien, commandant d’une escadre de
cinquante vaisseaux. Barberousse prend Villefranche et brûle la ville. La flotte combinée va
mettre le siège devant Nice qui capitule avec la promesse de ne pas être pillée. Les Turcs ne
font pas de quartier. Certain de son impunité et conscient de sa force, Barberousse razzie
Antibes.
L’hivernage est prévu à Toulon, bourgade qui ne compte que 5000 habitants et 635 maisons.
Quelles peuvent être les raisons qui ont présidé à ce choix ?
Le rattachement de la Provence, comtat souverain jusqu’en 1481, au royaume de France est
récent. Petite ville de la France méridionale, elle vit de la pêche et de la culture des oliviers de
la vigne et des citronniers. Sa magnifique rade est mal protégée des vents d’est. Le principal
navire de combat utilisé en Méditerranée est la galère et les capitaines de galères préfèrent le
plan d’eau de Marseille qu’ils trouvent mieux abrité. Ce ne sera qu’en 1599 qu’Henri IV
décida de créer une flotte permanente de vaisseaux de guerre et de la baser à Toulon après
avoir pourvu la ville d’une darse pour l’y abriter et l’inclure dans les nouvelles fortifications
destinées à mieux protéger la ville. Marseille se serait sans doute mieux prêtée à l’hivernage
des presque 200 galères ottomanes.
Trois raisons peuvent être avancées pour expliquer le choix de Toulon. D’une part le
problème de la cohabitation des chiourmes turques, composées en totalité d’esclaves
chrétiens, dont nombre d’entre eux devaient avoir été enlevés à l’occasion de la prise de
navires de commerce de Marseille ; la population de la grande métropole chrétienne n’aurait
pas manqué de générer des troubles pour tenter d’en obtenir la libération. À l’inverse, la
présence de rameurs des galères royales dont une forte proportion est composée de
musulmans pris au cours de combats ou achetés en Espagne et en Italie pouvait engendrer le

même type d’attente côté turc. Enfin, le choix d’une petite ville située à l’écart des grandes
routes commerciales pouvait uvait éviter d’entretenir le retentissement d’une décision de François
Ier qui faisait déjà quelque bruit dans la chrétienté.
Figure 2 : Méditerranée orientale et proche Atlantique
Des lettres patentes du Roi, en date du 8 septembre 1543, et une attache de Monsieur de
Grignan, Gouverneur de Provence, prescrivent aux Toulonnais d'évacuer en totalité la ville,
pour céder la place à « l'armée du sieur Barberousse » :
… est mandé et commandé andé à toutes personnes généralement dudit Thoulon de desloger
et vuyder ladite ville, personnes et biens, tout incontinent, pour loger l'armée du sieur
Barberousse a poyne de la hard pour désobeyssance…
22

Figure 3 : La flotte de Barberouse arberouse à TToulon
vue par un miniaturiste turc, 1543. Anonyme, dessinateur d'escadre.
Miniatures 0,25 x 0,33. Bibliothèque du Vieux Sérail, Istanbul, ms. n° 1608.
Le Conseil général de Toulon décide alors de négocier 34 pour obtenir, en premier lieu, de
sauver les olives et les récoltes, ensuite, un compromis quant à l'évacuation de la ville, enfin,
un allégement fiscal en dédommagement des pertes subies, fut la tâche des nouveaux consuls.
Entendu le rapport faict par le consoul sieur de Peusin, comme, en ensuyvant sa charge
et commission que luy avait esté donnée par le conseil et en compagnie de Anthoine
Selhan et Maistre Charles de Loingro ; se sont transportés à Cannes et Antiboul ou est
a présent l'armée du Grand Sei Seigneur gneur Barberousse et auroit parlé à Monseigneur Den
guien , AdmiraI de l'armée de mer du Roy, notre sire, et au Capitaine Poullin,
Embassadeur pour le Roy envers le Grand Seigneur, ausquel auroit faict les
réquisitions et remonstrations qu'on leur avait do donné nné charge et instructions et iceulx
auroit entendu que pour loger l'armée dudit sieur Barberousse, audit Thoulon, n'estoit
poinct de besoin bouger dudit lieu, que les enfans seulement et femmes qui s'en
vouldroient en aller, et que estoit necesser y demou demourer rer les chiefs des maysons et
artisans et qu'on y mectroyt telle police que ny aurait désordre ny inconvénient. Tous
34
Archives communales de Toulon BB 47 f° 248 v°

ensemble dung accord, ont commis et depputé ledit sieur consoul de Peusin, présent et
acceptant, a aller a Aix vers Monseigneur de Grignan, lieutenant et gouverneur pour le
Roy notre sire en ce présent pays de Provence, en compagnie de Monsieur le consoul
Honorat Brun, pour veoir et obtenir et avoir dudit sieur l'ordre de relief sur le
commandement faict par ledit sieur de vuyder ladite ville, affin de ne encourir les
poynes contenues es lettres patentes du Roy notre sire et de Mondit seigneur de
Grignan, ausquelles n'entendent aulcunement contravenir, s'il nest le bon plaisir dudit
seigneur de Grignan.
Le 14 octobre 1543, 174 galères, fustes et galiotes, mouillent dans la rade. Trente mille
hommes s’installent en ville jusqu‘en avril 1544 pour le plus grand malheur de la cité où tout
est fait, sur ordre du roi, pour satisfaire les Ottomans.
Selon certains auteurs, « La cathédrale Sainte-Marie-Majeure est transformée en mosquée, les
tombeaux des nobles et des notables pillés 35 ».
Les finances de la ville sont tellement obérées que Toulon met plusieurs années pour les
rétablir normalement. Il lui faut même emprunter 20 000 écus 36 . Par lettre donnée à Echon le
11 décembre 1543, François 1er exempte les Toulonnais de toute taille royale pendant dix
ans, tellement fortes avaient été leurs charges financières durant ces six mois 37 .
Le départ doit aussi être négocié par François 1 er qui le paie très cher : « 800 000 écus d’or,
pièces d’orfèvrerie et draps de soie en grand nombre plus vivres et munitions 38 ».
Barberousse continue de perpétrer de multiples exactions dans le golfe de Naples et à Reggio
di Calabre avant de regagner Constantinople avec un énorme butin et de nombreux esclaves.
Sans que la France en tire un quelconque avantage stratégique.
Le 18 septembre 1544, François 1 er signe avec Charles-Quint le traité de Crépy par lequel il
s’engage à combattre les Ottomans, mettant fin à l’alliance turque.
35
Ibid., p. 97. La transformation de la cathédrale en mosquée n’est cependant pas confirmée par d’autres
sources.
36
Cdt Emmanuel Davin, Le célèbre amiral Turc Khaireddin Barberousse à Toulon (1543-1544). Neptunia no
55. 3e trim. 1959, p. 5
37 Ibid. p. 8
38 Ibid., 97
24

Conclusions
François Ier fait preuve d’un sens géopolitique avisé en cherchant deux solutions concurrentes
pour assurer les liaisons commerciales avec l’Asie. Si la recherche de l’alternative maritime
par le passage du Nord-Ouest n’aboutit pas, les relations diplomatiques et les accords
commerciaux qu’il noue avec l’Empire ottoman seront pérennes. Son action pour contester le
partage du monde entre les royaumes ibériques est également efficace.
En revanche, sa volonté de compenser la faiblesse navale par une alliance avec le Croissant est
un échec stratégique prévisible tant les objectifs politiques sont incompatibles. Pour les
Français il s’agit d’un simple soutien naval devant leur permettre de prendre pied en Italie,
alors que les Ottomans cherchent un moyen de poursuivre leurs conquêtes terrestres par la voie
maritime après leur échec de 1529 devant Vienne.

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26

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Dan, 26
détroit de Gibraltar, 20
Index
Malte
Ordre de, 27, 28
razzias, 12
Tunis, 29
30