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Le rapport - Le Nouvel Observateur

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Commission<br />

nationale de<br />

déontologie<br />

de la sécurité<br />

Rapport 2006<br />

au Président de la République<br />

et au Parlement


Au moment de publier son sixième <strong>rapport</strong> d’activité, la Commission<br />

nationale de déontologie de la sécurité a décidé de renoncer à la publication<br />

sur support papier de l’intégralité de son <strong>rapport</strong>.<br />

Ce choix est la conséquence de la très forte progression du nombre<br />

de ses saisines, qui entraîne la publication de <strong>rapport</strong>s d’activité toujours plus<br />

épais, peu maniables, et dont les coûts d’impression et d’affranchissement<br />

semblent déraisonnables, dès lors que l’information de chacun est possible<br />

grâce au réseau Internet.<br />

<strong>Le</strong> site de la CNDS rend en effet public l’ensemble de ses avis et<br />

recommandations 2006, ainsi que les réponses des autorités publiques.<br />

Toutefois, en complément de l’édition numérique, l’introduction<br />

au <strong>rapport</strong>, dans laquelle les faits saillants de l’année sont décrits, ainsi<br />

que l’étude sur l’administration pénitentiaire à travers les dossiers dont la<br />

Commission a eu connaissance depuis six ans, demeureront éditées comme<br />

par le passé.<br />

Conformément à la loi du 6 juin 2000, cette publication sera remise<br />

au président de la République et au Parlement.<br />

Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

www.cnds.fr<br />

« En application de la loi du 11 mars 1957 (art.41) et du Code de la propriété intellectuelle du<br />

1er juillet 1992, complétés par la loi du 3 janvier 1995, toute reproduction partielle ou totale à<br />

usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse<br />

de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en<br />

danger l’équilibre économique des circuits du livre ».<br />

© La Documentation française, Paris 2007<br />

ISBN : 978-2-11-006492-9


«La garantie des droits de l’homme et du citoyen<br />

nécesssite une force publique ;<br />

cette force est donc instituée pour l’avantage de tous<br />

et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels<br />

elle est confiée.»<br />

Article 12 de la Déclaration des droits de l’homme<br />

et du citoyen du 26 août 1789


Sommaire<br />

Introduction............................................................................................... 7<br />

<strong>Le</strong>s avis et recommandations 2006................................................... 46<br />

LA POLICE NATIONALE...........................................................................<br />

LA POLICE AUX FRONTIÈRES..............................................................<br />

L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE...................................................<br />

LA GENDARMERIE NATIONALE..........................................................<br />

LES SERVICES DE SÉCURITÉ PRIVÉE...............................................<br />

Décisions de classement<br />

CLASSEMENT SANS SUITE..................................................................<br />

HORS DÉLAI..........................................................................................<br />

HORS COMPÉTENCE...........................................................................<br />

<strong>Le</strong> suivi des recommandations de 2005......................................... 529<br />

Etude :<br />

la CNDS et l’administration pénitentiaire 2001-2006...................<br />

Annexes<br />

Instructions du ministre de l’Intérieur du 22 février 2006 visant<br />

à préciser la conduite à tenir à l’égard des mineurs...............................<br />

Instruction du ministre de l’Intérieur du 9 janvier 2006<br />

sur l’utilisation des pistolets à impulsions électriques.............................<br />

Décret n°2006-338 du 21 mars 2006 modifiant le Code de procédure<br />

pénale et relatif à l’isolement des détenus..............................................<br />

Composition de la CNDS........................................................................<br />

Loi n°2000-494 du 6 juin modifiée, portant création de la CNDS...........<br />

5<br />

49<br />

343<br />

364<br />

465<br />

478<br />

483<br />

506<br />

519<br />

559<br />

604<br />

608<br />

614<br />

616<br />

619


INTRODUCTION<br />

6


INTRODUCTION<br />

L’année 2006 marque la fin du mandat de trois des quatorze membres de<br />

la Commission nationale de déontologie de la sécurité, dont celui de son<br />

premier président, M. Pierre Truche. La CNDS a fait paraître à cette occasion,<br />

en novembre dernier, un bilan de ces six premières années d’activité 1 .<br />

Par décret du 5 décembre 2006, le Président de la République a nommé<br />

M. Philippe Léger président de la CNDS, pour un mandat de six ans.<br />

En octobre 2006, le colloque organisé par la CNDS consacré à l’« Approche<br />

internationale de la déontologie policière » 2 a permis la rencontre avec des<br />

institutions étrangères (Canada, Québec, Irlande du Nord, Grande-Bretagne<br />

et Belgique) aux missions comparables, qui ont pu confronter pouvoirs,<br />

expériences et méthodes. Cette journée a été l’occasion d’échanges fructueux<br />

entre notamment des élus, des représentants du ministère de l’Intérieur, des<br />

syndicalistes, des magistrats, le représentant du Commissaire au droits de<br />

l’Homme au Conseil de l’Europe et le vice-président de la Cour européenne<br />

des droits de l’Homme.<br />

La rapidité de traitement des plaintes étant une priorité commune à toutes<br />

les institutions de contrôle présentes, la CNDS a appris avec intérêt que<br />

80 % des plaintes reçues par le Commissaire à la déontologie policière du<br />

Québec étaient traitées en moins de 90 jours. Il est à noter qu’en 2004,<br />

51 personnes étaient employées à temps plein par le Commissaire pour<br />

traiter 1296 plaintes, alors qu’à la CNDS, au cours de la même année, trois<br />

personnes travaillaient à temps plein, supervisées par 14 membres ayant<br />

tous des activités professionnelles ou politiques extérieures, pour instruire<br />

97 dossiers.<br />

1 Consultable sur le site www.cnds.fr.<br />

* *<br />

*<br />

2 Colloque organisé à l’Ecole nationale de la magistrature le 20 octobre 2006.<br />

7<br />

INTRODUCTION


INTRODUCTION<br />

Cette année encore, forte d’une notoriété croissante, la CNDS constate une<br />

nouvelle hausse du nombre de ses saisines (+25 % comparativement à 2005) :<br />

161 ont été enregistrées concernant 140 dossiers, plusieurs parlementaires<br />

ayant saisi la Commission d’un même cas, alors que 108 affaires avaient<br />

été référencées en 2005. Au regard de l’ensemble des interventions des<br />

services de sécurité, les saisines sont significatives des manquements à la<br />

déontologie.<br />

Au 15 janvier 2007, 151 affaires restaient en cours d’instance à la Commission<br />

(dont 16 enregistrées en 2005, 132 en 2006, 3 en 2007).<br />

Cette augmentation est par ailleurs assortie d’un nombre toujours plus élevé<br />

de plaintes transmises directement (83), dont une quinzaine s’est muée<br />

en saisines effectives, après information sur les modalités de saisine de la<br />

CNDS aux plaignants.<br />

Si la majorité des plaintes émises en 2006 concerne l’action de la police<br />

nationale (62 %), confortant le constat établi lors des années précédentes,<br />

l’augmentation des saisines relatives à l’administration pénitentiaire (16 %<br />

des affaires 2006) a conduit la Commission à mener une étude, publiée dans<br />

le présent <strong>rapport</strong>, récapitulative des dossiers traités par la CNDS depuis sa<br />

création.<br />

LES TEXTES ADOPTÉS PAR LE GOUVERNEMENT ET LES AVIS<br />

2006 CONCERNÉS<br />

<strong>Le</strong>s recommandations émises par la CNDS, au-delà du cas individuel sur<br />

lequel elles reposent, mettent en évidence les dysfonctionnements constatés<br />

au sein des services de sécurité, afin que les autorités ministérielles, en<br />

ayant pris conscience, prennent des mesures pour y remédier.<br />

Des textes ainsi adoptés cette année par le gouvernement font notamment<br />

suite aux recommandations de la Commission :<br />

8


Ministère de l’Intérieur<br />

Instructions ministérielles du 22 février 2006 visant à préciser la<br />

conduite à tenir à l’égard des mineurs à l’occasion des interventions de<br />

police et lorsqu’ils sont placés sous la responsabilité de la police ou de<br />

la gendarmerie nationales<br />

La Commission préconisait, dans son avis 2005-12, adopté le 19 décembre<br />

2005 et publié dans le <strong>rapport</strong> 2005, de « compléter l’instruction ministérielle<br />

du 11 mars 2003 par une directive spécifique, relative aux mesures que les<br />

services de police peuvent être amenés à prendre à l’égard des mineurs ».<br />

La CNDS prend acte de la note ministérielle diffusée le 22 février 2006,<br />

complétant les instructions du 11 mars 2003 relatives à la garantie de la<br />

dignité des personnes placées en garde à vue, dont l’objet est de préciser<br />

« la conduite à tenir à l’égard des mineurs à l’occasion des interventions de<br />

police et lorsqu’ils sont placés sous la responsabilité de la police ou de la<br />

gendarmerie ».<br />

Cette note appelle à des « évolutions de l’ordonnance du 2 février 1945 » ;<br />

elle ajoute que « le refus de toute attitude laxiste ou indifférente à l’endroit<br />

des mineurs délinquants ne s’oppose en rien au respect scrupuleux de la<br />

protection due à tout mineur, même lorsqu’il est mis en cause ». <strong>Le</strong> ministre<br />

demande à ses services de « conserver en toutes circonstances des pratiques<br />

professionnelles irréprochables vis-à-vis des mineurs, qu’ils soient victimes,<br />

témoins, mis en cause ou simplement contrôlés », « dans le respect absolu<br />

de la dignité des personnes ».<br />

<strong>Le</strong>s contrôles d’identité, qui bien souvent constituent « le premier contact<br />

avec le mineur », doivent être réalisés avec politesse et courtoisie, le<br />

vouvoiement étant de principe, et doivent être « motivés par l’analyse d’une<br />

situation donnée au regard des textes ». Ces mesures ne doivent pas être<br />

vexatoires.<br />

<strong>Le</strong>s mesures de sécurité et de coercition doivent être proportionnées, « le<br />

policier ou le gendarme [devant] constamment faire montre du plus grand<br />

discernement ainsi qu’une capacité au dialogue ». <strong>Le</strong> ministre rappelle les<br />

dispositions de l’article 803 du Code de procédure pénale, et que la « coercition<br />

9<br />

INTRODUCTION


INTRODUCTION<br />

doit être proportionnée à la résistance opposée », en tenant compte des<br />

impératifs liés à la sécurité du mineur, comme à celle des fonctionnaires.<br />

L’usage de la force doit être gradué, en respectant l’intégrité physique et la<br />

dignité des personnes. Par ailleurs, « tout incident conduisant à l’usage de<br />

la force doit être mentionné dans le procès-verbal d’interpellation ou faire<br />

l’objet d’un compte-rendu immédiat et circonstancié ».<br />

Dès l’interpellation, et « quelle que soit la gravité des infractions pouvant lui<br />

être reprochées », le mineur se trouve sous la responsabilité et la protection<br />

des gendarmes ou policiers. Il est donc « impératif, spécialement s’agissant de<br />

mineurs, que les magistrats soient complètement et exactement informés de<br />

l’ensemble des éléments objectifs d’appréciation ». <strong>Le</strong> ministre recommande<br />

enfin de veiller à la bonne application des textes, sur l’enregistrement des<br />

interrogatoires des mineurs placés en garde à vue d’une part, et sur les<br />

dispositions pour « éviter, sauf circonstance exceptionnelle, toute promiscuité<br />

avec des personnes majeures », d’autre part.<br />

La Commission note toutefois que cette circulaire omet de rappeler l’obligation<br />

d’informer sans délai les parents ou le représentant légal du mineur.<br />

<strong>Le</strong>s dossiers 2006 concernant des mineurs<br />

Quatre dossiers (2005-6 ; 2005-90 ; 2005-98 ; 2006-7) concernant des<br />

mineurs mis en cause ont été traités cette année par la Commission ; deux<br />

autres concernaient des mineurs placés sous la protection des forces de<br />

l’ordre, soit parce que présents au moment de l’interpellation de leurs parents<br />

(2005-48), soit parce qu’entendus comme témoins (2005-51).<br />

<strong>Le</strong>s faits exposés dans ces six dossiers sont tous antérieurs aux instructions<br />

ministérielles du 22 février 2006 citées supra. La CNDS espère que ces<br />

nouvelles prescriptions seront à l’avenir respectées.<br />

Force est pourtant de constater que ces instructions ministérielles ne se<br />

voulaient qu’un simple rappel des règles déontologiques et légales déjà en<br />

vigueur.<br />

Or, dans l’avis 2006-7, la Commission réprouve les conditions dans lesquelles<br />

s’est effectué l’interrogatoire du jeune rescapé du drame de Clichy-sous-<br />

10


Bois, le 28 octobre 2005 : alité dans la salle de réveil collective réservée aux<br />

polytraumatisés graves – il avait été brûlé par électrocution sur une surface<br />

de 10 à 15 % du corps –, M.A., 17 ans, a été entendu par deux fonctionnaires<br />

du Service départemental de la police judiciaire de Bobigny (93), dix-huit<br />

heures seulement après l’accident. <strong>Le</strong> procès-verbal d’audition fixait le<br />

cadre juridique à une enquête de flagrance (art. 53 s. du Code de procédure<br />

pénale) – où M.A. était alors considéré comme mis en cause –, et non à une<br />

recherche des causes de la mort (art. 74 s.) – où M.A. aurait été considéré<br />

comme témoin –, ce qui semblait être confirmé par le relevé de « la grande<br />

identité » (réservé aux personnes mises en cause ou susceptibles de l’être)<br />

et par les déclarations de l’un des fonctionnaires de police.<br />

<strong>Le</strong> ministre de l’Intérieur, à la suite de l’avis rendu par la CNDS, a qualifié<br />

cette mention « à l’évidence de simple erreur matérielle » ; selon lui, « ces<br />

éléments, dont [il] ne s’explique pas l’importance qui leur a été conférée,<br />

rendent outrancières les accusations de faux dont la presse s’est faite<br />

l’écho ». Dans son courrier de réponse, la CNDS a cependant réaffirmé<br />

ses positions, considérant que « le fait que M.A. ait été interrogé pendant<br />

une heure et demi, alors qu’il était grièvement blessé, en état de détresse<br />

psychologique et morale évidente et sans l’assistance de ses parents, par<br />

des fonctionnaires munis d’un document comportant des données erronées,<br />

constitue un manquement à la déontologie ».<br />

À cette occasion, le ministre avait une nouvelle fois attiré l’attention de la<br />

Commission sur le fait que les avis et recommandations émis le 10 juillet 2006<br />

avaient « fait l’objet d’une publicité, alors que l’autorité publique destinataire<br />

de l’avis n’avait pas encore été en mesure de présenter ses observations sur<br />

les faits et leur interprétation ». La CNDS lui répondait que conformément<br />

aux obligations qui lui sont faites par la loi du 6 juin 2000, elle avait procédé<br />

à l’information du parlementaire sur les suites données à sa saisine (art. 10),<br />

et que la publicité faite à ses conclusions par ce destinataire ne dépendait<br />

en rien d’elle.<br />

La Commission condamne par ailleurs, dans son avis 2005-6, le traitement<br />

subi par S.A., 17 ans, à Strasbourg (69). Celui-ci a reçu un coup au visage<br />

qui lui a occasionné une perforation du tympan alors que, d’après le policier,<br />

il n’avait fait aucun geste d’agression. Il a par ailleurs été insulté, retenu dans<br />

un véhicule de police sans cadre légal ni information au procureur. Il a été<br />

menotté d’abord à un grillage, puis jusqu’à son domicile pour vérifier son<br />

11<br />

INTRODUCTION


INTRODUCTION<br />

identité, sans qu’il ne présente un quelconque danger ni pour lui-même, ni<br />

pour les policiers, aux dires mêmes de ces derniers.<br />

<strong>Le</strong> ministre a considéré, dans sa réponse faite à la CNDS, que le coup porté,<br />

puis le menottage, étaient « la conséquence de sa tentative de fuite », mais<br />

que « les conséquences de cet usage de la force montrent indiscutablement<br />

une mauvaise maîtrise des gestes techniques professionnels » ; « le<br />

fonctionnaire concerné [devra donc suivre] le plus rapidement possible<br />

une action de formation continue sur ce point ». Il reconnaît d’autre part<br />

que « faute de relever une infraction caractérisée (…), ils auraient dû lui<br />

retirer ses menottes » pendant la reconduite au domicile de ses parents.<br />

<strong>Le</strong> ministre a « demandé à la direction centrale de la sécurité publique de<br />

faire rappeler aux personnels concernés par cette affaire, dans une lettre de<br />

mise en garde, les droits et devoirs des policiers concernant l’utilisation des<br />

menottes ».<br />

Dans le dossier 2005-98, le jeune passager d’un scooter, I.F., 17 ans, ne<br />

pouvant justifier de son identité, est fouillé sur la voie publique, illégalement<br />

puisqu’il ne s’agissait pas d’une palpation de sécurité. Sont alors trouvés<br />

sur lui des chèques-cadeaux au nom de sa mère, qui n’était pas le même<br />

que le sien (sa mère est française et son père d’origine sénégalaise). <strong>Le</strong>s<br />

policiers le soupçonnant de les avoir volés, il a été conduit menotté – alors<br />

qu’aucun délit n’avait été commis – au commissariat du 11 ème arrondissement<br />

de Paris, où il est resté une demi-heure, toujours menotté à un banc. Aucun<br />

procès-verbal de vérification d’identité ne sera dressé de ce passage au<br />

commissariat. I.F. ne sera pas présenté à l’officier de police judiciaire (OPJ) ;<br />

le procureur de la République ne sera pas informé.<br />

<strong>Le</strong> ministre de l’Intérieur partage l’analyse de la Commission au sujet<br />

du menottage auquel a été soumis le jeune I.F., « qui s’est exercé en<br />

méconnaissance de l’article 803 du Code de procédure pénale » ; il considère<br />

à ce titre que « les policiers intervenants ont manqué de discernement dans<br />

l’exercice de leur pouvoir d’appréciation ». Il reconnaît par ailleurs qu’en<br />

l’espèce, « en ce qui concerne la procédure de vérification d’identité, le nonrespect<br />

de plusieurs dispositions de l’article 78-3 du Code de procédure<br />

pénale est établi », sur l’absence d’information du procureur, de présentation<br />

à l’OPJ, et de rédaction d’un procès-verbal. Ainsi, « sur instruction de Monsieur<br />

le Préfet de police, les chefs de service concernés ont été destinataires<br />

des avis et recommandations de la Commission et ont été enjoints « de<br />

12


appeler de manière très ferme aux personnels placés sous leur autorité<br />

les instructions permanentes relatives à l’application dans les services de<br />

la direction de la police urbaine de proximité, des dispositions des articles<br />

78-3 et 803 du Code de procédure pénale à l’égard des mineurs » », tout<br />

comme le fut le Directeur de la formation de la police nationale, « afin que<br />

cette affaire puisse être utilisée en vue d’un retour d’expérience en matière<br />

de formation initiale et continue ».<br />

Au 15 janvier 2007, 11 saisines alléguant des manquements à la déontologie<br />

concernant des mineurs restent à examiner par la Commission.<br />

Instruction d’emploi relative à l’utilisation des pistolets à<br />

impulsions électriques du 9 janvier 2006<br />

Après une mise en dotation depuis 2004 dans certaines unités spécialisées<br />

à des fins d’évaluation, les policiers, en commençant par les brigades<br />

opérationnelles telles que les BAC et les groupes d’intervention, seront au<br />

fur et à mesure équipés de pistolets à impulsions électriques (ou Tasers).<br />

Ce « moyen de force intermédiaire », est présenté comme un substitut à<br />

l’usage des armes à feu permettant une neutralisation efficace de l’interpellé<br />

(il libère une décharge électrique de 50 000 volts qui bloque le système<br />

nerveux central, provoquant une paralysie temporaire), soit en contact direct,<br />

soit à courte distance, tout en étant « non létal ». Il a néanmoins été classé<br />

dans les armes de 4 ème catégorie par un arrêté interministériel du 22 août<br />

2006.<br />

<strong>Le</strong>s Tasers qui doteront les forces de l’ordre françaises ont la particularité d’être<br />

équipés d’une caméra à l’intérieur même de la crosse, qui se déclenchera<br />

automatiquement dès que le pistolet sera chargé ; elle procédera à des<br />

enregistrements audio et vidéo. Dans un souci de traçabilité, une mémoire<br />

enregistrant les paramètres de tir sera l’objet de contrôles périodiques.<br />

L’instruction du 9 janvier 2006 a pour objet de définir les règles, modalités<br />

et précautions d’emploi de cette arme. Elle distingue trois cadres juridiques<br />

d’utilisation : la légitime défense ; l’appréhension de l’auteur dans un crime ou<br />

délit flagrant ; la nécessité ou la résistance manifeste à l’intervention légale<br />

du policier. Dans ces deux derniers cas, l’utilisation du Taser est assimilable<br />

à la force, et doit donc « en tout état de cause rester strictement nécessaire<br />

et proportionnée ».<br />

13<br />

INTRODUCTION


INTRODUCTION<br />

Ce texte évoque par ailleurs l’effet dissuasif du seul pointage au laser qui<br />

précède le tir ; il devra être privilégié. Avant tout tir, et « dès lors que les<br />

circonstances le permettent », la personne devra être « informée oralement<br />

de la possibilité d’emploi à son encontre du pistolet à impulsions électriques ».<br />

Des précautions d’emploi sont édictées : les yeux ne doivent pas être visés<br />

par le pointeur laser ; la tête et le cou doivent être évités en cas de projection<br />

des deux ardillons électriques, afin de « limiter les risques de lésions et<br />

de malaise ». <strong>Le</strong> tireur devra prendre en compte les « conséquences<br />

possibles » sur l’entourage à proximité immédiate de la personne visée,<br />

« notamment en cas de foule ou de présence d’enfants ». <strong>Le</strong> recours au<br />

Taser ne reste formellement proscrit qu’« à l’encontre du conducteur d’un<br />

véhicule automobile en mouvement ». Son emploi supposera toujours une<br />

vérification de l’état physique et psychique du « tasé » par le policier, après<br />

le tir.<br />

La formation procurée aux policiers qui en seront munis supposera qu’ils<br />

subissent eux-mêmes un tir, et insistera sur le discernement des cas où<br />

le tir sera fortement déconseillé (personnes cardiaques, femmes enceintes,<br />

influence de stupéfiants, imprégnation de liquides inflammables…). La<br />

Commission s’interroge sur la possibilité, pour les policiers intervenants, de<br />

détecter de telles caractéristiques au premier contact, dans la précipitation<br />

d’une intervention, afin de conserver le caractère a priori non létal de cette<br />

arme.<br />

<strong>Le</strong>s dossiers impliquant le Taser<br />

Antérieurement à l’instruction précitée du 9 janvier 2006, la Commission a<br />

été saisie de trois cas d’usage par des policiers spécialisés d’un pistolet à<br />

impulsions électriques.<br />

Dans un précédent avis (2004-3 bis, publié dans le <strong>rapport</strong> 2004), elle s’est<br />

prononcée sur les conditions de l’intervention du GIPN 3 dans la cellule<br />

d’une détenue handicapée par une attelle et un extracteur d’air. La CNDS a<br />

estimé que l’utilisation du pistolet à impulsions électriques sur une personne<br />

3 Groupe d’Intervention de la Police Nationale.<br />

14


vulnérable, dans des circonstances qui ne présentaient pas le caractère<br />

proportionnel et strictement nécessaire de son emploi, constituait un<br />

manquement à la déontologie : « Tous ces éléments tendent à accréditer<br />

fortement l’hypothèse que la présence de journalistes, et notamment d’un<br />

photographe, ait pu peser dans le choix d’intervention du GIPN, et (…) qu’ait été<br />

écartée l’option de la négociation ». Elle s’est inquiétée d’une « perméabilité,<br />

active, de l’institution et de ses agents, aux pressions commerciales d’une<br />

entreprise privée [fabricant du Taser], intéressée par le marché potentiel,<br />

très lucratif, que constitue l’équipement de la police ».<br />

Dans la saisine 2005-72 publiée dans le présent <strong>rapport</strong>, à Lyon (69), une<br />

manifestante, soupçonnée de dégradations, a été violemment interpellée,<br />

puis « traînée » sur la chaussée, avant que deux coups de pieds « de<br />

diversion » et deux décharges de Taser ne lui soient administrés. La CNDS a<br />

considéré que « l’interpellation de Mlle V.B. par les fonctionnaires de la BAC<br />

fut empreinte de brutalité, sans respect des règles élémentaires du Code de<br />

déontologie policière et de la dignité de la personne humaine ». <strong>Le</strong> ministre<br />

de l’Intérieur juge pour sa part qu’« aussi virulente que pouvait être Mlle B.<br />

à l’égard des policiers qui procédaient à son interpellation dont l’un a eu le<br />

doigt cassé, il n’en demeure pas moins que le recours à ce moyen de force<br />

intermédiaire devait être proportionné et nécessaire, conformément au Code<br />

de déontologie de la police nationale. Malgré la difficulté d’intervenir dans le<br />

contexte de l’espèce, il ne semble pas certain que cela ait été strictement le<br />

cas ».<br />

Dans un avis qui n’a pas donné lieu à recommandation (2005-89) – la<br />

Commission n’ayant constaté aucun manquement à la déontologie –, le<br />

plaignant, M. G.M., arguait avoir reçu de la part de policiers, alors qu’il était<br />

en proie à une vive excitation due à son état d’ivresse en sortant d’une<br />

discothèque, deux décharges électriques dans la cuisse gauche. La lecture<br />

du certificat médical, très complet, établi par un praticien lors de sa garde<br />

à vue, et les investigations auxquelles la Commission s’est livrée, n’ont pas<br />

permis d’étayer ces allégations.<br />

15<br />

INTRODUCTION


INTRODUCTION<br />

Ministère de la Justice<br />

Décret n°2006-338 du 21 mars 2006 modifiant le Code de procédure<br />

pénale et relatif à l’isolement des détenus<br />

<strong>Le</strong> 1 er juin 2006 est entré en vigueur le décret n o 2006-338 du 21 mars 2006,<br />

modifiant le Code de procédure pénale et relatif à l’isolement des détenus.<br />

<strong>Le</strong> nouveau régime tient compte de la jurisprudence du Conseil d’Etat (arrêt<br />

du 30 juillet 2003 Remli) et des recommandations faites par la Commission<br />

(cf. saisine 2004-14), notamment concernant les motifs de la décision initiale<br />

de placement ou de prolongation de la mesure, le caractère exceptionnel<br />

que doit revêtir cette prolongation, et la possibilité pour les détenus placés à<br />

l’isolement de bénéficier, sous certaines conditions, d’activités physiques.<br />

Note du 29 juillet 2005 sur la procédure à mettre en œuvre pour<br />

porter secours à des personnes en péril en cas d’incendies dans les<br />

établissements dépourvus de gradés en service de nuit — Note du 30<br />

novembre 2005 sur la migration des lignes police des établissement<br />

pénitentiaires d’un système analogique vers un système numérique<br />

— Installation d’armoires à clefs sécurisées dans les établissements<br />

dépourvus de gradés de nuit<br />

Suite aux recommandations de la CNDS concernant les possibilités<br />

d’ouverture, en cas d’incident, des cellules, dans les établissements<br />

dépourvus de gradés en service la nuit (dossiers 2002-30 et 2003-26), le<br />

garde des Sceaux a fait part à la Commission d’une note du 29 juillet 2005<br />

du Directeur de l’administration pénitentiaire. Cette note ne répond que<br />

pour partie aux recommandations de la Commission, puisque seule une<br />

procédure d’urgence en cas d’incendie susceptible d’embraser tout ou partie<br />

de l’établissement prévoit la possibilité d’accéder aux clefs des cellules, dans<br />

l’attente du gradé d’astreinte. La CNDS souhaite que cette possibilité soit<br />

étendue en réponse aux risques d’atteinte à l’intégrité physique des détenus<br />

(malaises, tentatives de suicide).<br />

16


Circulaire de 10 août 2006 relative à l’accès des détenus à<br />

l’informatique<br />

Attendue par la Commission depuis son avis 2004-66 publié dans le <strong>rapport</strong><br />

2005, la circulaire du 10 août 2006 vient refondre la circulaire antérieure du 21<br />

avril 1997 relative à la gestion des ordinateurs appartenant à des personnes<br />

incarcérées. La Commission souhaitait que soit redéfinie avec précision, tant<br />

dans son usage que dans sa surveillance, l’utilisation du réseau Internet. En<br />

réponse, la circulaire interdit l’accès pour les détenus à Internet et Intranet.<br />

LE RAPPORT 2006<br />

<strong>Le</strong> présent <strong>rapport</strong> rend compte des avis, recommandations et décisions<br />

rendus par la Commission entre le 17 janvier 2006 et le 15 janvier 2007.<br />

102 dossiers ont été instruits en 2006, dont :<br />

- 35 ayant abouti à une décision simple, dont 12 hors délai, les faits<br />

s’étant déroulés plus d’un an avant la saisine de la CNDS (art. 4 de la loi du<br />

6 juin 2000). Certains dossiers ont ainsi été écartés parce que le plaignant<br />

s’était tout d’abord adressé au médiateur de la République, qui n’a pas<br />

le pouvoir de saisir directement la CNDS. <strong>Le</strong>s différentes démarches qui<br />

s’ensuivirent ont eu souvent pour conséquence de sortir ces dossiers du<br />

délai légal de saisine. C’est pourquoi la CNDS, avec l’accord du médiateur de<br />

la République et du président de la HALDE (Haute Autorité de lutte contre les<br />

discriminations et pour l’égalité), a souhaité pouvoir être saisie directement<br />

par ces deux institutions ;<br />

- 67 avis adoptés. Parmi eux, 26 ne révélaient aucun manquement à la<br />

déontologie (soit 39 %).<br />

Sur les 102 dossiers traités cette année :<br />

- 7 dossiers semblant révéler une infraction pénale mais ne faisant pas encore<br />

l’objet de poursuites ont été transmis par la CNDS au procureur de la République<br />

(2005-6 ; 2005-46 ; 2005-57 ; 2005-76 ; 2005-79 ; 2005-106 ; 2006-89)<br />

17<br />

INTRODUCTION


INTRODUCTION<br />

- 1 seul (2005-26) l’a été au procureur général, habilité à statuer sur la<br />

responsabilité disciplinaire des officiers de police judiciaire ;<br />

- 15 avis ont fait l’objet d’une demande de poursuites disciplinaires au<br />

ministre de tutelle (2005-6 ; 2005-18 ; 2005-29 ; 2005-45 ; 2005-57 ; 2005-<br />

63 ; 2005-72 ; 2005-76 ; 2005-79 ; 2006-23 ; 2006-43 ; 2006-53 ; 2006-61 ;<br />

2006-89 ; 2006-127). La Commission constate cette année, au travers des<br />

réponses qui lui ont été faites par le ministère de l’Intérieur, une augmentation<br />

de ces sanctions.<br />

Sur ces 102 dossiers :<br />

- 69 concernaient les services de la police nationale ;<br />

- 14 l’administration pénitentiaire ;<br />

- 8 la gendarmerie nationale ;<br />

- 2 la police municipale ;<br />

- 2 la police aux frontières et les centres de rétention administrative ;<br />

- 1 dossier les services de sécurité privée ;<br />

- aucune saisine examinée cette année n’avait pour objet l’action des<br />

services de surveillance des transports ;<br />

- 4 autres saisines mettaient en cause plusieurs services (2005-8 et<br />

2005-66 : police nationale et administration pénitentiaire ; 2005-37 et 2006-<br />

47 : police nationale et gendarmerie nationale), et deux dossiers mettaient<br />

en cause des services qui n’étaient pas de sécurité.<br />

Avant d’évoquer les dossiers significatifs de l’année 2006, la Commission<br />

tient à aborder cette année un sujet transversal : les fichiers informatiques<br />

des forces de l’ordre.<br />

<strong>Le</strong>s modalités d’inscription et de consultation des fichiers de<br />

police et de gendarmerie<br />

<strong>Le</strong>s fichiers, alimentés et consultés par les différents services de sécurité,<br />

se multiplient et sont de plus en plus étendus au fil des textes adoptés.<br />

La police nationale utilise ainsi notamment le système de traitement des<br />

infractions constatées STIC (environ 32 millions infractions recensées, avec<br />

le nom de 4 750 000 mis en cause et de 2 250 000 victimes), le fichier des<br />

renseignements généraux, le fichier national automatisé des empreintes<br />

18


génétiques ou FNAEG (322 000 empreintes génétiques ; 52 000 profils<br />

rapprochés mais non-inscrits), le fichier automatisé des empreintes digitales<br />

(FAED), ou ELOI : le fichier d’éloignement des étrangers en situation<br />

irrégulière. La gendarmerie nationale est équipée de JUDEX ou d’ANACRIM.<br />

STIC et JUDEX devraient fusionner en fin d’année pour élaborer un fichier<br />

national tel que peut l’être le fichier judiciaire national automatisé des auteurs<br />

d’infractions sexuelles ou FIJAIS.<br />

<strong>Le</strong>s citoyens ignorent en général la nature et le contenu de ces fichiers,<br />

mais le découvrent parfois à leurs dépens, lorsqu’ils postulent pour un<br />

emploi ou qu’ils sont confrontés à la police ou à la justice. Or, ces fichiers,<br />

dont l’existence touche aux libertés fondamentales (respect de la vie privée,<br />

atteinte à la présomption d’innocence), sont parfois porteurs d’informations<br />

erronées ou dépassées, préjudiciables aux citoyens.<br />

La Commission, dans l’avis qu’elle a rendu le 13 juin 2005 (saisine 2004-<br />

74), a estimé que l’inscription irrégulière sur un fichier de police s’analysait<br />

comme un manquement à des règles administratives et non comme un<br />

manquement à des règles déontologiques ; elle ne relevait donc pas de la<br />

compétence de la Commission.<br />

La CNDS a cependant été conduite, dans certains cas, à communiquer<br />

son avis non seulement au ministre concerné, mais aussi à porter les<br />

faits dont elle était saisie à la connaissance de la CNIL (Commission<br />

nationale de l’informatique et des libertés), « pour qu’en soit appréciée la<br />

portée et que soient définies les mesures à prendre en vue d’éviter leur<br />

renouvellement ».<br />

Il ressort des dossiers examinés par la Commission que l’inscription dans<br />

un fichier n’était pas toujours justifiée : ainsi, dans la saisine n°2005-24, la<br />

suspicion de dénonciation calomnieuse, qui n’a fait l’objet d’aucune poursuite,<br />

ne justifiait pas la prise d’empreintes génétiques et ni de photographies;<br />

une telle inscription aurait dû être effacée après la relaxe d’un professeur<br />

poursuivi pour outrage et rébellion (avis 2005-30) ; une inscription comportant<br />

une erreur de qualification n’avait été effacée (par une autorité d’ailleurs<br />

non compétente) que postérieurement à un refus d’embauche motivé par le<br />

contenu de ce fichier (2004-74). La CNDS a par ailleurs saisi la CNIL, dans<br />

son avis 2006-23, afin de vérifier que toute mention de l’interpellation de<br />

deux jeunes femmes dans les fichiers de police était effacée, les empreintes<br />

19<br />

INTRODUCTION


INTRODUCTION<br />

et photographies ayant été prises en dehors de tout cadre juridique.<br />

Dans la saisine n°2005-48, relative à une infraction au Code la route, suivie<br />

d’une poursuite pour outrage et rébellion à l’encontre de deux époux, la<br />

Commission a dénoncé la remise d’un <strong>rapport</strong> administratif sur cette affaire,<br />

où le commandant avait écrit, en caractères gras pour attirer l’attention, qu’un<br />

témoin, dont la déclaration n’était pas conforme à celle des policiers, « a fait<br />

l’objet d’une procédure pour travail clandestin par les services de la SPAF de<br />

Toulouse le 1 er janvier 1999 ».<br />

Dans ses observations sur l’avis rendu par la Commission, le ministère de<br />

l’Intérieur a précisé que « la référence à la procédure judiciaire mettant en<br />

cause un témoin se trouve dans le texte d’un <strong>rapport</strong> de synthèse établi à<br />

l’issue d’une enquête interne, à la demande du directeur départemental de<br />

la sécurité publique saisi des récriminations des époux O. ». <strong>Le</strong> ministre de<br />

l’Intérieur admet que « cette référence ne s’inscrit pas strictement dans le<br />

cadre des dispositions du décret 2001-583 du 5 juillet 2001 portant création<br />

du système de traitement des infractions constatées (STIC) et de la loi n°<br />

2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne ». Il a été<br />

indiqué à la Commission qu’un rappel adressé aux personnels viserait « le<br />

cadre législatif et réglementaire portant sur l’utilisation en police judiciaire et<br />

en police administrative des données du STIC ».<br />

Dans une affaire de troubles du voisinage (avec menace de mort), M. L.H.<br />

a subi un prélèvement biologique lors de sa garde à vue (avis 2005-54). La<br />

Commission a considéré qu’en « décidant un prélèvement biologique, l’OPJ<br />

a usé de la faculté que lui donne la loi, sans manquer à la déontologie. Il<br />

précise qu’il n’existe pas d’instructions pour encadrer la mesure dont l’initiative<br />

appartient au seul OPJ ». Au delà de cette affaire, la Commission a souhaité<br />

qu’une étude sur l’application de la loi soit entreprise afin d’apprécier si des<br />

instructions devraient être adressées aux OPJ afin de les guider dans leurs<br />

choix.<br />

<strong>Le</strong> ministre de l’Intérieur a estimé, dans sa réponse à la Commission, qu’il<br />

ne relevait pas « de la compétence de l’autorité administrative d’édicter<br />

des instructions complémentaires dans cette matière d’ordre législatif et<br />

réglementaire (décret en Conseil d’État) touchant directement à l’exercice<br />

de la police judiciaire ». Il fait à cette occasion un point sur le droit positif de<br />

l’inscription sur FNAEG, notamment sur l’encadrement et les recours contre<br />

l’inscription au fichier par l’OPJ sans autorisation préalable d’un magistrat.<br />

20


La CNDS a par ailleurs été saisie en 2006 par un parlementaire afin d’examiner<br />

avec la CNIL les dossiers (relevant du champ de compétence de la CNDS)<br />

où des erreurs d’inscription auraient été constatées dans les fichiers STIC et<br />

Judex (saisine 2006-34).<br />

La multiplication des saisines impliquant les fichiers informatiques des forces<br />

de l’ordre a conduit la Commission à accepter l’invitation du ministre de<br />

l’Intérieur en juin 2006 à participer au groupe de travail (avec un représentant<br />

de la CNIL et du médiateur de la République), placé sous l’égide de M. Alain<br />

Bauer, président du Conseil d’orientation de l’Observatoire national de la<br />

délinquance, portant sur « l’amélioration du contrôle et de l’organisation des<br />

fichiers de police et de gendarmerie afin d’éviter le maintien d’informations<br />

erronées ou dépassées ». <strong>Le</strong> <strong>rapport</strong> a été remis au ministre de l’intérieur le<br />

23 novembre 2006.<br />

I. La police nationale<br />

* *<br />

*<br />

Depuis quatre ans, la Commission n’a de cesse de rappeler son attachement<br />

à la circulaire prise par le ministère de l’Intérieur en date du 11 mars 2003,<br />

devant garantir la dignité des personnes placées en garde à vue.<br />

Cette année encore, elle a pu constater l’inobservation de ces instructions<br />

dans 12 de ses 69 avis concernant la police nationale (2004-90 ; 2004-93 ;<br />

2005-22 ; 2005-25 ; 2005-27 ; 2005-29 ; 2005-30 ; 2005-32 ; 2005-48 ; 2005-<br />

69 ; 2005-71 ; 2005-83).<br />

La Commission tient à rappeler que la dignité de la personne humaine se<br />

doit d’être respectée par les forces de l’ordre, même au-delà du seul cadre<br />

juridique de la garde à vue.<br />

Ainsi, dans l’avis 2004-93, M. K.A. est resté menotté en attendant que son<br />

identité ait été vérifiée dans les locaux du commissariat de la Courneuve. Il ne<br />

pouvait pourtant être alors considéré comme dangereux ni pour autrui ni pour<br />

lui-même ou susceptible de prendre la fuite, au sens de l’article 803 du Code<br />

de procédure pénale. Il s’agissait d’une rétention abusive, dès lors qu’aucun<br />

procès-verbal de la vérification d’identité n’avait été dressé, en méconnaissance<br />

des dispositions de l’article 78-3 du Code de procédure pénale.<br />

21<br />

INTRODUCTION


INTRODUCTION<br />

M. L.D. a été l’objet d’une fouille de sécurité dans le cadre d’une procédure<br />

d’ivresse publique et manifeste – qui a d’ailleurs par la suite été invalidée –<br />

(avis 2005-26), et donc d’une rétention arbitraire au commissariat de police<br />

de Cambrai (59).<br />

La fouille à corps trop souvent banalisée<br />

Comme a pu le noter le ministre de l’Intérieur dans sa circulaire du 11 mars<br />

2003, la fouille de sécurité, qui consiste à inspecter la personne dans sa<br />

nudité pour vérifier si elle ne dissimule pas des objets dangereux pour ellemême<br />

ou pour autrui, « attentatoire à la dignité », se doit de rester l’exception<br />

à la règle générale de la palpation de sécurité. Ce qui est encore loin d’être<br />

le cas, au vu du nombre de saisines où la fouille à corps est pratiquée de<br />

manière systématique, pour des motifs qui ne sont pas toujours valables<br />

(11 dossiers concernés : 2004-90 ; 2005-25 ; 2005-26 ; 2005-27 ; 2005-29 ;<br />

2005-30 ; 2005-48 ; 2005-69 ; 2005-71 ; 2005-73 ; 2005-83). La Commission<br />

rappelle donc que cette mesure ne doit être employée qu’exceptionnellement,<br />

si des raisons plausibles la rendent indispensable, et qu’elle ne doit donc pas<br />

constituer une mesure vexatoire gratuite ou une sanction illégale.<br />

Il a ainsi pu être constaté que la fouille dite « de sécurité » a été pratiquée à<br />

l’occasion d’interpellations où il était hautement improbable que les individus<br />

aient eu le temps, ou la volonté, de cacher sur eux des substances illicites<br />

ou dangereuses.<br />

Il en a été ainsi dans le cadre de l’avis 2005-48 (contrôle à La Baule (44) de<br />

deux époux avec leurs deux jeunes enfants pour stationnement gênant d’un<br />

véhicule ayant dégénéré en outrage, rébellion et violence sur dépositaire de<br />

l’autorité publique) ; pour la saisine n°2005-30 (témoin d‘une interpellation<br />

à Montpellier (34) qui aurait proféré des insultes à l’encontre des forces<br />

de l’ordre, pour lesquelles il a été relaxé) ; dans l’affaire 2005-25 (une<br />

procédure de rébellion a été engagée contre un père et son fils, après un<br />

contrôle d’identité à Argenteuil (95), dont le bien-fondé a été contesté par<br />

la Commission. Elle a estimé qu’en l’espèce, la fouille à corps a constitué<br />

une « brimade inutile ») ; dans l’avis 2004-90 (Venue porter plainte au<br />

commissariat de Lagny-sur-Marne (77), M me N.L. est finalement placée en<br />

garde à vue pour outrage).<br />

22


Cette dernière saisine a d’ailleurs été l’occasion de condamner les conditions<br />

matérielles de la garde à vue, M me N.L. ayant été placée dans une cellule non<br />

chauffée, sans matelas ni couverture, au mois de janvier 2004. La situation<br />

au commissariat de Lagny-sur-Marne avait depuis été réglée. <strong>Le</strong> ministre<br />

faisait à cette occasion un point sur le « plan pluriannuel d’aménagement des<br />

locaux de garde à vue (1270 cellules individuelles et 590 cellules collectives)<br />

(…) progressivement mis en œuvre. L’acquisition de matelas et le service<br />

de repas chauds et réguliers ont mobilisé 2,5 millions d’euros en 2004 et<br />

2005 ».<br />

<strong>Le</strong>s conditions matérielles de garde à vue au commissariat du 20 ème<br />

arrondissement de Paris et de transfèrement de M elle A.N., qui, en février<br />

2005, avait été laissée en tee-shirt sans couverture pour se protéger du froid,<br />

ont également été critiquées par la CNDS dans son avis 2005-32.<br />

Dans la saisine 2005-29, M me J.L., qui appartient à un collectif de soutien<br />

d’urgence aux réfugiés, a été placée en garde à vue au commissariat de<br />

Calais (62), le 11 novembre 2004, pour outrage à agent dépositaire de<br />

l’autorité publique, lors du contrôle de migrants par des membres d’une<br />

CRS 4 . La fouille à corps dont elle a fait l’objet à son arrivée au commissariat<br />

n’était, pour la Commission, pas justifiée.<br />

<strong>Le</strong> ministre de l’Intérieur a considéré, pour sa part, que « l’interprétation faite<br />

par la Commission de la circulaire ministérielle du 11 mars 2003 (…) paraît<br />

aboutir, au sujet de la fouille de sécurité, à l’affirmation d’un principe qui ne<br />

peut connaître d’exception. Or, dans le cas de M me L., le fait de renvoyer aux<br />

circonstances de son interpellation ne suffit pas à étayer l’argumentation<br />

selon laquelle l’intéressée ne pouvait être « suspectée de dissimuler des<br />

objets dangereux pour elle-même ou pour autrui ». En l’espèce, l’officier<br />

de police judiciaire a pu légitimement avoir une autre appréciation, compte<br />

tenu, d’une part, des circonstances même de l’interpellation d’une personne<br />

qui manifestait une grande virulence dans l’expression de son attitude<br />

contestataire, et d’autre part, de l’exercice de sa responsabilité du fait que<br />

la personne en garde à vue est placée sous la protection des policiers ».<br />

M. A.S. a été interpellé, le 20 juin 2005, dans les locaux du commissariat de<br />

4 Compagnie Républicaine de Sécurité.<br />

23<br />

INTRODUCTION


INTRODUCTION<br />

Saint-Denis (93), où il s’était rendu pour s’enquérir des motifs de garde à vue<br />

du compagnon d’une membre de l’association « Coordination 93 pour les<br />

sans-papiers », dont il est l’un des responsables. Il a été placé en garde à<br />

vue pour outrage, rébellion et injures à agent de la force publique. La CNDS<br />

a estimé que « la fouille à corps avec déshabillage complet dans une affaire<br />

de rébellion et outrages, qualifiée ainsi au départ, est excessive et attentatoire<br />

à la dignité humaine lorsqu’elle se complète d’un menottage permanent ».<br />

De même, a-t-elle considéré que « la prolongation de la garde à vue de M. A.<br />

S. jusqu’au 22 juin à 10 heures du matin est difficilement compréhensible,<br />

sauf à admettre que la garde à vue a été utilisée comme une punition et non<br />

comme un moyen d’investigation » (avis 2005-71).<br />

Si la fouille de sécurité doit être effectuée – elle est, comme le rappelle le<br />

ministre de l’Intérieur, de l’appréciation du fonctionnaire de police en charge<br />

du gardé à vue –, elle doit l’être à tout le moins dans des conditions décentes.<br />

Dans l’avis 2005-83, M. H.S., réfugié politique de nationale algérienne, a<br />

été violemment interpellé au cours d’un contrôle d’identité effectué par des<br />

fonctionnaires de police du poste de police des Halles à Paris, pour rébellion<br />

au cours de la palpation de sécurité. Il a été fouillé, totalement déshabillé,<br />

dans un couloir, sous l’œil de deux caméras (le poste ne disposant pas d’un<br />

local spécifique) qui devaient s’avérer éteintes, sur instruction du lieutenant<br />

de police. M. H.S. a ressenti un profond sentiment d’humiliation, qui ne<br />

faisait que décupler celui d’injustice face à un contrôle qu’il estimait déjà<br />

« illégal ».<br />

La Commission, dans sa recommandation sur les conditions de garde à<br />

vue de M. S.C. pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique (2005-73),<br />

« constatant une nouvelle fois l’inobservation des règles énoncées par la<br />

circulaire du 11 mars 2003 relatives à la fouille de sécurité, (…) recommande<br />

que cette circulaire soit complétée sur ce point : la mise en œuvre d’une<br />

telle mesure devrait être expressément mentionnée dans un procèsverbal<br />

exposant les raisons ayant conduit l’officier de police judiciaire à la<br />

décider ».<br />

Dans sa réponse à la CNDS, le ministre de l’Intérieur ne retient pas<br />

le principe de la motivation juridique de la fouille à corps : « La mise en<br />

œuvre de cette recommandation aurait notamment pour conséquence de<br />

faire figurer en procédure pénale une mesure de nature administrative,<br />

qui relève de l’exercice par les policiers de leur pouvoir d’appréciation en<br />

24


fonction des circonstances de la dangerosité des personnes. En outre, elle<br />

serait constitutive d’un formalisme supplémentaire ». Il a toutefois demandé<br />

à l’Inspection générale de la police nationale d’étudier la généralisation d’un<br />

dispositif avec « mention systématique de l’exercice d’une fouille de sécurité<br />

sur le registre administratif sur lequel figurent les mentions relatives au dépôt<br />

d’éventuels objets par les personnes retenues ou gardées à vue. (…) Ceci<br />

permettrait aux chefs de service d’améliorer leur contrôle des fouilles de<br />

sécurité ».<br />

La Commission a fait observer au ministre qu’elle maintenait sa<br />

recommandation, la fouille de sécurité étant une mesure de contrainte<br />

exceptionnelle, pour laquelle le parquet doit être mis en mesure de contrôler<br />

l’opportunité et les modalités d’exécution ; « elle doit, pour ce motif, donner<br />

lieu à l’établissement d’un procès-verbal ».<br />

Un menottage systématique<br />

Cette année encore, la Commission observe que le menottage des personnes<br />

interpellées reste une mesure systématique, en contradiction complète avec<br />

les prescriptions de l’article 803 du Code de procédure pénale, qui impose que<br />

« nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est<br />

considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme<br />

susceptible de tenter de prendre la fuite », aux instructions ministérielles du<br />

11 mars 2003 et à la note du Directeur général de la police nationale en date<br />

du 13 septembre 2004.<br />

La CNDS a considéré que le menottage ne s’imposait pas dans les dossiers<br />

suivants : 2004-93 ; 2005-6 ; 2005-22 ; 2005-25 ; 2005-29 ; 2005-30 ; 2005-<br />

71 ; 2005-73 ; 2005-86 ; 2005-98, d’autant plus lorsqu’il s’agissait d’un<br />

mineur non menaçant (2005-6, 2005-98), ou que le médecin en avait interdit<br />

le port (2005-73). Elle rappelle en outre que l’usage de la coercition implique<br />

nécessairement, selon la jurisprudence en vigueur, le placement en garde à<br />

vue (2005-22 ; 2006-23).<br />

Dans la saisine 2005-101, la Commission s’est prononcée pour la première<br />

fois sur l’emploi des moyens d’immobilisation sur un gardé à vue. Ces<br />

matériels, comme le rappelle le ministre de l’Intérieur sont « selon les cas<br />

et les circonstances, soit des menottes métalliques, soit des liens textiles,<br />

soit des bandes de type « Velcro », soit enfin des ceintures de contention »,<br />

25<br />

INTRODUCTION


INTRODUCTION<br />

tous en dotation dans les services. Ils servent à immobiliser l’individu en<br />

état d’agitation extrême et à éviter que celui-ci n’attente à son intégrité<br />

physique.<br />

Ainsi M. E.M.H. a-t-il été muni d’un casque de moto, d’une ceinture et de<br />

chevillières de contention par les policiers du commissariat de Choisy-le-<br />

Roi au retour de sa consultation aux unités médico-judiciaires pour être<br />

replacé en garde à vue ; la Commission a d’ailleurs estimé qu’en l’espèce<br />

« la mise en place de mesures de contention a pu se justifier dans l’intérêt<br />

du gardé à vue ». Mais le fait que M. E.M.H. ait été maintenu par ces moyens<br />

d’immobilisation pendant trois heures et vingt minutes, hurlant, se roulant au<br />

sol et donnant des coups de pied et de tête dans les murs et contre la porte de<br />

la cellule, est constitutif, pour la Commission, d’un manquement à l’article 10<br />

du Code de déontologie de la police nationale, qui impose au fonctionnaire<br />

de police de prendre toutes les mesures nécessaires à la protection de la vie<br />

et de la santé de la personne qu’il a sous sa garde.<br />

<strong>Le</strong> ministre de l’Intérieur a affirmé que « cette absence de discernement,<br />

soulignée par l’enquête de l’Inspection générale des services, aura pour<br />

conséquence que des observations seront adressées aux fonctionnaires<br />

intervenants et qu’un retour d’expérience sera organisé au sein du<br />

service ».<br />

La Commission a donc souhaité « que des modalités et les limites de l’usage<br />

des moyens de contention par les fonctionnaires de police à l’encontre<br />

des gardés à vue fassent l’objet d’instructions précises, et que notamment<br />

l’obligation de faire appel au personnel médical approprié soit rappelée<br />

lorsque perdure l’agitation violente d’une personne ».<br />

Après avoir mentionné qu’une instruction du 17 juin 2003 existait pour<br />

réglementer l’usage de ces moyens pour l’éloignement des étrangers en<br />

situation irrégulière par voie aérienne, le ministre de l’Intérieur a mentionné<br />

son intention de « faire procéder à une étude afin d’établir (…) les normes<br />

et les conditions d’utilisation des moyens de contention par les services de<br />

police, afin de parvenir à une solution qui garantisse dans ce type de situation,<br />

tant les droits et la dignité des personnes en cause, que la protection des<br />

fonctionnaires de police ».<br />

26


Des violences illégitimes graves<br />

La Commission dénombre en 2006 8 cas de violences physiques illégitimes<br />

graves de la part des forces de l’ordre (2005-32 ; 2005-6 ; 2005-45 ; 2005-<br />

46 ; 2005-57 ; 2005-72 ; 2005-79 ; 2005-18).<br />

Dans la nuit du 12 au 13 août 2005, à Saint-Brice-sous-Forêt (95), suite à une<br />

altercation avec une gérante d’hôtel et son vigile, M. A.L. a été appréhendé<br />

par deux policiers de la brigade de nuit de Sarcelles (2005-79). De l’avis de<br />

la CNDS, M. A.L. a subi, de la part du gardien de la paix D.L., des violences<br />

ayant provoqué deux foyers de fracture de la mandibule. <strong>Le</strong>s versions des<br />

deux protagonistes sur l’origine de ces blessures sont divergentes, l’un<br />

parlant d’une attaque, l’autre d’une riposte. Si l’importance du dommage fait<br />

privilégier à la Commission la thèse du plaignant, elle soutient que, « en<br />

admettant même la thèse du policier, on doit constater que le coup de poing,<br />

s’il a suffi à provoquer ce dommage, a été d’une violence excessive au<br />

regard de la situation, et hors de proportion avec le coup subi par le gardien<br />

de la paix », et que la mise en œuvre des gestes techniques d’intervention<br />

aurait permis de maîtriser M. A.L. sans difficulté. Estimant que M. A.L. a été<br />

victime d’un acte de violence disproportionné, donc illégitime, la Commission<br />

a transmis son avis au ministre de l’Intérieur pour d’éventuelles sanctions<br />

disciplinaires, et au procureur de la République de Pontoise.<br />

Par un jugement en date du 10 mai 2006 – dont appel a été relevé –, le gardien<br />

de la paix A.H., du commissariat central de Toulouse, a été condamné à dix<br />

mois d’emprisonnement avec sursis pour violences par personne dépositaire<br />

de l’autorité publique sur la personne de M. N.C. Il a été reconnu que ses<br />

collègues s’étaient entendus sur une version, selon laquelle « il ne s’était<br />

rien passé cette nuit-là ».<br />

La Commission a donc recommandé au ministre de l’Intérieur, dans son<br />

avis 2005-45, d’engager des poursuites disciplinaires contre tous les<br />

fonctionnaires mis en cause, en raison tant des violences exercées que des<br />

accords intervenus pour dissimuler les faits.<br />

<strong>Le</strong> ministre a informé la Commission que trois policiers avaient eu<br />

connaissance des violences exercées par le gardien A.H., et qu’ils « se sont,<br />

de concert, abstenus de dénoncer les faits à l’autorité hiérarchique », en<br />

violation de l’article 10 du Code de la déontologie de la police nationale. L’un<br />

a fait valoir ses droits à la retraite, et n’est donc plus susceptible d’être traduit<br />

devant l’instance disciplinaire. <strong>Le</strong>s deux autres gardiens de la paix, ainsi que<br />

27<br />

INTRODUCTION


INTRODUCTION<br />

M. A.H. devaient comparaître devant le conseil de discipline le 6 décembre<br />

2006.<br />

La CNDS a demandé la saisine des instances disciplinaires à la suite de la<br />

condamnation, par un jugement correctionnel du 4 juillet 2006, pour violences<br />

volontaires sur la personne de M. M.A., de deux fonctionnaires de police,<br />

l’un en service auprès de la CRS 46, l’autre en fonction au commissariat<br />

d’Annecy (saisine 2005-18). M. M.A., en famille dans la file d’attente pour<br />

accéder à la Fête du Lac le 7 août 2004, a été violemment extrait de la foule<br />

mal gérée par les CRS en mission de service d’ordre, après que des paroles<br />

venant de la foule telles que « On n’est pas des bœufs ! Sale bleu ! Sale<br />

facho ! » auraient été prononcées à l’encontre des fonctionnaires de police.<br />

<strong>Le</strong>s violences et insultes à caractère raciste ont semble-t-il été perpétrées<br />

à l’intérieur du véhicule qui emmenait M. M.A. au commissariat, ainsi qu’au<br />

cours de sa garde à vue.<br />

La Commission a demandé également que des poursuites disciplinaires<br />

soient exercées à l’égard du chef de poste en place au commissariat, qui<br />

aurait failli à sa responsabilité de veiller au « respect de l’intégrité et de la<br />

dignité des personnes conduites au poste ».<br />

Cinq mois d’arrêt de travail pour une « fissuration du bourrelet glénoïdien<br />

antérieur » à l’épaule gauche : le contrôle routier subi par M. T.J., opéré<br />

par des fonctionnaires du commissariat de Champigny-sur-Marne (94)<br />

pour utilisation d’un téléphone portable en conduite, a vite dégénéré. Cette<br />

blessure a nécessité une intervention chirurgicale. La plainte de M. T.J.<br />

envers les policiers interpellateurs a été classée sans suite. <strong>Le</strong> ministre de<br />

l’Intérieur a quant à lui estimé que cet « accident dont [M. T.J.] a été victime,<br />

du fait d’un geste technique professionnel d’intervention, est la conséquence<br />

directe de son obstruction active à l’intervention des policiers. Loin de<br />

l’excuser, la réitération des incidents lors des contrôles routiers dont il a fait<br />

l’objet souligne la part de responsabilité qui est la sienne dans ses relations<br />

conflictuelles avec les forces de police » (2005-46).<br />

Des difficultés lors de rassemblements sur la voie publique<br />

Il est à préciser que par « rassemblement » de personnes, la Commission<br />

entend les manifestations, évacuations de squats, mais aussi les concerts,<br />

fêtes locales ou nationales, inaugurations.<br />

28


Quatre dossiers dénonçant des violences exercées lors des manifestations<br />

anti-CPE restent à traiter, ainsi que quatre autres sur des faits commis lors<br />

de différents rassemblements. La Commission a en effet pris du retard, car<br />

elle se trouve dans l’attente des pièces de procédure transmises par les<br />

parquets qui lui permettraient d’identifier les fonctionnaires présents.<br />

Au titre du présent <strong>rapport</strong>, cinq dossiers sont concernés : 2004-79 (qui<br />

concerne la gendarmerie nationale : aucun manquement à la déontologie n’a<br />

été observé, « dans le strict cadre de la compétence » de la Commission) ;<br />

2005-37 (manifestation lycéenne du 8 mars 2005 à Paris ; le dossier a abouti<br />

à une décision simple) ; 2005-57 ; 2005-66 ; et 2005-72.<br />

Dans le dossier 2005-72, déjà évoqué supra, concernant l’utilisation du pistolet<br />

Taser sur Mlle V.B. lors d’une manifestation à Lyon le 30 avril 2005, la CNDS<br />

a conclu que « des fautes de commandement ont été commises dès lors<br />

que l’on demandait à six fonctionnaires de police, n’arborant pas les signes<br />

distinctifs de leur qualité, d’interpeller, parmi d’autres manifestants, quatre<br />

personnes qui venaient de se livrer à des dégradations sur les locaux de la<br />

police municipale. Un tel manque de discernement ne pouvait assurément<br />

que générer des troubles qui, dans un premier temps, occasionnaient la<br />

blessure de deux fonctionnaires de police (…), qui se trouvaient dans une<br />

foule dont on pouvait supposer qu’elle leur serait hostile ».<br />

Elle s’est étonnée « de constater qu’alors que 77 fonctionnaires en tenue<br />

étaient mobilisés sur ce service d’ordre (…), les fonctionnaires de la BAC<br />

n’aient pu recevoir que le seul renfort de deux chauffeurs », et a estimé<br />

qu’il n’était « pas admissible qu’en la circonstance, l’interpellation rapide, qui<br />

ne pouvait qu’être vouée à l’échec, de quatre personnes, ait été jugée plus<br />

importante que le maintien de l’ordre public face à une foule estimée de 800<br />

à 1000 personnes ».<br />

<strong>Le</strong> ministre de l’Intérieur a écrit, dans sa réponse du 20 novembre 2006 : « Ces<br />

avis et recommandations sur l’organisation d’un dispositif d’ordre public dont<br />

l’exercice par les autorités compétentes relève de prérogatives de puissance<br />

publique, me semblent se situer hors du champ de compétence attribué<br />

par la loi à la Commission ». Ce à quoi cette dernière a répondu : « Dans<br />

cette affaire comme dans bien d’autres, il est apparu que le comportement<br />

déontologique des policiers est étroitement lié aux conditions concrètes<br />

dans lesquelles ils exercent leurs « activités de sécurité », au sens de la<br />

loi du 6 juin 2000. Contrairement à l’opinion exprimée par le ministre, les<br />

conditions de leur emploi (qu’il s’agisse, par exemple, du commandement ou<br />

29<br />

INTRODUCTION


INTRODUCTION<br />

de l’organisation des dispositifs d’intervention) ne se situent donc nullement<br />

en dehors du champ de compétence attribué par la loi à la Commission ».<br />

M. E.M. se plaint, pour sa part, d’avoir été roué de coups et intoxiqué par les<br />

gaz lacrymogènes, alors qu’il se trouvait dans un bus avec ses deux enfants<br />

de 11 ans et 16 mois à Alfortville (94) (avis 2005-57). <strong>Le</strong> 14 mai 2005, dans<br />

l’après-midi, l’évacuation d’un local désaffecté où se déroulait une réunion<br />

festive avec de nombreux participants africains avait été ordonnée ; elle se<br />

déroula sans incident. Des jeunes se regroupèrent cependant à l’extérieur,<br />

se livrant à quelques débordements. <strong>Le</strong>s autorités de police sur place et<br />

des renforts décidèrent d’escorter ces personnes vers la gare RER en<br />

utilisant deux bus RATP qui effectuaient alors leur tournée. La Commission<br />

a qualifié cette décision de « mesure [assurément] opportune ». La situation<br />

a cependant dégénéré dans le second véhicule, des jeunes empêchant<br />

le bus de redémarrer. Deux gardiens de la paix, se sentant agressés, ont<br />

fait usage des gaz lacrymogènes, réunissant simples usagers des bus et<br />

fauteurs de trouble dans une même bousculade. M. E.M. s’en est sorti avec<br />

des contusions à la tête et des oedèmes modérés multiples ; son fils avec un<br />

traumatisme au pouce droit.<br />

Sur plainte de M. E.M., les deux gardiens de la paix firent l’objet d’une<br />

procédure disciplinaire, qui les sanctionna de « huit jours d’exclusion de leurs<br />

fonctions, assortie de sursis en raison de leurs bons états de service jusquelà<br />

». <strong>Le</strong> parquet les a poursuivis pour violences volontaires par personnes<br />

dépositaires de l’autorité publique.<br />

Outre de graves manquements à la déontologie pour des violences illégitimes<br />

de la part de ces deux fonctionnaires, la Commission y voit une lacune dans<br />

l’encadrement de 87 agents (87 noms fournis à la Commission par le DDSP 6<br />

du Val-de-Marne, ce qui laisse « « un libre choix » inexploitable aux membres<br />

de la Commission »…) : « aucun gradé en charge de cette intervention ne<br />

semble avoir été présent sur place ou désigné par le centre d’information<br />

et de commandement départemental » ; « encore une fois, la Commission<br />

recommande que lorsque plusieurs fonctionnaires appartenant à des unités<br />

ou groupes différents interviennent, un responsable soit désigné, évitant<br />

ainsi ce type d’intervention non encadrée, donnant lieu à une escalade<br />

inadmissible dans l’emploi de la force ».<br />

6 Directeur départemental de la sécurité publique.<br />

30


<strong>Le</strong> ministre a argumenté auprès de la CNDS qu’« obligés de répondre à<br />

de multiples opérations concomitantes, les policiers ont dû se séparer en<br />

plusieurs points, sans permettre nécessairement qu’un gradé soit présent<br />

sur chacun d’eux. C’est pourquoi seules des responsabilités individuelles<br />

furent engagées tant au plan disciplinaire qu’au plan pénal ».<br />

Dans un autre cas (2005-66), la Commission a attiré de nouveau<br />

l’attention du ministre de l’Intérieur sur le mode d’intervention d’équipages de<br />

la BAC. En effet, des fonctionnaires de police, par ailleurs en sous-effectif,<br />

sont intervenus dans la cité du Petit Séminaire à Marseille (13), dans un<br />

quartier qualifié de « sensible » et caractérisé par une présence importante<br />

de gens du voyage sédentarisés. Ils comptaient interpeller des mineurs de<br />

12 et 13 ans trouvés assis dans un véhicule qui avait été utilisé pour un<br />

rodéo, sans qu’il n’apparaisse dans la procédure que ce rodéo venait de se<br />

produire, ni que ces mineurs y étaient impliqués.<br />

L’arrestation a tourné à l’émeute : la communauté gitane est descendue pour<br />

protester, avec M. J.F., le grand-père de l’un des mineurs, identifié comme<br />

le patriarche. <strong>Le</strong> gaz lacrymogène a été employé face à la menace de cette<br />

foule, et deux coups de feu ont été tirés en l’air par l’un des deux policiers,<br />

« pour intimider la foule ». L’autre policier a d’ailleurs reçu des coups dans le<br />

dos, les jambes et au visage ; 37 impacts occasionnés par des objets lancés<br />

ont été dénombrés sur son véhicule. Des renforts sont arrivés ; des tirs de<br />

flashball ont répondu aux jets de pierre et aux corps à corps. Trois membres<br />

d’une même famille se sont vus transportés au Groupe des violences<br />

urbaines de la sûreté départementale : le patriarche M. J.F., sa fille M me P.<br />

F., et son petit-fils.<br />

<strong>Le</strong> premier a été condamné à douze mois d’emprisonnement dont six avec<br />

sursis ; sa fille à douze mois d’emprisonnement dont huit avec sursis. M. J.<br />

F. est décédé en détention des suites d’un arrêt cardiaque ; M me P.F. a fait<br />

une tentative de suicide alors qu’elle se trouvait incarcérée à la prison des<br />

Baumettes.<br />

* *<br />

*<br />

La Commission constate une inflation des procédures pour outrage engagées<br />

de manière trop systématique par les personnels des forces de l’ordre – et<br />

plus particulièrement par les fonctionnaires de la police nationale –. Elle<br />

31<br />

INTRODUCTION


INTRODUCTION<br />

a ainsi pu en relever dans 13 de ses 69 dossiers police : 2004-90 ; 2005-<br />

1 ; 2005-18 ; 2005-27 ; 2005-29 ; 2005-30 ; 2005-32 ; 2005-43 ; 2005-48 ;<br />

2005-71 ; 2005-72 ; 2005-82 ; 2005-89.<br />

Dans son avis 2005-29 (cité supra), la Commission a considéré que « la<br />

gesticulation inutile et passablement ridicule à laquelle ces policiers se sont<br />

livrés à l’intérieur du commissariat à l’égard de ces deux personnes avait<br />

peut-être pour objet, et a eu pour effet, de les amener à des réactions que<br />

ces policiers ont utilisées à l’appui de leurs plaintes pour « outrage, rébellion<br />

et violence » ». « Il paraît opportun à la Commission qu’il soit rappelé aux<br />

forces d’intervention, notamment aux CRS, qu’elles doivent considérer<br />

comme normale l’attention que des citoyens ou des groupes de citoyens<br />

peuvent porter à leur mode d’action. <strong>Le</strong> fait d’être photographiés ou filmés<br />

durant leurs interventions ne peut constituer aucune gêne pour des policiers<br />

soucieux du respect des règles déontologiques ».<br />

L’appréciation de l’opportunité d’une telle procédure est bien évidemment<br />

laissée aux policiers, mais la CNDS tient à faire observer que, si les<br />

dispositions de l’article 433-5 du Code pénal permettent aux forces de l’ordre<br />

de faire préserver le respect qui leur est dû, en sanctionnant les paroles,<br />

gestes ou menaces, écrits ou images de toute nature, ou l’envoi d’objets<br />

quelconques de nature à porter atteinte à leur dignité ou au respect dû à<br />

leurs fonctions, de six mois d’emprisonnement et de 7500 € d’amende, cette<br />

faculté ne doit pas être utilisée sans discernement.<br />

II. La reconduite à la frontière<br />

M. A.G., 33 ans, ressortissant algérien sous le coup d’une procédure de<br />

reconduite à l’étranger, est appréhendé, puis placé le 27 août 2005 au centre<br />

de rétention administrative de Vincennes, pour en être extrait en direction<br />

de l’Unité d’éloignement d’Orly. Refusant son embarquement, M. A.G. s’est<br />

lové sous le banc du local où il avait été placé et s’y est maintenu dans une<br />

position défensive.<br />

<strong>Le</strong>s différentes tentatives des fonctionnaires pour l’en extraire ont constitué<br />

pour la Commission des violences injustifiées : « Ils ont détourné de leur<br />

fonction des moyens de contention, menottes et bandes « velcro » dans le but<br />

d’occasionner des douleurs à M. A.G., et ce pour lui faire lâcher prise ». Son<br />

« état déplorable » après l’intervention « nécessitait sa conduite immédiate<br />

32


à un service médical ». Un manquement à la déontologie a été retenu à<br />

l’encontre du commandant d’aérogare et de l’officier de quart présents, « qui<br />

n’ont pas donné l’instruction (…) de conduire immédiatement M. A.G. à<br />

l’hôpital », contrevenant ainsi à leurs obligations d’assistance et de secours<br />

(avis 2005-76).<br />

M. M.A., quant à lui, alléguait avoir été victime de violences illégitimes, le 22<br />

octobre 2005, de la part de policiers en fonction au dépôt de la préfecture de<br />

police de Paris, alors qu’il demandait simplement ses cigarettes (avis 2005-<br />

88).<br />

La Commission y a vu une « neutralisation » réalisée par « un attroupement »,<br />

effectuée sans discernement et en employant la force de manière<br />

disproportionnée. M. M.A. n’avait de surcroît pas été présenté à un médecin<br />

lorsqu’il était placé en garde à vue au dépôt. La CNDS a considéré que<br />

« l’excuse invoquée par les deux OPJ (…), à savoir l’absence de réponse de<br />

l’état-major de la Police urbaine de proximité à une demande de transport<br />

aux UMJ [situées à 100 mètres du dépôt], ne saurait être retenue comme<br />

acceptable ».<br />

Au 15 janvier 2007, cinq dossiers concernant des reconduites à la frontière<br />

ou des rétentions en centre de rétention administrative restent à examiner<br />

par la Commission.<br />

III. L’administration pénitentiaire<br />

L’année 2006, avec 21 dossiers transmis par des parlementaires, est<br />

caractérisée par une forte progression des saisines concernant l’administration<br />

pénitentiaire.<br />

A plusieurs reprises cette année, la Commission a appelé l’attention du<br />

garde des Sceaux et de l’administration pénitentiaire sur des problèmes<br />

liés aux conditions d’utilisation par les surveillants de la force physique pour<br />

contraindre ou maîtriser un détenu.<br />

Dans plusieurs dossiers traités, elle a considéré qu’il avait été fait un usage<br />

inopportun ou disproportionné de la contrainte.<br />

Dans l’avis 2006-61, le détenu avait refusé de réintégrer sa cellule en raison<br />

33<br />

INTRODUCTION


INTRODUCTION<br />

d’un différend l’opposant au premier surveillant et concernant sa demande,<br />

plusieurs fois réitérée, d’un encellulement individuel. Face à son inertie<br />

physique, l’alerte avait été donnée et une dizaine de surveillants étaient<br />

intervenus. <strong>Le</strong> détenu avait été blessé au genou. Pour la Commission,<br />

l’intervention n’était ni ajustée à la situation litigieuse, ni strictement<br />

nécessaire au contrôle du détenu. Une meilleure maîtrise de soi et un meilleur<br />

discernement dans le déclenchement des renforts auraient permis d’éviter<br />

l’emploi d’une contrainte manifestement excessive.<br />

Dans la saisine 2005-55, la force avait été employée pour contraindre un<br />

détenu, M. Y.C., à exécuter une décision de mise en prévention. Cette<br />

décision avait été prise à la suite d’un incident concernant le registre des<br />

courriers destinés aux autorités : le détenu refusant de réintégrer sa cellule, il<br />

avait été fait appel au premier surveillant. Ce dernier, face au refus du détenu<br />

de réintégrer sa cellule, avait décidé sa mise en prévention immédiate. <strong>Le</strong><br />

détenu avait été saisi aux bras et, voulant se dégager, avait fait l’objet d’un<br />

balayage avant d’être maîtrisé au sol.<br />

La Commission a estimé qu’en l’absence d’une rébellion caractérisée du<br />

détenu, les surveillants avaient fait un usage disproportionné de la force.<br />

Elle a considéré, au regard de la blessure médicalement constatée, que les<br />

gestes utilisés n’avaient pas été correctement exécutés. Elle a donc demandé<br />

que la mise en œuvre des gestes techniques professionnels d’intervention<br />

fasse l’objet d’un entraînement régulier à leur bonne exécution.<br />

Dans le dossier 2006-4, l’ERIS 7 de Toulouse était intervenue pour assurer,<br />

dans un contexte de tension, le transfert d’un détenu de sa cellule disciplinaire<br />

à la cellule d’isolement, située à quelques mètres au même étage du bâtiment.<br />

L’ERIS de Toulouse avait notamment en charge tous les mouvements du<br />

détenu pendant vingt-quatre heures. Sans aucune phase de rencontre ni de<br />

négociation préalable, il avait été fait usage de la force pour sortir le détenu<br />

de la cellule disciplinaire, puis une fouille intégrale avait été pratiquée.<br />

Pour la Commission, le commandant des ERIS aurait pu prendre plus de<br />

temps pour tenter de convaincre le détenu de changer de cellule. Elle estime<br />

également que les conditions d’une fouille intégrale, en l’espèce, n’étaient<br />

pas réunies. Elle a recommandé que l’emploi des ERIS fasse l’objet de<br />

7 Équipe régionale d’intervention et de sécurité.<br />

34


nouvelles instructions, et notamment que la force ne soit employée qu’après<br />

discussion avec le détenu.<br />

La CNDS a constaté qu’un détenu, blessé à la suite d’une intervention<br />

au cours de laquelle avait été fait usage de la force, n’avait pu bénéficier<br />

immédiatement des soins nécessaires (avis 2005-63). L’intervention faisait<br />

suite à un incident que le détenu avait créé au quartier disciplinaire lors de la<br />

distribution des repas.<br />

Si la Commission a estimé justifiée l’inquiétude des surveillants et le recours<br />

immédiat à la force au regard de l’état de tension du détenu et de ses<br />

antécédents, elle a considéré que celui-ci aurait dû bénéficier immédiatement<br />

de soins. Après avoir été maîtrisé, le détenu avait fait l’objet d’une fouille à<br />

corps brutale en présence de nombreux surveillants, puis avait été remis nu<br />

et blessé en cellule. Il n’avait été conduit que le lendemain à l’hôpital, après<br />

que le directeur adjoint de l’établissement avait constaté que son visage était<br />

tuméfié et s’était rendu compte qu’un <strong>rapport</strong> oral erroné des conditions de<br />

l’intervention lui avait été fait.<br />

La Commission a rejeté les explications données par les surveillants selon<br />

lesquelles la peau noire du détenu et l’absence de luminosité dans les cellules<br />

disciplinaires avaient pu masquer ses blessures. Elle a préconisé que tout<br />

détenu blessé lors d’une intervention soit présenté au service de l’UCSA ou,<br />

en dehors des permanences du week-end, soit examiné dans les plus brefs<br />

délais par un médecin d’urgence, ou conduit à l’hôpital.<br />

La CNDS a été saisie, de mai 2006 à novembre 2006, de cinq plaintes<br />

concernant le centre pénitentiaire de Liancourt, pour des violences sur des<br />

détenus et pour un suicide survenu au quartier disciplinaire. <strong>Le</strong>s faits se<br />

sont produits dans les nouveaux bâtiments ouverts en 2004, dont celui de la<br />

maison d’arrêt.<br />

<strong>Le</strong> premier dossier (2006-43) concerne des faits de mai 2005. Ils avaient donné<br />

lieu à l’époque à une enquête de l’Inspection des services pénitentiaires, à<br />

la demande du directeur de Liancourt, M. F.A., affecté à l’établissement en<br />

début d’année. La responsabilité d’un premier surveillant qui était intervenu<br />

avec une équipe de nuit au quartier disciplinaire la nuit du 27 au 28 mai 2005<br />

avait été relevée, et celui-ci avait été sanctionné d’un blâme.<br />

<strong>Le</strong> 14 juin 2006, la Commission était saisie de faits concernant M. O.T. (2006-<br />

53), survenus le 23 mars 2006. Ce détenu, libérable trois semaines plus tard,<br />

avait été blessé lors d’un incident avec des surveillants et placé au quartier<br />

35<br />

INTRODUCTION


INTRODUCTION<br />

disciplinaire à son retour de l’hôpital le jour même ; il a été retrouvé pendu<br />

le lendemain.<br />

<strong>Le</strong> 22 juin 2006, la Commission était saisie d’une plainte de M. S.P. (2006-<br />

60), pour des violences commises le 10 juin.<br />

<strong>Le</strong> 12 septembre 2006, la Commission était saisie pour des violences à<br />

l’encontre de M. D.Z., survenues le 24 août 2006.<br />

Enfin, elle était saisie le 27 novembre 2006 des violences à l’encontre de<br />

M. S.D. (2006-127), commises le 7 novembre par deux surveillants mis en<br />

examen, suspendus, placés sous contrôle judiciaire, et qui ont été condamnés<br />

le 14 décembre 2006 à quatre mois de prison avec sursis.<br />

Dans les dossiers qui n’étaient pas connus de l’administration pénitentiaire,<br />

la CNDS a demandé, dès réception des saisines des parlementaires, une<br />

inspection des services pénitentiaires.<br />

L’analyse de ces cinq dossiers a révélé des dysfonctionnements et des<br />

manquements divers, notamment concernant les procédures disciplinaires<br />

instrumentalisées pour faire régner « la terreur et l’ordre » 8 . De telles<br />

procédures ont été diligentées à partir de comptes-rendus d’incidents<br />

partiaux lus et revus par un premier surveillant. Ces défaillances et ces abus<br />

s’expliquent en partie par les conditions de fonctionnement et de travail<br />

difficiles des personnels, et ont pu favoriser des dérives individuelles aussi<br />

bien chez certains anciens gradés de Liancourt que chez certains jeunes<br />

surveillants sous influence, en perte de repères légaux et professionnels.<br />

La Commission a instamment demandé au garde des Sceaux de veiller à la<br />

sécurité des détenus qui ont été amenés, par leur témoignage tout au long de<br />

ces cinq dossiers, à mettre en cause des surveillants du centre pénitentiaire<br />

de Liancourt.<br />

Elle a tenu à souligner qu’elle avait parfaitement conscience que les<br />

agissements contraires aux règles et aux valeurs étaient le fait d’une minorité,<br />

et que la majorité des surveillants de Liancourt se comportait correctement et<br />

humainement avec les détenus. Elle a plus particulièrement salué le courage<br />

et l’éthique des surveillants qui ont défendu les valeurs de leur profession, en<br />

se refusant à participer à de tels agissements.<br />

8 Expression employée par des surveillants.<br />

36


La Commission a regretté, dans les saisines 2005-63 et 2006-61, qu’aucun<br />

<strong>rapport</strong> écrit de l’incident, compte-rendu disciplinaire ou mention sur les<br />

registres n’ait été fait, considérant qu’il s’agit d’outils indispensables au<br />

suivi des détenus et à la vie en détention, permettant de mener dans les<br />

meilleurs délais une enquête interne et de garantir l’absence d’arbitraire.<br />

Pour la CNDS, l’absence de remontée d’informations auprès de la direction<br />

constitue une faute déontologique. Dans un dossier 2006-16, la Commission,<br />

bien que ne constatant pas en l’espèce de manquement à la déontologie,<br />

a tenu à rappeler l’importance des conditions dans lesquelles s’exercent<br />

les fouilles à corps intégrales qui sont, selon elle, par nature dégradante<br />

et humiliantes. De telles fouilles doivent être justifiées par des nécessités<br />

de maintien de l’ordre ou de sécurité, et doivent être pratiquées dans des<br />

conditions visant à réduire le degré d’humiliation du détenu et à fournir des<br />

garanties contre les abus.<br />

Elle est parvenue aux mêmes conclusions dans son avis 2005-68, insistant<br />

sur le caractère exceptionnel de cette mesure.<br />

La CNDS a pu se rendre compte, dans la saisine 2005-61, des conditions<br />

de détention rencontrées au quartier disciplinaire ou d’isolement pour les<br />

détenus malades : alimentation insuffisante et inadaptée, mauvaises<br />

conditions matérielles (cellules insuffisamment chauffées, sans lumière<br />

naturelle …), absence d’activités. La Commission a regretté que la santé<br />

du détenu n’ait pas été suffisamment prise en compte lors de la décision<br />

d’une sanction disciplinaire. Un détenu, atteint d’une pathologie lourde,<br />

avait été maintenu au quartier disciplinaire pendant près de quatorze jours,<br />

et ce malgré plusieurs certificats médicaux d’incompatibilité établis. Après<br />

plusieurs tergiversations, M. L.J. avait été replacé en détention, mais dans<br />

une autre cellule et à un autre étage, ce qu’il avait ressenti comme une<br />

volonté de le « brimer ».<br />

Pour la Commission, si tout manquement à la discipline peut conduire<br />

l’administration pénitentiaire à engager des poursuites disciplinaires,<br />

un certificat médical d’incompatibilité avec le placement en quartier<br />

disciplinaire doit être exécuté. Dans l’hypothèse où les médecins déclarent<br />

systématiquement incompatible, pour de tels malades, le placement en cellule<br />

de discipline ou d’isolement, l’administration pénitentiaire doit anticiper en<br />

choisissant l’une des autres sanctions prévues par l’article D. 251 du Code<br />

de procédure pénale (comme par exemple, le confinement en cellule).<br />

37<br />

INTRODUCTION


INTRODUCTION<br />

En 2005, la CNDS a de nouveau été saisie par M. A.A. Celui-ci avait subi en<br />

2003 de graves violences illégitimes à la maison centrale de Moulins-Yzeure,<br />

pour lesquelles la Commission avait mis en évidence la responsabilité de<br />

certains surveillants et gradés (cf. <strong>rapport</strong> 2004, saisine n o 2004-31). L’affaire<br />

avait été très médiatisée. La CNDS a constaté que le témoignage d’un<br />

détenu mettant en cause des personnels pénitentiaires pouvait entraîner<br />

des réactions de leur part, et ce même après le transfert du détenu dans un<br />

autre établissement, en raison de l’existence d’échanges et de liens entre les<br />

surveillants d’un établissement à l’autre.<br />

Au regard des conséquences et tensions éventuelles que peuvent susciter<br />

les témoignages de détenus qui ont mis en cause des personnels, la<br />

Commission a demandé à ce que l’administration pénitentiaire fasse preuve<br />

d’une plus grande vigilance quant au choix de l’affectation de ces détenus,<br />

particulièrement exposés.<br />

En réponse, le garde des Sceaux a informé la Commission qu’une note du<br />

27 octobre 2006 avait été adressée à l’attention du Directeur régional des<br />

services pénitentiaires de Paris. Il y est reconnu que l’audition de M. A.A.<br />

par la Commission a eu pour conséquence de provoquer à son égard une<br />

animosité de la part de certains agents. De façon plus générale, la note oblige<br />

désormais le Directeur régional à sensibiliser les chefs d’établissement sous<br />

sa responsabilité à la prévention des tensions et violences illégitimes que<br />

pourrait susciter la médiatisation des témoignages de détenus, et à une plus<br />

grande vigilance quant au choix de leur affectation.<br />

IV. La gendarmerie nationale – La police municipale – <strong>Le</strong>s<br />

services de sécurité privée<br />

13 dossiers (dont deux saisines « mixtes ») concernant les services de la<br />

gendarmerie nationale, la police municipale, et des services de sécurité<br />

privée ont été instruits par la CNDS en 2006. Ils peuvent être consultés dans<br />

le présent <strong>rapport</strong> sur le site internet.<br />

38


QUESTIONS LIÉES AU FONCTIONNEMENT DE LA CNDS<br />

La Commission est particulièrement préoccupée d’une procédure engagée à<br />

l’initiative d’un procureur de la République contre une personne qui a, comme<br />

la loi l’y autorise, transmis sa réclamation à un parlementaire en vue d’une<br />

saisine de la CNDS (2006-14). Cette personne a en effet été condamnée en<br />

première instance sous la qualification pénale de dénonciation calomnieuse,<br />

pour « avoir dénoncé à la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

des faits de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou<br />

disciplinaires qu’il savait totalement ou partiellement inexacts, ainsi que pour<br />

outrage par écrit non rendu public envers les fonctionnaires de police ».<br />

Inquiet de cette procédure, le président de la CNDS saisissait le garde<br />

des Sceaux de cette question de principe le 13 juin 2006, précisant deux<br />

points :<br />

- la saisine de la Commission a été faite par un parlementaire, et non<br />

pas par l’intéressé poursuivi ;<br />

- la Commission n’a rendu aucune décision sur cette saisine, l’affaire<br />

étant toujours en cours.<br />

M. Pierre Truche concluait : « Si cette décision devait devenir définitive,<br />

cela pourrait remettre en cause tout le fonctionnement de la CNDS » (voir<br />

décision 2006-14).<br />

En réponse, le 31 octobre 2006, le garde des Sceaux indiquait : « <strong>Le</strong>s<br />

dispositions combinées du Code pénal et de la loi du 6 juin 2000 modifiée<br />

portant création d’une commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

permettent aux autorités judiciaires de poursuivre pénalement le délit de<br />

dénonciation calomnieuse s’agissant de faits dénoncés à la CNDS et dès<br />

lors que les éléments constitutifs de l’infraction sont réunis. <strong>Le</strong> texte n’exige<br />

en effet nullement que la dénonciation soit directement effectuée auprès<br />

de l’autorité compétente, l’intervention d’un parlementaire, prévue par les<br />

dispositions de la loi du 6 juin 2000, constituant une modalité de saisine sans<br />

effet sur la qualification de l’infraction considérée. <strong>Le</strong> fait que la commission<br />

n’ait pas rendu de décision ou émis d’avis ou de recommandation relative<br />

aux faits dénoncés reste également sans influence sur la constitution du délit<br />

de dénonciation mensongère, le texte d’incrimination exigeant l’existence<br />

d’une dénonciation susceptible d’entraîner une sanction et non le prononcé<br />

39<br />

INTRODUCTION


INTRODUCTION<br />

de cette sanction, ce qui est le cas des faits de violences imputés à des<br />

fonctionnaires de police ».<br />

Confrontée au désistement du plaignant, qui, face à sa condamnation en<br />

première instance, a fait appel de la décision mais a refusé de témoigner<br />

devant la CNDS, la Commission n’a pas été en mesure d’émettre un avis<br />

sur les faits allégués. Cette affaire souligne la difficulté qu’il y a à concilier<br />

l’exercice du droit de saisine de la CNDS tel que prévu par la loi avec<br />

l’exercice de l’action publique singulièrement en matière de dénonciation<br />

calomnieuse.<br />

La CNDS a par ailleurs été saisie en 2005 et 2006 de trois dossiers émanant<br />

de personnes résidant à la Martinique, à la Réunion et en Guyane.<br />

Seul le dossier 2005-35 a été traité : le plaignant contestait la verbalisation<br />

dont il avait fait l’objet par des gendarmes pour non-port de la ceinture de<br />

sécurité. <strong>Le</strong> plaignant arguait n’avoir pas été, ce jour-là, à l’heure indiquée<br />

sur le procès-verbal, au volant de sa voiture, étant invité et présent à la même<br />

heure à une réception à la mairie du Lorrain (Martinique). Après avoir reçu du<br />

tribunal de grande instance de Fort-de-France la copie d’un avis de classement<br />

sans suite adressé au plaignant et les conclusions de l’enquête demandée<br />

au ministre de la Défense (qui confirmaient les faits reprochés au plaignant<br />

ainsi que le respect par les gendarmes de la réglementation applicable en<br />

la matière), la CNDS, confrontée à deux versions contradictoires, a décidé,<br />

en l’état du dossier, que la preuve d’un manquement à la déontologie n’était<br />

pas établie.<br />

<strong>Le</strong>s deux autres réclamations, en cours d’instruction, allèguent des faits<br />

plus graves, et amènent la Commission à s’interroger sur les procédures<br />

à adopter pour respecter l’égalité de traitement des dossiers qui lui sont<br />

soumis, qu’ils proviennent de la métropole ou d’outre-mer. Tout en prenant<br />

en compte l’impact budgétaire des procédures à créer, une réponse devra<br />

être mise en oeuvre au cours de l’année 2007, afin que le principe de la<br />

continuité territoriale soit respecté.<br />

Enfin, la CNDS regrette que depuis plusieurs années, le ministre de l’intérieur<br />

ne réponde plus à ses avis et recommandations, laissant au Directeur général<br />

de la police nationale le soin de le faire. La Commission s’interroge sur cette<br />

pratique, qui lui paraît contraire à l’esprit de la loi, et qui n’est ni celle du<br />

garde des Sceaux, ni celle du ministre de la Défense.<br />

40


LE BUDGET<br />

Dans la loi de finance 2006, le budget de la CNDS se situe dans le programme<br />

« Direction de l’action du gouvernement », dans l’action « Défense et<br />

protection des libertés ».<br />

Dotée en début d’année, au titre II de 255 234 € et au titre III de 358 395 €,<br />

elle a pu, compte tenu de l’augmentation de 100 000 € en cours d’année de<br />

son titre II, faire face aux charges financières qu’impliquait le recrutement en<br />

cours de personnels supplémentaires.<br />

En effet, dès 2005, pour faire face à la progression des saisines et à<br />

l’engorgement constaté dans l’instruction de celles-ci, le président de<br />

la CNDS avait demandé au Premier Ministre l’augmentation du budget<br />

de la CNDS (100.000 €) afin de permettre le recrutement de personnels<br />

supplémentaires, les effectifs prévus (3 ETP) lors de la création de la<br />

Commission en 2000 étant notoirement insuffisants.<br />

Au cours du dernier trimestre 2006, la CNDS a pu recruter deux <strong>rapport</strong>eurs<br />

vacataires, qui, en binôme avec chaque membre, instruisent les dossiers ; ceci<br />

devrait avoir pour conséquence d’accélérer le traitement des réclamations.<br />

De plus, la CNDS a recruté une secrétaire supplémentaire, indispensable à<br />

la prise des procès-verbaux.<br />

A l’exception du président et des parlementaires, les membres de la CNDS<br />

perçoivent une indemnité mensuelle brute de 152,45 €. <strong>Le</strong> président Pierre<br />

Truche avait demandé, compte tenu de la charge réelle de travail, que celleci<br />

soit portée à 304 €. En réponse, les ministères concernés (Économie et<br />

Fonction publique) ont autorisé une augmentation de 11 %, portant ainsi<br />

l’indemnité à 170 € !<br />

En 2007, au terme de sa recherche de nouveaux collaborateurs, les délais<br />

de traitement des dossiers devraient être sensiblement diminués.<br />

41<br />

INTRODUCTION


INTRODUCTION<br />

2001 2002 2003 2004 2005 2006<br />

Nombre d’affaires enregistrées 19 40 70 97 108 140<br />

Traitées dans le <strong>rapport</strong> annuel 12 24 52 82 68 102<br />

Traitées au cours de l’année<br />

d’enregistrement<br />

Des années antérieures, traitées<br />

dans le <strong>rapport</strong> annuel<br />

STATISTIQUES<br />

Origines des saisines en 2006<br />

Nombre total d’affaires enregistrées : 140<br />

Nombre total de saisines : 161<br />

Parlementaires communistes (30)<br />

Parlementaires verts (6)<br />

12 18 38 51 27 32<br />

0 6 14 31 41 70<br />

Parlementaires sans appartenance (6)<br />

Défenseur des enfants (1)<br />

N.B. : La Commission ayant parfois été saisie par plusieurs parlementaires d’une même affaire, le nombre total<br />

de saisines est supérieur au nombre total d’affaires enregistrées.<br />

42<br />

Parlementaires UMP et UDF (45)<br />

Parlementaires socialistes (73)


Typologie des saisines enregistrées en 2006<br />

Nombre total d’affaires enregistrées : 140<br />

Nombre total de saisines : 161<br />

90<br />

80<br />

70<br />

60<br />

50<br />

40<br />

30<br />

20<br />

10<br />

0<br />

105<br />

Police<br />

nationale<br />

36<br />

Administration<br />

pénitentiaire<br />

Gendarmerie<br />

19<br />

43<br />

INTRODUCTION<br />

6 5 3 3 1<br />

Police<br />

municipale<br />

Transports<br />

Hors<br />

compétence<br />

N.B. : Ces statistiques concernent l’ensemble des affaires enregistrées par la CNDS en 2006. <strong>Le</strong> présent <strong>rapport</strong>,<br />

quant à lui, rend compte des saisines dont le traitement a été achevé entre le 17 janvier 2006 et le 15 janvier 2007.<br />

<strong>Le</strong> total des statistiques (178) dépasse le nombre de saisines enregistrées en 2006 (161 pour 140 affaires), dix-sept<br />

saisines impliquant deux services de sécurité.<br />

Origine géographique des saisines enregistrées en 2006<br />

ÎLE-DE-FRANCE<br />

Pas de saisine<br />

De 1 à 2 saisines<br />

De 3 à 5 saisines<br />

De 6 à 10 saisines<br />

Plus de 10 saisines<br />

P.A.F.<br />

Hautsde-Seine<br />

(9)<br />

Val-d’Oise (5)<br />

Yvelines<br />

(4)<br />

Essonne<br />

(8)<br />

Seine-St-Denis<br />

(10)<br />

Val-de-Marne (7)<br />

Seine-et-Marne<br />

(4)<br />

Sécurité<br />

privée<br />

Paris (15)


INTRODUCTION<br />

Origine géographique des saisines enregistrées en 2006<br />

Pas de saisine<br />

BRETAGNE<br />

(3)<br />

De 1 à 2 saisines<br />

De 3 à 5 saisines<br />

De 6 à 10 saisines<br />

Plus de 10 saisines<br />

MARTINIQUE<br />

(1)<br />

BASSE-<br />

NORMANDIE<br />

(2)<br />

PAYS DE LA LOIRE<br />

(2)<br />

GUYANE<br />

(1)<br />

POITOU-<br />

CHARENTES<br />

(2)<br />

AQUITAINE<br />

(2)<br />

HAUTE-<br />

NORMANDIE<br />

(3)<br />

MIDI-PYRENEES<br />

(11)<br />

REUNION<br />

(1)<br />

NORD-<br />

PAS-DE-CALAIS<br />

(5)<br />

CENTRE<br />

(2)<br />

LIMOUSIN<br />

(1)<br />

N.B. : Trois saisines enregistrées en 2006 (2006-34 ; 2006-66 ; 2006-72) n’ont pas été comptabilisées, les origines<br />

géographiques n’ayant pu être déterminées. Par ailleurs, les saisines 2006-47 et 2006-99 concernaient deux régions ;<br />

les saisines 2006-33 ; 2006-40 ; 2006-68 concernaient deux départements d’Ile-de-France).<br />

44<br />

PICARDIE<br />

(7)<br />

ILE-DE-FRANCE<br />

(59)<br />

AUVERGNE<br />

(1)<br />

LANGUEDOC-<br />

ROUSSILLON<br />

(7)<br />

CHAMPAGNE-<br />

ARDENNE<br />

(1)<br />

BOURGOGNE<br />

(2)<br />

GAUDELOUPE<br />

(0)<br />

LORRAINE<br />

(3)<br />

FRANCHE-<br />

COMTE<br />

RHÔNES-ALPES<br />

(10)<br />

PROVENCE-<br />

ALPES-<br />

CÔTE D’AZUR<br />

(8)<br />

ALSACE<br />

(5)<br />

CORSE


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

<strong>Le</strong>s avis et recommandations<br />

Police nationale<br />

Saisine n° 2004-52.....................49<br />

Saisine n° 2004-83.....................52<br />

Saisine n° 2004-90.....................54<br />

Saisine n° 2004-93.....................59<br />

Saisine n° 2004-97.....................64<br />

Saisine n° 2005-1.......................67<br />

Saisine n° 2005-6.......................70<br />

Saisine n° 2005-11.....................80<br />

Saisine n° 2005-17.....................87<br />

Saisine n° 2005-18.....................90<br />

Saisine n° 2005-22.....................97<br />

Saisine n° 2005-25...................103<br />

Saisine n° 2005-26...................110<br />

Saisine n° 2005-27...................117<br />

Saisine n° 2005-29...................126<br />

Saisine n° 2005-30...................135<br />

Saisine n° 2005-32...................140<br />

Saisine n° 2005-39...................146<br />

Saisine n° 2005-43...................154<br />

Saisine n° 2005-45...................158<br />

Saisine n° 2005-46...................163<br />

Saisine n° 2005-48...................180<br />

Saisine n° 2005-51...................188<br />

Saisine n° 200554....................195<br />

Saisine n° 2005-57...................201<br />

Saisine n° 2005-66...................207<br />

Saisine n° 2005-69...................215<br />

Saisine n° 2005-70...................221<br />

Saisine n° 2005-71...................224<br />

Saisine n° 2005-72...................231<br />

Saisine n° 2005-73...................244<br />

Saisine n° 2005-79...................252<br />

Saisine n° 2005-82...................258<br />

46<br />

Saisine n° 2005-83...................260<br />

Saisine n° 2005-86...................269<br />

Saisine n° 2005-89...................275<br />

Saisine n° 2005-91...................278<br />

Saisine n° 2005-92...................280<br />

Saisine n° 2005-93...................286<br />

Saisine n° 2005-98...................289<br />

Saisine n° 2005-101.................296<br />

Saisine n° 2005-102.................305<br />

Saisine n° 2005-104.................308<br />

Saisine n° 2006-7.....................311<br />

Saisine n° 2006-15...................327<br />

Saisine n° 2006-23...................333<br />

Saisine n° 2006-35...................340<br />

Police aux frontières / Centres<br />

de rétention administrative<br />

Saisine n° 2005-76...................343<br />

Saisine n° 2005-88...................354<br />

Administration pénitentiaire<br />

Saisine n° 2005-16...................364<br />

Saisine n° 2005-55...................371<br />

Saisine n° 2005-61...................374<br />

Saisine n° 2005-63...................389<br />

Saisine n° 2005-68...................400<br />

Saisine n° 2006-4.....................404<br />

Saisine n° 2006-16...................410<br />

Saisine n° 2006-61...................417<br />

Introduction aux avis 2006-43/<br />

2006-53/2006-60/2006-89/<br />

2006-127..................................421<br />

Saisine n° 2006-43...................426<br />

Saisine n° 2006-53...................433<br />

Saisine n° 2006-60...................447<br />

Saisine n° 2006-89...................450


Saisine n° 2006-127.................461<br />

Gendarmerie nationale<br />

Saisine n° 2004-79...................465<br />

Saisine n° 2005-65...................470<br />

Saisine n° 2005-67...................472<br />

Saisine n° 2005-90...................476<br />

Sécurité privée<br />

Saisine n° 2006-73...................478<br />

Décisions de classement<br />

Classement sans suite<br />

Saisine n° 2005-8 ....................483<br />

Saisine n° 2005-21...................484<br />

Saisine n° 2005-34...................485<br />

Saisine n° 2005-35...................486<br />

Saisine n° 2005-37...................487<br />

Saisine n° 2005-50...................489<br />

Saisine n° 2005-56...................490<br />

Saisine n° 2005-60...................491<br />

Saisine n° 2005-84...................492<br />

Saisine n° 2005-95...................493<br />

Saisine n° 2005-99...................494<br />

Saisine n° 2005-106.................496<br />

Saisine n° 2006-1 ....................497<br />

Saisine n° 2006-10...................498<br />

Saisine n° 2006-14...................500<br />

Hors délai<br />

Saisine n° 2005-100.................506<br />

Saisine n° 2005-108.................507<br />

Saisine n° 2006-2 ....................508<br />

Saisine n° 2006-18...................509<br />

Saisine n° 2006-19...................510<br />

47<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n° 2006-28...................511<br />

Saisine n° 2006-41...................512<br />

Saisine n° 2006-47...................513<br />

Saisine n° 2006-67...................514<br />

Saisine n° 2006-98...................515<br />

Saisine n° 2006-105.................516<br />

Saisine n° 2006-115.................518<br />

Hors compétence<br />

Saisine n° 2005-78...................519<br />

Saisine n° 2005-97...................520<br />

Saisine n° 2006-17...................521<br />

Saisine n° 2006-21...................522<br />

Saisine n° 2006-55...................523<br />

Saisine n° 2006-101.................524<br />

Saisine n° 2006-104.................526<br />

Saisine n° 2006-109.................527<br />

Saisine n° 2004-16...................530<br />

Saisine n° 2004-58..................532<br />

Saisine n° 2004-82..................534<br />

Saisine n° 2004-84..................540<br />

Saisine n° 2005-5.....................542<br />

Saisine n° 2005-10...................544<br />

Saisine n° 2005-75...................549


LA POLICE NATIONALE<br />

Saisine n°2004-52<br />

49<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 23 juin 2004,<br />

par M. Richard MALLIE, député des Bouches-du-Rhône<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 23 juin<br />

2004, par M. Richard MALLIE, député des Bouches-du-Rhône, des conditions<br />

de l’intervention des fonctionnaires de police de Marseille le 1 er juillet 2003,<br />

lors d’un appel pour un litige privé entre Mme N.L. et son époux, M. S.D.B.<br />

Elle a procédé à l’audition de Mme N.L.<br />

Elle a pris connaissance de la procédure établie par les fonctionnaires du<br />

16 ème arrondissement de Marseille et de la procédure judiciaire diligentée<br />

contre M. S.D.B. pour infraction à la législation sur les armes.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 1 er juillet 2003, accompagnant sa fille handicapée à une visite à la<br />

COTOREP, Mme N.L., épouse D.B., se rend en chemin à l’usine de son<br />

mari, M. S.D.B., vers 9h00. Celui-ci avait déserté le domicile familial depuis<br />

environ trois semaines et sa femme voulait avoir une discussion.<br />

Arrivée sur les lieux, à la société K., située à Marseille, elle constate la<br />

présence de la voiture de son mari, une Mercedes parquée dans le garage<br />

attenant à l’usine. Se dirigeant vers son bureau et se penchant vers la fenêtre,<br />

elle aperçoit sur la table la valise de son mari et deux sacs féminins (qu’elle<br />

identifie ainsi par leur forme et leur couleur).<br />

Elle pénètre alors dans le local, et surprend, au fond de la pièce, son mari<br />

couché sur une couverture rose prise à la maison en compagnie d’une jeune


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

femme âgée de 25 ans environ, entièrement nue.<br />

Son mari la saisit violemment par la main et fait sortir sa femme de l’usine<br />

en s’enfermant à l’intérieur. Restée sur les lieux, Mme N.L. voit derrière la<br />

vitre son mari brandissant, pour l’intimider, un fusil, sans le diriger vers elle,<br />

ni la viser. Effrayée, elle appelle sa belle sœur, lui relate les faits et lui indique<br />

que son mari était en possession d’une arme, lui demandant d’appeler les<br />

gendarmes de Bouc-Bel Air, pour constater les faits.<br />

Dans la demi-heure qui a suivi, quatre policiers du commissariat du16 ème<br />

arrondissement de Marseille se rendirent sur les lieux, dans une voiture<br />

sérigraphiée, et sont informés de la situation par Mme N.L.<br />

M. D.B. sort sans arme, refermant la porte derrière lui et parlementant avec<br />

le responsable de la patrouille de police. Retenue par une femme adjointe<br />

de sécurité, Mme N.L. entend son mari dire aux policiers qu’il avait quitté le<br />

domicile conjugal et qu’il ne voulait pas que cette affaire interfère avec son<br />

futur divorce.<br />

Trois policiers sont entrés dans le bâtiment de l’usine, Mme N.L. était toujours<br />

retenue dans la cour par l’adjointe de sécurité. <strong>Le</strong> responsable des policiers<br />

a saisi le fusil sur la table, puis ses collègues ont perquisitionné les lieux,<br />

convergeant ensuite tous les trois vers l’espace où était garée la voiture.<br />

Faisant écran de leur dos, ils semblaient, selon Mme N.L., favoriser la fuite<br />

vers la voiture de la personne qui était avec M. D.B., qu’elle aperçoit entrer<br />

dans la malle de la Mercedes. <strong>Le</strong>s policiers étant toujours présents, M. D.B.<br />

sort du garage au volant de sa voituren, avec les sacs féminins auparavant<br />

posés sur la table de l’usine.<br />

<strong>Le</strong> chef policier, auquel s’adresse en protestant Mme N.L., la regarde d’un<br />

air goguenard, ce qui lui donne un profond sentiment d’humiliation.<br />

M. D.B. sera ensuite entendu pour détention illégale d’armes (un fusil et un<br />

pistolet). Mais pour le policier, la situation dans l’usine n’était qu’un litige<br />

privé où il n’avait rien constaté d’anormal, ni constaté la présence d’une<br />

autre personne. Il ajoute toutefois que s’il y avait quelqu’un à l’intérieur<br />

de la voiture, il n’avait pas la compétence pour effectuer la perquisition du<br />

véhicule.<br />

Dans le procès-verbal de l’interpellation de M. D.B., est également précisé<br />

par l’OPJ que les policiers n’ont constaté dans l’usine la présence d’aucune<br />

autre personne, bien que M. D.B. leur ait précisé qu’il n’était pas seul, selon<br />

ses propres termes (PV du 1 er juillet à 10h00 2003/2239/1)<br />

Mme N.L. a eu le sentiment d’une solidarité masculine entre les policiers et<br />

50


51<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

son mari. Ceux-ci ont, selon elle, participé à la dissimulation d’un adultère<br />

en relevant seulement la détention d’armes. Elle s’est sentie humiliée et<br />

privée de tout moyen pour prouver l’adultère. À 15h00, elle s’est rendue à la<br />

gendarmerie de Bouc Bel Air pour donner sa version des faits.<br />

AVIS<br />

La Commission invite les policiers, lorsqu’ils sont envoyés sur les lieux pour<br />

constater une situation de crise, à veiller au respect de la stricte égalité de<br />

traitement entre les parties, quel que soit leur sexe.<br />

<strong>Le</strong>s fonctionnaires de police n’ayant pas qualité pour intervenir dans le litige<br />

familial et ayant établi une procédure pour infraction à la législation sur les<br />

armes, la Commission ne relève pas d’atteinte à la déontologie.<br />

Adopté le 13 mars 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis pour information à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de<br />

l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2004-83<br />

AVIS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 18 octobre 2004,<br />

par M. Jean-Marc NUDANT, député de la Côte d’Or.<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 18<br />

octobre 2005, par M. Jean-Marc NUDANT, député de la Côte d’Or, des<br />

conditions dans lesquelles a été effectuée à Arcelot (21), le 18 août 2004, une<br />

perquisition par un service de police dans les locaux professionnels de M. P.<br />

M.<br />

La Commission a eu communication des pièces de la procédure et des<br />

décisions de justice. Elle a entendu M. P.M.<br />

LES FAITS<br />

Agissant sur commission rogatoire d’un juge d’instruction de Dijon, le<br />

commandant G.G. et le capitaine D.C., OPJ à la sûreté départementale, se<br />

sont rendus le 18 août 2004 à Arcelot pour opérer une perquisition dans les<br />

locaux de la société L., dirigée par M. P.M., après avoir effectué la même<br />

opération chez son père.<br />

Selon M. P.M., le commandant G.G., qui l’avait suivi en voiture, a déclaré en<br />

arrivant dans l’entreprise et en présence des ouvriers : « Vous vous foutez<br />

de ma gueule, vous me prenez pour un con ». Il a ensuite voulu saisir la<br />

douzaine d’ordinateurs, ce qui aurait arrêté toute l’activité de l’entreprise.<br />

Après avis téléphonique du juge, ils n’auraient saisi qu’un ordinateur en<br />

affirmant, sur une question de M. P.M. : « J’en ai rien à foutre. Vous n’êtes<br />

pas prêt de revoir le matériel. Vous pouvez en racheter un autre ».<br />

C’est en réaction à ce comportement, et alors qu’il se trouvait à deux–trois<br />

mètres des policiers, qu’il a dit à son père : « Ce sont vraiment des méthodes<br />

gestapotiques ».<br />

52


53<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

<strong>Le</strong>s deux policiers ont entendu M. P.M. tenir ce propos. Il a été condamné<br />

le 23 mars 2005 par la cour d’appel de Dijon pour outrage à un mois<br />

d’emprisonnement avec sursis à 1000 € d’amende, ainsi qu’à des dommages<br />

et intérêts envers les fonctionnaires. <strong>Le</strong> pourvoi qu’il avait formé a été déclaré<br />

non admis le 1 er septembre 2005.<br />

AVIS<br />

En application de l’article 8 de la loi du 6 juin 2000, la Commission ne peut<br />

remettre en cause le bien fondé d’une décision juridictionnelle.<br />

Or, la cour d’appel de Dijon a condamné M. P.M. pour outrage et<br />

expressément constaté que « les provocations arguées par le prévenu ne<br />

sont pas établies ».<br />

La Commission ne peut donc pas constater de manquement à la<br />

déontologie.<br />

Adopté le 5 avril 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis pour information à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de<br />

l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n° 2004-90<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 30 novembre 2004,<br />

par M. Charles COVA, député de Seine-et-Marne<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 30<br />

novembre 2004, par M. Charles COVA, député de Seine-et-Marne, concernant<br />

les conditions de garde-à-vue de Mme N.L., le 8 janvier 2004, au commissariat<br />

de Lagny-sur-Marne.<br />

La Commission a procédé aux auditions de Mme N.L. et de Mme M-C.I.,<br />

fonctionnaire de police.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 8 janvier 2004, vers 18h45, Mme N.L. se présente au commissariat<br />

de police de Lagny-sur-Marne pour y déposer une plainte et demander<br />

à rencontrer une personne avec laquelle elle avait eu auparavant un<br />

entretien téléphonique. Cette personne avait alors quitté le service. Mme N.<br />

L. demande qu’un rendez-vous lui soit donné avec le commissaire ou un<br />

officier de police. La fonctionnaire qui assurait à ce moment-là la fonction de<br />

chef de poste lui indique qu’elle ne pouvait organiser un tel rendez-vous et<br />

qu’elle pouvait recevoir sa plainte. Mme N.L. s’est alors emportée et a injurié<br />

les fonctionnaires présents. Alors que ceux-ci s’employaient à la faire sortir,<br />

elle se débattit et agressa la fonctionnaire chef de poste, l’empoignant par<br />

les cheveux et la cravate. Mme N.L. fut alors placée en garde à vue. Elle<br />

a fait l’objet d’une poursuite pour outrage, qui aboutit à sa condamnation,<br />

prononcée le 11 mars 2005 par le tribunal correctionnel.<br />

Mme N.L. se plaint des conditions dans lesquelles s’est déroulée la garde à<br />

vue :<br />

- elle a été menottée, d’abord par les deux mains, dans le dos et de manière<br />

serrée, puis par la seule main de droite après qu’elle ait pu établir, par un<br />

54


55<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

document médical, l’existence d’un handicap au bras droit ;<br />

- elle a fait l’objet d’une fouille à corps, à l’occasion de laquelle elle a été<br />

contrainte de se déshabiller entièrement ;<br />

- elle a été placée pour la nuit dans une cellule non chauffée et dépourvue<br />

de matelas et de couverture ;<br />

- le médecin qui l’a examinée a prescrit des médicaments dont l’un, destiné<br />

à faciliter la respiration, ne lui a pas été fourni ; d’autres lui ont été proposés,<br />

qu’elle a dû refuser notamment parce qu’ils ne peuvent être pris qu’à<br />

l’occasion d’un repas, alors qu’on ne lui avait pas donné en même temps de<br />

nourriture ;<br />

- ce n’est que le lendemain à 11h00, alors que la garde à vue allait prendre<br />

fin, qu’elle a pu entrer en possession de ses médicaments.<br />

AVIS<br />

<strong>Le</strong> comportement de Mme N.L., lorsqu’elle s’est présentée au commissariat<br />

de police, a conduit à la condamnation pénale prononcée à son encontre. La<br />

Commission ne peut qu’en prendre acte.<br />

<strong>Le</strong>s conditions dans lesquelles s’est déroulée la mesure de garde à vue dont<br />

elle a fait l’objet appellent plusieurs observations :<br />

- L’agressivité dont Mme N.L. a fait preuve à son arrivée au commissariat<br />

justifiait qu’elle ait été menottée.<br />

- Par contre, au cas d’espèce, rien ne justifiait la fouille de sécurité, avec<br />

déshabillage complet, à laquelle elle a été soumise ; cette mesure a été<br />

effectuée en méconnaissance des règles énoncées à ce sujet par la circulaire<br />

ministérielle du 11 mars 2003.<br />

- On doit déplorer l’absence, en plein hiver, dans le local où Mme N.L. a passé<br />

la nuit, de matelas et de couverture ; mais selon les indications données à<br />

la Commission, le commissariat de Lagny-sur-Marne dispose désormais de<br />

couvertures.<br />

- Un médecin a examiné Mme N.L. au début de la période de sa garde à<br />

vue ; le document qu’il a signé à 20h10, et dont une copie figure au dossier,<br />

mentionne qu’il a établi en même temps une ordonnance prescrivant des


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

médicaments « à lui fournir dans l’heure ». Cette prescription ne paraît pas<br />

avoir été respectée : deux pièces du dossier établissent que, dans le courant<br />

de la nuit, Mme N.L. a refusé de prendre deux médicaments prescrits par le<br />

médecin, le premier à 22h20, le second à 1h02.<br />

- La garde à vue a pris fin le 1 er janvier 2004 à 11h45, après qu’il ait été<br />

procédé, dès 9h00, à l’audition de la personne que Mme N.L. souhaitait<br />

rencontrer lorsqu’elle s’est rendue au commissariat, puis, à 10h25, à l’audition<br />

de Mme N.L. elle-même ; compte tenu des actes de procédure à accomplir,<br />

la durée de la mesure de garde à vue ne peut être critiquée.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission recommande que soient strictement respectées les<br />

dispositions de la circulaire du ministre de l’intérieur en date du 11 mars<br />

2003 sur le respect de la dignité des personnes gardées à vue, et relatives<br />

aux fouilles de sécurité.<br />

Elle recommande aussi que soit rappelée aux services de police l’obligation<br />

de respecter rigoureusement les prescriptions relatives à la délivrance,<br />

aux personnes gardées à vue, des médicaments ayant fait l’objet d’une<br />

ordonnance médicale.<br />

56<br />

Adopté le 13 février 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :


57<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

58


Saisine n°2004-93<br />

59<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 2 décembre 2004,<br />

par Mme Muguette JACQUAINT, députée de la Seine-Saint-Denis<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 2<br />

décembre 2004, par Mme Muguette JACQUAINT, députée de la Seine-<br />

Saint-Denis, des conditions du contrôle d’identité de M. K.A., effectué le 7<br />

novembre 2004 par deux gardiens de la paix de la brigade équestre de Seine-<br />

Saint-Denis.<br />

La Commission a pris connaissance des pièces de la procédure.<br />

La Commission a procédé aux auditions de M. K.A. ; de M. O.B., gardien<br />

de la paix en fonction à la brigade équestre départementale de Seine-Saint-<br />

Denis, et de M. S.H., commissaire principal à Bobigny.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> dimanche 7 novembre 2004, dans l’après-midi, M. K.A. et sa compagne<br />

se promenaient dans le parc départemental de la Courneuve avec un chien.<br />

Des gardes départementaux chargés de la surveillance du parc les invitèrent<br />

à mettre ce chien en laisse, ce qu’ils ne firent qu’avec réticence.<br />

Voulant dresser procès-verbal du manquement constaté, les gardes firent appel<br />

à deux gardiens de la paix de la brigade équestre de la Seine-Saint-Denis,<br />

qui concourent à la sécurité du parc, pour que ceux-ci contrôlent l’identité du<br />

propriétaire du chien (ce que les gardes n’ont pas le pouvoir de faire).<br />

Lorsqu’à 16h00, les deux policiers à cheval rejoignirent le groupe formé par<br />

M. K.A., sa compagne et les gardes ; ils constatèrent que le chien était tenu<br />

en laisse.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

M. K.A. leur ayant déclaré qu’il était le propriétaire du chien (alors qu’au<br />

cours de son audition, il a indiqué que ce chien appartenait à sa compagne),<br />

les policiers lui demandèrent son identité. Ils ne purent l’établir, M. K.A. ne<br />

détenant sur lui aucun document. <strong>Le</strong> gardien de la paix O.B. indiqua à M. K.<br />

A. qu’il devait être conduit au commissariat de police pour que son identité<br />

soit vérifiée. M. K.A. ayant exprimé son refus, le policier procéda sur lui à<br />

une palpation et le menotta. Il fit monter M. K.A. dans le véhicule des gardes<br />

départementaux qui, escortés par les policiers à cheval, le conduisirent<br />

dans un local appelé « sellerie », placé près de l’entrée du parc et mis par le<br />

département de la Seine-Saint-Denis à la disposition de la police nationale.<br />

M. K.A. ne resta que peu de temps dans ce local, mais un incident s’y<br />

produisit. Alors que le gardien de la paix lui enjoignait de rester debout contre<br />

un mur, M. K.A., toujours menotté, se laissa glisser au sol. <strong>Le</strong> policier utilisa<br />

les gestes techniques d’intervention pour le faire asseoir. Selon M. K.A., le<br />

gardien de la paix lui aurait, avec son pied, écrasé les mains, menottées<br />

dans le dos ; ce fait est contesté par le policier.<br />

Accompagné par ce dernier, M. K.A. fut conduit au commissariat de la<br />

Courneuve dans un véhicule de police. Il fut présenté à l’officier de police<br />

judiciaire de permanence qui, par l’intermédiaire du commissariat de police<br />

de Sarcelles, lieu de résidence de M. K.A., fit procéder à la vérification de<br />

l’identité de celui-ci. Pendant ce temps, M. K.A. resta menotté sur un banc à<br />

l’intérieur du commissariat. Il fut libéré vers 18h00.<br />

Il ressort des auditions auxquelles a procédé la Commission qu’aucun<br />

procès-verbal n’a été établi. M. K.A. a précisé qu’aucun document de cette<br />

nature n’a été présenté à sa signature.<br />

<strong>Le</strong> gardien de la paix O.B. est retourné au parc de la Courneuve pour<br />

communiquer aux gardes départementaux l’identité de M. K.A. et pour faire<br />

mention de l’incident sur la main-courante du service.<br />

AVIS<br />

Au regard des circonstances rappelées ci-dessus, et même s’il est dérisoire<br />

d’avoir mis en œuvre une telle procédure alors que le chien était en laisse, il<br />

est certain que les policiers appelés par les gardes du parc étaient en droit<br />

60


61<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

d’interroger M. K.A. sur son identité et, en l’absence de pièce d’identité, de<br />

le conduire au commissariat de police, aux fins de vérification. La résistance<br />

opposée par M. K.A. a pu justifier qu’au moment de l’interpellation et<br />

pendant qu’il se trouvait dans la « sellerie » en attente d’un véhicule, il ait<br />

été menotté.<br />

Compte tenu des horaires indiqués, il n’apparaît pas que M. K.A. ait été retenu<br />

au commissariat de police pendant un délai excédant celui nécessaire à la<br />

vérification de son identité par l’intermédiaire du commissariat de Sarcelles.<br />

On doit considérer comme anormal le fait que, pendant qu’il se trouvait dans<br />

les locaux du commissariat de la Courneuve, en attendant que son identité<br />

ait été vérifiée, M. K.A. soit resté menotté, car, à l’évidence, il ne pouvait<br />

alors être considéré comme dangereux pour autrui ou pour lui-même ou<br />

susceptible de prendre la fuite, au sens de l’article 803 du Code de procédure<br />

pénale.<br />

En outre, cette rétention dans les locaux du commissariat de police<br />

s’est effectuée dans des conditions illégales, en méconnaissance des<br />

dispositions de l’article 78-3 du Code de procédure pénale : contrairement<br />

aux prescriptions de cet article, aucun procès-verbal n’a été adressé. Il s’est<br />

donc agi d’une rétention abusive.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

À nouveau, la Commission recommande que soient strictement respectées<br />

les dispositions de l’article 803 du Code de procédure pénale, rappelées<br />

par la circulaire du ministre de l’Intérieur de 11 mars 2003, relatives aux<br />

circonstances dans lesquelles le menottage des personnes est autorisé.<br />

Elle recommande aussi que soient strictement respectées par les officiers<br />

de police judiciaire les dispositions de l’article 78-3 du Code de procédure<br />

pénal, relatives à la rétention d’une personne pour laquelle il est procédé à<br />

une vérification d’identité.<br />

Adopté le 13 février 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

62


63<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2004-97<br />

AVIS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 15 décembre 2004,<br />

par M. Christian JEANJEAN, député de l’Hérault<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 15<br />

décembre 2004, par M. Christian JEANJEAN, député de l’Hérault, des<br />

circonstances dans lesquelles M. D.B. a fait l’objet d’un contrôle de police à<br />

Pérols (Hérault), dans la nuit du 21 au 22 mars 2004, par les fonctionnaires<br />

de la BAC de Montpellier.<br />

La Commission a pris connaissance de la procédure de la plainte contre X<br />

pour violences volontaires qui lui a été communiquée.<br />

Elle a également procédé à l’audition de M. D.B. et des fonctionnaires de la<br />

BAC de Montpellier qui sont intervenus cette nuit-là.<br />

LES FAITS<br />

Dans la nuit du 20 au 21 mars 2004, M. D.B. se trouvait chez lui à Pérols<br />

avec sa compagne et regardait la télévision. Vers minuit trente, trois jeunes<br />

gens sont venus se réfugier chez lui, en lui expliquant qu’en passant devant<br />

le bar « le Pérols », ils ont vu qu’il y avait une bagarre entre des gens de<br />

Pérols et d’autres individus venus de Saint-Laurent-d’Aigouze. Ils ont vu ces<br />

derniers sortir, du coffre de leur voiture, une batte de base-ball et taper sur<br />

les gens. Ayant pris peur, ils se sont réfugiés chez M. D.B., que connaissait<br />

l’un d’eux.<br />

<strong>Le</strong>s trois jeunes gens sont restés quelques minutes chez M. D.B. qui était<br />

sorti pour se rendre compte de ce qui se passait. À son retour, les trois<br />

jeunes gens et M. D.B. sont sortis et discutaient devant l’immeuble, lorsque<br />

sont arrivés trois fonctionnaires de police en voiture, qui leur ont demandé de<br />

64


se mettre contre le mur pour un contrôle d’identité.<br />

65<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Lors de leur audition, les fonctionnaires de police, membres de la BAC de<br />

Montpellier, ont précisé que le centre de commandement leur avait demandé<br />

de se rendre à Pérols, où un patron de bar avait appelé pour une rixe. Quand<br />

ils sont arrivés, les auteurs de l’agression étaient partis, mais restaient sur les<br />

lieux les victimes clients du bar et le patron. Sept policiers se sont retrouvés<br />

sur place.<br />

Cinq policiers, munis d’un signalement, sont partis à la recherche des<br />

agresseurs et ont aperçu M. D.B. et ses trois visiteurs devant leur immeuble.<br />

Pensant avoir affaire aux éventuels agresseurs, ils ont décidé de procéder à<br />

un contrôle d’identité et à une palpation de sécurité.<br />

Si les trois jeunes gens qui s’étaient réfugiés chez M. D.B. ont immédiatement<br />

obtempéré, M. D.B. a contesté le contrôle qui lui était fait, puisqu’il se savait, à<br />

l’évidence, innocent. Lors de son audition, il soutient que l’un des policiers lui<br />

aurait dit : « Ferme ta gueule, tu te mets là contre le mur et tu écoutes », puis :<br />

« Puisque tu n’as pas compris, espèce de bougnoule, on va t’écraser ».<br />

<strong>Le</strong>s policiers entendus reconnaissent qu’il a été l’objet d’un geste technique<br />

professionnel d’intervention, menotté et qu’il est tombé au sol, mais contestent<br />

fermement les propos racistes et les coups.<br />

À la demande des policiers, le patron et la patronne du bar sont arrivés sur<br />

les lieux et n’ont reconnu personne comme pouvant être leurs agresseurs.<br />

M. D.B. a déposé plainte contre les fonctionnaires de la BAC pour violences<br />

volontaires en produisant un certificat médical. Sa plainte a fait l’objet d’un<br />

classement sans suite.<br />

AVIS<br />

<strong>Le</strong> commissaire divisionnaire, Directeur départemental de la sécurité publique<br />

de l’Hérault, a précisé dans sa note du 30 juin 2004 à M. le Procureur de la<br />

République près le tribunal de grande instance de Montpellier, que « selon<br />

les fonctionnaires de la BAC, M. D.B. a bien fait l’objet, dans la nuit du 21<br />

au 22 mars 2004 d’un contrôle « musclé » de leur part, l’emploi de la force<br />

nécessaire étant motivé par un comportement virulent de l’intéressé, refusant<br />

un contrôle qu’il estimait injustifié ».


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

<strong>Le</strong>s trois jeunes gens présents au moment de l’intervention des policiers de<br />

la BAC affirment que personne n’a été frappé. L’un d’eux, M. B.P., précise<br />

que M. N.B. et un des policiers « se sont engrainés », mais ne peut pas<br />

dire qui a commencé. Il ajoute que les policiers « ont certainement malmené<br />

M. D.B., mais c’est à cause de son comportement et parce qu’il se débattait ;<br />

mais à aucun moment il ne l’ont frappé. Je l’ai bien vu, j’étais juste en face<br />

de lui ».<br />

Dans ces conditions, bien que l’intervention sur une personne qui avait toutes<br />

les raisons de se dire innocente soit reconnue « musclée », la Commission<br />

estime que la preuve des violences illégitimes et de propos à caractère<br />

raciste n’est pas <strong>rapport</strong>ée. Aucun manquement à la déontologie policière<br />

ne peut être relevé.<br />

66<br />

Adopté le 15 mai 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis pour information à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de<br />

l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire.


Saisine n°2005-1<br />

67<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 27 décembre 2004,<br />

par M. François ROCHEBLOINE, député de la Loire<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 27<br />

décembre 2004, par M. François ROCHEBLOINE, député de la Loire, des<br />

conditions d’interpellation de M. M.D., le 11 août 2004 à Saint-Étienne, à la<br />

suite d’un contrôle d’identité.<br />

La Commission a pris connaissance de la procédure engagée à l’encontre<br />

de M. M.D. pour outrage, rébellion et violences volontaires sur personnes<br />

dépositaires de l’autorité publique et du jugement rendu par le tribunal<br />

correctionnel de Saint-Étienne le 2 février 2005. Elle a également pris<br />

connaissance de la plainte de M. M.D. à l’encontre des policiers interpellateurs,<br />

classée sans suite.<br />

La Commission a entendu M. M.D. et M. J-L.B., sous-brigadier.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 11 août 2004, vers 19h00, M. M.D., accompagné de deux amies, sortait<br />

d’un café dans le centre de Saint-Étienne, quand il a croisé un équipage de<br />

police intervenant auprès de passants qui troublaient l’ordre public.<br />

M. M.D. a reconnu devant la Commission qu’il était alors « particulièrement<br />

gai » et chantait à tue-tête. Il a admis avoir eu « un comportement que l’on<br />

peut qualifier d’extravagant ». <strong>Le</strong>s policiers l’ont alors entendu proférer une<br />

insulte à leur égard.<br />

Quelques minutes plus tard, et un peu plus loin dans la ville, le même<br />

équipage rencontra à nouveau M. M.D. et l’entendit proférer la même insulte.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

<strong>Le</strong>s policiers décidèrent d’effectuer un contrôle et ont constaté que M. M.D.<br />

était en état d’ivresse. Sur leur demande, M. M.D. leur indiqua qu’il n’avait<br />

pas de pièce d’identité sur lui et refusa de communiquer verbalement son<br />

identité. Il lui fut alors indiqué qu’il allait être conduit au commissariat pour<br />

que son identité soit vérifiée.<br />

<strong>Le</strong> policier interpellateur a exposé à la Commission que M. M.D. refusa de se<br />

laisser conduire au commissariat, et que lui-même et ses collègues, avec le<br />

concours d’un autre équipage, durent employer la force. Comme M. M.D. se<br />

débattait, il fut amené au sol et menotté, avant d’être installé, difficilement,<br />

dans le véhicule de police.<br />

M. M.D. présente une autre version, soutenant qu’il n’a pas opposé de<br />

résistance lors de cette interpellation. Il a indiqué avoir été « poussé avec<br />

précipitation dans le véhicule ». La portière aurait été refermée alors qu’il<br />

n’avait pas encore rentré sa jambe droite. Il dit avoir ressenti à ce moment<br />

une vive douleur.<br />

Au commissariat de police, M. M.D. fut menotté sur un banc. Il soutient qu’il<br />

ne s’agitait pas et se plaint d’avoir été brutalisé. <strong>Le</strong> policier entendu par la<br />

Commission a affirmé au contraire que M. M.D. s’est débattu, qu’il a de<br />

nouveau insulté les policiers (ce que M. M.D. admet) et a porté des coups à<br />

l’un d’eux.<br />

À 23h45, M. M.D. a été examiné par un médecin. Celui-ci a constaté des<br />

« contusions douloureuses des membres inférieurs et des avant-bras avec<br />

des lésions douloureuses des premier et cinquième doigts du pied droit<br />

rendant l’appui du pied et la marche douloureuse ». L’état de M. M.D. fut jugé<br />

compatible avec la garde à vue, sous réserve d’un examen radiographique<br />

du pied droit. <strong>Le</strong>s documents médicaux établis le lendemain 12 août 2004<br />

et communiqués par M. M.D. à la Commission ont prévu la pose d’un plâtre<br />

au pied droit, une incapacité temporaire totale de six jours, une incapacité<br />

temporaire partielle de sept jours et un arrêt de travail de sept jours. M. M.D.<br />

indique avoir eu le pied plâtré pendant un mois.<br />

Poursuivi pour outrage, rébellion et violence à l’encontre de fonctionnaires<br />

de police, M. M.D. a été condamné à une amende de 600 €.<br />

Lui-même a déposé plainte contre les policiers. <strong>Le</strong> parquet a classé sans<br />

68


69<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

suite cette plainte, justifiant ce classement dans les termes suivants : « Il ne<br />

résulte pas en effet, notamment des témoignages des personnes qui vous<br />

accompagnaient, que des coups vous aient été portés, ainsi que vous le<br />

prétendez. Il apparaît au contraire que vous avez résisté lorsque les policiers<br />

vous ont interpellé après que vous les ayez outragés. Selon les témoins,<br />

vous avez à un moment sorti les pieds du véhicule lorsque les policiers ont<br />

tenté de vous faire monter dans celui-ci, ce qui est vraisemblablement à<br />

l’origine des contusions et lésions douloureuses que vous avez subies aux<br />

membres inférieurs, ainsi que le précise le certificat médical ».<br />

AVIS<br />

Il est certain qu’au moment de son interpellation, le 11 août 2004 à 19h00, le<br />

pied droit de M. M.D. était intact, alors qu’à 23h45, il ne l’était plus.<br />

Ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, M. M.D. conteste avoir résisté à l’intervention<br />

des policiers, et impute les lésions qu’il a subies aux violences que ceux-ci<br />

auraient commises sur lui. Toutefois, compte tenu de l’état dans lequel il se<br />

trouvait au moment des faits, sa version ne peut pas être sérieusement prise<br />

en considération.<br />

Aucun manquement à la déontologie ne paraissant établi de la part des<br />

services de police, la Commission estime ne pas devoir donner suite à la<br />

saisine.<br />

Adopté le 9 octobre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis pour information à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de<br />

l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-6<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 13 janvier 2005,<br />

par M. Armand JUNG, député du Bas-Rhin.<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 13<br />

janvier 2005, par M. Armand JUNG, député du Bas-Rhin, des conditions<br />

dans lesquelles M. S.A., lycéen de 17 ans, a été interpellé le 23 décembre<br />

2004 par trois fonctionnaires de la BAC de jour de la circonscription de<br />

sécurité publique de Strasbourg, interpellation au cours de laquelle il aurait<br />

été frappé et blessé à l’oreille gauche (tympan perforé) et injurié.<br />

La Commission a procédé aux auditions du plaignant et son père, ainsi que<br />

des trois policiers mis en cause.<br />

La Commission a obtenu la communication de l’enquête diligentée, à la<br />

requête du parquet, par le Directeur départemental de la sécurité publique,<br />

sur la plainte du jeune S.A., pour violences ,menaces et insultes sur son fils<br />

mineur.<br />

Suite à cette enquête, M. le Procureur de la République a pris une décision<br />

de classement sans suite le 1 er juin 2005, au motif « que les diverses<br />

investigations entreprises n’ont pas permis de caractériser la ou les infractions<br />

dénoncées. »<br />

LES FAITS<br />

La déclaration du plaignant<br />

M. S.A. a déclaré à la Commission que le 23 décembre 2004, il avait rendezvous<br />

avec un copain à un arrêt de bus. Il s’y dirigeait, lorsqu’un policier<br />

en civil est venu vers lui et sans rien lui dire, l’a attrapé et mis au sol. Il<br />

70


71<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

affirme avoir été violemment giflé sur le visage au niveau de l’oreille, avoir<br />

été retourné et menotté dans le dos. Il a été menotté à une grille et mis sous<br />

la surveillance d’un collègue. Détaché de la grille, il a été à nouveau menotté<br />

dans le dos et frappé sur la tête. Celui qui le frappait lui intimait de « fermer<br />

sa gueule ».<br />

Installé à l’arrière de la voiture de police, il a été à nouveau insulté et pressé<br />

de donner des noms de personnes qui faisaient du trafic de shit dans le<br />

quartier. Il n’avait pas de carte d’identité nationale mais seulement une<br />

carte de transport. Munis de cet élément, les policiers ont demandé par<br />

radio s’il était fiché. La réponse étant négative, les policiers ont décidé de<br />

le reconduire chez lui, tout en continuant à l’insulter et à le gifler, et en le<br />

maintenant menotté dans le dos.<br />

Devant chez lui, un policier a sonné à l’interphone, puis est monté. Il a été<br />

sorti de la voiture menotté, sa mère étant au balcon, par le policier qui l’avait<br />

interpellé et qui l’avait menacé de « lui foutre la honte ». M. S.A. précise<br />

qu’en bas de l’immeuble, le policier lui a mis dans la poche de sa veste un<br />

morceau de plastique très fin, froissé, en lui disant : « Ramène ça chez toi ».<br />

Avant de rentrer chez lui, M. S.A. l’a jeté dans la rue.<br />

La sœur de M. S.A., informée de l’incident à son retour du travail, s’est<br />

rendue avec lui en direction du bureau de police de Neudorf à Strasbourg,<br />

pour déposer plainte.<br />

En cours de route, ils ont rencontré les policiers qui contrôlaient d’autres<br />

jeunes. La sœur de M. S.A. leur a demandé pourquoi ils avaient maltraité<br />

son frère. <strong>Le</strong> policier qui avait interpellé M. S.A. lui a répondu d’une part, que<br />

« c’était un simple contrôle d’identité », et d’autre part, comme elle persistait<br />

à le questionner, que « si ça ne vous plaît pas, vous n’avez qu’à retourner<br />

dans votre pays ».<br />

Comme il souffrait et n’entendait plus rien de l’oreille gauche, M. S.A. a<br />

consulté un médecin l’après-midi même, qui a constaté un hématome sur la<br />

pommette gauche et des éraflures sur les deux poignets. Quant à la douleur<br />

de l’oreille, le médecin a conseillé, en cas de persistance, de consulter<br />

un ORL. Conduit le soir aux urgences de l’hôpital de Hautepierre, il a été<br />

constaté que M. S.A. avait une perforation du tympan de l’oreille gauche.<br />

<strong>Le</strong> père de M. S.A. s’est rendu au commissariat central de Strasbourg, où on


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

a refusé de prendre sa plainte, lui conseillant d’écrire au procureur.<br />

Après avoir déposé plainte entre les mains du procureur de la République,<br />

M. S.A. a été interrogé le 17 février 2005 et a parfaitement reconnu les policiers<br />

qui étaient intervenus le 23 décembre 2004. Il a maintenu ses accusations.<br />

Lors de cette audition, il a précisé par ailleurs que le 15 février 2005, vers<br />

17h00, il était monté dans le bus et avait reconnu le policier qui l’avait<br />

interpellé. Il a oblitéré sa carte et s’est installé au fond du bus. <strong>Le</strong> policier, qui<br />

était accompagné d’un collègue, est venu opérer à son encontre un contrôle<br />

d’identité et une palpation. <strong>Le</strong> policier lui a demandé s’il le reconnaissait et lui<br />

aurait dit : « Tu as déposé plainte, on se verra devant le juge ».<br />

<strong>Le</strong>s déclarations des policiers<br />

<strong>Le</strong> brigadier-chef D.E. a déclaré à la Commission que le 23 décembre 2004,<br />

il était responsable de la BAC de jour avec deux collègues MM. A.Co. et<br />

A.Ch., et qu’il était le chef de bord.<br />

Entre 15h00 et 16h00, ils ont été informés qu’un policier en vacances, un<br />

pied dans le plâtre, aurait constaté que trois jeunes avaient récupéré un pain<br />

de résine de cannabis à proximité d’un commerce de tabac, où il avait donné<br />

rendez-vous à un ami.<br />

<strong>Le</strong>s trois policiers se sont rendus sur les lieux et ont rencontré l’informateur,<br />

qui leur a donné le signalement des trois jeunes et indiqué la direction prise<br />

par eux. Ils ont décidé d’exécuter un premier tour en voiture, en vain, et sont<br />

revenus à leur point de départ. MM. A.Co. et D.E. ont décidé de faire des<br />

recherches à pied, M. A.Co. étant « le seul à porter le blouson avec le rabat<br />

« Police » apparent ».<br />

Dans la cour d’un immeuble situé à proximité, MM. A.Co. et D.E. se sont<br />

trouvés face à trois jeunes qui correspondaient aux signalements donnés.<br />

L’un d’eux s’est sauvé en courant, en rebroussant chemin, immédiatement<br />

poursuivi par M. D.E. en vain. Un autre s’est sauvé sur la gauche et n’a pas<br />

été rattrapé. <strong>Le</strong> dernier, qui était M. S.A., est venu vers M. A.Co.<br />

Devant la Commission, M. A.Co. a précisé que M. S.A. avait un rouleau de<br />

cellophane alimentaire à la main et que, selon lui, « il venait vers lui pour<br />

l’empêcher de poursuivre son ami ». Cependant, il reconnaît que M. S.A. n’a<br />

pas eu de geste d’agression directe à son égard, mais qu’il avait le rouleau<br />

de cellophane à la main. Or, lors de l’enquête, il avait déclaré à ce sujet :<br />

« Je dois dire que lors de son interpellation, le jeune homme a sorti de la<br />

poche avant de son blouson un rouleau de papier cellophane, il a essayé<br />

72


73<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

de s’en débarrasser, le rouleau est tombé à terre et je l’ai ramassé ». M. A.<br />

Co. avait même précisé que le plus grand, M. S.A., avait tenté de s’enfuir,<br />

et qu’il « avait réussi à le saisir par le coude de son blouson, après qu’il ait<br />

essayé de lui donner un coup d’épaule pour pouvoir s’enfuir. [Il a] alors utilisé<br />

la coercition strictement nécessaire pour le maîtriser ».<br />

M. A.Co. a précisé qu’il avait porté un atemi (coup porté avec une partie du<br />

corps sur un point sensible 1 ) de diversion à hauteur du menton côté gauche.<br />

M. S.A. a été « accompagné au sol » et menotté dans le dos.<br />

M. A.Co., voulant aider son collègue parti à la poursuite du premier jeune,<br />

a menotté M. S.A. à une grille et l’a laissé à la surveillance de l’informateur<br />

handicapé, fonctionnaire de police en vacances.<br />

N’ayant pas trouvé son collègue, M. A.Co. est revenu chercher M. S.A. pour<br />

le conduire à la voiture, après avoir effectué sur lui « une palpation correcte »,<br />

a-t-il déclaré. L’informateur a d’ailleurs confirmé que M. S.A. avait bien été<br />

palpé, ajoutant : « Je suis encore formel en disant qu’il a découvert sur lui<br />

un rouleau de papier film, hors de son emballage d’origine. Interpellé sur ce<br />

rouleau, le jeune a dit qu’il était cuisinier ».<br />

Il y a donc contradiction entre le policier informateur et M. A.Co., qui, lors de<br />

l’enquête de police, a affirmé : « Je suis catégorique en disant que lors de<br />

son interpellation, S.A. s’est débarrassé d’un rouleau de papier film, je l’ai<br />

ramassé et lui ai remis dans sa poche lorsque je l’ai démenotté pour qu’il<br />

rentre chez lui ».<br />

Après cette palpation, M. S.A. a été conduit à la voiture, les policiers lui ont<br />

demandé son identité, et comme il n’avait que sa carte de transport, le chef de<br />

bord a fait une recherche par radio : « Il était inconnu des services de police.<br />

Il a été décidé de le ramener chez lui pour vérifier ses dires concernant son<br />

identité et son adresse ».<br />

Tous les policiers concernés contestent avoir donné des gifles (sauf l’atemi),<br />

ou tenu des propos injurieux ou racistes à l’encontre de qui que ce soit.<br />

M. A.Co. précise même que M. S.A. « était souriant », et que les policiers<br />

ont décidé de lui rendre son rouleau de cellophane (soupçonné de servir au<br />

conditionnement du shit), « pour ne pas le lui voler ».<br />

De plus, lors de l’enquête, M. A.Co. a précisé : « D.E. a fait les vérifications<br />

fichier pour le jeune, qui nous a dit s’appeler S.A. <strong>Le</strong>s vérifications étant<br />

négatives, l’intéressé étant mineur, et vu que nous n’avions aucun élément à<br />

son encontre, en accord avec le CIC, nous avons décidé de le ramener à son


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

domicile ». Cette décision est confirmée par M. A.Co. : « <strong>Le</strong> brigadier-chef a<br />

rendu compte au CIC et avec son accord, nous avons décidé de reconduire<br />

le jeune jusqu’à son domicile, étant donné qu’il était encore mineur ».<br />

M. le Procureur de la République indique d’ailleurs, dans un courrier du 17<br />

février 2005 à la Commission que « les policiers n’ont dressé aucun procèsverbal<br />

de leur intervention », qu’« ils n’ont eu aucune infraction caractérisée<br />

à lui imputer, qu’ils l’ont dès lors reconduit à son domicile et remis à sa<br />

mère ».<br />

En ce qui concerne le contrôle d’identité de M. S.A. le 15 février 2005, le<br />

policier A.Co. ne le conteste pas et déclare : « J’ai rencontré S.A. dans un<br />

bus où j’étais en sécurisation. Lorsqu’il m’a vu, il a hésité à monter dans le<br />

bus, mais comme ce dernier allait fermer ses portes pour démarrer, il est<br />

passé devant moi en détournant le visage. Son attitude m’a laissé présumer<br />

qu’il voulait se soustraire à ma vue, et j’ai décidé de le contrôler. Je suis allé<br />

auprès de lui et je lui ai demandé une pièce d’identité, mais je ne sais plus s’il<br />

en avait une sur lui. J’ai passé son nom au fichier. J’ai fait une palpation, qui<br />

s’est avérée négative Je lui ai effectivement demandé s’il me reconnaissait,<br />

et il m’a répondu par l’affirmative ».<br />

AVIS<br />

La plainte déposée par le père de M. S.A. ayant été classée sans suite,<br />

il n’apparaît pas que son fils devenu majeur ait déposé une plainte avec<br />

constitution de partie civile : la Commission en prend acte.<br />

La Commission constate les divergences sur les faits entre le plaignant et les<br />

policiers, tant en ce qui concerne les coups que les insultes. Il est constant<br />

cependant que le jeune S.A. a reçu un coup au visage, qualifié d’atemi,<br />

mais qui reste un coup ; et ce, alors que le policier qui l’a donné a reconnu<br />

expressément que M. S.A. n’avait pas eu de geste d’agression envers lui,<br />

prétendant simplement que celui-ci avait un rouleau de cellophane à la<br />

main, alors qu’il a soutenu que M. S.A. s’en était débarrassé, tandis que son<br />

collègue affirme qu’il a été trouvé à la palpation. Ce qui prouve en tout état de<br />

cause que ce rouleau de cellophane ne pouvait être un risque pour le policier<br />

interpellateur, et que l’atemi n’était pas indispensable à l’interpellation de<br />

M. S.A., alors qu’il comportait, comme tout coup, un risque de blessure. Par<br />

74


75<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

ailleurs, M. S.A. nie avoir été porteur de ce rouleau de cellophane.<br />

La Commission estime que le jeune S.A. a été victime d’une violence<br />

injustifiée ayant occasionné un préjudice corporel (tympan crevé), dont les<br />

séquelles définitives restent à apprécier.<br />

La Commission constate également qu’après avoir admis que M. S.A.<br />

justifiait de son identité par la production de sa carte de transport et avoir<br />

vérifié qu’il ne faisait pas l’objet de recherches, les policiers, bien qu’ayant<br />

estimé qu’aucune infraction caractérisée ne pouvait lui être imputée, ont<br />

néanmoins maintenu M. S.A. menotté dans le dos, alors qu’ils auraient dû<br />

soit lui rendre sa liberté (mineur de 17 ans en classe de 1 ère ), soit le ramener<br />

non menotté à son domicile.<br />

En revanche, la Commission constate que, si comme l’a affirmé un policier,<br />

M. S.A. a été ramené à son domicile menotté pour vérifier son nom et son<br />

adresse, les dispositions de l’article 78-3 du Code de procédure pénale n’ont<br />

pas été respectées, s’agissant d’un mineur, notamment en ce qui concerne<br />

l’information immédiate du procureur.<br />

Enfin, la Commission estime que le contrôle d’identité du 15 février 2005<br />

vers 17h00 par le policier A.Co. en service de sécurisation dans un bus a été<br />

effectué en violation de l’article 78-2.<br />

La présomption de vouloir se soustraire à la vue d’un policier, à supposer<br />

qu’elle soit établie, ne pouvait caractériser une menace à l’ordre public,<br />

justifiant un contrôle d’identité, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation,<br />

2 ème chambre civile, le 4 mars 1999, à propos d’un individu ayant tenté<br />

de descendre d’un autobus à la vue des policiers effectuant une mission<br />

de sécurisation sur une ligne d’autobus, aucune des autres conditions de<br />

contrôle de l’article 78-2 ne pouvant être invoquée.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission rappelle :<br />

- que les gestes techniques d’intervention ne doivent être employés que s’ils<br />

sont strictement nécessaires. En l’espèce l’atemi dit « de dissuasion » sur<br />

M. S.A., qui n’avait manifesté aucune agressivité, constitue une violence<br />

illégitime.<br />

- que les contrôles d’identité doivent se faire dans le respect des dispositions<br />

des articles 78-2 et 78-3 du Code de procédure pénale.<br />

- que, dès l’instant où aucune charge n’est retenue contre M. S.A. et qu’il<br />

ne présentait aucun danger pour lui-même et les autres, le menottage était<br />

prohibé.<br />

Dans ces conditions, au vu des éléments qu’elle a recueillis, la Commission<br />

transmet le présent dossier à M. le Ministre de l’Intérieur et au procureur de<br />

la République de Strasbourg pour suite à donner en ce qui les concerne.<br />

76<br />

Adopté le 13 mars 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :<br />

Conformément à l’article 8 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

cet avis au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de<br />

Strasbourg.


77<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

78


79<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-11<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 11 janvier 2005,<br />

par M. Jean MARSAUDON, député de l’Essonne<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 11 janvier<br />

2005, par M. Jean MARSAUDON, député de l’Essonne, de la réclamation de<br />

M. K.B., concernant plusieurs incidents mettant en cause des fonctionnaires<br />

de police intervenus dans le cadre de la procédure qui l’oppose à son exépouse,<br />

Mme F.B., pour la garde de leurs enfants.<br />

Elle a procédé aux auditions de M. K.B. et de deux fonctionnaires de police,<br />

Mme N.E.O., gardien de la paix, et Mme C.B., sous-brigadier.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 14 janvier 2004, à 8h00 du matin, M. K.B. se dispute avec son épouse au<br />

domicile conjugal. À la suite de cette altercation, celle-ci se retrouve à terre et<br />

appelle la police. Trois fonctionnaires interviennent, ainsi que les pompiers.<br />

Mme F.B. était allongée au sol, déclarant que son mari l’avait violemment<br />

poussée ; elle est prise en charge par les pompiers.<br />

Pendant ce temps, M. K.B., qui devait accompagner ses enfants au centre<br />

de loisirs, se voit intimer l’ordre de rester à la maison avec les enfants et les<br />

policiers en attendant qu’un diagnostic soit établi par les pompiers et que<br />

sa femme soit conduite à l’hôpital. Celle-ci revient au domicile à 11h00 avec<br />

une ITT de trois jours. Elle dépose plainte dans l’après-midi, et M. K.B. est<br />

convoqué devant le délégué du procureur pour un rappel à la loi.<br />

Il conserve l’impression d’avoir été irrespectueusement traité par la police<br />

dans cette affaire, notamment par un gardien de la paix, Mme N.E.O., qui lui<br />

ordonnait de rester assis sur le canapé, de se taire et de ne pas broncher,<br />

80


81<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

alors que la porte du domicile était restée ouverte pour surveiller le véhicule,<br />

au mois de janvier. Ayant écrit au commissaire de Sainte-Geneviève-des-<br />

Bois pour s’en plaindre, il reçut le 22 janvier une réponse téléphonique du<br />

commissaire M.<br />

Depuis le 23 août 2004, M. K.B. a quitté le domicile commun, suite à une<br />

séparation d’avec son épouse et à une ordonnance de non-conciliation du<br />

18 mai 2004. Père de trois enfants âgés respectivement de 14 ans, 9 ans,<br />

et 6 ans, il bénéficie d’un droit de visite et d’hébergement de ses enfants<br />

les premiers, troisièmes et cinquièmes week-ends du mois, ainsi que le<br />

deuxième mercredi de chaque mois.<br />

<strong>Le</strong> 27 octobre, il devait héberger ses trois enfants pendant les vacances<br />

de Toussaint et constate que l’aîné ne lui avait pas été présenté, sans<br />

explication. Quand il se rend le soir à 19h00 au commissariat de Sainte-<br />

Geneviève-des-Bois, on lui explique que son épouse étant passée le jour<br />

même faire une déclaration de main-courante, cela ne permettait pas de<br />

prendre sa plainte, car elle serait classée sans suite. Deux fonctionnaires<br />

lui ont ensuite demandé avec fermeté de quitter les lieux, sans qu’on lui ait<br />

précisé les termes allégués dans la main-courante, ni que la personne qui<br />

l’a reçu ait voulu prendre connaissance de l’ordonnance de non-conciliation.<br />

Sa plainte n’a été prise que le lendemain, après qu’il a appelé l’IGPN qui<br />

a contacté le commissaire de Sainte-Geneviève-des-Bois, mais il déclare<br />

n’avoir jamais connu les suites réservées à cette affaire.<br />

Pendant les vacances de Noël 2004, alors qu’il hébergeait ses trois enfants<br />

et que, le 30 décembre, il faisait des courses avec les deux plus jeunes, son<br />

fils aîné disparaissait de la maison. Certain de le retrouver chez sa mère,<br />

M. K.B. se voit dire par celle-ci qu’elle ne le ramènerait pas à son domicile.<br />

Au commissariat de Juvisy-sur-Orge, l’OPJ refuse de prendre sa plainte,<br />

considérant que l’infraction n’était pas constituée, alors que son épouse<br />

avait fait au commissariat de Sainte-Geneviève-des-Bois une déclaration de<br />

main-courante.<br />

<strong>Le</strong> 1 er juillet 2005, alors qu’il avait déposé de nouvelles plaintes pour nonprésentation<br />

d’enfants au commissariat de Sainte-Geneviève-des-Bois, il<br />

apprend qu’une personne qu’il connaissait peu mais qui fréquentait la même<br />

chorale que lui, Mme M.B., avait déclaré au sous-brigadier C.B. qu’il était<br />

présent pour la représentation donnée par la chorale à la cathédrale d’Évry


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

le 17 juin de 19h00 à 23h00, ce qu’une autre personne, Mme R., pourrait<br />

confirmer ; elle l’a fait au commissariat, mais sans en préciser l’heure. C’est<br />

dans cette plage horaire qu’il devait récupérer son fils aîné à la sortie du<br />

stade, sans toutefois que l’horaire figure dans le procès-verbal de plainte.<br />

M. K.B. a eu le sentiment qu’une pression avait été exercée sur les témoins<br />

et a téléphoné au commandant D.V., qui lui a annoncé une réponse écrite<br />

qu’il n’a pas reçue, malgré une relance écrite. Il a déposé plainte auprès du<br />

procureur de la République d’Évry pour ces faits.<br />

AVIS<br />

<strong>Le</strong> divorce entre les époux est particulièrement conflictuel, notamment en ce<br />

qui concerne le droit de visite du fils aîné du couple.<br />

M K.B., professeur des écoles, garde de ces différentes affaires l’impression<br />

que la police donne systématiquement raison à sa femme et tire argument<br />

de ses origines maghrébines pour le soupçonner de mauvais traitements<br />

infligés à celle-ci et de comportements violents à l’égard de son fils aîné.<br />

Compte tenu de ses multiples interventions aux commissariats de Sainte-<br />

Geneviève-des-Bois et de Juvisy-sur-Orge, il est connu des services de<br />

police. Entre le 28 octobre 2004 et le 4 novembre 2005, dix-sept plaintes ont<br />

été déposées, outre deux plaintes adressées directement au parquet. Des<br />

procédures ont été établies.<br />

<strong>Le</strong> 14 janvier 2004, c’est à tort que Mme N.E.O, gardien de la paix, lui a<br />

intimé l’ordre de rester à son domicile car il était libre de ses mouvements,<br />

aucune procédure n’étant en cours, ni aucune plainte déposée ce matin-là.<br />

Il est également surprenant que, le 30 décembre 2004, sa plainte n’ait pas<br />

pu être enregistrée au motif, selon le commandant A., que « cela gonflait les<br />

statistiques ».<br />

82


RECOMMANDATIONS<br />

83<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Face à un litige familial aigu, la Commission recommande que soient<br />

strictement respectées les règles procédurales lorsqu’il s’agit d’enregistrer<br />

des plaintes et de respecter la liberté d’aller et venir des personnes.<br />

Adopté le 12 juin 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

84


85<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

86


Saisine n°2005-17<br />

87<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 17 février 2005,<br />

par M. Michel TERROT, député du Rhône<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 17<br />

février 2005, par M. Michel TERROT, député du Rhône, des circonstances<br />

dans lesquelles M. D.O. a été interpellé par des fonctionnaires de polic,e<br />

alors qu’il circulait au volant de sa voiture.<br />

La Commission a pris connaissance du dossier pénal, notamment du jugement<br />

rendu par le tribunal correctionnel de Lyon le 10 octobre 2005.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 1 er janvier 2005, vers 22h00, M. D.O. circulait au volant de sa voiture<br />

Skoda, en compagnie de son épouse, rue Francisque Jomard à Oullins.<br />

En France depuis le 30 octobre 2004, M. D.O. était titulaire au moment des<br />

faits d’un permis de conduire ukrainien.<br />

Une patrouille de police, composée de deux gardiens de la paix, à bord<br />

d’un véhicule sérigraphié, a constaté que la voiture circulait à vive allure, en<br />

franchissant « à plusieurs reprises la ligne médiane et circulant sur la voie en<br />

sens inverse », et s’immobilisait sur un passage piéton. <strong>Le</strong>s fonctionnaires<br />

de police se sont portés à sa hauteur et ont constaté que le conducteur<br />

« présentait tous les signes de l’ivresse ».<br />

<strong>Le</strong> véhicule ayant repris sa route, les fonctionnaires de police, constatant<br />

que le conducteur continuait de passer d’une voie à l’autre, décident de<br />

l’interpeller et mettent en action leurs avertisseurs lumineux et sonores.<br />

Après avoir bloqué le véhicule, le conducteur, M. D.O., a refusé de descendre.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Sorti de force de son véhicule, il a tenté de frapper l’un des policiers ; il<br />

leur donnera également des coups de pied au moment de monter dans le<br />

véhicule de police.<br />

Dans sa lettre de saisine, M. D.O. prétend avoir été frappé au visage.<br />

M. D.O. a été placé en garde à vue à partir de 22h30 et n’a pas désiré faire<br />

l’objet d’un examen médical. Il a néanmoins été examiné le 2 janvier à 6h00<br />

du matin par le Dr F.D., qui a constaté une contusion bénigne de la pommette<br />

gauche (diamètre 3 cm), et a estimé d’une part à zéro jour l’incapacité totale<br />

de travail, et d’autre part que l’état de santé de M. D.O. était compatible avec<br />

le maintien de la garde à vue.<br />

M. D.O. a refusé la mesure de son taux d’alcoolémie proposée par éthylomètre<br />

ou par prélèvement sanguin.<br />

Il ressort du dossier qu’à la suite de ces faits, M. D.O. a fait l’objet d’une<br />

suspension de son permis de conduire par arrêté préfectoral du 3 janvier<br />

2005.<br />

M. D.O. a été poursuivi devant le tribunal correctionnel de Lyon pour les<br />

faits du 1 er janvier 2005, ainsi que pour des faits du 12 mai 2005 dont la<br />

Commission n’est pas saisie.<br />

Il était prévenu de :<br />

- refus de se soumettre aux vérifications tendant à établir l’état alcoolique<br />

(faits du 1 er janvier 2005).<br />

- rébellion (faits du 1 er janvier 2005).<br />

- conduite d’un véhicule sans permis (faits du 1 er janvier 2005).<br />

- conduite d’un véhicule à moteur malgré une suspension administrative du<br />

permis de conduire (faits du 12 mai 2005).<br />

- inobservation de l’arrêt imposé par un feu rouge (faits du 12 mai 2005).<br />

Par jugement en date du 10 octobre 2005, le tribunal correctionnel de Lyon a :<br />

- relaxé M. D.O. pour conduite sans permis.<br />

- condamné M. D.O. à quatre mois de prison avec sursis pour refus de<br />

vérification tendant à établir l’état alcoolique, rébellion (faits du 1 er janvier<br />

2005), conduite malgré une suspension administrative de permis (faits du<br />

12 mai 2005).<br />

- condamné M. D.O. à une amende de 100 € pour inobservation de l’arrêt<br />

imposé par un feu (faits du 12 mai 2005).<br />

Cette décision est définitive.<br />

88


AVIS<br />

89<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

M. D.O., pour les faits du 1 er janvier 2005, a fait l’objet d’une décision judiciaire<br />

qui s’impose à la Commission. Il résulte par ailleurs du dossier pénal que<br />

dès sa mise en garde à vue M. D.O. a bénéficié des droits mentionnés<br />

aux articles 63-1 et 63-4 du Code de procédure pénale, notamment de la<br />

possibilité de se faire examiner par un médecin, ce qu’il a refusé.<br />

Il ne ressort pas par ailleurs du dossier examiné la preuve que M. D.O. ait<br />

été victime de violences illégitimes.<br />

Ainsi aucune faute déontologique ne peut être reprochée aux fonctionnaires<br />

de police concernés.<br />

Adopté le 18 septembre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis pour information à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de<br />

l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-18<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 22 février 2005,<br />

par M. Arnaud MONTEBOURG, député de la Saône-et-Loire<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 22<br />

février 2005, par M. Arnaud MONTEBOURG, député de la Saône-et-Loire,<br />

des conditions d’interpellation de M. M.A. le 7 août 2004 à la fête du lac<br />

d’Annecy, et de sa mise en garde à vue.<br />

M. M.A. a porté plainte pour violences illégitimes et propos racistes. Une<br />

procédure de rébellion a été engagée contre M. M.A. et son ami M. M.L., qui<br />

avait aussi été interpellé.<br />

La Commission a examiné les pièces de la procédure. Elle a entendu M. M.A.<br />

Elle a procédé aux auditions de MM. J-P.N. de la CRS 46, de M.V. et de L.F.P.,<br />

fonctionnaires de police au commissariat d’Annecy.<br />

<strong>Le</strong> 4 juillet 2006, le fonctionnaire de la CRS a été reconnu coupable de violences<br />

volontaires sur M. M.A., et condamné à lui verser solidairement avec M. M.V.<br />

700 € de dommages et intérêts et 500 €s au titre de l’article 475-1 du Code de<br />

procédure pénale. M. M.A. a été condamné pour sa part, du chef de rébellion,<br />

à une peine d’amende de 500 € et à 200 € de dommages et intérêts, « sous<br />

réserve de l’exactitude des informations communiquées oralement ». M. M.L.<br />

a été relaxé. M. M.A. a fait appel le 12 juillet 2006.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 7 août 2004 vers 19h00-19h30, M. M.A., de passage à Annecy pour<br />

assister à la fête du Lac, attendait avec son épouse et sa fille âgée de six<br />

mois, munis de leurs billets, à l’entrée de la fête. Un ami, M. M.L., et son<br />

90


91<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

épouse enceinte les accompagnaient. Une foule importante était présente,<br />

prise en charge par des agents d’accueil et des agents de surveillance. Des<br />

fonctionnaires d’une CRS se tenaient à quelques mètres, requis en mission<br />

de service d’ordre.<br />

L’OPJ sur place demandait alors au chef de section de la CRS de mettre un<br />

cordon devant la foule, matérialisé par des barrières, les agents d’accueil<br />

semblant débordés. M. J-P.N., fonctionnaire de la CRS, se plaçait alors<br />

avec ses collègues devant la foule et demandait aux personnes de reculer.<br />

Constatant que « personne ne voulait reculer malgré les injonctions » selon<br />

lui, M. J-P.N. expose qu’ils avaient décidé d’être « un peu plus fermes ». Une<br />

personne qui se trouvait au deuxième rang, identifié par lui plus tard comme<br />

étant M. M.A., s’écriait : « On n’est pas des bœufs », puis : « Sale bleu ! Sale<br />

facho ! », selon M. J-P.N.<br />

Selon M. M.A., qui précisait que son épouse avec son bébé et la femme<br />

enceinte de M. M.L. avaient été autorisés par les agents d’accueil à se tenir<br />

hors de la foule, il était difficile aux personnes de reculer rapidement. Il relate<br />

que les CRS se sont précipités sur eux, les ont repoussé brutalement, et que<br />

des personnes avaient effectivement protesté en disant : « On n’est pas des<br />

bœufs ! », et « Il y a des femmes et des enfants ! ». Lui-même n’avait pas eu<br />

le temps de dire quoi que ce soit. Un CRS avait passé son bras entre deux<br />

personnes pour le saisir par le col de son polo – qui s’était déchiré –, et lui<br />

avait dit : « Viens-là, je vais t’apprendre à me respecter ! ».<br />

Des agents d’accueil et de sécurité avaient essayé de calmer les CRS. Son<br />

ami M. M.L. demandait des explications aux policiers sur leur attitude et se<br />

retrouvait, à son tour, saisi par le même fonctionnaire de la CRS, M. J-P.N.<br />

C’est alors qu’un policier surgissait (M. M.V.) et le sortait de la foule. « J’ai fait<br />

quelques pas, et je me suis écroulé au sol dans le caniveau, il y avait sur moi<br />

une mêlée ». Des agents d’accueil et de sécurité ont essayé de s’interposer<br />

à nouveau et ont reçu une part des coups de matraque donnés à M. M.A.<br />

Selon M. M.A., ayant été conduit à l’écart par M. M.V. vers une barrière,<br />

celui-ci lui donnait alors un coup de poing dans le nez en disant : « Ici c’est<br />

les gaulois qui commandent et pas les sales macaques, retourne de l’autre<br />

côté de la Méditerranée ». L’ayant relevé, il ajoutait : « On va te chauffer sale<br />

bougnoul ! ».<br />

M. M.A. a été ensuite placé avec brutalité à l’arrière d’un véhicule (coup de<br />

coude, torsions des menottes sur ses poignets). Il précisait avoir été installé


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

côté portière droite, ce qui est confirmé par les policiers, que M. M.V. s’était<br />

assis à côté du chauffeur – M. J-P.N. –, et un policier féminin était assis à<br />

l’arrière avec lui. Comme il protestait, M. J-P.N. écartait sa collègue pour<br />

lui donner un coup de poing au visage. Saignant du nez, M. M.A. dit avoir<br />

demandé en vain de l’aide aux deux autres policiers présents : le chauffeur<br />

détournait le regard dans le rétroviseur et la femme policier lui répondait :<br />

« Va pisser ton sang ailleurs, sale dégueulasse ! ». M. M.V. se retournant lui<br />

donnait encore « des calottes » pour qu’il se tienne « tranquille ».<br />

Au commissariat, M. M.A. relate avoir été placé menotté dans un local<br />

situé dans l’entrée du poste. Quelques minutes après, MM. J-P.N. et M.V.<br />

pénétraient dans le local, en partie vitré, et le maltraitaient alors qu’il s’était<br />

recroquevillé sur un banc en béton, l’un s’appuyant sur son torse avec ses<br />

genoux. Il recevait des coups, tandis que lui étaient posées des questions<br />

sans en attendre les réponses. M. M.V., « particulièrement virulent », lui<br />

disait : « Ils sont où tes copains maintenant ? T‘es plus dans ta cité ! ». Ils<br />

ressortaient, puis revenaient cinq minutes après, le questionnant sur sa<br />

profession, son employeur. M. M.A. avait répondu qu’il était enseignant, « ce<br />

qui les avait fait rire » car ils ne l’ont pas cru. La porte étant ouverte, M. M.A.<br />

apercevait son ami M. M.L. accroupi, menotté à la rampe d’un escalier. <strong>Le</strong>s<br />

deux policiers l’avaient démenotté.<br />

Un OPJ se présentait plus tard et lui disait : « C’est grave, un policier a été<br />

blessé ». M. M.A. lui répondait qu’il n’y était pour rien, et demandait, en vain,<br />

à voir un médecin. Il avait été placé après une fouille dans une cellule de<br />

garde à vue. Entendu par l’OPJ vers 21h00-21h30, l’OPJ l’informait que son<br />

épouse et celle de son ami étaient présentes. M. M.A. se plaignait auprès de<br />

l’OPJ du traitement qu’il avait subi .Selon M. M.A., ce dernier essayait alors<br />

d’orienter le PV, en lui disant : « Vous voulez rester là ? ».<br />

M. M.A. a été remis en liberté vers 21h30, sur demande du parquet, avec<br />

convocation à comparaître devant le tribunal de grande instance d’Annecy<br />

pour des faits d’outrage et de rébellion.<br />

M. M.A. s’est rendu à l’hôpital, où étaient notamment constatées une plaie<br />

superficielle de 2 cm en regard de D5, contusion nasale et mandibulaire<br />

gauche, des dermabrasions multiples du thorax, des poignets. L’ITT a été<br />

fixée à 1 jour. Il constatait le lendemain qu’il avait une dent cassée.<br />

92


93<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

M. M.A. a déclaré, lors de son audition de police, avoir traité M. J-P.N. de<br />

« fasciste » après avoir été maltraité lors de son interpellation, et non lorsqu’il<br />

était dans la file d’attente des spectateurs.<br />

M. M.A. a porté plainte pour violences et propos racistes, après deux refus<br />

de dépôt de plainte successifs à Annecy et à Mâcon.<br />

<strong>Le</strong> policier de la CRS, M. J-P.N., motive son intervention par les propos<br />

suivants, tenus selon lui par M. M.A. et son ami M. M.L. : « On n’est pas des<br />

bœufs ! Sale bleu, sale facho ! », au moment où il repoussait la foule avec<br />

ses collègues. Il relate qu’ayant alors extrait de la foule M. M.L., l’ami de ce<br />

dernier, M. M.A., lui avait donné des coups dans le dos. Il s’était retrouvé<br />

au sol et ses collègues de la CRS et des policiers, dont M. M.V., avaient<br />

interpellé MM. M.A. et M.L. Ayant été blessé, il était monté dans le véhicule<br />

de police qui avait pris en charge M. M.A., afin que l’OPJ l’adresse à l’hôpital.<br />

Il confirme que M. M.A. était assis contre la portière menotté, et que luimême<br />

était aussi à l’arrière avec une collègue policier. Il dément que des<br />

coups ont été donnés à M. M.A. dans le véhicule. Selon lui, M. M.A. les a<br />

insultés, mais il ne souvient pas de ses propos : « Il crachait son sang dans<br />

la voiture », a-t-il exposé. Il dément s’être rendu à deux reprises auprès de<br />

M. M.A. dans le local où il avait été placé.<br />

M. M.V. expose, lui, qu’il était en patrouille avec une collègue, ayant fonction<br />

de chef de bord, et un adjoint de sécurité, lorsqu’il avait entendu un appel<br />

leur demandant de se rendre sur place, « en appui du service d’ordre mis en<br />

place pour la fête du Lac, assuré en partie par des CRS ».<br />

Sur les lieux rapidement, il apercevait un individu qui donnait des coups de<br />

pied à un collègue CRS à terre. Il avait porté assistance à un fonctionnaire<br />

de la CRS pour l’interpellation de M. M.A. Celui-ci avait été mis au sol et<br />

menotté. Il confirme la présence dans le véhicule à l’arrière du CRS J-P.N. et<br />

de sa collègue, chef de bord, mais dément avoir été assis à côté du chauffeur<br />

comme l’indique M. M.A. Il était au volant et l’adjoint de sécurité était à ses<br />

côtés devant. Il dément avoir tenu des propos racistes à l’encontre de M. M.<br />

A., et n’en a pas entendu proférer par son collègue J-P.N. Il n’a pas donné de<br />

coups à M. M.A. et M. J-P.N. ne lui a pas donné non plus de coup de poing. Il<br />

n‘a pas entendu de propos de Mme V., sa collègue, tels que ceux dénoncés<br />

par M. M.A. : « Va pisser ton sang ailleurs, sale dégueulasse ! ».<br />

Il confirme que peu de policiers étaient présents au poste à leur arrivée : il<br />

se souvient de la présence de M. L.F.P., chef de poste, et de son adjointe<br />

Mme L. Il conteste être retourné dans le local parler à M. M.A. Ce n’est pas


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

lui qui a demandé son identité et sa profession à M. M.A. Il n’a pas porté de<br />

coup ni tenu de propos agressifs ou racistes à l’encontre de M. M.A. dans le<br />

commissariat.<br />

M. M.V. a tenu à déclarer à la Commission qu’il n’est pas raciste, et il a<br />

précisé qu’il n’avait pas accepté pendant le jugement qui l’a condamné que<br />

le fait d’avoir été traité de « facho » soit minimisé, « compte tenu de toute la<br />

symbolique que représente ce terme ». Il estime qu’il « s’est retrouvé seul<br />

dans cette affaire, alors que si tout le monde avait fait correctement son<br />

travail, que MM. M.A. et M.L. avaient été placés en garde à vue et leurs<br />

droits notifiés, cette affaire aurait été jugée sur le fond plus rapidement ».<br />

M. L.F.P. avait qualité de chef de poste de 13h00 à 21h38 le 7 août 2004 au<br />

commissariat. Il explique qu’étant très occupé par la fête du Lac qui amène<br />

des dizaines de milliers de personnes sur la ville, et précisant cependant<br />

qu’« il y avait une fréquence spéciale pour la fête », il gérait, ce soir-là, les<br />

affaires courantes de police secours.<br />

Il confirme que M. M.A. a été placé dans le local situé à l’entrée du poste<br />

appelé « vigie mineur » ou « local de rétention », sur lequel le chef de poste<br />

a une visibilité partielle, grâce à une partie vitrée. Mais il n’avait pas de<br />

visibilité ce soir -à sur l’intérieur de la vigie, car « il y a un tableau d’affichage<br />

amovible qui obstrue en partie la vision ». Il expose que c’est son adjointe<br />

qui avait la surveillance des cellules, de la fouille de sécurité et du local de<br />

rétention. Considérant que ce sont les policiers interpellateurs qui font la<br />

demande d’identité, il suppose donc que c’est M. M.V. qui a vérifié auprès de<br />

M. M.A. son identité et sa qualité. Il estime « possible » que le collègue de la<br />

CRS, M. J-P.N. ait pu voir M M.A. au poste et ait pu prendre son identité. <strong>Le</strong><br />

chef de poste « suppose » que l’OPJ a entendu M. M.A. Lui a fait l’audition<br />

de M. M.V. sur l’interpellation de M. M.A. Il se souvient d’avoir entendu du<br />

bruit à un moment, des éclats de voix à l’arrivée de l‘équipage avec M. M.<br />

A., mais : « A aucun moment [il] n’a vu les agents interpellateurs ou d’autres<br />

agents porter des coups à M.A. »<br />

AVIS<br />

La Commission prend acte que les deux fonctionnaires de police, MM. J-P.N.<br />

et M.V. ont été condamnés pour violences à l’encontre de M. M.A.<br />

<strong>Le</strong> 29 novembre 2004, le tribunal correctionnel a mis fin aux poursuites<br />

94


95<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

exercées à l’encontre de M. M.A. et de son ami M. M.L., en constatant la<br />

nullité des procès-verbaux. Il a renvoyé, sur citation directe délivrée à M. J-<br />

P.N. et à M. M.V., pour consignation, à l’audience du 28 février 2005. A cette<br />

date, le Tribunal a constaté que M. J-P.N. n’avait pas consigné, et il a déclaré<br />

irrecevable sa constitution de partie civile.<br />

En ce qui concerne la citation directe délivrée par M. M.V. à MM. M.A. et M.L.,<br />

le tribunal a fixé à 500 euros la consignation et a renvoyé l’affaire au 9 mai<br />

2006. A cette date, le tribunal a fixé à nouveau à 500 euros la consignation à<br />

verser par M. J-P.N. et renvoyé l’affaire au 12 juin 2006. <strong>Le</strong> tribunal a rendu<br />

son jugement le 4 juillet 2006, condamnant M. M.A. à 500 euros d’amende<br />

pour outrage. M. M.L. a été relaxé. <strong>Le</strong>s deux policiers ont été reconnus<br />

coupables de violences volontaires, condamnés à lui verser solidairement<br />

700 euros de dommages et intérêts et 500 euros au titre de l’article 475-1 du<br />

Code de procédure pénale.<br />

Sur l’interpellation de M. M.A., la Commission s’étonne de la gestion de cette<br />

situation, étant rappelé qu’il s’agissait de familles, munies de leurs billets,<br />

dans une file d’attente pour un spectacle, et non d’une manifestation hostile<br />

à l’encontre des forces de sécurité.<br />

Elle estime que le fonctionnaire J-P.N. et le policier M.V. ont eu un<br />

comportement a priori agressif et brutal, et semblent bien avoir extrait de la<br />

foule M. M.A. et son ami M.L.,venus en famille pour assister à la fête du Lac,<br />

sur des critères arbitraires, de nature discriminatoire.<br />

Elle demande au ministre de l’Intérieur la saisine des instances disciplinaires<br />

concernant M. J-P.N. et le fonctionnaire de police M.V.<br />

Elle estime que le fonctionnaire de police M. L.F.P., qui avait les fonctions de<br />

chef de poste, n’a pas joué son rôle et a failli à ses obligations de chef de<br />

poste. Elle demande à ce que soit rappelé aux fonctionnaires que le chef de<br />

poste est responsable du respect de l’intégrité et de la dignité des personnes<br />

conduites au poste.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission transmet cet avis au ministre de l’Intérieur et demande la<br />

saisine des instances disciplinaires concernant MM. M.V., J-P.N. et L.F.P.<br />

96<br />

Adopté le 15 janvier 2007<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire.


Saisine n°2005-22<br />

97<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 10 mai 2006,<br />

par Mme Nicole BRICQ, sénatrice de Seine-et-Marne<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 10 mai<br />

2006, par Mme Nicole BRICQ, sénatrice de Seine-et-Marne, des suites d’un<br />

contrôle routier effectué à Chelles le 18 janvier 2005.<br />

La Commission a pris connaissance des pièces de la procédure.<br />

La Commission a entendu Mme M.C., brigadier de police, M. H.M., gardien<br />

de la paix, et M. S.K., brigadier-chef.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 18 février 2005 à 19h45, à Chelles, une patrouille de deux policiers,<br />

dont le chef de bord était le gardien de la paix M. H.M., interpella Mlle C.<br />

D., conductrice d’un véhicule. M. H.M. lui reprocha d’avoir téléphoné en<br />

conduisant et de n’avoir pas bouclé sa ceinture de sécurité. Mlle C.D.<br />

conteste les deux infractions. Elle fut rejointe sur place par sa mère, Mme J.<br />

B., puis par son père, M. P.D. Celle-là reconnaît avoir dit aux policiers qu’ils<br />

« feraient mieux d’arrêter les voleurs ». Selon M. H.M., elle les aurait traités<br />

d’« incapables qui ne sont pas foutus de faire leur boulot ». <strong>Le</strong> père de la<br />

conductrice, M. P.D., admet pour sa part avoir demandé à sa fille si les<br />

fonctionnaires de police le faisaient « à la courtise », mais sans s’adresser<br />

à eux.<br />

M. H.M. décida alors de procéder à l’arrestation de M. P.D., qui fut conduit<br />

menotté au commissariat.<br />

<strong>Le</strong>s motifs de cette mesure divergent.<br />

Mme M.S., brigadier, officier de police judiciaire de quart de nuit, seule


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

compétente pour les affaires intervenues après 18h50, déclare avoir été<br />

saisie alors que la patrouille était encore sur place, et avoir donné l’ordre de<br />

ne pas appréhender M. P.D., l’infraction n’étant pas caractérisée. Arrivant<br />

plus tard au commissariat, elle eut la surprise de constater que M. P.D. s’y<br />

trouvait retenu. Avec son accord, elle l’entendit aussitôt, sans le mettre en<br />

garde à vue.<br />

M. H.M. déclare que s’il a appréhendé seulement M. P.D., c’est parce qu’il<br />

était « l’élément fort du groupe ». Il nie avoir été contacté par Mme M.S. alors<br />

qu’il était encore sur place, mais qu’ayant correspondu avec elle depuis le<br />

commissariat, elle ne lui avait pas dit de ne pas garder la personne arrêtée ;<br />

que même si elle lui avait dit, il ne l’aurait pas fait sans ordre écrit. Il dit avoir<br />

obéi aux ordres du brigadier-chef S.K. présent au commissariat. Toutefois,<br />

entendu par Mme M.S. lors de l’enquête, il lui avait déclaré : « Quant au non<br />

respect de vos instructions après notre contact, l’officier de police judiciaire<br />

de Chelles S.K. est venu me voir et m’a demandé des explications plus<br />

précises car je devais le tenir au courant ; je lui ai donné vos instructions, là<br />

il m’a dit que c’était lui avant vous car il est l’officier de permanence, il m’a<br />

dit de me couvrir et de faire un procès-verbal de saisine pour outrage contre<br />

M. P.D. »<br />

<strong>Le</strong> gardien de la paix M. P.Y. a déclaré que l’officier de quart de nuit avait<br />

été contacté depuis le commissariat, et qu’il avait donné l’ordre de remettre<br />

en liberté M. P.D., l’infraction ne paraissant pas caractérisée. M. S.K. avait<br />

ensuite donné un ordre contraire.<br />

M. S.K reconnaît avoir connu la décision de sa collègue mais déclare que s’il<br />

a ordonné le maintien de M. P.D à l’accueil, c’est parce que toute personne<br />

amenée au commissariat sous la contrainte, doit faire l’objet d’une mesure de<br />

garde à vue. Bien qu’OPJ, il s’est abstenu de prendre d’une telle mesure.<br />

<strong>Le</strong> parquet de Meaux a classé cette affaire sans suite, l’infraction étant<br />

insuffisamment caractérisée.<br />

98


AVIS<br />

99<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

La Commission constate qu’à la suite d’une appréciation manifestement<br />

erronée sur la caractérisation du délit d’outrage à personne dépositaire de<br />

l’autorité publique (art. 433-5 C. pén.), un individu a été interpellé sur la voie<br />

publique par des agents de police judiciaire avant d’être menotté pendant<br />

tout le temps du transport dans le véhicule de police jusqu’à son arrivée au<br />

commissariat.<br />

Alors même qu’elle a été conduite coercitivement au commissariat de<br />

police, la personne interpellée n’a pas été placée en garde à vue en raison<br />

d’un désaccord sur l’opportunité de cette mesure entre l’officier de police<br />

judiciaire en fonction au quart de nuit (77 nord) et l’officier de police judiciaire<br />

en fonction au commissariat de Chelles.<br />

Ce conflit de compétences s’est traduit dans les faits par des tergiversations<br />

juridiquement blâmables (l’usage de la coercition impliquant nécessairement,<br />

selon la jurisprudence en vigueur, le placement en garde à vue et la<br />

notification des droits y afférant) et préjudiciables aux intérêts de l’individu<br />

mis en cause.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission recommande à nouveau que pour toute mesure impliquant<br />

des officiers de police judiciaire relevant de plusieurs services (quart de<br />

nuit, commissariat local), un seul et unique responsable soit officiellement<br />

et très clairement désigné, ce qui éviterait aux agents de police judiciaire<br />

de recevoir des ordres manifestement contradictoires dont l’exécution,<br />

nécessairement aléatoire, est de nature à porter préjudice aux droits de la<br />

personne interpellée.<br />

La Commission constate une nouvelle fois avec regret que ses<br />

recommandations relatives au menottage des personnes interpellées ne sont<br />

pas toujours suivies d’effets dans la pratique. Dans cette affaire comme en<br />

bien d’autres (avis 2004-59, avis 2005-12), le port systématique des menottes<br />

était inutile, disproportionné et contraire aux instructions ministérielles du 11


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

mars 2003, comme à la note du Directeur général de la police nationale du<br />

13 septembre 2004.<br />

<strong>Le</strong> père de famille transporté dans le véhicule de police avait présenté ses<br />

excuses aux fonctionnaires de police qui avaient procédé à son interpellation<br />

sans le moindre incident. Il n’était en outre ni dangereux, ni susceptible de<br />

prendre la fuite.<br />

100<br />

Adopté le 6 novembre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :


101<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

102


Saisine n°2005-25<br />

103<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, du 15 mars 2005,<br />

par M. Christian PAUL, député de la Nièvre<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 15 mars<br />

2005 M. Christian PAUL, député de la Nièvre, des conditions dans lesquelles<br />

se sont déroulés le contrôle d’identité, l’interpellation puis la conduite au<br />

commissariat d’Argenteuil (Val d’Oise) avec placement en garde à vue de<br />

MM. J.P. et B.P., père et fils.<br />

La Commission a pris connaissance des pièces de la procédure portée à<br />

l’encontre de MM. B.P. et J.P. pour rébellion, et de celles de la procédure<br />

engagée contre les fonctionnaires de police par M. J.P. pour violences<br />

illégitimes, insultes et violation de domicile.<br />

La Commission a procédé aux auditions de MM. B.P. et J.P., des gardiens de<br />

la paix D.C., O.H. et F.M., et du lieutenant de police E.G.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> samedi 9 octobre 2004, vers 23h00, un équipage de la BAC d’Argenteuil<br />

placé sous l’autorité du lieutenant E.G. patrouillait dans la ville quand il lui<br />

fut signalé qu’un cambriolage avait eu lieu dans une école primaire. S’étant<br />

rendu sur place, les fonctionnaires de police constatèrent qu’en face de<br />

l’école était stationné un véhicule à bord duquel se trouvait une personne.<br />

Ayant demandé à celle-ci si elle avait constaté des allers et venues, elle leur<br />

aurait répondu qu’elle n’avait pas à les renseigner.<br />

À ce moment, trois autres personnes sortirent du pavillon devant lequel<br />

était stationnée la voiture, et traversèrent le jardin pour gagner la rue. Parmi


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

elles, se trouvaient les frères B. et J., fils de l’occupant du pavillon. <strong>Le</strong>s<br />

policiers leur demandèrent s’ils avaient constaté des faits anormaux. Ces<br />

personnes répondirent qu’elles n’avaient pas à les renseigner. M. B.P. leur<br />

ayant demandé de produire une « commission rogatoire », le lieutenant E.<br />

G., officier de police judiciaire, responsable du groupe, décida de vérifier son<br />

identité.<br />

M. B.P. rentra alors dans le jardin, se dirigeant vers le pavillon et appelant<br />

son père. <strong>Le</strong> lieutenant E.G. et un gardien de la paix pénétrèrent à sa suite<br />

dans le jardin pour le rattraper. Selon M. B.P., l’un des policiers s’est emparé<br />

de ses clés, fixées à un cordon qu’il portait autour du cou ; ce fait est contesté<br />

par les fonctionnaires entendus par la Commission.<br />

Répondant à l’appel de son fils, M. J.P. (occupant du pavillon, originaire de<br />

la Guadeloupe) sortit et demanda aux fonctionnaires de police les motifs de<br />

leur intervention. L’un d’eux, qui l’aurait tutoyé (fait également contesté par<br />

les policiers entendus), l’a invité à justifier son identité.<br />

Lors de son audition par la Commission, le lieutenant E.G. a indiqué que M. J.<br />

P. se serait montré agressif. Ayant résisté à une tentative de menottage, M. J.<br />

P. fut projeté au sol (il en résulta des érosions cutanées et des contusions),<br />

où il fut menotté.<br />

Son fils, M. B.P., fut également menotté. <strong>Le</strong> lieutenant E.G. a indiqué à la<br />

Commission qu’il l’a été parce qu’il voulait s’opposer à l’interpellation de son<br />

père. Il résulte du témoignage des gardiens de la paix qui ont procédé à ce<br />

menottage qu’à ce moment-là, M. B.P. était calme, et qu’il fut menotté pour<br />

éviter qu’il tente de se soustraire au contrôle.<br />

Entre-temps, des renforts avaient été appelés et deux équipages étaient<br />

arrivés sur les lieux. Ils conduisirent MM. J.P. et B.P. au commissariat de<br />

police. Au moment de leur départ, M. J.P. indiqua aux policiers le risque que<br />

pouvait représenter sa gazinière, qu’il avait laissée allumée en sortant de<br />

son pavillon, mais il n’en fut pas tenu compte.<br />

MM. J.P. et B.P. furent placés en garde à vue le 9 octobre à 23h15. Après<br />

avoir été un moment menottés au mur, ils firent l’objet d’une fouille à corps<br />

avec déshabillage complet. <strong>Le</strong> test d’éthylométrie auquel M. J.P. fut soumis<br />

104


105<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

s’est révélé négatif. <strong>Le</strong>s deux hommes ont été examinés dans la nuit par un<br />

médecin. C’est seulement à la fin de la matinée du 10 octobre qu’ils ont pu<br />

entrer en contact avec un avocat.<br />

Ils ont été libérés le 10 respectivement à 12h00 et 12h35, après que, sur<br />

instruction du parquet, un rappel à la loi leur eût été notifié.<br />

MM. J.P. et B.P. ont porté plainte contre les fonctionnaires de police. Cette<br />

plainte a été classée sans suite le 6 juin 2005.<br />

AVIS<br />

Quelles que puissent être les divergences, relevées ci-dessus, entre les<br />

relations respectives des intéressés et des fonctionnaires de police, les faits<br />

ainsi rappelés appellent plusieurs remarques :<br />

- On ne peut que s’interroger sur le bien-fondé des contrôles d’identité<br />

auxquels les policiers ont cru devoir procéder, au milieu de la nuit, sur deux<br />

hommes sortant de leur domicile et dont rien ne permettait de penser qu’ils<br />

avaient pu avoir quelque lien avec le cambriolage signalé.<br />

- Deux policiers, dont un officier, se sont crus autorisés à pénétrer dans un<br />

jardin privé, pour rejoindre une personne qui ne fuyait pas mais appelait son<br />

père.<br />

- <strong>Le</strong> comportement de M. J.P., réagissant à l’intervention des fonctionnaires<br />

de police auprès de deux de ses fils et de deux de leurs camarades, et refusant<br />

d’être menotté, a sans doute été trop vite analysé comme une « rébellion ».<br />

Compte tenu de son âge et de sa taille, il ne pouvait pas constituer une<br />

menace pour les fonctionnaires de police qui l’entouraient. Il a d’ailleurs été<br />

projeté à terre sans difficulté pour être menotté.<br />

- Son fils, M. B.P., a également été menotté à un moment où, ainsi que l’ont<br />

<strong>rapport</strong>é à la Commission les fonctionnaires qui ont procédé à son menottage,<br />

il était calme.<br />

- Il y eu une disproportion évidente entre les faits et les moyens mis en œuvre :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

trois équipages qui auraient pu être mieux utilisés à d’autres tâches.<br />

- Bien qu’ils aient été interpellés devant leur domicile, sortant de celui-ci<br />

et, en ce qui concerne M. J.P., en tenue d’intérieur, MM. J.P. et B.P. ont fait<br />

l’objet, au début de leur garde à vue, d’une fouille à corps avec déshabillage,<br />

dans des conditions méconnaissant à l’évidence celles énoncées à ce sujet<br />

par la circulaire du 11 mars 2003. Au cas d’espèce, cette mesure n’a pu<br />

constituer qu’une brimade inutile.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission recommande que la formation des fonctionnaires porte<br />

sur l’appréciation des situations réelles dans lesquelles ils estiment devoir<br />

intervenir, afin d’éviter que, comme en l’espèce, ne soient engagées des<br />

actions dont l’opportunité était loin d’être évidente.<br />

Elle regrette d’avoir à constater, une nouvelle fois, la méconnaissance des<br />

dispositions de la circulaire du 11 mars 2003 relative à la garde à vue, au<br />

menottage et à l’emploi de la fouille à corps avec déshabillage complet.<br />

106<br />

Adopté le 13 février 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :


107<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

108


109<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-26<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 16 mars 2005,<br />

par M. Christian BATAILLE, député du Nord<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 16<br />

mars 2005, par M. Christian BATAILLE, député du Nord, des conditions<br />

d’interpellation et de rétention au commissariat de Cambrai de M. L.D.<br />

La Commission a pris connaissance des pièces de la procédure, dont celle<br />

relative à la plainte de M. L.D. à l’encontre des policiers.<br />

La Commission a procédé à l’audition de M. L.D., et à celles de MM. S.L. et<br />

D.W., brigadiers- chef, et de M. M.R., gardien de la paix.<br />

LES FAITS<br />

Dans la nuit du 10 au 11 mars 2005, M. L.D. se trouvait avec quelques autres<br />

personnes dans le café B.B. à Cambrai. Vers minuit, des fonctionnaires de<br />

police (les brigadiers-chef D.W. et S.L. et le gardien de la paix M.R.) sont<br />

entrés dans l’établissement et ont procédé à un contrôle d’identité des<br />

personnes présentes. N’ayant pas sur lui de pièce d’identité, M. L.D. présenta<br />

une carte de visite, et son ami confirma son identité.<br />

Après le départ des policiers, la gérante du café B.B. ferma son établissement<br />

et se rendit avec deux personnes, dont M. L.D., dans un autre café proche,<br />

le F.<br />

Vers 2h00 du matin, le commissariat de police reçut un appel d’une personne<br />

non identifiée, se plaignant de tapage au café F. <strong>Le</strong> brigadier-chef S.L. et<br />

le gardien M.R. se rendirent sur les lieux, trouvèrent devant l’établissement<br />

une équipe de la BAC qui avait été alertée, et constatèrent que, s’il n’y avait<br />

pas de tapage, plusieurs personnes se trouvaient dans l’établissement alors<br />

que l’heure de fermeture était dépassée.<br />

110


111<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

<strong>Le</strong>s policiers invitèrent les personnes présentes à sortir. Parmi celles-ci, se<br />

trouvait M. L.D. M. L.D a exposé qu’il avait été « surpris de la tonalité des<br />

échanges, de l’agressivité inutile de l’un des fonctionnaires » (M. S.L.). Il<br />

demanda alors au brigadier-chef S.L. de lui indiquer son nom. Selon M. L.<br />

D., le policier lui aurait alors dit : « Vous voulez mon nom ? Sortez, je vais<br />

vous le donner ».<br />

Sorti du café, M. L.D. fut aussitôt menotté, « jeté comme un sac » dans le<br />

véhicule de service et conduit à l’hôpital. <strong>Le</strong>s fonctionnaires S.L. et M.R.,<br />

qui ont procédé à cette interpellation, ont indiqué à la Commission que M. L.<br />

D., dont l’haleine, selon eux, sentait l’alcool, présentait des signes d’ivresse<br />

manifeste justifiant la mesure prise à son encontre.<br />

M. L.D. a exposé qu’après avoir été ramené vers 3h00 du matin au<br />

commissariat de police, il fit l’objet d’une fouille à corps avec déshabillage<br />

complet, puis fut placé dans une cellule, revêtu seulement de sousvêtements.<br />

Il a pu, par la suite, obtenir que des vêtements lui soient remis.<br />

L’un des policiers, le brigadier-chef D.W., à qui il demandait les motifs de<br />

sa rétention au commissariat, lui répondit qu’il était ivre. M. L.D. fit observer<br />

qu’il ne l’était pas et qu’on ne lui avait pas présenté l’éthylotest. M. D.W. fit<br />

apporter l’appareil, mais M. L.D. refusa le test, faisant remarquer que cela<br />

faisait déjà plus de deux heures qu’il était en cellule.<br />

Pendant sa présence en cellule dans le commissariat, M. L.D. ne fut pas<br />

conduit devant un OPJ, ni interrogé. Il demanda en vain que son épouse soit<br />

informée.<br />

Vers 8h00, M. L.D., indigné, fit remarquer à un fonctionnaire de police qui<br />

passait devant la cellule qu’ils avaient « dépassé les bornes » et qu’il était<br />

sans doute temps de le relâcher. Ce sont les fonctionnaires de la relève qui<br />

ont procédé à la remise en liberté de M. L.D. Sa fouille lui fut restituée. M. L.<br />

D. refusa de signer le procès-verbal qui lui était présenté et qui mentionnait<br />

qu’il avait été interpellé pour ivresse publique manifeste.<br />

M. L.D. adressa une plainte au procureur de la République, affirmant qu’il<br />

n’était pas ivre au moment de son interpellation, et dénonçant les conditions<br />

humiliantes de sa détention. <strong>Le</strong> procureur de la République a demandé au<br />

Bureau des affaires judiciaires, de discipline et de contrôle de la Direction<br />

départementale de la sécurité publique de procéder à une enquête<br />

préliminaire. Celle-ci (dont les conclusions, datées du 7 avril 2005, ont été<br />

communiquées par le parquet à la Commission), a relevé les faits suivants :<br />

- S’agissant des procès-verbaux établis par les services de police à l’occasion


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

de l’interpellation de M. L.D., l’enquêteur écrit : « <strong>Le</strong> procès-verbal d’ivresse<br />

publique et manifeste et le procès-verbal relatif au contrôle opéré dans le<br />

débit de boissons, rédigés par le chef L., ne présentent pas moins de neuf<br />

irrégularités, faisant de ces documents des faux manifestes ».<br />

- S’agissant de l’état de M. L.D. au moment de son interpellation, les<br />

appréciations de l’enquêteur sont les suivantes : « En ce qui concerne l’ivresse<br />

de M. D., les cinq personnes présentes dans le bar lorsqu’il a été interpellé<br />

relatent la même version des faits que lui, et attestent qu’il n’était pas ivre<br />

lorsqu’il a été arrêté. Si ces témoignages peuvent être considérés partisans,<br />

il n’en est pas de même de ceux de l’infirmière et de l’interne de garde du<br />

centre hospitalier de Cambrai, qui ont reçu et examiné le plaignant. Ces<br />

deux praticiens affirment sans ambiguïté que M. L.D. marchait normalement,<br />

qu’il ne titubait pas, qu’il ne sentait pas l’alcool et que ses propos étaient<br />

cohérents ».<br />

L’enquêteur conclut : « <strong>Le</strong>s affirmations du plaignant n’ont pas été démenties<br />

par l’enquête menée, et paraissent au contraire parfaitement crédibles ».<br />

<strong>Le</strong> brigadier-chef S.L. et le gardien de la paix F.M. ont été traduits devant<br />

le tribunal de grande instance, selon la procédure de comparution sur<br />

reconnaissance préalable de culpabilité, pour avoir « commis un faux dans<br />

un document administratif, faits réprimés par les articles 441-2, 441-10 et<br />

441-11 du Code pénal ». Par décision du 17 octobre 2005, le président du<br />

tribunal a validé les sanctions prononcées : les policiers ont été condamnés à<br />

verser une amende de composition au Trésor public, ainsi qu’une indemnité<br />

de composition pénale à M. L.D.<br />

<strong>Le</strong> brigadier-chef S.L. a indiqué à la Commission que lui-même et son<br />

collègue F.M. ont fait l’objet d’une procédure disciplinaire qui a abouti en<br />

2006 à la sanction du blâme.<br />

AVIS<br />

Rien dans le dossier ne justifie que M. L.D. ait été maintenu de force pendant<br />

plusieurs heures au commissariat de police. Il n’a bénéficié d’aucune<br />

garantie.<br />

112


113<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Interrogé par la Commission, le brigadier-chef D.W. a précisé : « En tant<br />

qu’OPJ, je n’étais pas tenu de placer M. D. en garde à vue, puisqu’il s’agissait<br />

d’une contravention ». La Commission estime qu’il n’était pas en droit de le<br />

retenir au commissariat.<br />

Comme ils l’avaient fait au cours de l’enquête administrative, les fonctionnaires<br />

de police S.L. et M.R. ont soutenu devant la Commission qu’à l’occasion de la<br />

fouille de sécurité dont il a fait l’objet au commissariat, M. L.D., contrairement<br />

à ses dires, n’aurait pas été contraint de se déshabiller entièrement. On peut<br />

cependant douter de leurs affirmations.<br />

En effet, en indiquant qu’il avait été obligé de se dénuder, M. L.D. a <strong>rapport</strong>é<br />

à la Commission une réflexion à connotation sexuelle qu’il avait alors faite<br />

aux policiers. Ceux-ci ont également fait état de cette même réflexion devant<br />

la Commission, mais en la situant au moment où M. L.D. a été menotté.<br />

<strong>Le</strong>urs dires sont, à l’évidence, moins crédibles que l’affirmation de M. L.D.<br />

Au cours de leurs entretiens à la Commission, les fonctionnaires de police ont<br />

(maladroitement, tant leurs déclarations paraissaient concertées) réaffirmé<br />

qu’au moment où il a été interpellé, M. L.D. se trouvait en état d’« ivresse<br />

publique et manifeste ». Mais l’ensemble des éléments d’information<br />

recueillis conduit la Commission à considérer que l’état d’ivresse de M. L.D.<br />

n’est nullement établi.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

Une fois de plus, la Commission rappelle l’exigence de respect, par les<br />

services de police, des obligations protectrices des droits des personnes<br />

appréhendées, notamment en matière de fouille à corps.<br />

La Commission décide de transmettre le présent avis au procureur général,<br />

compétent en matière de discipline des OPJ, compte tenu de la rétention<br />

arbitraire décidé par le brigadier-chef D.W.<br />

Adopté le 10 juillet 2006


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :<br />

Conformément à l’article 9 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

cet avis au procureur général près la Cour d’appel de Douai.<br />

114


115<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

116


Saisine n°2005-27<br />

117<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 18 mars 2005,<br />

par M. Michel VAXES, député des Bouches-du-Rhône<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 18<br />

mars 2005, par Michel VAXES, député des Bouches-du-Rhône, des conditions<br />

dans lesquelles s’est déroulée, dans l’immeuble où il demeure, 2 rue Pescari<br />

à Istres (13800), le 19 janvier 2005, l’interpellation de M. L.B. et de son<br />

épouse, Mme C.B., maire adjointe, par la BAC locale.<br />

Elle a procédé aux auditions de M. et Mme B., des voisins Mme M.-L.B., M. M.<br />

B. et M. R.S., du brigadier-chef M. D.F. et des gardiens de la paix MM. C.R.,<br />

P.F., J.-L.T. et G.D.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 19 janvier 2005, vers 22h00, une patrouille de la BAC du commissariat<br />

d’Istres, composée de M. D.F., brigadier-chef, de M. P.F. et de M. G.D.,<br />

gardiens de la paix, eut son attention attirée, en passant à proximité d’un<br />

parking du centre-ville, par un jeune homme qui se cacha derrière un arbre<br />

à leur passage. Étant revenus au même endroit, après avoir fait le tour d’un<br />

pâté de maisons, les policiers, qui constatèrent que cet individu avait le<br />

même comportement, décidèrent de contrôler son identité.<br />

Après qu’ils eurent baissé la plaque « Police » de leur véhicule, et que M. G.<br />

D. eut informé le jeune homme qu’il faisait l’objet d’un contrôle de police,<br />

celui-ci prit la fuite en courant.<br />

M. D.F., qui était en tenue civile et était armé d’un tonfa, se lança à sa<br />

poursuite et demanda à ses collègues de le prendre à revers.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

M. D.F. vit l’individu poursuivi sonner à la porte d’un immeuble de la cité,<br />

laquelle lui fut ouverte et se referma derrière lui. Étant arrivé derrière cette<br />

porte munie d’un dispositif de fermeture électrique, le brigadier-chef vit<br />

que le jeune homme, identifié par la suite en la personne de M. R.M.B.,<br />

parlait à M. L.B., habitant de l’immeuble sorti de son appartement du rez-dechaussée.<br />

M. D.F. présenta sa carte professionnelle en l’appliquant contre<br />

la vitre, et demanda à M. L.B. de lui ouvrir la porte, en criant « Police ! » et<br />

en frappant sur la vitre. M. L.B. accepta de l’ouvrir, non sans avoir manifesté<br />

une certaine hésitation. M. R.M.B. tenta alors d’entrer dans l’appartement,<br />

dont la porte fut refermée par Mme C.B.<br />

M. D.F. coinça le jeune homme dans l’angle de la porte à l’aide de son tonfa.<br />

M. L.B. voulut s’interposer en prenant le policier par le bras et, selon celuici,<br />

lui demanda, en le traitant de « facho » et en le tutoyant, de lui présenter<br />

sa carte professionnelle, ce qu’il accepta de faire. Selon le policier, alors<br />

qu’il invitait l’intéressé à ne pas le tutoyer, en faisant état de sa qualité, son<br />

interlocuteur lui aurait répondu : « J’emmerde la police ».<br />

Dans la version de M. L.B. et de son épouse, Mme C.B., qui était maire<br />

adjointe de la commune, le policier, dès qu’il était entré dans le hall, avait<br />

frappé le jeune homme à coup de tonfa.<br />

M. L.B. et le jeune homme ayant communiqué en langue italienne, M. D.F. lui<br />

donna, par l’intermédiaire de M. L.B., l’ordre de s’asseoir, ce qu’il fit.<br />

À ce moment, une autre équipe de la BAC, composée de M. J.L.T. et de<br />

M. R., gardiens de la paix en uniforme, à laquelle une rixe dans un immeuble<br />

avait été signalée, vraisemblablement à la suite de l’appel téléphonique de<br />

Mme C.B. au commissariat, se présenta derrière la porte qui fut ouverte par<br />

l’un des habitants de l’immeuble. Certains, qui avaient entendu des cris,<br />

étaient en effet sortis de leurs appartements.<br />

M. D.F. donna l’ordre à ses collègues « d’embarquer » M. L.B., cette<br />

interpellation étant, selon le policier, justifiée par le délit d’outrage et par<br />

l’entrave à l’action de la police.<br />

M. L.B. ayant refusé de suivre les fonctionnaires de police et s’étant débattu,<br />

selon les policiers en prétendant qu’il était un « élu », les deux gardiens de<br />

la paix l’amenèrent au sol, et M. J.L.T. réussit à lui passer une menotte au<br />

118


119<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

poignet droit. M. R.M.B., qui tenta à ce moment de forcer le passage vers la<br />

porte, fut plaqué au sol et maîtrisé par le brigadier-chef et M. J.L.T.<br />

M. L.B. profita de cette diversion pour se dégager et il emmena dans<br />

l’appartement, dont la porte avait été ouverte par son épouse, le poste de<br />

radio que M. J.L.T. avait posé au sol.<br />

Il ressortit presque aussitôt et, la seconde menotte étant passée autour de<br />

son poing, il se précipita sur M. C.R. et lui porta un coup avec cette menotte,<br />

en direction du visage. M. C.R., qui s’était baissé, fut atteint au crâne. Il eut le<br />

cuir chevelu ouvert par les deux becs de la menotte, blessure qui nécessita<br />

la pose de cinq points de suture. De plus, il perdit ses lunettes.<br />

M. C.R., qui saignait abondamment, ceintura M. L.B. Selon le policier,<br />

Mme C.B. aurait tenté de s’opposer à l’interpellation de son mari en criant<br />

de nouveau qu’elle était une élue, et elle aurait donné plusieurs gifles au<br />

gardien de la paix.<br />

M. P.F. et M. G.D., qui étaient arrivés à ce moment, procédèrent au menottage<br />

de M. L.B.<br />

M. R.M.B. et M. L.B. furent finalement conduits vers les véhicules de police,<br />

M. L.B. étant en chaussettes. Selon les policiers, Mme C.B. tenta de nouveau<br />

de s’y opposer en criant qu’elle était une élue.<br />

Avec l’autorisation de Mme C.B., qui était alors en train de téléphoner au<br />

maire, M. J.L.T. récupéra les lunettes de son collègue qu’il avait aperçues<br />

sur la table de la salle à manger. <strong>Le</strong> poste de radio ne put, en revanche, être<br />

retrouvé ni dans le hall, ni à proximité.<br />

M. L.B. fut placé en garde à vue. Il refusa de signer le procès-verbal de<br />

notification. Mme C.B. se présenta au commissariat et <strong>rapport</strong>a le poste de<br />

radio qu’elle déclara avoir découvert dans la descente d’escalier près du<br />

hall. Elle fut également placée en garde à vue.<br />

Au cours de sa garde à vue, M. L.B. reconnut être revenu chez lui en<br />

emportant le poste de radio, être ressorti et avoir frappé le gardien de la paix<br />

d’un coup de menotte.<br />

Mme C.B. a contesté, quant à elle, l’avoir giflé.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Aucune infraction n’a pu être caractérisée à l’encontre de M. R.M.B., qui a<br />

expliqué sa fuite par le fait qu’il avait pensé être victime de faux policiers.<br />

Il a également expliqué qu’il avait été victime d’un vol commis par de faux<br />

policiers à Milan, ville où il résidait. Il était cependant en possession d’une<br />

carte de crédit à un autre nom, dont il n’a pu justifier l’origine autrement qu’en<br />

prétendant l’avoir trouvée par terre, en Italie.<br />

Il ne présentait, à l’examen médical, aucune trace pouvant laisser penser<br />

qu’il ait subi des violences.<br />

M. L.B. et Mme C.B. ont été déclarés coupables, par jugement du tribunal<br />

correctionnel du 21 juin 2005, de violences volontaires sur agents de la force<br />

publique et de rébellion. Ils ont fait citer les cinq policiers devant le tribunal<br />

correctionnel, à la même audience, pour le délit d’atteinte arbitraire à la<br />

liberté individuelle. <strong>Le</strong>ur citation directe a été annulée par le tribunal.<br />

Ils ont interjeté appel du jugement. <strong>Le</strong> ministère public en a également formé<br />

appel. La cour d’appel d’Aix-en-Provence n’a pas encore statué.<br />

Entendu par la Commission, M. L.B. a précisé que le jeune homme lui avait<br />

expliqué en italien qu’il avait peur car il était poursuivi par des voleurs. Il a<br />

déclaré qu’il avait dans un premier temps douté de la qualité de policier du<br />

brigadier-chef car il n’avait pas vu, de loin, les traits bleu et rouge sur la carte<br />

qu’il lui avait présentée. Il a maintenu qu’en sa présence, le policier avait<br />

frappé le jeune homme avec sa matraque. Il a nié l’avoir traité de « facho »<br />

et a même affirmé que ce mot lui était étranger. Il a de même nié avoir<br />

prononcé les mots : « J’emmerde la police ».<br />

Il a expliqué qu’il n’avait pas admis d’être cloué au sol et d’être menotté. Il a<br />

précisé à ce sujet que son père lui avait toujours appris que tout être humain<br />

devait être respecté et qu’il n’avait pas accepté « d’être mis à terre comme<br />

une bête ».<br />

Il a nié avoir frappé le crâne d’un policier avec une menotte en ressortant de<br />

l’appartement et a contesté l’avoir reconnu au cours de sa garde à vue. Il a<br />

seulement admis avoir dit qu’il avait pu porter un coup au gardien de la paix<br />

en se relevant.<br />

Mme C.B. a expliqué qu’elle n’avait pas compris, dans un premier temps,<br />

avoir affaire à un policier et que, s’étant trompée de numéro, elle avait<br />

téléphoné aux pompiers et leur avait demandé de téléphoner à la police en<br />

signalant qu’il y avait un règlement de compte devant sa porte.<br />

120


121<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Elle a relaté que le premier policier ayant dit aux deux autres d’attraper son<br />

mari et de « l’embarquer », ceux-ci s’étaient jetés sur lui et l’avaient plaqué<br />

au sol. Elle a expliqué qu’elle avait voulu calmer la situation en signalant<br />

qu’elle était maire adjoint. Elle a nié avoir giflé un policier.<br />

Tous deux ont fait état de propos grossiers qui auraient été tenus par les<br />

gardiens de la paix. Selon M. L.B., dans la voiture, l’un d’eux lui aurait dit :<br />

« Mon coco, t’es plus dans la rue, tu vas apprendre à nous connaître. Istres<br />

est une ville de merde ; au commissariat, c’est nous qui faisons la loi ». Il a<br />

ajouté qu’au commissariat, il avait été insulté et traité de « petit con ».<br />

Mme C.B. a déploré d’avoir dû se déshabiller complètement au moment de<br />

la fouille, et qu’il ait pu lui être demandé de se pencher en avant. Elle a<br />

indiqué que la fonctionnaire de police avait menacé de couper son alliance<br />

qu’elle n’arrivait pas à retirer.<br />

Elle a allégué avoir dû signer le procès-verbal sans avoir pu disposer de ses<br />

lunettes.<br />

Elle a précisé qu’au cours de la confrontation, elle avait été insultée par les<br />

policiers qui lui auraient dit qu’elle devrait avoir honte d’être une élue.<br />

M. D.F., brigadier-chef, a affirmé qu’il n’avait pas frappé M. R.M.B. avec son<br />

tonfa. Il a fait observer que son poids étant de 104 Kg, s’il l’avait fait, des<br />

traces de violences auraient dû être constatées. Il a maintenu que M. L.B.<br />

l’avait traité de « facho » et qu’il lui avait dit qu’il « emmerdait la police ».<br />

Il a en revanche contesté que des propos grossiers aient pu être tenus par<br />

les fonctionnaires de police.<br />

M. C.R. a, pour sa part, maintenu que M. L.B. lui avait porté un coup de<br />

menotte en ressortant de son appartement.<br />

M. S., voisin témoin des faits, a confirmé la version de M. L.B. Il a déclaré<br />

que M. L.B. s’était débattu pour se soustraire au menottage et que la menotte<br />

flottante avait heurté la tête d’un policier, qui avait légèrement saigné.<br />

Mme C.B. a confirmé avoir vu qu’un policier avait une blessure sur le front<br />

et qu’il saignait.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS<br />

M. R.M.B. a été interpellé après qu’il se fut caché à l’arrivée des policiers<br />

et après une course-poursuite. Quels qu’aient pu être les motifs d’une telle<br />

attitude, ce comportement permettait de caractériser les indices apparents<br />

qu’il ait commis un délit. <strong>Le</strong>s fonctionnaires de police ont précisé à ce propos<br />

que des vols à la roulotte étaient fréquemment commis sur ce parking,<br />

situation susceptible de renforcer ces indices. Cette interpellation a été<br />

réalisée dans le cadre légal d’une procédure de flagrant délit ou, pour le<br />

moins, dans celui d’un contrôle d’identité légalement justifié.<br />

Si M. L.B. a pu hésiter dans un premier temps sur la qualité de policier du<br />

brigadier-chef, ces doutes ont été immédiatement levés par le policier qui lui<br />

a de nouveau présenté sa carte professionnelle.<br />

L’attitude de M. L.B. peut humainement s’expliquer par un sentiment de<br />

solidarité à l’égard d’un jeune homme en difficulté. Il doit cependant être<br />

relevé, que, sous réserve du devoir de porter assistance à une personne en<br />

danger, il n’appartient pas, dans un État de droit, à un citoyen, fût-il le conjoint<br />

d’un élu, de se faire juge de la légalité d’une action de police. En l’espèce, le<br />

brigadier-chef affrontait seul un individu dont il ignorait la dangerosité, ce qui,<br />

pour le moins, aurait dû inciter M. L.B. et son épouse à la prudence.<br />

La Commission constate qu’aucune blessure n’a été relevée sur le corps<br />

de M. R.M.B., ce qui permet de confirmer les déclarations du brigadier-chef<br />

selon lesquelles il n’a pas exercé de violences graves à son encontre.<br />

La juridiction pénale étant saisie de poursuites à l’encontre de M. L.B. et de<br />

Mme C.B., il n’appartient pas à la Commission de se prononcer sur la réalité<br />

des infractions d’outrage, de rébellion, de violences volontaires sur agents<br />

de la force publique qui leur sont reprochées.<br />

Elle fait en revanche observer qu’une attitude de dialogue aurait pu<br />

convaincre M. L.B. de suivre volontairement les fonctionnaires de police au<br />

commissariat, sans qu’il ait été nécessaire d’avoir recours à des « gestes<br />

techniques » qu’il pouvait estimer humiliants.<br />

S’il était exact que les propos et injures <strong>rapport</strong>és par M. et Mme B., certains<br />

évoquant leur appartenance politique, aient été tenus, une telle attitude de la<br />

122


123<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

part de fonctionnaires de police devrait être déplorée.<br />

La preuve que de telles paroles ont été proférées n’a pas été <strong>rapport</strong>ée.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

Une fois de plus, constatant que Mme C.B. a été soumise à une fouille de<br />

sécurité entraînant le déshabillage, la Commission déplore le non-respect de<br />

la circulaire de M. le Ministre de l’Intérieur en date du 11 mars 2003, relative<br />

à la dignité des personnes placées en garde à vue. Trois ans après l’entrée<br />

en vigueur de cette circulaire, elle estime constitué un manquement à la<br />

déontologie.<br />

Adopté le 5 avril 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

124


125<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-29<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 23 mars 2005,<br />

par Mme Marie-Christine BLANDIN, sénatrice du Nord<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 23<br />

mars 2005, par Mme Marie-Christine BLANDIN, sénatrice du Nord, des<br />

conditions d’interpellation et de garde à vue de Mme J.L., membre d’une<br />

association d’aide aux migrants créée à la suite de la fermeture du centre de<br />

Sangatte, de M. V.L., fils de Mme J.L., et de M. M.D.<br />

La Commission a pris connaissance de la procédure pour outrage à agent<br />

dépositaire de l’autorité publique, à l’issue de laquelle Mme J.L. a été<br />

condamnée par le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer, le 25 janvier<br />

2005.<br />

Elle a procédé aux auditions de Mme J.L., de M. M.D., du capitaine de police<br />

Mme S.L., et de Maître V.D-C., témoin des faits.<br />

LES FAITS<br />

M. et Mme L. font partie, à Calais, d’une association d’aide aux migrants<br />

créée à la suite de la fermeture du centre de Sangatte.<br />

<strong>Le</strong> 11 novembre 2004, vers 10h30, ils ont été témoins d’un contrôle effectué<br />

sur un groupe de migrants par des membres d’une CRS. Un échange<br />

verbal avec les policiers amena Mme J.L. à tenir à leur égard des propos<br />

désobligeants. Elle fut interpellée, conduite vers 11h00 au commissariat de<br />

police et placée en garde à vue.<br />

Par un jugement définitif du 25 janvier 2005, Mme J.L. a été condamnée,<br />

pour outrage, à une amende de 500 €.<br />

126


127<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

À son arrivée au commissariat, elle fut l’objet d’une fouille de sécurité,<br />

avec déshabillage, et placée en cellule. Elle a été menottée pendant son<br />

interrogatoire par l’OPJ et sa confrontation avec les policiers qui l’avaient<br />

interpellée. Reconduite en cellule, elle y est restée jusqu‘à 19h45.<br />

À la suite de l’interpellation de Mme J.L., quelques membres de l’association<br />

d’aide aux migrants se regroupèrent devant le commissariat de police. L’une<br />

de ces personnes, M. M.D., a commencé à filmer le groupe (membre de<br />

l’association, il a l’habitude de filmer des faits dont il est témoin et qui intéressent<br />

les migrants ; il a précisé à la Commission que, la veille 10 novembre, des<br />

membres de la CRS avaient tenté de lui enlever sa caméra).<br />

Vers 11h45, un véhicule de la CRS s’arrêta devant le commissariat de police.<br />

Plusieurs policiers en sortirent. M. M.D. réussit à mettre sa caméra dans le<br />

sac à main d’une autre personne. Un policier de la CRS lui demanda ses<br />

papiers d’identité. Selon M. M.D., le chef d’équipage lui a fait une clé au bras<br />

(alors que M. M.D. est visiblement handicapé du bras gauche), l’a plaqué sur<br />

le véhicule en lui donnant un coup de genou au bas du dos. M. V.L. (fils de<br />

Mme J.L.), qui photographiait la scène, fut à son tour plaqué sur le véhicule,<br />

reçut des coups et fut menotté. Des photographies remises à la Commission<br />

montrent un homme plaqué par un policier sur le véhicule de la CRS.<br />

M. M.D. et M. V.L. furent conduits à l’intérieur du commissariat et placés<br />

dans la salle d’accueil du public. Dans une pièce voisine, séparée de la<br />

salle d’accueil par une cloison très largement vitrée, se trouvait une avocate<br />

assistant un tiers placé en garde à vue ; elle fut témoin de la scène qui a<br />

suivi.<br />

Selon son témoignage, M. M.D. et M. V.L. étaient calmes. Plusieurs membres<br />

de la CRS « se sont mis devant eux, les bras croisés et formant un arc de<br />

cercle d’aspect menaçant. À un certain moment, M. M.D. a fait un geste<br />

inoffensif et a reçu au moins un coup de la part d’un des CRS qui était proche<br />

de lui et particulièrement virulent. M. M.D. est monté sur un siège dans un<br />

mouvement de défense. Des mots ont été échangés ».<br />

Mme S.L., capitaine de police qui, dans un autre local, s’apprêtait à interroger<br />

Mme J.L., fut alertée par les bruits. Elle a déclaré à la Commission avoir « vu<br />

un CRS de dos, assez emporté et virulent, retenu ensuite par deux autres<br />

CRS alors qu’il se dirigeait vers deux personnes non menottées présentes<br />

dans la salle réservée au public ». Elle est aussitôt intervenue pour rétablir


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

le calme. <strong>Le</strong>s policiers de la CRS ne lui « ont rien dit quant au motif de<br />

la présence de ces personnes au commissariat et n’ont fait état d’aucun<br />

fait délictueux ». L’officier fit sortir les membres de la CRS du commissariat.<br />

M. M.D. et M. V.L. s’étant plaints de violences policières, elle leur indiqua les<br />

démarches à suivre pour déposer plainte, en leur précisant que sa charge de<br />

travail l’empêchait de recevoir leur plainte.<br />

Sortis à leur tour du commissariat, M. M.D. et M. V.L. se rendirent au service<br />

des urgences de l’hôpital. Deux certificats médicaux établis à 11h45 font<br />

état, pour l’un et l’autre, de contusions et d’érythèmes, les radiographies<br />

n’ayant pas révélé de lésions osseuses.<br />

Revenus au commissariat, M. M.D. et M. V.L. ont tenté en vain d’être reçus<br />

pour déposer plainte. Ils rejoignirent le groupe de personnes qui étaient<br />

restées devant le commissariat en attendant la fin de la garde à vue de<br />

Mme J.L. Celle-ci fut libérée vers 19h50.<br />

Auparavant, deux policiers de la CRS avaient déposé plainte au commissariat<br />

de police, contre X « pour outrage, rébellion et violence ». Malgré des<br />

demandes répétées de la Commission, le parquet de Boulogne-sur-Mer ne<br />

lui a pas communiqué les pièces relatives à ces plaintes.<br />

<strong>Le</strong> lendemain 12 novembre, l’avocate mentionnée ci-dessus se présenta au<br />

parquet de Boulogne-sur-Mer, tenant à faire part des violences policières<br />

dont elle avait été témoin. Elle a été invitée à présenter sa déposition au<br />

commissariat de police de Calais, ce qu’elle a fait.<br />

AVIS<br />

En ce qui concerne l’enregistrement des plaintes<br />

Il est anormal qu’à raison des faits rappelés ci-dessus, les plaintes contre X<br />

des membres de la CRS aient été enregistrées au commissariat de police,<br />

alors que celles de MM. M.D. et V.L. n’ont pu l’être.<br />

128


129<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

En ce qui concerne la mesure de garde à vue prise à l’encontre de Mme J.L.<br />

– <strong>Le</strong>s faits commis par Mme J.L. ont été sanctionnés pénalement. Compte<br />

tenu de leur nature, on peut admettre qu’en raison d’une confrontation<br />

nécessaire avec les policiers interpellateurs, sa conduite au commissariat<br />

de police et son placement en garde à vue étaient justifiés.<br />

– Cette mesure de garde à vue s’est déroulée en méconnaissance des<br />

instructions contenues dans la circulaire du 11 mars 2003 du ministre de<br />

l’Intérieur :<br />

- À l’évidence, compte tenu des circonstances dans lesquelles elle<br />

avait été interpellée, Mme J.L. ne pouvait être « suspectée de dissimuler des<br />

objets dangereux pour elle-même ou pour autrui ». La fouille à corps dont<br />

elle a fait l’objet n’était pas justifiée.<br />

- Il en a été de même du menottage dont Mme J.L. a fait l’objet pendant<br />

qu’elle était interrogée par l’OPJ. Là encore, il était évident qu’elle ne pouvait<br />

être « considérée comme dangereuse pour autrui ou pour elle-même ou<br />

susceptible de prendre la fuite ». Elle pouvait d’autant moins s’enfuir que,<br />

ainsi que l’attestent les photographies remises à la Commission, les fenêtres<br />

du commissariat sont munies de barreaux extérieurs.<br />

- Selon les indications données par l’OPJ, la mesure de garde à vue,<br />

notifiée à 11h20, a pris fin à 19h45. Rien ne justifiait une telle durée : il suffisait<br />

de la fin de la matinée ou, au plus, du début de l’après-midi, pour interroger<br />

Mme J.L. et la confronter avec les deux policiers qui l’avaient interpellée.<br />

En ce qui concerne les interventions des policiers de la CRS à l’égard des<br />

personnes présentes à l’extérieur du commissariat de police<br />

<strong>Le</strong> simple énoncé des faits montre que ces policiers ont méconnu les règles<br />

déontologiques qui s’imposent à eux :<br />

– En s’en prenant à ces personnes qui se tenaient calmement devant le<br />

commissariat, ces policiers se sont livrés à leur égard à des actes de violence<br />

illégitimes.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

– Ces policiers n’étaient pas fondés à appréhender ces personnes pour les<br />

conduire à l’intérieur du commissariat. Interrogés par l’officier de police, les<br />

membres de la CRS n’ont pu faire état d’aucun acte délictueux justifiant une<br />

telle mesure.<br />

– La gesticulation inutile et passablement ridicule à laquelle ces policiers<br />

se sont livrés à l’intérieur du commissariat à l’égard de ces deux personnes<br />

avait peut-être pour objet, et a eu pour effet, de les amener à des réactions<br />

que ces policiers ont utilisées à l’appui de leurs plaintes pour « outrage,<br />

rébellion et violence ».<br />

RECOMMANDATIONS<br />

Constatant une nouvelle fois l’inobservation manifeste par des services de<br />

police des instructions relatives à la dignité des personnes en garde à vue,<br />

la Commission, trois ans après l’entrée en vigueur de la circulaire du 11 mars<br />

2003, estime ainsi constitué un manquement à la déontologie.<br />

Elle recommande également, ainsi que le prescrit le code de procédure<br />

pénale, que les services enregistrent sans délai les plaintes fondées sur des<br />

violences policières, quel qu’en puisse être le bien-fondé apparent.<br />

Il paraît opportun à la Commission qu’il soit rappelé aux forces d’intervention,<br />

notamment aux CRS, qu’elles doivent considérer comme normale l’attention<br />

que des citoyens ou des groupes de citoyens peuvent porter à leur mode<br />

d’action. <strong>Le</strong> fait d’être photographiés ou filmés durant leurs interventions<br />

ne peut constituer aucune gêne pour des policiers soucieux du respect des<br />

règles déontologiques.<br />

La Commission recommande que des poursuites disciplinaires soient<br />

exercées pour manquement à la déontologie, attesté par la capitaine de<br />

police et un témoin, contre au moins un membre de la CRS 12.<br />

130<br />

Adopté le 5 avril 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :


131<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

132


133<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

134


Saisine n°2005-30<br />

135<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 20 mars 2005,<br />

par M. Gérard DELFAU, sénateur de l’Hérault,<br />

le 11 avril 2005,<br />

par M. Robert BADINTER, sénateur des Hauts-de-Seine,<br />

le 13 avril 2005,<br />

par M. André VEZINHET, sénateur de l’Hérault,<br />

le 15 avril 2005,<br />

par M. Noël MAMÈRE, député de la Gironde,<br />

le 21 avril 2005,<br />

par M. Marcel VIDAL, sénateur de l’Hérault,<br />

le 22 avril 2005,<br />

par M. François LIBERTI, député de l’Hérault,<br />

le 25 avril 2005,<br />

par M. Robert BRET, sénateur des Bouches-du-Rhône,<br />

le 26 avril 2005,<br />

par Mme Sylvie ANDRIEUX, députée de l’Hérault,<br />

le 10 mai 2005,<br />

par M. Julien DRAY, député de l’Essonne<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, entre le<br />

20 mars 2005 et le 10 mai 2005, par Mme Sylvie ANDRIEUX, députée, par<br />

MM. Gérard DELFAU, Robert BADINTER, André VEZINHET, Robert BRET<br />

et Marcel VIDAL, sénateurs, et par MM. Noël MAMÈRE, François LIBERTI<br />

et Julien DRAY, députés, de faits commis à l’occasion de l’arrestation à<br />

Montpellier de M. B.P., dans la nuit du 28 au 29 avril 2004.<br />

La Commission a pris connaissance des pièces de la procédure pour outrages<br />

contre M. B.P. et des décisions rendues.<br />

La Commission a procédé à l’audition de M. B.P. et de Mmes F.C. et B.L. et<br />

de M. B.D., fonctionnaire de police, ainsi que d’un témoin, M. T.V.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 28 avril 2004, vers 23h30, dans une rue de Montpellier animée à cette<br />

heure-là, une patrouille de police est intervenue pour séparer deux hommes<br />

qui échangeaient des coups. L’un d’eux, qui saignait à la suite de violences<br />

qu’il avait subies, voulait continuer à se battre. <strong>Le</strong>s fonctionnaires de police,<br />

pour l’en empêcher, durent s’assurer de sa personne et le maintenir au sol.<br />

Un attroupement se forma. M. B.P., professeur de lettres, qui ignorait l’origine<br />

des blessures de la personne au sol mais les imputait à des violences<br />

policières, s’adressa aux fonctionnaires, car il « n’acceptait pas que l’on<br />

traite un homme comme ça au pays de Montaigne et de Voltaire ». Il affirme<br />

n’avoir tenu que des propos courtois.<br />

<strong>Le</strong>s trois policiers présents affirment qu’il les a traités de « bande de fachos,<br />

vous n’êtes que des nazis, des S.S, des racistes antisémites. Tu es un<br />

inculte, retourne à l’école, tu es un facho ».<br />

M. B.P. fut alors appréhendé, menotté et placé au commissariat en garde à<br />

vue, mesure à l’occasion de laquelle il subit une fouille complète.<br />

Traduit devant le tribunal de Montpellier, M. B.P. fut relaxé le 31 août 2005,<br />

décision confirmée par la cour d’appel qui, au vu des dépositions des témoins<br />

faisant seulement état de « protestations énergiques emphatiques » de la<br />

part de M. B.P., a estimé « que s’il est possible que des insultes ont été<br />

proférées, rien ne permet d’en attribuer la paternité à M. B.P. ».<br />

AVIS<br />

- Cette affaire trouve son origine dans une double méprise. D’abord celle de<br />

M. B.P. sur l’origine des violences légitimes exercées par les policiers sur<br />

un homme déjà blessé et qui voulait continuer à se battre. Ensuite, selon la<br />

décision de la cour d’appel, celle des fonctionnaires qui ont imputé à M. B.P.<br />

des insultes pouvant avoir été proférées par d’autres. Son taux d’alcoolémie<br />

était de 0.34 mg/litre d’air expiré.<br />

- Une fois de plus, pour une affaire banale, une fouille de sécurité et un usage<br />

136


137<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

serré des menottes ayant laissé des traces constatées médicalement ont été<br />

pratiqués, contrairement aux instructions de la circulaire du 11 mars 2003.<br />

La garde à vue, commencée le 28 avril à 23h45, s’est terminée le lendemain<br />

à 11h30 alors que l’audition de l’intéressé et des policiers et les visites d’un<br />

médecin et d’un avocat étaient terminées à 3h35.<br />

- Sa relaxe intervenue doit entraîner la suppression des fichiers des données<br />

concernant M. B.P.<br />

A l’occasion des commentaires diffusés sur Internet, une procédure distincte<br />

a été ouverte. La Commission n’a pas compétence pour en connaître.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La preuve d’un manquement à la déontologie n’est pas <strong>rapport</strong>ée.<br />

Mais la Commission demande à M. le Ministre de l’Intérieur de veiller à<br />

ce que sa circulaire du 11 mars 2003 soit strictement respectée en ce qui<br />

concerne le menottage et la fouille de sécurité, et que la durée de la garde à<br />

vue n’excède pas le temps nécessaire aux investigations.<br />

Adopté le 10 juillet 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

138


139<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-32<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 18 mars 2005,<br />

par M. Serge BLISKO, député de Paris<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 18 mars<br />

2005, par M. Serge BLISKO, député de Paris, des conditions d’intervention<br />

des forces de police lors d’un concert organisé le 12 février 2005 par la<br />

Confédération nationale des travailleurs dans ses locaux à Paris, et plus<br />

particulièrement de l’interpellation, puis du placement en garde à vue de<br />

Mlle A.N.<br />

La Commission a pris connaissance des procédures concernant cette affaire,<br />

diligentées par le tribunal de grande instance de Paris.<br />

Elle a procédé aux auditions de Mlle A.N. et de M. J-M.G., lieutenant de<br />

police.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 12 février 2005, Mlle A.N., qui assistait avec une amie à un concert<br />

de la Confédération nationale des travailleurs (CNT), était passablement<br />

énervée suite à des désagréments provenant de deux jeunes hommes un<br />

peu trop« familiers ». Elle est sortie pour uriner en raison de l’encombrement<br />

des toilettes à l’intérieur. Dehors, elle a été agressée par trois jeunes. Elle a<br />

décidé, malgré sa peur, d’affronter l’un des trois garçons de ce groupe. Cette<br />

altercation est restée purement verbale, même si le ton était vif et agressif.<br />

140


141<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

C’est à ce moment-là que la police est intervenue et a procédé à l’arrestation<br />

de Mlle A.N., en utilisant la force, « faisant usage des GPTI » pour la<br />

maîtriser.<br />

Elle a ensuite été conduite au commissariat des Orteaux dans le 20 ème<br />

arrondissement et placée en garde à vue vers 23h00.<br />

Elle a eu la visite d’un avocat à 5h40, qui a rédigé des observations écrites<br />

faisant mention de la présence de « bleus » sur une grande partie du corps.<br />

À 8h00, elle a été conduite aux Unités de soins médico-judiciaires (UMJ). <strong>Le</strong><br />

médecin a constaté l’existence d’hématomes sur plusieurs parties du corps.<br />

Elle est restée en garde à vue jusqu’à 15h00, et a été entendue une seule<br />

fois vers 12h00.<br />

Elle est poursuivie pour outrage, rébellion et violence à l’égard des forces<br />

de l’ordre.<br />

Audition de Mlle A.N.<br />

Mlle A.N. nous a présenté des photographies prises après sa garde à vue,<br />

qui montrent des ecchymoses sur plusieurs parties du corps. Contrairement<br />

à ce qu’ont déclaré les policiers, elle affirme ne pas les avoir insultés et<br />

n’avoir frappé personne.<br />

Suite à l’incident avec les trois jeunes, elle était effectivement très énervée.<br />

Elle a reçu un coup sur la tête et ne savait pas qu’il s’agissait de policiers, ce<br />

qu’elle a compris par la suite.<br />

Ceux-ci sont arrivés à pied et ne se sont pas annoncés, ils lui ont sauté<br />

dessus et l’ont rouée de coups, la jetant au sol. Elle dit avoir subi un véritable<br />

lynchage, et ce pendant une vingtaine de minutes. Elle a été menottée et un<br />

des policiers lui aurait écrasé la figure au sol avec son genou, elle a hurlé<br />

et crié : « Au secours ! ». À ce moment-là, des personnes sont sorties de la<br />

salle de concert, mais sans incident.<br />

Elle a été conduite au commissariat, allongée à l’arrière de la voiture.<br />

L’homme assis à ses cotés lui a appuyé sur la tête avec son « tonfa » et lui<br />

a tordu les jambes, lui occasionnant de fortes douleurs. Elle précise qu’au<br />

cours du trajet, elle a été victime d’insultes du type : « Salope, sale pute ! »<br />

de la part des agents de police.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Puis elle a été mise en garde à vue et placée en cellule de dégrisement,<br />

alors qu’elle dit ne pas avoir été ivre et avoir demandé à plusieurs reprises<br />

un « alcootest », ce qui lui a été refusé.<br />

Elle précise que lors de son arrestation, elle n’avait pas ses « papiers » sur<br />

elle, et que ceux-ci ont été amenés par une de ses amies, ainsi qu’un pullover.<br />

Durant tout ce temps, les policiers l’ont laissée en tee-shirt malgré le fait qu’il<br />

faisait très froid et qu’elle grelottait ; lorsque elle était aux UJM, une infirmière<br />

est allée lui chercher un blouson, la voyant frigorifiée. <strong>Le</strong>s agents de police<br />

n’ont même pas attendu son retour, malgré la demande de l’infirmière. Sur le<br />

chemin du retour, ils se sont moqués d’elle car elle avait froid.<br />

Mlle A.N. a été remise en liberté vers 15h00.<br />

Audition de M. J-M.G.<br />

M. J-M.G. déclare être lieutenant de police affecté à l’époque au commissariat<br />

du 20 ème arrondissement.<br />

Il était en patrouille avec un équipage au environ de 22h00, lorsqu’il a aperçu<br />

une altercation entre la jeune fille et un jeune homme. Devant la véhémence<br />

de l’altercation, il décide d’intervenir pour séparer les protagonistes. A ce<br />

moment-là, il ne savait pas qu’il y avait un concert de la CNT. La jeune fille<br />

était hostile et véhémente et lorsqu’elle s’est approchée de son visage, il a<br />

senti l’odeur de l’alcool, il a voulu la repousser en appuyant sa main sur le haut<br />

de la poitrine de la jeune fille et c’est à ce moment que tout a commencé.<br />

La jeune fille est devenue brusquement très agressive et lui a porté des coups<br />

en se jetant sur lui et l’invectivant. Il a aussitôt donné l’ordre de l’interpeller<br />

et au moment où sa collègue s’est approchée de Mlle A.N., celle-ci, en se<br />

débattant, lui a porté un coup, la blessant au passage à l’épaule. C’est à ce<br />

moment qu’il entreprit de la mettre au sol en utilisant les techniques GPTI<br />

pour la bloquer, et a mis ses genoux de chaque coté des bras. Malgré son<br />

poids, Mlle A.N. s’est mise à tourner au sol, en s’aidant de ses jambes, ce<br />

qui, selon lui, expliquerait les hématomes.<br />

Il porte à notre connaissance qu’un attroupement s’est rapidement mis en<br />

place et qu’il s’agissait de personnes hostiles, mais pas agressives : « Nous<br />

avons dû faire appel à des renforts devant leur volonté de nous empêcher de<br />

procéder à l’arrestation ».<br />

142


143<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

À ce moment-là, un autre équipage a pris en charge Mlle A.N., et le premier<br />

a conduit une collègue blessée aux UMJ.<br />

Il nous précise qu’il ne s’est pas signalé en tant que police nationale car il<br />

était en tenue.<br />

Il précise qu’aucun de ses hommes n’a porté de coup et n’a mis en danger<br />

l’intégrité physique de Mlle A.N. : « L’interpellation était, entre guillemets,<br />

« musclée », en raison du comportement de Mlle A.N. ».<br />

À son retour au commissariat vers 5h00 du matin, il s’est inquiété de la tenue<br />

vestimentaire de Mlle A.N., et un planton lui a répondu qu’une couverture lui<br />

avait été donnée.<br />

AVIS<br />

La Commission a constaté que lors de ces différents transferts, Mlle A.N. a<br />

été laissée avec un simple tee-shirt, et ce malgré le froid.<br />

Il est établi, au regard de la situation, que Mlle A.N. était déjà très énervée<br />

ce soir-là, et que le geste sur sa poitrine a certainement été un des éléments<br />

ayant aggravé son agressivité.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission recommande que la force strictement nécessaire soit<br />

appliquée lors de la neutralisation d’une personne agitée.<br />

Elle rappelle que la dignité des personnes en garde à vue implique qu’elle<br />

bénéficie d’une tenue décente et adaptée aux conditions climatiques.<br />

Adopté le 10 juillet 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

144


145<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-39<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 11 avril 2005,<br />

par M. Patrick BRAOUEZEC, député de Seine-Saint-Denis<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 11<br />

avril 2005, par M. Patrick BRAOUEZEC, député de la Seine-Saint-Denis, de<br />

faits qui se sont produits le 29 janvier 2005 au sein du commissariat de Saint-<br />

Denis, où M. A.S.C. et son épouse déclarent avoir été victimes d’humiliations<br />

et de violences.<br />

Ils ont été placés en garde à vue pour violences sur personnes dépositaires de<br />

l’autorité publique, du 29 janvier 2005 à 14h45 au 30 janvier 2005 à 18h45.<br />

<strong>Le</strong>s époux S.C. ont déposé plainte contre X pour violences volontaires auprès<br />

de l’IGS le 2 février 2005.<br />

M. A.S.C. a été condamné le 21 février 2005 à 5 mois d’emprisonnement<br />

avec sursis, au versement de 150 € pour le pretium doloris et 150 € au titre<br />

de l’article 475-1 du Code de procédure pénale au fonctionnaire de police A.<br />

J., et Mme S.C. à 5 mois d’emprisonnement avec sursis, au versement de<br />

150 € pour le pretium doloris et 150 € au titre de l’article 475-1 du Code de<br />

procédure pénale au fonctionnaire M.C. Ils ont fait appel de ce jugement le<br />

2 mars 2005.<br />

La Commission a pris connaissance de la procédure.<br />

Elle a procédé aux auditions de M. A.S.C. et de son épouse. Elle a entendu le<br />

fonctionnaire de police S.G. et une adjointe de sécurité S.S.<br />

146


LES FAITS<br />

147<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

<strong>Le</strong> 29 janvier 2005, vers 14h30, Mme M.S.C. se présentait à l’accueil du<br />

commissariat, très inquiète, ayant appris que son fils âgé de 19 ans, sorti de<br />

prison depuis peu, venait d’être interpellé.<br />

Selon Mlle S.S., adjointe de sécurité en poste à l’accueil, Mme M.S.C.,<br />

très excitée, criait : « Il n’a rien fait ! », et n’écoutait pas ce qu’elle lui disait,<br />

précisant : « J’avais du mal à la comprendre car elle ne parlait pas assez<br />

bien le français ».<br />

Mlle S.S. a expliqué à la Commission qu’elle ne pouvait pas répondre aux<br />

questions de Mme M.S.C., car elle n’était pas informée obligatoirement de<br />

l’identité des personnes placées en garde à vue et qu’il lui fallait d’abord aller<br />

se renseigner auprès du chef de poste. Ce qu’elle a fait. <strong>Le</strong> gardien de la<br />

paix S.G. lui a confirmé la présence du fils de Mme M.S.C. et précisé qu’il<br />

était majeur. Mlle S.S., revenue à son poste, a dit à Mme M.S.C. « que son<br />

fils était majeur ». Mme M.S.C. a demandé alors si elle pouvait lui apporter à<br />

manger. Mlle S.S. a répondu que des repas étaient servis pendant la garde<br />

à vue. Mme M.S.C. ne s’est pas calmée. Son mari étant arrivé entre-temps,<br />

énervé lui aussi, est passé sans prévenir de l’autre côté du comptoir de<br />

l’accueil et a franchi la porte du poste en criant : « Je vais relâcher mon fils,<br />

il n’a rien fait ».<br />

De son côté, le chef de poste, M. S.G., relate qu’étant avec le fils S.C.,<br />

menotté dans son bureau, il a vu « à la caméra vidéo de l’accueil » arriver<br />

deux personnes qui criaient que leur fils n’avait rien fait. « Il y avait une<br />

adjointe de sécurité qui s’est vite retrouvée en difficulté ; j’ai compris qu’il<br />

s’agissait des parents du jeune S.C. ». « M. A.S.C. voulait que son fils soit<br />

libéré ».<br />

Il a vu M. A.S.C. qui repoussait brutalement l’adjointe de sécurité. Alors que<br />

lui-même se dirigeait vers la porte, M. A.S.C. l’a ouverte. M. S.G. lui a dit<br />

que l’OPJ lui expliquerait pourquoi son fils avait été interpellé. M. A.S.C. ne<br />

l’écoutait pas et l’a poussé pour s’approcher de son fils. Son épouse était<br />

derrière lui, en retrait. Puis M. A.S.C. a donné un coup de poing au visage<br />

de M. S.G., après lui avoir poussé la main. Il a titubé. « J’avais le menton<br />

en sang », a déclaré M. S.G. Comme M. A.S.C. revenait vers lui, il l’a saisi<br />

et l’a amené au sol. M. S.G. a appelé à l’aide des collègues se trouvant à<br />

proximité. Ceux-ci, M. C.M. et M. J.A., ont été blessés par un coup de coude<br />

et des coups de pieds de M. A.S.C.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

<strong>Le</strong> chef de poste s’est ensuite rendu aux lavabos pour se nettoyer le visage et<br />

n’a pas vu ce qui se passait avec Mme M.S.C.<br />

<strong>Le</strong>s déclarations de M. et Mme S.C. divergent de celles de l’adjointe de<br />

sécurité et du chef de poste.<br />

Mme M.S.C. déclare qu’elle « n’était pas énervée au début ». Elle avait<br />

demandé à la fonctionnaire de police à l’accueil ce qui se passait avec son<br />

fils, et il lui avait été répondu : « Je ne peux pas vous renseigner, je ne parle<br />

pas avec vous ». À l’arrivée de son mari, ce dernier demandait lui aussi des<br />

explications, en vain, et exigeait alors de voir un gradé.<br />

M. A.S.C. reconnaît s’être dirigé vers le poste. Selon lui, un fonctionnaire<br />

de police est sorti du bureau et sur le seuil l’a immédiatement attrapé, lui a<br />

rabattu son manteau sur la tête. Il s’est retrouvé au sol. D’autres policiers<br />

sont arrivés, il ne voyait plus rien. Une menotte lui a été passée à la main<br />

droite. Quelqu’un a tiré sur la chaîne à plusieurs reprises. Il a été blessé<br />

au poignet. M. A.S.C. dit avoir reçu aussi des coups de pied et de poing.<br />

« J’étais sonné ». Il n’a pas vu ce qui s’est passé pour son épouse.<br />

Cette version est entièrement contestée par les fonctionnaires de police qui<br />

sont intervenus.<br />

Selon Mlle S.S., l’adjointe de sécurité, M. A.S.C. a bien franchi la porte du<br />

poste alors qu’elle lui criait que c’était interdit. Mme M.S.C., sur les pas de<br />

son mari, l’a poussée contre le mur. Elle précise cependant qu’elle n’a pas vu<br />

ce qui s’est passé entre son collègue et M. A.S.C. Elle-même était aux prises<br />

avec Mme M.S.C. Deux collègues sont venus l’aider, Mme I.M., gardien de la<br />

paix, et M. J.A., qui a reçu un coup de poing de Mme M.S.C. Selon l’adjointe<br />

de sécurité Mlle S.S., Mme M.S.C. n’a pas été mise à terre. Elle « a été<br />

maîtrisée contre le mur du comptoir du poste par M. J.A. ».<br />

Cette affirmation de l’adjointe de sécurité est démentie par les procèsverbaux<br />

de police des auditions des fonctionnaires de police I.M. et C.M. Ils<br />

établissent que Mme M.S.C. s’est effectivement retrouvée au sol. De même,<br />

le gardien de la paix J.A. y relate qu’après avoir reçu un coup de poing de<br />

Mme M.S.C. au niveau de la lèvre inférieure, « dans la foulée, j’ai effectué<br />

une clef de bras en l’amenant au sol avec l’aide du gardien de la paix Mo.,<br />

qui, à l’issue, l’a menottée avec mon aide ». « Je l’ai maintenue au sol, avec<br />

l’aide du gardien de la paix I.M. qui lui tenait les jambes ». La Commission<br />

relève dans les procès-verbaux de police qu’un autre fonctionnaire de police,<br />

148


M. Mo., est intervenu sur Mme M.S.C.<br />

149<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Mme M.S.C. conteste que son mari soit entré le premier dans le bureau du<br />

chef de poste Selon elle, il a suivi l’adjointe de sécurité dans la pièce. Ellemême<br />

se trouvait derrière son mari. <strong>Le</strong>ur fils était avec un fonctionnaire de<br />

police qui, sans rien lui demander, a attrapé son mari par le manteau et l’a<br />

secoué. Elle a crié de le lâcher. Très vite, d’autres policiers sont arrivés et<br />

ont saisi son mari.<br />

Parmi les fonctionnaires de police qui sont intervenus sur elle, elle dit avoir<br />

reconnu un policier qui était venu à plusieurs reprises à son domicile pour<br />

son fils, et qui s’appelle « Bruno ». Ce policier l’a attrapée, mise au sol et<br />

menottée. « Il appuyait avec son genou sur ma colonne vertébrale, il y avait<br />

aussi deux femmes policiers, dont celle de l’accueil, qui me tenaient l’une la<br />

tête, l’autre les pieds ». Son fils la voyant au sol a crié : « Lâchez-la ! Lâchezla<br />

! », et ce même policier,« Bruno », lui a crié en retour : « Je vais te baiser,<br />

je vais te baiser ta mère ! ». S’en est suivi un échange vif entre Mme M.<br />

S.C. et ce fonctionnaire. Elle conteste avoir donné des coups ou injurié les<br />

policiers.<br />

Un peu plus tard, il a été trouvé lors de la palpation de sécurité sur Mme M.<br />

S.C. un couteau repliable, dont elle a déclaré aux policiers qu’il lui servait à<br />

jardiner le week-end.<br />

La Commission a examiné les certificats médicaux établis par différents<br />

services des urgences médico-judiciaires (UMJ).<br />

<strong>Le</strong>s UMJ du Val d’Oise ont relevé le 29 janvier pour le gardien de la paix C.<br />

M. : « Hématome en formation de la pommette droite sur 3,5 cm, contusions<br />

légèrement érythémateuses de 3,5 cm de diamètre sur la jambe droite ».<br />

L’incapacité totale de travail (ITT) a été fixée à 0 jour.<br />

Pour le gardien de la paix J.A. : « Hématome infra-centimétrique au niveau<br />

de la lèvre inférieure ». ITT : 0 jour.<br />

Pour la fonctionnaire de police I.M. et l’adjointe de sécurité S.S. : ITT : 0<br />

jour.<br />

Pour le chef de poste S.G., il est relevé : « Tuméfaction de 3 cm au niveau<br />

de la fossette, une excoriation cutanée superficielle en coup d’ongle de 1 cm<br />

environ ». ITT : 0 jour.<br />

<strong>Le</strong>s époux S.C. ont été examinés le même jour par les UMJ du Val d’Oise,<br />

dans le cadre d’une réquisition pour avis de compatibilité à la garde à vue.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

L’ITT a été fixée pour M. A.S.C. et Mme M.S.C. à 0 jour. Il n’a pas été fait de<br />

constat. Dans la nuit, M. A.S.C. a été conduit aux UMJ Jean Verdier de Bondy<br />

pour une radiographie de la main droite qui n’a pas révélé de fracture.<br />

<strong>Le</strong> 2 février, un médecin des UMJ de l’Hôtel Dieu constatait, concernant M. A.<br />

S.C. : « Contusions du membre supérieur droit avec œdème au niveau du<br />

poignet droit et excoriations, contusion du rachis cervical et dorso-lombaire »,<br />

et fixait l’ITT à 3 jours.<br />

Pour Mme M.S.C. : « Érosions cutanées superficielles des deux poignets,<br />

plaie superficielle du genou. ITT inf. à 5 j. ».<br />

AVIS<br />

<strong>Le</strong>s époux S.C., mus par l’angoisse et la colère suite à l’interpellation de<br />

leur fils, semble-t-il, n’ont pas respecté l’interdiction faite au public d’accéder<br />

sans autorisation aux bureaux des personnels de police. Il s’en est suivi un<br />

usage de la force de la part de plusieurs fonctionnaires de police.<br />

La Commission n’a pu examiner la plainte de Mme M.S.C. concernant les<br />

injures à « perspective sexuelle » qui lui auraient été assénées, du fait de<br />

l’impossibilité d’identifier le fonctionnaire de police cité dans son témoignage.<br />

La Commission a demandé au commissaire de police de Saint-Denis de<br />

bien vouloir lui indiquer si, parmi les fonctionnaires de police présents au<br />

commissariat au moment des faits, il y en avait un portant le prénom ou le<br />

nom de « Bruno ». Il lui a été répondu par la négative.<br />

La Commission relève par ailleurs que Mme M.S.C. avait reconnu lors d’une<br />

audition de police avoir injurié ces fonctionnaires : « Un des policiers m’a dit :<br />

« Je vais te baiser »… Je me suis énervée et j’ai dit à tout le monde d’aller<br />

baiser leur mère ».<br />

La Commission prend acte des condamnations de M. et Mme S.C. pour<br />

violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique. Elle relève que<br />

la cour d’appel de Paris, qui a rejugé l’affaire sur le fond le 28 février 2006,<br />

a allégé les peines prononcées à l’encontre des époux S.C., ramenant de 5<br />

mois à 3 mois l’emprisonnement avec sursis, et débouté les gardiens de la<br />

paix C.M. et J.A. de leurs demandes au titre de l’article 475-1 du Code de<br />

procédure pénale.<br />

150


151<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Une particulière attention doit être portée sur le poste d’accueil dans un<br />

commissariat qui assume le premier contact entre la population et l’institution<br />

policière. <strong>Le</strong> public qui y est reçu manifeste souvent de l’angoisse, du stress,<br />

voire de l’agressivité. Il requiert donc du sang-froid, de l’assurance, de<br />

l’expérience (cf. avis 2002-33 du 6 février 2003).<br />

DÉCISION<br />

La preuve d’un manquement à la déontologie n’est pas <strong>rapport</strong>ée. <strong>Le</strong>s<br />

mesures à prendre, sur le plan matériel et en personnel sur le plan de<br />

l’accueil, sont de la compétence de l’autorité de police.<br />

Adopté le 5 avril 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

152


153<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-43<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 17 mai 2005,<br />

par M. Christian MÉNARD, député du Finistère<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 17<br />

mai 2005, par M. Christian MENARD, député du Finistère, des conditions<br />

dans lesquelles a été effectuée le contrôle d’un automobiliste M. L.M.M., à<br />

Quimper, le 30 janvier 2005.<br />

La Commission a pris connaissance de la procédure. Elle a procédé à<br />

l’audition de M. L.M.M.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 30 janvier 2005 à 23h40, M. L.M.M. a été contrôlé par MM. Y.L. et<br />

J.R., fonctionnaires de police, alors qu’il circulait boulevard de Kerguelen<br />

à Quimper. La plaque numérologique arrière de son véhicule, couverte de<br />

boue, était illisible. Il refusa de présenter les pièces de l’automobile. Il était,<br />

selon les gardiens de la paix, énervé et arrogant. Ils voulurent procéder à un<br />

contrôle d’alcoolémie mais ne disposant pas d’un appareil, ils le conduisirent<br />

à cette fin au commissariat. <strong>Le</strong> contrôle pratiqué se révéla négatif. Il fut placé<br />

en garde à vue pour outrages le 31 janvier à 0h10 et libéré le même jour à<br />

12h20.<br />

Selon les enquêteurs, les outrages auraient commencé sur le lieu du contrôle<br />

et se seraient poursuivis au commissariat. Il est cependant à noter que dans<br />

le procès-verbal de constatation, le seul motif de conduite au commissariat<br />

était un contrôle d’alcoolémie.<br />

M. L.M.M. a reconnu, devant la Commission, avoir tenu, mais seulement<br />

au commissariat, « un certain nombre de propos » pour lesquels il a été<br />

condamné par défaut le 7 décembre 2005 à trois mois d’emprisonnement et<br />

154


155<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

deux ans de privation des droits. Il a fait opposition à ce jugement.<br />

Entre-temps, M. L.M.M. a été relaxé par le tribunal de Quimper pour une autre<br />

affaire d’outrages à militaire de la gendarmerie, commis le 5 décembre 2005.<br />

Cette décision était motivée au vu d’un <strong>rapport</strong> d’expertise psychiatrique,<br />

selon lequel l’intéressé « présentait au moment des faits, un trouble<br />

psychique aigu sévère de nature à abolir son discernement et le contrôle de<br />

ses actes ». Cette expertise sera jointe au premier dossier.<br />

AVIS<br />

L’absence d’appareil de contrôle d’alcoolémie dans les véhicules de<br />

patrouille a pour conséquence la conduite au commissariat, dans des<br />

conditions contestables et pour ce seul motif, d’une personne à laquelle il<br />

n’est pas évident, au vu de la procédure, qu’on lui ait à ce moment reproché<br />

un outrage.<br />

L’état de M. L.M.M., constaté ultérieurement, peut expliquer son attitude<br />

lors du contrôle. Rien ne permet de mettre en cause le comportement des<br />

fonctionnaires intervenants.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission rappelle que la conduite sous contrainte dans un commissariat<br />

doit être justifiée par l’apparence d’une infraction que la procédure doit viser<br />

sans équivoque.<br />

L’absence d’appareil de contrôle de l’alcoolémie sur place, ne peut, à elle<br />

seule, justifier une telle conduite.<br />

Adopté le 10 juillet 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

156


157<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-45<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 19 mai 2005,<br />

par M. Gérard BAPT, député de Haute-Garonne<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 19<br />

mai 2005, par M. Gérard BAPT, député de Haute-Garonne, des conditions du<br />

déroulement de la garde à vue de M. N.C. à Toulouse, le 10 février 2005.<br />

La Commission a pris connaissance de la procédure et a procédé à l’audition<br />

de M. N.C.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 10 février 2005 à 0h40, M. N.C. fut contrôlé par une patrouille de police,<br />

alors qu’il conduisait une automobile qui zigzaguait sur la chaussée. <strong>Le</strong>s<br />

fonctionnaires de police, ne disposant pas d’un alcootest, le conduisirent<br />

au commissariat central de Toulouse, où un contrôle révéla à 1h05 un taux<br />

de 0,62 mg/L. Il a été condamné pour ce fait, qu’il ne conteste pas, par<br />

ordonnance pénale du 26 avril 2005, à une amende de 200 € et à deux mois<br />

de suspension de son permis de conduire. Il a en outre payé une amende<br />

pour non présentation de carte grise.<br />

M. N.C. fut placé en cellule de dégrisement et placé en garde à vue à partir<br />

de 0h45, mesure qui lui fut notifiée à 6h45, pour prendre fin à 10h40.<br />

Au cours de la nuit, M. N.C. demanda à boire mais, n’obtenant pas de<br />

réponse, il porta des coups contre la porte de sa cellule. Il dit avoir alors<br />

entendu proférer des insultes à son égard, ce contre quoi il protesta. La porte<br />

fut alors ouverte et le gardien A.H. lui porta des coups.<br />

Examiné le 11 février par le service de médecine légale, M. N.C. présentait<br />

l’éventualité d’une incapacité permanente partielle sous forme de déficit<br />

158


159<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

auditif. Il présentait en outre une perforation de chaque tympan relevée<br />

par ORL, de multiples contusions du cuir chevelu, des ecchymoses de la<br />

paupière et de l’épaule gauche.<br />

Par jugement du tribunal de Toulouse du 10 mai 2006, M. A.H. a été<br />

condamné à dix mois d’emprisonnement avec sursis pour violence par<br />

personne dépositaire de l’autorité publique. L’intéressé a relevé appel de<br />

cette décision.<br />

<strong>Le</strong> tribunal précise dans son jugement que le « supplément d’information<br />

confié à l’IGPN va apporter la preuve que les quatre policiers (présents sur<br />

place) s’étaient mis d’accord sur une version selon laquelle « il ne s’était rien<br />

passé cette nuit-là ».<br />

AVIS<br />

La Commission constate, une fois de plus, que l’absence de matériel ne<br />

permet pas des contrôles d’alcoolémie sur place.<br />

Elle déplore surtout qu’un fonctionnaire de police se soit livré à des violences<br />

attestées par jugement au vu d’une enquête de police, et que trois de ses<br />

collègues aient tenté, par de fausses dépositions, de tromper leur hiérarchie<br />

et la justice.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission recommande à M. le Ministre de l’Intérieur d’engager<br />

des poursuites disciplinaires contre tous les fonctionnaires mis en cause,<br />

en raison tant des violences exercées que des accords intervenus pour<br />

dissimuler les faits.<br />

Adopté le 10 juillet 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

160


161<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

162


Saisine n°2005-46<br />

163<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS & RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 18 mai 2005,<br />

par M. Noël MAMÈRE, député de la Gironde<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 18<br />

mai 2005, par M. Noël MAMÈRE, député de la Gironde, des conditions<br />

d’interpellation et de conduite au commissariat de Champigny de M. T.J., à<br />

la suite d’un contrôle routier.<br />

Elle a procédé aux auditions de M. J.T., des gardiens de la paix mis en cause,<br />

de l’officier de police judiciaire de quart de nuit et de l’officier de police<br />

judiciaire de service le lendemain matin.<br />

Elle a pris connaissance de la procédure établie par l’Inspection générale<br />

des services.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 19 janvier 2005, à Champigny, M. T.J. fut contrôlé par des gardiens de la<br />

paix du commissariat, qui avaient constaté qu’il téléphonait en conduisant<br />

sa voiture. <strong>Le</strong>s policiers lui firent signe de s’arrêter. M. S.L., chef de bord, et<br />

M. G.C. se rendirent à sa hauteur, M. P.F. se plaça en protection et Mlle M.F.<br />

demeura à l’arrière du véhicule de police pour rédiger la contravention.<br />

L’échange avec l’intéressé s’étant envenimé, et celui-ci, selon les policiers,<br />

ayant refusé de présenter son permis de conduire et les documents afférents<br />

à son véhicule, et ayant proféré des injures à leur encontre, M. S.L. le tira,<br />

par le bras gauche, hors de sa voiture. M. T.J. tenta de se dégager, M. S.L.<br />

lui fit une clé à ce bras, l’entraîna à l’arrière, puis l’amena au sol et lui passa<br />

les menottes, aidé par M. G.C.<br />

M. T.J. fut ensuite conduit au commissariat et cinq contraventions furent<br />

retenues à son encontre. Il y fut gardé pendant deux heures environ,


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

menotté dans le dos. Joint par téléphone, M. S., brigadier et officier de police<br />

judiciaire de quart de nuit, donna pour instruction aux gardiens de la paix de<br />

transmettre un <strong>rapport</strong> à l’officier du ministère public. Il ne plaça pas M. T.J.<br />

en garde à vue et le fit remettre en liberté.<br />

Souffrant du bras gauche, M. T.J., qui s’était présenté le soir même au<br />

commissariat de Chennevrières pour y porter plainte contre les gardiens de<br />

la paix, fut éconduit. Il reçut ensuite des soins au service des urgences. Après<br />

deux arrêts de travail, une arthrographie et un scanner de l’épaule gauche<br />

furent réalisés le 27 janvier : ils révélèrent l’existence d’une fissuration du<br />

bourrelet glénoïdien antérieur. Cette blessure nécessita une intervention<br />

chirurgicale réalisée le 15 mars 2005. À la suite de cette intervention, M. T.J.<br />

ne put reprendre son travail que le 12 juin.<br />

<strong>Le</strong> certificat médical établi le 19 janvier 2005 faisait état de l’existence<br />

d’oedèmes des deux mains, de traces circulaires des deux poignets, d’un<br />

hématome avec excoriation sous la paupière inférieure droite, d’une lésion<br />

de la clavicule gauche avec impotence fonctionnelle de l’épaule gauche.<br />

M. T.J. porta plainte auprès du procureur de la République. Sa plainte fut<br />

classée sans suite après que l’IGS eut procédé à une enquête. Il porta<br />

alors plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges<br />

d’instruction.<br />

<strong>Le</strong> 8 septembre 2004, M. T.J. avait déjà été conduit dans ce commissariat<br />

à la suite d’une altercation avec des policiers, qui, selon lui, ne présentaient<br />

aucun signe extérieur de leur fonction et circulaient à bord d’un véhicule<br />

banalisé. Aucune procédure n’avait non plus été établie et il avait été<br />

maintenu pendant une heure dans les locaux de police. Il avait également<br />

porté plainte. Il avait été informé, après les faits du 19 janvier 2005, que sa<br />

plainte avait été classée sans suite.<br />

À la suite de l’interpellation du 19 janvier 2005, conformément aux instructions<br />

reçues de l’officier de police judiciaire, M. S.L. transmit un <strong>rapport</strong> au<br />

procureur de la République. Aux termes de ce <strong>rapport</strong>, M. T.J. aurait refusé<br />

de présenter les pièces afférentes à la conduite et à la circulation de son<br />

véhicule, et s’étant adressé aux policiers, il leur aurait dit : « Me faites<br />

pas chier, vous êtes des branleurs, et c’est pas parce que vous portez un<br />

uniforme que vous devez vous la raconter ». Selon ce même <strong>rapport</strong>, M. S.,<br />

officier de police judiciaire de quart de nuit, joint téléphoniquement, les aurait<br />

164


165<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

« invités » à ne pas relever l’outrage. De manière quelque peu contradictoire,<br />

le rédacteur du <strong>rapport</strong> exposait que, après que l’officier de police judiciaire<br />

eut été joint, M. T.J., qui avait décliné son identité, avait persisté dans son<br />

refus de présenter les pièces administratives qui lui étaient demandées et<br />

n’avait consenti à le faire qu’à 20h15.<br />

Au cours de son audition réalisée par un fonctionnaire de l’IGS le 16 mars<br />

2005, M. S.L. signala qu’en plus du <strong>rapport</strong> qui lui avait été demandé, il avait<br />

également rédigé un « procès-verbal de saisine ». Invité à transmettre cette<br />

pièce, il le fit le lendemain par télécopie.<br />

<strong>Le</strong> document ainsi communiqué présentait des anomalies qui n’ont pas été<br />

relevées par le fonctionnaire de l’IGS. Signé par M. S.L. et un autre gardien<br />

de la paix, aucune mention de son enregistrement au commissariat n’y<br />

figurait. La mention de transmission par le chef de service n’avait été ni datée<br />

ni signée, un paraphe avait cependant été apposé dans la case réservée au<br />

parquet. Une erreur avait été commise sur la date, le document ayant été<br />

daté du 9 janvier, et non du 19 janvier.<br />

<strong>Le</strong> rédacteur du procès-verbal y transcrivait les mêmes injures que celles<br />

dont il avait fait état dans son <strong>rapport</strong>. Il indiquait que l’officier de police<br />

judiciaire, avisé des faits, avait demandé de « rédiger un <strong>rapport</strong> ». Aucune<br />

autre précision n’était indiquée sur les instructions qu’il avait pu donner.<br />

Concernant les conséquences corporelles des gestes employés pour<br />

interpeller M. T.J., il exposait avoir remarqué, après cette interpellation, qu’il<br />

présentait « une trace rouge superficielle au niveau de l’arcade sourcilière<br />

droite ».<br />

<strong>Le</strong> commandant qui a procédé à l’enquête de l’IGS a conclu : « La plainte de<br />

monsieur J. ne paraît pas fondée car les policiers semblent avoir employé<br />

la force de manière légitime pour l’extraire de son véhicule. Il est à noter<br />

qu’aucun coup ne lui a été porté et que s’il a été blessé au cours de son<br />

interpellation, cela n’a pu se faire que de manière accidentelle. Si aucune<br />

faute ne peut être reprochée aux fonctionnaires qui sont intervenus, on ne<br />

peut que regretter que pour des convenances personnelles ils se soient<br />

montrés cléments en établissant seulement des contraventions ».<br />

<strong>Le</strong>s gardiens de la paix avaient en effet expliqué au cours de leurs auditions<br />

qu’ils avaient décidé de ne pas porter plainte – ce qui expliquait selon eux<br />

qu’aucune procédure n’ait été établie –, pour permettre à l’un d’eux, qui avait


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

demandé à bénéficier d’un « départ avancé », de quitter le service à l’heure<br />

prévue, ce qu’il n’aurait pu faire s’il avait dû attendre l’arrivée de l’officier de<br />

police judiciaire.<br />

<strong>Le</strong> rédacteur du <strong>rapport</strong> de synthèse de l’Inspection générale des services<br />

imputait cette anomalie à M. S., officier de police judiciaire. Il écrivait à ce<br />

propos : « <strong>Le</strong> brigadier S., avisé régulièrement de l’usage de la force par les<br />

fonctionnaires intervenants dans un cadre délictuel (refus de se soumettre et<br />

rébellion), n’a pas diligenté de procédure. <strong>Le</strong> parquet n’a donc pas été avisé<br />

des faits ».<br />

Entendu par la Commission, M. T.J. a contesté avoir refusé de présenter son<br />

permis de conduire et les autres pièces qui lui étaient demandées. Il a nié<br />

avoir insulté les policiers. Il a expliqué qu’après qu’il eut remis son permis de<br />

conduire et alors qu’il cherchait sa carte grise et son attestation d’assurance<br />

« en grommelant », le policier avait brusquement ouvert la portière, l’avait<br />

attrapé par ses vêtements à hauteur du cou, et l’avait tiré en dehors du<br />

véhicule. Il a précisé que son bras était resté coincé dans la ceinture de<br />

sécurité qu’il avait seulement déverrouillée, et qu’il avait entendu son épaule<br />

craquer. Il a également indiqué que, s’étant retrouvé à plat ventre derrière la<br />

voiture, l’un des gardiens de la paix lui avait « marché » sur la tête.<br />

<strong>Le</strong>s gardiens de la paix ont déclaré que M. T.J. avait refusé de présenter son<br />

permis de conduire, sa carte grise et son attestation d’assurance, et qu’il les<br />

avait traités de « branleurs ». M. S.L. a expliqué qu’il l’avait informé qu’il allait<br />

l’emmener au commissariat, qu’il avait ouvert la portière et qu’il l’avait tiré<br />

par le bras gauche. Il a indiqué que M. T.J. s’étant rebellé, il l’avait tiré vers<br />

l’arrière de la voiture en lui faisant une clé au bras et qu’il l’avait amené au<br />

sol, où il avait été menotté. <strong>Le</strong>s policiers ont contesté que l’un d’eux ait mis<br />

un pied sur sa tête.<br />

Au cours de leurs auditions, les gardiens de la paix ont tenté de justifier<br />

de manière contradictoire qu’ils aient décidé de ne pas porter plainte pour<br />

le délit d’outrage, ce qui, selon eux, aurait expliqué que l’officier de police<br />

judiciaire ait décidé de ne pas établir de procédure pour cette infraction.<br />

M. S.L. avait, selon lui, compris que l’intéressé était énervé à la suite de<br />

l’appel téléphonique qu’il venait de recevoir, et il avait jugé suffisant de retenir<br />

cinq contraventions. M. G.C. avait estimé que l’insulte proférée était plutôt<br />

« gentillette » par <strong>rapport</strong> à ce qu’il avait l’habitude d’entendre dans l’exercice<br />

166


167<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

de ses fonctions. M. P.F., qui avait demandé son « départ avancé », avait,<br />

quant à lui, craint d’être retardé.<br />

Questionné à propos du « procès-verbal de saisine » transmis par télécopie<br />

à l’IGS, M. S.L. a déclaré qu’il l’avait établi le soir même de l’interpellation,<br />

sans que l’officier de police judiciaire lui ait ordonné de le faire, « pour se<br />

couvrir ».<br />

Il a précisé qu’il l’avait ensuite déposé dans la corbeille prévue à cet effet. Il<br />

a expliqué qu’après son audition par ce service, il s’était rendu aux archives<br />

du commissariat, où il avait eu la surprise d’apprendre que le procès-verbal<br />

n’avait pas été enregistré. Il a relaté qu’il avait alors tiré un autre exemplaire<br />

de l’informatique pour le transmettre à l’Inspection générale des services, ce<br />

qui supposerait qu’il ait signé à ce moment le document transmis et commis<br />

un faux. Interpellé à propos de cette contradiction, il a déclaré qu’il était<br />

possible qu’il se soit trompé et qu’il ait finalement retrouvé un exemplaire<br />

signé par son collègue, qu’il avait gardé en sa possession.<br />

Après avoir déclaré qu’à sa connaissance aucun « procès-verbal de saisine »<br />

n’avait été établi et qu’il n’avait pas signé un tel procès-verbal, M. G.C. a dû<br />

admettre que la seconde signature qui apparaissait sur la télécopie transmise<br />

à l’Inspection générale des services était bien la sienne. Il a cependant affirmé<br />

qu’il n’avait pu signer cette pièce que le soir même et que ce procès-verbal<br />

n’avait pu être établi qu’à la demande de l’OPJ.<br />

M. S., brigadier, officier de police judiciaire de quart de nuit, a déclaré n’avoir<br />

gardé aucun souvenir de cette affaire. Informé qu’il s’agissait du refus d’un<br />

automobiliste de se soumettre à un contrôle, il a expliqué que, dans un tel<br />

cas, si l’intéressé, conduit au commissariat, acceptait alors de présenter les<br />

documents qui lui étaient demandés, il ne le plaçait pas en garde à vue. Il<br />

a ajouté, concernant les personnes interpellées pour outrage, qu’il prenait<br />

toujours la décision de les placer en garde à vue, indépendamment du<br />

souhait des gardiens de la paix de porter plainte.<br />

Ayant pris connaissance du procès-verbal de saisine, il a précisé que, si les<br />

faits lui avaient été relatés de la manière qu’ils avaient été décrits dans ce<br />

procès-verbal, il aurait nécessairement pris la décision de placer l’intéressé<br />

en garde à vue. Il a été surpris qu’un tel procès-verbal ait pu être rédigé,<br />

alors qu’il avait été informé par une collègue du commissariat, avant son


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

audition par la Commission, qu’aucune procédure n’avait été établie pour<br />

cette affaire, laquelle avait seulement fait l’objet d’une main-courante.<br />

Il a également indiqué qu’il donnait pour instruction de rédiger un <strong>rapport</strong> et de<br />

le transmettre à l’officier du ministère public lorsque plusieurs contraventions<br />

étaient retenues.<br />

Mme V.D., capitaine de police, a confirmé qu’elle avait constaté, à la demande<br />

de M. S., que, pour cette affaire, une main-courante faisant état d’un contrôle<br />

avait été établie, et qu’aucune procédure n’avait été enregistrée.<br />

M. F.A., capitaine de police au commissariat de Champigny au moment<br />

des faits, officier de police judiciaire de service de jour, a précisé que tous<br />

les procès-verbaux établis au cours de la nuit étaient déposés en cinq<br />

exemplaires dans une corbeille et qu’ils étaient enregistrés au cours de la<br />

journée par le secrétariat. Il a indiqué que, selon les disponibilités de chacun,<br />

l’officier de police judiciaire de jour en prenait connaissance avant ou après<br />

le commissaire. Il n’a pu dire s’il était, à son sens, possible qu’un procèsverbal<br />

déposé dans la corbeille ne soit pas enregistré, et il a fait observer à<br />

ce propos qu’il n’était pas responsable de l’enregistrement. <strong>Le</strong> procès-verbal<br />

lui ayant été présenté, il a relevé que personne ne signait jamais dans la<br />

case réservée au parquet.<br />

Il a enfin signalé que M. S.L. était un très bon fonctionnaire de police, qui<br />

rédigeait correctement et intervenait courageusement en respectant le Code<br />

de déontologie et les techniques d’intervention.<br />

AVIS<br />

Cette saisine amène à poser la question de la légitimité de la rédaction,<br />

non contradictoire, d’un <strong>rapport</strong> ou d’un procès-verbal pour expliquer, après<br />

coup, la conduite par la force d’une personne au commissariat, lorsque cette<br />

conduite n’a pas été suivie d’un placement en garde à vue et que l’intéressé<br />

n’a pas été mis en mesure de s’expliquer sur les faits relatés par les gardiens<br />

de la paix.<br />

Une telle pratique, si elle était admise, permettrait de justifier a posteriori un<br />

usage illégal de la force publique.<br />

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169<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Elle amène également à poser la question de l’efficacité du contrôle des<br />

officiers de police judiciaire de quart de nuit, cette efficacité étant tributaire<br />

de la sincérité de l’information qui leur est donnée par téléphone.<br />

En l’espèce, il résulte des déclarations de l’officier de police judiciaire que<br />

l’information qui lui a été transmise oralement n’était pas celle qui a ensuite<br />

été relatée dans le <strong>rapport</strong> et dans le « procès-verbal de saisine ».<br />

La mention qui figure dans le <strong>rapport</strong> aux termes de laquelle, informé de<br />

ces faits, il aurait donné pour instruction de ne pas retenir l’outrage, est<br />

inexacte.<br />

<strong>Le</strong> « procès-verbal de saisine » a été établi dans des conditions suspectes, à<br />

la seule initiative de son rédacteur, pour lui permettre, selon son expression,<br />

« de se couvrir ». N’ayant été ni enregistré, ni transmis au procureur de la<br />

République, il n’a pu être rédigé et signé le 19 janvier 2005, la date qui y est<br />

apposée étant de plus erronée. <strong>Le</strong> paraphe qui figure dans la case réservée<br />

au parquet est tout aussi énigmatique.<br />

Ces éléments constituent autant d’indices que la télécopie transmise à<br />

l’Inspection générale des services ait été un faux constitué pour accréditer<br />

la version des gardiens de la paix des causes de l’interpellation et imputer à<br />

l’officier de police judiciaire la responsabilité que, malgré la gravité des faits<br />

relatés, elle n’ait pas eu de suite.<br />

Ces anomalies permettent de douter de la réalité des délits décrits par les<br />

gardiens de la paix et de la légalité de l’interpellation de M. T.J., suivie d’une<br />

retenue au commissariat, en dehors de tout cadre légal.<br />

DÉCISION<br />

La Commission estimant que ces faits laissent présumer la commission d’un<br />

faux en écriture publique, décide de transmettre le présent avis au procureur<br />

de la République près le tribunal de grande instance de Créteil.<br />

Adopté le 13 mars 2006


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :<br />

Conformément à l’article 8 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

cet avis au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de<br />

Créteil, dont la réponse a été la suivante :<br />

Suite à cette réponse, la CNDS a adressé au ministre de l’Intérieur le courrier<br />

suivant :<br />

170


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LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

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LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

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LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

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LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

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LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-48<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 23 mai 2005,<br />

par M. Jean-Pierre LE RIDANT, député de Loire-Atlantique<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 23<br />

mai 2005, par M. Jean-Pierre LE RIDANT, député de Loire-Atlantique, d’un<br />

incident survenu à La Baule le 31 décembre 2004, à la suite d’un contrôle<br />

routier.<br />

La Commission a obtenu copie de la procédure et entendu les époux O., ainsi<br />

que le brigadier S.T.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 31 décembre 2004 en fin de matinée, une patrouille automobile de police,<br />

composée de M. S.T. et de M. N.C., remarqua une voiture irrégulièrement<br />

stationnée à La Baule. Ils firent signe au conducteur qui était au volant de<br />

circuler, mais repassant quelques minutes plus tard, ils constatèrent qu’il<br />

n’en avait rien fait. Ils décidèrent de le verbaliser.<br />

Cette situation dégénéra tant en ce qui concerne le conducteur, M. R.O., que<br />

son épouse, Mme M.O., qui l’avait rejoint.<br />

Par jugement définitif du 27 mai 2005, le tribunal correctionnel de Saint-<br />

Nazaire a condamné M. R.O. à 500 € d’amende pour outrage et rébellion,<br />

et Mme M.O. à la même peine pour outrage et violence sur dépositaire de<br />

l’autorité publique.<br />

Dans la voiture, se trouvaient les deux enfants des époux O., âgés de 4 et<br />

2 ans.<br />

Compte tenu de ce que deux personnes étaient en cause, les deux<br />

180


181<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

fonctionnaires de police présents sur les lieux demandèrent du renfort et,<br />

à l’arrivée d’une autre patrouille, ils emmenèrent avec leur véhicule M. R.<br />

O. au commissariat. M. S.T. affirme avoir demandé à ses collègues d’inviter<br />

Mme M.O. à se rendre dans son véhicule avec ses deux enfants, dont il<br />

venait seulement de remarquer la présence car ils ne se manifestaient ni par<br />

des pleurs, ni par des cris, ce qui est contraire aux témoignages recueillis.<br />

<strong>Le</strong> second véhicule de police n’ayant pu démarrer, c’est Mme M.O. qui s’est<br />

rendue avec sa voiture et accompagnée de ses enfants au commissariat<br />

tout proche. Selon elle, les deux policiers la suivaient à pied. Elle a attendu<br />

sans être informée immédiatement du motif de sa présence. Lorsqu’elle a<br />

su qu’elle allait être placée en garde à vue, elle a pu contacter sa mère pour<br />

qu’elle vienne chercher les deux enfants.<br />

L’aînée de ceux-ci a présenté un stress à la suite de cette scène et, selon sa<br />

mère, est toujours perturbée en voyant un policier.<br />

Au cours de sa garde à vue, Mme M.O. a subi une fouille à corps complète.<br />

Comme son mari, elle affirme qu’elle a été dissuadée de demander la<br />

présence d’un avocat car, compte tenu de la date des faits, cela prolongerait<br />

la durée de leur garde à vue.<br />

AVIS<br />

La Commission constate une fois de plus qu’a dégénéré un simple contrôle<br />

d’identité. Des témoins entendus ont remarqué l’attitude agressive des<br />

policiers.<br />

<strong>Le</strong>s faits commis par les époux O. ont été sanctionnés pénalement.<br />

La Commission constate :<br />

- que, malgré la présence d’enfants en bas âge qui pleuraient, les fonctionnaires<br />

de police ont voulu que Mme M.O. se rende immédiatement au commissariat<br />

par ses propres moyens. À la différence de son mari conduit par la force,<br />

elle ne devait pas être obligatoirement placée en garde à vue. Elle pouvait<br />

être entendue sans contrainte soit immédiatement, soit ultérieurement, et ce


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

d’autant plus que le seul acte la concernant fut de recueillir sa déposition de<br />

13h45 à 14h45 (la garde à vue a pris fin à 17h00) ;<br />

- que la fouille de sécurité a été pratiquée en contradiction avec les<br />

instructions de la circulaire du 11 mars 2003 de M. le ministre de l’Intérieur.<br />

<strong>Le</strong> commissaire chef de la circonscription de La Baule a admis devant la<br />

Commission que « la fouille à corps aurait pu être évitée » ;<br />

- la circulaire du 22 février 2006, relative à la conduite à tenir à l’égard des<br />

mineurs à l’occasion des interventions de police lorsqu’ils sont placés sous<br />

la responsabilité de la police ou de la gendarmerie nationales, est certes<br />

postérieure aux faits visés dans la présente saisine, mais pose le principe<br />

que les fonctionnaires doivent veiller « à conserver en toutes circonstances<br />

des pratiques professionnelles irréprochables vis-à-vis des mineurs, qu’ils<br />

soient victimes, témoins, mis en cause, ou simplement contrôlés », ce qui<br />

n’a pas été le cas en l’espèce, s’agissant d’enfants en bas-âge ;<br />

- les gardés à vue ne doivent pas être incités à renoncer à la présence d’un<br />

avocat sous prétexte que cela retarderait la fin de la mesure ;<br />

Enfin, la Commission dénonce la remise d’un <strong>rapport</strong> administratif sur<br />

cette affaire, où le commandant C.G. a écrit en caractères gras pour attirer<br />

l’attention, qu’un témoin, dont la déclaration n’était pas conforme à celle<br />

des policiers, « a fait l’objet d’une procédure pour travail clandestin par les<br />

services de la SPAF de Toulouse le 1 er janvier 1999 ».<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission a pris connaissance avec le plus grand intérêt des instructions<br />

de M. le ministre de l’Intérieur sur la conduite à tenir lorsque des mineurs<br />

sont concernés.<br />

Elle demande :<br />

- que la formation insiste sur la juste appréhension des situations auxquelles<br />

sont confrontés les fonctionnaires de police ;<br />

182


183<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

- que les mesures de garde à vue ne soient ordonnées qu’en cas de nécessité,<br />

« pour les nécessités de l’enquête » (article 63 du Code de procédure<br />

pénale) ;<br />

- que les fouilles de sécurité ne soient pratiquées que dans les conditions<br />

restrictives fixées par la circulaire du 11 mars 2003. Trois ans après l’entrée<br />

en vigueur de cette circulaire, elle estime constitué un manquement à la<br />

déontologie.<br />

- que la notification des droits des personnes en garde à vue soit faite de<br />

façon neutre.<br />

Adopté le 5 avril 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :<br />

Suite à cette réponse, la CNDS a adressé au ministre de l’Intérieur le courrier<br />

suivant :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

184


185<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

186


187<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-51<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 27 mai 2005,<br />

par Mme Michèle ANDRÉ, sénatrice du Puy-de-Dôme<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 27 mai<br />

2005, par Mme Michèle ANDRÉ, sénatrice du Puy-de-Dôme, des conditions<br />

dans lesquelles les trois fillettes de M. R.F. ont été conduites de leur école à<br />

un service de police pour y être entendues.<br />

La Commission a pris connaissance de la procédure et a procédé à l’audition<br />

de M. R.F.<br />

LES FAITS<br />

La police a été informée par un commerçant de ce qu’une pellicule<br />

photographique qui lui avait été remise pour développement contenait trois<br />

clichés d’une fillette nue assise sur un divan, deux d’entre eux étant pris<br />

jambes écartées, laissant voir le sexe.<br />

M. R.F. fut appréhendé le 16 septembre 2004 alors qu’il venait de sortir du<br />

magasin. Il fut placé en garde à vue à 14h30. Il reconnut sur les photos sa<br />

fille C., née le 2 août 1996. Il déclara que ses enfants, dont il a la garde,<br />

avaient récupéré des appareils photographiques jetables lors d’un mariage<br />

et qu’elles avaient pris des clichés notamment de jouets. Il ignorait le contenu<br />

réel des pellicules lorsqu’il les avait déposées pour être développées. Il fut<br />

informé que ses enfants allaient être récupérées à la sortie de l’école primaire<br />

pour être conduites au commissariat afin d’être entendues. Il affirme s’y être<br />

opposé, mais il n’en est pas fait mention dans la procédure.<br />

Après avoir prévenu l’établissement scolaire, une voiture de police récupéra<br />

à la fin des cours, en les faisant sortir par une porte autre que l’entrée<br />

188


189<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

principale, outre C., E., née le 7 décembre 1998, et J., née le 24 novembre<br />

1994.<br />

E., 5 ans et 9 mois, ne fut évidemment pas entendue. C., « impressionnée<br />

par la présence dans (les) locaux n’a pas dit un seul mot et s’est contentée<br />

de hocher la tête à chacune (des) questions ». Elle a « fondu en larmes à la<br />

présentation des photographies », et a reconnu qu’elles avaient été prises<br />

par J. Celle-ci, entendue par une enquêtrice sans être filmée de 17h10 à<br />

17h30, a reconnu avoir pris les clichés de sa propre initiative, alors que sa<br />

sœur attendait que la baignoire soit libre pour prendre son bain.<br />

Après avoir pris connaissance des déclarations de ses filles, M. R.F. a vu sa<br />

garde à vue levée à 18h00. Il a regagné son domicile avec ses enfants. Il n’a<br />

pas fait l’objet de poursuites.<br />

AVIS<br />

L’ouverture d’une enquête était légitime au vu des photographies. Son<br />

déroulement a été rapide, ce qui n’exclut pas des traumatismes chez des<br />

petits enfants, qui ont vu leurs habitudes bouleversées hors de la présence<br />

de personnes connues d’elles. L’attitude de C. lors de son audition en est le<br />

témoignage.<br />

<strong>Le</strong>s griefs de M. R.F. portent en premier lieu sur l’attitude du directeur de<br />

l’école primaire, qui, selon lui, n’aurait pas dû confier ses enfants à un service<br />

de police. La Commission n’a pas compétence sur ce premier point.<br />

En second lieu, M. R.F. reproche au service de police d’avoir été chercher<br />

ses enfants à l’école et de les avoir gardées au commissariat pendant deux<br />

heures.<br />

Au vu des éléments du dossier, seule l’audition de C. s’imposait initialement.<br />

En tout cas, la présence d’E. ne se justifiait pas.<br />

M. R.F. a produit une lettre du Directeur central de la sécurité publique<br />

précisant que la procédure a été réalisée « sous la direction permanente du<br />

procureur de la République ».


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission souhaite que les ministres de l’Intérieur, de l’Éducation<br />

nationale et de la Justice étudient en commun les directives à mettre en<br />

œuvre dans l’intérêt des jeunes enfants dont l’audition est requise.<br />

190<br />

Adopté le 15 mai 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, à M. Pascal Clément, ministre de la Justice,<br />

garde des Sceaux, à M. Gilles De Robien, ministre de l’Éducation nationale,<br />

de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, dont les réponses ont été les<br />

suivantes :


191<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

192


193<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

194


Saisine n°2005-54<br />

195<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 3 juin 2005,<br />

par M. Germinal PEIRO, député de la Dordogne<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 3 juin<br />

2005, par M. Germinal PEIRO, député de la Dordogne, d’une réclamation de<br />

M. L.H., qui se plaint « des agissements d’un voisin raciste », et met en cause<br />

« la négligence et les abus de fonctions de deux fonctionnaires de police de<br />

Périgueux ».<br />

La Commission a eu connaissance du courrier de M. L.H., et de la procédure<br />

initiée à son encontre pour menaces de mort et vol au préjudice de son voisin,<br />

M. S.S. Elle a procédé à l’audition de M. T., capitaine de police.<br />

LES FAITS<br />

Depuis 2001, M. L.H. a des différends de voisinage avec M. S.S. Il a été<br />

reconnu coupable de menaces de mort et vol à l’encontre de M. S.S., et<br />

condamné au versement de 46,68 € au titre de dommages et intérêts à M. S.<br />

S., le 20 avril 2005 par le tribunal de grande instance de Périgueux, qui a<br />

ajourné le prononcé de la peine au 19 octobre 2005. A cette dernière date,<br />

la juridiction l’a condamné à deux mois d’emprisonnement avec sursis et<br />

400 € d’amende. Au cours de la procédure, le capitaine de police M. T., OPJ,<br />

a fait procéder sur la personne de M. L.H. à un prélèvement de matériel<br />

biologique, conformément à l’article 706-56 du Code de procédure pénale,<br />

les menaces de mort entrant dans les infractions visées à l’article 706-55<br />

autorisant une telle procédure.<br />

L’OPJ n’a pas retenu dans sa réquisition le délit de vol de trois containers<br />

poubelle et de trois panneaux de bois. <strong>Le</strong>s menaces consistaient à présenter<br />

à son voisin un couteau en lui disant « qu’il rira moins lorsqu’on verra ses<br />

boyaux par terre ».


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Après la condamnation de M. L.H., le procureur de la République, visant les<br />

deux infractions, a prescrit de procéder à un prélèvement, ce qui n’a pas été<br />

fait puisque cette mesure avait déjà été ordonnée au début de l’enquête.<br />

L’OPJ motive son initiative, d’une part, par la fragilité psychologique de M. L.<br />

H. telle qu’elle était apparue aux enquêteurs et, d’autre part, par le fait que<br />

les incidents de voisinage étaient fréquents et devenaient de plus en plus<br />

sérieux. Il ajoute qu’après sa condamnation, M. L.H. avait frappé son voisin,<br />

mais qu’examiné par un expert psychiatre, il avait été reconnu comme<br />

présentant des troubles de comportement abolissant son discernement et le<br />

contrôle de ses actes, et qui étaient de nature à amener un danger imminent<br />

pour la sécurité des personnes. Il a été hospitalisé d’office en milieu spécialisé<br />

psychiatrique. Cette seconde affaire a été résolue sans utiliser le résultat du<br />

prélèvement réalisé dans la première affaire.<br />

M. L.H. dit avoir lui-même porté plainte en novembre 2004 pour « menace<br />

et trouble de voisinage » contre M. S.S., dont il incrimine le racisme, mais sa<br />

plainte a été classée sans suite.<br />

AVIS<br />

En décidant un prélèvement biologique, l’OPJ a usé de la faculté que lui<br />

donne la loi, et pour des considérations qui ne peuvent être critiquées. Il n’a<br />

pas manqué à la déontologie.<br />

Il précise qu’il n’existe pas d’instructions pour encadrer la mesure dont<br />

l’initiative appartient au seul OPJ.<br />

Au delà de cette affaire, la Commission souhaite que dans ce domaine en<br />

expansion (près de 400 mesures ordonnées en 2005 pour les commissariats<br />

de Périgueux et Bergerac) et qui touche aux libertés publiques, une étude<br />

sur l’application de la loi soit entreprise afin d’apprécier si des instructions<br />

devraient être adressées aux OPJ afin de les guider dans leurs choix.<br />

196<br />

Adopté le 9 octobre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :


197<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

198


199<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

200


Saisine n°2005-57<br />

201<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 23 mai 2005,<br />

par M. Victorin LUREL, député de la Guadeloupe<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 23 mai<br />

2005, par M. Victorin LUREL, député de la Guadeloupe, des conditions de<br />

l’intervention de fonctionnaires de police dans un autobus à Alfortville le 14<br />

mai 2005, où se trouvaient M. E.M. et ses deux enfants.<br />

La Commission a pris connaissance de la procédure engagée à l’encontre<br />

de deux des policiers intervenants, MM. J-M.G. et O.B., pour violences<br />

volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique.<br />

La Commission a entendu M. E.M., ainsi que les fonctionnaires de police<br />

MM. M.G., L.C., O.B., J-M.G.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> samedi 14 mai 2005, dans l’après-midi, une réunion festive regroupant<br />

des participants africains s’est tenue dans un local désaffecté d’Alfortville. En<br />

raison du nombre élevé des participants et de l’absence de sécurité du local,<br />

les autorités de police décidèrent de faire évacuer les lieux, avec l’aide des<br />

organisateurs.<br />

Cette évacuation se déroula sans incident. Des groupes se formèrent à<br />

l’extérieur, se livrant à quelques débordements. De nombreux participants se<br />

dirigèrent vers la gare du RER d’Alfortville. Des renforts de police furent appelés<br />

pour les escorter.<br />

Un bus de la RATP passa, se dirigeant vers la gare. Des jeunes y montèrent et<br />

un gardien de la paix y prit place. Aucun incident ne s’est produit dans ce bus.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Un autre véhicule de la même ligne dépassa le premier et s’arrêta à un arrêt<br />

situé devant le commissariat de police de la ville. Des passagers montèrent :<br />

parmi eux, M. E.M. Une photographie tirée de l’équipement vidéo du bus<br />

montre que M. E.M. y monta calmement avec ses deux enfants (alors âgés<br />

de onze ans et seize mois), le plus jeune se trouvant dans une poussette.<br />

Des participants à la fête qui se dirigeaient à pied vers la gare RER se<br />

précipitèrent pour monter dans ce second bus. Il semble que l’un d’eux ait<br />

fait obstacle à la fermeture de la porte arrière du véhicule, l’empêchant de<br />

démarrer.<br />

<strong>Le</strong> gardien de la paix M. O.B., qui se trouvait à la hauteur du bus, a déclaré<br />

être entré dans celui-ci, portant son bâton de défense. Il aurait alors « reçu<br />

un coup dans le coude, sans pouvoir identifier l’auteur ». Son collègue M. J-<br />

M.G., resté sur le trottoir devant la porte ouverte du bus, crut, selon ses<br />

dires, que M. O.B. était en difficulté. Il fit usage de sa bombe lacrymogène en<br />

projetant du gaz dans le véhicule. Cette situation provoqua une bousculade,<br />

suivie de l’évacuation du bus par ses occupants. Des photographies tirées<br />

de la vidéo du véhicule montrent que d’autres policiers y montèrent, les uns<br />

en civil, d’autres casqués et en uniforme.<br />

M. E.M. a indiqué avoir interpellé les policiers, leur demandant de faire<br />

attention à ses enfants, et avoir reçu des coups, alors qu’il était dans le bus<br />

puis après en être sorti. Il fut conduit avec ses deux enfants à l’hôpital de<br />

Créteil. Il y fut constaté, pour les trois personnes, une irritation oculaire et,<br />

pour M. E.M., des contusions sur la tête et le corps avec « oedèmes modérés<br />

multiples » ; le certificat établi au nom du jeune S.M. (onze ans) mentionne<br />

un traumatisme du pouce droit.<br />

Une plainte de M. E.M. provoqua une enquête de l’IGS. Au cours de cette<br />

enquête, le gardien de la paix J-M.G. admit avoir commis une erreur en<br />

employant le gaz lacrymogène. Son collègue M. O.B. a reconnu qu’il s’était<br />

« trompé d’individu en s’en prenant à M. E.M. étranger à l’affaire ».<br />

Selon les indications données à la Commission par M. J-M.G., lui-même et<br />

son collègue O.B. ont fait l’objet d’une procédure disciplinaire ; le conseil<br />

de discipline aurait proposé qu’ils soient « sanctionnés non pas pour des<br />

violences illégitimes, mais en se basant sur le fait que les PV de saisine que<br />

nous avions établis étaient mal formulés ».<br />

202


203<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

<strong>Le</strong> parquet a fait savoir à la Commission que MM. O.B. et J-M.G. font l’objet<br />

de poursuites pénales pour « violences volontaires par personne dépositaire<br />

de l’autorité publique.<br />

Comme l’indiquent les photographies n os 12, 14, 15, 17, 20, 24, 25, 26, 27<br />

tirées de la vidéo de l’autobus et transmises à la CNDS par le parquet de<br />

Créteil, d’autres fonctionnaires sont, à l’évidence, intervenus, faisant usage<br />

de gaz lacrymogène en direction des passagers. A la demande d’identification<br />

de ces agents formulée par la CNDS, le Directeur départemental de la<br />

sécurité publique du Val-de-Marne, a fourni une liste de 87 noms, laissant<br />

ainsi un « libre choix » inexploitable aux membres de la Commission.<br />

AVIS<br />

<strong>Le</strong>s autorités de police ont assurément pris une mesure opportune en<br />

décidant d’assurer, en les escortant, l’acheminement vers la gare RER des<br />

personnes qui avaient participé à la fête, et d’utiliser à cette fin les bus de la<br />

RATP se dirigeant vers cette gare.<br />

<strong>Le</strong> rappel des faits ci-dessus montre que l’intervention des policiers dans le<br />

second véhicule allait à l’encontre de la décision prise : l’intervention musclée<br />

du gardien de la paix O.B. et le jet de gaz lacrymogène dans le bus effectué<br />

par le gardien de la paix J-M.G., ont eu pour effet sans doute involontaire de<br />

retarder l’acheminement vers la gare des participants à la fête. Il est permis<br />

de penser que la présence d’un gradé à l’endroit sensible que constituait<br />

l’arrêt de bus aurait permis d’éviter cette méprise.<br />

En agissant comme ils l’ont fait, les deux policiers ont méconnu gravement<br />

les règles de déontologie en se livrant à des violences illégitimes. M. O.B. a<br />

porté des coups sans avoir vérifié si la personne visée était ou non fauteur<br />

de trouble. M. J-M.G. a projeté inconsidérément du gaz lacrymogène dans<br />

un véhicule où se trouvaient des passagers.<br />

L’intervention d’autres fonctionnaires de police en renfort aurait dû permettre<br />

l’évacuation de l’autobus sans recourir à nouveau et à plusieurs reprises,<br />

comme le révèlent les photographies déjà mentionnées, à l’usage intempestif<br />

de gaz lacrymogène.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Constatant que la direction départementale du Val-de-Marne est dans<br />

l’incapacité de communiquer à la Commission, les noms et unités de ceux,<br />

parmi les agents, qui sont intervenus dans l’autobus, la Commission transmet<br />

le présent avis au procureur de la République de Créteil aux fins de poursuites<br />

éventuelles envers des fonctionnaires qui seraient rendus coupables de fait<br />

similaires à ceux reprochés aux gardiens de la paix MM. E.M et O.B.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

Compte tenu des instances disciplinaire et pénale en cours, la Commission<br />

transmet le présent avis au Ministre de l’Intérieur et au procureur de la<br />

République de Créteil, pour suite à donner en ce qui les concerne.<br />

De plus, aucun gradé en charge de cette intervention ne semble avoir été<br />

présent sur place ou désigné par le centre d’information et de commandement<br />

départemental.<br />

Encore une fois, la Commission recommande que lorsque plusieurs<br />

fonctionnaires appartenant à des unités ou groupes différents interviennent,<br />

un responsable soit désigné, évitant ainsi ce type d’intervention non encadrée,<br />

donnant lieu à une escalade inadmissible dans l’emploi de la force.<br />

204<br />

Adopté le 6 novembre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :<br />

Conformément à l’article 8 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

cet avis au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de<br />

Créteil.


205<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

206


Saisine n°2005-66<br />

207<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 13 juillet 2005,<br />

par M. Robert BRET, député des Bouches-du-Rhône<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 13<br />

juillet 2005, par M. Robert BRET, sénateur des Bouches-du-Rhône, des<br />

conditions de l’intervention de fonctionnaires de police, le 16 mai 2005,<br />

dans le quartier du Petit Séminaire à Marseille, où Mme P.F. et son père<br />

J.F. avaient été interpellés, ainsi que des conditions de leur détention aux<br />

Baumettes. Incarcéré le 17 mai, M. J.F. est décédé en prison des suites d’une<br />

crise cardiaque le 1 er juillet 2005.<br />

La Commission a examiné les pièces de la procédure. Elle a entendu Mme P.<br />

F. et sa mère C.F., épouse de M. J.F. Elle a procédé aux auditions de deux<br />

fonctionnaires de police de la BAC de Marseille et de deux fonctionnaires<br />

en poste à l’hôtel de police de l’Evéché. Elle a entendu le directeur des<br />

Baumettes, M. P., et le docteur G. responsable de l’UCSA.<br />

Elle s’est rendue à la prison pour visiter le bâtiment où J.F. avait été placé.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 16 mai 2005 en fin de matinée, un équipage de la BAC de Marseille<br />

composé de M. G.T., ayant qualité de chef de bord, et de M. P.P., était requis<br />

pour « trois individus à bord d’un véhicule signalé volé faisant du rodéo dans<br />

la cité du Petit séminaire ». Sur place, les deux policiers trouvaient trois<br />

mineurs « de 12 et 13 ans » dans le véhicule immobilisé, deux à l’avant,<br />

occupés à fouiller dans le tableau de bord, un autre assis à l’arrière du<br />

véhicule. <strong>Le</strong>s reconnaissant comme policiers de la BAC par leur véhicule,<br />

deux des mineurs prenaient aussitôt la fuite, le troisième affolé, ayant passé


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

avec difficulté un grillage, était rattrapé par le fonctionnaire P.P., qui le<br />

menottait aussitôt.<br />

Selon M. G.T., le jeune E.F. était apeuré et s’est mis à pleurer. « <strong>Le</strong> motif<br />

de son interpellation était le recel puisqu’il avait été trouvé dans un véhicule<br />

signalé volé ». Il relate que plusieurs individus, dont un homme âgé, qui s’est<br />

avéré être le grand-père de E.F., sont arrivés, son collègue P.P. étant encore<br />

derrière le grillage avec le mineur. M. G.T. a exposé : « Je connaissais bien<br />

les cités gitanes et j’ai l’habitude de parler avec eux (les gens du voyage).<br />

ll a identifié M. J.F. comme le patriarche, et a pensé que ce dernier pourrait<br />

« calmer la situation ». M. J.F. lui a dit : « Il faut relâcher le petit, sinon, ça<br />

va mal se passer ». <strong>Le</strong> fonctionnaire de la BAC n’a pas eu le temps de<br />

discuter avec lui pour lui dire pourquoi son petit-fils était interpellé, « car<br />

des individus majeurs avaient commencé à agripper le jeune garçon par les<br />

épaules par-dessus le grillage, alors que son collègue le tenait fermement<br />

par les menottes ». « Il avait mal et il pleurait ».<br />

M. G.T. a appelé aussitôt des renforts et est allé chercher la gazeuse<br />

lacrymogène, qu’il a utilisée contre ces individus qui essayaient de sauter<br />

le grillage et menaçaient donc son collègue. <strong>Le</strong> groupe a d’abord reculé et<br />

s’est dispersé, puis est revenu à la charge, muni de pierres, de barres de fer,<br />

de planches de bois. M. G.T. a reçu divers coups dans le dos, les jambes<br />

et au visage. Son véhicule a été dégradé (37 impacts). M. P.P., voyant son<br />

collègue en danger, a sorti son arme de service et a tiré en l’air à deux<br />

reprises, « pour intimider la foule ». Selon M. G.T., il a fallu entre cinq et dix<br />

minutes aux renforts pour arriver.<br />

Un autre équipage de la BAC, composé de M. M.T. et de M. M.B., dont le<br />

chef de bord était M. C.M., et qui avait entendu l’appel « affolé » de leurs<br />

collègues, est arrivé rapidement sur les lieux. <strong>Le</strong> gardien de la paix C.M. avait<br />

retenu des éléments entendus sur la radio, que ses collègues intervenaient<br />

« sur un rodéo d’un véhicule qui avait lieu au moment de l’appel ».<br />

Rendus sur place, ils ont constaté que le véhicule de leurs collègues avait le<br />

pare-brise et les vitres éclatés, et qu’entre trente et cinquante personnes leur<br />

jetaient des pierres. Il a évalué que le gardien de la paix P.P., coincé derrière<br />

le grillage, ne pouvait plus échapper aux assaillants. Il a aperçu M. G.T. seul<br />

face à la foule. Son collègue M.T. avait reçu une pierre. Il a donné son accord<br />

208


209<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

au gardien de la paix M.B. pour qu’il fasse usage de son flashball sur la foule.<br />

Il ne se souvient plus s’il a averti les personnes de son tir de flashball.<br />

La foule ayant reculé, il a interpellé M. F.M., que son collègue de la BAC G.<br />

T. lui avait désigné comme ayant incité les gens à l’émeute. M. F.M. n’a pas<br />

voulu se laisser faire, l’a poussé. Tombé au sol, M. C.M. l’a ensuite rattrapé<br />

et menotté. La foule ayant voulu le « récupérer », M. M.B. a fait usage une<br />

deuxième fois de son flashball.<br />

De nombreux équipages de police étaient arrivés entre-temps. Étaient<br />

notamment présents sur place des officiers et deux commissaires de police.<br />

<strong>Le</strong>s deux responsables des équipages relatent qu’un capitaine de police a<br />

été pris à partie par une femme qui s’est avérée être la fille de M. J.F., la mère<br />

du jeune garçon. Cette femme a tiré les cheveux de sa collègue féminine qui<br />

l’avait écartée avec son tonfa. M. G.T. a alors jeté du gaz lacrymogène au<br />

visage de M. P.F.<br />

L’enchaînement chronologique des actions des uns et des autres apparaît<br />

confus du fait du nombre des habitants de la cité et du nombre très important<br />

de policiers sur les lieux.<br />

<strong>Le</strong> patriarche, J.F., sa fille et le jeune E.F., ont été conduits au Groupe de<br />

violences urbaines de la sûreté départementale.<br />

<strong>Le</strong>s déclarations des premiers intervenants policiers concernant les prémisses<br />

de cette situation ayant dégénéré gravement divergent de celles faites à la<br />

Commission par la grand-mère et la mère du jeune garçon.<br />

Il ressort de leurs témoignages qu’il y avait eu un échange de Mme C.F., la<br />

grand-mère, avec les premiers intervenants de la BAC, alors que son petitfils<br />

était déjà menotté. Elle leur avait expliqué que le rodéo avait été le fait<br />

de jeunes dans la nuit et que son petit-fils n’avait rien fait, qu’il jouait dans le<br />

véhicule abandonné.<br />

Il s’agit d’une version similaire à celle de sa fille Mme P.F., mère du garçon.<br />

La grand-mère reconnaît que son mari, M. J.F., s’est énervé en élevant la<br />

voix parce qu’il était « contrarié » de voir son petit-fils, âgé de 12 ans, pleurer,<br />

menotté derrière le grillage, qu’il n’avait pas eu de gestes agressifs.<br />

Mme P.F confirme l’affluence d’habitants de la cité, qui avaient effectivement<br />

commencé à jeter des pierres aux policiers voyant son père au sol, respirant


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

mal après avoir reçu du gaz lacrymogène. Mme P.F affirme qu’un policier<br />

pointait son arme sur la tempe de son fils, tandis qu’il était maintenu par un<br />

autre policier derrière le grillage. Selon ses propres dires, elle a « pété les<br />

plombs », s’est approchée d’une femme policier « pour lui parler ». Celleci<br />

a sorti son tonfa et l’a prévenue qu’elle était enceinte. Mme P.F. lui a dit<br />

qu’elle ne voulait pas lui faire du mal. Elle aurait reçu immédiatement du gaz<br />

lacrymogène et des coups de tonfa.<br />

Mme C.F. déclare de son côté avoir voulu porter secours à son mari qui<br />

n’arrivait pas à respirer à cause du gaz lacrymogène, qu’elle l‘avait relevé<br />

et qu’on lui avait alors tiré avec le flashball dans la jambe gauche. Conduite<br />

à l‘hôpital, où elle a reçu des soins, elle y a croisé certains des policiers<br />

intervenants qui l’ont injuriée en des termes crus.<br />

Conduite dans un poste de police où les pompiers lui ont donné des soins,<br />

puis au poste de police de l’Evéché, Mme P.F. se plaint de violences et<br />

d’injures d’un fonctionnaire, M. A.C., qui lui a dit : « Ici, il faut parler français ».<br />

Comme elle lui rétorquait : « Tu n’es pas un homme de parler comme ça à<br />

une mère de famille », il s’était jeté sur elle, l’avait attrapée par les cheveux<br />

et l’avait traînée, menottée, dans une pièce, où il lui avait cogné la tête dans<br />

le mur.<br />

Mme P.F. a été vue par un médecin pendant sa garde à vue, a eu des<br />

médicaments « pour se calmer ». Elle dit ne pas avoir eu la visite de l’avocat<br />

qu’elle avait demandée.<br />

<strong>Le</strong> gardien de la paix en poste à l’Evêché, M. A.C., dément avoir insulté<br />

ou porté des coups à Mme P.F. Il relate qu’elle est arrivée dans un état<br />

d’excitation importante, qu’elle insultait tous les fonctionnaires. Elle l’avait à<br />

son tour insulté et menacé de mort, puis s’était jetée sur lui, ne supportant<br />

pas qu’il s’adresse à son fils assis sur le même banc. Elle l’avait griffé et il<br />

était intervenu avec un collègue et une adjointe de sécurité.<br />

<strong>Le</strong> même récit a été fait par M. J-L.F., son collègue, concernant l’agression<br />

initiale de Mme P.F., mais c’est lui et non son collègue qui en a été la victime.<br />

Il a précisé : « Mme P.F. donnait des coups de tête sur le sol et se projetait<br />

sur le rebord du banc ».<br />

La mère et le grand-père du jeune E.F. ont été écroués le 17 mai à la<br />

prison des Baumettes. Mme P.F. a été condamnée le 28 juin 2005 à<br />

210


211<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

12 mois d’emprisonnement, dont 8 mois avec sursis ; M J.F. à 12 mois<br />

d’emprisonnement, dont 6 mois avec sursis.<br />

Mme P.F. a déclaré qu’elle n’avait rien à dire concernant les conditions de<br />

sa détention aux Baumettes, que son traitement médical lui avait été donné<br />

rapidement. Profondément déprimée par son incarcération, séparée de ses<br />

trois enfants mineurs, dont une petite fille de 3 ans, mais surtout par l’état<br />

moral de son père qui ressentait très fortement comme une injustice et une<br />

humiliation son incarcération, elle a fait une tentative de suicide.<br />

Elle a été remise en liberté le 8 juillet et a assisté aux obsèques de son père<br />

le 11 juillet 2005.<br />

M. J.F., selon son épouse qui l‘a visité lors des trois parloirs hebdomadaires,<br />

s’est plaint trois semaines après son incarcération de douleurs au niveau<br />

de la poitrine et du bras. Il aurait demandé à voir un médecin de la prison,<br />

en vain. Une rumeur concernant les circonstances du décès de son mari lui<br />

est parvenu émanant de jeunes adultes du quartier détenus en même temps<br />

que lui : il en ressortait que M. J.F. avait eu un malaise et avait vomi dans la<br />

cour de promenade, et qu’« ils n‘avaient rien fait pour lui ».<br />

La Commission a entendu le médecin responsable de l’UCSA. Il ressort des<br />

éléments exposés que dès le lendemain de son incarcération, M. J.F. a été<br />

examiné par un médecin dans le cadre de la consultation « arrivants », qu’un<br />

certain nombre de problèmes de santé avaient été constatés, et qu’il lui avait<br />

été prescrit un traitement pour son diabète. Divers examens systématiques<br />

avaient été faits sur place (radio, dépistages infectieux). Il n’est noté aucune<br />

plainte de « douleurs à la poitrine » du patient entre le 17 mai et le 27 juin,<br />

alors qu’il est en contact avec le bureau infirmier.<br />

Cependant, un électrocardiogramme avait été demandé par le médecin dès la<br />

visite médicale du 18 mai. <strong>Le</strong> docteur a précisé que les électrocardiogrammes<br />

étaient faits sur place, aux Baumettes. Or, cet examen n’a pas été fait :<br />

« C’est un oubli », selon le responsable de l’UCSA.<br />

<strong>Le</strong> 1 er juillet, appelée sur son portable à 14h00 pour une détresse vitale,<br />

le Dr G. est arrivée vers 14h20, alors qu’une infirmière présente dans le<br />

bâtiment de détention de M. J.F. était intervenue à 14h00 et pratiquait les<br />

gestes de réanimation. Ce bâtiment était le plus éloigné du bureau des<br />

médecins où le Dr G. devait être ou en consultation, ou à 800 m à l’extérieur,<br />

à la maison d’arrêt des femmes.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Questionnée par la Commission sur les moyens d’intervenir sur les<br />

détresses vitales, dont les malaises cardiaques, elle a exposé : « Il n’y a<br />

pas de protocole d’urgence à l’intention des surveillants pour d’autres cas<br />

que les pendaisons ». Par ailleurs, du fait du brouilleur mis en place par la<br />

pénitentiaire, et sachant qu’il n’y a pas de téléphone dans les bâtiments de la<br />

détention vers l’extérieur, « la restriction des possibilités de communication<br />

peut entraîner un certain retard à la transmission de l’information médicale<br />

ou autre ».<br />

<strong>Le</strong> Dr G. est intervenue auprès de M. J.F., puis les pompiers sont arrivés.<br />

M. J.F. est décédé à 14h40.<br />

Questionné sur le mode de communication existant aux Baumettes entre<br />

les détenus et le médecin, le Dr G. a indiqué qu’un détenu qui souhaite voir<br />

le médecin soit remet au surveillant un courrier à son attention transmis à<br />

l’UCSA dans la journée habituellement, soit le détenu a une surveillance par le<br />

cabinet médical et peut faire sa demande directement auprès de l’infirmière,<br />

ou encore les détenus peuvent déposer leur demande de consultation dans<br />

une boîte aux lettres sur le trajet de la cour de promenade. « Notre plus<br />

grande difficulté concerne les détenus qui ne savent pas écrire en français et<br />

ne peuvent non plus lire le livret d’accueil remis à chaque arrivant ».<br />

AVIS<br />

Concernant l’intervention des fonctionnaires de police et des modalités de<br />

l’interpellation d’un mineur de 12 ans, de sa mère et de son grand-père à<br />

la cité du Petit Séminaire le 16 mai 2005, la Commission constate que la<br />

situation a dégénéré à partir d’une situation où étaient mis en cause des<br />

mineurs de 12 et 13 ans trouvés assis dans un véhicule, qui avait été utilisé<br />

à un rodéo. Il n’apparaît pas dans la procédure que ce rodéo venait de se<br />

produire, ni que ces mineurs y étaient impliqués.<br />

Il a été exposé que ce quartier de la ville était connu par les fonctionnaires de<br />

police comme « sensible », caractérisé par une présence importante de gens<br />

du voyage sédentarisés. On peut se questionner sur la décision du premier<br />

équipage de la BAC d’intervenir en sous effectif, le troisième fonctionnaire<br />

étant absent ce jour-là. La tension créée par l’émotion vive consécutive à<br />

212


213<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

l’interpellation d’un enfant, ses pleurs, son menottage, a vite évolué vers un<br />

affrontement général, où des policiers ont été blessés par des jets de pierre,<br />

les habitants ont reçu du gaz lacrymogène, certains des coups de tonfa, des<br />

tirs de flashball. Un fonctionnaire de police, en danger, a sorti son arme de<br />

service, alors qu’il tenait un mineur de 12 ans. <strong>Le</strong>s faits intervenus à la cité<br />

du Petit Séminaire ce jour-là sont très graves et auraient pu avoir une issue<br />

tragique.<br />

Sur les conditions de détention de Mme P.F.<br />

Il ressort des éléments de la procédure et des déclarations de Mme P.F.<br />

qu’elle ne reproche rien aux personnels de la prison, qu’elle a été suivie<br />

par l’UCSA, secourue et prise en charge lors de sa tentative de suicide aux<br />

Baumettes.<br />

Concernant les conditions de détention de son père J.F. aux Baumettes.<br />

J.F. a été placé au quartier « arrivants », où il a bénéficié de tout le dispositif<br />

mis en place, et notamment de la consultation médicale et des examens de<br />

santé systématiques. Cependant, un électrocardiogramme demandé le 18<br />

mai a été oublié.<br />

Des témoignages de sa famille, mais aussi des témoignages écrits de soutien<br />

de ses anciens collègues, du médecin généraliste qui connaissait M. J.F. et<br />

sa famille depuis plusieurs années, la Commission relève que M. J.F. était<br />

un chef de famille, qui avait un emploi depuis 23 ans chez France Télécom,<br />

entretenait des relations paisibles avec son environnement, bénéficiait de<br />

l’estime et du respect de tous, et qui entretenait de bonnes relations avec<br />

des fonctionnaires de police du quartier ; c’était une personnalité fière et<br />

consciente de ses responsabilités. Il a été très affecté par son jugement, sa<br />

condamnation, puis son incarcération. Selon sa fille, lors du jugement du 28<br />

juin, se rendant compte qu’il devait retourner en prison, il a accusé le choc<br />

moralement, psychologiquement, et physiquement.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission observe dans ce dossier une situation initiale marquée par<br />

l’improvisation, l’incohérence des positionnements et l’impuissance dans<br />

lesquelles se sont trouvés rapidement les deux jeunes fonctionnaires de<br />

police, alors même que le chef de bord G.T. soulignait la particularité des<br />

lieux et sa connaissance des habitants. Ainsi, lors de son échange avec<br />

M. J.F., reconnu par lui comme le patriarche et identifié rapidement comme<br />

le grand-père de l’enfant interpellé, on peut regretter qu’il n’ait pas considéré<br />

qu’il avait avec ce dernier les garanties nécessaires à une présentation<br />

ultérieure de ce mineur au commissariat, pour les besoins de l’enquête.<br />

L’émotion des habitants du quartier ayant assisté au menottage et aux pleurs<br />

de l’enfant a effectivement mobilisé une solidarité collective et active, qui a<br />

mis en danger les deux policiers. L’enjeu relativement « léger » constitué<br />

par l’infraction suspectée, au regard de l’âge du mineur, a trouvé des<br />

prolongements bien plus graves et préoccupants.<br />

Dans ce dossier, la Commission attire à nouveau l’attention sur le mode<br />

d’intervention d’équipages de la BAC qui, d’autant plus lorsqu’ils sont en<br />

sous-effectif, ne constituent pas des « médiateurs » à même d’apaiser une<br />

situation tendue.<br />

214<br />

Adopté le 18 décembre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, et à M. Pascal Clément, ministre de la Justice,<br />

garde des Sceaux.


Saisine n°2005-69<br />

215<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 21 juillet 2005,<br />

par Mme Isabelle DEBRÉ, sénatrice des Hauts-de-Seine<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 21 juillet<br />

2005, par Mme Isabelle DEBRÉ, sénatrice des Hauts-de-Seine, pour des faits<br />

dont Mme G.O-M. déclare avoir été la victime de la part de fonctionnaires<br />

de police actuellement en poste au commissariat de Clamart (92), ainsi que<br />

de la part de son ancien compagnon, M. J-F.C., actuellement en fonction au<br />

commissariat d’Étampes (91) en qualité de commandant de police, mais dont<br />

le premier poste d’affectation en qualité de lieutenant de police se trouvait<br />

également à Clamart.<br />

La Commission a procédé aux auditions de Mme G.O-M., de M. J-F.C., ainsi<br />

que de son collègue, M. A.<br />

LES FAITS<br />

Mme G.O-M. fut la compagne pendant treize ans de M. J-F.C., commandant<br />

de police, autrefois affecté au commissariat de Clamart (92). De cette union,<br />

naquit une fille en 1998. Après la séparation du couple en 2003, Mme G.O-<br />

M. retournera dans sa famille à Clamart, avec sa fille.<br />

Par une ordonnance de référé du 25 août 2004, M. J-F.C. obtint la garde<br />

de sa fille, qui lui fut remise dans les locaux de la Brigade des mineurs de<br />

Clamart par la directrice de l’établissement scolaire auprès duquel était<br />

inscrite l’enfant.<br />

Quelques jours après ces évènements, Mme G.O-M. fut convoquée dans le<br />

cadre d’une enquête préliminaire faisant suite à une plainte de son ancien<br />

compagnon M. J-F.C. pour vol et destruction de sa carte professionnelle.<br />

Mise en garde à vue de 9h40 à 16h25, Mme G.O-M. dut subir une fouille de


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

sécurité avec déshabillage. La procédure a été classée sans suite, l’infraction<br />

étant insuffisamment caractérisée.<br />

L’OPJ responsable de la procédure, M. A., a déclaré que la mesure de garde<br />

à vue, notifiée à Mme G.O-M., lui paraissait nécessaire, « estimant que la<br />

présence de l’intéressée serait nécessaire pendant plusieurs heures, en<br />

raison de la nature même de la procédure ».<br />

En ce qui concerne la fouille avec déshabillage, ce même OPJ affirmait qu’il<br />

s’agissait là d’une mesure de sécurité nécessaire.<br />

AVIS<br />

La remise de l’enfant à son père par la directrice de l’école eut lieu à la<br />

demande des services de police saisis par M. J-F.C. L’huissier de justice<br />

chargé de la notification de la décision de justice qui ne fut pas faite à<br />

personne n’a pas été informé de la démarche.<br />

M. J-F.C. a préféré s’adresser à son ancien commissariat pour récupérer<br />

sa fille, la situation du couple étant connue des fonctionnaires dudit<br />

commissariat.<br />

La Commission estime regrettable que ceux-ci aient cru devoir intervenir<br />

dans ce litige privé.<br />

S’agissant de la mesure de garde à vue prise à l’encontre de Mme G.O-<br />

M., avec fouille à corps, la Commission estime les moyens mis en œuvre<br />

disproportionnés.<br />

Dans les deux cas, ne peut que subsister l’impression désagréable d’une<br />

faveur accordée à un collègue.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission recommande que dans les litiges d’origine privée dont une<br />

des parties est fonctionnaire de police, toutes dispositions soient prises pour<br />

ne pas provoquer un déséquilibre entre les parties.<br />

216


217<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Elle rappelle, une fois encore, la nécessaire observation par tous les services<br />

de police de la circulaire de M. le Ministre de l’intérieur du 11 mars 2003,<br />

relative au respect de la dignité des personnes placées en garde à vue, en<br />

ce qui concerne la fouille à corps.<br />

Adopté le 18 septembre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

218


219<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

220


Saisine n°2005-70<br />

221<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 29 juillet 2005,<br />

par M. Jacques BASCOU, député de l’Aude<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 29<br />

juillet 2005, par M. Jacques BASCOU, député de l’Aude, des faits qui se<br />

sont déroulés le 1 er septembre 2004 à Narbonne (11), à la suite à l’accident<br />

matériel de la circulation qui a opposé Mme S.B. à Mme M.B.E., fonctionnaire<br />

de police.<br />

Elle a procédé aux auditions de Mme S.B. et de Mme M.B.E.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 1 er septembre 2004, aux environs de 11h30, à hauteur du commissariat<br />

de police de Narbonne, un accident a eu lieu entre deux véhicules. Une<br />

des deux personnes concernées se trouvait être une fonctionnaire de police,<br />

Mme M.B.E., qui se rendait, en civil, sur son lieu de travail.<br />

L’autre personne se trouvait être une dame, Mme S.B., qui portait le voile,<br />

et qui a saisi la Commission pour des propos racistes à son égard, ainsi<br />

que pour le manque d’impartialité des agents de police du commissariat, qui<br />

auraient pris le parti de leur collègue.<br />

Mme S.B. dénonce le fait que Mme M.B.E., qui n’était pas en service, abuse<br />

de sa fonction d’agent de police.<br />

Audition de Mme S.B.<br />

Elle était dans son véhicule en compagnie de ses trois enfants lorsqu’un<br />

véhicule l’a doublé, alors qu’en raison des travaux, la situation ne le permettait<br />

pas. Brusquement, le véhicule a tourné devant elle, générant un accrochage


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

à hauteur du commissariat : « Nous nous sommes heurtés à hauteur de sa<br />

porte arrière droite », dit Mme S.B.<br />

À ce moment-là, la conductrice, Mme M.B.E., est sortie en l’invectivant et en<br />

tenant des propos discriminants. Elle a demandé à la dame de se calmer et<br />

de bien vouloir faire un constat.<br />

Mme M.B.E. ayant appelé les personnes du commissariat par leurs prénoms,<br />

elle devait les connaître, puisque quatre personnes sont venues vers elles.<br />

Ils ont invité Mme S.B. à entrer dans le commissariat pour faire un constat<br />

et lui ont dit que de toute façon elle était en tort, ce qu’elle a réfuté ; elle a<br />

refusé de signer le constat.<br />

Elle a aussi porté plainte contre un fonctionnaire de police qui avait dit avoir<br />

tout vu, pour faux témoignage, car selon elle, elle a constaté que ce n’était<br />

pas possible.<br />

Elle précise que Narbonne n’étant pas Paris, elle vit actuellement dans le<br />

harcèlement et la peur.<br />

Audition de Mme M.B.E.<br />

Elle arrivait sur son lieu de travail et a été obligé de dépasser un véhicule<br />

qui était « stationné en feux de détresse » devant le commissariat. Puis elle<br />

a tourné à droite dans la rue Pierre Benêt. Elle a été obligée de s’arrêter car<br />

cette rue est très étroite, un véhicule venait à contre-sens et à sa droite, un<br />

véhicule de la police était garé sur le trottoir, l’empêchant d’avancer. À ce<br />

moment-là, elle a entendu un choc qui l’a déportée sur la gauche.<br />

Elle est sortie pour demander à l’autre conductrice si tout allait bien. Celle-ci<br />

lui a répondu que tout se passait bien. Elle a ensuite été constaté les dégâts :<br />

« Ma voiture avait les deux portières du côté droit enfoncées ».<br />

Elle est retournée voir Mme S.B. en lui demandant de bien vouloir faire un<br />

constat. Ce à quoi Mme S.B. a répondu que son véhicule n’ayant que le<br />

clignotant avant droit endommagé, cela ne nécessitait pas de faire un constat.<br />

Devant son insistance, Mme S.B. a commencé à être virulente et à nier le fait<br />

même qu’elle l’avait percutée. N’ayant pas en sa possession les documents<br />

pour faire le constat, elle s’est rendue à l’intérieur du commissariat pour aller<br />

chercher un constat à l’amiable.<br />

222


223<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Quand elle est redescendue, Mme S.B. l’a invectivée, lui reprochant de ne<br />

pas lui avoir fait mention de son appartenance à la police nationale. Elle s’est<br />

mise à hurler que dans la police, ils étaient tous des racistes, qu’ils abusaient<br />

des pouvoirs qui leur étaient conférés. Elles sont ressorties du commissariat<br />

pour établir le constat amiable que Mme S.B., après avoir passé un coup de<br />

téléphone, a refusé de signer, arguant du fait qu’elle était en total désaccord<br />

avec le croquis, refusant que Mme M.B.E. puisse porter un regard sur sa<br />

partie du constat.<br />

Elle précise qu’à aucun moment elle n’a tenu de propos racistes ou<br />

discriminant à l’égard de Mme S.B. ou de toute autre personne, étant ellemême<br />

d’origine maghrébine ; à aucun moment elle n’a interpellé d’autres<br />

collègues en service pour qu’ils viennent l’assister dans ce conflit : « En ce<br />

qui me concerne, je pense avoir été respectueuse et je ne comprends pas ce<br />

qui a pu se passer pour que cette dame ait ressenti ce qu’elle a exprimé ».<br />

En partant, Mme S.B. a dit que cela n’en resterait pas là et qu’elle « [la]<br />

poursuivrait partout, y compris devant les tribunaux », insistant sur le fait<br />

que le traitement qui lui était fait l’était en raison de ses origines et de son<br />

apparence vestimentaire.<br />

AVIS<br />

Sur l’accident dans lequel est impliquée une fonctionnaire de police n’étant<br />

pas en fonction, la Commission n’a pas compétence en la matière.<br />

Sur la déontologie, les éléments que la Commission a recueillis ne lui<br />

permettent pas de démontrer qu’il y a eu un manquement à la déontologie.<br />

Adopté le 12 juin 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis pour information à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de<br />

l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-71<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 4 août 2005,<br />

par M. Patrick BRAOUZEC, député de Seine-Saint-Denis<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 4 août<br />

2005, par M. Patrick BRAOUZEC, député de Seine-Saint-Denis, des conditions<br />

dans lesquelles M. A.S., responsable de l’association « Coordination 93<br />

pour les sans-papiers », a été interpellé, le 20 juin 2005, dans les locaux du<br />

commissariat de Saint-Denis (93), où il s’était rendu afin de s’enquérir des<br />

motifs de garde à vue du compagnon d’un membre de l’association.<br />

Suite à son interpellation, M. A.S. fut placé en garde à vue pour outrage,<br />

rébellion et injures à agent de la force publique. Cette affaire est actuellement<br />

pendante devant la cour d’appel de Paris.<br />

La Commission, après avoir auditionné M. A.S., a entendu les fonctionnaires<br />

interpellateurs, le brigadier-chef Mme H.D., et les gardiens de la paix, MM. F.<br />

C., C.V. et L.G.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 20 juin 2005, M. A.S., membre du bureau de la « Coordination 93 pour les<br />

sans papiers » se rendait au commissariat de Saint-Denis (93) en compagnie<br />

d’une adhérente, Mme F.K., afin de s’informer des motifs de la garde à vue<br />

de M. O.T., compagnon de Mme F.K.<br />

S’étant adressé à la chef de poste, le brigadier-chef Mme H.D., M. A.S.<br />

essuya une fin de non-recevoir de la part de celle-ci, qui, selon M. A.S.,<br />

ajoutait : « On commence maintenant à en avoir marre des sans-papiers ».<br />

Alors « qu’il insistait », M. A.S. se voyait intimer « l’ordre de sortir » par les<br />

deux policiers présents, qui le raccompagnaient sur le parking extérieur du<br />

commissariat, ainsi que Mme F.K. Il faut préciser à ce sujet que le parking du<br />

224


225<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

commissariat était facilement accessible à partir de la voie publique, comme<br />

le confirmeront les fonctionnaires de police au cours de leurs auditions, en<br />

raison de la défectuosité passagère du portail d’accès.<br />

Alors qu’ils se trouvaient encore sur le parking et que Mme F.K. tentait<br />

« d’appeler quelqu’un à l’aide de son portable », un équipage de retour de<br />

patrouille s’inquiétait de leur présence auprès des autres fonctionnaires. M. A.<br />

S. ne pouvait pas entendre précisément la teneur de leur conversation.<br />

« Un policier a alors saisi F.K. et l’a entraînée de force hors de l’enceinte<br />

du parking ». Pendant ce temps, « quatre policiers jetaient M. A.S. à terre,<br />

l’immobilisaient brutalement et lui posaient les menottes ».<br />

<strong>Le</strong> certificat médical versé au dossier indique à ce sujet que M. A.S. a présenté<br />

une contracture de la nuque et des traces de coups sur les cuisses.<br />

Placé en cellule de garde à vue après avoir subi « une fouille à corps complète<br />

avec déshabillage », M. A.S. se serait vu signifier sa garde à vue vers 6h00<br />

du matin, ce qu’infirme l’horaire mentionné en tête du PV de notification, que<br />

M. A.S. refusait de signer.<br />

M. A.S. était entendu sur le fond par un OPJ à partir de 8h00 du matin jusqu’à<br />

10h00. Cet OPJ lui indiquait alors qu’il avait proféré des insultes – « sales<br />

blancs, racistes, cons » –envers les fonctionnaires de police, ce qu’il niait.<br />

Il reconnaissait en revanche avoir dit « qu’un citoyen n’était pas traité de la<br />

même manière à Neuilly qu’à Saint-Denis, et que c’était Chirac qui devrait<br />

être en prison et pas lui ».<br />

Après une deuxième audition, au cours de laquelle il maintenait ne pas avoir<br />

insulté les fonctionnaires de police, M. A.S. était confronté, à partir de 18h00,<br />

aux deux policiers ayant procédé à son interpellation.<br />

Après une nouvelle nuit de garde à vue, ayant nécessité son transfert dans<br />

un autre commissariat du département en raison d’une manifestation en<br />

sa faveur tenue devant les locaux de police de Saint-Denis, M. A.S. était<br />

entendu à nouveau le 22 juin au matin, audition à l’issue de laquelle était<br />

levée la mesure prise à son encontre.<br />

Dans sa séance du 6 décembre 2005, le tribunal de grande instance de<br />

Bobigny a condamné M. A.S., pour outrage à agent de la force publique, à<br />

un mois de prison avec sursis. Appel a été interjeté de cette décision.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

La version des fonctionnaires de police diffère sensiblement de la version de<br />

M. A.S.<br />

C’est ainsi que Mme H.D. déclare « qu’entendant les cris de Mme F.K. qui<br />

était reconduite à l’extérieur du parking par le gardien M. L.G., M. A.S. s’était<br />

rebellé ».<br />

<strong>Le</strong> gardien F.C., a subi une « ruade » de la part de M. A.S., qui l’aurait<br />

entraîné au sol dans sa chute. Son collègue, M. C.V., serait alors venu lui<br />

prêter main forte, afin de le menotter.<br />

AVIS<br />

La Commission estime que, malgré la regrettable défectuosité technique<br />

rendant facilement accessible le parking extérieur du commissariat, la<br />

reconduite sur la voie publique d’une femme et d’un homme d’âge mûr,<br />

enseignant en sciences physiques, aurait pu se faire sans recourir de manière<br />

outrancière à la force. Une simple explication et une bonne négociation du<br />

conflit étaient possibles en raison du nombre important de fonctionnaires de<br />

police (cinq) présents au moment de l’interpellation.<br />

La fouille à corps avec déshabillage complet dans une affaire de rébellion et<br />

outrages, qualifiée ainsi au départ, est excessive et attentatoire à la dignité<br />

humaine lorsqu’elle se complète d’un menottage permanent, comme précisé<br />

par M. A.S. au cours de son audition par la Commission : « J’étais menotté à<br />

chacun de mes mouvements ».<br />

La Commission estime que l’audition des fonctionnaires de police aurait du<br />

être faite dès les heures suivant l’interpellation, ce qui ne fut pas le cas,<br />

entraînant un laps de temps difficilement acceptable avant la confrontation<br />

qui n’eut lieu que le 21 juin à 11h00.<br />

Enfin, la prolongation de la garde à vue de M. A.S. jusqu’au 22 juin à 10h00<br />

du matin est difficilement compréhensible, sauf à admettre que la garde à vue<br />

a été utilisée comme une punition et non comme un moyen d’investigation.<br />

226


RECOMMANDATIONS<br />

227<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

La Commission souhaite que les circulaires relatives au respect de la dignité<br />

humaine soient régulièrement rappelées aux fonctionnaires de police, qui<br />

ne doivent pas s’affranchir des obligations qu’elles contiennent, quelles<br />

que soient les difficultés de leurs tâches, qui ne sont pas méconnues par la<br />

Commission.<br />

Adopté le 6 novembre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

228


229<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

230


Saisine n°2005-72<br />

231<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 4 août 2005,<br />

par M. Guy FISCHER, sénateur du Rhône<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 4<br />

août 2005, par M. Guy FISCHER, sénateur du Rhône, des conditions dans<br />

lesquelles s’est déroulée l’interpellation de Mlle V.B., par les effectifs de la<br />

BAC, le 30 avril 2005 à Lyon, au cours d’une manifestation.<br />

La Commission a pris connaissance des pièces de la procédure.<br />

La Commission a procédé aux auditions de Mlle V.B. et des fonctionnaires de<br />

police G.B. et A.M.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 30 avril 2005, se tenait à Lyon une manifestation anarcho-libertaire dite<br />

« les manifestives », sorte de réjouissance musicale collective se déplaçant<br />

dans la ville, et dont le point d’aboutissement était la place des Terreaux.<br />

Mlle V.B., qui participait à cette manifestation, était interpellée sur la place<br />

des Terreaux par les effectifs de la BAC locale, chargés d’exercer une<br />

surveillance discrète de l’évènement, après que les locaux de la police<br />

municipale situés non loin de là, rue Pizay, aient été dégradés par un groupe<br />

de quatre manifestants.<br />

Conduite au commissariat central de la ville, elle était placée en garde à vue,<br />

dans le cadre d’une procédure de dégradations de biens publics, violence<br />

sur agent de la force publique, rébellion, et outrages.<br />

La cour d’Appel de Lyon, statuant sur les appels conjoints du ministère Public


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

et des parties civiles, suite à la relaxe de Mlle V.B. prononcée par le tribunal<br />

correctionnel, l’a condamnée à trois mois d’emprisonnement avec sursis et<br />

cinq ans de privation de droits civils, civiques et de famille.<br />

La Commission a procédé aux auditions de Mlle V.B., des fonctionnaires de<br />

police G.B. et A.M. De plus, ses membres ont visionné sur DVD le film pris<br />

par un particulier de l’arrestation de Mlle V.B.<br />

Audition de Mlle V.B.<br />

Devant les membres de la Commission, Mlle V.B., qui était assistée de<br />

Me F.P., avocate au barreau de Lyon, a déclaré qu’à un moment donné, elle<br />

s’était trouvée « face à des gens qui se battaient. Aucune de ces personnes<br />

n’avaient de signe distinctif de policier ».<br />

Croyant, selon ses dires, qu’il s’agissait de manifestants qui en venaient aux<br />

mains entre eux, elle intervenait pour « calmer les esprits », alors que « l’un<br />

des protagonistes tapait avec un bâton sur une personne à terre ».<br />

Toujours selon Mlle V.B., elle se retrouvait à ce moment-là avec plusieurs<br />

personnes énervées qui fonçaient sur d’autres personnes, dont elle apprit<br />

plus tard « qu’il s’agissait de policiers ». Elle se retrouvait alors au sol, « tirée<br />

par son tee-shirt, et même par les cheveux, recevant des coups. [Se] trouvant<br />

à quatre pattes, [elle] agrippait instinctivement une roue ».<br />

A ce moment-là et après avoir demandé de l’aide à la foule, Mlle V.B. ignorait<br />

toujours qu’elle avait affaire à des policiers. Alors qu’elle s’agrippait à la roue<br />

du véhicule, et toujours selon ses dires, « elle ressentait trois décharges<br />

électriques de chaque côté du thorax ».<br />

<strong>Le</strong> médecin qui l’a examinée pendant sa garde à vue a constaté des lésions<br />

sur les poignets, sur les cuisses et sur les genoux, ainsi que de chaque côté<br />

du thorax, au niveau des septième, huitième et neuvième côtes.<br />

Audition des fonctionnaires de police<br />

Deux fonctionnaires de police, assistés de leur conseil Me G.V.B., avocat au<br />

barreau de Lyon, ont été entendus par les membres de la Commission, qui<br />

232


233<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

avaient auparavant visionné le DVD déposé par le conseil de Mlle V.B.<br />

Audition du brigadier A.M.<br />

Affecté à la BAC de Lyon, il patrouillait en qualité de chef de bord en<br />

compagnie de deux de ses collègues en tenue civile, à bord d’un véhicule<br />

banalisé, de marque Ford, de couleur grise. À son initiative, M. A.M. et ses<br />

deux collègues se sont rapprochés de la place des Terreaux, prenant sur<br />

place contact avec deux autres équipages BAC en civil, plus spécialement<br />

affectés au service d’ordre.<br />

Un message radio émanant au Centre d’information et de commandement<br />

(CIC) les informait alors de ce qu’un groupe de quatre personnes grimées<br />

avait dégradé le local de la police municipale situé non loin de là, rue Pizay.<br />

Quelques minutes plus tard, le CIC, qui avait au préalable procédé au<br />

repérage du groupe à l’aide des caméras du Centre de surveillance urbaine,<br />

leur donnait ordre d’interpeller ces quatre personnes, qui se trouvaient à ce<br />

moment-là à leur hauteur, au milieu de la foule des manifestants.<br />

<strong>Le</strong> brigadier A.M. précisait à ce sujet : « Avec les deux autres équipages<br />

BAC, c’est-à-dire six fonctionnaires, puisque les chauffeurs gardaient les<br />

véhicules, nous nous sommes trouvés en situation d’interpeller ces quatre<br />

personnes ». Il se précipitait alors, selon ses dires, vers une des quatre<br />

personnes qui était grimée, et qui allait se révéler être, selon lui, Mlle V.<br />

B. Profitant d’un moment d’inattention, elle prenait la fuite et rejoignait un<br />

groupe de manifestants qui avait pris les autres à partie.<br />

A la demande des membres de la Commission M. A.M. précisait qu’aucun<br />

des six fonctionnaires interpellateurs n’arborait de brassard « Police » au<br />

moment de l’intervention.<br />

Estimant se trouver en légitime défense de soi-même et d’autrui, un<br />

fonctionnaire faisait usage de deux grenades lacrymogène pour éloigner la<br />

foule, se blessant ainsi à la main.<br />

C’est à ce moment-là que M. A.M. put à nouveau interpeller Mlle V.<br />

B., qui avait « perdu » le déguisement qu’elle portait auparavant. Deux<br />

autres fonctionnaires de police, dont M. G.B., également auditionné par la<br />

Commission, lui prêtaient alors main forte pour maîtriser Mlle V.B., qui « était<br />

hystérique, agressive et haranguait la foule ». Ils la « mirent dans un véhicule<br />

administratif ».


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

C’est à ce moment-là, avant de s’agripper à la roue arrière droite du véhicule,<br />

que Mlle V.B. se blessait, selon lui, « aux genoux et aux mains ».<br />

Toujours selon M. A.M., Mlle V.B. aurait fait un geste en direction de l’arme<br />

de M. G.B., qui avait réussi à lui menotter une main. Pensant qu’elle aurait<br />

pu s’en emparer, il lui donnait un « coup de pied de diversion » sur le flanc<br />

gauche. <strong>Le</strong> menottage complet de Mlle V.B. ne put être effectué qu’après<br />

qu’un fonctionnaire de police équipé d’un pistolet à impulsion électrique<br />

Taser en avait fait usage à deux reprises, en mode contact, sur Mlle V.B.<br />

En fin d’audition, M. A.M. précisait que Mlle V.B. lui avait fracturé un doigt en<br />

lui portant un coup de pied au cours de son interpellation.<br />

Audition du gardien de la paix G.B.<br />

Ce fonctionnaire de police était également assisté de Me G.V.B.<br />

M. G.B. faisait partie d’un équipage de la BAC plus spécialement affecté à la<br />

surveillance discrète des manifestations. Il n’avait donc aucun signe distinctif<br />

apparent de sa fonction.<br />

Pris à partie comme ses collègues au moment de l’interpellation du groupe<br />

de manifestants, il réussissait, après avoir été blessé au cou et avoir reçu<br />

une canette, à lancer un appel de détresse qui leur permettait de recevoir le<br />

renfort de deux chauffeurs de la BAC.<br />

Après que la foule fut dégagée, « il prêtait main forte au brigadier A.M., afin<br />

d’appréhender Mlle V.B. », dont il précisait aussi l’état d’excitation : « Elle<br />

a réussi a donner un coup de pied à A.M., le blessant à la main » ; « elle a<br />

fait un geste en direction de mon arme, et A.M. lui a donné un coup de pied<br />

de diversion » sur le bras. Sur ce point précis, M. G.B. ajoutait : « Elle a<br />

saisi A.M. à la manche et mon collègue lui a donné un coup de pied pour se<br />

libérer ». Après qu’elle se fut agripée à la roue arrière droite du véhicule, M. G.<br />

M. confirmait devant la Commission qu’il n’avait pu terminer le menottage<br />

qu’après que l’un de leurs collègues avait à deux reprises fait usage du Taser<br />

dont il était doté, en mode contact, sur la personne de Mlle V.B.<br />

Analyse du DVD<br />

<strong>Le</strong> document soumis à la Commission a permis de visionner au ralenti<br />

l’interpellation de Mlle V.B.<br />

234


235<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

La version donnée par les fonctionnaires de police quant à l’absence de<br />

tout signe distinctif de leur fonction est confirmée. En effet, aucun des six<br />

fonctionnaires dont on devine la qualité par le seul port du tonfa, ne porte le<br />

brassard « Police ».<br />

Une épaisse fumée blanche retient la foule à distance de l’action, libérant<br />

ainsi une aire de trente mètres sur vingt environ, dans laquelle se déroule<br />

la scène de l’interpellation. Trois personnes, porteuses de tonfa, sont aux<br />

prises avec une personne de sexe féminin, de petite taille, qu’ils traînent sur<br />

le sol, avant que, dans un réflexe de défense, elle ne s’aggripe à la roue d’un<br />

véhicule Ford de couleur grise, équipé d’un gyrophare mobile.<br />

À cet instant, l’une des personnes citées plus haut se penche au-dessus<br />

d’elle et lui applique à deux reprises sur le thorax un appareil dont on devine<br />

qu’il est destiné à administrer une décharge électrique, provoquant sa chute<br />

sur la chaussée, et permettant ainsi son menottage.<br />

Une longue séquence, toujours au ralenti, s’attarde sur la foule, qui<br />

apparemment invective les fonctionnaires de police à distance, sans qu’aucun<br />

projectile ne soit lancé dans leur direction.<br />

Après l’interpellation, le véhicule de marque Ford déjà mentionné, dont s’est<br />

rapproché un deuxième véhicule, quitte les lieux en marche arrière.<br />

AVIS<br />

L’interpellation de Mlle V.B par les fonctionnaires de la BAC fut empreinte<br />

de brutalité, sans respect des règles élémentaires du Code de déontologie<br />

policière et de la dignité de la personne humaine.<br />

La Commission s’interroge sur l’utilité de deux coups de pieds de « diversion »<br />

administrés par M. A.M. qui, dans sa version, ne parle que d’un seul coup de<br />

pied, contrairement à M. G.B., qui en mentionne deux.<br />

<strong>Le</strong> <strong>rapport</strong> de force existant en la circonstance aurait dû permettre aux<br />

fonctionnaires de police, au nombre de trois, de réaliser une interpellation<br />

conforme aux règles de déontologie, évitant ainsi de « traîner » Mlle V.B. sur<br />

la chaussée, et sans être contraints à lui administrer deux coups de pieds de<br />

« diversion », ponctués de deux décharges électriques.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

La Commission juge également que des fautes de commandement ont<br />

été commises dès lors que l’on demandait à six fonctionnaires de police,<br />

n’arborant pas les signes distinctifs de leur qualité, d’interpeller parmi d’autres<br />

manifestants quatre personnes qui venaient de se livrer à des dégradations<br />

sur les locaux de la police municipale.<br />

Un tel manque de discernement ne pouvait assurément que générer des<br />

troubles qui, dans un premier temps, occasionnaient la blessure de deux<br />

fonctionnaires de police (MM. G.B. et A.M.) se trouvant dans une foule dont<br />

on pouvait supposer qu’elle leur serait hostile.<br />

En effet, s’agissant du moment de la dislocation de la manifestation,<br />

la Commission s’étonne de constater qu’alors que soixante-dix-sept<br />

fonctionnaires en tenue étaient mobilisés sur ce service d’ordre (comme le<br />

prévoyait la note de service déposée auprès de la Commission par Me G.<br />

V.B., qui en était détenteur), les fonctionnaires de la BAC n’aient pu recevoir<br />

que le seul renfort de deux chauffeurs.<br />

Il s’agit d’une faute de service qu’il appartient à la hiérarchie policière<br />

d’apprécier.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission estime devoir rappeler, d’une manière générale, l’ensemble<br />

de la hiérarchie policière à l’observation des règles essentielles de la<br />

déontologie et au respect de la personne humaine. Il n’est pas admissible<br />

qu’en la circonstance, l’interpellation rapide qui ne pouvait qu’être vouée à<br />

l’échec de quatre personnes ait été jugée plus importante que le maintien de<br />

l’ordre public, face à une foule estimée à 800 à 1000 personnes.<br />

La Commission rappelle que l’interpellation décidée de personnes<br />

soupçonnées de dégradations ne peut être accomplie que par des<br />

fonctionnaires dont la qualité de policier est apparente.<br />

N’a pas été respectée la circulaire du 2 août 2004 de M. le Ministre de<br />

l’Intérieur selon laquelle les membres de la BAC prennent « toute disposition<br />

dès qu’ils interviennent pour être immédiatement et clairement identifiés<br />

comme policier par toute personne. A ce titre, ils sont systématiquement<br />

porteurs de brassard de police de façon réglementaire ». <strong>Le</strong> non-respect de<br />

cette règle ne peut qu’être à l’origine de malentendus.<br />

236


237<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

De plus, le nombre de gardiens intervenants ou susceptibles d’intervenir ne<br />

justifie pas les violences exercées sur une femme, y compris avec un Taser,<br />

violences qui sont contraires à la déontologie.<br />

Il appartient à M. le Ministre de l’Intérieur d’en tirer les conséquences sur le<br />

plan disciplinaire.<br />

Adopté le 10 juillet 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :<br />

Suite à cette réponse, la CNDS a adressé au ministre de l’Intérieur le courrier<br />

suivant :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

238


239<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

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241<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

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243<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-73<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 1 er septembre 2005,<br />

par M. Jean LEFORT, député du Val de Marne<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 1 er<br />

septembre 2005, par M. Jean LEFORT, député du Val de Marne, des conditions<br />

de l’interpellation et de la détention de M. S.C., le 19 mai 2005, dans le 5 ème<br />

arrondissement de Paris.<br />

La Commission a pris connaissance des pièces de la procédure, notamment<br />

de l’enquête de l’IGS suite à la plainte de M. S.C. à l’encontre des policiers.<br />

La Commission a procédé aux auditions de M. S.C., du brigadier-major M. L.<br />

C., et de M. L.B., gardien de la paix.<br />

LES FAITS<br />

M. S.C., qui se présente comme auteur-compositeur-interprète, a exposé<br />

à la Commission que, le 19 mai 2005, à 5h00 du matin, il avait quitté son<br />

domicile de Vitry-sur-Seine pour se rendre dans une boîte de nuit du 5 ème<br />

arrondissement de Paris. Il y aurait pris un verre de rhum, vers 5h40, soit<br />

vingt minutes avant la fermeture de l’établissement.<br />

Vers 7h00, il a fait l’objet d’une interpellation devant le commissariat de police<br />

du 5 ème arrondissement, rue de la Montagne Sainte-Geneviève. M. S.C. et le<br />

policier interpellateur ont donné des versions sensiblement différentes des<br />

conditions dans lesquelles l’interpellation s’est produite :<br />

- M. S.C. indique avoir pris sa voiture en sortant de la boîte de nuit. Ayant<br />

ressenti un malaise, il dit s’être arrêté « volontairement » face au commissariat<br />

de police. Il serait resté plus d’une heure dans son véhicule. Après avoir<br />

244


245<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

« essayé de vomir sans succès », il a mis le contact pour disposer du<br />

chauffage. A ce moment, plusieurs policiers se sont présentés, l’ont sorti<br />

« de manière très musclée » de sa voiture et l’ont conduit au commissariat.<br />

- <strong>Le</strong> policier interpellateur, qui appartient à une compagnie d’intervention, a<br />

exposé qu’il se trouvait avec deux collègues à l’intérieur d’un car à proximité<br />

immédiate du commissariat de police, attendant de recevoir des consignes. Il<br />

dit avoir vu un homme descendre à pied en titubant le rue Montagne Sainte-<br />

Geneviève, et rejoindre une voiture, stationnée entre deux autres devant<br />

le commissariat. Après avoir mis le moteur en marche, cette personne a<br />

ouvert la portière, vomi à l’extérieur, puis a cherché à se dégager en heurtant<br />

les véhicules situés devant et derrière le sien. S’étant rapprochés et ayant<br />

constaté que la personne en cause avait commencé à conduire en état<br />

d’ivresse, les policiers l’ont interpellée.<br />

Deux examens successifs à l’éthylotest ont établi des dosages de 0,55 mg<br />

par litre d’air expiré à 7h20 et 0,52 mg à 7h40.<br />

M. S.C. fit l’objet d’une palpation de sécurité puis, selon ses dires, d’une<br />

fouille à corps avec déshabillage complet. Il fut ensuite conduit à l’hôpital<br />

Cochin. <strong>Le</strong> médecin qui l’a examiné a établi à 8h17 un certificat.<br />

À son retour au commissariat, M. S.C. fut placé en garde à vue dans une<br />

cellule de dégrisement. Il s’est manifesté plus tard, indiquant qu’il était<br />

victime d’une crise d’asthme, et demandant de la Ventoline. Cette demande<br />

n’étant pas satisfaite, il prit alors appui sur le muret intérieur de la cellule,<br />

et repoussa la porte métallique avec une telle vigueur que celle-ci en fût<br />

déformée. La serrure étant devenue inutilisable, les policiers ne purent ouvrir<br />

la porte. Poursuivant ses efforts, M. S.C. réussit à plier suffisamment la porte<br />

pour s’extraire de la cellule en rampant.<br />

Appelés par le commissariat, les pompiers conduisirent M. S.C. aux Unités<br />

médico-judiciaires de l’Hôtel Dieu. <strong>Le</strong> médecin qui l’examina attesta à 11h58<br />

que l’état de l’intéressé ne nécessitait pas de traitement et était compatible<br />

avec la garde à vue dans les locaux de police. <strong>Le</strong> certificat médical comporte<br />

les « recommandations » suivantes : « Pas de menottage des poignets<br />

formellement. Lui laisser la Ventoline à disposition pendant toute la durée de<br />

la garde à vue ».<br />

Par la suite, M. S.C. n’a pas eu besoin de Ventoline, mais, malgré la


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

recommandation formelle des médecins, il fut menotté pendant le trajet du<br />

retour, puis au cours de ses déplacements à l’intérieur du commissariat, pour<br />

être conduit soit dans le local où il a rencontré un avocat, soit dans celui où<br />

les pièces de procédure ont été établies.<br />

Libéré en fin d’après-midi, M. S.C. a fait l’objet d’une mesure de suspension<br />

pendant trois mois et demi de son permis de conduire. Il a déposé à l’encontre<br />

des policiers une plainte pour non-assistance à personne en danger, qui ne<br />

semble pas avoir reçu de suite.<br />

AVIS<br />

En ce qui concerne l’interpellation de M. S.C.<br />

<strong>Le</strong>s indications données par M. S.C. sur les conditions dans lesquelles il<br />

a été interpellé comportent trop d’invraisemblances pour être crédibles. La<br />

régularité de son interpellation n’est pas contestable.<br />

En ce qui concerne le déroulement de la garde à vue<br />

Deux observations doivent être formulées :<br />

- sur le menottage : La vigueur dont avait fait preuve M. S.C. en réussissant à<br />

détériorer la porte métallique de la cellule de dégrisement pouvait amener les<br />

policiers à prendre la précaution de le menotter, d’abord en le ramenant de<br />

l’Hôtel Dieu au commissariat, puis pendant ses déplacements à l’intérieur de<br />

celui-ci. Ce faisant, ils ont méconnu la recommandation formelle mentionnée<br />

par le médecin sur le certificat qui leur avait été remis. Cette prescription<br />

aurait dû être respectée.<br />

- sur la fouille de sécurité : <strong>Le</strong>s indications données par M. S.C. sur la fouille<br />

de sécurité avec déshabillage dont il dit avoir fait l’objet sont trop précises<br />

pour être contestées.<br />

La Commission a déjà regretté, à plusieurs reprises, que les prescriptions de<br />

la circulaire du 11 mars 2003 soient, en ce qui concerne la fouille de sécurité,<br />

insuffisamment respectées. Au cas d’espèce, rien ne permettait de suspecter<br />

246


247<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

M. S.C., qui avait fait l’objet d’une palpation de sécurité, « de dissimuler des<br />

objets dangereux » pour lui-même ou pour autrui.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission demande que soit rappelée aux services de police qu’ils<br />

doivent respecter, au cours d’une garde à vue, les prescriptions ou<br />

recommandations des médecins qui ont examiné la personne en cause.<br />

Constatant une nouvelle fois l’inobservation des règles énoncées par la<br />

circulaire du 11 mars 2003 relatives à la fouille de sécurité, la Commission<br />

recommande que cette circulaire soit complétée sur ce point : la mise en<br />

œuvre d’une telle mesure devrait être expressément mentionnée dans un<br />

procès-verbal exposant les raisons ayant conduit l’officier de police judiciaire<br />

à la décider.<br />

Adopté le 10 juillet 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :<br />

Suite à cette réponse, la CNDS a adressé au ministre de l’Intérieur le courrier<br />

suivant :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

248


249<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

250


251<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-79<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 20 septembre 2005,<br />

par M. Hugues PORTELLI, sénateur du Val d’Oise<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 20<br />

septembre 2005, par M. Hugues PORTELLI, sénateur du Val d’Oise, des<br />

conditions d’interpellation de M. A.L., survenue dans la nuit du 12 au 13<br />

août 2005, à Saint-Brice-sous-Forêt.<br />

La Commission a entendu M. A.L., et M. D.L., gardien de la paix.<br />

LES FAITS<br />

Dans la nuit du 12 au 13 août 2005, M. A.L. (qui est de nationalité française<br />

et d’origine sénégalaise) se trouvait à Paris avec deux amis ; il a indiqué<br />

qu’ils avaient, à trois, bu une bouteille de rhum.<br />

Avec l’une de ces personnes, M. A.L. se présenta, sans doute vers trois<br />

heures du matin, à un hôtel de Saint-Brice-sous-Forêt (Val d’Oise) et<br />

demanda à louer une chambre. Il ne disposait, pour la régler, que de sa carte<br />

bancaire. <strong>Le</strong> vigile qui assurait la garde de l’hôtel lui ayant indiqué qu’à cette<br />

heure de la nuit, le paiement par carte n’était pas possible, M. A.L. insista. <strong>Le</strong><br />

ton ayant monté entre les deux hommes, la gérante de l’hôtel demanda que<br />

le bruit cesse et fit appel à la police.<br />

Alerté par le commissariat de Sarcelles, la brigade de nuit, composée du<br />

gardien de la paix D.L. et d’un autre policier, se rendit à l’hôtel. La grille<br />

étant fermée, ils durent l’enjamber. Tandis que son collègue pénétrait dans<br />

l’établissement pour y rencontrer la gérante, le gardien de la paix D.L. resta<br />

à la porte d’entrée du hall.<br />

252


253<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Alors que M. A.L., descendu du premier étage, se dirigeait vers la sortie, le<br />

gardien de la paix D.L. l’empêcha de quitter l’hôtel en attendant, selon ses<br />

dires, que son collègue ait pu entendre la gérante, et l’invita à se taire. M. A.<br />

L., qui, selon M. D.L., faisait preuve d’énervement, tenta de quitter l’hôtel en<br />

écartant le policier.<br />

Sur ce qui suivit, les indications données par M. A.L. et M. D.L. sont<br />

divergentes.<br />

Selon M. A.L., le policier lui porta un coup de poing au visage, ce qui le fit<br />

reculer.<br />

Selon le gardien de la paix D.L., M. A.L. l’a saisi par le bras pour franchir<br />

la porte et, devant sa résistance, a tenté de lui porter au visage un coup<br />

de poing qui l’a atteint à la poitrine. M. D.L. indique avoir alors répliqué,<br />

en portant à M. A.L. « un coup de poing identique au sien qui l’a atteint au<br />

visage, au niveau de la mâchoire ».<br />

À ce moment, arrivèrent à la porte de l’hôtel à la fois le second policier et l’ami<br />

de M. A.L., lequel aurait tenté de s’interposer. <strong>Le</strong>s deux policiers maîtrisèrent<br />

M. A.L. et son ami en les portant au sol et en les menottant.<br />

M. A.L. soutient qu’étant menotté au sol, le gardien de la paix D.L. lui asséna<br />

sur le visage un violent coup de pied à la suite duquel il dit avoir ressenti une<br />

vive douleur et s’être retrouvé dans l’impossibilité de parler.<br />

M. D.L. conteste formellement l’avoir fait.<br />

Après l’arrivée d’un autre équipage de policiers, M. A.L. et son ami furent<br />

conduits au commissariat de Sarcelles. M. A.L. dit avoir abondamment<br />

saigné alors qu’il était menotté sur un banc.<br />

Il se plaint aussi d’avoir été menotté de manière très serrée.<br />

M. A.L. fut conduit à l’hôpital de Gonesse, où il fut admis à 5h36. L’examen<br />

pratiqué révéla une « fracture bifocale de la mandibule (parasymphysaire Dt<br />

et angle G) ». Une intervention chirurgicale fut pratiquée le jour même.<br />

M. A.L. sortit de l’hôpital le 16 août.<br />

Un certificat médical établi le 17 août contient les mentions suivantes :<br />

« M. L. présente ce jour des clichés datés du 13.08.2005 retrouvant deux<br />

foyers de fracture de la mandibule inférieure, l’un para-median droit et l’autre<br />

au niveau de la branche horizontale gauche. Un second bilan radiologique


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

montre les deux foyers de fracture immobilisés par ostéosynthèse ». <strong>Le</strong><br />

même document fait état d’une lésion en bord externe de l’œil gauche, d’une<br />

tuméfaction volumineuse au niveau du visage, d’une limitation de l’ouverture<br />

de la bouche et d’une éraflure au poignet gauche. L’incapacité totale de<br />

travail, d’abord évaluée à quinze jours, a été prolongée et a duré un mois et<br />

demi.<br />

L’examen médical auquel le gardien de la paix D.L. a été soumis le 16 août<br />

2005 n’a révélé « aucune lésion visible, ce jour, susceptible d’être <strong>rapport</strong>ée<br />

aux faits allégués ».<br />

M. D.L. dit avoir déposé, à l’encontre de M. A.L., une plainte pour violences<br />

sur agent de la force publique, et ignorer la suite qui lui a été donnée.<br />

M. A.L. a indiqué à la Commission qu’il a déposé une plainte et a été<br />

récemment entendu par un juge d’instruction du tribunal de Pontoise.<br />

AVIS<br />

M. A.L. a subi, de la part du gardien de la paix D.L., des violences ayant<br />

provoqué deux foyers de fracture de la mandibule.<br />

La Commission constate les divergences sur les faits, exprimées par ces<br />

deux personnes.<br />

M. A.L. affirme qu’il a reçu deux coups sur le visage : d’abord un coup de<br />

poing alors qu’il était débout devant son interlocuteur, ensuite, et alors qu’il<br />

était menotté au sol, un coup de pied violent. Il avait déjà indiqué, alors<br />

qu’il était interrogé par les services de police avant l’intervention chirurgicale<br />

dans les locaux de l’hôpital, avoir « reçu des coups en ayant les menottes<br />

dans le dos ».<br />

M. D.L. reconnaît avoir porté un coup de poing sur le visage de M. A.L.,<br />

en soulignant : « J’estime que ma riposte était proportionnelle au coup que<br />

j’avais reçu. L’objet de cette riposte était de faire reculer cette personne ».<br />

Il nie avoir porté un coup de pied sur le visage de M. A.L. alors que celui-ci<br />

était sur le sol et menotté.<br />

L’importance du dommage subi tend à privilégier la thèse du plaignant.<br />

Mais, en admettant même la thèse du policier, on doit constater que le coup<br />

254


255<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

de poing, s’il a suffi à provoquer ce dommage, a été d’une violence excessive<br />

au regard de la situation, et hors de proportion avec le coup subi par le<br />

gardien de la paix.<br />

À supposer qu’il ait été nécessaire de maîtriser M. A.L., la mise en œuvre<br />

des gestes techniques d’intervention aurait permis de le faire : c’est d’ailleurs<br />

sans difficulté que les deux policiers ont mis à terre et menotté M. A.L. et son<br />

ami.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

Estimant que M. A.L. a été victime d’un acte de violence disproportionné,<br />

donc illégitime, la Commission transmet le présent avis à M. le Ministre de<br />

l’Intérieur et au procureur de la République de Pontoise, pour suites à donner<br />

en ce qui les concerne.<br />

Adopté le 9 octobre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :<br />

Conformément à l’article 8 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

cet avis au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de<br />

Pontoise, dont la réponse a été la suivante :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

256


257<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-82<br />

AVIS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 12 octobre 2005,<br />

par Mme Geneviève LEVY, députée du Var,<br />

le 19 octobre 2005,<br />

par M. Pierre-Yves COLLOMBAT, sénateur du Var<br />

et le 4 novembre 2005,<br />

par M. Hubert FALCO, sénateur du Var<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 12<br />

octobre 2005 par Mme Geneviève LEVY, députée du Var, le 19 octobre 2005<br />

par M. Pierre-Yves COLLOMBAT, sénateur du Var, et le 4 novembre 2005 par<br />

M. Hubert FALCO, sénateur du Var, concernant les conditions d’interpellation<br />

de M. J.G., le 17 janvier 2005 à Toulon, à la suite d’un contrôle routier par<br />

une compagnie républicaine de sécurité.<br />

La Commission a pris connaissance de la procédure.<br />

Elle a entendu M. J.G. et le fonctionnaire interpellateur, M. F.D.P.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 17 janvier 2005, M. J.G., accompagné de son épouse, circulait dans la<br />

ville de Toulon à bord de son véhicule. Il fut amené à utiliser un couloir réservé<br />

aux bus. <strong>Le</strong> gardien de la paix F.D.P., membre d’une compagnie républicaine<br />

de sécurité qui assurait une mission de contrôle de la circulation, fit arrêter le<br />

véhicule de M. J.G. et invita celui-ci à présenter les documents afférents à la<br />

conduite et à la circulation de la voiture.<br />

Selon M. F.D.P., M. J.G. aurait refusé dans un premier temps, se serait<br />

énervé, et n’aurait présenté ses documents qu’à la suite d’une nouvelle<br />

demande.<br />

M. F.D.P. rédigea le timbre-amende, que M. J.G. refusa de signer. Il aurait<br />

alors indiqué au policier que, compte tenu de ses relations de voisinage avec<br />

le commissaire de police, il ne paierait pas l’amende. M. F.D.P. indique que<br />

258


259<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

M. J.G. l’a insulté ; M. J.G. le nie.<br />

M. J.G. fut conduit, sans être menotté, au commissariat de police. Il soutient<br />

qu’au cours du trajet, le policier interpellateur l’a insulté. <strong>Le</strong> policier le nie.<br />

M. J.G. fut placé en garde à vue après qu’on lui ait notifié le grief d’outrage<br />

à personne dépositaire de l’autorité publique. Cette mesure, qui prit effet le<br />

17 janvier 2005 à 17h30, fut prolongée jusqu’au 19 janvier, sur instruction du<br />

parquet, parce que M. J.G., qui avait déclaré bénéficier du revenu minimum<br />

d’insertion, détenait sur lui une somme de 5000 € en espèces.<br />

M. J.G. a bénéficié des garanties prévues en cas de garde à vue : son<br />

épouse a été informée ; il a été examiné à deux reprises par un médecin qui<br />

a reconnu la compatibilité de la garde à vue avec son état de santé ; il a pu<br />

s’entretenir avec un avocat.<br />

M. J.G. s’est plaint du mauvais état de la cellule de garde à vue et de son<br />

encombrement : il aurait été retenu avec plusieurs autres personnes.<br />

Une plainte pour outrage à personne dépositaire de l’autorité publique a<br />

été formée à l’encontre de M. J.G. De son côté, celui-ci a déposé plainte<br />

avec constitution de partie civile devant le Doyen des juges d’instruction à<br />

l’encontre du fonctionnaire qui l’a interpellé. Aucune de ces deux procédures<br />

n’a encore abouti.<br />

AVIS<br />

Il appartiendra à la juridiction compétente d’apprécier le bien-fondé de<br />

l’une et l’autre des plaintes croisées qui viennent d’être mentionnées. La<br />

Commission ne peut que constater les divergences des déclarations qui lui<br />

ont été faites.<br />

En l’espèce, aucun manquement à la déontologie de la part des services de<br />

police n’est établi. La Commission estime donc ne pas devoir donner suite<br />

à la saisine.<br />

Adopté le 6 novembre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis pour information à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de<br />

l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-83<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 12 octobre 2005,<br />

par M. Noël MAMÈRE, député de la Gironde<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 12<br />

octobre 2005, par M. Noël MAMÈRE, député de la Gironde, des conditions<br />

d’interpellation de M. H.S. pour rébellion, à la suite d’un contrôle d’identité<br />

effectué le 17 septembre 2005 vers 17h30, à la station de métro Châtelet,<br />

en exécution d’une réquisition du procureur de la République, ainsi que des<br />

conditions dans lesquelles s’est ensuite effectué son placement en garde à<br />

vue.<br />

Elle a pris connaissance de la procédure établie par l’Inspection générale<br />

des services. Elle a procédé aux auditions de M. H.S. et des différents<br />

fonctionnaires de police.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 17 septembre 2005, entre 17h00 et 17h30, M .H.S., réfugié politique de<br />

nationalité algérienne, ancien officier des forces spéciales algériennes, auteur<br />

d’un livre, fut soumis à un contrôle d’identité effectué par des fonctionnaires<br />

de la police régionale des transports, à la station de métro Châtelet, sur<br />

réquisition du procureur de la République, en application des dispositions de<br />

l’article 78-2, alinéa 2, du Code de procédure pénale. <strong>Le</strong>s contrôles d’identité<br />

étaient effectués par une dizaine d’équipes de trois gardiens de la paix placés<br />

sous l’autorité d’un lieutenant de police.<br />

L’identité de M. H.S. fut contrôlée par une équipe composée de Mme V.<br />

L., de M. L.G. et de M. E.R. M. L.G. ayant invité M. H.S. à se soumettre<br />

à ce contrôle, M. H.S. introduisit la main dans son blouson afin de sortir<br />

son portefeuille. M. L.G. lui demanda de sortir la main de son vêtement et<br />

260


261<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

l’informa qu’il allait au préalable procéder à une palpation de sécurité. Il lui<br />

donna l’ordre de se placer face au mur, les mains contre ce mur.<br />

Alors qu’il se livrait à cette palpation, M. H.S. protesta, se débattit et fit<br />

observer que ce contrôle d’identité était selon lui illégal. Il fut amené au sol<br />

par les gardiens de la paix, face contre terre, et menotté. <strong>Le</strong>s policiers le<br />

relevèrent, et Mme V.L., en suivant ses indications prit son portefeuille, afin<br />

d’en sortir sa carte de séjour.<br />

Au cours de cette opération, une passante, Mme C.P., qui avait reconnu<br />

M. H.S. pour avoir assisté à un procès en diffamation que lui avait intenté<br />

le gouvernement algérien, tenta d’intervenir afin de signaler qu’il n’était pas<br />

dangereux. Ayant été invitée à « circuler », elle fit observer aux policiers<br />

que leur comportement n’était pas, selon elle, acceptable. Elle alla ensuite<br />

téléphoner à un parlementaire pour lui signaler les faits dont elle avait été<br />

témoin et l’interpellation de M. H.S.<br />

Mis à l’écart, M. H.S. fut invité par M. G.J., lieutenant de police responsable<br />

du dispositif, à s’expliquer sur les faits qui lui étaient imputés par les gardiens<br />

de la paix.<br />

Il fut ensuite conduit au poste de police du quartier des Halles où il fut<br />

présenté à Mme V.R., lieutenant de police, qui lui notifia son placement en<br />

garde à vue pour le délit de rébellion. M. H.S. demanda à s’entretenir avec<br />

un avocat, mais ne demanda pas d’examen médical. Il refusa de signer le<br />

procès-verbal de notification de placement en garde à vue.<br />

Mme V.L. rédigea pour sa part un procès-verbal de saisine faisant état de ce<br />

que M. H.S. avait porté un coup de coude à M. L.G., au visage.<br />

Après que son placement en garde à vue lui eut été notifié, M. H.S. fut<br />

soumis, dans le bureau, à une nouvelle palpation de sécurité effectuée par<br />

M. C.P., gardien de la paix, puis à une fouille à laquelle procéda M. C.P.,<br />

dans un couloir, au cours de laquelle il dut retirer ses vêtements.<br />

M. H.S. passa ensuite la nuit au commissariat de la gare du Nord. <strong>Le</strong> lendemain,<br />

il fut entendu par M. C.P. et reconnut dans le procès-verbal, avoir protesté et<br />

avoir « gesticulé avec ses bras » lorsqu’il avait été placé face au mur.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

La fin de sa garde à vue lui fut notifiée à 12h00, ainsi qu’une convocation à<br />

comparaître devant le délégué du procureur de la République.<br />

La procédure fut finalement classée sans suite.<br />

M. H.S., entendu par la Commission, a relaté que, ayant mis la main dans la<br />

poche intérieure de son blouson pour y prendre son portefeuille, le gardien<br />

de la paix qui l’avait invité à se soumettre à ce contrôle d’identité avait hurlé :<br />

« Faites sortir vos mains ! », et avait mis la sienne sur son arme. Il l’avait alors<br />

jeté avec violence contre le mur en le prenant par l’arrière de son vêtement,<br />

et l’un des policiers lui avait maintenu la tête en appuyant sur sa nuque de<br />

telle manière qu’il ne puisse plus bouger. Il a indiqué qu’il avait alors reçu<br />

deux coups de poing dans le dos, qui lui avaient fait très mal, qu’il avait été<br />

palpé et menotté dans le dos.<br />

Il a précisé que la femme qui était responsable de l’équipe de gardiens de la<br />

paix avait pris son portefeuille, en suivant ses indications, pour y prendre sa<br />

carte de séjour, et que les policiers l’avaient ensuite amené à terre et avaient<br />

maintenu son visage contre le sol. Il a déclaré avoir alors reçu des coups de<br />

genou dans le dos, et qu’il avait été maintenu dans cette position pendant<br />

environ cinq minutes. Il a expliqué qu’il était demeuré correct, qu’à aucun<br />

moment il n’avait opposé de résistance, et que les policiers avaient utilisé<br />

une violence qu’il ne pouvait accepter.<br />

Il a ensuite relaté qu’ayant été conduit au poste de police des Halles, il avait<br />

été introduit dans un bureau dans lequel se trouvaient une fonctionnaire de<br />

police et trois fonctionnaires masculins, et que l’officier de sexe féminin lui<br />

avait notifié son placement en garde à vue. Il a précisé que les policiers se<br />

seraient adressés à lui en termes ironiques, qu’ils l’avaient appelé « Monsieur<br />

le journaliste », « Monsieur l’écrivain », « Monsieur le réfugié politique ».<br />

Il a précisé que l’un des hommes lui avait demandé pourquoi il avait résisté,<br />

qu’il l’avait attrapé par la veste et qu’il l’avait fait lever brusquement. Il<br />

l’avait palpé et, selon lui, il avait fait « le geste d’introduire un doigt dans<br />

ses fesses », ce qui l’avait révolté. Ayant, également selon lui, demandé à<br />

la femme policier si elle avait vu, celle-ci n’avait pas réagi et ses collègues<br />

avaient également affirmé qu’ils n’avaient rien vu.<br />

Il a indiqué que l’un des gardiens de la paix l’avait ensuite conduit dans<br />

262


263<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

un couloir où il avait subi une autre fouille et où il avait reçu l’ordre de se<br />

déshabiller complètement. Il avait remarqué qu’il se trouvait devant une<br />

caméra, ce qu’il avait fait observer au fonctionnaire de police mais celui-ci<br />

avait maintenu son ordre en lui disant : « Il n’y a rien à voir ».<br />

Après avoir passé la nuit au commissariat de la gare du Nord, le lendemain<br />

matin, le policier qui avait selon lui été l’auteur du geste insultant de la veille,<br />

avait procédé à son audition. Selon lui, il avait exigé qu’il signe un procèsverbal<br />

dans lequel il reconnaissait avoir donné un coup de poing à l’un des<br />

gardiens de la paix, ce qu’il avait refusé de faire. Par la suite, il avait accepté<br />

de signer, mais avait apposé une signature qui différait de la sienne.<br />

Une convocation à comparaître devant le délégué du procureur de la<br />

République lui a été notifiée et l’affaire a été classée sans suite.<br />

M. L.G., gardien de la paix a déclaré que M. H.S. avait eu, tout de suite, un<br />

geste très virulent, en introduisant la main dans son blouson. Il a précisé que<br />

M. H.S. avait accepté, dans un premier temps, de se placer face au mur, qu’il<br />

avait commencé à le palper et que, lorsque sa tête était arrivée à hauteur de<br />

son coude droit, il avait tenté de lui donner un coup de coude. Il avait alors<br />

décidé de le maîtriser en l’amenant au sol, comme il l’avait appris au cours<br />

de sa formation.<br />

Mme V.L. a confirmé que M. H.S. avait tenté de donner un coup de coude à<br />

son collègue.<br />

Mme C.P., qui avait été témoin de cette interpellation, a déclaré que M. H.<br />

S. avait été tout de suite tutoyé par les policiers et avait été immédiatement<br />

placé contre le mur. Elle a précisé que M. H.S. n’avait pas été agressif, et<br />

qu’au cours de la palpation il avait fait observer au policier qu’il n’avait pas le<br />

droit de le toucher, ce à quoi, celui-ci lui ayant répondu : « Calme toi », M. H.<br />

S. lui avait fait observer qu’il « connaissait ses droits ». Elle se souvenait qu’il<br />

s’était ensuite trouvé à plat ventre à terre et qu’il était très blanc lorsque les<br />

policiers l’avaient relevé.<br />

Elle a ajouté : « J’ai été frappée par la disproportion qu’il y avait entre lui qui<br />

est de petite taille et la carrure du policier, qui était beaucoup plus grand que<br />

lui et qui le rudoyait. Tous les policiers étaient à cran, surtout la femme ».<br />

Elle a enfin fait observer : « Rien ne justifiait le comportement des policiers.<br />

M. H.S. n’était pas agressif, je n’ai vu aucun geste de rébellion. Il s’est<br />

contenté de demander pour quelles raisons on lui demandait ses papiers et


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

de protester au moment de son interpellation... J’ai été surprise par la rapidité<br />

avec laquelle il a été jeté par terre et sans qu’il y ait une cause apparente ».<br />

Mme V.R., lieutenant de police, a précisé qu’elle avait informé M. H.S. qu’il<br />

avait droit à un examen médical. Elle a indiqué qu’il avait refusé de signer le<br />

procès-verbal et qu’elle lui avait expliqué que sa signature n’impliquait pas<br />

qu’il reconnaisse les faits, mais simplement qu’il avait été informé du motif du<br />

placement en garde à vue et de ses droits.<br />

Elle a précisé qu’une nouvelle palpation de sécurité avait dû être effectuée<br />

car celle pratiquée lors de l’interpellation n’avait pas pu être réalisée<br />

correctement. Elle a indiqué que si M. C.P. avait fait un geste obscène lors de<br />

la palpation, un tel geste n’aurait pas pu passer inaperçu et qu’elle ne l’aurait<br />

pas toléré. Elle a nié que des propos moqueurs aient pu être tenus. Elle a<br />

précisé, que ne disposant d’aucun local spécifique, la fouille de sécurité avait<br />

été effectuée dans un couloir faisant partie du local de garde à vue et qui<br />

était fermé. Elle a indiqué que la cellule et le couloir étaient équipés par deux<br />

caméras de surveillance, et qu’elle donnait pour instruction que les caméras<br />

soient éteintes et que les personnes soumises à cette fouille ne se trouvent<br />

pas dans leur champ.<br />

M. C.P. a nié avoir été l’auteur du geste décrit par M. H.S. mais a admis que<br />

M. H.S. l’avait immédiatement accusé d’avoir fait un tel geste. <strong>Le</strong>s policiers<br />

présents dans le bureau ont cependant tous affirmé qu’ils n’avaient pas<br />

entendu cette protestation.<br />

M. R.F. a déclaré que la fouille de sécurité avait été effectuée après que les<br />

caméras eurent été débranchées et alors que l’intéressé ne se trouvait pas<br />

dans leur champ. Il a déclaré qu’il n’avait pas demandé à M. H.S. de retirer<br />

ses sous-vêtements, ce qui était en contradiction avec les déclarations faites<br />

au cours de l’enquête de l’IGS.<br />

A la suite de la parution d’articles dans la presse, une enquête détaillée a été<br />

effectuée par l’IGS.<br />

La procédure a été classée sans suite en raison de l’insuffisante caractérisation<br />

des faits allégués : « <strong>Le</strong>s allégations de violences illégitimes, commises par<br />

M. H.S., telles que décrites lors de son dépôt de plainte, diffèrent sensiblement<br />

des dénonciations <strong>rapport</strong>ées par voie de presse. En tout état de cause,<br />

elles ne sont pas apparues établies.<br />

L’action policière visant à maîtriser et interpeller M. H.S. semble tout d’abord<br />

264


265<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

légitime en son principe, et les blessures du plaignant, consistant en des<br />

contusions du dos et d’une épaule, apparaissent compatibles avec un usage<br />

de la force strictement nécessaire en l’espèce. Ensuite, les coups de poings<br />

allégués, dont le plaignant ne peut reconnaître l’auteur, ont été totalement<br />

niés par les fonctionnaires mis en cause. Ces coups n’ont pas été non plus<br />

confirmés par les agents de la RATP présents alors, ni par le témoin pourtant<br />

désigné par M. H.S., témoin amené par ailleurs à contredire le plaignant en<br />

<strong>rapport</strong>ant son refus de présenter une carte d’identité.<br />

Enfin, la pénétration anale dénoncée n’est pas non plus apparue comme<br />

établie. Tardivement évoquée par M. H.S., tue devant les médecins l’ayant<br />

examiné, cette pénétration n’a pas fait l’objet de constatations médicales.<br />

L’allégation étonnante d’une pénétration malgré le port des vêtements a été<br />

clairement réfutée par le policier mis en cause, qui a <strong>rapport</strong>é néanmoins<br />

qu’une protestation de cette nature a bien été exprimée calmement par M. H.<br />

S. dès le moment de la palpation, apparaissant sans doute plus comme la<br />

contestation d’une palpation de sécurité réglementaire péniblement vécue.<br />

<strong>Le</strong>s autres fonctionnaires présents n’ont pas eu conscience d’ailleurs d’un<br />

échange verbal à ce sujet ».<br />

AVIS<br />

La Commission constate, s’agissant d’un contrôle d’identité sur réquisition<br />

du procureur de la République, qu’une meilleure information de l’intéressé<br />

aurait permis que ce contrôle s’effectue dans de meilleures conditions.<br />

Elle constate que, compte tenu de la déposition du témoin de ce contrôle,<br />

rien ne justifiait la violence avec laquelle M. H.S. avait, dans un premier<br />

temps, été plaqué contre le mur.<br />

Une meilleure information et une palpation de sécurité effectuée sans<br />

violence auraient vraisemblablement permis, en l’espèce, d’éviter tout acte<br />

de résistance.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission recommande :<br />

- que les personnes soumises à un contrôle d’identité sur réquisition du<br />

procureur de la République, soient précisément informées du cadre dans<br />

lequel ce contrôle est effectué ;<br />

- qu’il soit veillé à la décence des conditions dans lesquelles sont réalisées<br />

les fouilles de sécurité.<br />

266<br />

Adopté le 18 septembre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :


267<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

268


Saisine n°2005-86<br />

269<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 24 octobre 2005,<br />

par M. René DOSIÈRE, député de l’Aisne<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 24<br />

octobre 2005, par M. René DOSIÈRE, député de l’Aisne, des conditions dans<br />

lesquelles M. J.H. et M. M.B. ont été interpellés, le 25 mars 2006, à Saint-<br />

Quentin (02), par les effectifs de police locaux, et conduits au commissariat<br />

central pour y être placés en cellule jusqu’à complet dégrisement.<br />

Après avoir procédé aux auditions des intéressés, la Commission a recueilli<br />

les observations du commissaire central, et le témoignage du gardien de la<br />

paix responsable de l’opération.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 25 mars 2005 dans la soirée, se tenait au « Café Français » de Saint-<br />

Quentin (02) une soirée jazz à laquelle assistait M. J.H., ainsi que l’un de ses<br />

amis, M. M.B., qui animait la soirée en tant que guitariste.<br />

À la suite de l’appel d’un voisin se plaignant du bruit émanant de<br />

l’établissement, un équipage de police appuyé par des maîtres chiens est<br />

intervenu. <strong>Le</strong>s policiers invitèrent le responsable de l’établissement à sortir<br />

sur le trottoir, muni du registre du personnel.<br />

M. J.H. et M. M.B., « par solidarité », sortirent à leur tour, afin de s’enquérir<br />

des raisons de ce contrôle. <strong>Le</strong>s fonctionnaires de police leur auraient alors<br />

intimé l’ordre de regagner l’établissement, ce à quoi ils s’opposèrent. Selon<br />

M. J.H. et M. M.B., ni eux-mêmes, ni le responsable de l’établissement,<br />

n’étaient en état d’ivresse, M. J.H. ayant consommé un thé vert, et M. M.B.<br />

la « moitié d’un demi de bière ».


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

C’est cependant pour ce motif qu’ils furent conduits au commissariat,<br />

après que le médecin de service à l’Hôpital eut délivré un certificat de nonadmission.<br />

Un procès-verbal d’ivresse publique et manifeste fût dressé à leur encontre.<br />

Sur les conditions dans lesquelles ils furent interpellés et retenus en cellule<br />

de dégrisement, M. J.H. a déclaré n’avoir pu prendre son pardessus au<br />

moment de l’interpellation, ressentant ainsi une désagréable sensation de<br />

froid. Enfin, M. J.H. et M. M.B. se sont étonnés de ne pas avoir subi de test<br />

d’alcoolémie au moment de leur interpellation. Ils ont déclaré avoir subi dans<br />

la nuit, après leur audition, un tel test qui s’est révélé négatif, mais aucun<br />

procès-verbal n’en fait mention.<br />

Par une décision du 18 octobre 2005, le juge de proximité a relaxé M. J.<br />

H. et M. M.B. du grief d’état d’ivresse, en relevant, d’une part que le<br />

<strong>rapport</strong> d’intervention établi immédiatement après les faits n’en faisait pas<br />

mention, et d’autre part que les mentions identiques figurant sur les avis de<br />

contravention, et non conformes au <strong>rapport</strong> d’intervention, rendent ces avis<br />

« sujets à caution ».<br />

L’officier du ministère public s’est pourvu en cassation à l’encontre de ce<br />

jugement de relaxe.<br />

Selon M. C.D., gardien de la paix, M. J.H. et M. M.B., qui « étaient agités<br />

et sentaient l’alcool », avaient refusé de regagner l’établissement, troublant<br />

ainsi l’ordre public. C’est pourquoi ils furent interpellés, menottés et conduits<br />

au commissariat après avoir été présentés au médecin de garde.<br />

AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

La Commission estime qu’en la circonstance l’intervention des services de<br />

police se justifiait par l’appel d’un administré pour tapage nocturne devant<br />

entraîner l’établissement d’un procès-verbal à l’encontre du responsable de<br />

l’établissement.<br />

La conduite de M. J.H. et M. M.B. au commissariat pour ivresse publique et<br />

manifeste a relevé de la seule appréciation du gardien de la paix, M. C.D.,<br />

qui les trouvait « agités et sentaient l’alcool », alors que M. J.H. n’avait, selon<br />

270


271<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

lui, « bu qu’un thé vert et M. M.B. la moitié d’un demi de bière ». Il résulte de<br />

la décision juridictionnelle précitée qu’un doute sérieux existe sur la réalité<br />

de l’état d’ivresse allégué.<br />

Il est regrettable, bien que la loi ne l’exige pas en la circonstance, qu’après<br />

l’établissement du certificat médical de non-admission, aucun contrôle<br />

d’alcoolémie n’ait été effectué au moyen de l’éthylomètre, afin de confirmer<br />

l’état d’ivresse publique et manifeste.<br />

Une circulaire devrait appeler l’attention des fonctionnaires de la police<br />

nationale sur la nécessité de recourir à l’usage de l’éthylomètre au moment<br />

de la conduite des personnes en état d’ivresse publique et manifeste dans les<br />

locaux de police, annihilant ainsi toute possibilité de contestation ultérieure.<br />

Enfin, la Commission estime que le menottage de M. J.H. et M. M.B. ne se<br />

justifiait pas dans ce cas d’espèce.<br />

Adopté le 6 novembre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

272


273<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

274


Saisine n°2005-89<br />

275<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 3 novembre 2005,<br />

par M. Georges COLOMBIER, député de l’Isère<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 3<br />

novembre 2005, par M. Georges COLOMBIER, député de l’Isère, concernant<br />

les conditions d’interpellation de M. G.M. à la sortie d’une discothèque à<br />

Lyon, et les conditions de sa garde à vue.<br />

La Commission a pris connaissance des pièces de la procédure.<br />

Elle a entendu M. G.M., ainsi que le policier interpellateur M. Y.G., brigadierchef<br />

au groupe de sécurité et de protection, et M. S.M., brigadier affecté à la<br />

BAC de Lyon, arrivé par la suite en renfort.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 5 juillet 2005, après avoir appris son succès au baccalauréat, M. G.M. se<br />

rendit avec son frère et quelques amis dans une discothèque de Lyon.<br />

<strong>Le</strong> 6 juillet vers 3h00 du matin, il s’est retrouvé avec d’autres à l’extérieur de<br />

l’établissement. Il a indiqué, lors de son audition par la Commission, avoir voulu<br />

entrer dans la discothèque pour reprendre ses affaires personnelles laissées<br />

au vestiaire, mais en avoir été empêché par les videurs de l’établissement.<br />

Un équipage de police de passage fut amené à intervenir. <strong>Le</strong> responsable de<br />

cet équipage dit avoir constaté qu’une vingtaine de personnes se battaient<br />

sur la voie publique. Après avoir demandé des renforts, les deux policiers<br />

tentèrent de mettre fin à la bagarre. Quatre personnes, dont M. G.M.,<br />

résistèrent et les policiers durent utiliser leurs bâtons de défense pour les<br />

repousser. Ces quatre personnes s’enfuirent à l’arrivée des renforts. M. G.<br />

M. fut rattrapé, appréhendé et menotté. Il était en état d’ivresse et, selon le


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

policier interpellateur, la plus excitée des personnes en cause.<br />

Compte tenu de son état, M. G.M. fut immédiatement conduit dans une<br />

clinique pour y faire l’objet d’un examen médical. Lui-même a reconnu qu’au<br />

cours du trajet, il a insulté les policiers. Il a indiqué aussi, lors de son audition<br />

par la Commission, que l’un des policiers l’aurait fait tomber au sol, qu’il<br />

eut alors une crise de nerfs en se débattant, et qu’un des policiers lui aurait<br />

« donné deux décharges électriques dans la cuisse gauche au moyen d’un<br />

appareil posé sur [la] cuisse ». Il a également précisé avoir perdu le souvenir<br />

de ce qui s’est passé à la clinique et durant sa conduite au commissariat.<br />

<strong>Le</strong> policier interpellateur a indiqué que, devant la violence dont faisait preuve<br />

M. G.M., il avait demandé des renforts. Plusieurs équipages arrivèrent, dont<br />

un équipage de la BAC de nuit.<br />

M. G.M. fut placé menotté dans le véhicule de la BAC et conduit au<br />

commissariat de police. Pendant le trajet, l’un des membres de la BAC dut<br />

lui tenir les jambes. A l’arrivée, et comme il refusait de marcher, il fut porté<br />

dans la cellule de dégrisement.<br />

A la fin de la matinée, il fut examiné par un médecin qui estima son état<br />

compatible avec la mesure de garde à vue. Après son audition, cette mesure<br />

prit fin dans l’après-midi.<br />

M. G.M. a fait l’objet de poursuites pénales. Par un jugement du 13 février<br />

2006, il fut relaxé des fins de la poursuite du chef de violences sur personnes<br />

dépositaires de l’autorité publique, mais déclaré coupable de l’infraction<br />

d’outrage et condamné à une amende délictuelle avec sursis.<br />

AVIS<br />

Il est certain qu’au moment des faits, M. G.M. était en état d’ivresse et que,<br />

contrairement à ce qu’il a affirmé au cours de son audition par la Commission,<br />

il a fait preuve d’une vigoureuse résistance.<br />

<strong>Le</strong>s investigations auxquelles la Commission s’est livrée n’ont pas permis<br />

de confirmer qu’au moment de son arrivée à la clinique, M. G.M. ait reçu de<br />

la part d’un policier des décharges électriques (comme il l’avait indiqué au<br />

276


277<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

cours de son audition, lors de la garde à vue, et comme il l’a dit à nouveau<br />

devant la Commission).<br />

Il résulte du certificat médical établi au cours de la garde à vue, daté du 6<br />

juillet 2005 à 12h30, que M. G.M. a fait l’objet d’un examen très complet.<br />

<strong>Le</strong> praticien a relevé « un œdème circulaire des deux poignets, sans déficit<br />

vasculo-sensitivo-moteur des mains, une ecchymose rouge de la fesse<br />

gauche, du talon droit et du genou droit ». <strong>Le</strong> certificat mentionne également<br />

des marques au niveau du dos. On n’y trouve aucune mention de traces<br />

d’impact de décharges électriques.<br />

Il est possible que l’œdème constaté aux deux poignets soit l’effet d’un<br />

menottage trop serré, mais on ne peut exclure qu’il résulte de l’agitation et<br />

de la résistance dont il est certain que M. G.M. a fait preuve jusqu’à ce qu’il<br />

soit placé en cellule de dégrisement.<br />

Il résulte de ce qui précède qu’en l’espèce, aucun manquement à la<br />

déontologie n’est établi de la part des services de police. La Commission<br />

estime donc ne pas devoir donner suite à la saisine.<br />

Adopté le 6 novembre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis pour information à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de<br />

l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-91<br />

AVIS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 14 novembre 2005,<br />

par M. Michel PAJON, député de Seine-Saint-Denis<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 14<br />

novembre 2005, par M. Michel PAJON, député de Seine-Saint-Denis, des<br />

conditions de l’interpellation de M. S.R. le 22 janvier 2005, par un service de<br />

police du Val-de-Marne.<br />

La Commission a pris connaissance de la procédure engagée devant le<br />

tribunal de grande instance de Créteil.<br />

La Commission a entendu M. S.R. et son père, ainsi que le gardien de la paix<br />

M. A.S.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 22 janvier 2005, dans l’après-midi, découvrant à son domicile le portable<br />

de sa compagne, M. S.R. décida d’écouter les messages qu’il contenait, ce<br />

qui lui permit de découvrir que son amie entretenait des relations avec un<br />

autre homme. Elle le lui confirma téléphoniquement. M. S.R. brisa une vitre<br />

de son appartement, puis appela sa mère, à qui il fit part de ce qu’il venait<br />

de tuer sa compagne.<br />

Sa mère alerta aussitôt les services de police qui, se rendant au domicile de<br />

M. S.R. pour s’assurer éventuellement de l’état d’une victime, constatèrent<br />

la présence de sang qui, en réalité, provenait de M. S.R. Avisés ensuite que<br />

celui-ci pouvait s’être rendu à l’hôpital pour se faire soigner, des patrouilles<br />

s’y rendirent. Ayant remarqué la présence de M. S.R., accompagné de son<br />

père, ils l’arrêtèrent, le mirent au sol et le menottèrent.<br />

<strong>Le</strong> même jour, à 18h15, la compagne de M. S.R. téléphonait au service<br />

de police pour confirmer qu’elle était ce jour-là absente de son domicile,<br />

278


279<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

qu’elle avait eu une dispute au téléphone avec son compagnon et qu’elle<br />

avait entendu le bris de vitre, mais qu’elle ne s’était jamais trouvée en sa<br />

présence.<br />

M. S.R. a reconnu que c’était sous le coup de la colère qu’il avait dit à sa mère<br />

avoir tué sa compagne. Il a été libéré dès réception du coup de téléphone de<br />

celle-ci, mais après avoir reçu des soins.<br />

<strong>Le</strong> père de M. S.R., qui se trouvait avec lui lors de son arrestation, est celui<br />

qui a saisi le parlementaire dans le but de contester devant la Commission<br />

les conditions de l’interpellation de son fils. Il a déclaré qu’un policier l’ayant<br />

« écarté » lors de cette opération, il avait ressenti au majeur droit des douleurs<br />

qui n’ont cessé qu’au bout de quatre mois. Il n’a toutefois pas fait expertiser<br />

cette blessure.<br />

AVIS<br />

La Commission constate que M. S.R., soupçonné d’homicide volontaire<br />

sur la personne de sa concubine, a été régulièrement interpellé sur la voie<br />

publique dans le cadre d’une enquête de flagrance (art. 73 CPP). L’usage<br />

de la force publique pour conduire le suspect au commissariat était certes<br />

énergique, mais légitime et strictement proportionné au but à atteindre.<br />

Elle observe que l’emploi des gestes techniques professionnels d’intervention<br />

ne s’est accompagné de violence illégitime ni à l’égard du suspect, ni<br />

à l’égard du père de ce dernier, qui – ignorant, selon ses dires, tout des<br />

motifs de l’interpellation – avait tenté de s’interposer entre les différents<br />

protagonistes.<br />

<strong>Le</strong> suspect étant au moment des faits à la fois en état de grande excitation<br />

et soupçonné de meurtre, il n’apparaît pas anormal qu’il ait été menotté<br />

(art. 803 CPP) afin d’être conduit en véhicule de police au commissariat de<br />

police, avant d’être rapidement dirigé vers l’hôpital le plus proche pour être<br />

soigné d’une blessure superficielle à la main qu’il s’était lui-même infligée.<br />

La Commission n’a constaté aucun manquement à la déontologie.<br />

Adopté le 6 novembre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis pour information à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de<br />

l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-92<br />

AVIS & RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 4 novembre 2006,<br />

par M. Gérard BAPT, député de Haute-Garonne<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le<br />

4 novembre 2006, par M. Gérard BAPT, député de Haute-Garonne, des<br />

conditions dans lesquelles se sont déroulées les interpellations de MM. A.<br />

P. et F.G., le 14 octobre 2005 à Toulouse, suite à un tapage nocturne suivi<br />

de jets d’objets divers sur la voie publique à partir du quatrième étage d’un<br />

immeuble.<br />

La Commission a pris connaissance des pièces de la procédure.<br />

La Commission a reçu les déclarations de MM. A.P. et F.G., ainsi que celles<br />

de Mlle E.F., témoin de l’interpellation de M. A.P.<br />

<strong>Le</strong>s fonctionnaires de police intéressés, les gardiens de la paix C.N. et<br />

Y.H., ainsi que le capitaine P. ont été entendus à leur tour, assistés par le<br />

commissaire divisionnaire, M. F.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 14 octobre 2005, en soirée, M. A.P. et sa compagne Mlle E.F. recevaient<br />

une vingtaine d’amis dans leur appartement situé au quatrième étage d’un<br />

immeuble du centre de Toulouse, dans une rue passante et animée, non loin<br />

de la place du Capitole.<br />

En raison de l’extrême douceur de la température, les fenêtres de<br />

l’appartement étaient restées ouvertes, ce qui permit à M. A.P. d’entendre, à<br />

un moment donné, des cris en provenance de la voie publique. Il constatait<br />

280


281<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

que les videurs d’une boîte de nuit voisine se plaignaient de jets de bougies<br />

chauffe-plats tombées à leurs pieds en provenance de son appartement.<br />

Il les rejoignait aussitôt pour s’en excuser. C’est à ce moment-là que, selon<br />

M. A.P., deux fonctionnaires de police en uniforme arrivés à bord d’un<br />

véhicule sérigraphié, s’adressèrent à lui « sur un ton ferme », après que<br />

les videurs l’eurent désigné en sa qualité de responsable de l’appartement.<br />

Constatant que sa compagne Mlle E.F. tentait de le rejoindre, M. A.P. ferma<br />

devant elle la porte du hall d’entrée de l’immeuble, afin de « lui éviter des<br />

ennuis », selon ses dires.<br />

<strong>Le</strong>s gardiens C.N. et Y.H., toujours selon M. A.P., auraient mal interprété<br />

son geste, et celui qui lui parlait, dont le signalement donné correspond à<br />

M. Y.H., l’aurait plaqué au mur, en lui appliquant sa matraque sur la trachée.<br />

A cet instant le deuxième fonctionnaire de police lui assénait, avant de le<br />

menotter, deux gifles sur la joue droite « à l’aide de sa main gauche », lui<br />

occasionnant immédiatement une violente douleur à l’oreille, dont le médecin<br />

légiste, auprès duquel M. A.P. sera conduit plus tard sur réquisition de l’OPJ<br />

de permanence, constatait qu’elle était due à une « importante déchirure<br />

tympanique » n’entraînant pas d’ITT. La cicatrisation, selon M. A.P., luimême<br />

interne des hôpitaux de Toulouse, devait s’opérer avec le temps, pour<br />

ce type de blessure.<br />

Toujours selon M. A.P., les personnes présentes dans l’appartement étaient<br />

descendues sur la voie publique au moment de son interpellation. Son ami<br />

M. F.G. était également conduit comme lui au commissariat central.<br />

Ayant subi un dépistage d’alcoolémie positif, M. A.P. était placé en cellule<br />

de dégrisement. Après qu’il eût quitté cette cellule, il déclarait à l’OPJ de<br />

permanence se plaindre de violentes douleurs à l’oreille droite, pour lesquelles<br />

il était conduit à l’hôpital auprès du médecin légiste de permanence, avant<br />

de pouvoir regagner son domicile.<br />

Plusieurs mois après, M. A.P. déposait une plainte classée sans suite à<br />

l’encontre des fonctionnaires de police pour violences illégitimes.<br />

Mlle E.F., entendue comme témoin, donnait une version différente des<br />

conditions d’interpellation de son compagnon M. A.P. : « A ce moment-là,<br />

un des fonctionnaires de police se plaçant derrière lui (M. A.P.) a plaqué la


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

matraque sur la gorge dans le but vraisemblable de l’immobiliser » ; toujours<br />

selon Mlle E.F., « l’autre fonctionnaire le menottait dans le dos et lui donnait<br />

une bonne claque sur l’oreille droite ».<br />

M. F.G., qui fut interpellé quelques instants plus tard, déclarait : « A un<br />

moment donné, j’ai entendu un fonctionnaire de police dire que quelqu’un<br />

avait jeté une canette. Trouvant la situation ridicule, j’ai déclaré que c’était<br />

moi ». Conduit au commissariat central sans être menotté, M. F.G. était<br />

auditionné sans notification de garde à vue, et pouvait regagner son domicile<br />

aussitôt. <strong>Le</strong> test d’alcoolémie auquel il avait été soumis à son arrivée au<br />

poste de police s’était révélé négatif.<br />

<strong>Le</strong>s versions des gardiens de la paix C.N. et Y.H. sont différentes de celles<br />

de M. A.P.<br />

Selon M. C.N., M. A.P. s’est jeté sur lui, l’empêchant ainsi de pénétrer dans<br />

les parties communes de l’immeuble. Son collègue Y.H. intervenait alors pour<br />

lui faire lâcher prise. Après un étranglement infructueux, il portait sur M. A.<br />

P. un atémi de diversion, ce qui, l’effet de surprise aidant, leur permettait de<br />

le menotter.<br />

Toujours selon M. C.N. :« Je n’ai jamais entendu M. A.P. se plaindre de<br />

douleurs à l’oreille ce soir-là. Il n’a évoqué ce fait que quelques jours après,<br />

au cours d’une confrontation ».<br />

<strong>Le</strong> gardien de la paix Y.H. était ce soir -à chef de bord de la patrouille.<br />

Dépêché sur place suite à un appel 17 pour tapage nocturne et jets d’objets<br />

divers sur la voie publique, il désirait, selon ses propres dires, demander<br />

aux personnes présentes dans l’appartement de cesser le tapage. Il prenait<br />

contact, suite aux indications fournies par les videurs de l’établissement de<br />

nuit déjà mentionné, avec M. A.P., qui lui aurait répondu « être de passage<br />

dans le quartier ».<br />

Constatant qu’une jeune femme (Mlle E.F.) allait ouvrir la porte d’accès à<br />

l’immeuble, lui et son collègue s’apprêtaient à gagner les étages, lorsque<br />

M. A.P. se jetait sur M. C.N. Il lui portait alors « un étranglement sans forcer<br />

afin de ne pas le blesser ». M A.P. ne lâchait toujours pas prise, malgré ses<br />

injonctions. Il lui portait alors un atémi de diversion, alors que selon M. Y.H.,<br />

M. A.P. était « sérieusement aviné ».<br />

Alors qu’après l’avoir menotté, il conduisait M A.P. vers le véhicule de police,<br />

282


283<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

M. Y.H. constatait que divers objets étaient projetés dans leur direction depuis<br />

le quatrième étage. C’est pourquoi il sollicitait la venue de renforts sur place,<br />

qui, sous l’autorité du capitaine P., ne tardaient pas à les rejoindre. Cet officier<br />

prenait la direction des opérations avec l’appui de la BAC, et procédait dans<br />

les étages aux contrôles d’identité des personnes qui quittaient l’appartement<br />

à ce moment-là.<br />

Toujours selon M. Y.H., M. F.G., qui s’était dénoncé comme étant le lanceur<br />

de canettes, allait être conduit dans le même véhicule que M. A.P. au<br />

commissariat central. C’est au cours de ce transfert que M. F.G. aurait<br />

déclaré, s’adressant à M. A.P. : « Arrête avec ton oreille, tu as mal depuis<br />

plusieurs mois ».<br />

En sa qualité de responsable intervenant en renfort avec les effectifs de la<br />

BAC sur cette affaire, le capitaine P. a été entendu par la Commission.<br />

Responsable de permanence du quart de nuit et officier de police judiciaire<br />

habilité à en exercer les attributions, il intervient en tant que « première<br />

autorité sur tous les troubles à l’ordre public qui échapperaient aux unités<br />

de base, son rôle étant surtout opérationnel, et sa qualité d’OPJ purement<br />

formelle ».<br />

A son arrivée sur place, le capitaine P. constatait que MM. C.N. et Y.H. étaient<br />

à l’abri derrière le fourgon de police après l’interpellation d’une personne<br />

(M. A.P.). Divers débris de vaisselle de porcelaine et de canettes de bière<br />

jonchaient le sol.<br />

Se rendant dans les étages avec les effectifs de la BAC, il y croisait dans<br />

les escaliers « une vingtaine de personnes, dont il contrôlait les identités ».<br />

Suite à sa demande, afin d’éviter d’avoir à conduire toutes ces personnes au<br />

commissariat, il constatait que M. F.G. se désignait comme étant l’auteur des<br />

jets d’objets divers en direction des fonctionnaires de police. Il l’interpellait<br />

donc pour le faire conduire au commissariat central.<br />

A la question posée et relative à l’absence de procès-verbal de constatation,<br />

le capitaine P. a répondu que le procès-verbal de saisine rédigé par les<br />

premiers fonctionnaires intervenants faisait foi en la matière et que son action<br />

avait surtout pour but de rétablir l’ordre public le plus rapidement possible,<br />

dans une artère particulièrement fréquentée malgré l’heure avancée.<br />

En sa qualité d’assistant de tous les fonctionnaires entendus, le commissaire


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

divisionnaire F. a précisé être l’initiateur et le signataire d’une note de service<br />

définissant le rôle de l’officier de quart. Il estimait donc que le capitaine P.<br />

avait accompli sa tâche en rétablissant l’ordre public et qu’il « n’y avait pas<br />

lieu d’établir de PV de constatation dans ce type d’affaire ».<br />

AVIS<br />

La Commission a constaté les contradictions existant entre les relations faites<br />

par M. A.P., Mlle E.F., MM. C.N. et Y.H. Faute d’éléments complémentaires,<br />

il est difficile d’établir avec certitude lequel de ces protagonistes s’est jeté<br />

sur l’autre.<br />

Il est par contre regrettable qu’au vu de l’état d’une personne interpellée<br />

(M. A.P.), que M. Y.H. décrit comme « avinée », les fonctionnaires de police<br />

aient omis de la conduire immédiatement auprès d’un médecin hospitalier,<br />

en vue de l’établissement du certificat médical de non admission.<br />

La procédure établie et transmise à la Commission par le parquet de Toulouse<br />

ne fait pas mention de cette formalité, véritable garantie de la personne<br />

interpellée en ivresse publique et manifeste et des fonctionnaires qui en ont<br />

la charge.<br />

La Commission s’interroge également sur le lien de causalité, que semblent<br />

réfuter les fonctionnaires de police lorsqu’ils attribuent à M. F.G. les propos :<br />

« Arrête avec ton oreille, tu as mal depuis plusieurs mois », existant entre<br />

l’atémi donné par M. Y.H. et la déchirure tympanique importante constatée<br />

en milieu hospitalier après dégrisement de M. A.P.<br />

Il semble très probable en effet que l’atémi reçu ait directement provoqué la<br />

déchirure constatée. Seule une présentation au médecin de garde, aussitôt<br />

après l’interpellation de M. A.P., aurait pu lever le doute sur cet aspect<br />

critiquable de l’intervention policière.<br />

Enfin, la Commission estime qu’après un tel trouble à l’ordre public où<br />

deux personnes ont été interpellées, et l’identité d’une vingtaine d’autres<br />

contrôlée, un procès-verbal de constatation aurait dû être rédigé par l’OPJ<br />

intervenant.<br />

284


RECOMMANDATIONS<br />

285<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

La Commission recommande que les formalités relatives à la présentation<br />

en milieu hospitalier des personnes en état d’ivresse publique et manifeste<br />

soient scrupuleusement respectées. Il s’agit d’une garantie importante pour<br />

la personne interpellée et pour les fonctionnaires qui en ont la garde.<br />

<strong>Le</strong>s OPJ intervenant, suite à des troubles importants à l’ordre public, doivent<br />

apprécier avec discernement l’opportunité de rédiger des procès-verbaux de<br />

constatation susceptibles de conforter ou d’infirmer les faits relatés par les<br />

premiers fonctionnaires intervenants.<br />

En outre, la Commission rappelle que les gestes techniques professionnels<br />

d’intervention ne doivent être employés que s’ils sont strictement nécessaires.<br />

En l’espèce, l’atemi constitue une violence illégitime.<br />

Adopté le 15 janvier 2007<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-93<br />

AVIS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, du 4 novembre 2005,<br />

par Mme Bernadette PAIX, députée de la Haute-Garonne<br />

et de sa saisine, du 20 mars 2006,<br />

par M. Gérard BAPT, député de la Haute-Garonne<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 4<br />

novembre 2005, par Mme Bernadette PAIX, députée de la Haute-Garonne,<br />

et le 20 mars 2006, par M. Gérard BAPT, député de la Haute-Garonne, des<br />

conditions dans lesquelles M. N.C. a fait l’objet d’un procès-verbal pour<br />

infraction au Code de la route, ainsi que des conditions de son interpellation<br />

et de son maintien en garde à vue du 24 au 26 janvier 2006 à Toulouse.<br />

La Commission a pris connaissance de la procédure.<br />

La Commission a entendu M. N.C. et l’OPJ de permanence au commissariat<br />

central de Toulouse, M. S.F.<br />

LES FAITS<br />

À la suite d’un accident de la circulation survenu en 1992, et au cours duquel<br />

il subit un grave traumatisme crânien, M. N.C. est devenu titulaire d’une carte<br />

d’invalidité.<br />

<strong>Le</strong> 19 novembre 2004, il fit l’objet d’un procès-verbal pour avoir franchi un<br />

feu rouge. Il a, pour ce motif, fait l’objet d’une condamnation, confirmée par<br />

un arrêt du 17 décembre 2005 de la cour d’appel de Toulouse.<br />

Cet arrêt était entaché d’une erreur matérielle. <strong>Le</strong> 24 janvier 2006, la Cour<br />

se réunit pour décider la rectification de cette erreur et M. N.C. se rendit à<br />

cette audience. Des incidents survenus alors ont conduit le parquet à décider<br />

286


287<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

son interpellation immédiate et l’ouverture à son encontre de poursuites en<br />

flagrant délit pour outrages à magistrats. M. N.C. fut directement conduit de<br />

l’audience au commissariat central et placé en garde à vue.<br />

Dès son arrivée au commissariat de police, à 15h15, M. N.C. fut placé dans<br />

le local de garde à vue. Invité à en sortir pour se soumettre aux opérations<br />

de vérifications de son identité, M. N.C. s’y refusa. Il ressort des pièces du<br />

dossier qu’il refusa également, les 24 et 25 janvier 2006, les repas qui lui<br />

furent proposés.<br />

Il fut examiné par un médecin peu après son arrivée au commissariat, le 24<br />

janvier à 16h30. M. N.C. a indiqué qu’il avait alors exprimé le souhait d’être<br />

examiné par un neurochirurgien, et qu’en raison des séquelles de l’accident<br />

dont il avait été victime, il devait prendre du Gardénal. <strong>Le</strong> certificat établi par<br />

le praticien ne fait pas mention de ces demandes. Il conclut à la compatibilité<br />

de la mesure de garde à vue avec l’état de santé de M. N.C., porte la mention<br />

« pas de traitement » et précise « avis psychiatre sollicité ».<br />

<strong>Le</strong>s services de police obtinrent un rendez-vous, pour le jour même, du<br />

service psychiatrique de l’hôpital Purpan. M. N.C. refusant de se lever de la<br />

couchette où il se trouvait, dans le local de garde à vue, il fut conduit de force<br />

à l’hôpital, dans l’après-midi.<br />

M. N.C. se plaint d’avoir été examiné par le psychiatre dans le hall de<br />

l’hôpital, et non dans le cabinet du praticien, et d’être resté menotté pendant<br />

l’examen. L’OPJ entendu par la Commission indique que le maintien du<br />

menottage a été rendu indispensable par la résistance opposée par M. N.C.<br />

<strong>Le</strong> <strong>rapport</strong> du psychiatre précise que M. N.C. a refusé le principe de l’examen<br />

et est demeuré couché sur le sol pendant celui-ci. Ce <strong>rapport</strong> contient les<br />

indications suivantes : M. N.C. « insiste parfois sur son statut de handicapé<br />

mal traité… et s’il revendique l’avis d’un neurochirurgien, il considère inutile<br />

le point de vue du psychiatre : il refusera d’évoquer, à aucun moment, les<br />

éventuelles séquelles neurologiques d’une blessure visible (cicatrice fronto<br />

orbitaire à gauche) ».<br />

Après que le parquet eut autorisé la prolongation de la garde à vue, M. N.<br />

C. fut extrait du local de garde à vue le 25 janvier 2006, et entendu par<br />

l’OPJ. C’est seulement le 26 janvier, à 8h15, qu’il accepta les opérations de<br />

signalisation. Après une nouvelle audition sur les faits reprochés, la garde à<br />

vue de M. N.C. prit fin le 26 janvier à 10h20, et il fut présenté au parquet.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS<br />

Il ressort clairement de ce qui précède que la durée de la mesure de garde<br />

à vue et les incidents qui l’ont marquée résultent de l’attitude adoptée par<br />

M. N.C. L’examen des faits ne révèle aucun manquement, de la part des<br />

services de police, aux règles déontologiques.<br />

288<br />

Adopté le 9 octobre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis pour information à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de<br />

l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire.


Saisine n°2005-98<br />

289<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 20 novembre 2005,<br />

par Mme Claire BRISSET, Défenseure des enfants<br />

La Commission a été saisie le 20 novembre 2005, par Mme Claire BRISSET,<br />

Défenseure des enfants, des conditions d’interpellation de M. I.F., âgé de<br />

17 ans , le 8 septembre 2005, et de sa conduite au commissariat du 11 ème<br />

arrondissement pour une vérification d’identité .<br />

Elle a entendu M. I.F., le capitaine de police qui a procédé à cette interpellation<br />

et le commissaire divisionnaire du 11 ème arrondissement.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 8 septembre 2005, vers 19h30, rue de la Roquette, des fonctionnaires<br />

de police de la compagnie de sécurisation, placés sous l’autorité de M. F.<br />

L., capitaine de police, verbalisèrent le conducteur d’un scooter pour le motif<br />

que l’engin présentait des parties saillantes. Ils demandèrent au passager,<br />

M. I.F., âgé de 17 ans, étudiant en droit, de présenter une pièce d’identité<br />

ce que celui-ci ne fut pas en mesure de faire. L’un d’eux procéda à sa fouille<br />

et découvrit, dans une de ses poches, des chèques-cadeau au nom de sa<br />

mère, Mme F.B. Ces chèques étant établis à un nom différent de celui que<br />

le jeune homme avait décliné, les policiers le soupçonnèrent de les avoir<br />

volés.<br />

Ils le menottèrent et le conduisirent au commissariat du 11 ème arrondissement,<br />

pour une vérification d’identité. Au commissariat, il demeura, menotté, assis<br />

sur un banc, de 20h00 à 20h35, heure à laquelle sa mère vint le chercher.<br />

La conduite au commissariat fut inscrite sur le registre. En revanche, en<br />

méconnaissance des dispositions de l’article 78-3 du Code de procédure


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

pénale, M. I.F. ne fut pas présenté à un officier de police judiciaire, aucun<br />

procès-verbal de vérification d’identité ne fut rédigé, et le procureur de la<br />

République ne fut pas informé de cette vérification d’identité qui concernait<br />

un mineur.<br />

Entendu par la Commission, M. I.F. a déclaré que le fonctionnaire de police qui<br />

lui avait demandé de présenter une pièce d’identité l’avait saisi par la poche<br />

du pantalon et l’avait tiré vers lui en lui faisant observer que le lampadaire<br />

sur lequel il était adossé pouvait tenir tout seul. Il a précisé qu’ayant eu un<br />

sourire nerveux devant l’injustice qui était faite à son ami à l’encontre duquel<br />

était relevé une contravention dont le motif lui paraissait aberrant, le même<br />

fonctionnaire de police était revenu vers lui, et l’avait de nouveau tiré par la<br />

poche en lui redisant que le lampadaire pouvait tenir tout seul.<br />

Il a indiqué que ce fonctionnaire de police l’avait fouillé, et qu’ayant trouvé<br />

les chèques au nom de sa mère, il l’avait immédiatement accusé de les avoir<br />

volés et l’avait informé qu’il allait être emmené au commissariat, ce qui le<br />

ferait moins rire. Il a précisé qu’il avait ensuite été menotté et que, dans la<br />

voiture l’un des policiers l’avait « étranglé avec sa matraque ».<br />

Il a relaté qu’au commissariat, il avait attendu, menotté sur un banc, l’arrivée<br />

de sa mère qui avait été prévenue par téléphone. Selon lui, ayant demandé<br />

combien de temps cette situation allait durer, l’un des fonctionnaires lui avait<br />

répondu qu’il avait un joli visage et que, s’il voulait le garder, « il avait intérêt à<br />

la ferme ». Un gardien de la paix qui travaillait à l’accueil, lui avait, également<br />

selon lui, fait remarquer que « vu sa tête, il aurait l’occasion de le revoir<br />

souvent au commissariat », réflexion qui ne pouvait avoir qu’une connotation<br />

raciale, M. I.F. ayant un père sénégalais.<br />

M. F.L., capitaine de police qui a affirmé avoir été présent au moment du<br />

contrôle d’identité et avoir pris la décision de la conduite au commissariat,<br />

a précisé que le contrôle d’identité du passager était justifié par le fait qu’il<br />

s’agissait d’un scooter de 49,9 cm 3 , sur lequel il était interdit de transporter<br />

une personne de plus de 14 ans.<br />

Il a admis que M. I.F. avait pu être menotté pendant sa conduite au<br />

commissariat, quoiqu’il n’en ait, selon lui, pas gardé le souvenir, et a cru le<br />

justifier en expliquant que le jeune homme étant dépourvu de pièce d’identité,<br />

il ne pouvait savoir à qui il avait à faire.<br />

Après avoir, dans un premier temps, déclaré ne pas se rappeler la découverte<br />

des chèques-cadeau, il a ensuite admis qu’il s’agissait d’une des raisons<br />

290


291<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

pour lesquelles l’intéressé avait été conduit au commissariat.<br />

Il a expliqué que M. I.F. n’avait pas été fouillé mais qu’il lui avait été demandé<br />

de vider ses poches, ce qui avait permis de constater la présence de ces<br />

chèques, établis à un nom différent de celui qu’il avait décliné. Il a également<br />

admis qu’il était possible que le jeune homme lui ait dit que les chèques<br />

étaient au nom de sa mère, et a fait observer qu’il y avait eu un doute sur ce<br />

point et que, sur la voie publique, la « théorie de l’apparence » était appliquée,<br />

aucune vérification n’étant possible.<br />

Il a précisé que, si M. I.F. était très énervé, il était demeuré correct, et qu’il<br />

n’avait pas été outrageant.<br />

Il a enfin contesté que M. I.F. ait pu être « étranglé » avec une matraque au<br />

cours de sa conduite au commissariat.<br />

M. J-L.C., commissaire divisionnaire, a indiqué que le contrôle d’identité<br />

était justifié par le fait que le scooter présentait des parties saillantes, ce<br />

qui constituait une infraction, et était dangereux pour les intéressés. Il a<br />

fait observer, tout en notant que les fonctionnaires qui avaient décidé cette<br />

conduite au commissariat ne relevaient pas de son autorité, qu’il lui paraissait<br />

justifié de ne pas laisser repartir un mineur dépourvu de pièce d’identité, ne<br />

serait-ce que pour prévenir ses parents.<br />

Il a reconnu que la procédure prévue par l’article 78-3 du Code de procédure<br />

pénale n’avait pas été respectée. Il a précisé qu’elle était respectée autant<br />

que possible, mais qu’il arrivait qu’elle ne le soit pas dans les cas les plus<br />

simples. Il a indiqué que cette pratique ne correspondait pas aux instructions<br />

qu’il donnait et qu’il ne pouvait l’approuver, puisqu’il était là pour faire appliquer<br />

la loi. Il a fait observer que la procédure définie par l’article 78-3 était lourde,<br />

qu’il était difficile de la mettre en oeuvre de façon systématique, et que<br />

cette pratique n’était pas propre au commissariat du 11 ème arrondissement.<br />

Il a indiqué qu’il n’avait pas donné de nouvelles instructions depuis cette<br />

affaire.<br />

Il a confirmé que M. I.F. était menotté lorsque sa mère était venue le chercher<br />

au commissariat. Il a expliqué à ce propos que le commissariat occupait, depuis<br />

peu, de nouveaux locaux, que le poste donnait directement sur l’entrée et que,<br />

quelques semaines avant, cette disposition des lieux avait permis une évasion.<br />

Il a ajouté que personne n’avait pu lui dire si ce port de menottes se justifiait par<br />

le fait que le jeune homme aurait été agité, et qu’aucun fonctionnaire ne s’était<br />

souvenu s’il avait été menotté au cours du transport. Il a précisé qu’il rappelait<br />

fréquemment aux fonctionnaires placés sous son autorité les dispositions de<br />

l’article 803 du Code de procédure pénale concernant le menottage.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS<br />

La Commission constate que M. I.F., mineur de 18 ans, qui n’avait commis<br />

aucun délit, a été conduit au commissariat menotté et qu’il y est demeuré,<br />

également menotté, dans l’attente de l’arrivée de sa mère.<br />

Si les fonctionnaires de police allèguent que cette conduite au commissariat<br />

aurait été justifiée par une vérification d’identité, la Commission relève<br />

qu’aucune des dispositions de l’article 78-3 du Code de procédure pénale n’a<br />

été respectée. Aucun procès-verbal n’a été rédigé par un officier de police<br />

judiciaire précisant quel pouvait être le motif du contrôle d’identité et de la<br />

vérification qui a suivi. <strong>Le</strong> procureur de la République n’a pas été informé<br />

de cette vérification d’identité qui concernait un mineur et il n’a pu donner<br />

aucune instruction.<br />

La justification avancée par le capitaine de police tenant à l’interdiction,<br />

sur un scooter de cette cylindrée, de transporter un passager de plus de<br />

14 ans, est dérisoire. Elle n’explique en rien que l’intéressé ait été conduit au<br />

commissariat menottes dans le dos.<br />

<strong>Le</strong> motif de cette conduite au commissariat pour une vérification d’identité<br />

ne peut être que la découverte de chèques-cadeau à un autre nom que celui<br />

que qui avait été décliné par l’intéressé.<br />

La Commission fait observer que ces chèques ont été découverts non à<br />

l’occasion d’une palpation de sécurité, mais à la suite d’une fouille illégale.<br />

De plus, M. I.F. ayant immédiatement indiqué qu’ils étaient au nom de sa<br />

mère, un simple appel à l’aide d’un téléphone portable aurait permis de<br />

vérifier ce renseignement qui était exact.<br />

Elle relève que le menottage du mineur était manifestement contraire aux<br />

dispositions de l’article 803 du Code de procédure pénale.<br />

Elle observe enfin que les propos qui auraient été tenus par certains des<br />

fonctionnaires de police, s’ils l’ont effectivement été, traduiraient une attitude<br />

de discrimination raciale.<br />

292


RECOMMANDATIONS<br />

293<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

La Commission ne peut que rappeler les dispositions de l’article 78-3 du<br />

Code de procédure pénale, que tout service de police a le devoir de respecter<br />

lorsqu’il procède à une vérification d’identité.<br />

Elle rappelle en particulier que le procureur de la République doit être informé<br />

des vérifications d’identité qui concernent un mineur.<br />

Elle recommande que de nouvelles instructions soient données en ce sens.<br />

La prétendue « lourdeur » d’une procédure prévue par la loi ne saurait être<br />

un prétexte pour une application non systématique de la règle.<br />

Adopté le 10 juillet 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

294


295<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-101<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 7 décembre 2005,<br />

par Mme Nicole BORVO COHEN-SEAT, sénatrice de Paris<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 7<br />

décembre 2005, par Mme Nicole BORVO COHEN-SEAT, sénatrice de Paris,<br />

des conditions d’interpellation et de garde à vue de M. E.M.H., ressortissant<br />

marocain.<br />

La Commission a pris connaissance de la procédure pénale pour conduite<br />

sous l’empire d’un état alcoolique et défaut de permis de conduire à l’encontre<br />

de M. E.M.H., qui a été disculpé et n’a pas été poursuivi pour ces chefs<br />

d’accusation. C’est dans le cadre d’une procédure pour séjour irrégulier<br />

qu’il a été maintenu en garde à vue, puis placé dans un local de rétention.<br />

M. E.M.H a été remis en liberté.<br />

La Commission a procédé aux auditions des huit fonctionnaires de police<br />

concernés, du Dr A. qui a examiné le plaignant, et de Mlle D., membre de la<br />

CIMADE.<br />

LES FAITS<br />

Dans la nuit du 25 au 26 novembre 2005, les gardiens de la paix F.L.M.,<br />

J.T. et Mme S.P., du commissariat de Choisy-le-Roi, alors qu’ils étaient en<br />

patrouille, ont reçu l’ordre de se rendre à Villeneuve-Saint-Georges pour<br />

traiter un accident sur la voie publique.<br />

Sur place, les gardiens de la paix ont constaté qu’il s’agissait d’une collision<br />

entre un camion et une voiture Golf. Trois personnes étaient présentes : le<br />

chauffeur du camion et deux personnes qui se trouvaient dans la Golf.<br />

<strong>Le</strong> chauffeur du camion a désigné M. E.M.H. comme étant le conducteur de<br />

296


297<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

la voiture, ce qui a été confirmé par l’autre passager de la voiture, selon les<br />

dires des trois gardiens de la paix.<br />

Ceux-ci ont fait enlever la voiture par une dépanneuse et après avoir fait<br />

souffler M. E.M.H. dans l’éthylotest qui s’est révélé positif, l’ont invité à les<br />

suivre au commissariat de Villeneuve-Saint-Georges. L’identité de M. E.M.H.<br />

avait été préalablement « passée au fichier », et il avait été constaté qu’il<br />

n’avait pas le permis de conduire.<br />

<strong>Le</strong>s trois gardiens de la paix ont été unanimes à dire qu’ils n’avaient pas eu<br />

de problème avec M. E.M.H. lors de son interpellation et de sa conduite, non<br />

menotté, au commissariat de Villeneuve-Saint-Georges.<br />

Au commissariat, le gardien de la paix Mme S.P., sur ordre du chef de<br />

poste, a menotté M. E.M.H. à un banc situé à côté des cellules de garde à<br />

vue, a avisé l’officier de permanence, et a entrepris diverses recherches le<br />

concernant, apprenant notamment que M. E.M.H. était l’objet d’une mesure<br />

de reconduite à la frontière. Après rédaction du procès-verbal d’interpellation,<br />

les trois gardiens de la paix sont repartis en patrouille.<br />

<strong>Le</strong> capitaine de police A.M. assurait, dans la nuit du 25 au 26 novembre<br />

2005, les fonctions d’OPJ de permanence. Sur demande, il s’est rendu au<br />

commissariat de Villeneuve-Saint-Georges où, compte tenu de l’imprégnation<br />

alcoolique de M. E.M.H., il a dû différer la notification de la garde à vue et<br />

des droits, mais a demandé qu’il soit examiné par un médecin de l’Unité de<br />

consultations médico-judiciaires, où il a été conduit à 4h15. <strong>Le</strong> capitaine de<br />

police A.M. a quitté le commissariat sans attendre le retour de M. E.M.H. Il<br />

affirme qu’il n’y a pas eu de problème particulier avec M. E.M.H. le temps de<br />

sa présence.<br />

M. E.M.H. est revenu au commissariat avec un certificat du Dr M. précisant :<br />

« Pas de doléance alléguée – État d’agitation, à surveiller de près – compatible<br />

avec la garde à vue dans les locaux de la police ».<br />

M. C.B., gardien de la paix au commissariat de Villeneuve-Saint-Georges,<br />

confirme qu’à son retour de l’hôpital, M. E.M.H. « était très agité ». M. C.B. et<br />

son collègue M. O.M. ont procédé à une fouille de sécurité, M. E.M.H. ayant<br />

accepté de se déshabiller. M. C.B. précise : « M. E.M.H. n’était pas content. Il<br />

ne comprenait pas pourquoi il était placé en garde à vue, il criait et gesticulait<br />

et menaçait de se cogner la tête contre les murs, de se blesser pour pouvoir<br />

porter plainte contre nous, en disant que nous l’avions frappé ».


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

À ce sujet, la Commission a fait remarquer à ce fonctionnaire de police que<br />

dans son <strong>rapport</strong> initial du 26 novembre 2005 à 5h40, il avait précisé que M. E.<br />

M.H. avait menacé de porter des coups de tête dans les murs « pour être<br />

envoyé à l’hôpital ». M. C.B. n’a pas expliqué son changement de version et<br />

a simplement déclaré : « Ce que je peux dire, c’est qu’il était tellement agité<br />

que j’ai décidé de lui mettre un casque, une ceinture de contention et des<br />

chevillières de contention pour l’immobiliser et éviter qu’il se blesse ».<br />

Il ressort des auditions effectuées par la Commission :<br />

- que M. E.M.H. est resté entravé par la ceinture de contention et les<br />

chevillières de 5h40 à plus de 9h00 du matin ;<br />

- que M. E.M.H. était couché sur le sol, se tortillait dans tous les sens, donnait<br />

des coups de pied et de tête dans les murs et contre la porte de la cellule ;<br />

- que, jusqu’à la relève (6h15), « il n’a pas arrêté de s’agiter et de crier » ;<br />

- qu’à la relève, M. E.C., fonctionnaire de police, a entendu les cris de M. E.<br />

M.H., s’est rendu à la cellule et a vu « qu’entravé au niveau des bras et des<br />

jambes et un casque de moto sur la tête, il se cognait la tête contre la porte<br />

vitrée et la banquette en béton en hurlant des insultes et en demandant<br />

qu’on le détache. » ;<br />

- que M. E.C. a refusé de le libérer. « Il ne s’est pas calmé » et, dit-il, « cela<br />

a duré jusqu’à l’arrivée des officiers », c’est-à-dire vers 9h00.<br />

Mme V.R., officier de police, confirme son arrivée au commissariat à 9h00<br />

et l’information qu’elle avait reçu : « On m’a dit qu’il avait menacé de se<br />

suicider, qu’il avait eu un comportement dangereux envers lui-même, qu’il<br />

avait voulu s’étrangler avec son pantalon et que les fonctionnaires avaient<br />

dû lui mettre les ceintures de contention et le casque ».<br />

Mme V.R. précise que M. E.M.H. avait été dépouillé de son pantalon avant<br />

d’être maîtrisé et qu’il avait pu le remettre après avoir été débarrassé des<br />

ceintures de contention.<br />

Il est constant que ni à 5h40, ni à 6h15, ni à 9h00, aucun fonctionnaire de<br />

police n’a songé à faire appel à un médecin.<br />

À 10h10, le commissariat est informé par le conducteur du camion qu’il était<br />

incapable de dire qui était le conducteur de la voiture, mais qu’un individu<br />

aurait pris la fuite.<br />

À 12h00, M. E.M.H. est soumis à une vérification d’alcool par éthylomètre,<br />

298


299<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

lequel fait état d’un taux de 0,29 mg d’alcool par litre d’air expiré.<br />

À 12h15, le lieutenant de police Mme V.R. lui notifie sa garde à vue à compter<br />

de 3h45 du matin et ses droits. Elle précise que M. E.M.H. ne désire pas<br />

faire l’objet d’un examen médical.<br />

À 12h30, le propriétaire de la voiture se présente au commissariat et déclare<br />

que c’est lui qui conduisait au moment de l’accident et reconnaît s’être<br />

enfui.<br />

À 14h30, M. E.M.H. est entendu sur sa situation administrative.<br />

À 15h15, le commissariat de Villeneuve-Saint-Georges reçoit pour instruction<br />

de M. le Procureur de Créteil de classer pour absence d’infraction la procédure<br />

relative à la conduite en état alcoolique et sans permis de conduire.<br />

<strong>Le</strong> 26 novembre, à 21h50, transféré au commissariat de Cachan, M. E.M.H.<br />

se voit notifier une prolongation de garde à vue au motif d’être présumé en<br />

situation irrégulière au regard de la législation sur les étrangers.<br />

Il déclare souhaiter un examen médical, effectué par le Dr A. à 00h10 le 27<br />

novembre 2005 au centre hospitalier intercommunal de Créteil, à l’Unité de<br />

consultations médico-judiciaires.<br />

<strong>Le</strong> Dr A. constate que M. E.M.H. allègue des douleurs dorsales, aux genoux,<br />

aux deux hanches et à l’épaule droite. Il a précisé à la Commission que<br />

depuis le certificat de son collègue, le Dr M., l’état de santé de M. E.M.H.<br />

avait changé. Il présentait notamment des contusions avec hématomes<br />

multiples, sans retentissement fonctionnel. <strong>Le</strong> Dr A. a jugé que son état était<br />

compatible avec la garde à vue, tout en prescrivant des médicaments, qui<br />

ne lui ont pas été remis.<br />

Lors de son audition par la Commission, M. E.M.H. a précisé : « Au<br />

commissariat de Cachan, les policiers ont été corrects avec moi ».<br />

À la fin de sa garde à vue, à 16h45, M. E.M.H. a été conduit au local de<br />

rétention de Choisy-le-Roi, où il a reçu la visite de Mlle D., de la CIMADE, qui<br />

a précisé : « Il a relevé ses manches et montré ses bras. J’ai constaté des<br />

écorchures. Il avait aussi des traces violettes enflées sur le front ».<br />

Lors de son audition par la Commission, M. E.M.H. a déclaré : « On m’avait


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

mis un casque sur la tête et des lanières étaient serrées autour de mes<br />

jambes et au niveau du torse. Ils avaient serré très fort la lanière du casque.<br />

J’étais étranglé. J’ai reçu des coups de pied et des coups de ceinture ».<br />

Mis à part la mise en place des ceintures de contention, les fonctionnaires de<br />

police de Villeneuve-Saint-Georges, et notamment le gardien de la paix C.<br />

B., ont contesté les allégations de M. E.M.H. concernant les coups.<br />

AVIS<br />

Il est constant que M. E.M.H. a été maintenu par des ceintures de contention<br />

de 5h40 à 9h00 du matin, soit pendant trois heures vingt.<br />

<strong>Le</strong>s fonctionnaires de police dont les deux chefs de poste, qui l’ont vu<br />

successivement pendant cette période, ont été unanimes pour dire qu’il<br />

hurlait, se roulait sur le sol, donnait des coups de pied et de tête dans les<br />

murs et contre la porte de la cellule.<br />

Il est donc établi que M. E.M.H. était dans un état d’excitation extrême, et<br />

il est vraisemblable que l’état décrit par le Dr A., alors que M. E.M.H. se<br />

trouvait à Cachan, et constaté par Mlle D. de la CIMADE, est le résultat de<br />

cette violente agitation pendant plus de trois heures.<br />

M. T.A., chef d’État-major à la Direction départementale de la sécurité<br />

publique à Créteil, a déclaré à la Commission qu’il ignorait « s’il existe des<br />

textes précisant les modalités et les limites de l’usage de ces ceintures de<br />

contention par les fonctionnaires de police », mais a précisé : « À un moment,<br />

l’état du gardé à vue peut nécessiter un appel aux pompiers ou au SAMU qui<br />

décideront d’une conduite éventuelle à l’hôpital ».<br />

La Commission tient à rappeler les dispositions de l’article 10 du décret du<br />

18 mars 1986 (Code de déontologie de la police nationale), à savoir : « <strong>Le</strong><br />

fonctionnaire de police, ayant la garde d’une personne dont l’état nécessite<br />

des soins spéciaux, doit faire appel au personnel médical et le cas échéant<br />

prendre des mesures pour protéger la vie et la santé de cette personne ».<br />

La Commission estime donc que la mise en place de mesures de contention<br />

a pu se justifier dans l’intérêt du gardé à vue, mais qu’elles ne pouvaient<br />

300


301<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

être maintenues pendant un temps aussi long sans qu’il soit fait appel au<br />

personnel médical, pompiers ou SAMU, comme l’a précisé le chef d’Étatmajor<br />

T.A. ; ainsi que la capitaine de police A.M., OPJ de service qui a<br />

déclaré à la Commission qu’en ce qui le concernait, « lorsqu’un gardé à vue<br />

est agité, je demande à ce qu’il soit réexaminé par un médecin ».<br />

La Commission relève ainsi à l’encontre du chef de poste, M. C.B., du<br />

commissariat de Villeneuve-Saint-Georges, ainsi qu’à l’encontre du<br />

fonctionnaire de police M. E.C. qui lui a succédé à 6h15, une violation de<br />

l’article 10 du Code de déontologie de la police nationale.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission souhaite que les modalités et les limites de l’usage des<br />

moyens de contention par les fonctionnaires de police à l’encontre des gardés<br />

à vue fassent l’objet d’instructions précises, et que notamment l’obligation de<br />

faire appel au personnel médical approprié soit rappelée lorsque perdure<br />

l’agitation violente d’une personne.<br />

Adopté le 15 mai 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

302


303<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

304


Saisine n°2005-102<br />

305<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 14 décembre 2005,<br />

par M. Philippe BRIAND, député d’Indre-et-Loire<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 14<br />

décembre 2005, par M. Philippe BRIAND, député d’Indre-et-Loire, au sujet<br />

de l’inexactitude prétendue des déclarations d’un policier, relatives à la<br />

constatation d’un différend de voisinage opposant M. J-L.M. et des gens du<br />

voyage.<br />

La Commission a pris connaissance des pièces de la procédure.<br />

La Commission a entendu M. J-L.M., ainsi que M. H.L.B., chef de bord de<br />

l’équipage appelé en renfort sur les lieux du différend de voisinage.<br />

LES FAITS<br />

Dans la nuit du 7 au 8 février 2005, en raison d’un attroupement bruyant de<br />

gens du voyage sur la voie publique aux abords immédiats de sa résidence,<br />

M. J-L.M. fait appel aux services de police. Quelques minutes plus tard,<br />

deux équipages de police interviennent sur place et prennent connaissance<br />

des raisons de cet attroupement nocturne : selon les gens du voyage,<br />

les occupants du véhicule stationné devant la résidence de M. J-L.M. les<br />

auraient injuriés (bras et doigts d’honneur) et provoqués à plusieurs reprises<br />

dans l’après-midi précédant les faits, en utilisant notamment de façon<br />

intempestive l’avertisseur sonore du véhicule. A l’occasion d’un passage du<br />

véhicule à proximité du campement des gens du voyage, des projectiles<br />

auraient même été lancés en direction des caravanes.<br />

En même temps que plusieurs fonctionnaires de police commencent à entamer


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

le dialogue avec les gens du voyage et procèdent aux constatations d’usage,<br />

le chef de bord de l’un des équipages est invité par M. J-L.M. à pénétrer<br />

dans son domicile. S’étonnant de la présence « des flics » au domicile de<br />

ses parents, le fils de l’occupant, M. N.M., déclare être le propriétaire du<br />

véhicule incriminé et avoue avoir provoqué à plusieurs reprises les gens du<br />

voyage.<br />

Pour le surplus, les versions de M. J-L.M et de l’officier de police judiciaire H.<br />

L.B. divergent. Selon M. J-L.M., son fils n’a jamais admis devant le policier<br />

avoir jeté des projectiles en direction du campement des gens du voyage.<br />

L’officier de police judiciaire affirme le contraire : le registre de maincourante<br />

fait d’ailleurs état des aveux de M. N.M. s’agissant des faits de<br />

dégradations.<br />

Convoqué par la suite devant le tribunal, M. N.M. sera relaxé du chef des<br />

dégradations légères (art. R.635-1 al.1 C.pén.), mais condamné à deux<br />

mois de suspension de permis de conduire pour la contravention de bruits,<br />

tapages injurieux ou nocturnes (art. R.623-2 C.pén.).<br />

AVIS<br />

À la suite des auditions qu’elle a menées, la Commission constate que les<br />

protagonistes campent sur leurs positions respectives, en maintenant des<br />

déclarations divergentes sur le contenu des propos tenus par M. N.M. au<br />

domicile de ses parents.<br />

<strong>Le</strong>s allégations selon lesquelles l’officier de police judiciaire H.L.B. aurait<br />

travesti la vérité pour « charger » M. N.M., dont il n’aurait pas apprécié la<br />

vulgarité des propos (« les flics sont là ») au moment de son intervention,<br />

apparaissent en l’état du dossier purement hypothétiques.<br />

<strong>Le</strong>s accusations de racisme et de partialité portées à l’encontre de l’officier<br />

de police judiciaire paraissent en outre difficilement compatibles avec la<br />

diligence dont ce dernier a fait preuve au moment de son intervention (en<br />

recommandant à M. J-L.M. de déplacer son véhicule pour éviter tout acte de<br />

vengeance) et dans les heures l’ayant suivie (avec des passages répétés<br />

des véhicules de patrouille sur les lieux de l’incident).<br />

306


307<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Si elle estime ne pas devoir donner suite à la saisine, la Commission regrette<br />

toutefois que la main-courante ait été rédigée par l’opérateur radio de<br />

permanence au commissariat central, et non par l’officier de police judiciaire<br />

devant lequel le mis en cause aurait avoué sa participation aux faits délictueux<br />

se trouvant à l’origine de l’intervention de la police.<br />

La Commission déplore également l’imprécision et l’incomplétude du registre<br />

de la main-courante, sur lequel ne figurent que les noms des policiers<br />

composant le premier équipage,à l’exclusion de ceux du second équipage<br />

appelé en renfort.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission recommande que l’attention des services de police soit<br />

appelée sur la nécessaire rigueur avec laquelle doivent être tenus les<br />

registres de main-courante.<br />

Adopté le 18 décembre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-104<br />

AVIS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 14 décembre 2005,<br />

par M. David ASSOULINE, sénateur de Paris<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 14<br />

décembre 2005, par M. David ASSOULINE, sénateur de Paris, sur les<br />

conditions d’interpellation de M. J-P.D. dans le jardin des Tuileries pour y<br />

avoir circulé à bicyclette, à plusieurs reprises depuis le 12 janvier 2005.<br />

La Commission a entendu M. J-P.D. et a reçu de la Direction financière et<br />

juridique du Musée du Louvre une copie du règlement des cours, jardins,<br />

passages et péristyles du domaine national du Louvre et des Tuileries.<br />

LES FAITS<br />

Déclarations de M. J-P.D.<br />

M. J-P.D. a sollicité la CNDS pour des faits survenus en 2005, précédés de<br />

dix ans de difficultés analogues liés à sa circulation en vélo dans les jardins<br />

des Tuileries.<br />

<strong>Le</strong> premier incident survient le 12 janvier 2005. Circulant en vélo dans le<br />

jardin des Tuileries, il est arrêté par un couple de « miliciens », selon son<br />

expression (car il précise que ce ne sont pas des policiers) lui précisant qu’il<br />

est interdit de circuler en vélo dans le jardin des Tuileries. Ceux-ci appellent<br />

une patrouille équestre dans les parages, qui « immobilise » (conserve sous<br />

sa garde) M. J-P.D. jusqu’à l’arrivée d’une brigade cycliste, qui rédige un<br />

procès-verbal dont le motif est « circulation d’un cycle dans le jardin des<br />

Tuileries ». Ils se fondent sur un texte affiché sur les portes du jardin :<br />

« Règlement de visite dans le jardin des Tuileries », signé du Directeur<br />

général de l’action culturelle (DRAC), « qui ne dispose d’aucun pouvoir de<br />

police à Paris, ni ailleurs ».<br />

308


309<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

<strong>Le</strong>s policiers décident de procéder à une vérification d’identité de M. J-P.D.,<br />

et de l’emmener au poste. Il précise qu’il est très connu aux Tuileries et que<br />

quatre ou cinq d’entre eux auraient pu attester de son identité. Auparavant,<br />

ils avaient procédé à une palpation de sécurité.<br />

Emmené au poste des Halles, M. J-P.D. ne rencontre pas d’OPJ, et il lui est<br />

refusé de passer un coup de téléphone. En revanche, les deux policiers lui<br />

remettent le procès-verbal qu’ils ont rédigé au poste, sur lequel figurent le<br />

prénom et le nom de jeune fille de sa mère et le prénom de son père, ce qui<br />

montre, selon M. J-P.D., qu’ils avaient pu vérifier son identité dès 15h30, alors<br />

qu’il n’a été relâché qu’à 18h00. M. J-P.D. a demandé un procès-verbal, une<br />

main-courante : il n’a rien obtenu. <strong>Le</strong>s policiers sont allés jusqu’à la limite<br />

temporaire de la vérification d’identité.<br />

<strong>Le</strong> second incident survient le 31 janvier 2005. Cette affaire ressemble<br />

beaucoup à la première, malgré les évolutions dans l’intitulé des motifs de<br />

la contravention. Il n’y a pas de conduite au poste ni de contravention, mais<br />

cette fois-ci, l’interdiction se fonde sur un règlement du domaine du Louvre<br />

signé du Président directeur du Louvre, qui n’a pas non plus de pouvoir de<br />

police. La garde républicaine intervient.<br />

Troisième incident, le 9 avril 2005. M. J-P.D. est à nouveau interpellé au motif :<br />

« Circulation interdite dans l’enceinte du musée du Louvre ». Il signale que<br />

les policiers ont sur eux la copie du texte du Président directeur du Louvre. Il<br />

n’est pas procédé à une palpation ni à une conduite au poste.<br />

Quatrième incident, le 22 avril 2005 : des gardes républicains et des<br />

« miliciens »à vélo arrêtent à nouveau M. J-P.D. <strong>Le</strong>s gardes républicains<br />

l’accompagnent de manière forcée jusqu’à la grille d’entrée du jardin, sans<br />

contravention.<br />

Lors de l’incident n°5, M. J-P.D. observe des changements dans les motifs<br />

invoqués et l’utilisation de données mensongères de la part des policiers. <strong>Le</strong><br />

13 juin 2005, les policiers font état de « tapage injurieux sur la voie publique ».<br />

Selon M. J-P.D., il n’y a pas eu de tapage, mais seulement moquerie. Il<br />

écrit au ministre de l’Intérieur, sans réponse, puis saisit la CADA pour motif<br />

mensonger. <strong>Le</strong> tribunal administratif a statué le 29 juin 2006.<br />

Pour tous ces incidents, M. J-P.D. a déposé des plaintes classées sans<br />

suite.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Lors d’un sixième incident, un garde républicain fait à M. J-P.D. d’étranges<br />

déclarations, selon lui. Il n’y a pas de contravention mais ce dernier est<br />

menacé de poursuites pour outrage. Il écrit à son chef hiérarchique, qui ne<br />

lui a jamais répondu.<br />

Lors des incidents n°7 et 8, il y a un changement de stratégie. L’un d’entre<br />

eux met en jeu des policiers et l’autre, des gardes républicains. Dans les<br />

deux cas, les motifs changent. Ils font référence à l’article 431-9 du Code<br />

de la route, qui organise la cohabitation des piétons et des cyclistes sur les<br />

voies piétonnes. M. J-P.D. se voyait reproché de gêner les piétons, alors<br />

que sur une photo qu’il a prise, on n’y voit pas un seul piéton, mais un grand<br />

rassemblement de cyclistes. Il dépose une plainte pour faux en écriture<br />

publique, également classée sans suite.<br />

AVIS<br />

Il n’appartient pas à la Commission d’apprécier la légalité des dispositions<br />

réglementaires relatives aux conditions de circulation dans le jardin des<br />

Tuileries.<br />

<strong>Le</strong>s déclarations de M. J-P.D. ne mettent pas en évidence que les diverses<br />

personnes chargées de mission de sécurité dans ce jardin auraient méconnu<br />

de quelque manière, à son égard, les règles de déontologie.<br />

Dans ces conditions, la Commission estime que la saisine ne doit comporter<br />

aucune suite.<br />

310<br />

Adopté le 18 décembre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis pour information à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de<br />

l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire.


Saisine n°2006-7<br />

311<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 20 janvier 2006,<br />

par M. Claude EVIN, député de la Loire-Atlantique<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 20<br />

janvier 2006 par M. Claude ÉVIN, député de la Loire-Atlantique, sur<br />

requête de M.A., des circonstances et des conditions de son interrogatoire<br />

effectué le 28 octobre 2005 à l’hôpital Beaujon par des fonctionnaires de<br />

police, le lendemain du traumatisme consécutif à son électrocution dans un<br />

transformateur EDF, où deux de ses camarades, B. et Z., mineurs âgés de15<br />

et 17 ans ont trouvé la mort.<br />

La Commission a pris connaissance du procès-verbal policier de<br />

l’interrogatoire de M.A.<br />

La Commission a entendu M.A. Elle a procédé aux auditions des deux<br />

fonctionnaires de police l’ayant interrogé. Elle a entendu le Dr T. et le Dr C.,<br />

praticiens hospitaliers de l’hôpital Beaujon.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> jeudi 27 octobre 2005, vers 17h00, un groupe d’adolescents de Clichysous-Bois,<br />

revenant du stade de Livry-Gargan où ils avaient joué au football,<br />

regagnait à pied leur domicile.<br />

M.A. a relaté que, longeant un bois avec ses camarades, certains d’entre<br />

eux avaient remarqué derrière eux la présence d’un véhicule de police. Deux<br />

policiers en étaient descendus, puis l’un des deux, muni d’un flashball, avait<br />

alors couru derrière eux. M.A. entendait le jeune Z. crier à son camarade B. :<br />

« Pourquoi il faut courir ? On n’a rien fait ! ».<br />

M.A. a exposé : « Comme les policiers couraient vers nous, j’ai eu peur, je ne<br />

savais pas quoi faire, on a tous couru ». B. et Z. ont escaladé l’enceinte du


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

site EDF, « pour échapper à la police ». Ils se sont cachés dans un local.<br />

B. et Z. sont électrocutés et décèdent. M.A., gravement brûlé, en état de<br />

choc, parvient à sortir du local, escalade le mur et arrive au centre commercial<br />

voisin, où il trouve des jeunes gens du quartier dont le grand frère de B. M.A.<br />

revient avec eux vers le site EDF, l’un des jeunes gens ayant appelé les<br />

pompiers. Selon M.A., à leur arrivée sur les lieux un véhicule de police était<br />

stationné.<br />

M.A. est examiné par les pompiers, puis pris en charge par une équipe du<br />

SAMU qui le conduit à l’hôpital Beaujon à Clichy-la-Garenne.<br />

<strong>Le</strong>s conditions de l’hospitalisation de M.A. à l’hôpital Beaujon<br />

<strong>Le</strong> Dr T., chef de clinique, médecin réanimateur, était de garde pour la salle<br />

de réanimation et la salle de réveil, la nuit du 27 octobre au 28 octobre.<br />

Il a expliqué à la Commission qu’un bilan médical avait été effectué sur place<br />

par le médecin urgentiste, qui s’était entretenu avec le médecin régulateur<br />

afin d’orienter le patient vers un établissement hospitalier. Il a indiqué que<br />

le jeune homme sur lequel on avait constaté des brûlures a été adressé<br />

prioritairement à Beaujon, spécialisé en traumatologie, en raison d’« une<br />

suspicion de polytraumatismes sur la notion d’une chute », le jeune ayant<br />

été projeté à distance du transformateur. <strong>Le</strong> jeune M.A. était « conscient à<br />

son arrivée, prostré et psychologiquement agressé ». Il ne parlait pas, mais<br />

répondait de façon concise aux questions. <strong>Le</strong> Dr T. a appris à M.A. le décès<br />

de ses deux amis.<br />

Questionné sur les conditions de visite en salle de réveil, il a indiqué que<br />

« théoriquement, elles sont interdites du fait de la présence de nombreux<br />

malades (jusqu’à quinze) et des particularités matérielles, à savoir l’absence<br />

de box individualisé, les patients pouvant être séparés par des paravents<br />

mobiles ».<br />

<strong>Le</strong> Dr T. ne se souvient pas s’il a eu un entretien avec les parents de M.A.,<br />

« le pronostic vital du patient n’étant pas en jeu », mais pense qu’il a dû être<br />

informé de leur venue dans la nuit.<br />

Dès que les examens pratiqués sur M.A. ont établi qu’il n’avait pas de<br />

312


313<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

lésions traumatologiques, le Dr T. a organisé son transfert pour le lendemain<br />

à l’hôpital Saint-Antoine, qui accueille les grands brûlés.<br />

Entre 22h00 et minuit, le Dr T. a reçu un appel d’un fonctionnaire de police du<br />

commissariat de Bobigny, qui lui demandait si le blessé pouvait être entendu.<br />

<strong>Le</strong> Dr T. a répondu que M.A. était apte médicalement à être interrogé. Il<br />

a exposé à la Commission : « Il n’y avait pas de coma, de défaillances<br />

d’organes », « il ne s’agissait pas d’un malade de réanimation ».<br />

Questionné sur la notion d’une durée limite éventuelle de l’interrogatoire d’un<br />

patient, le Dr T. estime que le médecin peut fixer la durée et notamment<br />

la limiter, l’interrompre si l’état de santé du malade ne permet plus son<br />

audition.<br />

Selon le docteur T., dans l’entretien téléphonique avec le service de police<br />

de Bobigny, on ne lui a pas indiqué le motif de la demande d’audition : « Ils<br />

ne le font pas habituellement » ; « J’ai su juste qu’il y avait une enquête ». Il<br />

a le souvenir d’un échange avec ses collègues du SAMU, d’où il ressortait<br />

que « la situation était tendue sur le terrain, qu’il s’agissait de violences entre<br />

des bandes de jeunes rivales ».<br />

<strong>Le</strong> Dr T. a fini sa garde à 8h00. Il a effectué le premier bilan médical<br />

concernant la santé de M.A., communiqué le 28 octobre, correspondant<br />

à l’examen clinique du 27 octobre au soir, et qui relevait pour M.A. « une<br />

surface corporelle atteinte entre 10 et 15 % ».<br />

<strong>Le</strong> Dr B.C. a pris la garde de la salle de réveil le 28 octobre à 8h00.<br />

Elle s’est rendue avec son collègue le Dr T. auprès de chaque malade présent<br />

dans la salle de réveil. Elle a vu M.A., constaté qu’il était « conscient, stable ».<br />

Elle a échangé quelques mots avec lui. « L’analgésie était contrôlée » a-telle<br />

indiqué. Elle a appris que son transfert était prévu dans la matinée vers<br />

l’hôpital Saint-Antoine.<br />

<strong>Le</strong> Dr T. l’a informée qu’il avait donné son accord pour que le jeune homme<br />

soit entendu par des fonctionnaires de police. <strong>Le</strong> Dr B.C. a exposé : « Nous<br />

avons l’habitude d’avoir des demandes de services de police d’entendre<br />

des patients, notamment dans des affaires de violences ayant entraîné des<br />

blessures graves ». « <strong>Le</strong>s patients dans un état grave, sous assistance<br />

respiratoire, ne sont pas audibles. Ce n’était pas le cas du jeune M.A. ».<br />

Elle a donc autorisé le 28 octobre vers 10h15 son interrogatoire par les


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

fonctionnaires de police, qui se sont présentés avec une réquisition.<br />

Questionnée sur la situation de mineur de M.A., elle a expliqué qu’elle n’était<br />

pas « informée particulièrement que ce patient était mineur, ignorait que ses<br />

parents étaient venus dans la nuit ».<br />

Elle relate que les deux fonctionnaires de police se sont installés avec leur<br />

matériel à côté du lit du patient, « comme ils le font habituellement ». Elle<br />

a interrompu une ou deux fois son audition pour se faire préciser par le<br />

jeune homme « des éléments ». Elle n’a pas fixé de durée limite à l’audition.<br />

Elle a ajouté : « Si j’avais su que l’audition des mineurs ne pouvait se faire<br />

hors la présence des parents, j’aurais discuté avec les policiers et avec<br />

l’administration de l’hôpital pour savoir quoi faire ».<br />

L’interrogatoire de M.A.<br />

<strong>Le</strong> récit du jeune homme<br />

M.A. se souvient d’un échange avec un médecin de l’hôpital, qui lui a dit :<br />

« Tes copains n’ont pas eu la même chance que toi ». « J’étais choqué,<br />

j’avais mal », a relaté M.A.<br />

Vers 4h00 du matin, son père et son cousin sont venus le voir. Ils lui ont<br />

apporté ses papiers d’identité. M.A. n’arrivait pas à dormir, il avait mal.<br />

<strong>Le</strong> lendemain matin, « une dame de l’hôpital est venue lui dire que deux<br />

policiers étaient là, voulaient lui poser des questions ». M.A. lui a dit qu’il<br />

ne voulait pas. La personne lui a dit qu’ils attendaient depuis longtemps.<br />

Finalement, deux policiers sont arrivés. Ils ont « tiré des rideaux » et ont<br />

installé un ordinateur portable et leur matériel. Ils lui ont posé des questions.<br />

Ils voulaient savoir « ce qui s’était passé ». M.A. dit avoir raconté qu’il rentrait<br />

chez lui à pied avec des camarades, dont B. et Z., avec lesquels il avait joué<br />

au football dans un stade voisin.<br />

<strong>Le</strong>s policiers lui ont dit : « Comme par hasard vous étiez dix », et aussi : « Il<br />

n’y a pas de stade à Clichy-sous-Bois ». M.A. a raconté leur découverte de<br />

la présence d’un véhicule de police derrière eux, l’un des policiers qui se<br />

met à courir vers eux muni d’un flashball, leur peur d’être appréhendés, et<br />

comment lui et ses copains se sont mis à courir.<br />

M.A. a ressenti fortement, dit avoir compris, « vu les questions que les policiers<br />

314


315<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

me posaient, qu’ils me reprochaient quelque chose » ; « on aurait dit que<br />

j’étais accusé ». M.A. a eu le sentiment que les policiers dactylographiaient<br />

une dizaine de pages d’audition. Il lui a été proposé de faire des croix, s’il<br />

avait trop mal pour signer. Il leur a répondu : « Comment va t-on savoir que<br />

c’est moi qui ai signé si je fais des croix ? ». Il pense avoir fait plusieurs croix,<br />

et il a signé avec sa main brûlée.<br />

M.A. a ajouté qu’un des policiers lui avait dit : « Tu sais ce qui se passe<br />

à Clichy-sous-bois ? À cause de votre connerie, il y a des voitures qui<br />

brûlent ».<br />

Il relate qu’un des deux policiers, à un moment, a sorti sa carte d’identité<br />

et en l’agitant lui a dit : « Ha bon, tu n’avais pas tes papiers hier soir ? ».<br />

<strong>Le</strong> jeune homme leur a expliqué que c’était sa famille qui avait apporté ses<br />

papiers dans la nuit.<br />

<strong>Le</strong> père de M.A. a déclaré que ni lui, ni la mère de M.A., n’avait été prévenu<br />

par les services de police de son audition. C’est M.A. qui le leur a appris<br />

lorsqu’ils sont allés le voir à l’hôpital Saint-Antoine.<br />

<strong>Le</strong>s auditions des deux fonctionnaires de police ayant procédé à<br />

l’interrogatoire<br />

<strong>Le</strong> capitaine de police du Service Départemental de la police judiciaire de<br />

Bobigny a procédé à l’audition de M.A., dans le cadren « d’une enquête<br />

de police sur saisine du parquet ». « Il s’agissait d’une enquête sur les<br />

recherches des causes de la mort de deux mineurs à Clichy-sous-Bois,<br />

dans l’enceinte d’un transformateur EDF », a-t-il déclaré. M.A. « devait être<br />

entendu en tant que victime ».<br />

L’OPJ a expliqué qu’il n’appartenait pas à la section criminelle naturellement<br />

chargée des dossiers où il y a des décès, mais que son service lui avait<br />

demandé de procéder à cette audition, « en appui aux collègues ». Il a su<br />

par sa hiérarchie à sa prise de service le 28 octobre à 9h00 que « M.A. était<br />

audible ».<br />

Il s’est rendu à 10h00 à l’hôpital Beaujon avec le gardien de la paix M.B.<br />

Ils se sont renseignés à l’accueil et ont appris que M.A. était en salle de<br />

réveil. L’OPJ a discuté avec le Dr B.C., à laquelle il a demandé à nouveau si<br />

M.A. était audible ; « le Dr B.C. a dit que oui ». L’officier de police lui a aussi<br />

demandé un certificat médical, un descriptif des blessures pour connaître


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

l’incapacité temporaire de travail, « comme le prévoit la procédure », a-t-il<br />

indiqué.<br />

Ils se sont rendus auprès de M.A. qui était conscient. Ils lui ont indiqué le<br />

motif de son audition, « qui visait à établir les faits qui s’étaient produits et qui<br />

avaient abouti au décès des deux mineurs et à ses blessures ». <strong>Le</strong> personnel<br />

médical lui a fourni chaise et table, et ils se sont installés à côté de M.A. Un<br />

paravent a été mis au cours de l’audition de M.A. par le personnel soignant.<br />

« Nous restions à vue du personnel médical », a souligné l’OPJ.<br />

<strong>Le</strong> capitaine de police a remis une réquisition au Dr B.C. avant l’audition.<br />

Selon lui, « M.A. n’a pas dit qu’il n’était pas d’accord, ni manifesté son<br />

refus d’être entendu de quelque manière que ce soit ». « Il a répondu aux<br />

questions sans aucune difficulté. Il n’a pas manifesté de signes de douleur<br />

ou de fatigue pendant son audition ».<br />

<strong>Le</strong> capitaine de police, questionné sur les éléments d’information en sa<br />

possession concernant M.A. le 28 octobre au matin, a déclaré qu’il n’avait<br />

pas vu de pièce d’identité le concernant avant ou pendant l’audition, qu’il a<br />

entendu le personnel médical venu questionner M.A. pendant l’audition sur<br />

le téléphone de sa famille pour les prévenir de son changement d’hôpital<br />

et pour lui demander de confirmer son identité. Il dit ne s’être pas posé la<br />

question de savoir si la minorité de M.A. nécessitait que ses parents soient<br />

prévenus.<br />

L’audition de M.A. a duré une heure et demi, de 10h15 à 11h50, interrompue<br />

par les passages du personnel hospitalier.<br />

Questionné, au vu de l’examen du procès-verbal de police, sur la procédure<br />

à laquelle se rattachait l’audition du mineur M.A., le capitaine de police a<br />

déclaré qu’il ne s’agissait pas d’une procédure de flagrance. Il a déclaré à la<br />

Commission que la question de fixer éventuellement une durée à l’audition de<br />

M.A. n’avait pas été soulevée dans son échange avec le médecin de garde.<br />

Il a ajouté que son collègue et lui-même « avaient été à vue du personnel<br />

soignant pendant tout le temps de l’audition, et que si le jeune M.A. avait été<br />

mal à un moment ou à un autre, il (le personnel médical) pouvait mettre fin<br />

à son audition ».<br />

<strong>Le</strong> gardien de la paix S.B., de la Section enquête et recherche du 93, a<br />

316


317<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

assisté le capitaine de police O.F.<br />

Selon ses déclarations, il s’agissait bien d’une enquête de flagrance. Il pense<br />

que la réquisition a été faite par son collègue OPJ à Bobigny. Elle a été<br />

remise à l’interne sur place. « <strong>Le</strong> médecin a autorisé sans aucune restriction<br />

l’accès à M.A. », souligne-t-il. Il retient de l’échange avec le Dr B.C. qu’« elle<br />

a refusé que l’on prenne des photos comme nous lui en avions demandé<br />

l’autorisation ».<br />

<strong>Le</strong> gardien de la paix confirme les déclarations de l’OPJ sur les passages<br />

du personnel soignant qui voulaient s’assurer de son identité, demandaient<br />

les coordonnées téléphoniques de ses parents, et « pour voir si tout allait<br />

bien ». Selon lui, un paravent a été mis devant le lit quinze minutes avant<br />

la fin de l’audition. Il précise que son collègue a fait à M.A. la lecture de son<br />

PV car il ne savait pas lire le français, ajoutant « il n’y a eu aucune pression<br />

psychologique sur M.A. pour répondre à nos questions. Nous n’avons pas<br />

eu besoin d’insister pour qu’il réponde à nos questions ».<br />

<strong>Le</strong> jeune M.A. a été transféré à l’hôpital Saint-Antoine dans la journée du 28<br />

octobre.<br />

<strong>Le</strong> 29 octobre, le vice-procureur de Bobigny n’a pas autorisé l’Inspection<br />

générale des services à interroger le mineur, en raison de son état de santé.<br />

Cette autorisation n’a été donnée que le 2 novembre.<br />

<strong>Le</strong>s avocats de M.A. ont tenu à préciser à la Commission que « les<br />

fonctionnaires de police de l’IGS ont été d’une correction parfaite lors de leur<br />

entretien avec M.A. ».<br />

M.A. a subi des greffes au bras droit et sur plusieurs parties du corps. Il<br />

est toujours suivi par l’hôpital Rothschild. La Commission a constaté lors de<br />

son audition que le jeune homme, marqué dans son corps, est encore très<br />

meurtri psychologiquement.<br />

AVIS<br />

- Il apparaît, à l’examen du PV dressé par les fonctionnaires de police le<br />

28 octobre 2005 à l’hôpital Beaujon, que l’audition du jeune M.A., mineur<br />

de 17 ans, a duré de 10h15 à 11h50. Il était alité, dans la salle de réveil,<br />

salle collective, réservée « aux polytraumatisés graves », selon l’indication<br />

du Dr B.C.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

<strong>Le</strong> cadre juridique fixé par le procès-verbal résulte des articles 53 et suivants<br />

du Code de procédure pénale qui s’appliquent à l’enquête de flagrance, et<br />

non à la recherche des causes de la mort.<br />

L’identité de M.A. a d’ailleurs été relevée selon le principe dit de « la grande<br />

identité », réservé aux personnes mises en cause ou susceptible de l’être.<br />

Elle relève que les déclarations du gardien de la paix S.B. confirment la<br />

forme procédurale de l’interrogatoire de ce mineur.<br />

Il est pour le moins surprenant de constater qu’a été posée à M.A. la question<br />

de son éventuelle toxicomanie.<br />

- La Commission constate que l’audition du mineur M.A. s’est déroulée sans<br />

avis préalable aux parents.<br />

Il ressort du récit de M.A. que la tonalité de l’interrogatoire n’est pas celle que<br />

l’on attend du recueil de témoignage d’une victime.<br />

<strong>Le</strong> moment de l’interrogatoire, <strong>rapport</strong>é par M.A., selon lequel un des<br />

fonctionnaires a agité sa carte d’identité en le suspectant d’avoir menti<br />

sur le fait qu’il ne l’avait pas la veille (à Clichy-sous-Bois – ce qui aurait pu<br />

motiver sa fuite devant un éventuel contrôle policier –, dénote avant tout une<br />

absence totale d’égards et de prise en compte minimum de l’état physique,<br />

psychologique et moral dans lequel se trouvait ce mineur, grièvement blessé,<br />

sans soutien parental, et sous le coup de la perte dramatique de ses deux<br />

camarades.<br />

La Commission relève des erreurs et des incohérences dont elle ne s’explique<br />

pas la raison, si ce n’est la précipitation à questionner M.A.<br />

En effet, le PV comporte l’identité exacte de M.A. et indique précisément sa<br />

minorité : ces données sont établies dès le commencement de son audition.<br />

<strong>Le</strong> père de M.A. avait remis vers 3h00 au personnel de l’hôpital une pièce<br />

d’identité de son fils, et avait confirmé à un personnel soignant que son fils<br />

était « bien mineur et âgé de 17 ans ».<br />

La Commission a pris connaissance de la réquisition présentée le 28 octobre<br />

au Dr B.C., établie à Clichy, et non à Bobigny, contrairement aux déclarations<br />

catégoriques du gardien de la paix, et qui indique uniquement le nom de<br />

famille de M.A. et lui attribue une date de naissance erronée (le 4 avril 1984),<br />

fixant son âge à 21 ans.<br />

La Commission s’interroge sur les conditions dans lesquelles cette date a<br />

318


319<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

pu être portée sur la réquisition. <strong>Le</strong>s allers et venues du personnel médical<br />

pendant l’audition du jeune homme peuvent s’expliquer par la contradiction<br />

entre la réquisition du service de police et la pièce d’identité de M.A., remise<br />

par le père.<br />

Par ailleurs, la Commission relève que le Dr B.C. dément avoir reçu des<br />

fonctionnaires de police le 28 octobre au matin la demande d’« un certificat<br />

médical sur l’état descriptif de ses blessures pour connaître l’ITT », comme<br />

l’affirme l’OPJ.<br />

La Commission estime que le fait que M.A. ait été interrogé pendant une<br />

heure et demi, alors qu’il était grièvement blessé, en état de détresse<br />

psychologique et morale évidente et sans l’assistance de ses parents, par<br />

des fonctionnaires munis d’un document comportant des données erronées,<br />

constitue un manquement à la déontologie.<br />

Elle constate par ailleurs que le service médical de l’hôpital n’a pas mis de<br />

restriction à l’audition aussi longue d’un patient dont elle ne pouvait ignorer<br />

la minorité.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission n’a pas compétence pour apprécier les motifs des médecins<br />

ayant autorisé l’audition de M.A., au vu d’une réquisition portant une date de<br />

naissance inexacte. Elle ne peut que constater que les policiers avaient été<br />

autorisés à y procéder.<br />

Ceci posé, l’interrogatoire ne pouvait intervenir dans n’importe quelles<br />

conditions : il s’agissait d’un mineur hospitalisé dans une salle de réveil, en<br />

présence d’autres malades, et où les visites sont interdites ; le cadre juridique<br />

était imprécis, aux dires contradictoires des deux fonctionnaires de police ;<br />

l’audition a commencé moins de dix-huit heures après l’accident grave dont<br />

M.A. a été victime, et après qu’il a appris la mort de deux de ses camarades ;<br />

la durée de l’interrogatoire ; l’absence d’avis aux parents.<br />

L’autorisation médicale doit laisser aux fonctionnaires une liberté<br />

d’appréciation qui aurait dû, en l’espèce, tenir compte des circonstances cidessus.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

La Commission ne peut que rappeler la circulaire de M. le Ministre de<br />

l’Intérieur en date du 22 février 2006, certes postérieure aux faits, mais qui<br />

exprime une règle évidente : « Je vous demande de veiller avec une attention<br />

toute particulière (…) à conserver en toutes circonstances des pratiques<br />

professionnelles irréprochables vis-à-vis des mineurs, qu’ils soient victimes,<br />

témoins, mis en cause ou simplement contrôlés ».<br />

La Commission demande à M. le Ministre de l’Intérieur de rappeler<br />

solennellement aux fonctionnaires de police et notamment aux OPJ le<br />

respect des dispositions en faveur des mineurs.<br />

Elle adresse cet avis au ministre de la Santé pour information. Elle souhaite<br />

que soient prises des dispositions visant à rendre obligatoire la mention écrite<br />

de l’autorisation donnée par le médecin aux services de police de procéder<br />

aux auditions de patients.<br />

320<br />

Adopté le 10 juillet 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :<br />

Suite à cette réponse, la CNDS a adressé au ministre de l’Intérieur le courrier<br />

suivant :<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis pour information à M. Xavier Bertrand, ministre de la Santé et de la<br />

Protection sociale.


321<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

322


323<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

324


325<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

326


Saisine n°2006-15<br />

327<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 13 février 2006,<br />

par M. Jean-Claude LEFORT, député du Val-de-Marne<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 13<br />

février 2006, par M. Jean-Claude LEFORT, député du Val-de-Marne, des<br />

conditions de l’interpellation de Mme F.M. le 22 juin 2005, suite à un litige<br />

avec un contrôleur de la RATP.<br />

La plainte de Mme F.M. pour violences illégitimes commises par des agents<br />

de la RATP et des fonctionnaires de police a été classée sans suite le 19<br />

mai 2006. Mme F.M. a été poursuivie pour violences sur un agent chargé<br />

d’une mission de service public, M. J-F.R., agent de la RATP. <strong>Le</strong> jugement,<br />

reporté au 25 octobre 2006, a condamné Mme F.M. à une peine d’un mois<br />

d’emprisonnement avec sursis et à verser 500 € à titre de dommages et intérêt<br />

à M. J-F.R.<br />

La Commission a examiné les pièces de la procédure, dont les conclusions de<br />

l’IGS. Elle a entendu Mme F.M., l’agent de la RATP M. J-F.R., et le gardien<br />

de la paix C.C.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 22 juin 2005, Mme F.M., française d’origine afro-cubaine, composte à 20h31<br />

son coupon RER et celui de son fils de six ans à la station « Bibliothèque »,<br />

puis est informée que le trafic du réseau est interrompu. Elle ressort du métro<br />

et décide alors de prendre le bus 132, pensant que « cela ne posera pas de<br />

problème ».


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

A la porte d’Ivry, sept contrôleurs montent dans le bus. Mme F.M. leur explique<br />

la situation, l’interruption du trafic RER, montre ses billets déjà compostés.<br />

Un des contrôleurs intervient alors violemment au milieu de l’échange entre<br />

la voyageuse et son collègue, criant à Mme F.M. : « Ferme ta gueule, tu ne<br />

vois pas que tu déranges tout le monde ! ». Mme F.M., surprise et choquée<br />

par l’agressivité et le tutoiement de ce contrôleur, lui fait remarquer qu’elle<br />

est accompagnée d’un enfant.<br />

On lui demande de régler immédiatement l’amende de 35 €. Mme F.M.<br />

explique qu’elle n’a pas d’argent sur elle. On lui demande alors de régler par<br />

carte bleue l’amende, ce qu’elle refuse, puis de présenter ses papiers. Elle<br />

répond qu’elle ne les a pas sur elle. Un contrôleur lui montre un collègue,<br />

« une personne assez grande et forte » postée devant la porte de sortie,<br />

pour l’intimider selon elle. <strong>Le</strong> bus parvenant à un arrêt, Mme F.M. dit avoir<br />

été bousculée, jetée contre le contrôleur devant la porte ; celui-ci lui a bloqué<br />

les genoux avec les siens. Elle a entendu son fils crier : « Maman ! » et, pour<br />

se dégager, elle a mordu à la poitrine celui qui la bloquait au niveau des<br />

genoux, en criant de lâcher son fils tenu par deux autres contrôleurs.<br />

Mme F.M. est descendue avec les contrôleurs, qui l’ont remise à des policiers<br />

d’un car de police secours. Elle a dû monter avec son fils dans le fourgon,<br />

en attendant l’arrivée d’autres policiers qui l’ont ensuite conduite dans leur<br />

véhicule au commissariat d’Ivry-sur-Seine. Sur le trajet, un des policiers<br />

l’a tutoyée alors qu’elle tentait de lui expliquer la situation, et a refusé de<br />

l’écouter. <strong>Le</strong> véhicule de police roulait très vite et le gyrophare avait été<br />

mis. Son fils tremblait, très effrayé par la situation. Arrivée au commissariat,<br />

Mme F.M. s’est plaint d’avoir été injuriée, traitée de « connasse ». Elle a dit<br />

à un policier que son fils avait envie de « faire pipi ». On lui aurait répondu :<br />

« Ferme ta gueule, ici tu parles quand on te le demande ». Elle a aperçu les<br />

trois contrôleurs de la RATP, dont M. J-F.R., qui lui a lancé : « Tu vas voir ce<br />

que tu vas payer, toi ! ». Mise en garde à vue pour avoir mordu M. J-F.R. qui<br />

portait plainte contre elle, elle a été placée en cellule. Sa fille aînée, majeure,<br />

prévenue, est venue chercher son jeune frère.<br />

Vers 2h00 du matin, elle a été conduite à l’hôpital pour la visite du médecin.<br />

Pendant le transport, comme elle se plaignait à nouveau aux policiers d’avoir<br />

été maltraitée par les contrôleurs, un policier a tiré sur les menottes, lui faisant<br />

mal. Comme elle commençait à pleurer, ce fonctionnaire lui a répliqué : « Tu<br />

n’avais qu’à pas agresser un collègue ».<br />

328


329<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

<strong>Le</strong> chef de bord de l’équipage de la BAC, entendu par la Commission, a<br />

exposé qu’il avait interpellé Mme F.M. suite à un appel « pour un différend<br />

avec la RATP, un refus de présentation de carte d’identité ». Sur place, les<br />

contrôleurs lui avaient expliqué que Mme F.M. était en infraction et avait<br />

mordu un agent de la RATP, M. J-F.R., qui voulait porter plainte. Il a observé<br />

que la voyageuse, très énervée, essayait de s’expliquer en criant, n’était<br />

visiblement pas d’accord avec les agents RATP. Il a précisé : « L’enfant ne<br />

disait rien, il devait être apeuré ». <strong>Le</strong> gardien de la paix a fait son <strong>rapport</strong> au<br />

commissariat. Ni lui ni ses deux collègues ayant procédé à l’interpellation et<br />

au transport de Mme F.M. au commissariat avec son enfant ne l’ont tutoyée<br />

ou injuriée.<br />

<strong>Le</strong> contrôleur RATP, M. J-F.R., a exposé que son rôle de chef du groupe des<br />

contrôleurs consistait à « s’assurer de la bonne pratique du contrôle et du<br />

placement des agents pendant le contrôle pour la sécurité ». Il a « repéré dès<br />

qu’il est monté dans le 132 une quinzaine de personnes qui devaient être<br />

en infraction, vu leur attitude ». Trois collègues se sont mis à l’avant et les<br />

autres se sont mis à l’arrière, « pour éviter les coups durs ». Lui-même s’est<br />

tenu devant la porte de sortie, les mains sur les deux barres, « pour mettre<br />

en protection ses agents, au cas où ils seraient bousculés ». C’est alors qu’il<br />

a vu un de ses agents, stagiaire, en discussion avec une voyageuse qui avait<br />

un enfant avec elle. Cette voyageuse se dirigeant vers le composteur, il est<br />

intervenu en disant : « C’est trop tard ».<br />

Selon M. J-F.R. Mme F.M. s’est énervée et « s’est servie de son enfant<br />

en l’agitant de droite à gauche ». « Nous avons fait le nécessaire pour<br />

sécuriser l’enfant en l’écartant de sa mère ». Selon M. J-F.R., cette<br />

voyageuse, « essayait de fomenter des troubles dans le bus en criant de<br />

façon hystérique ». Il relate que Mme F.M. a essayé de lui donner un coup<br />

de genou, qu’elle s’est jetée sur lui et l’a mordu au niveau de la « région<br />

mammaire gauche ». <strong>Le</strong>s policiers ayant été appelés et le bus parvenu à un<br />

arrêt, ils étaient descendus avec Mme F.M. Un car de police, « par chance »,<br />

passant à ce moment-là, les policiers avaient pris en charge Mme F.M. en<br />

attendant l’arrivée de collègues.<br />

Au poste, il relate avoir aperçu Mme F.M. assise dans une salle commune,<br />

en train de téléphoner avec son portable. Deux policiers lui avaient alors dit<br />

que « c’était interdit » et lui avaient pris son sac. Elle était devenue agressive<br />

et ces policiers avaient dû intervenir pour la contenir, se saisir du sac.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

M. J-F.R. dément avoir tutoyé, injurié, maltraité Mme F.M.<br />

<strong>Le</strong> certificat médical des UMJ concernant l’agent RATP suite à l’examen du<br />

23 juin 2005 relève « une ecchymose rouge de 1cm de diamètre dans la<br />

région périmammaire gauche et une douleur brachiale gauche alléguée ».<br />

L’ITT a été fixée à un jour.<br />

<strong>Le</strong> certificat médical des UMJ de Créteil a relevé le 23 juin 2005, concernant<br />

Mme F.M., des contusions diverses à l’épaule droite, au poignet, à la hanche,<br />

des ecchymoses sur les avant-bras et une contusion cervicale. L’ITT a été<br />

fixée à six jours.<br />

AVIS<br />

Au vu des photocopies des deux tickets RER effectivement compostés le 22<br />

juin à 20h31 et de l’information confirmée d’une interruption du réseau RER<br />

correspondant aux dires de Mme F.M.; la Commission constate que cette<br />

voyageuse est montée dans le bus 132 « en remplacement » de la défection<br />

du service RER de la RATP, croyant que cela ne poserait pas de problème.<br />

On ne peut que retenir qu’elle était de bonne foi lorsqu’elle a tenté d’expliquer<br />

la situation aux contrôleurs, en leur présentant les coupons RER mentionnant<br />

la date et l’heure. La poursuite du dialogue, s’il n’avait pas été interrompu par<br />

la violence du contrôleur M. J-F.R., aurait pu permettre aux agents de vérifier<br />

auprès de la RATP les dires de Mme F.M., faire preuve de compréhension,<br />

au minimum de correction et de sang-froid dans la gestion d’un contentieux<br />

« léger » avec une voyageuse, mère de famille, accompagnée de son enfant<br />

de six ans.<br />

<strong>Le</strong>s conditions de l’échange intervenu entre l’agent de la RATP, son agressivité<br />

verbale, sa brutalité, l’ordre donné de se saisir de l’enfant, de le retenir, sont<br />

anormales, inacceptables.<br />

La Commission constate par ailleurs que M. J-F.R. a été révoqué par la<br />

RATP le 2 août 2005. Cette révocation – « un abus de pouvoir », selon lui –,<br />

intervenue à un an de la retraite, est en lien « avec une affaire connexe à<br />

celle de Mme F.M., sur plainte d’une autre voyageuse « étrangère » à son<br />

encontre, quelques semaines après celle de Mme F.M. M. J-F.M. a engagé<br />

lui aussi des procédures judicaires ainsi qu’une procédure auprès des<br />

330


Prud’hommes à l’encontre de la RATP.<br />

331<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

<strong>Le</strong>s fonctionnaires de police de la BAC ont répondu à un appel de contrôleurs<br />

de la RATP. Rendus sur place, ils ont été saisis de déclarations de contrôleurs<br />

de la RATP, dont les affirmations de M. J-F.M., selon lesquelles ce dernier<br />

avait été mordu par une voyageuse en infraction. Ils ont donc conduit Mme F.<br />

M., non menottée, au poste.<br />

<strong>Le</strong>s déclarations du gardien de la paix C.C. divergent totalement de celles<br />

du contrôleur J-F.R. concernant l’attitude de Mme F.M. au poste. <strong>Le</strong> chef de<br />

bord C.C. a précisé notamment qu’au poste, elle avait été « très coopérative »<br />

et « a remis sans problème » son passeport, qui était dans son sac. Il avait<br />

lui même téléphoné à la famille pour que quelqu’un vienne chercher son<br />

enfant.<br />

La suite donnée à cette « affaire », et notamment la décision de mise en<br />

garde à vue de Mme F.M., dénote un positionnement de la procédure<br />

policière, par principe favorable au témoignage a priori fiable d’un agent d’un<br />

service public.<br />

<strong>Le</strong>s fonctionnaires interpellateurs n’ont pas commis de violences à l’égard de<br />

Mme F.M., ce qu’elle reconnaît. Il est difficile à la Commission de porter un avis<br />

concernant le climat général « d’indifférence ou de grossièreté » dénoncé<br />

par Mme F.M. concernant ses contacts ponctuels avec des fonctionnaires de<br />

police lors de sa garde à vue et son transport à l’hôpital.<br />

La Commission estime que Mme F.M. a été victime le 22 juin 2005 d’un<br />

comportement disproportionné d’un agent de la RATP. Elle constate que<br />

la révocation de cet agent, liée ou non à l’affaire de Mme F.M., a pour<br />

conséquence que ce contrôleur n’est plus en contact avec le public.<br />

La Commission s’interroge également sur les conditions dans lesquelles un<br />

incident mineur a pu conduire à de tels développements<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission transmet cet avis à M. le Ministre des Transports et à M. le<br />

Ministre de l’Intérieur pour information concernant les interventions de<br />

policiers dans le cadre de litiges d’usagers avec les agents des sociétés de<br />

transports.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

La Commission transmet cet avis au président de la RATP, afin d’attirer son<br />

attention sur la nécessité de rappeler aux personnels de la RATP que les<br />

agents affectés au contrôle des billets ne sont pas, hors le cas de flagrant délit,<br />

habilités à user de la force sur les voyageurs qu’ils estiment en infraction.<br />

332<br />

Adopté le 18 décembre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis pour information à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre<br />

de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, et à M. Dominique Perben,<br />

ministre des Transports, de l’Équipement, du Tourisme et de la Mer.<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Pierre Mongin, président directeur général de la RATP.


Saisine n°2006-23<br />

333<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 16 mars 2006,<br />

par M. Serge BLISKO, député de Paris<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 16<br />

mars 2006, par M. Serge BLISKO, député de Paris, des conditions dans<br />

lesquelles Mlle D.E. et Mlle N.A. ont été interpellées le 9 décembre 2005, à<br />

Paris, par des fonctionnaires de police de la BAC du commissariat du 13 ème<br />

arrondissement, puis conduites dans ce commissariat où elles ont été retenues<br />

sans avoir été placées en garde à vue et entendues sur des faits de vol qui ne<br />

les concernaient pas.<br />

La Commission a entendu Mlle D.E. et Mlle N.A., MM. J-C.W. et E.R-B.,<br />

officiers de police judiciaires qui ont procédé à ces auditions.<br />

Elle a pris connaissance de la procédure de l’enquête diligentée par l’Inspection<br />

générale des services à la demande du procureur de la République.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 9 décembre 2005, vers midi, Mlle D.E. et Mlle N.A., âgées de 25<br />

ans, étudiantes en expertise comptable de nationalité marocaine, furent<br />

interpellées par M. D.B. , brigadier de police, et Mlle T.O., gardien de la paix,<br />

affectés à la BAC du 13 ème arrondissement de Paris, alors qu’elles venaient<br />

de sortir du foyer de la rue de Tolbiac où elles étaient logées, Mlle T.O. ayant<br />

pensé que leur signalement était susceptible de correspondre à celui de deux<br />

femmes qui avaient été remarquées par la victime d’un vol avec effraction<br />

commis en fin de matinée dans une rue voisine.<br />

Mlle D.E. et Mlle N.A., qui ne furent pas informées du motif de cette


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

interpellation, ne purent présenter leurs passeports qu’elles avaient laissés<br />

dans leur chambre. Mlle T.O. procéda à une fouille sur leur personne, et les<br />

fonctionnaires de police fouillèrent également leurs sacs à main. Ils purent<br />

ainsi constater qu’elles n’étaient en possession d’aucun objet qui aurait été<br />

de nature à laisser penser qu’elles aient pu participer à ce vol.<br />

Mlle D.E. et Mlle N.A., qui avaient proposé d’aller chercher leurs passeports<br />

dans leur résidence située à proximité, furent cependant conduites au<br />

commissariat du 13 ème arrondissement. Elles furent alors soumises à une<br />

seconde fouille par Mlle T.O. Celle-ci vérifia, en consultant le fichier des<br />

étrangers, que les renseignements d’identité qu’elles avaient communiqués<br />

étaient exacts. <strong>Le</strong>s fonctionnaires qui les avaient interpellées les obligèrent<br />

ensuite à se placer devant une vitre sans tain.<br />

Informés de leur conduite au commissariat, M J-C.W., major, officier de<br />

police judiciaire de service au SARIJ jusqu’à 14h30, et M. E.R-B., brigadierchef,<br />

officier de police judiciaire de service à partir de 12h00, décidèrent<br />

d’un commun accord de procéder à leurs auditions, sans les placer en garde<br />

à vue. Mlle D.E. et Mlle N.A. furent ainsi maintenues au commissariat en<br />

dehors de tout cadre légal. Elles ne furent à aucun moment informées des<br />

droits de faire prévenir une personne de leur famille, d’être examinées par<br />

un médecin, de s’entretenir avec un avocat, qui auraient été la conséquence<br />

d’un placement en garde à vue effectif. Mlle D.E. fut au contraire empêchée<br />

d’utiliser son téléphone portable.<br />

De même, aucune information ne fut donnée au procureur de la République<br />

de cette « rétention » dans un service de police.<br />

Mlle T.O. ne rédigea pas de procès-verbal d’interpellation. Elle reçut<br />

pour instruction, de M. J-C.W., de rédiger un simple <strong>rapport</strong>, dans lequel<br />

elle mentionna que les deux personnes, qui n’avaient pu présenter leurs<br />

passeports, avaient été conduites au commissariat pour une vérification<br />

d’identité. Elle n’établit aucun procès-verbal constatant les actes auxquels<br />

elle avait procédé au commissariat. Elle contesta, au cours de son audition<br />

par l’Inspection générale des services, avoir procédé à des fouilles.<br />

Mlle D.E. fut entendue par M J-C.W., et Mlle N.A. par M. E.R-B. Elles ne<br />

furent informées qu’à ce moment-là qu’elles étaient suspectées d’avoir<br />

commis un vol avec effraction.<br />

334


335<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

M. J-C.W. prit des photographies des deux jeunes femmes avec son<br />

téléphone portable, en leur faisant croire qu’il les présenterait à la victime.<br />

M. E.R-B. fit procéder à une prise d’empreintes et à une prise de photographies.<br />

Aucun procès-verbal ne fut rédigé pour constater ces opérations.<br />

Mlle D.E. et Mlle N.A. recouvrèrent leur liberté vers 15h30, après qu’elles<br />

eurent justifié de leur emploi du temps de la fin de la matinée.<br />

Mlle D.E. a déclaré que le fonctionnaire de police qui l’avait entendue l’avait<br />

accusée d’avoir commis un vol avec effraction, et qu’elle avait alors compris<br />

que les policiers recherchaient deux jeunes filles d’origine maghrébine, vêtues<br />

comme elles de jeans et de « doudounes » que la victime avait remarquées<br />

au cours de la matinée dans les escaliers de son immeuble. Elle a précisé<br />

qu’elle avait fait observer aux fonctionnaires de police qu’elles n’avaient<br />

pu commettre un vol car leurs familles leur envoyaient de l’argent pour<br />

leurs études et qu’elles étaient étudiantes en cinquième année d’expertise<br />

comptable, ce qui ne leur avait fait « ni chaud ni froid ». Elle a indiqué qu’elle<br />

avait justifié de ses déplacements de la matinée en présentant des tickets<br />

de métro.<br />

Elle a précisé qu’à un certain moment elle s’était mise à pleurer, ce qui avait<br />

conforté les fonctionnaires de police dans l’idée qu’elle avait pu commettre<br />

le vol.<br />

Elle a également précisé que les policiers les avaient suspectées jusqu’à la<br />

fin, et qu’ils leur avaient dit, en les laissant partir, que s’ils trouvaient leurs<br />

empreintes, ils viendraient « les rechercher ».<br />

Mlle N.A. a déclaré qu’elle avait expliqué qu’elle avait passé la matinée dans<br />

sa résidence, ce dont les enregistrements de vidéo surveillance pouvaient<br />

justifier, mais que jusqu’à la fin, le fonctionnaire de police qui avait procédé à<br />

son audition avait maintenu ses accusations.<br />

Elle a signalé qu’elles avaient fait connaître aux fonctionnaires de police<br />

qu’elles porteraient plainte car elles avaient été interpellées de manière<br />

arbitraire et qu’elles avaient été maltraitées, ce qui les avait inquiétés.<br />

Toutes deux ont confirmé qu’elles n’avaient à aucun moment été informées<br />

de leurs droits, ni du cadre juridique dans lequel elles étaient maintenues au<br />

commissariat.<br />

Elles ont exprimé la crainte que leur inscription dans un fichier de police<br />

nuise à leur avenir professionnel, ayant le projet d’exercer les fonctions de


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

commissaire aux comptes.<br />

M. J-C.W. a déclaré qu’il n’avait pas placé ces deux personnes en garde à<br />

vue parce que son collègue ayant vérifié qu’elles n’avaient pas d’antécédent,<br />

et, en l’absence d’indice découvert sur elles, il avait compris qu’aucune<br />

infraction ne pouvait leur être reprochée. Il a ajouté qu’il avait envisagé de les<br />

laisser immédiatement partir, mais qu’il s’était ravisé et avait pensé « qu’une<br />

petite audition serait la bienvenue ».<br />

M. E.R-B. a fait observer qu’il n’existait pas de raisons plausibles de<br />

soupçonner Mlle N.E. et Mlle N.A. pour permettre de les placer en garde<br />

à vue. Il a fait valoir qu’un placement en garde à vue aurait été inutile,<br />

traumatisant, et leur aurait été préjudiciable. Il a soutenu que l’officier de<br />

police judiciaire devait évaluer le bien-fondé d’un placement en garde à vue<br />

en fonction des nécessités de son enquête, et a fait valoir qu’il n’avait reçu<br />

aucune instruction de placer en garde à vue, avant de les entendre, les<br />

personnes conduites de manière coercitive au commissariat dans le cadre<br />

d’une enquête de flagrant délit.<br />

M. J-C.W. a déclaré qu’il n’avait été informé de la présence de ces deux<br />

personnes au commissariat qu’à 14h00, qu’il avait constaté qu’elles étaient<br />

terrorisées et désorientées, et qu’elles n’avaient pas compris les raisons pour<br />

lesquelles elles y avaient été conduites. Il a ajouté qu’il les avait fait venir<br />

successivement dans son bureau pour les mettre en confiance et les rassurer,<br />

et qu’il avait compris que leurs explications respectives correspondaient avec<br />

leur emploi du temps.<br />

Concernant la prise de photographies avec son téléphone portable, il a<br />

prétendu qu’il avait fait semblant de le faire et qu’il s’agissait d’un subterfuge<br />

pour vérifier si elles disaient la vérité.<br />

M. E.R-B. a précisé que les photographies et les empreintes prises par le<br />

service de l’identification judiciaire n’avaient pas été transmises au fichier,<br />

et qu’il les avait fait prendre pour comparer ces empreintes avec celles<br />

qui auraient pu être relevées sur les lieux du vol et pour présenter les<br />

photographies à la victime.<br />

Il doit être observé qu’en contradiction avec les déclarations de M. J-C.W.<br />

selon lesquelles il se serait montré rassurant, il est faussement affirmé,<br />

dans le procès-verbal d’audition de Mlle N.E. qu’il a rédigé, qu’elle aurait<br />

été reconnue par la victime du vol, ce qui n’était pas de nature à la mettre<br />

336


337<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

en confiance. De plus, cette affirmation peut être mise en relation avec le<br />

simulacre de présentation à la victime, derrière une vitre sans tain, réalisé<br />

par les gardiens de la paix.<br />

<strong>Le</strong> commandant de police de l’Inspection générale des services qui a procédé<br />

à l’enquête a conclu : « Il apparaît aux termes de l’enquête effectuée que les<br />

plaignantes sont fondées à dénoncer les conditions illégales de leur retenue<br />

au SARIJ du 13 ème arrondissement, qui s’est déroulée en dehors de tout<br />

cadre légal. L’enquête effectuée est restée purement informelle. Hormis les<br />

auditions des jeunes femmes, elle n’a en effet donné lieu à l’établissement<br />

d’aucun acte de procédure correspondant aux diligences entreprises ».<br />

AVIS<br />

Selon les dispositions de l’article 63, alinéa 1, du Code de procédure pénale,<br />

« l’officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l’enquête, placer en<br />

garde à vue toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs<br />

raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre<br />

une infraction ». En l’espèce, les deux officiers de police judiciaire ont admis<br />

qu’il n’existait pas de raison plausible de soupçonner les personnes conduites<br />

au commissariat, ce qui interdisait de les placer en garde à vue. A fortiori<br />

ne pouvaient-elles être maintenues contre leur volonté dans les locaux de<br />

police, en dehors de tout cadre légal, pour procéder à leurs auditions.<br />

À supposer qu’une ou des raisons plausibles de les soupçonner aient<br />

pu être retenues, les deux personnes qui avaient été conduites dans les<br />

locaux de police de manière coercitive auraient dû, si les officiers de police<br />

judiciaire estimaient devoir les maintenir à leur disposition pour procéder à<br />

leurs auditions, être immédiatement placées en garde à vue, ce placement<br />

en garde à vue ayant pour effet de leur permettre d’exercer les droits de<br />

faire prévenir une personne de leur famille, d’être examinée par un médecin,<br />

de s’entretenir avec un avocat (articles 63-1, 63-2, 63-3, 63-4 du Code de<br />

procédure pénale).<br />

De plus, le procureur de la République aurait dû être informé du placement<br />

en garde à vue dès le début de cette mesure.<br />

Il se déduit de ces principes qu’une personne conduite de manière coercitive


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

dans un service de police dans le cadre d’une procédure de flagrant délit ne<br />

peut y être retenue contre sa volonté pour procéder à son audition sans avoir<br />

au préalable été placée en garde à vue, principe qui ne doit recevoir aucune<br />

exception. <strong>Le</strong> procès-verbal d’audition réalisé sans placement en garde à<br />

vue serait entaché de nullité.<br />

Si l’officier de police judiciaire estime ne pas devoir placer la personne en<br />

garde à vue, il doit immédiatement la laisser partir sans pouvoir l’entendre,<br />

au besoin en lui remettant une convocation.<br />

Il semble cependant qu’une pratique différente soit suivie par certains officiers<br />

de police judiciaire, consistant, comme dans la présente affaire, à procéder à<br />

une audition sans placement en garde à vue lorsque cette audition doit être<br />

de courte durée.<br />

Une telle pratique est contraire à la loi.<br />

Il doit également être rappelé que tout acte de police judiciaire effectué par<br />

un fonctionnaire de police doit être constaté par procès-verbal.<br />

Il ne saurait non plus être admis qu’un fonctionnaire de police puisse prendre<br />

des photographies d’une personne présente dans un service de police, avec<br />

son téléphone portable, dont il pourrait faire ensuite un usage à titre privé,<br />

une telle prise de photographie constituant une violation du droit à l’image.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission recommande de rappeler aux officiers de police judiciaire<br />

que toute personne conduite de manière coercitive dans un service de police<br />

dans le cadre d’une procédure de flagrant délit ne peut y être maintenue<br />

contre sa volonté afin qu’il soit procédé à son audition, sans avoir été<br />

préalablement placée en garde à vue.<br />

La Commission demande en outre au ministre de l’Intérieur de saisir les<br />

instances disciplinaires, si ce n’est déjà fait.<br />

Elle décide de saisir la CNIL afin que soit supprimée toute mention de<br />

l’interpellation de Mlle D.E. et de Mlle N.A. dans les fichiers de police.<br />

338<br />

Adopté le 15 janvier 2007


339<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire.<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé son<br />

avis à M. Alex Türk, président de la Commission nationale de l’informatique et<br />

des libertés.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2006-35<br />

AVIS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 4 mai 2006,<br />

par M. Jean MARSAUDON, député de l’Essonne<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 4 mai<br />

2006, par M. Jean MARSAUDON, député de l’Essonne, des conditions de<br />

l’interpellation de Mme M-A.L., le 13 mars 2006 vers 15h00, à Savigny-sur-<br />

Orge (91), par les fonctionnaires de police du commissariat local.<br />

La Commission a pris connaissance des pièces de la procédure transmise<br />

par le parquet d’Evry. Après avoir entendu Mme M-A.L., elle a auditionné<br />

le capitaine de police J-C.R. et le gardien de la paix Y.B., qui l’ont placée<br />

en cellule de dégrisement non pas à la suite d’une interpellation sur la<br />

voie publique à 15h00, mais suite à son interpellation dans les locaux du<br />

commissariat à 18h00, alors qu’elle tenait des propos injurieux envers les<br />

fonctionnaires de police.<br />

LES FAITS<br />

Mme M-A.L. a déclaré au cours de son audition avoir été interpellée dans<br />

la rue vers 15h00, par trois fonctionnaires de police en uniforme qui se<br />

trouvaient à bord d’un véhicule sérigraphié.<br />

Au préalable, Mme M-A.L. déclarait également que ce jour-là, elle se sentait<br />

particulièrement bien. Sous traitement, elle avait « commis quelques abus<br />

en consommant du whisky de manière incompatible » avec les médicaments<br />

qu’elle prend.<br />

Malgré « une démarche normale », elle fut donc, selon ses dires, interpellée<br />

par les trois fonctionnaires en uniforme, qui l’invitaient à prendre place à bord<br />

du véhicule administratif.<br />

340


341<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Alors qu’elle leur répondait « n’avoir rien fait et avoir pris un bon whisky à<br />

l’apéritif », elle reçut un coup de poing au menton qui lui fit perdre connaissance.<br />

Toujours selon ses propres déclarations, elle ne reprit connaissance que<br />

vers 19h00, alors qu’elle se trouvait en cellule de dégrisement.<br />

Malgré ses appels au secours, personne ne s’intéressa à elle. Vers 23h00,<br />

un fonctionnaire tenta de vérifier son état d’imprégnation alcoolique, mais<br />

elle ne put souffler dans l’éthylomètre, en raison de son état physique. Deux<br />

heures plus tard, un nouvel essai s’avérait impossible, toujours selon elle, à<br />

cause de son état physique.<br />

Après dégrisement, elle put regagner son domicile vers 7h30 le 14 mars.<br />

Au cours de son audition, Mme M-A.L. déclarait à deux reprises n’avoir<br />

aucune souvenance d’avoir été conduite à l’hôpital.<br />

Elle déposait plainte ultérieurement auprès du parquet d’Evry et était<br />

entendue sur les faits par l’IGPN. Elle n’a eu aucune nouvelle de sa plainte<br />

depuis.<br />

<strong>Le</strong> capitaine J-C.R. et le gardien de la paix Y.B. ont été entendus par la<br />

Commission, qui a pu également prendre connaissance du contenu de<br />

l’enquête administrative diligentée par l’autorité locale de police.<br />

Selon ces fonctionnaires de police, Mme M-A.L. s’est présentée le 13 mars<br />

2006 vers 17h00 au commissariat de Savigny-sur-Orge. En état d’ébriété,<br />

elle a proféré des injures envers les fonctionnaires de police, notamment<br />

envers le gardien de la paix Y.B. qui se trouvait à l’accueil, et dont elle touchait<br />

la pointe du nez avec son doigt.<br />

<strong>Le</strong>s propos incohérents tenus par Mme M-A.L., ajoutés à la forte odeur<br />

d’alcool qui émanait de sa personne, conduisaient MM. J-C.R. et Y.B. à<br />

la placer en cellule de dégrisement. C’est en pénétrant dans ce local que<br />

Mme M-A.L. se laissait tomber en avant, occasionnant ainsi la chute de J-<br />

C.R., qui se blessait également.<br />

Prise en charge par le chef de poste, Mme M-A.L. était conduite à l’hôpital<br />

pour y recevoir les soins que nécessitait son état, et au vu de l’établissement<br />

éventuel du certificat de non admission.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Un nouveau contrôle d’alcoolémie la concernant, effectué vers 2h00 du<br />

matin, indiquait un taux de 0,74 mg/L.<br />

AVIS<br />

La personnalité de Mme M-A.L. est apparue perturbée aux membres de la<br />

Commission, auxquels l’avocat qui l’accompagnait a fait connaître qu’elle<br />

faisait l’objet d’une procédure de mise sous tutelle en raison d’une situation<br />

familiale difficile.<br />

<strong>Le</strong>s faits dénoncés par elle au cours de son audition ne peuvent être tenus<br />

pour avérés et sont contredits par les pièces de procédure transmises par le<br />

parquet d’Evry à la Commission.<br />

342<br />

Adopté le 15 janvier 2007<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis pour information à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de<br />

l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire.


LA POLICE AUX FRONTIÈRES<br />

Saisine n°2005-76<br />

343<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 19 septembre 2005,<br />

par Mme Nicole BORVO COHEN-SEAT, sénatrice de Paris<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 19<br />

septembre 2005, par Mme Nicole BORVO COHEN-SEAT, sénatrice de Paris,<br />

de faits qui se sont produits le 2 septembre 2005 à l’aéroport d’Orly, où M. A.<br />

G., qui faisait l’objet d’une reconduite à la frontière, déclare avoir été victime<br />

de violences et d’humiliations de la part de fonctionnaires de police. M. A.G.<br />

a porté plainte.<br />

La Commission a pris connaissance de la plainte de M. A.G. adressée au<br />

procureur de la République le 13 septembre 2005.<br />

Elle a entendu deux représentants de la CIMADE, ainsi que le Pr F.,<br />

responsable des urgences médico-judiciaires (UMJ) de l’Hôtel Dieu, qui a en<br />

charge le service médical du centre de rétention administrative de Paris.<br />

Elle a procédé aux auditions de deux des trois fonctionnaires de police ayant<br />

transféré M. A.G. du centre de rétention administrative (CRA) à Orly, et de<br />

deux fonctionnaires d’escorte, ainsi que de deux fonctionnaires de l’Unité<br />

locale d’éloignement (ULE) d’Orly, enfin d’un officier de la Direction de la<br />

police aux frontières (DPAF) et d’un commandant d’aérogare.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 2 septembre 2005, M. A.G., ressortissant algérien faisant l’objet d’une<br />

mesure de reconduite à la frontière et placé depuis le 27 août au centre<br />

de rétention administrative de Paris sur le site de Vincennes, est pris en<br />

charge vers 12h30 par trois fonctionnaires de police qui doivent le conduire<br />

à l’aéroport d’Orly et le remettre à deux escorteurs pour un embarquement<br />

sur le vol d’Alger de 15h30.<br />

<strong>Le</strong> trajet s’est bien passé, selon les fonctionnaires de police. M. A.G., menotté,<br />

était calme. Ils ont pensé que cette reconduite ne poserait aucun problème.<br />

M. A.G. est placé à son arrivée dans une cellule des locaux de l’Unité<br />

d’éloignement d’Orly. Il est soumis à la fouille de sécurité réglementaire par<br />

deux autres fonctionnaires qui sont arrivés entre-temps. Ceux-ci, en charge<br />

de son escorte, lui expliquent la procédure pendant que les fonctionnaires de<br />

l’ULE s’occupent des formalités : billetterie, bagages.<br />

<strong>Le</strong> responsable de l’escorte autorise alors M. A.G. à téléphoner à sa femme,<br />

ressortissante marocaine, en situation régulière, qui est enceinte.<br />

Alors que le vol a été repoussé à 16h00, vers 15h10, les deux escorteurs<br />

vont chercher M. A.G., qui, à leur vue, se précipite sous un banc, « s’y<br />

love », « en position fœtale », selon les déclarations des fonctionnaires, et<br />

s’accroche aux pieds du banc. <strong>Le</strong> banc est situé dans un angle de la pièce<br />

et scellé au sol. <strong>Le</strong>s fonctionnaires entreprennent de le déloger de cette<br />

position. Sept fonctionnaires vont intervenir, à tour de rôle et à plusieurs,<br />

pour extirper M. A.G. de dessous le banc, en vain. Enfin, deux officiers de<br />

la DPAF, avisés de la situation, tentent de raisonner M. A.G., puis utilisent la<br />

force à leur tour. L’intervention a duré environ quarante-cinq minutes, lorsque<br />

M. A.G., épuisé, est finalement sorti de dessous le banc. <strong>Le</strong>s fonctionnaires<br />

constatent qu’il est blessé.<br />

La reconduite est annulée et M. A.G. est ramené au CRA de Vincennes.<br />

<strong>Le</strong> service médical refuse de l’admettre au vu de son état et demande son<br />

hospitalisation immédiate. M. A.G. est hospitalisé à l’Hôtel Dieu pendant<br />

douze jours, puis replacé au CRA. Son expulsion est reprogrammée pour le<br />

18 septembre.<br />

Deux certificats médicaux d’incompatibilité sont établis par les UMJ de l’Hôtel<br />

Dieu, dont il n’est pas tenu compte. Un journaliste rend publique la plainte de<br />

344


345<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

M. A.G. M. A.G. est remis en liberté le 16 septembre pour raison médicale.<br />

M. A.G. ne s’est pas rendu aux convocations de l’Inspection générale des<br />

services, et la Commission n’a pu l’entendre. M. A.G. a indiqué à la CIMADE<br />

qu’il avait trop peur des conséquences de sa plainte et de son éventuelle<br />

audition. Il pensait que cela lui ôterait toute chance de voir sa situation de<br />

séjour régularisée.<br />

<strong>Le</strong>s auditions<br />

Ayant pour mission de conduire M. A.G. à l’aéroport d’Orly dans les locaux de<br />

l’ULE, le gardien de la paix J.D., de la Compagnie des transferts, escortes et<br />

protections (COTEP), s’est présenté au CRA avec ses deux collègues, MM. B.<br />

I. et T., de la Compagnie spécialisée d’intervention, requis en renfort.<br />

M. A.G., qui n’était pas informé à l’avance du jour de son expulsion, leur a<br />

demandé s’il pouvait téléphoner à son épouse pour la prévenir. Selon les<br />

fonctionnaires de police, M. A.G. n’avait pas de carte téléphonique. Ils lui ont<br />

répondu qu’il pourrait téléphoner à l’aéroport avec le téléphone portable des<br />

escorteurs, comme « cela se pratique régulièrement ». M. A.G. a accepté de<br />

les suivre.<br />

À leur arrivée à Orly, les trois fonctionnaires ont remis le retenu à leurs<br />

collègues de l’ULE, qui l’ont placé dans une cellule, précisant : « Mais il était<br />

toujours sous notre responsabilité ». Ils ont échangé avec les deux escorteurs<br />

arrivés entre-temps, puis sont allés dans la salle de repos en attendant le<br />

départ du retenu.<br />

<strong>Le</strong>s deux fonctionnaires de police, M. D.S, responsable de l’escorte, affecté à<br />

la 12 ème section des Renseignements généraux qui s’occupe de l’immigration<br />

clandestine, et M. J.M.C., qui avait été mis à disposition par son service,<br />

le Service d’études et d’orientation anti-délinquance (SPEOAD) dépendant<br />

de la Direction de la Police urbaine de proximité (DPUP), ont pris contact<br />

avec M. A.G. Après la fouille de sécurité, ils lui ont expliqué la procédure,<br />

les risques auxquels il s’exposait en cas d’opposition, le fait que, si tout se<br />

passait bien, il pourrait revenir en France dans le cadre d’une demande de<br />

regroupement familial.<br />

Selon lui, M. A.G. acceptait cette mesure mais « s’inquiétait pour sa femme<br />

et son enfant car celle-ci était enceinte et il voulait lui téléphoner ». M. D.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

S. lui a donné une carte téléphonique et M. A.G. a pu s’entretenir avec son<br />

épouse. Puis le fonctionnaire a constaté à un moment « qu’il était inopportun<br />

de prolonger cette communication téléphonique et a demandé à M. A.G. d’y<br />

mettre fin ».<br />

À l’heure prévue pour l’embarquement – le vol ayant été un peu retardé –,<br />

M. D.S. est allé chercher M. A.G. dans la cellule et l’a vu alors « se terrer<br />

sous le banc ». M. A.G. a commencé à crier qu’il ne voulait pas partir. Selon<br />

M. D.S., « il gesticulait et se cognait ». <strong>Le</strong> chef de l’escorte a essayé avec<br />

ses collègues d’attraper les jambes et les bras de M. A.G. et de le sortir de<br />

dessous le banc. <strong>Le</strong>s chaussures de M. A.G. lui ont été retirées. <strong>Le</strong> chef<br />

d’escorte a réussi à lui passer une menotte à un poignet et un collègue, la<br />

menotte d’une autre paire à l’autre poignet. Ils ont tiré chacun de leur côté.<br />

<strong>Le</strong>s jambes de M. A.G. ont été sanglées à l’aide de bandes type Velcro, pour<br />

éviter d’éventuelles blessures. « Nous étions plusieurs à intervenir à tour de<br />

rôle, les collègues de l’ULE, ceux qui avaient fait le transfert, moi-même et<br />

mon collègue », a relaté le chef d’escorte. « Mon souci était qu’il arrête de se<br />

mettre des coups », a-t-il expliqué. Puis les collègues de l’ULE ont avisé par<br />

téléphone leur hiérarchie qui s’est déplacée.<br />

M. D.S. est sorti de la pièce pour informer par téléphone sa hiérarchie de<br />

la situation et demander des instructions. Sa hiérarchie a pris contact avec<br />

le 8 ème Bureau, qui a répondu « qu’il ne fallait pas traiter cette situation<br />

comme un refus de reconduite. Vu son temps de rétention, il pourrait être<br />

reprogrammé sur un autre vol ».<br />

À son retour dans la cellule, M. D.S. a constaté que le retenu avait été sorti<br />

de dessous le banc. « Il avait l’air très fatigué », « il respirait normalement » ;<br />

« vu son état apparent, j’ai pensé qu’il n’était pas nécessaire de le présenter<br />

à un service médical », a exposé le chef d’escorte. Dans son <strong>rapport</strong> rédigé<br />

le 3 septembre, il relevait sur M. A.G. « les ecchymoses aux poignets et au<br />

visage ».<br />

M. J.M.C., le deuxième fonctionnaire de l’escorte, a confirmé les déclarations<br />

de son collègue, précisant, concernant la position de M. A.G. : « On ne<br />

pouvait pas le sortir sans lui faire de mal ». Une fois extrait de sa position, un<br />

gobelet d’eau lui a été donné. Il a vu que « M. A.G. s’était blessé au niveau<br />

des jambes, du torse, avec les barres du banc ». Il confirme qu’il n’a pas été<br />

envisagé de le conduire dans un service médical.<br />

<strong>Le</strong>s deux fonctionnaires de police, MM. J.D. et B.I., qui avaient assuré le<br />

346


347<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

transfert de M. A.G. du CRA à l’aéroport, confirment avoir essayé eux aussi<br />

d’extraire par la force M. A.G. de dessous le banc : « Nous étions cinq dans<br />

la cellule ». Puis un brigadier-chef en poste à l’ULE et un de ses collègues<br />

sont arrivés pour les assister dans cette opération. Selon M. J.D., « cette<br />

lutte a duré presque trois-quarts d’heure ».<br />

« À un moment, M A.G. se tapait la tête contre le sol, j’ai mis ma main sous<br />

sa tête et avec l’autre main, j’ai essayé de bloquer les mouvements de sa<br />

tête. Je me suis rendu compte que j’étais en train de l’étrangler et j’ai arrêté<br />

aussitôt », a-t-il relaté.<br />

« Nous étions sept à intervenir », a indiqué M. F.R., brigadier-chef en poste à<br />

l’ULE. Il a précisé : « Ce jour-là, j’étais là en tant que gradé pour superviser,<br />

le chef de poste était un gardien de la paix ». En pénétrant dans la cellule, le<br />

brigadier-chef a constaté que ses collègues ne parvenaient pas à se saisir<br />

de M. A.G. Certains s’étaient positionnés aux jambes, d’autres aux bras. Il a<br />

crié : « Surtout pas de coups ! ». Alors que ses collègues avaient lié les deux<br />

jambes de M. A.G. avec des bandes Velcro, « M. A.G. s’est recroquevillé<br />

et s’est coincé les genoux contre le pied du banc et les chevilles contre le<br />

mur ». <strong>Le</strong> brigadier-chef a décidé de se retirer.<br />

« Mes collègues ont essayé de le tirer dans tous les sens. <strong>Le</strong> chef de poste a<br />

appelé l’officier de quart, qu’il n’a pas réussi à joindre. M. F.R. a fait rappeler,<br />

et un officier et le commandant d’aérogare se sont déplacés. M. F.R. dit<br />

avoir encore essayé de démonter les pieds du banc avec un tournevis, sans<br />

succès.<br />

Rendu sur place, le commandant de l’aérogare a fait sortir tous les<br />

fonctionnaires de la place et a essayé de convaincre M. A.G. de sortir. Puis<br />

les officiers ont décidé d’utiliser la force : « Fatigué, M. A.G. a commencé<br />

à se relâcher. « Mes collègues sont parvenus à le sortir en le traînant », a<br />

relaté M. F.R., précisant : « Son pantalon avait glissé. Nous avons remarqué<br />

qu’il avait les marques du pied du banc sur les cuisses. Un poignet saignait<br />

légèrement, écorché par la menotte. Quelqu’un a pris son pouls. J’ai rempli<br />

d’eau un bouchon de bouteille et j’ai fait tomber quelques gouttes sur ses<br />

paupières, il a tourné la tête. J’ai vu qu’il était conscient ». <strong>Le</strong> brigadierchef<br />

a tenu à expliquer à la Commission que ce test lui avait été indiqué<br />

antérieurement par un membre du Service médical d’urgence. « Après ce<br />

test, j’ai essuyé le visage de M. A.G., il respirait normalement. Si cela n’avait<br />

pas été le cas, j’aurais appelé le SMUR », a-t-il exposé.<br />

<strong>Le</strong> lieutenant D.D., officier de quart, a confirmé les déclarations de ses


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

collègues. Prévenu dès le début de l’incident selon lui, il a essayé avec le<br />

commandant de l’aérogare d’établir un dialogue avec le reconduit. Ils lui<br />

ont dit que vu le retard pris, il n’embarquerait pas. M. A.G. a refusé de les<br />

entendre, persistait à vouloir rester sous le banc. « M. A.G. se raidissait et se<br />

rétractait dans l’angle », a-t-il décrit. Ils ont donc décidé « d’user de la force<br />

strictement nécessaire », « sans donner de coups », a précisé l’officier. M. A.<br />

G. a été extrait et mis au centre de la pièce, son pantalon baissé ayant été<br />

remonté, ils ont constaté des ecchymoses au niveau des cuisses, « du fait<br />

de la pression des montants du banc exercée sur ses membres, ainsi qu’au<br />

niveau des poignets ».<br />

<strong>Le</strong> commandant d’aérogare, M. L.H., a confirmé la situation trouvée à<br />

son arrivée : la présence de nombreux fonctionnaires qu’il fait alors sortir<br />

de la pièce, et la position de M. A.G. sous le banc, une menotte de deux<br />

paires passée à chaque poignet, des blessures visibles aux poignets. Il ne<br />

se souvient pas que les jambes de M. A.G. étaient entourées de scratchs.<br />

Après l’échec de sa tentative de dialogue, il a fait revenir les fonctionnaires.<br />

« Nous avons dû appuyer sur son ventre », « une traction a été faite sur<br />

mes instructions », « M. A.G. a été tiré jusqu’au centre de la pièce », « un<br />

fonctionnaire lui a maintenu la tête », a-t-il relaté.<br />

<strong>Le</strong> commandant d’aérogare a tenu, lui aussi, à faire part à la Commission<br />

qu’il avait pratiqué sur M. A.G. « un test appris par un médecin urgentiste,<br />

qui consiste à prendre la main de la personne et à le lever au-dessus de<br />

son visage puis à la lâcher ». « <strong>Le</strong> bras de M. A.G. est retombé sur le<br />

côté, j’en ai déduit qu’il n’était pas inconscient ». Il a ajouté qu’« il n’y avait<br />

pas d’hémorragie externe visible, le pouls était régulier et il respirait sans<br />

difficulté. Je n’ai pas envisagé de faire venir un médecin en urgence, car son<br />

état apparent ne relevait pas d’une intervention immédiate d’un praticien ».<br />

<strong>Le</strong>s fonctionnaires de police ont reçu de leur hiérarchie l’instruction de<br />

reconduire M. A.G. au CRA de Paris sur le site de Vincennes.<br />

À son arrivée, le service médical a demandé son hospitalisation en urgence.<br />

M. A.G. a été hospitalisé aux UMJ de l’Hôtel Dieu jusqu’au 13 septembre.<br />

<strong>Le</strong> Pr F. a expliqué à la Commission qu’il pensait que M. A.G. serait remis en<br />

liberté immédiatement, vu son état. Un certificat d’incompatibilité a été établi<br />

par le Dr G. du CRA, qui n’a pas été pris en compte. <strong>Le</strong> Pr F. a dû établir un<br />

deuxième certificat médical confirmant celui de son confrère.<br />

<strong>Le</strong>s représentants de la CIMADE ont vu M. A.G. à sa sortie d’hôpital, ont<br />

constaté qu’« il avait du mal à marcher, semblait dans un état physique<br />

déplorable ».<br />

348


349<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Malgré les certificats médicaux, la reconduite de M. A.G. a été maintenue<br />

pour le 18 septembre.<br />

Pendant la même période, M. A.G. est parvenu à faire connaître sa situation,<br />

les faits ont suscité une mobilisation et une médiatisation par un journaliste<br />

radio. Il est remis en liberté le 16 septembre.<br />

AVIS<br />

La Commission estime que M. A.G. a été victime de violences injustifiées le<br />

2 septembre dans les locaux de l’Unité d’éloignement de l’aéroport d’Orly,<br />

alors qu’il était sous la responsabilité de la Direction de la police aux frontières<br />

et de la 12 ème section des Renseignements généraux, qui avait en charge sa<br />

reconduite.<br />

<strong>Le</strong>s fonctionnaires de police ont été confrontés à l’attitude désespérée d’une<br />

personne, qui, pour ne pas être reconduite à la frontière, s’est lovée sous<br />

un banc et s’y est maintenue dans cette position défensive, difficilement<br />

« prenable » du fait des caractéristiques dudit banc, scellé au sol et fixé dans<br />

un angle. Or, il ressort des auditions qu’il est apparu très vite que M. A.G. ne<br />

pourrait en être extrait sans être blessé.<br />

<strong>Le</strong>s fonctionnaires de police ont manqué de discernement puis de sang-froid<br />

en persistant dans leurs tentatives, nombreuses, réitérées. Ils ont détourné<br />

de leur fonction des moyens de contention, menottes et bandes Velcro,<br />

dans le but d’occasionner des douleurs à M. A.G. et ce, pour lui faire lâcher<br />

prise.<br />

Ils lui ont causé des blessures importantes au visage et sur tout le corps,<br />

un traumatisme psychologique établi par plusieurs certificats médicaux, une<br />

hospitalisation de douze jours. <strong>Le</strong> responsable des unités médico-judiciaires<br />

de l’Hôtel Dieu a déclaré à la Commission : « J’ai vu moi-même M. A.G. qui<br />

était bien abîmé ».<br />

L’état déplorable dans lequel se trouvait M. A.G. après l’intervention, qu’il<br />

soit dû aux manipulations brutales des fonctionnaires de police ou aux efforts<br />

de M. A.G. résistant aux tractions diverses et frottements effectués par les<br />

fonctionnaires de police, nécessitait sa conduite immédiate à un service<br />

médical.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

<strong>Le</strong> gardien de la paix J.D. a décrit M. A.G. qui « ne parvenait pas à marcher » :<br />

« Vu son état, on ne pouvait pas traverser l’aéroport avec lui, étant donné<br />

l’emplacement de l’ULE. Il a donc été sorti par l’arrière, où notre véhicule<br />

avait pu s’approcher », a-t-il expliqué.<br />

La Commission considère que le commandant d’aérogare et l’officier de quart<br />

présents sur les lieux, qui n’ont pas donné l’instruction aux fonctionnaires de<br />

police de conduire immédiatement M. A.G. à l’hôpital afin qu’il y reçoive des<br />

soins, n’ont pas rempli leurs obligations d’assistance et de secours ; ceci est<br />

constitutif d’un manquement à la déontologie.<br />

La Commission retient du témoignage de M. A.G. transmis au procureur de<br />

la République l’atmosphère d’énervement, la montée des tensions, puis la<br />

violence collective suscitée par l’impuissance dans laquelle ce retenu avait<br />

placé les fonctionnaires qui avaient reçu pour instruction de faire embarquer<br />

M. A.G. dans les délais impartis.<br />

Elle retire des auditions des fonctionnaires de police qu’ils ont averti leur<br />

hiérarchie de la situation inextricable dans laquelle ils étaient et qu’il ne<br />

leur a pas été donné l’instruction de mettre fin à cette intervention violente<br />

et dégradante, tant qu’il restait une possibilité d’embarquement sur le vol<br />

prévu.<br />

M. A.G., dans sa plainte, fait état de coups de pieds, gifles, cheveux tirés,<br />

d’un étranglement, d’un écrasement des testicules, de menottes utilisées<br />

pour le tracter de dessous le banc jusqu’au milieu de la pièce, d’eau jetée<br />

au visage.<br />

Des auditions des fonctionnaires de police, la Commission tient pour crédible<br />

une grande partie du témoignage de M. A.G.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission transmet cet avis d’une part au procureur de la République<br />

de Créteil, et d’autre part à M. le Ministre de l’Intérieur, compétent pour la<br />

saisine de l’instance disciplinaire.<br />

350


351<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Elle rappelle que les certificats médicaux d’incompatibilité qui sont établis<br />

pour les personnes placées en rétention ou faisant l’objet de reconduite<br />

doivent être strictement respectés.<br />

Adopté le 15 mai 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :<br />

Conformément à l’article 8 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

cet avis au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de<br />

Créteil.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

352


353<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-88<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 28 octobre 2005,<br />

par Mme Éliane ASSASSI, sénatrice de Seine-Saint-Denis<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 28<br />

octobre 2005, par Mme Éliane ASSASSI, sénatrice de Seine-Saint-Denis,<br />

après qu’elle eut été elle-même sollicitée par la CIMADE, d’actes de violence<br />

policière dont se déclarait avoir été victime M. M.A. au cours de sa garde à<br />

vue, dans les locaux du dépôt de la Préfecture de police.<br />

M. M.A. a porté plainte pour violences le 26 octobre 2005.<br />

LES FAITS<br />

À la suite d’un contrôle de police, effectué le 21 octobre 2005, dans le quartier<br />

de la gare du Nord à Paris, M. M.A., qui faisait l’objet d’un arrêté de reconduite<br />

à la frontière pris le 6 janvier 2005 par le préfet de la Seine-Saint-Denis, était<br />

placé en garde à vue à 15h00 pour infraction à la législation sur les étrangers,<br />

et conduit pour y passer la nuit du 21 au 22 octobre au dépôt de la Préfecture<br />

de police, à la disposition de la 12 ème section des Renseignements généraux,<br />

en charge des procédures concernant les infractions au séjour des étrangers<br />

en France et du trafic de main-d’œuvre étrangère.<br />

C’est au matin du 22 octobre que M. M.A. aurait été victime de violences<br />

illégitimes de la part de fonctionnaires de police affectés au dépôt, avant sa<br />

conduite devant l’officier de police judiciaire.<br />

Outre les déclarations de l’intéressé recueillies lors de son passage au<br />

centre de rétention administrative (CRA) de Paris sur le site de Vincennes, la<br />

Commission a procédé à l’audition d’une représentante de la CIMADE, des<br />

fonctionnaires de police présents au dépôt le jour des faits, ainsi que des<br />

354


355<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

fonctionnaires d’escorte chargés de conduire M. M.A. en fin de garde à vue<br />

au CRA de Paris, sur le site de la Cité.<br />

Dans un premier temps, ces derniers avaient refusé de le prendre en charge<br />

en raison de ses blessures. Il faut préciser que le CRA Cité est situé dans le<br />

même bâtiment que le dépôt.<br />

La Commission a également estimé devoir entendre l’attaché principal<br />

d’administration centrale chargé du 8 ème bureau de la police générale à la<br />

Préfecture de police, M. J-F.M., ainsi que le Dr B.B., attaché aux urgences<br />

médico-judiciaires de l’Hôtel Dieu à Paris, qui avait été amené à examiner<br />

M. M.A.<br />

Déclarations de M. M.A.<br />

Réveillé à 7h00 du matin, il fut conduit dans la pièce « avant-fouille » en<br />

attendant son transfert à disposition de l’OPJ.<br />

Il demandait du feu pour fumer à deux fonctionnaires présents dans la pièce,<br />

« un homme blond en uniforme et une femme noire en civil », qui ne lui<br />

répondirent pas. Devant cette attitude, il s’exclamait « Putain ! ».<br />

« Très en colère » selon lui, la jeune femme lui demandait de mettre les mains<br />

dans le dos et lui passait les menottes. Toujours selon M. M.A., les deux<br />

fonctionnaires précédemment décrits commençaient à le frapper « avec les<br />

mains et les jambes ». Six ou sept policiers arrivés en renfort le frappaient<br />

également, alors que l’un d’eux « appuyait avec le pied sur la chaîne des<br />

menottes ». Toujours selon M. M.A., « aucune personne n’intervenait pour<br />

dire d’arrêter ».<br />

Conduit dans un véhicule Peugeot 306 à la préfecture par deux fonctionnaires,<br />

« un homme et une femme, qui faisaient partie de ceux qui l’avaient frappé »,<br />

M. M.A. a indiqué qu’ayant mal, il avait pleuré, et que la fonctionnaire de<br />

police lui avait alors dit : « Moi, une fille, je ne pleure pas comme toi ». M. M.<br />

A. était présenté à l’OPJ de la 12 ème section, service désigné par lui comme<br />

étant « le 8 ème Bureau ».<br />

Souffrant du dos et des épaules, il aurait demandé à voir un médecin. Il<br />

lui aurait été répondu par « une dame responsable qu’il n’y avait pas de<br />

médecin le samedi ».


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Dès que l’arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet de police lui fut<br />

notifié en fin de garde à vue, M. M.A. fut conduit au CRA de Paris désigné<br />

par lui de nouveau comme « le dépôt ». <strong>Le</strong>s deux fonctionnaires chargés de<br />

l’escorte refusèrent dans un premier temps de le prendre en charge en raison<br />

de ses blessures ; ce n’est « qu’après avoir téléphoné » qu’ils acceptèrent<br />

la mission.<br />

M. M.A. déclare avoir reçu la visite d’un médecin à son arrivée au CRA, qui<br />

ne l’a pas examiné, lui a juste donné une ordonnance, et a refusé de lui faire<br />

un certificat, en lui expliquant qu’il n’en avait pas le droit. Une infirmière a<br />

nettoyé les plaies sur ses poignets.<br />

Auditions de M. T.C. et de Mme C.M.<br />

Ces deux officiers de police judiciaire sont affectés à la 12 ème section des<br />

Renseignements généraux.<br />

M. T.C. précisait qu’il avait mis M. M.A. en garde à vue le 21 octobre au<br />

soir dans les locaux de l’antenne du 18 ème arrondissement sous une fausse<br />

identité. Ce n’est qu’au cours de la nuit que la véritable identité de M. M.A.<br />

était établie par les services de l’identité judiciaire.<br />

Il le recevait à nouveau dans les locaux du siège de la 12 ème section à la<br />

Préfecture de police le 22 octobre vers 7h45.<br />

L’un des fonctionnaires chargé de la garde des détenus, et plus spécialement<br />

affecté à la 12 ème section, lui signalait que M. M.A. se plaignait du poignet.<br />

M. T.C. constatait effectivement que le poignet était enflé, alors que M. M.A.<br />

lui signalait « sans autre précision, avoir eu un souci au dépôt ».<br />

Après avoir demandé à plusieurs reprises à l’État-major de la police de<br />

proximité, comme c’est l’usage, un véhicule afin d’assurer le transport de<br />

M. M.A. aux urgences médico-judiciaires de l’Hôtel Dieu, il constatait que la<br />

demande restait sans effet et ne pouvait présenter M. M.A. à la consultation<br />

médicale des UMJ.<br />

La garde à vue fut levée le 22 octobre à 12h05. <strong>Le</strong> placement en rétention<br />

administrative lui a été notifié à 12h00, M. M.A. était pris en charge par des<br />

fonctionnaires d’escorte de la COTEP (Compagnie des transferts, escortes<br />

et protections), qui refusaient alors d’assurer la mission en raison « de son<br />

356


357<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

état ». D’après M. T.C., le 8 ème Bureau serait intervenu auprès de la COTEP<br />

pour mettre fin au litige.<br />

Interrogé par les membres de la Commission sur l’absence de présentation<br />

de M. M.A. blessé à un médecin, M. T.C. précisait qu’outre l’impossibilité de<br />

faire assurer le transport de M. M.A. auprès des UMJ, il avait estimé ne pas<br />

devoir faire appel aux urgences médicales de Paris, estimant qu’en l’espèce,<br />

une radiographie serait sans doute demandée par le praticien. Il considérait<br />

alors que le transport aux UMJ restait la solution la plus appropriée, ne se<br />

doutant pas qu’il serait confronté à l’impossibilité d’obtenir un véhicule pour<br />

le transport.<br />

Mme C.M., officier de police judiciaire, déclarait avoir notifié la fin de garde<br />

à vue et le placement en rétention de M. M.A. Elle confirmait également que<br />

dans un premier temps, les fonctionnaires de la COTEP avaient refusé la<br />

prise en charge de M. M.A. en raison de ses blessures.<br />

<strong>Le</strong> conseil de Mme C.M., responsable syndical, a estimé devoir porter à la<br />

connaissance de la Commission que dans les affaires traitées par la 12 ème<br />

section des Renseignements généraux, l’OPJ, pour des raisons d’efficacité,<br />

« n’est pas tout à fait maître de la procédure », car opérant au sein d’une<br />

plateforme commune impliquant la Police urbaine de proximité, la 12 ème<br />

section des Renseignements généraux et le 8 ème Bureau de la police générale<br />

chargé de la mise en œuvre administrative des reconduites à la frontière.<br />

« C’est ainsi que certaines mesures de garde à vue sont parfois prolongées<br />

pour que les arrêtés de reconduite à la frontière soient établis aux heures<br />

d’ouverture des bureaux ».<br />

Auditions des fonctionnaires de la COTEP<br />

MM. S.N. et R.P., gardiens de la paix à la COTEP, ont été entendus par la<br />

Commission.<br />

Tous deux ont confirmé leur refus initial de prendre en charge M. M.A., qui<br />

souffrait « des deux épaules et de contusions au poignet gauche ». Ce n’est<br />

qu’après avoir reçu des instructions de leur hiérarchie qu’ils ont conduit<br />

M. M.A. au CRA de Paris, où se trouvaient un médecin et une infirmière qui<br />

pourraient l’examiner.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

M. R.P., qui a rédigé un <strong>rapport</strong> destiné à sa hiérarchie et relatant l’incident,<br />

précisait aux membres de la Commission que les fonctionnaires chargés de<br />

la garde des détenus à la 12 ème section lui avaient confirmé « qu’il y avait eu<br />

un problème au dépôt ».<br />

Auditions des fonctionnaires du dépôt<br />

Seize fonctionnaires en poste au dépôt de Paris le 22 octobre 2005 ont été<br />

entendus par la Commission. Treize d’entre eux ont fait un récit concordant<br />

des faits qui se sont produits ce jour-là.<br />

<strong>Le</strong> gardien G.P. faisait fonction de chef de brigade. Entendant frapper<br />

fortement contre la porte de la salle « après-fouille », il se rendait sur place,<br />

et se trouvait face à M. M.A., qui « voulait fumer ». Devant le refus qui lui fut<br />

opposé, M. M.A. continuait de taper violemment sur la porte de la salle.<br />

<strong>Le</strong> gardien de la paix Mme S.S. confirmait la demande faite par M. M.A., « qui<br />

voulait fumer », et précisait : « Je suis allée à la salle de repos, et quand je<br />

suis revenue, j’ai entendu de l’agitation. M. M.A. se rebellait, il y avait un<br />

attroupement de collègues. Mes collègues l’ont menotté contre le mur (…).<br />

Après avoir été menotté, il a été pris en compte par les collègues chargés de<br />

son escorte ». <strong>Le</strong> gardien de la paix S.S. ajoutait : « Je n’ai pas été insultée<br />

par M. M.A. et aucune collègue ne s’est plainte d’avoir été insultée ».<br />

<strong>Le</strong> gardien de la paix F.V. relatait qu’il avait simplement expliqué à M. M.A.<br />

qu’il ne pouvait fumer car sa fouille se trouvait à la 12 ème section, sans autre<br />

précision.<br />

<strong>Le</strong> gardien R.S. déclarait avoir assuré avec ses collègues, M. Y.C et. Mme F.<br />

P, le transfert de M. M.A. à la 12 ème section, après que M. F.V. l’ait menotté.<br />

Mme F.P., questionnée par la Commission, a indiqué que M. M.A. s’était<br />

beaucoup agité pendant le transfert, ce qui pouvait expliqué, selon elle, l’état<br />

de son poignet. M. M.A. ne pleurait pas et ne s’est pas plaint d’avoir mal.<br />

Déclarations de M. J.-F.M.<br />

Attaché principal d’administration centrale au ministère de l’Intérieur, il exerce<br />

les fonctions de chef du 8 ème Bureau de la police générale de la Préfecture de<br />

358


359<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

police, aussi appelé « Bureau de l’éloignement ».<br />

Ce fonctionnaire a exposé à la Commission quelle était la compétence exacte<br />

de son service.<br />

Concernant la situation de M. M.A., il précisait qu’après son interpellation le<br />

21 octobre 2005, son cas avait été soumis au 8 ème Bureau dès 9h40 le 22<br />

octobre 2005. La première tranche de vingt-quatre heures de garde à vue de<br />

M. M.A. expirait le 22 octobre 2005 à 15h00. <strong>Le</strong> parquet n’ayant pas souhaité<br />

donner de suites judiciaires à cette affaire, son service était saisi dès 9h40 le<br />

matin aux fins de préparation de l’arrêté de placement en rétention.<br />

<strong>Le</strong> responsable du 8 ème Bureau a précisé : « Il n’est pas possible de connaître<br />

avec exactitude l’heure exacte à laquelle a été transmis aux RG l’arrêté de<br />

placement en rétention ». Il a également indiqué que « le temps qui s’écoule<br />

entre la fin de garde à vue et l’arrivée effective au CRA de la personne<br />

retenue ne doit pas excéder trois heures aux termes de la jurisprudence de<br />

la cour d’appel de Paris, au risque d’annuler la procédure judiciaire. Si ladite<br />

procédure est annulée, la personne est remise en liberté ».<br />

C’est pourquoi M. J-F.M. précisait aux membres de la Commission qui<br />

l’interrogeaient sur le refus opposé par les fonctionnaires de la COTEP à<br />

la prise en charge de M. M.A. : « Il est possible que l’un des fonctionnaires<br />

du 8 ème Bureau ait pu appeler le régulateur de la COTEP pour obtenir la<br />

conduite de M. M.A. au CRA ».<br />

Déclarations de M. B.B.<br />

Praticien hospitalier aux UMJ, M. B.B. intervient ponctuellement au CRA sur<br />

les deux sites de Paris et Vincennes. Il a examiné M. M.A. au CRA sur le<br />

site Cité le samedi 22 octobre après-midi. Il confirme ne pas avoir établi de<br />

certificat de constatation de blessures. C’est dans le dossier médical de M. M.<br />

A. qu’il a porté des indications, dont les conclusions suivantes : « Lésions<br />

d’aspect traumatique récent des membres supérieurs ».<br />

Il a à nouveau examiné M. M.A. le 27 octobre 2005 sur réquisition de l’IGS, à<br />

la suite de la plainte déposée par ce dernier. Il trouvait dans le dossier médical<br />

de l’intéressé un certificat établi le 23 octobre 2005 par l’hôpital Cochin. En<br />

effet, victime d’un malaise au CRA alors qu’il avait commencé une grève de<br />

la faim, M. M.A. y avait été conduit. Un certificat de constatation avait été<br />

établi par l’hôpital Cochin.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Sur le plan médical, M. B.B. précisait que lors de l’examen médical du<br />

27 octobre, il avait constaté « des lésions sur le bras gauche, sur la face<br />

antérieure de l’épaule, et une érosion du bras gauche, des douleurs lombaires<br />

et un retentissement psychologique avec une grande anxiété ».<br />

AVIS<br />

Sur les violences policières subies au dépôt<br />

La Commission a constaté des contradictions existant notamment dans les<br />

témoignages des gardiens de la paix R.S., F.P., Y.C. et F.V.<br />

Ce dernier, désigné par ses collègues comme étant celui qui a menotté M. M.<br />

A., s’est abstenu de la préciser à l’Inspection générale des services.<br />

L’encadrement présent au moment de l’incident semble ne pas avoir joué son<br />

rôle. L’hypothèse la plus probable semble être celle d’une « neutralisation »<br />

réalisée par « un attroupement », tel que décrit par Mme S.S., effectué sans<br />

discernement et en employant la force de manière disproportionnée.<br />

Sur l’absence de présentation de M. M.A., blessé, à un médecin pendant la<br />

garde à vue du 22 octobre 2005<br />

L’excuse invoquée par les deux OPJ intervenant dans la procédure, à savoir<br />

l’absence de réponse de l’État-major de la Police urbaine de proximité à<br />

une demande de transport aux UMJ, ne saurait être retenue comme<br />

acceptable.<br />

Au cours de sa garde à vue, M. M.A. n’a fait l’objet que d’une audition le 21<br />

octobre de 16h50 à 17h00. La durée de cette mesure ne correspondait donc<br />

pas aux « nécessités de l’enquête » (art. 63 du CPP), mais à la préparation<br />

d’une mesure administrative. Il est rappelé que la mise en garde à vue et ses<br />

modalités sont de la responsabilité du seul OPJ.<br />

360


RECOMMANDATIONS<br />

Sur le menottage<br />

361<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

La Commission recommande vivement une fois de plus le respect de la<br />

circulaire du ministre de l’Intérieur du 11 mars 2003, relative au respect de la<br />

personne placée en garde à vue.<br />

Elle recommande également que la force strictement nécessaire soit<br />

appliquée lors de la neutralisation d’une personne agitée. Une telle opération,<br />

délicate par sa nature, ne peut être effectuée par un « attroupement » dans<br />

les conditions de professionnalisme et de sang-froid que l’on est en droit<br />

d’attendre de fonctionnaires de police.<br />

Sur l’absence de présentation à un médecin le 22 octobre 2005 pendant la<br />

garde à vue<br />

La Commission recommande que la hiérarchie policière s’implique sur le<br />

respect d’obligations légales dont les OPJ ne sauraient se départir.<br />

On peut difficilement admettre et croire qu’aucun véhicule n’ait pu être équipé<br />

afin de conduire M. M.A. aux UMJ de l’Hôtel Dieu, par ailleurs situées à<br />

proximité de la Préfecture de police.<br />

Sur le rôle de la police administrative<br />

La confusion entre procédures judiciaire et administrative aboutissant à un<br />

détournement de procédure ne saurait être admise.<br />

Si une collaboration efficace doit exister entre les services chargés de la<br />

police judiciaire et ceux chargés de la police administrative, aucune confusion<br />

de genre ne saurait être tolérée qui puisse mettre en péril les garanties<br />

fondamentales que la loi accorde à chaque individu.<br />

Adopté le 15 mai 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, dont la réponse a été la suivante :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

362


363<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE<br />

Saisine n°2005-16<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 17 février 2005,<br />

par M. Jean-Paul BACQUET, député du Puy-de-Dôme<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 17<br />

février 2005, par M. Jean-Paul BACQUET, député du Puy-de-Dôme, sur « les<br />

conditions du transfert de M. A.A. et les raisons de sa mise à l’isolement », le<br />

25 janvier 2005, « dans un contexte très particulier ».<br />

En novembre 2003, M. A.A. avait subi des violences illégitimes au quartier<br />

disciplinaire de la centrale de Moulins, à l’issue de la mutinerie à laquelle<br />

il avait participé. L’Inspection de l’administration pénitentiaire avait mené<br />

une enquête. La CNDS avait été saisie. Des investigations et des auditions<br />

ont été menées, qui ont mis en évidence la responsabilité de surveillants de la<br />

centrale. L’avis de la Commission a été rendu public lors de la parution de<br />

son <strong>rapport</strong> 2005. L’affaire a été très médiatisée. Une procédure judiciaire<br />

est toujours en cours.<br />

La Commission a pris connaissance de la procédure concernant la décision<br />

de transfèrement et la décision de mise à l’isolement du détenu.<br />

La Commission a entendu M. A.A. à la centrale de Saint-Maur.<br />

LES FAITS<br />

M. A.A. relate que suite aux événements de Moulins en novembre 2003, il<br />

a d’abord été transféré à Fresnes, où la CNDS l’a entendu en 2004 dans<br />

le cadre de la saisine sur les violences à Moulins. Puis il a été affecté à la<br />

364


365<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

centrale de Clairvaux, placé en détention ordinaire.<br />

À la centrale de Clairvaux, un incident ayant eu lieu avec un détenu qui avait<br />

entraîné un mouvement collectif. Un surveillant a demandé à M. A.A. son<br />

avis sur ce qui s’était passé. M. A.A a répondu qu’« il n’en savait rien ». Ce<br />

surveillant lui a demandé ensuite s’il avait des revendications personnelles<br />

à faire. M. A.A. a dit que non. M. A.A. considère que c’est à cause de cet<br />

incident auquel il était étranger qu’il a été alors transféré à la maison d’arrêt<br />

de Besançon le 23 janvier 2005 et placé à l’isolement, prétendument au<br />

motif de sa participation à un mouvement collectif. M. A.A. a fait appel de<br />

cette mesure de transfert et de son placement à l’isolement.<br />

M. A.A. a ensuite été transféré à la centrale de Saint-Maur.<br />

M. A.A. porte à la connaissance de la Commission qu’il subit encore les effets<br />

de la médiatisation des violences de la centrale de Moulins et de la parution<br />

du <strong>rapport</strong> de la CNDS. Il est l’objet de commentaires et de menaces de la<br />

part de certains surveillants qui connaissent les surveillants de Moulins. <strong>Le</strong>s<br />

propos suivants lui auraient été tenus par un surveillant, en présence d’un<br />

co-détenu : « Mes collègues à Moulins n’ont pas réussi à te faire la peau,<br />

moi je te fais la peau quand je veux ».<br />

La Commission a examiné la notification du transfèrement et de la mise au<br />

quartier d’isolement présentée à M. A.A. le 23 mars 2005 par la Direction<br />

régionale des services pénitentiaires de Dijon. <strong>Le</strong>s décisions ont été<br />

motivées par « le fait que le détenu avait exprimé avec d’autres détenus<br />

des réclamations groupées relatives notamment aux règles de vie et de<br />

fonctionnement de l’établissement », et qu’« en application des dispositions<br />

de l’article D.259 du CPP, lui est rappelé que les réclamations de détenus ne<br />

peuvent faire l’objet que d’une démarche individuelle ».<br />

La décision relève aussi : « M. A.A. a été impliqué dans un mouvement collectif<br />

avec prise d’otage d’un personnel des ateliers ». Il est enfin spécifié à M. A.<br />

A. : « Cet incident grave, associé à votre parcours pénitentiaire et à votre<br />

comportement à Clairvaux, ont fait craindre un nouveau mouvement collectif.<br />

Par mesure de précaution, il a été décidé de vous transférer temporairement<br />

à la MA de Besançon et de vous placer, en urgence, au quartier d’isolement,<br />

compte tenu de la structure de votre nouvel établissement ».


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS<br />

Sur les décisions de son transfèrement à la maison d’arrêt de Besançon et<br />

son placement à l’isolement<br />

La Commission prend acte du jugement du tribunal administratif, saisi par<br />

M. A.A. d’une demande d’annulation de la décision de transfèrement et de<br />

placement à l’isolement, rendu le 16 mars 2006. <strong>Le</strong> tribunal administratif a<br />

annulé la décision de changement d’affectation et l’ordre de transfèrement<br />

exécuté le 25 janvier 2005. Mais il a considéré que la motivation de la<br />

mesure d’isolement, prise « en raison de la participation active de M. A.A.<br />

au mouvement collectif de protestation sur la MC de Clairvaux du 18 au 21<br />

janvier 2005 », a été suffisamment motivée.<br />

Concernant le placement à l’isolement de M. A.A. à la maison d’arrêt de<br />

Besançon, qui était jusqu’alors en détention ordinaire à la centrale de<br />

Clairvaux, la Commission, qui a visité cet établissement en octobre 2004 et<br />

recueilli les observations de la direction dans un précédent dossier, avait retiré<br />

de cet échange que « le niveau de sécurité de l’établissement qui est amené<br />

à accueillir un détenu classé en DPS, notamment celui d’une maison d’arrêt,<br />

est très différent de celui d’une centrale », et que de ce fait, ces détenus sont<br />

plutôt placés au quartier d’isolement qu’en détention ordinaire.<br />

La Commission estime que le placement à l’isolement de M. A.A. à Besançon<br />

semble bien plus découler de cette difficulté pour les directions des maisons<br />

d’arrêt que du comportement de M. A.A., comme l’indique d’ailleurs la<br />

décision de mise à l’isolement, qui précise « étant donné la structure de<br />

l’établissement ».<br />

Concernant la non-conformité du quartier d’isolement, la direction de Besançon<br />

avait reconnu à l’époque que « des améliorations étaient nécessaires et<br />

devaient être apportées ultérieurement au régime de l’isolement dans son<br />

établissement par l’installation d’une salle d’activités sportives, mais que<br />

d’autres tenant à l’exiguïté et à l’espace commun (douches, promenades)<br />

entre le QD et le QI étaient impossibles ».<br />

366


Sur la situation actuelle de M. A.A.<br />

367<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Ce détenu serait libérable en 2018. Il relève d’une affectation en centrale.<br />

M. A.A. a été l’auteur d’une mutinerie en 2003, et il a subi en représailles<br />

des violences graves, illégitimes, de la part de surveillants de la centrale<br />

de Moulins, pour lesquels la responsabilité de surveillants anciens, gradés,<br />

avait été mise en évidence.<br />

La Commission a pu constater lors de ses nombreux déplacements dans<br />

les prisons, l’existence d’échanges, de liens, compréhensibles, entre les<br />

surveillants des centrales notamment. Par ailleurs, cette affaire a été très<br />

médiatisée dans la région concernée.<br />

<strong>Le</strong>s membres de la Commission qui ont rencontré M. A.A. en 2004 puis en<br />

2006 ont été frappés par la transformation préoccupante de l’aspect physique<br />

et de l’état moral de ce détenu.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

Consciente des conséquences, des tensions éventuelles, suscitées par<br />

les témoignages de détenus qui ont mis en cause des personnels de<br />

l’administration pénitentiaire, pour des faits susceptibles d’entraîner des<br />

sanctions pénales ou disciplinaires, la CNDS demande au garde des<br />

Sceaux d’attirer l’attention de la direction de la centrale de Saint-Maur et<br />

de la Direction régionale de l’administration pénitentiaire, afin qu’elle fasse<br />

preuve d’une grande vigilance dans le choix des affectations de M. A.A., et<br />

plus généralement pour tous ces détenus particulièrement exposés.<br />

Adopté le 9 octobre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux, dont<br />

la réponse a été la suivante :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

368


369<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

370


Saisine n°2005-55<br />

371<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 6 juin 2005,<br />

par Mme Nathalie GAUTHIER, députée du Rhône (décédée le 1 er septembre<br />

2006 ; le présent avis sera transmis à son suppléant M. Lilian ZANCHI)<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 6 juin<br />

2005, par Mme Nathalie GAUTHIER, députée du Rhône, des conditions dans<br />

lesquelles M. Y.C., détenu à la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré, a<br />

été conduit le 21 juillet 2005 au quartier disciplinaire, suite à son refus de<br />

réintégrer sa cellule.<br />

La Commission a sollicité une enquête de l’Inspection des services<br />

pénitentiaires.<br />

Elle a entendu M. Y.C., les surveillants concernés par les faits, et le Dr F.,<br />

médecin à l’UCSA de la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré.<br />

LES FAITS<br />

M. Y.C., libérable en 2009, est arrivé à la maison centrale de Saint-Martin-de-<br />

Ré en avril 2004, venant du centre de détention de Mauzac. Il souhaitait être<br />

transféré dans un centre de détention plus proche de sa famille, et avait pour<br />

cela écrit à différentes personnes, notamment Mme B., directrice adjointe à<br />

la centrale de Poissy.<br />

<strong>Le</strong> 21 juillet 2004, M. Y.C., soutenant que lorsqu’un détenu écrit à une autorité,<br />

un registre doit lui être présenté pour signature, demandait à le faire pour le<br />

courrier qu’il avait adressé à Mme B. Il a déclaré à la Commission avoir fait<br />

une première demande en début d’après-midi, et avoir regagné sa cellule,<br />

réponse lui ayant été faite qu’il verrait le chef à 15h00.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Vers 15h00, ne voyant rien venir, M. Y.C. a appelé le surveillant N.D. pour<br />

renouveler sa demande. Étant sorti de sa cellule, il reconnaît avoir dit : « Je<br />

ne rentrerai pas dans la cellule tant que je n’aurai pas vu le chef », alors que<br />

M. N.D. lui avait indiqué que le chef était absent.<br />

<strong>Le</strong> surveillant N.D. a alors fait appel au premier surveillant G., qui est<br />

arrivé avec deux collègues. M. G. constatant que Y.C. persistait dans<br />

son refus de réintégrer sa cellule, a décidé de le mettre en prévention au<br />

quartier disciplinaire. M. Y.C. soutient qu’il a été immédiatement l’objet d’un<br />

« balayage », qu’il s’est retrouvé au sol, avec une clé de bras. Il accuse<br />

également le surveillant F. de lui avoir heurté la tête contre le sol et de lui<br />

avoir fait une torsion du genou.<br />

<strong>Le</strong>s surveillants concernés, et plus précisément le surveillant F., nient toute<br />

violence illégitime et toute injure (M. Y.C. reprochant au surveillant F. de lui<br />

avoir dit : « Des négrillons de quarante kilos, on en a maté d’autres »). Pour<br />

contester les affirmations de M. Y.C. en ce qui concerne les violences, ils ont<br />

soutenu que ce dernier avait vu le médecin le jour même, c’est-à-dire le 21<br />

juillet. <strong>Le</strong> Dr F., entendu par la Commission, a déclaré l’avoir vu seulement le<br />

22 juillet, « dans le cadre de sa mise en prévention au QD, où il était arrivé<br />

le 21 juillet », et que si M. Y.C. avait été vu le 21 juillet par son collègue le<br />

Dr C., sa visite aurait été notée et signée, ce qu’a confirmé le Dr C. Or dans<br />

une lettre du 10 novembre 2006. <strong>Le</strong> Dr F. a précisé à la Commission : « Je<br />

ne retrouve aucune trace dans le dossier de M. Y.C. d’un examen du Dr C.<br />

effectué le 21 juillet ».<br />

<strong>Le</strong> matin du 22 juillet 2004, le Dr F. a constaté une lésion du ligament latéral<br />

interne du genou gauche, qui, après consultation d’un médecin orthopédiste,<br />

a été traitée par la mise en place d’une attelle pendant quinze jours.<br />

M. Y.C. a fait délivré au surveillant F. une citation directe devant le tribunal<br />

de grande instance de La Rochelle pour coups et blessures de la part d’une<br />

personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions.<br />

Par décision en date du 21 février 2005, le tribunal a fixé à 1500 € le montant<br />

de la consignation à effectuer avant le 31 mars 2005. Par décision en date<br />

du 20 avril 2006, le tribunal a constaté l’absence de consignation.<br />

Par ailleurs, il est reconnu que M. Y.C. « était un détenu qui ne recherchait<br />

pas le contact avec les surveillants. Il avait une attitude assez distante et<br />

fière ».<br />

372


AVIS<br />

373<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

La Commission relève qu’il n’est pas contesté que les surveillants aient<br />

usé de la force pour exécuter la décision de mise en prévention au quartier<br />

disciplinaire de M. Y.C. par les premiers surveillants.<br />

La Commission n’a pas relevé de circonstances susceptibles de l’amener à<br />

douter de l’origine de la blessure médicalement constatée au genou gauche,<br />

qui peut être considérée comme consécutive à la contrainte exercée par les<br />

surveillants sur la personne de M. Y.C.<br />

La Commission estime qu’un « balayage » reconnu, à supposer qu’il ait<br />

été nécessaire, ne devrait pas entraîner de blessure de la nature de celle<br />

constatée, s’il est correctement exécuté.<br />

Il convient en effet de rappeler que la Cour européenne des droits de l’homme<br />

(affaire R.L. et M.D. c/ France, arrêt du 19 mai 2004) attache une importance<br />

particulière aux blessures qui ont été occasionnées et aux circonstances<br />

dans lesquelles elles l’ont été.<br />

La Commission retient d’une part que M. Y.C. n’était pas considéré comme<br />

un homme violent, et d’autre part qu’il n’est pas particulièrement robuste.<br />

La Commission estime qu’en l’absence d’une rébellion caractérisée, les<br />

surveillants n’ont pas utilisé la force rendue strictement nécessaire par le<br />

comportement de M. Y.C.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission, constatant que la mise en prévention au quartier disciplinaire<br />

est souvent à l’origine d’incidents, souhaite que les conditions de la mise en<br />

prévention au QD soient redéfinies, et ne relèvent pas de la seule décision<br />

d’un premier surveillant.<br />

La Commission demande à ce que la mise en œuvre des gestes techniques<br />

professionnels d’intervention fasse l’objet d’un entraînement régulier à leur<br />

bonne exécution.<br />

Adopté le 18 décembre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-61<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 16 juin 2005,<br />

par M. Michel DREYFUS-SCHMIDT, sénateur du territoire de Belfort<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 16 juin<br />

2005, par M. Michel DREYFUS-SCHMIDT, sénateur du territoire de Belfort,<br />

de faits concernant M.L.J., détenu à la maison centrale de Moulins-Yzeure,<br />

qui avait été maintenu au quartier disciplinaire du 28 avril 2005 au 12 mai<br />

2005 après que trois certificats médicaux de contre-indication au QD aient<br />

été établis par l’Unité de consultations et de soins ambulatoires.<br />

La Commission a demandé le 28 juin 2005 au garde des Sceaux de diligenter<br />

une inspection de l’administration pénitentiaire.<br />

La Commission a entendu le détenu L.J. le 25 janvier 2006 à la maison<br />

centrale de Poissy, où il venait d’être transféré. Elle a procédé aux auditions<br />

de M. M.P., directeur de l’établissement pénitentiaire de Moulins-Yzeure,<br />

qui comporte la maison d’arrêt et la centrale, et de M. D.W., directeur de<br />

la centrale ainsi que du chef de la détention, M. B.M. Elle a recueilli les<br />

observations du Dr N.T., médecin de l’UCSA.<br />

LES FAITS<br />

M. L.J., incarcéré depuis1994, purge une longue peine. Il est arrivé à la<br />

centrale de Moulins en août 2003. Il est atteint d’une pathologie lourde. Il est<br />

suivi régulièrement par l’UCSA de la centrale et par un médecin spécialisé<br />

qui le voit une fois par mois.<br />

Suite à un incident au parloir le 10 avril 2005, il fait l’objet d’une commission<br />

de discipline le 28 avril, qui le sanctionne de 15 jours de cellule disciplinaire<br />

avec sursis pour avoir refusé d’obtempérer aux ordres du personnel, et de<br />

374


375<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

15 jours de cellule disciplinaire dont 8 avec sursis pour avoir proféré des<br />

insultes et des menaces à l’encontre d’un surveillant. <strong>Le</strong>s deux procédures<br />

ayant été confondues, il est placé au QD le 28 avril pour 7 jours.<br />

L’incident à l’origine de la procédure disciplinaire<br />

<strong>Le</strong> 10 avril 2005, vers 10h00, M. L.J. est au parloir avec sa compagne<br />

lorsqu’un premier surveillant lui demande de laisser la place à une autre<br />

famille de détenu qui se présente et de remonter en détention. Selon M. L.J.,<br />

le détenu P., qui avait une visite en même temps que lui et qui avait fini de voir<br />

sa famille, propose alors de laisser la sienne. « J’ai pensé que le problème<br />

était réglé », expose M. L.J., qui a de ce fait pu prolonger son parloir. En fin<br />

d’après-midi, il est informé qu’il fait l’objet d’un <strong>rapport</strong> d’incident pour refus<br />

de sortie de parloir. M. L.J. a alors un échange tendu avec le surveillant des<br />

parloirs, dont il estime qu’il n’a pas été honnête et lui dit : « Vous êtes une<br />

canaille ».<br />

M. M.P., le directeur de l’établissement pénitentiaire, a précisé, concernant<br />

l’organisation des parloirs, que les détenus qui reçoivent des visites très<br />

régulièrement ne sont pas obligés de s’inscrire à chaque fois, mais que « si<br />

les familles qui ne viennent pas souvent se présentent, elles sont prioritaires<br />

pour le parloir ». Il confirme que M. L.J. a dit au surveillant du parloir qu’un<br />

autre détenu présent acceptait de laisser la sienne. <strong>Le</strong> surveillant n’a pas<br />

accepté cette explication. Il a demandé à M. L.J. de remonter en détention.<br />

<strong>Le</strong> chef d’établissement a exposé qu’il y avait une insuffisance de places au<br />

parloir et que certains détenus ou certaines familles de détenus exerçaient<br />

des pressions concernant ces places. « Il y a eu une altercation et M. L.J.<br />

est resté au parloir ».<br />

M. D.W., le directeur de la centrale, expose que la décision prise par le<br />

surveillant répondait aux instructions données « que les parloirs ne doivent<br />

pas être décidés par les détenus entre eux, c’est l’administration qui doit<br />

garder la gestion et la maîtrise des parloirs ». M. L.J., informé de la procédure<br />

disciplinaire à son encontre, a tenu « des propos insultants et menaçants<br />

au surveillant, lui disant qu’il était une canaille ». Ce qui lui a donc valu un<br />

deuxième <strong>rapport</strong> d’incident examiné lors de la commission de discipline du<br />

28 avril.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

La mise au quartier disciplinaire de M. L.J.<br />

M. L.J., conduit au QD le 28 avril, est vu par un médecin de l’UCSA le 29<br />

avril. <strong>Le</strong> Dr N.T. établit aussitôt un certificat médical attestant que l’état de<br />

santé de M. L.J. contre-indique son placement au QD, confirmant un <strong>rapport</strong><br />

d’intervention du Dr. V.<br />

<strong>Le</strong> directeur de la centrale, M. D.W., ordonne alors la sortie de M. L.J. du<br />

quartier disciplinaire et son placement immédiat à l’isolement, « le temps de<br />

vérifier si son comportement en détention n’aurait pas de conséquences ».<br />

Il a tenu à préciser à la Commission que « lorsqu’un détenu ne veut pas<br />

sortir du QD, il refuse d’utiliser la force car il n’est plus possible après de<br />

sortir d’une spirale de violence ». De plus, il jugeait que « le retour de M. L.J.<br />

en détention était risqué, puisque l’incident concernait les parloirs, question<br />

sensible dans les relations entre les détenus et les familles de détenus ».<br />

Dans la procédure de placement à l’isolement, il a motivé ainsi sa décision :<br />

« Votre état de santé rendant incompatible votre maintien au QD, votre<br />

retour en détention ordinaire n’est [pas] envisagé immédiatement, en raison<br />

du trouble causé par vos infractions ».<br />

M. L.J. refuse de sortir du QD pour aller à l’isolement et fait l’objet d’un<br />

nouveau <strong>rapport</strong> d’incident pour refus d’obtempérer.<br />

M. L.J. a exposé à la Commission qu’il a un sentiment d’angoisse constant<br />

depuis qu’il a failli mourir lors d’un placement à l’isolement dans un autre<br />

établissement pénitentiaire, où il avait dû être hospitalisé en urgence.<br />

Entré sous le régime de la détention ordinaire à Moulins, il avait été placé à<br />

l’isolement en mars 2004 pendant un mois et avait déposé un recours. Il en<br />

avait été sorti pour raison médicale.<br />

<strong>Le</strong> 30 avril, il a donc demandé la visite du médecin. <strong>Le</strong> Dr V. revoit M. L.J. au<br />

QD et donne lui aussi un avis d’incompatibilité au QD.<br />

<strong>Le</strong> 3 mai, alors qu’il existe deux certificats d’incompatibilité au QD, la<br />

commission de discipline, présidée par M. D.W., le directeur de la centrale,<br />

sanctionne M. L.J. pour son refus d’être placé à l’isolement de 8 jours de QD,<br />

en révocation du sursis accordé le 28 avril.<br />

M. L.J. a refusé de comparaître en l’absence de son avocat, qui avait<br />

demandé un report qui lui avait été refusé.<br />

376


377<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

<strong>Le</strong> 4 mai, le Dr N.T. de l’UCSA constatant que M. L.J. est encore en<br />

cellule disciplinaire, établit deux nouveaux certificats médicaux, précisant<br />

au surveillant qui le lui réclamait que « l’état de santé de M. L.J. n’avait<br />

pas changé en 24 heures », l’un pour le QD, l’autre contre-indiquant son<br />

placement au quartier d’isolement.<br />

<strong>Le</strong> directeur décide alors le retour de M. L.J. en détention ordinaire, mais<br />

dans une autre cellule que la sienne, à un autre étage. M. L.J. refuse,<br />

ressentant cette décision comme la volonté de le « brimer », car le changer<br />

d’étage, c’est lui ôter ses repères et le priver de ses liens amicaux. Il estime<br />

que dès le début de la procédure disciplinaire, il aurait pu être sanctionné<br />

d’un confinement dans sa cellule, sanction qu’il aurait acceptée.<br />

M. L.J. reste au QD et le 11 mai, après un passage de quelques heures en<br />

cellule d’isolement « suite à une erreur », il est affecté à un autre étage de la<br />

détention ordinaire et déclare : « J’ai accepté car j’en pouvais plus du régime<br />

du mitard ».<br />

La commission de discipline se réunit à nouveau le 12 mai 2005 pour<br />

sanctionner le refus de M. L.J. du 4 mai d’intégrer une autre cellule à un<br />

autre étage, qui « de plus, avait dit qu’il n’était pas le jouet de la direction ».<br />

M. L.J. assiste à cette troisième commission mais garde le silence en<br />

l’absence de son avocat. Me P. dit avoir reçu l’information la veille par fax<br />

et demandé aussitôt par fax le renvoi de l’audience pour indisponibilité,<br />

rappelant l’historique du contentieux et l’existence des certificats médicaux,<br />

mais il n’a reçu aucune réponse. M. D.W., directeur, a déclaré n’avoir pas eu<br />

connaissance d’un courrier de Me P.<br />

M. L.J. a été sanctionné de 15 jours de confinement.<br />

<strong>Le</strong> chef de la détention, M. B.M., a confirmé le déroulement des procédures,<br />

bien que n’étant intervenu personnellement dans la situation de M. L.J.<br />

que lors d’un échange avec le Dr N.T., pour lui confirmer la validité de son<br />

certificat initial d’incompatibilité.<br />

Il a indiqué que le temps de son incarcération à Moulins, M. L.J. n’avait pas<br />

été l’auteur de violences ou de contentieux graves avec le personnel, mais<br />

qu’il était classé « dangereux » par l’administration pénitentiaire, connu<br />

comme détenu « à la personnalité affirmée, présent dans les mouvements<br />

collectifs ».<br />

Questionné sur la gestion des problèmes disciplinaires en détention, M. B.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

M. a exposé : « Lorsqu’un détenu a eu un incident verbal avec un surveillant,<br />

on préfère le mettre en période d’observation pendant quelques temps. M. L.<br />

J. a refusé le quartier d’isolement. Il était hors de question de le remettre<br />

dans la même cellule. Il est difficile de gérer le retour immédiat en détention<br />

d’un détenu qui a fait l’objet d’une sanction disciplinaire qui n’a pas pu être<br />

appliquée ».<br />

<strong>Le</strong>s certificats médicaux d’incompatibilité établis au quartier disciplinaire<br />

<strong>Le</strong> Dr N.T. a exposé à la Commission que ni au quartier disciplinaire, ni au<br />

quartier d’isolement, M. L.J. ne pouvait recevoir l’alimentation dont il avait<br />

besoin car le « cantinage » y est interdit, et les détenus qui y sont placés ne<br />

peuvent compléter une alimentation insuffisante et inadaptée, par manque<br />

de laitages et de fruits frais.<br />

<strong>Le</strong> service médical avait déjà abordé ces problèmes avec l’administration<br />

pénitentiaire, il lui avait été répondu que la raison de cette situation était<br />

financière, les budgets étant restreints. <strong>Le</strong> service médical n’a pu obtenir<br />

que les détenus diabétiques ou ayant des affections nécessitant un régime<br />

alimentaire strict (insuffisant cardiaque) bénéficient d’une alimentation<br />

appropriée. <strong>Le</strong> Dr N.T. estime nécessaire de donner la possibilité à des<br />

malades comme M. L.J. de se faire la cuisine.<br />

Concernant la détention en cellule disciplinaire, le médecin de l’UCSA<br />

explique que « ces malades ne doivent pas y être placés. <strong>Le</strong>s cellules sont<br />

dans un état de précarité, insuffisamment chauffées, avec des WC à la turque<br />

et un vasistas qui laisse peu pénétrer la lumière naturelle. Pour des détenus<br />

malades comme M. L.J., ce régime de la détention est préjudiciable ». Elle<br />

expose : « Ils ont besoin d’activités pour supporter moralement leur maladie ».<br />

Or, dans le placement au quartier disciplinaire et dans la mise à l’isolement,<br />

les activités sont suspendues ou réduites. Elle souligne l’importance de<br />

l’état psychologique dans le suivi des détenus atteints de pathologie lourde<br />

comme celle de M. L.J.<br />

Concernant le changement de cellule de M. L.J., elle expose qu’il « peut être<br />

en effet néfaste pour ces malades qu’on les sépare de leur environnement<br />

habituel, de leurs liens, de leurs repères, on les fragilise ».<br />

Questionnée sur ses échanges avec la direction sur le maintien de fait de<br />

M. L.J. au QD, elle indique qu’elle n’a pas eu d’échange ou d’entretien avec<br />

la direction, mais qu’il lui avait été dit, lors de ses interventions au QD, que<br />

378


379<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

« ce détenu avait une peine à faire, et que ce serait ou l’isolement ou le<br />

confinement, que le service médical ne pouvait pas intervenir ».<br />

La Commission observe que le chef d’établissement M. M.P. était en congé,<br />

absent entre le 6 mai et le 9 mai, et a été informé à son retour de la situation<br />

de M. L.J. Il s’est rendu au QD pour voir M. L.J. qui était dans la cour de<br />

promenade, lequel a refusé de lui parler en hurlant : « Je vous interdit de<br />

vous adresser à moi, vous entendrez parler de moi ! ».<br />

<strong>Le</strong> Dr N.T. relève que depuis janvier 2006, le chef d’établissement M. M.<br />

P. a mis en place une réunion tous les lundis entre le service médical et la<br />

pénitentiaire, « où sont abordés des problèmes particuliers en vue de trouver<br />

des solutions ».<br />

L’enquête de l’administration pénitentiaire<br />

L’administration pénitentiaire a estimé que « la sanction de cellule disciplinaire<br />

prise pour M. L.J. aurait dû faire l’objet d’une suspension en application de<br />

l’article D.251-4 du Code de procédure pénale, mais que la sortie de M. L.<br />

J. n’avait pas été effectuée en raison de circonstances indépendantes de<br />

l’AP ».<br />

Elle estime « régulière la procédure de mise à l’isolement engagée alors<br />

par M. D.W., le directeur de la centrale. M. L.J. était astreint à accepter sa<br />

mise en cellule d’isolement, quitte à contester le cas échéant le bien-fondé<br />

de cette mesure devant la juridiction administrative. Elle considère que « le<br />

retour de M. L.J. en détention n’était pas envisageable immédiatement en<br />

raison du trouble causé par ses fautes disciplinaires ».<br />

Selon l’administration pénitentiaire, on ne peut reprocher à la direction de<br />

n’avoir pas usé de la force pour sortir M. L.J. du QD. C’est le refus de M. L.J.<br />

d’aller dans une autre cellule qui est à l’origine du non-respect des certificats<br />

médicaux d’incompatibilité. Elle estime qu’aucun manquement professionnel<br />

ne saurait être reproché aux membres du personnel de l’établissement.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS<br />

– La Commission constate que l’incident qui est à l’origine des comparutions<br />

successives de M. L.J. en commission de discipline résulte d’une tolérance<br />

de l’administration pénitentiaire consistant, lors des parloirs, à permettre<br />

aux familles présentes mais non-inscrites de prendre les places libres, s’il<br />

y en a ; ce dont a bénéficié M. L.J., qui, au surplus, a prolongé son parloir<br />

avec l’accord, dit-il, d’un autre détenu qui n’aurait pas souhaité poursuivre<br />

le sien.<br />

L’administration pénitentiaire, soupçonnant M. L.J. de faits de pression sur<br />

d’autres détenus pour obtenir ce genre de prolongation, lui a donné l’ordre<br />

de retourner en détention. Son refus a justifié un <strong>rapport</strong> d’incident.<br />

En ce qui concerne cette « tolérance », la Commission prend acte de la volonté<br />

du directeur du centre pénitencier de trouver une solution à l’insuffisance des<br />

parloirs qui ne sont organisés que les samedis et dimanches, et d’améliorer<br />

les conditions de visite faites aux familles des détenus.<br />

– En ce qui concerne les procédures disciplinaires dont a fait l’objet M. L.<br />

J., la Commission a constaté certaines anomalies dans les procès-verbaux,<br />

notamment dans celui du 12 mai 2005, où il est précisé que M. L.J. aurait été<br />

représenté par Me P., alors que celui-ci était absent et avait sollicité le report.<br />

De plus, il apparaît que ce procès-verbal a été rédigé avant la comparution,<br />

car on peut y lire que « Me P. a pu s’entretenir avec son client dans le respect<br />

des règles de confidentialité trois heures avant la commission », « qu’il a<br />

été entendu en ses observations », et « qu’il a remis un mémoire annexé<br />

à la présente procédure ». Certes, ces mentions ont été rayées, du fait de<br />

l’absence de Me P., mais il n’en reste pas moins vrai que le procès-verbal<br />

avait bien été pré-rédigé.<br />

Interrogé sur ce point, M. D.W., directeur, a déclaré : « Je précise, concernant<br />

l’imprimé de la décision de la commission du 12 mai, que les erreurs y<br />

figurant sont dues vraisemblablement aux dysfonctionnement du dispositif<br />

GIDE, dont je ne suis pas satisfait (…) ».<br />

La Commission ne peut se satisfaire d’une telle réponse, et ce d’autant plus<br />

que le directeur M. M.P. a précisé que le procès-verbal est rédigé après<br />

délibération de la commission. Il est également regrettable qu’un arrangement<br />

n’ait pas été tenté avec l’avocat pour qu’il assiste le détenu comme celui-ci<br />

380


381<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

le demandait, alors que son assistance était prévue, puisque le <strong>rapport</strong> prérédigé<br />

en faisait état. La Commission observe en outre que la décision de<br />

mise à l’isolement de M. L.J. n’est pas signée par le directeur M. D.W., ce qui<br />

constitue une anomalie.<br />

– La Commission constate que la commission régionale de libération<br />

conditionnelle a refusé en 2004 à M. L.J. une suspension de peine au titre<br />

de l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale, applicable aux détenus<br />

atteints d’une pathologie engageant le pronostic vital.<br />

Il n’appartient pas à l’administration pénitentiaire d’apprécier si les conditions<br />

prévues par cet article sont remplies. Elle doit par contre veiller à la mise en<br />

œuvre d’une surveillance médicale nécessaire, ce qui est fait pour M. L.J.<br />

Tout manquement à la discipline peut conduire l’administration pénitentiaire à<br />

engager des poursuites disciplinaires, s’agissant notamment d’une injure ou<br />

d’un refus d’obtempérer aux injonctions ; mais la Commission rappelle qu’un<br />

certificat médical d’incompatibilité avec le placement en quartier disciplinaire<br />

doit être exécuté.<br />

À supposer qu’il existe une pratique des médecins de l’établissement de<br />

déclarer systématiquement incompatible, pour de tels malades, le placement<br />

en cellule de discipline ou d’isolement, il appartient à l’administration<br />

pénitentiaire, qui dispose de toutes les données, d’anticiper en choisissant<br />

une des autres sanctions prévues par l’article D.251 du Code de procédure<br />

pénale.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission demande à M. le Garde des Sceaux de rappeler au directeur<br />

de la centrale de Moulins d’une part le strict respect de la procédure<br />

disciplinaire en ce qui concerne notamment la rédaction des procès-verbaux<br />

de la commission de discipline, et d’autre part le respect du droit d’assistance<br />

des détenus comparaissant, sauf les exceptions prévues par l’alinéa 2 de<br />

l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, qui n’étaient pas réunies en l’espèce.<br />

La Commission demande également à M. le Garde des Sceaux de rappeler<br />

qu’un certificat médical d’incompatibilité avec le placement en quartier


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

disciplinaire ne laisse aucun pouvoir à l’administration pénitentiaire et doit<br />

être exécuté ; qu’il en va de même pour une décision de mise à l’isolement.<br />

Enfin, la Commission demande à M. le Garde des Sceaux de rappeler les<br />

pouvoirs d’appréciation de la sanction à prononcer disciplinairement contre<br />

les détenus dont il est acquis d’avance qu’ils ne seront pas maintenus en<br />

quartier disciplinaire par décision médicale.<br />

382<br />

Adopté le 5 avril 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux, dont<br />

la réponse a été la suivante :


383<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

384


385<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

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387<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

388


Saisine n°2005-63<br />

389<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 16 juin 2005,<br />

par M. Noël MAMÈRE, député de la Gironde<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 16 juin<br />

2005, par M. Noël MAMÈRE, député de la Gironde, des violences commises<br />

par des surveillants le 19 juin 2004 à la maison centrale de Clairvaux sur<br />

un détenu, M. M.S., placé au quartier disciplinaire, et sur les mesures de<br />

transfert et d’isolement décidées à l’égard d’un autre détenu, M. M.L., qui<br />

avait témoigné pour M. M.S.<br />

La Commission a pris connaissance de la plainte de M. M.S. déposée auprès<br />

du procureur de la République. Elle n’a pu entendre M. M.S. à la maison<br />

d’arrêt de Fresnes où il avait été transféré, celui-ci ayant fait savoir à la<br />

Commission rendue sur place« qu’il n’assisterait pas à cette audience ».<br />

Elle n’a pu entendre le détenu M.L., qui a été libéré et dont elle n’a pu obtenir<br />

les coordonnées.<br />

Elle a pris connaissance de l’enquête diligentée par l’Inspection des services<br />

pénitentiaires et conduite les 20, 21 et 22 juin 2004 à la maison centrale de<br />

Clairvaux.<br />

Elle a procédé aux auditions de cinq surveillants et du directeur.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 19 juin 2004, M. M.S., détenu âgé de 23 ans, incarcéré depuis 1997 et<br />

purgeant une peine de 13 ans, est au quartier disciplinaire, sanctionné de 31<br />

jours de cellule disciplinaire par la commission de discipline du 18 juin 2004<br />

pour insultes et violences physiques à l’encontre d’un surveillant, dont 15<br />

jours suite à la révocation d’un sursis.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

<strong>Le</strong> samedi 19 juin 2004, les surveillants MM. J-M.G., L.V. et B.L. sont affectés<br />

au quartier disciplinaire. M. J-M.G. est chef de poste.<br />

D’après le surveillant B.L, « à un moment de la journée », il reçoit l’information<br />

d’un détenu que M. M.S. projette d’agresser les surveillants au moment de<br />

la distribution du dîner vers 19h00. Il en informe aussitôt ses deux collègues,<br />

dit-il. <strong>Le</strong> premier surveillant, M. J-M.G., décide alors en concertation avec<br />

ses collègues, selon M. B.L., de se préparer à cette éventuelle agression. Il<br />

prend avec lui des menottes et prévient la surveillante en poste à la grille.<br />

M. B.L. a précisé à la Commission qu’il avait été décidé de donner à M. M.S.,<br />

lors de la distribution du dîner, un sac avec les effets restés dans sa cellule.<br />

Il avait été aussi décidé de servir d’abord les autres détenus, « au cas où la<br />

distribution serait perturbée par une agression de M.S. ». M. B.L. pense que<br />

M. M.S. s’est rendu compte qu’ils ont procédé différemment.<br />

C’est vers 19h15 que les trois surveillants se sont présentés avec le chariot<br />

à la hauteur de la cellule de M. M.S. Selon M. J-M.G., alors qu’il avait ouvert<br />

la grille du sas, le détenu a voulu sortir sur la coursive pour prendre son<br />

plateau. M. J-M.G. a posé le sac de vêtements devant M. M.S., qui, sans<br />

même l’ouvrir, s’est plaint de ce qu’il n’y avait pas ce qu’il avait demandé. Ces<br />

propos ont confirmé à M. J-M.G. l’état de tension du détenu et son sentiment<br />

que celui-ci avait de mauvaises intentions.<br />

Aussitôt, le détenu a donné un coup de pied dans le chariot du repas. Puis<br />

il a sorti « une boule de tissu ». M. J-M.G. a pensé qu’il y avait un objet<br />

contondant ou tranchant à l’intérieur, avec lequel M. M.S. projetait de le<br />

« planter ». Ses deux collègues ont essayé de se saisir de M. M.S. « À un<br />

moment, la situation nous a échappé, j’ai pris la louche et j’en ai assené un<br />

coup, qui a d’abord atteint mon collègue M. B.L. sur le bras, puis le détenu<br />

au visage », a exposé M. J-M.G. <strong>Le</strong> détenu s’est relâché, et les surveillants<br />

sont tombés avec lui au sol. <strong>Le</strong> visage de M. M.S a cogné contre le sol.<br />

M. J-M.G. a menotté le détenu alors qu’il était sur le ventre et, prenant une<br />

serviette qui se trouvait à proximité, l’a appuyée sur sa bouche « pour qu’il<br />

n’ameute pas plus les autres détenus qui avaient commencé à taper contre<br />

les portes ».<br />

L’alerte ayant été donnée, des collègues de la relève sont alors arrivés en<br />

renfort. M. J-M.G., qui dit s’être senti mal (précisant qu’il avait des problèmes<br />

d’arythmie cardiaque), a alors quitté les lieux et s’est rendu dans le bureau<br />

des surveillants.<br />

390


391<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

<strong>Le</strong>s déclarations des deux collègues de M. J-M.G. divergent sur certains<br />

points.<br />

Selon le surveillant M. B.L., ils n’avaient pas de menottes sur eux à ce<br />

moment-là, c’est la surveillante en poste à la grille qui devait tenir à disposition<br />

les menottes en cas d’agression de M. M.S. <strong>Le</strong>s récriminations de M. M.S<br />

concernaient l’absence d’un gel douche dans le sac. Selon M. B.L, « c’était<br />

un prétexte pour déclencher un incident ». Il a exposé qu’il avait été difficile<br />

de maîtriser M. M.S. Il a déclaré qu’« aucun tissu n’avait été appliqué sur la<br />

bouche de M.S. »<br />

<strong>Le</strong> surveillant M. L.V. a déclaré à la Commission « qu’il n‘y avait eu aucun<br />

incident particulier avec M.S. ce jour-là, avant la distribution du dîner ». Il<br />

n’avait reçu aucune information inquiétante, « il n’était pas particulièrement<br />

alerté au moment du repas ».<br />

Il confirme que M. M.S. était mécontent du sac remis, et avait commencé à<br />

se plaindre d’une voix agressive. Il lui avait été répondu par les surveillants<br />

qu’ils n’étaient pas responsables du linge, et ceux-ci lui avaient demandé de<br />

prendre son plateau. Très énervé, il a donné un coup de pied dans le chariot<br />

qui se trouvait devant la porte de la cellule. Son collègue M. J-M.G. était<br />

visé personnellement par le détenu, qui avait « une chaussette remplie de<br />

quelque chose » à la main et a voulu donner un coup avec à M. J-M.G. Mais<br />

il n’a pas réussi à frapper le premier surveillant. Son collègue M. B.L. et luimême<br />

ont pu se saisir du détenu. Selon lui, le premier surveillant M. J-M.G.<br />

a été surpris par l’agression, puis il a aidé ses collègues à maîtriser le détenu<br />

qui a été amené au sol et menotté.<br />

M. L.V. a décrit une intervention confuse, où il n’a pas vu ce que faisaient ses<br />

collègues. « C’est plus tard que j’ai entendu parler d’un coup de louche ».<br />

<strong>Le</strong>s surveillants de la relève sont arrivés en renfort et M. L.V. a rejoint le<br />

bureau des surveillants avec ses deux collègues.<br />

Il a relaté que le lendemain, passant devant le bureau où le directeur entendait<br />

le détenu en audience, ce dernier, l’apercevant, lui a alors sauté dessus. <strong>Le</strong><br />

directeur et deux surveillants l’ont alors maîtrisé. Cependant M. L.V. a reçu<br />

deux coups de pied. Suite à ces faits, il a été en arrêt maladie six mois et suivi<br />

par une psychologue mise à disposition par l’administration pénitentiaire.<br />

M. D.P., chef de service pénitentiaire (CSP), était le chef de permanence le<br />

samedi 19 juin.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Occupé par une extraction médicale en urgence d’un détenu qui devait être<br />

conduit à l’hôpital de Troyes, il a entendu l’alarme qui se déclenchait au<br />

QD. Il a demandé au chef qui prenait son service de nuit de s’y rendre. Puis<br />

il s’est rendu au QD. Informé de l’incident, il a trouvé le détenu M.S., nu,<br />

dans une cellule à côté de la sienne. Constatant la présence de nombreux<br />

surveillants sur la coursive, il a demandé « à ceux qui n’avaient rien à faire là<br />

de se retirer ». Il explique que beaucoup de surveillants qui devaient prendre<br />

leur service de nuit étaient venus spontanément en entendant l’alarme. <strong>Le</strong><br />

CSP a donné à M. M.S. des vêtements. Plus tard, a été remis à M. M.S. un<br />

couchage.<br />

<strong>Le</strong> chef de service pénitentiaire dit de ne pas avoir vu si le détenu était blessé.<br />

Il a expliqué à la Commission que « les cellules du QD. sont sombres et<br />

M. M.S. est une personne de couleur, il était difficile de bien voir son état ».<br />

Il n’a pas fait un <strong>rapport</strong> écrit des faits, uniquement un compte-rendu par<br />

téléphone au directeur de permanence. C’est à la demande de l’Inspection<br />

qu’il a rédigé plus tard un <strong>rapport</strong> écrit.<br />

<strong>Le</strong> chef de service pénitentiaire stagiaire, M. J-M.P, était en repos, attablé<br />

avec sa famille au mess de la prison, lorsqu’il a appris qu’il y avait une<br />

agression au QD. sur le personnel. Des surveillants qui devaient prendre<br />

leur service à 19h45 étaient aussi présents au mess et ont entendu qu’il se<br />

passait quelque chose au QD. Ignorant s’il s’agissait d’un incident isolé ou<br />

d’un mouvement collectif, et sachant qu’il n’y avait qu’un seul chef en poste,<br />

M. J-M.P s’est rendu immédiatement sur place pour aider ses collègues.<br />

À son arrivée au Q.D., il a vu un détenu allongé face contre terre sur la<br />

coursive. Des collègues avaient commencé une fouille à corps. <strong>Le</strong> détenu<br />

n’avait plus son pantalon ni son caleçon, et un surveillant essayait de lui<br />

retirer son maillot de corps alors qu’il était menotté.<br />

<strong>Le</strong> CSP stagiaire a dit : « On se calme, on va d’abord le démenotter ». Il a<br />

fait retirer les menottes, puis le maillot. Il a repris la clef de bras effectuée<br />

par un collègue sur le détenu et a conduit ainsi M. M.S. dans une cellule vide<br />

en face. Toujours tenant le détenu, il lui a demandé de se mettre à genoux ;<br />

ce que M. M.S. a fait. « Puis nous lui avons demandé de se mettre à plat<br />

ventre. Nous avons veillé à ce qu’il ne se cogne pas la tête contre le sol ».<br />

Il a demandé aux collègues de sortir de la cellule, puis il a lâché M. M.S. et<br />

refermé la grille du sas.<br />

Il a expliqué à la Commission qu’il répondait en cela à des consignes données<br />

lors de sa formation : « Cela évite au détenu de se faire mal et laisse le<br />

392


393<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

temps au surveillant de sortir de la cellule sans risque d’être agressé ». Il a<br />

déclaré ne pas avoir constaté de blessure apparente sur M. M.S., précisant :<br />

« Ce détenu a la peau noire, ce qui a pu masquer dans un premier temps<br />

les traces de blessures. De plus, les couloirs et les cellules sont assez<br />

sombres ». Aucun coup n’a été donné à M. M.S. alors qu’il était présent.<br />

<strong>Le</strong> directeur M. A.B., adjoint au directeur de l’établissement pénitentiaire,<br />

était de permanence le 19 juin 2004 et présent à son bureau.<br />

À la fin de son service, entre 19h00 et 20h00, il a vu « un grand nombre<br />

de personnel sortir de la détention qui ne correspondait pas à l’effectif de<br />

service ». Il a demandé au CSP, M. D.P., ce qui se passait. Apprenant « qu’il<br />

s’était passé quelque chose au QD », il a demandé au chef de poste, le<br />

premier surveillant, M. J-M.G., de venir le voir dans son bureau.<br />

M. J-M.G. lui a relaté la tentative d’agression de M. M.S. au moment du repas,<br />

et <strong>rapport</strong>é que le détenu avait été maîtrisé et remis en cellule. Il a qualifié<br />

l’intervention de « propre » : « c’est-à-dire qu’il n’y avait rien de particulier à<br />

signaler et que personne n’avait été blessé ». Alors que le directeur voulait<br />

poursuivre l’entretien avec le premier surveillant « dans un but pédagogique,<br />

pour que la situation ne se renouvelle pas », et notamment lui rappeler qu’il<br />

avait donné des instructions précises concernant les modalités d’ouverture<br />

de la cellule et de la remise du repas aux détenus, M. J-M.G. n’avait pas<br />

accepté cet échange et était rentré chez lui.<br />

<strong>Le</strong> directeur a précisé que ces consignes concernaient tout détenu présent<br />

au QD., mais d’autant plus M. M.S., qui était connu comme un détenu violent,<br />

ayant des antécédents disciplinaires conséquents.<br />

La Commission a pris connaissance de la note de service du 2 juin 2004,<br />

relative à la distribution du repas au quartier disciplinaire et d’isolement,<br />

éditée par le directeur de l’établissement pénitentiaire, M. R.D., suite à un<br />

incident.<br />

Il y est rappelé aux surveillants qu’« à l’ouverture de chaque cellule, les<br />

détenus doivent être maintenus à l’intérieur et présenter leur assiette. <strong>Le</strong>s<br />

agents se positionnent devant la porte en bois pour empêcher toute sortie<br />

intempestive et servent le repas aux détenus. <strong>Le</strong> chariot sera placé en<br />

décalage des cellules ouvertes pour éviter qu’il ne puisse être renversé ».<br />

C’est le lendemain, le 20 juin, que le directeur M. A.B., s’est rendu compte<br />

que le premier surveillant lui avait fait un <strong>rapport</strong> oral des faits erroné : « On<br />

m’avait menti sur la gravité de l’incident et sur les circonstances. On ne


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

m’avait pas dit que M.S. avait été touché, menotté et que la remise en cellule<br />

avait été difficile ».<br />

En effet, se rendant au QD le lendemain matin pour l’ouverture des portes,<br />

comme il le fait lorsqu’il est de permanence, il a découvert le visage tuméfié<br />

de M. M.S. <strong>Le</strong> détenu lui a relaté qu’il avait été frappé par les surveillants.<br />

<strong>Le</strong> directeur a fait conduire M. M.S. à l’hôpital. Il a informé des faits le<br />

directeur de l’établissement pénitentiaire et la direction régionale. M. A.B.<br />

déplore qu’aucun <strong>rapport</strong> écrit émanant des surveillants ayant géré cette<br />

situation n’ait été fait le jour même, ni en ce qui concerne la nuit du samedi<br />

19 au dimanche 20 qui avait été agitée car les détenus avaient manifesté<br />

bruyamment leur mécontentement en apprenant que M. M.S. avait été l’objet<br />

de violences. Il n’y a eu aucune mention des tapages survenus sur le registre<br />

de nuit.<br />

L’administration pénitentiaire a dû faire appel dans les jours suivants aux<br />

ÉRIS car il y avait un climat d’incitation au trouble. Deux transfèrements ont<br />

été effectués, dont celui de M. M.L., le détenu ayant témoigné en faveur de<br />

M. M.S.<br />

AVIS<br />

La Commission n’a pu recueillir le témoignage du détenu, qui a fait savoir<br />

qu’il ne souhaitait plus être entendu.<br />

Elle estime positif que l’administration pénitentiaire ait diligenté une enquête<br />

dès qu’elle fut avisée, le lendemain des faits.<br />

Il ressort des pièces du dossier, en l’occurrence d’un courrier du détenu M.S.<br />

datant de 2004, qu’il a effectivement donné un coup de pied dans le chariot<br />

de repas puis, le relate-t-il, « j’ai glissé ma main dans ma poche pour saisir<br />

un objet ». Il n’indique pas de quel objet il s’agissait.<br />

En l’absence de précisions émanant du détenu sur ce point, la Commission<br />

estime justifiée l’inquiétude des trois surveillants, dans un contexte de tension,<br />

M. M.S. venant d’être lourdement sanctionné. En outre, il était connu que<br />

celui-ci avait utilisé, lors d’incidents antérieurs, divers objets pour agresser<br />

des surveillants. Ils ont pu craindre d’être confrontés à un objet dangereux<br />

pour leur sécurité.<br />

<strong>Le</strong>s surveillants ont immédiatement réagi à la menace d’une atteinte à leur<br />

394


sécurité en usant de la force contre M. M.S.<br />

395<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Cependant plusieurs remarques s’imposent :<br />

<strong>Le</strong>s déclarations de MM. B.L., J-M.G. et L.V. ne concordent pas sur le fait que<br />

les trois surveillants étaient avertis d’un projet d’agression et qu’ils s’étaient<br />

préparés à cette agression. Il est incompréhensible, dans le cas d’un tel<br />

projet, que la direction n’ait pas été avisée immédiatement des risques.<br />

Il ressort de l’audition de M. L.V. que M. J-M.G., le premier surveillant, a<br />

été surpris par l’agression de M. M.S., que les trois surveillants ne s’étaient<br />

pas munis de menottes, et que la situation a été gérée très difficilement,<br />

ce qu’illustre le « recours », dommageable, non prémédité, de M. J-M.G. au<br />

coup de louche…<br />

La Commission constate que M. M.S. a été blessé au visage et sur les<br />

membres, ce dont témoigne le certificat médical qui relève « des plaies<br />

superficielles de la base du nez, un oedème périorbitaire gauche, un œdème<br />

avec plaies superficielles de la lèvre inférieure, un œdème de l’arcade<br />

zygomatique, des plaies superficielles des mains, une érosion du genou<br />

droit et des douleurs costales, sans lésion radiologique visible ». L’ITT a été<br />

fixée à trois jours.<br />

La Commission rejette les explications selon lesquelles la peau noire de<br />

M. M.S. et l’obscurité relative de la cellule du QD ont masqué ses blessures.<br />

<strong>Le</strong> détenu a été déshabillé complètement lors d’une fouille de sécurité,<br />

faite sur la coursive, et alors qu’il était blessé, et entouré de nombreux<br />

surveillants. <strong>Le</strong>s conditions de cette fouille brutale sur une personne blessée<br />

sont attentatoires à la dignité de la personne.<br />

Il est inacceptable que le détenu n’ait pas été immédiatement conduit à<br />

l’hôpital pour y recevoir des soins. Ce manquement à la déontologie est à<br />

relier au fait que son état est alors dissimulé au directeur.<br />

La Commission est consciente de l’état de stress et de l’inquiétude<br />

vraisemblablement ressentis par les collègues des trois surveillants, en<br />

l’absence d’informations précises.<br />

Il apparaît à la Commission que c’est l’arrivée et l’intervention rapide, au<br />

quartier disciplinaire, d’un chef de service pénitentiaire stagiaire, M. J-M.P.,<br />

dont elle relève qu’il était en situation administrative de repos et par hasard


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

à proximité, qui a permis de reprendre en main une situation très dégradée,<br />

à risques.<br />

Il est établi que l’incident, grave, et l’état de M. M.S. ont été tus par tous les<br />

membres du personnel présents au QD, alors que le directeur de permanence<br />

était encore dans l’établissement. <strong>Le</strong> CSP M. D.P., chef de permanence,<br />

qui a pu juger de l’état du détenu, trouvé nu dans sa cellule, et auquel il<br />

a donné des vêtements, a cependant gardé le silence, ce que déplore la<br />

Commission.<br />

La Commission s’inquiète d’un état des lieux institutionnel qui témoigne d’un<br />

malaise sérieux, une absence de communication et donc de confiance entre<br />

les personnels et la direction qui ne peuvent que nuire à la sécurité de tous.<br />

Elle relève que les trois surveillants impliqués dans l’intervention ont été<br />

en arrêt maladie pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois suite à ces<br />

faits.<br />

M. L.V. a été en arrêt maladie pendant six mois, et suivi par une psychologue<br />

mise à disposition par l’administration pénitentiaire pendant quatre mois.<br />

<strong>Le</strong> surveillant B.L. a évoqué à la Commission qu’il avait été blessé en 2000 à<br />

coups de fourchette. Après l’intervention du 19 juin, il a été en arrêt maladie<br />

pendant un mois « pour du stress ».<br />

<strong>Le</strong> surveillant J-M.G. a évoqué ses 23 ans de vie professionnelle comme<br />

surveillant, et notamment qu’il avait dû gérer en février et avril 2003 deux<br />

mutineries éprouvantes à Clairvaux, où il avait été amené à aller rechercher<br />

trois collègues en difficulté. Il a été en arrêt maladie du jour des faits jusqu’en<br />

février 2005.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission constate que les plaintes du détenu à l’encontre des<br />

surveillants et ceux des surveillants à l’encontre de M. M.S. ont été jointes et<br />

ont fait l’objet d’un classement sans suite.<br />

Elle demande à M. le Garde des Sceaux que soit rappelé aux personnels<br />

pénitentiaires que les incidents doivent faire l’objet de <strong>rapport</strong>s écrits,<br />

de mentions sur les registres. Ils sont les outils indispensables du suivi<br />

des détenus et de la vie en détention et contribuent à garantir l’absence<br />

396


d’arbitraire.<br />

397<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Elle demande à ce que soit particulièrement rappelé aux personnels que tout<br />

détenu qui a été blessé lors d’une intervention doit être présenté au service<br />

de l’UCSA, et qu’en dehors des permanences du week-end, le détenu doit<br />

être examiné dans les plus brefs délais par un médecin d’un service médical<br />

d’urgence ou conduit à l’hôpital.<br />

La suite à donnée aux violences établies et reconnues est de la compétence<br />

disciplinaire de M. le Garde des Sceaux.<br />

Adopté le 12 juin 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux, dont<br />

la réponse a été la suivante :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

398


399<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-68<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 18 juillet 2006,<br />

par M. Louis MERMAZ, sénateur de l’Isère<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 18<br />

juillet 2006, par M. Louis MERMAZ, sénateur de l’Isère, des conditions dans<br />

lesquelles a été pratiquée une fouille intégrale à l’égard d’un détenu au centre<br />

des jeunes détenus de Fleury-Mérogis, en même temps que des incidents ayant<br />

entouré le changement de cellule et le déclassement de ce même détenu.<br />

La Commission a pris connaissance de la procédure disciplinaire intentée<br />

à l’encontre du détenu A.L., ainsi que de la plainte pénale déposée par ce<br />

dernier pour des faits d’agressions sexuelles et de violences volontaires<br />

prétendument commis à son encontre.<br />

La Commission a entendu l’ancien détenu M. A.L., les surveillants<br />

pénitentiaires O.B. et Y.V., et le premier surveillant B.L.<br />

LES FAITS<br />

Au cours de l’été 2004, M. A.L. purgeait une peine d’emprisonnement au centre<br />

des jeunes détenus de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. La Commission<br />

est saisie de deux incidents le concernant, survenus respectivement les 19<br />

juillet 2004 et 23 août 2004.<br />

M. A.L. travaillait à la bibliothèque du centre des jeunes détenus.<br />

<strong>Le</strong> 19 juillet 2004, après la libération (à l’occasion de la fête nationale) de<br />

nombreux détenus, le chef de détention décida de réorganiser l’occupation<br />

des cellules, la mesure devant être exécutée dans l’après-midi. Elle concernait<br />

notamment M. A.L.<br />

400


401<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Vers 13h00, le surveillant de service (il s’agissait de M. O.B., alors surveillant<br />

stagiaire) invita les détenus appelés à changer de cellule à préparer leur<br />

paquetage. M. A.L. s’y refusa. Il aurait alors fait valoir, tant au surveillant<br />

présent qu’à la première surveillante intervenue un peu plus tard, que le<br />

changement prévu l’éloignerait de la bibliothèque où il travaillait.<br />

Vers 15h30, alors qu’il était invité à nouveau à préparer son changement de<br />

cellule, M. A.L. fit (selon les dires de son conseil) une « crise de nerfs » et se<br />

taillada l’avant-bras avec son couteau. La porte de la cellule fut refermée. Des<br />

surveillants munis de boucliers sont intervenus, ont contraint M. A.L. à sortir<br />

de la cellule, l’ont menotté et conduit dans une salle où, après démenottage,<br />

il fit l’objet d’une fouille à corps. Il fut conduit ensuite à l’infirmerie où neuf<br />

points de suture furent pratiqués sur son bras. Ce jour-là, M. A.L. ne fut pas<br />

placé en cellule disciplinaire, un certificat médical ayant contre-indiqué un tel<br />

placement.<br />

Vers 16h30, le premier surveillant chargé d’enquêter sur les faits entendit<br />

M. A.L. Celui-ci, selon les dires de son interlocuteur, resta calme au cours de<br />

l’entretien, exposant qu’il ne comprenait pas les raisons du changement de<br />

cellule. Personne, selon lui, ne les lui aurait communiquées. Aucun élément<br />

du dossier ne contredit cette indication.<br />

A la suite de ces faits, M. A.L. fut « déclassé », perdant son emploi à la<br />

bibliothèque du centre. Il comparut le 28 juillet 2004 devant la commission<br />

de discipline, qui lui infligea la sanction du placement en cellule disciplinaire<br />

pendant dix jours.<br />

<strong>Le</strong> 22 août 2004, le conseil de M. A.L. saisit le parquet d’une plainte,<br />

exposant que la fouille à corps subie le 19 juillet avait été effectuée « dans<br />

des conditions particulièrement indignes » et était « constitutive des délits de<br />

violences volontaires et d’agression sexuelle en application des articles 222-<br />

22 et suivants et 222-7 et suivants du Code pénal ». <strong>Le</strong> dossier ne contient<br />

aucune information sur les suites données à cette plainte.<br />

<strong>Le</strong> 23 août 2004, un article de presse détailla la situation de M. A.L. Prenant<br />

connaissance de cet article, le directeur du centre des jeunes détenus<br />

demanda aux surveillants qui étaient intervenus le 19 juillet de lui faire un<br />

compte-rendu des faits qui s’étaient produits ce jour-là.<br />

Avant d’établir ce compte-rendu, le surveillant stagiaire, M. O.B., prit l’initiative


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

de se rendre (avec un collègue également stagiaire) auprès de M. A.L.<br />

pour vérifier lequel de ses deux bras avait été tailladé. Cette intervention<br />

provoqua l’irritation de M. A.L. <strong>Le</strong>s surveillants l’empêchèrent de refermer<br />

la porte de sa cellule et provoquèrent l’intervention de collègues qui, après<br />

avoir menotté M. A.L., le conduisirent dans la salle de fouille, où il subit à<br />

nouveau une fouille à corps. M. A.L. a indiqué avoir été ensuite conduit au<br />

quartier disciplinaire, où il serait resté nu pendant plusieurs heures.<br />

<strong>Le</strong> 25 août 2004, il comparut à nouveau devant la commission disciplinaire.<br />

Il a indiqué avoir été relaxé du chef de l’accusation de mise en danger de<br />

la sécurité d’autrui et sanctionné de deux jours de quartier disciplinaire pour<br />

insultes au personnel. Après l’exécution de cette sanction, il fut transféré dans<br />

une nouvelle cellule, où il acheva quelques semaines plus tard l’exécution<br />

de sa peine.<br />

AVIS<br />

Sur les interventions des surveillants auprès de M. A.L.<br />

En invitant, le 19 juillet 2004, M. A.L. à quitter la cellule où il était détenu,<br />

les surveillants n’ont fait qu’exécuter les instructions qui leur avaient été<br />

données. <strong>Le</strong>ur intervention légitime n’aurait sans doute donné lieu à aucun<br />

incident si M. A.L. avait été informé à l’avance des changements apportés à<br />

la situation : changements au demeurant prévisibles, dès lors qu’ils étaient<br />

liés aux mesures d’élargissement qui accompagnent traditionnellement la<br />

fête nationale.<br />

En revanche, lorsqu’on lui demanda le 23 août 2004 d’établir un compte-rendu<br />

des faits survenus le 19 juillet, le gardien stagiaire O.B. n’était nullement tenu<br />

d’aller interroger M. A.L. Connaissant les incidents dont il avait été le témoin,<br />

il ne pouvait pas ignorer que sa démarche ne pouvait être ressentie par le<br />

détenu que comme une provocation. Cette démarche a constitué de sa part<br />

une faute à la fois professionnelle et déontologique.<br />

Sur les fouilles à corps<br />

Dès lors que M. A.L. s’était tailladé le bras, la fouille à corps effectuée le 19<br />

juillet 2004 était justifiée dans son principe. S’agissant des modalités de son<br />

402


403<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

exécution, les éléments du dossier remis à la Commission ne permettent ni<br />

de confirmer ni d’infirmer les indications fournies par le conseil de M. A.L. à<br />

l’appui de la plainte adressée au parquet. Il appartiendra au juge pénal de se<br />

prononcer et à l’administration pénitentiaire de tirer les conséquences de la<br />

décision du juge.<br />

<strong>Le</strong>s faits qui se sont produits le 23 août 2004 n’autorisaient pas les surveillants<br />

à pratiquer ce jour-là une fouille à corps : rien n’établit qu’au moment de ces<br />

faits, M. A.L. pouvait être suspecté de dissimuler des objets dangereux pour<br />

lui-même ou pour autrui. La précaution d’une simple palpation de sécurité<br />

aurait dû suffire.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission recommande que l’attention des services de l’administration<br />

pénitentiaire soit appelée sur le caractère exceptionnel que doit présenter<br />

la mise en œuvre d’une fouille à corps sur un détenu. Cette mesure de<br />

coercition attentatoire à la dignité de la personne ne doit être utilisée que si<br />

le détenu peut être suspecté de dissimuler des objets dangereux pour luimême<br />

ou pour autrui.<br />

La Commission recommande également que les détenus soient informés<br />

à l’avance des mesures susceptibles d’affecter leur situation dans<br />

l’établissement, dans tous les cas où ces mesures sont prévues ou<br />

prévisibles.<br />

Elle suggère que les personnels d’encadrement contribuent activement à<br />

la formation des jeunes agents en s’assurant à la fois de l’opportunité des<br />

démarches que ceux-ci peuvent être amenés à effectuer auprès des détenus,<br />

et des modalités d’exécution de ces démarches.<br />

Adopté le 15 janvier 2007<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2006-4<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 6 janvier 2006,<br />

par M. Robert BRET, sénateur des Bouches-du-Rhône<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 6 janvier<br />

2006, par M. Robert BRET, sénateur des Bouches-du-Rhône, des conditions<br />

de détention de M. E.A., à la maison d’arrêt de Seysses. M. E.A. se plaint<br />

d’avoir été victime de mauvais traitements, notamment d’avoir été frappé par<br />

les surveillants de Seysses les 26 et 27 novembre 2005, le 2 décembre 2005 et<br />

le 3 décembre 2005 par les agents de l’ERIS de Toulouse.<br />

Par lettre en date du 19 janvier 2006, la Commission a demandé à M. le<br />

Garde des Sceaux de faire diligenter une inspection sur les réclamations de<br />

M. E.A.<br />

La Commission a auditionné M. E.A., assisté de son avocat, au centre<br />

pénitentiaire des Baumettes à Marseille.<br />

Elle s’est rendue à la maison d’arrêt de Seysses pour voir les lieux et entendre<br />

M. R.M., chef de service pénitentiaire, M. T.D.N., premier surveillant, M. B.<br />

D., surveillant principal, et M. C.F., surveillant principal, les deux derniers<br />

étant assistés par un représentant syndical.<br />

La Commission a auditionné, à Paris, assistés par le même avocat, M. J.<br />

V., surveillant principal, M. E.C., surveillant, M. D.V., surveillant, et M. P.D.,<br />

tous membres de l’ERIS de Toulouse, dont M. P.D. est le commandant.<br />

Enfin la Commission a auditionné à Paris M. P., directeur de la maison<br />

d’arrêt de Seysses.<br />

404


LES FAITS<br />

405<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

M. E.A. a été incarcéré le 24 janvier 1999 au centre pénitentiaire des<br />

Baumettes à Marseille. Il a été condamné le 22 novembre 2002 par la cour<br />

d’assises des Bouches-du-Rhône à une longue peine de réclusion criminelle<br />

assortie d’une période de sûreté de dix ans.<br />

Il est inscrit au répertoire des détenus particulièrement signalés (DPS) depuis<br />

le 24 octobre 2001. <strong>Le</strong> 14 avril 2003, il s’est évadé par hélicoptère de la<br />

maison d’arrêt d’Aix-en-Provence.<br />

Depuis son incarcération, M. E.A. a fait l’objet de vingt mesures de<br />

transfèrement doublées d’un placement en quartier d’isolement depuis le 23<br />

juin 2003. C’est précisément suite à un transfèrement de la maison d’arrêt<br />

de Villeneuve-les-Maguelones à celle de Seysses, le 2 novembre 2005 que<br />

sont intervenus les incidents dont se plaint M. E.A. alors qu’il se trouvait au<br />

quartier d’isolement.<br />

<strong>Le</strong> 3 novembre, M. E.A. a refusé de réintégrer le quartier d’isolement au<br />

retour de la promenade et de ce fait a été placé en prévention au quartier<br />

disciplinaire qui se trouve dans le même bâtiment et au même étage que le<br />

quartier d’isolement.<br />

Faisant l’objet de diverses poursuites disciplinaires dues aux contentieux avec<br />

les surveillants relatifs à la remise d’un vêtement chaud pour la promenade,<br />

M. E.A. restera au quartier disciplinaire jusqu’au 3 décembre 2005.<br />

Pendant son séjour au quartier disciplinaire, M. E.A. s’est plaint de différentes<br />

brimades :<br />

- on lui aurait refusé le parloir de sa femme et de son fils<br />

- on l’aurait empêché de bénéficier du papier WC cantiné<br />

- on lui aurait coupé l’eau chaude sous la douche<br />

- on lui aurait refusé sa veste pour aller en promenade.<br />

Il soutient également avoir été frappé le 26-27 novembre et 2 décembre par<br />

les surveillants de la maison d’arrêt de Seysses.<br />

<strong>Le</strong> 2 décembre 2005, M. O.J., chef de service pénitentiaire, a fait le point<br />

avec la direction et le chef de détention sur la situation disciplinaire de M. E.<br />

A. qui arrivait, le 3 décembre, au terme du maximum du cumul des durées<br />

de peines encourues.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

M. E.A. devait obligatoirement sortir du quartier disciplinaire le 3 décembre<br />

pour être transféré au quartier d’isolement.<br />

Préalablement, le directeur avait demandé à la directrice adjointe de<br />

s’enquérir des intentions de M. E.A. Celui-ci avait indiqué qu’il ne sortirait<br />

pas pour protester contre son transfert et aurait même déclaré : « Faudra-t-il<br />

que je prenne quelqu’un en otage pour obtenir satisfaction ? ».<br />

Ne souhaitant pas que les surveillants avec qui M. E.A. avait des relations<br />

quotidiennes interviennent, le directeur a sollicité de la direction régionale<br />

l’intervention de l’ERIS de Toulouse.<br />

<strong>Le</strong> responsable des ERIS a été informé le 2 décembre que M. E.A., classé<br />

DPS, n’avait jusqu’alors agressé personne, mais qu’il y avait risque de<br />

confrontation dans un contexte de tension.<br />

L’intervention des ERIS a eu lieu le 3 décembre à 8h30. M. E.A. reconnaît qu’il<br />

n’a pas voulu quitter le quartier disciplinaire pour aller au quartier d’isolement<br />

comme le lui avait demandé la directrice le 2 décembre. Sans aucun temps<br />

de négociation avec M. P.D., commandant des ERIS, M. E.A. a été plaqué<br />

au mur par le porteur de bouclier, saisi et menotté par deux agents de l’ERIS<br />

appelés « voltigeurs », et conduit au quartier d’isolement situé à proximité.<br />

Dans la cellule d’isolement, M. E.A. a été mis à nu et fouillé, ce qui ne<br />

semblait pas s’imposer au regard des dispositions de l’article D.275 du Code<br />

de procédure pénale. Bien qu’ayant lui-même demandé un médecin, M. E.A.<br />

a refusé d’être examiné par le médecin en présence des ERIS, imposés pour<br />

raisons de sécurité. Devant son refus, le médecin s’est retiré. D’ailleurs, bien<br />

que se plaignant d’avoir reçu des coups de tonfa, notamment aux jambes et<br />

s’être cogné la tête au sol, M. E.A. ne conteste pas avoir refusé de se faire<br />

examiner par le médecin, en présence des ERIS.<br />

A la distribution des repas, il n’y a pas eu d’incident.<br />

Devant gérer l’ensemble des mouvements de M. E.A., les agents de l’ERIS<br />

sont allés vers sa cellule à l’heure convenue et ont constaté que l’œilleton<br />

était occulté. <strong>Le</strong>s ERIS ont ouvert brusquement la cellule et constaté que<br />

M. E.A. avait poussé le réfrigérateur devant la porte. Comme le matin et<br />

de la même façon, M. E.A. a été plaqué contre la fenêtre avec le bouclier,<br />

maîtrisé par les « voltigeurs », palpé et conduit menotté de force dans la<br />

cour de promenade, sans qu’il lui fût demandé s’il souhaitait y aller. Il fut<br />

également reconduit de force dans sa cellule.<br />

406


407<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

<strong>Le</strong> lendemain 4 décembre 2005 à 8h45, M. E.A. a été remis au quartier<br />

disciplinaire par les surveillants du quartier disciplinaire, pour avoir menacé<br />

de mort les agents de l’ERIS, sans l’intervention de ceux-ci qui sont repartis<br />

à 9h15.<br />

M. E.A. a déposé plainte avec constitution de partie civile le 19 décembre<br />

2005 entre les mains du Doyen des juges d’instruction du tribunal de grande<br />

Instance de Toulouse. Sa plainte concerne l’ensemble des faits dont est<br />

également saisie la Commission.<br />

M. E.A. a également contesté, devant le tribunal administratif de Montpellier,<br />

la décision de mise à l’isolement dont il fait l’objet. Par ordonnance en date<br />

du 2 juin 2006, le tribunal a rejeté la demande de suspension de la mesure<br />

d’isolement pour défaut d’urgence. <strong>Le</strong> tribunal administratif de Toulouse a<br />

également rejeté le 10 avril 2006 la demande de M. E.A. en suspension de la<br />

décision de transfert, au motif que celle-ci ne modifiait pas substantiellement<br />

les conditions de sa détention.<br />

Par ailleurs, la Commission a constaté qu’une copie d’un <strong>rapport</strong> concernant<br />

M. E.A., rédigé par la conseillère d’insertion et de probation le 22 novembre<br />

2005, était entre les mains du représentant syndical qui a assisté deux<br />

surveillants et qui l’a remis à la Commission.<br />

Interrogé sur ce fait, le directeur de l’établissement a affirmé à la Commission<br />

que si certains points d’un <strong>rapport</strong> du service pénitentiaire d’insertion et de<br />

probation pouvaient être portés à la connaissance des surveillants, en aucun<br />

cas copie du document n’est remise aux surveillants ou aux syndicats de<br />

surveillants.<br />

AVIS<br />

Il est certain que M. E.A. était particulièrement affecté par son nouveau<br />

transfert qui l’éloignait de la région PACA ,où se trouve sa famille et son<br />

conseil.<br />

<strong>Le</strong>s brimades invoquées par M. E.A. sont contestées par les surveillants. Il<br />

appartiendra à la juridiction saisie d’en établir ou non le bien-fondé. Il en va<br />

de même en ce qui concerne les coups qui auraient été portés les 26 et 27<br />

novembre et le 2 décembre 2005.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Cependant, en ce qui concerne la remise d’un vêtement chaud au moment<br />

de la promenade, le personnel pénitentiaire concerné (notamment M. T.<br />

D.N., M. B.D., M. C.F.) a précisé que les vêtements chauds des détenus<br />

au quartier disciplinaire sont regroupés dans un vestiaire situé au fond du<br />

couloir. Lors de la promenade, le détenu est conduit à la cour individuellement<br />

et on lui apporte, s’il le demande, son vêtement. D’après les surveillants,<br />

M. E.A. demandait sa veste sur un ton méprisant et refusait de se rendre<br />

en promenade s’il ne l’avait pas. <strong>Le</strong>s surveillants refusant d’obtempérer à<br />

l’injonction impolie, M. E.A. réintégrait sa cellule.<br />

Depuis, selon M. T.D.N., premier surveillant, les surveillants vont chercher le<br />

vêtement et l’accrochent à la poignée de la cellule avant la sortie du détenu.<br />

L’Inspection des services a d’ailleurs relevé ce changement de méthode, qui<br />

semble éviter le risque d’incident.<br />

En ce qui concerne l’intervention des ERIS, la Commission rejoint l’Inspection<br />

des services pénitentiaires sur l’absence d’une phase de rencontre et de<br />

négociation avant l’usage de la force, d’autant plus qu’en l’espèce, il s’agissait<br />

d’un simple transfert d’une cellule disciplinaire à une cellule d’isolement<br />

située dans le même bâtiment, au même étage, à quelques mètres l’une de<br />

l’autre. Sa mission a d’ailleurs surpris le commandant de l’ERIS.<br />

De même, il n’apparaît pas qu’il soit nécessaire d’obliger par la force un<br />

détenu à se rendre dans la cour de promenade, celui-ci pouvant renoncer à<br />

ce droit, sans pour autant encourir une sanction disciplinaire.<br />

<strong>Le</strong> directeur de la maison d’arrêt a précisé, à la demande de la Commission,<br />

comment il gérait les situations difficiles avant l’existence des ERIS : « Nous<br />

essayions de persuader en discutant avec le détenu, on passait beaucoup<br />

de temps pour cela et la plupart du temps, nous réussissions à rétablir un<br />

dialogue, à obtenir une compréhension ».<br />

La Commission estime que le commandant des ERIS aurait pu prendre plus<br />

de temps pour tenter de convaincre M. E.A. de changer de cellule et n’aurait<br />

pas dû intervenir pour le conduire de force à une promenade qu’il refusait.<br />

Elle estime qu’en l’espèce les conditions d’une fouille intégrale par les ERIS<br />

n’étaient pas réunies.<br />

Enfin la Commission estime que les <strong>rapport</strong>s des conseillers d’insertion et<br />

408


409<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

de probation ne doivent pas faire l’objet d’une communication aux syndicats<br />

de surveillants.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission demande que les conditions d’emploi des ERIS soient<br />

réexaminées de telle manière que la force ne soit employée qu’après<br />

discussion avec le détenu dans le but d’obtenir la compréhension et<br />

l’acceptation de ce qui lui est demandé.<br />

La Commission demande également que soit rappelé au personnel<br />

pénitentiaire que les <strong>rapport</strong>s des conseillers d’insertion et de probation ne<br />

doivent pas faire l’objet d’une transmission à d’autres qu’à leur destinataire,<br />

et notamment aux syndicats de surveillants.<br />

Adopté le 18 décembre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2006-16<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 3 février 2006,<br />

par Mme Christine BLANDIN, sénatrice du Nord,<br />

et le 22 mars 2006<br />

par M. Noël MAMÈRE, député de la Gironde<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 3<br />

février 2006, par Mme Christine BLANDIN, sénatrice du Nord, et le 22 mars<br />

2006, par M. Noël MAMÈRE, député de la Gironde, des conditions dans<br />

lesquelles M. A.T. avait été sanctionné disciplinairement alors qu’il était<br />

détenu à Bapaume.<br />

La Commission a entendu M. A.T. et pris connaissance des investigations de<br />

l’Inspection des services pénitentiaires.<br />

LES FAITS<br />

Par décision du juge de l’application des peines d’Arras, en date du 22<br />

novembre 2005, M. A.T. avait été placé à l’extérieur à titre probatoire à<br />

compter du 1 er décembre 2005, dans l’attente de sa libération conditionnelle,<br />

qui est intervenue le 1 er juin 2006.<br />

Il allait travailler quatre jours à l’extérieur et devait, selon la réglementation,<br />

être fouillé à corps à chaque retour en détention. Il accepta au départ cette<br />

mesure, mais le contrôle étant devenu plus strict en application d’une note de<br />

service du chef d’établissement en date du 11 janvier 2006, il refusa ensuite<br />

de s’y soumettre, avant de changer d’avis pour ne pas perdre le bénéfice de<br />

ses permissions de sortie.<br />

Il se plaint, lorsqu’il accepta à nouveau une fouille, de la présence lors de<br />

cette opération d’une dizaine de surveillants.<br />

410


411<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

<strong>Le</strong> 17 février 2006, la commission de discipline du centre de détention a<br />

prononcé une sanction de six jours de cellule disciplinaire à exécuter pendant<br />

le week-end.<br />

<strong>Le</strong> 27 mars 2006, le directeur régional a rejeté le recours hiérarchique formé<br />

contre cette décision. Une requête introductive d’instance pour excès de<br />

pouvoir a été déposée le 26 mai 2006 devant le tribunal administratif de<br />

Lille.<br />

AVIS<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité estime d’abord<br />

que certains faits dont elle est saisie ne relèvent pas de ses compétences,<br />

car s’ils se rattachent à des autorités relevant d’un service de sécurité (en<br />

l’occurrence l’administration pénitentiaire), ils sont étrangers à toute mission<br />

de sécurité (sanction de six jours de cellule disciplinaire prononcée à l’encontre<br />

d’un détenu récalcitrant par la commission de discipline de l’établissement<br />

pénitentiaire).<br />

En revanche, la Commission s’estime pleinement compétente pour examiner<br />

si les fouilles corporelles intégrales contestées par le détenu A.T. ont été<br />

réalisées conformément aux règles déontologiques.<br />

Destinées à s’assurer que les détenus ne détiennent sur eux aucun objet<br />

ou produit susceptible de présenter un risque pour l’ordre ou la sécurité, les<br />

fouilles corporelles sont encadrées à la fois par l’article D.275 du Code de<br />

procédure pénale (dans sa rédaction issue de la loi du décret n°98-1099 du<br />

8 décembre 1998) et par les dispositions d’une circulaire d’application n°86-<br />

12 du 14 mars 1986.<br />

En application du premier de ces deux textes, « les détenus doivent être<br />

fouillés fréquemment et aussi souvent que le chef d’établissement l’estime<br />

nécessaire. Ils le sont notamment à leur entrée dans l’établissement et<br />

chaque fois qu’ils en sont extraits et y sont reconduits pour quelque cause<br />

que ce soit. Ils doivent également faire l’objet d’une fouille avant et après<br />

tout parloir ou visite quelconque. <strong>Le</strong>s détenus ne peuvent être fouillés que<br />

par des agents de leur sexe et dans des conditions qui, tout en garantissant


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

l’efficacité du contrôle, préservent le respect de la dignité inhérente à la<br />

personne humaine ».<br />

Dédiée principalement aux fouilles intégrales, la circulaire d’application<br />

apporte pour sa part plusieurs précisions supplémentaires : en premier<br />

lieu, les détenus soumis à une fouille intégrale doivent se déshabiller<br />

complètement en présence d’un agent ; en second lieu, tout contact entre le<br />

détenu et l’agent de l’administration pénitentiaire est proscrit, à l’exception<br />

du contrôle de la chevelure, étant observé que la force peut être employée<br />

dans l’hypothèse où un détenu refuserait d’obtempérer.<br />

Eu égard aux contraintes particulières afférentes au fonctionnement des<br />

établissements pénitentiaires, et compte tenu des précautions prises pour<br />

préserver l’intimité et la dignité des détenus, la réglementation précitée<br />

relative aux fouilles des détenus n’a pas été jugée contraire aux dispositions<br />

de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, proscrivant<br />

les traitements inhumains et dégradants (CE, 8 décembre 2000, JCP 2001,<br />

IV, 2547).<br />

En même temps qu’elles provoquent souvent un malaise chez les personnels<br />

de l’administration pénitentiaire chargés de les pratiquer, les fouilles<br />

systématiques ou aléatoires sont par nature dégradantes et humiliantes<br />

chez les détenus qui en font l’objet. Il est donc de la plus haute importance<br />

que les conditions matérielles dans lesquelles s’exécutent les fouilles<br />

n’aggravent pas l’élément habituel d’humiliation et d’avilissement inhérent à<br />

ces mesures.<br />

En l’espèce, les fouilles dont se plaint M. A.T. ne se sont pas accompagnées<br />

de modalités d’exécution déontologiquement condamnables : les locaux de<br />

fouilles étaient adaptés et n’exposaient pas le détenu fouillé à la vue des<br />

autres détenus, ni de toute personne étrangère à l’opération. Pratiquées par<br />

un personnel de l’administration pénitentiaire de même sexe que le détenu,<br />

les fouilles n’ont jamais entraîné de contact physique blâmable entre l’agent<br />

et M. A.T.<br />

412


RECOMMANDATIONS<br />

413<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

En même temps qu’elle ne relève aucun manquement à la déontologie de<br />

la part du personnel de l’administration pénitentiaire, la Commission tient à<br />

rappeler que les fouilles intégrales, dégradantes par nature, doivent toujours<br />

être justifiées par les exigences du maintien de l’ordre et de la sécurité au<br />

sein de l’établissement pénitentiaire.<br />

Elles doivent, en outre, être pratiquées dans des conditions visant à réduire<br />

le degré d’humiliation du détenu et à fournir des garanties contre les abus.<br />

Adopté le 6 novembre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux, dont<br />

la réponse a été la suivante :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

414


415<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

416


Saisine n°2006-61<br />

417<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 23 juin 2006,<br />

par Mme Nicole BORVO, sénatrice de Paris<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 23<br />

juin 2006, par Mme Nicole BORVO, sénatrice de Paris, de violences dont un<br />

détenu écroué à la maison d’arrêt de Strasbourg aurait été victime de la part<br />

du personnel pénitentiaire, à la suite de son refus de réintégrer sa cellule.<br />

La Commission a pris connaissance des conclusions de l’enquête diligentée<br />

par l’Inspection des services pénitentiaires.<br />

La Commission s’est rendue à la maison d’arrêt de Strasbourg pour auditionner<br />

le détenu C.B. à l’origine de la saisine. Sur place, elle a également entendu<br />

trois fonctionnaires de l’administration pénitentiaire : M. H.M., lieutenant<br />

(ex-chef de service pénitentiaire), Mme M-H.N., chef de détention, et M. M.<br />

A., surveillant principal.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 6 juin 2006, en début d’après-midi, le détenu C.B. saisit l’occasion<br />

du mouvement quotidien destiné à la séance de sport pour interpeller le<br />

lieutenant H.M. sur le sort de sa requête – réitérée à plusieurs reprises<br />

pendant le week-end de Pentecôte précédant l’incident – relative à<br />

son encellulement individuel. Eu égard au taux élevé d’occupation de<br />

l’établissement pénitentiaire (670 détenus pour une capacité théorique de<br />

447), le lieutenant H.M. indique au détenu C.B. que son maintien en cellule<br />

individuelle n’est plus possible. Irrité par cette réponse, le détenu rétorque<br />

alors qu’il refusera dès cet instant de réintégrer sa cellule, tant que sa<br />

demande ne sera pas satisfaite. Ne souhaitant pas prendre le risque d’un<br />

refus de réintégrer à l’issue de la séance de sport, le lieutenant H.M. intime


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

l’ordre au détenu C.B. de bien vouloir regagner sans délai sa cellule de<br />

détention. Devant le refus d’obtempérer du détenu, le lieutenant H.M. se<br />

positionne devant lui et tente de le faire reculer en direction de sa cellule.<br />

Commence alors l’épreuve de force.<br />

C’est au moment où le détenu s’agrippe à une grille palière que l’alerte<br />

générale est donnée – sans doute par le surveillant principal M. A., en poste<br />

dans le kiosque de l’étage –. Immédiatement, une dizaine de surveillants<br />

interviennent afin de prêter main-forte au lieutenant H.M. et maîtriser le<br />

détenu récalcitrant. Maintenu en l’air avant d’être plaqué au sol face contre<br />

terre, les bras maintenus dans le dos et les jambes neutralisées par une<br />

clé, le détenu indique avoir eu « l’impression de recevoir des coups, comme<br />

des taquets donnés avec la paume des mains » pour l’obliger à s’aplatir<br />

complètement.<br />

Si le détenu prétend avoir été menotté au moment de l’incident, les personnels<br />

pénitentiaires interrogés réfutent pour leur part cette affirmation en soulignant<br />

qu’aucun des intervenants n’était doté de menottes. En tout état de cause,<br />

pétrifié par l’intervention musclée et massive des agents appelés en renfort,<br />

le détenu, totalement résigné, arrête sa résistance et regagne sa cellule<br />

sous bonne escorte. En raison d’une vive douleur au genou, le détenu C.<br />

B. sollicite par la suite l’intervention du surveillant d’étage pour se rendre à<br />

l’UCSA, où il sera reçu par un personnel soignant environ deux heures après<br />

l’incident. <strong>Le</strong> certificat médical établi le jour même par le Dr S. atteste « une<br />

dermabrasion de 1 cm sur 2 à la base du cou à gauche, un hématome en<br />

nappe à la face postérieure des deux bras, un œdème douloureux au niveau<br />

du genou gauche et du tendon rotulien ».<br />

Après l’administration d’un traitement anti-douleur, le détenu a porté une<br />

attelle pendant un mois et a bénéficié de plusieurs séances de soins de<br />

kinésithérapie.<br />

Il faut préciser qu’en cette circonstance, aucun compte-rendu verbal ou écrit<br />

n’a été adressé par le lieutenant H.M. à sa hiérarchie.<br />

418


AVIS<br />

419<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Compte tenu de la surpopulation chronique de certains établissements<br />

pénitentiaires – et singulièrement des maisons d’arrêt –, les incidents liés<br />

directement ou indirectement au refus de réintégration dans une cellule<br />

partagée par plusieurs détenus sont assez fréquents en pratique.<br />

Selon le Code de procédure pénale (art. D.249-3, 4°), tout détenu qui refuse<br />

d’obtempérer aux injonctions des membres du personnel de l’établissement<br />

pénitentiaire se rend coupable d’une faute disciplinaire du troisième degré.<br />

En refusant de réintégrer sa cellule malgré l’injonction du lieutenant H.M., le<br />

détenu C.B. s’est donc rendu coupable d’une telle faute.<br />

En conséquence, un compte-rendu d’incident disciplinaire aurait normalement<br />

dû être établi par le lieutenant H.M. En s’abstenant de rédiger un tel<br />

document, le lieutenant H.M. n’a pas permis à la direction de l’établissement<br />

de mener dans les meilleurs délais une enquête interne sur le déroulement<br />

de l’incident. Quelles que soient les raisons qui ont pu motiver une telle<br />

abstention, l’absence de remontées d’informations auprès de la direction<br />

constitue une faute professionnelle, mais aussi une faute déontologique.<br />

À cet égard, le comportement du lieutenant H.M. (qui n’a pas rédigé ledit<br />

compte-rendu) apparaît tout aussi coupable du point de vue de la déontologie<br />

que celui du chef de détention, Mme M-H.N., qui s’est abstenue de solliciter<br />

de son subordonné des explications écrites, alors qu’elle ne pouvait pas<br />

ignorer, compte tenu de sa présence à proximité des lieux de l’incident, que<br />

la coercition avait été employée pour maîtriser le détenu.<br />

Cette absence de compte-rendu est d’autant plus regrettable que l’incident a<br />

donné lieu à l’emploi de la coercition.<br />

La Commission ne remet nullement en cause la légalité même de l’emploi<br />

de la coercition dans les circonstances de l’espèce. C’est la proportionnalité<br />

qui est critiquable. Il apparaît que l’intervention n’a pas respecté les règles<br />

énoncées aux articles D.242 et D.283.5 du Code de procédure pénale,<br />

rappelées par l’instruction du garde des Sceaux du 11 février 2002.<br />

Alors que tous les témoignages décrivent M. C.B. comme un détenu calme et<br />

non violent, l’inertie physique dont il a fait preuve en refusant de regagner sa<br />

cellule, ne justifiait pas le déclenchement de l’intervention. Cette intervention<br />

(faisant suite au déclenchement sans doute prématuré de l’alarme) d’une


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

dizaine d’agents du personnel pénitentiaire pour maîtriser M. C.B. n’était ni<br />

ajustée à la situation, ni strictement nécessaire au contrôle du détenu.<br />

Une plus grande maîtrise de la part de l’encadrement et un meilleur<br />

discernement dans l’appel à des renforts auraient permis d’éviter l’emploi<br />

d’une contrainte manifestement excessive.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission recommande que soient rappelées aux personnels de<br />

l’administration pénitentiaire les obligations qu’il leur incombe de respecter :<br />

- quant à l’usage de la coercition<br />

- quant aux comptes-rendus des incidents<br />

Elle laisse au garde des Sceaux le soin d’apprécier les suites disciplinaires<br />

que pourraient justifier les faits rappelés ci-dessus.<br />

420<br />

Adopté le 18 décembre 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux.


421<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisines n os 2006-43 / 2006-53 / 2006-60 / 2006-89 / 2006-127<br />

INTRODUCTION AUX AVIS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, les 23 mai, 14 juin, 22 juin, 12 septembre,<br />

par Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, sénatrice de Paris<br />

et le 27 novembre 2006<br />

par Mme Nicole BORVO, sénatrice de Paris<br />

Introduction aux cinq saisines 2006 concernant<br />

le centre pénitentiaire de Liancourt<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, de mai<br />

2006 à novembre 2006, de cinq plaintes concernant le centre pénitentiaire<br />

de Liancourt pour des violences sur des détenus et pour un suicide survenu<br />

au quartier disciplinaire. <strong>Le</strong>s faits se sont produits dans les « nouveaux »<br />

bâtiments ouverts en 2004, dont celui de la maison d’arrêt.<br />

<strong>Le</strong> premier dossier (2006-43) concerne des faits de mai 2005, et qui avaient<br />

suscité à l’époque une enquête de l’Inspection des services pénitentiaires, à<br />

la demande du directeur de Liancourt F.A., affecté à l’établissement en début<br />

d’année. La responsabilité d’un premier surveillant qui était intervenu avec<br />

une équipe de nuit au quartier disciplinaire la nuit du 27 au 28 mai 2005<br />

avait été relevée, et celui-ci avait été sanctionné d’un blâme.<br />

<strong>Le</strong> 14 juin 2006, la Commission était saisie de faits concernant M. O.T. (2006-<br />

53), survenus le 23 mars 2006. Ce détenu, libérable trois semaines plus tard,<br />

avait été blessé lors d’un incident avec des surveillants et placé au quartier<br />

disciplinaire à son retour de l’hôpital le jour même ; il a été retrouvé pendu<br />

le lendemain.<br />

<strong>Le</strong> 22 juin 2006, la Commission était saisie d’une plainte concernant M. S.P.<br />

(2006-60), pour des violences commises le 10 juin.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

<strong>Le</strong> 12 septembre 2006, la Commission était saisie pour des violences à<br />

l’encontre de M. D.Z. le 24 août 2006.<br />

Enfin, elle était saisie le 27 novembre 2006 des violences à l’encontre de<br />

M. S.D. (2006-127), commises le 7 novembre par deux surveillants mis en<br />

examen, suspendus, placés sous contrôle judiciaire, et qui ont été condamnés<br />

le 14 décembre 2006 à quatre mois de prison avec sursis.<br />

Dans les dossiers qui n’étaient pas connus de l’administration pénitentiaire,<br />

elle a demandé dès réception des saisines des parlementaires une inspection<br />

des services pénitentiaires.<br />

Inquiète de la convergence et de la gravité de ces dossiers, la Commission<br />

s’est efforcée de mener des investigations approfondies, examinant les<br />

témoignages des détenus et ceux de surveillants mis en cause, ainsi que ceux<br />

de surveillants de l’établissement soucieux du respect des règles et animés de<br />

valeurs d’humanité, qui ont déclaré ne plus pouvoir supporter les agissements<br />

non professionnels, graves, de certains de leurs collègues à l’égard des<br />

détenus, et qui ont décidé de « briser la loi du silence ». <strong>Le</strong>s éléments tirés de<br />

ces derniers témoignages ont mis en relief les problèmes généraux de cette<br />

prison, qui ont été vérifiés en grande partie lors des auditions de certains<br />

membres de l’encadrement. La Commission a recueilli aussi les observations<br />

de l’équipe médicale de l’UCSA, dont certains membres lui ont dit s’être<br />

efforcés de porter à la connaissance de la direction leurs doutes et leurs<br />

craintes quant à l’origine de certaines lésions (hématomes, plaies).<br />

La Commission a visité une partie de l’établissement et le quartier<br />

disciplinaire.<br />

L’analyse de ces cinq dossiers a révélé des dysfonctionnements et des<br />

manquements divers, notamment concernant les procédures disciplinaires<br />

instrumentalisées pour faire régner « la terreur et l’ordre » 2 . De telles<br />

procédures ont été diligentées à partir de comptes-rendus d’incidents<br />

partiaux lus et revus par un premier surveillant. Ces défaillances et ces abus<br />

s’expliquent en partie par des conditions de fonctionnement et de travail<br />

2 Expression employée par des surveillants.<br />

422


423<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

difficiles des personnels, et ont pu favoriser des dérives individuelles aussi<br />

bien chez certains anciens gradés de Liancourt que chez certains jeunes<br />

surveillants sous influence, en perte de repères légaux et professionnels.<br />

Néanmoins, les auditions ont mis en évidence la responsabilité particulière<br />

de l’équipe d’encadrement, principalement celle du directeur adjoint M. H. et<br />

du premier surveillant B.C., décrit comme « le directeur de la maison d’arrêt<br />

après M. H. ».<br />

Ainsi, il apparaît qu’à l’ouverture du « nouveau » Liancourt en 2004, la<br />

sélection des personnels pour la maison d’arrêt s’est faite par cooptation<br />

par des gradés de « l’ancien » Liancourt, qui ont choisi aussi les personnels<br />

pour les autres bâtiments. <strong>Le</strong>s jeunes surveillants, sortant d’école, décrits<br />

comme « enthousiastes », « dynamiques », se sont retrouvés aussitôt sous<br />

leur emprise ; ceux qui désapprouvaient les pratiques observées, « contraires<br />

à l’enseignement qu’il avaient reçu à l’ENAP » 3 , n’ont pu trouver au niveau<br />

de la hiérarchie de recours possible, « car c’est au niveau de la hiérarchie<br />

que s’organisait ce climat et ce régime de terreur ».<br />

<strong>Le</strong> directeur F.A. a tenu à souligner auprès de la Commission que les<br />

manquements des personnels dont il avait eu connaissance concernent une<br />

minorité, et qu’il regrettait que l’ensemble des surveillants de Liancourt fasse<br />

les frais de l’opprobre suscité par les agissements de quelques-uns.<br />

Divers problèmes (périmètre de l’établissement non sécurisé, parachutage<br />

d’objets toxiques et de portables, insuffisance des escortes pour les extractions<br />

médicales des détenus, manque d’effectifs) ont mobilisé et accaparé la direction<br />

de la prison et alimenté en permanence des conflits entre les surveillants et<br />

les détenus.<br />

Cependant, des auditions de détenus et de surveillants, il ressort que les<br />

problèmes de « cantine » ont été de façon récurrente à l’origine de tensions<br />

et d’incidents dans les bâtiments (attente longue des produits, détenus<br />

n’ayant pas obtenu leurs produits alimentaires alors que leur compte était<br />

débité, date de péremption dépassée), et que semble être en cause le manque<br />

de coopération de certains membres de l’encadrement dans le travail de<br />

2 Témoignages de surveillants.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

partenariat indispensable entre les personnels et la société SIGES en charge<br />

de ces services. L’insuffisance du travail et des activités à proposer aux<br />

détenus a suscité frustration, mécontentement et agressivité ; cette question<br />

est devenue un enjeu majeur instrumentalisé par certains surveillants : « Il<br />

suffisait qu’un détenu demande quoi que ce soit aux surveillants concernant<br />

le quotidien en détention, pour qu’il soit l’objet de brimades, d’humiliations<br />

et de propos insultants et agressifs », selon les témoignages recueillis.<br />

Enfin, il apparaît qu’une certaine « convivialité » au sein de l’équipe<br />

d’encadrement a faussé, rendu délicats puis périlleux, le positionnement<br />

professionnel, le rôle hiérarchique nécessaire, et dans certaines situations, a<br />

conduit l’ensemble de l’équipe d’encadrement à avaliser les manquements.<br />

La Commission a transmis ses avis et recommandations au procureur de<br />

la République et demande au garde des Sceaux la saisine des instances<br />

disciplinaires pour quatre dossiers. La Commission a été informée de<br />

l’existence d’un audit effectué au cours du dernier trimestre 2006.<br />

Elle a par ailleurs constaté que certaines améliorations avaient été apportées<br />

concernant les problèmes de « cantine », et que les délégations de pouvoirs<br />

concédées aux premiers surveillants, notamment en matière disciplinaire, ont<br />

été modifiées.<br />

Enfin, comme elle l’a indiqué dans l’un de ses dossiers, la Commission<br />

tient à souligner qu’elle retire de toutes les auditions, des témoignages de<br />

surveillants, et principalement de ceux de tous les détenus entendus, que les<br />

agissements contraires aux règles et aux valeurs sont le fait d’une minorité, et<br />

que la majorité des surveillants de Liancourt se comportent correctement et<br />

humainement avec les détenus. Elle tient à saluer le courage et l’éthique des<br />

surveillants qui ont défendu les valeurs de leur profession.<br />

La Commission demande à son président, vu l’urgence, d’informer dans les<br />

plus brefs délais le ministre de la Justice de la gravité des faits qu’elle a<br />

constatés.<br />

La Commission demande instamment au garde des Sceaux de veiller à la<br />

424


425<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

sécurité des détenus qui ont été amenés, par leur témoignage tout au long de<br />

ces cinq dossiers, à mettre en cause des surveillants du centre pénitentiaire<br />

de Liancourt.<br />

Adopté le 15 janvier 2007


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2006-43<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 23 mai 2006,<br />

par Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, sénatrice de Paris<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 23 mai<br />

2006, par Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, sénatrice de Paris, suite à<br />

des faits de brimades et de violences qui auraient été commis par des membres<br />

du personnel de surveillance du centre pénitentiaire de Liancourt (Oise) dans<br />

la nuit du 27 au 28 mai 2005.<br />

Saisie d’autres incidents concernant le centre pénitentiaire de Liancourt, la<br />

Commission a procédé à l’audition de nombreux surveillants, tant sur place<br />

qu’à Paris. Elle a également entendu le directeur et le directeur adjoint, ainsi<br />

que les médecins de l’UCSA du centre pénitentiaire de Liancourt.<br />

La commission a reçu copie du <strong>rapport</strong> de l’enquête effectuée par l’Inspection<br />

des services pénitentiaires entre le 31 mai et le 2 juin 2005, immédiatement<br />

après l’incident.<br />

La Commission s’est rendue à Liancourt et a visité les lieux, notamment<br />

le quartier disciplinaire. Elle a également auditionné certains des détenus<br />

concernés dans les établissements où ils avaient été transférés, et les<br />

surveillants G.A. et C.W., le gradé N’T., le chef de détention J-P.H., ainsi que<br />

les directeurs F.A. et J-L.H.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> premier surveillant T.J., entendu par l’Inspection des services pénitentiaires<br />

le 2 juin 2005, a déclaré que « le 27 mai 2005 vers 22h30-22h45, [il] avait<br />

appris par des agents « rondiers » « que quatre détenus avaient accroché<br />

426


427<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

leurs couvertures aux grilles » des cellules du quartier disciplinaire.<br />

Il s’est alors rendu au QD avec le surveillant du piquet, tous deux accompagnés<br />

d’un salarié permanent de la SIGES, société concessionnaire chargée<br />

notamment de la maintenance de l’interphonie. Il déclare avoir constaté que<br />

quatre détenus avaient accroché leurs couvertures aux grilles : MM. M., H.,<br />

B. et TH. <strong>Le</strong> détenu B., après ouverture de sa cellule, a accepté d’enlever la<br />

couverture.<br />

Ayant constaté que MM. M. et H. avaient bien mis leurs couvertures et<br />

n’avaient pas répondu à son injonction, le premier surveillant a décidé de<br />

« réunir son équipe d’intervention composée de six personnes, dont deux<br />

surveillantes ».<br />

<strong>Le</strong> premier surveillant est d’abord intervenu dans la cellule de M. M. et, après<br />

de nouvelles injonctions d’enlever la couverture, il précise : « J’ai ouvert la<br />

grille et j’ai soulevé la couverture. J’ai vu que le détenu se trouvait juste<br />

derrière la couverture à 1,50 mètre de moi. J’ai vu qu’il se rapprochait de moi<br />

pour me bousculer. De ma main droite, je l’ai ralenti au niveau de son buste<br />

en le repoussant et en l’accompagnant au fond de la cellule. Parallèlement,<br />

j’ai donné la couverture aux agents pour qu’ils la sortent. <strong>Le</strong> détenu a été<br />

maîtrisé au sol en lui faisant une clef de bras et une clef au niveau de la<br />

jambe ». <strong>Le</strong> premier surveillant affirme que le détenu n’a pas porté de coups<br />

aux agents. Cependant, dans une deuxième phase, bien que maîtrisé, le<br />

détenu se serait relevé et l’aurait bousculé à nouveau, ce qui aurait motivé<br />

une nouvelle intervention musclée des agents.<br />

L’intervention dans la cellule de M. M. a suscité les protestations des autres<br />

détenus, qui ont injurié les surveillants. <strong>Le</strong> détenu TH. avait enlevé sa<br />

couverture mais, selon le premier surveillant, il « menaçait alors clairement<br />

de mettre le feu ». Puis le détenu avait été vu « en train de craquer<br />

successivement des allumettes dans un tas de papiers et de barquettes en<br />

plastique ». « Je n’ai pas vu de flammes », a précisé le premier surveillant,<br />

qui a cependant décidé de faire déployer la lance à incendie. Il avait demandé<br />

à l’agent G.A. d’arroser « tout ce qui était combustible, à savoir le tas de<br />

papiers amassés, la couverture et les papiers qui se trouvaient sur le banc »,<br />

ce que le surveillant avait fait.<br />

<strong>Le</strong> détenu H., lui, selon le premier surveillant, « ne menaçait pas de mettre


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

le feu ». Mais comme il ne répondait pas et n’avait pas enlevé sa couverture,<br />

le premier surveillant a demandé à l’agent G.A. « d’arroser la couverture<br />

jusqu’à ce que cette dernière tombe ».<br />

Il est constant que le gradé de permanence n’a été averti qu’à une heure du<br />

matin, alors que l’incident était terminé depuis deux heures environ.<br />

<strong>Le</strong> détenu M., entendu par la Commission, soutient qu’il n’avait pas mis de<br />

couverture, mais que les surveillants sont entrés brusquement dans sa cellule<br />

et l’ont roué de coups. Il prétend qu’on a voulu lui faire payer le coup de poing<br />

qu’il avait donné le 30 avril 2005 à un surveillant lors de la promenade.<br />

Malgré ses demandes, il n’a pu voir immédiatement un médecin. C’est le 31<br />

mai, après le passage de l’Inspection générale des services pénitentiaires,<br />

qu’un médecin de l’UCSA a examiné le détenu et rédigé un certificat médical,<br />

constatant une impotence fonctionnelle du membre supérieur droit et un<br />

syndrome douloureux nécessitant une ITT de sept jours.<br />

<strong>Le</strong> détenu TH., entendu par la Commission, déclare avoir entendu crier le<br />

détenu M., que l’on frappait. <strong>Le</strong>s autres détenus se sont mis à crier et à<br />

insulter les surveillants en tapant dans leurs grilles. Il nie avoir accroché<br />

sa couverture. Il nie avoir eu des allumettes. Il pense qu’ils ont été arrosés<br />

uniquement parce qu’ils injuriaient les surveillants qui lui ont dit : « Vous nous<br />

insultez, vous n’allez pas dormir ».<br />

<strong>Le</strong> surveillant G.A., entendu par la Commission, se prétend curieusement<br />

« l’objet des accusations fortuites du directeur M. F.A. », sans préciser<br />

lesquelles.<br />

En ce qui concerne l’incident avec le détenu M., il soutient qu’après avoir<br />

enlevé la couverture, le détenu « a voulu sauter sur le premier surveillant »,<br />

et qu’après une première maîtrise, le détenu a fait « une deuxième tentative<br />

d’agression sur le personnel », ce qui a nécessité une deuxième maîtrise.<br />

En regardant par les œilletons des cellules de MM. TH. et H., le surveillant G.<br />

A. a constaté « qu’ils avaient fait des foyers d’incendie sous le lit et près de<br />

la table dans le fond de la cellule », alors même que ce détenu était accusé<br />

d’avoir occulté la visibilité avec une couverture. Il affirme avoir arrosé dans<br />

la cellule de M. TH. « deux barquettes de repas dans lesquelles il y avait un<br />

début de flamme ».<br />

La Commission a enfin entendu le surveillant C.W., qui soutient, concernant<br />

428


429<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

l’intervention dans la cellule du détenu M. que « quand on a ouvert la grille, le<br />

détenu était juste devant. Il a poussé le premier surveillant, et à la façon d’un<br />

bélier, il a voulu sortir sur la coursive en nous fonçant dessus ». Il prétend<br />

avoir été mordu à la main mais n’avoir pas porté plainte. <strong>Le</strong> surveillant C.W.<br />

soutient que le poste d’information et de commandement aurait informé le<br />

chef que le détenu TH. criait dans l’interphone : « Je vais mettre le feu ».<br />

S’étant rendu à la cellule du détenu TH., il aurait constaté que celui-ci « était<br />

en train de jeter des allumettes dans un tas de papiers. Une barquette de<br />

repas en plastique commençait à brûler ». <strong>Le</strong> premier surveillant aurait dit :<br />

« On éteint ça ». Ils sont allés chercher la lance à incendie et à travers la grille,<br />

le surveillant G.A. « a arrosé la barquette et les papiers, et rien d’autre…». Il<br />

affirme qu’il y avait « un début de feu dans la cellule de TH. et une menace<br />

de mettre le feu dans la cellule de H. ».<br />

Enfin, le surveillant C.W. a précisé à la Commission que l’intervention au<br />

QD avait été motivée par le fait que M. M. « avait suspendu sa couverture<br />

à la grille, masquant toute visibilité. <strong>Le</strong>s autres détenus n’avaient pas été<br />

signalés par les « rondiers » comme ayant suspendu leur couverture devant<br />

leur porte ».<br />

AVIS<br />

La Commission constate que le premier surveillant et son équipe d’intervention<br />

sont intervenus, de nuit, dans la cellule d’un détenu, en violation des<br />

dispositions d’une note de service précisant que « lors des interventions<br />

pendant le service de nuit, le premier surveillant, assisté du piquet, ne doit<br />

intervenir dans les cellules ou dortoirs qu’après l’arrivée sur l’établissement<br />

du personnel de permanence préalablement averti ».<br />

Il appartenait au premier surveillant, avant toute intervention, d’en informer<br />

le lieutenant M. N’T., CSP d’astreinte cette nuit-là, alors qu’il ne l’a fait, de<br />

façon partielle d’ailleurs, que deux heures après l’incident, ce qui rendait le<br />

déplacement du CSP d’astreinte « inutile ».<br />

C’est le premier surveillant et lui seul qui a décidé de réunir son équipe<br />

d’intervention composée de six personnes et pris la décision d’intervenir<br />

sans informer le gradé d’astreinte.<br />

Cette attitude constitue une faute professionnelle, et ce d’autant plus que le


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

premier surveillant T.J. a déclaré qu’il ne connaissait pas la note de service<br />

relative aux interventions de nuit et qu’il n’avait pas le temps d’informer la<br />

permanence avant l’intervention, ce qui est manifestement inexact.<br />

<strong>Le</strong>s déclarations des surveillants G.A. et C.W., concernant « un début<br />

d’incendie » et « une menace d’incendie », sont formellement contredites<br />

par le premier surveillant T.J., qui affirme d’une part « qu’il n’a pas vu de<br />

flammes » dans la cellule du détenu TH., et d’autre part que « le détenu H.<br />

ne menaçait pas de mettre le feu ».<br />

De plus, M. N’T., lieutenant CSP d’astreinte, a constaté le lendemain que<br />

dans la cellule du détenu TH., « il n’y avait aucune trace de papiers ou<br />

d’objets brûlés ».<br />

La Commission estime donc que l’usage de la lance à incendie ne peut en<br />

aucune façon être justifiée par « un début d’incendie » ou « une menace<br />

d’incendie ».<br />

L’utilisation de la lance à incendie ne peut également se justifier pour enlever<br />

la couverture que le détenu H. aurait accrochée à la grille de sa cellule. <strong>Le</strong><br />

directeur adjoint du centre pénitentiaire de Liancourt, M. J-L.H., a déclaré à la<br />

Commission « qu’il y a d’autres procédés pour retirer des couvertures placées<br />

par les détenus sur la grille que l’utilisation de la lance à incendie ».<br />

Ainsi la Commission ne peut que partager entièrement cette opinion et<br />

constater avec l’Inspection générale des services que « rien ne justifiait<br />

l’utilisation du réseau incendie armé ».<br />

La Commission estime que le premier surveillant T.J. a commis une deuxième<br />

faute professionnelle en donnant l’ordre d’utiliser la lance à incendie soit<br />

pour enlever une couverture, soit pour prévenir un incendie ou une menace<br />

d’incendie inexistants.<br />

Contrairement à ce qui a été affirmé par les surveillants G.A. et C.W., ce sont<br />

les cellules qui ont été entièrement arrosées par eux.<br />

Ainsi, alors que le surveillant G.A. a déclaré avoir seulement arrosé deux<br />

barquettes dans la cellule de M. TH., le CSP N’T. a constaté le lendemain que<br />

la literie était trempée, comme les affaires du détenu. Il est constant que les<br />

détenus H. et TH. sont restés toute la nuit dans des cellules complètement<br />

trempées, ce qui tend à rendre vraisemblables les paroles prêtées par le<br />

détenu TH. aux gardiens : « Vous n’allez pas dormir ».<br />

430


431<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

La Commission estime, compte tenu des déclarations des surveillants G.<br />

A. et C.W. et des constatations faites le lendemain dans les cellules, qu’il<br />

y a eu, de la part du premier surveillant et des deux surveillants, volonté<br />

d’humilier les détenus en les laissant le restant de la nuit dans des cellules<br />

rendues inhabitables par l’utilisation injustifiée d’une lance à incendie.<br />

L’intervention musclée de toute l’équipe de nuit dans la cellule du détenu M.<br />

ne semble pas avoir été justifiée. La Commission estime qu’une fois la<br />

couverture enlevée – ce qui a été fait immédiatement –, la grille aurait pu<br />

être refermée tout de suite, le détenu pouvant être maintenu dans sa cellule<br />

sans risque face à quatre personnes prêtes à intervenir.<br />

Il apparaît là encore que l’erreur d’appréciation faite par le premier surveillant<br />

constitue un manquement à la déontologie professionnelle sur l’usage de<br />

la contrainte. Cette opinion rejoint celle du directeur adjoint J-L.H., qui a<br />

expliqué les dérives révélées dans cette affaire par la présence d’un personnel<br />

inexpérimenté et « d’un premier surveillant qui n’a pas pris la pleine mesure<br />

des conséquences ». « Se sont ainsi créées, a-t-il déclaré à la Commission,<br />

des conditions de dérapages ».<br />

La Commission a également remarqué que le <strong>rapport</strong> du premier surveillant à<br />

ses supérieurs est incomplet et inexact. L’heure des constatations faites par<br />

les « rondiers » n’est pas précisée. Il prétend avoir été bousculé à l’ouverture<br />

de la cellule de M. M., alors qu’il a dit le contraire à l’Inspection. Il ne précise<br />

pas l’heure à laquelle il a informé le gradé d’astreinte, il n’indique pas que les<br />

cellules étaient mouillées et qu’il a laissé les détenus à l’intérieur. Ce premier<br />

<strong>rapport</strong> a d’ailleurs fait l’objet d’une demande d’explications complémentaires<br />

par le chef de détention J-P.H.<br />

La Commission estime qu’il conviendrait que les <strong>rapport</strong>s concernant des<br />

incidents de cette importance soient rédigés avec plus de précision, tant<br />

en ce qui concerne le déroulement des faits, que les conséquences de<br />

l’intervention.<br />

La Commission estime que les six surveillants ayant participé à l’intervention au<br />

quartier disciplinaire la nuit du 27 mai au 28 mai 2005 ont, par leur participation<br />

active ou par leur passivité, manqué au respect de la déontologie.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission s’étonne qu’un seul surveillant, le premier surveillant T.J.,<br />

ait fait l’objet d’une sanction disciplinaire (un blâme), et demande au garde<br />

des Sceaux la saisine des instances disciplinaires à l’encontre de l’équipe de<br />

surveillants concernée par les faits.<br />

La Commission demande que soient rappelées au personnel pénitentiaire<br />

les conditions d’intervention de nuit en se conformant notamment aux<br />

dispositions du Code de procédure pénale.<br />

La Commission demande que soient également précisées les conditions<br />

d’utilisation de la lance à incendie, dès l’instant où un membre d’encadrement<br />

du centre pénitentiaire de Liancourt a affirmé qu’ « il n’était pas interdit de<br />

l’utiliser pour enlever une couverture ».<br />

La Commission recommande qu’il soit rappelé que les comptes-rendus<br />

d’intervention soient précis et complets, tant en ce qui concerne le déroulement<br />

des faits, que leurs conséquences.<br />

La Commission demande qu’il soit rappelé que, quelle qu’en soit la cause,<br />

l’on ne peut laisser un détenu dans une situation dégradée susceptible<br />

de constituer une atteinte à la dignité humaine, sanctionnée par la Cour<br />

européenne des droits de l’Homme, et à la santé des détenus.<br />

432<br />

Adopté le 15 janvier 2007<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux.


Saisine n°2006-53<br />

433<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 14 juin 2006<br />

par Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, sénatrice de Paris<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 14<br />

juin 2006, par Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, sénatrice de Paris, des<br />

conditions du décès de M. O.T., survenu au quartier disciplinaire du centre<br />

pénitentiaire de Liancourt le 24 mars 2006. M. O.T. était libérable le 13 avril<br />

2006.<br />

La Commission a demandé le 15 juin 2006 une enquête de l’Inspection des<br />

services pénitentiaires, qui s’est effectuée le 25 juillet 2006.<br />

Elle s’est rendue au centre pénitentiaire de Liancourt le 28 et le 29 novembre<br />

2006. Elle a entendu M. M.A., détenu, auxiliaire d’étage au moment des<br />

faits. Elle a procédé aux auditions de M. B.G., commandant pénitentiaire,<br />

de M. J-P.H., chef de détention, de M. N’T., chef de service pénitentiaire<br />

(lieutenant), et des premiers surveillants MM. A.P., G.R. ,B.C., ainsi que de<br />

deux surveillants MM. M.C. et A.M. Elle a entendu M. H., directeur adjoint du<br />

centre pénitentiaire en charge de la maison d’arrêt et du quartier disciplinaire,<br />

ainsi que M. F.A., directeur du centre pénitentiaire de Liancourt.<br />

Elle a pris connaissance le 11 décembre 2006 de la procédure initiée le<br />

23 mars à l’encontre de M. O.T. par les surveillants A.M. et M.C., et de la<br />

procédure afférente au décès de M. O.T.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 23 mars 2006, vers 12h00, le surveillant A.M. procédait avec l’auxiliaire<br />

d’étage M.A. à la distribution des repas, en commençant par le fond de la


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

coursive. Selon ce surveillant, un détenu frappait contre sa porte depuis le<br />

début du service, et lorsqu’il était parvenu à la fin de la distribution au niveau<br />

de la première cellule, il avait su qu’il s’agissait de M. O.T.<br />

Lorsqu’il avait ouvert la porte, M. O.T. était sorti « d’un bond, comme une<br />

furie », et s’était adressé à lui en criant, à propos d’un problème de cantine,<br />

se plaignant que lui ait été facturé quelque chose qu’il n’avait pas reçu.<br />

L’auxiliaire d’étage, M. M.A., s’était mis entre eux deux. <strong>Le</strong> surveillant dit<br />

avoir tenté d’expliquer à M. O.T. qu’il n’y avait plus de chef à cette heure<br />

pour s’occuper de son problème, qu’il fallait attendre une heure ; le détenu<br />

s’avançait vers lui. <strong>Le</strong> surveillant dit avoir essayé, d’abord en élevant la voix,<br />

puis « en parlant moins fort que lui » de raisonner M. O.T., qui refusait de<br />

réintégrer sa cellule. Il avait actionné discrètement son alarme portative et<br />

demandé à l’auxiliaire d’étage de s’écarter, ce que ce dernier avait fait tout<br />

de suite. M. A.M. se préparait à refermer la porte lorsque M. O.T. avait reculé<br />

dans sa cellule, puis avait voulu ressortir. <strong>Le</strong> surveillant dit encore « avoir mis<br />

la main en avant », et que le détenu lui avait alors donné un coup de poing<br />

au plexus. La respiration coupée, le surveillant s’était avancé vers lui pour le<br />

ceinturer. Il a déclaré : « O.T. a vrillé sur lui-même et avec l’élan je suis passé<br />

par-dessus la table ; lui est tombé sur la table. Je me suis blessé au niveau<br />

des côtes sur la table et j’ai eu deux grosses bosses sur la tête car elle avait<br />

tapé le sol. Ca m’a sonné quelques secondes ».<br />

L’auxiliaire d’étage donne une version très différente des faits. Selon lui,<br />

M. O.T. était effectivement énervé car on ne lui avait pas apporté les produits<br />

qu’il avait cantinés, et il demandait à voir le chef. Mais le surveillant A.M.<br />

lui avait alors répondu : « Si tu ne rentres pas [dans la cellule], je vais te<br />

faire rentrer ». Selon lui, le surveillant A.M. était en colère, hors de lui et<br />

s’est précipité sur M. O.T. L’auxiliaire a ceinturé le surveillant puis, craignant<br />

que son geste soit mal interprété par le surveillant, il l’avait lâché et s’était<br />

interposé entre eux. Il avait parlé à M. O.T., lui disant : « Tu as trois enfants,<br />

tu sors dans trois semaines ! ». M. O.T. avait alors regardé le surveillant, et<br />

selon l’auxiliaire, s’apprêtait à rentrer dans sa cellule, lorsque le surveillant<br />

lui avait bondi dessus. <strong>Le</strong>s deux hommes étaient tombés ensemble. C’est<br />

M. O.T. qui avait chuté la tête contre la table : « C’était un choc très violent,<br />

je me suis dit : « Ça y est, il est mort » », <strong>rapport</strong>e l’auxiliaire. Puis il avait vu<br />

quelques minutes plus tard M. O.T. emmené par les surveillants accourus<br />

en renfort, soulevé par les bras menottés et par les jambes. Il relate que les<br />

autres détenus, qui avaient entendu l’intervention, ont commencé à frapper<br />

434


435<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

dans les portes. Plus tard dans la journée, ils avaient voulu manifester leur<br />

colère, « car O.T. était connu comme quelqu’un de gentil, qui ne posait pas<br />

de problèmes », selon l’auxiliaire, qui s’était efforcé de les calmer, ce qui<br />

avait été mal vécu par certains détenus.<br />

A la demande du premier surveillant Cr., l’auxiliaire d’étage avait essuyé le<br />

sang répandu par M. O.T. tout le long du parcours de la coursive et dans les<br />

escaliers, et dit être resté très choqué psychologiquement par ce qui s’est<br />

passé ce jour-là.<br />

C’est en se relevant de sa chute que le surveillant A.M. dit avoir vu son<br />

collègue M.C., arrivé le premier en renfort, qui maintenait M. O.T. à plat ventre<br />

sur le sol. Puis, relate-t-il : « Une masse était entrée, plusieurs surveillants ».<br />

Pendant le menottage du détenu, comme les surveillants se sont aperçus<br />

que ce dernier était blessé au bras, la menotte ne lui a pas été passée à<br />

l’autre main, selon ses déclarations.<br />

<strong>Le</strong> surveillant A.M. indique avoir aussitôt relaté ces faits au chef de service<br />

pénitentiaire M.Z.<br />

<strong>Le</strong> surveillant M.C., qui était en poste au troisième étage du même bâtiment,<br />

a confirmé être arrivé le premier sur les lieux, ayant entendu l’alarme. Il dit<br />

avoir trouvé son collègue A.M. debout devant l’entrée de la cellule ouverte,<br />

le détenu O.T. lui faisant face. Il a vu et entendu qu’il y avait un échange vif<br />

de paroles et que M. O.T. faisait de grands gestes. Selon lui, son collègue<br />

essayait « verbalement » de faire rentrer le détenu dans sa cellule. <strong>Le</strong> temps<br />

d’arriver à la cellule, son collègue était à terre, le détenu O.T. étant lui debout,<br />

sans que le surveillant M.C. ait pu voir quelle action avait pu mener à cette<br />

situation, semble-t-il. Il a voulu maîtriser le détenu, mais dans l’élan, ils sont<br />

tombés tous les deux. Il s’est alors retrouvé avec M. O.T. « tombé sur lui »<br />

qui se débattait. Très vite étaient arrivés derrière lui, le premier surveillant A.<br />

P. et le premier surveillant Cr. <strong>Le</strong> surveillant M.C. s’est aperçu qu’il s’était<br />

blessé à la main dans sa chute (un doigt fracturé).<br />

<strong>Le</strong> surveillant M.C. ne se souvient pas de la présence d’une autre personne<br />

sur la coursive. Il ne sait plus si l’auxiliaire d’étage qui procède à la distribution<br />

des repas était là à ce moment-là. Il ne se souvient pas d’un chariot des<br />

repas sur la coursive. Concernant son collègue A.M., le surveillant M.C. a<br />

précisé qu’il faisait partie de son équipe, qu’il était arrivé en même temps<br />

que lui à Liancourt : « C’est quelqu’un que je considère comme calme », a-til<br />

tenu à préciser à la Commission.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

<strong>Le</strong> commandant pénitentiaire B.G., qui se trouvait dans la nef sur le point<br />

de partir déjeuner avec d’autres personnels, a entendu l’alarme et vu alors<br />

beaucoup de personnels se rendre à l’étage concerné. Très vite, il a vu venir<br />

M. O.T. tenu par des surveillants, et semblant être dirigé vers le quartier<br />

disciplinaire. Constatant que ce détenu était blessé, il est intervenu pour<br />

que M. O.T. soit conduit immédiatement à l’Unité de consultation et de soins<br />

ambulatoires (UCSA).<br />

<strong>Le</strong> directeur adjoint, M. H., ayant la responsabilité du quartier disciplinaire<br />

et du quartier d’isolement, a été informé de la conduite du détenu à l’UCSA<br />

dans le cadre de faits disciplinaires. Selon lui, c’est un premier surveillant<br />

– il ignore lequel – qui a dû prendre la décision de la mise en prévention du<br />

détenu O.T.<br />

M. H. a vu M. O.T. à l’UCSA, où il attendait son extraction pour le centre<br />

hospitalier de Creil. Il a refusé que M. O.T. soit mis en cellule disciplinaire<br />

pendant cette période et l’a fait placer dans une cellule d’attente sous<br />

surveillance constante d’un personnel. Il dit ne pas avoir été avisé du retour<br />

de l’hôpital du détenu et de son placement au QD.<br />

<strong>Le</strong> 23 mars, à 16h10, les surveillants A.M. et M.C. ont porté plainte contre<br />

M. O.T. auprès de la gendarmerie de Clermont pour violences volontaires sur<br />

personne dépositaire de l’autorité publique n’excédant pas huit jours et pour<br />

rébellion. <strong>Le</strong> premier ayant un certificat médical relevant : « Douleur minime<br />

du coude gauche avec plaie superficielle à la nuque suite à une griffure »<br />

fixant à trois jours d’ITT, le deuxième un certificat médical mentionnant :<br />

« Douleur post-traumatique de la face dorsale de la main droite avec fracture<br />

fissure de la tête du 5 ème métacarpien droit non déplacée », fixant l’ITT à<br />

sept jours. <strong>Le</strong> 24 mars, le substitut du procureur a demandé l’extraction du<br />

détenu O.T. afin de le placer en garde à vue pour son audition.<br />

<strong>Le</strong> détenu O.T. est rentré de l’hôpital de Creil le 23 mars vers 15h40 et a été<br />

placé en cellule disciplinaire vers 16h00.<br />

M. G.R., premier surveillant, en poste fixe au QD et responsable du QD, a<br />

été chargé de l’enquête en vue de la comparution de M. O.T. à la commission<br />

de discipline fixée le 27 mars (la procédure limite à 48 heures la mise en<br />

prévention). C’est lui qui a recueilli les déclarations du détenu. M. O.T. a nié<br />

avoir agressé le surveillant A.M., disant « être tombé sur lui » dans sa chute ;<br />

« les autres surveillants sont arrivés », « ils m’ont attrapé et j’ai cogné mon<br />

bras sur la table », sont les propos du détenu reportés sur le dossier destiné<br />

436


437<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

à la commission de discipline. M. O.T. a indiqué les coordonnées d’un avocat<br />

pour être assisté le 27 mars.<br />

M. O.T a pris connaissance à son retour de l’hôpital des faits graves qui lui<br />

étaient reprochés, des violences physiques à l’encontre d’un membre du<br />

personnel (faute du 1 er degré aux termes de l’article D.249-1 du Code de<br />

procédure pénale).<br />

Selon M. G.R., le détenu était calme lors de cet échange. Selon lui, il n’a posé<br />

aucune question sur les sanctions encourues pour sa faute disciplinaire. Il ne<br />

lui pas été dit qu’il encourait 45 jours de QD, selon M. G.R., ce qui remettait<br />

en cause sa sortie de prison prévue le 13 avril. Selon M. G.R., le surveillant J.<br />

Ta., en poste au QD, a avisé l’UCSA du retour de M. O.T. de l’hôpital et de<br />

sa présence au QD.<br />

Il ressort de la procédure conduite par la gendarmerie qui a notamment<br />

entendu les surveillants affectés au QD les 23 et 24 mars 2006, que M. O.T.<br />

a reçu son traitement médical – des antibiotiques – des surveillants, transmis<br />

par une infirmière de l’UCSA, et ses affaires personnelles le 23 mars, avant<br />

la distribution du repas du soir. Il est déclaré que le détenu a refusé de<br />

s’alimenter le 23 mars au soir. <strong>Le</strong> surveillant P.B. lui avait alors demandé de<br />

faire un courrier au directeur pour préciser les motifs de sa grève de la faim.<br />

<strong>Le</strong> soir même, M. O.T. a rédigé un courrier transmis par ce surveillant « à<br />

la hiérarchie ». Ce même surveillant a déclaré avoir rempli les formulaires<br />

prévus en cas de grève de la faim et les avoir remis dans la boîte aux lettres<br />

de l’UCSA, ainsi qu’au chef de poste. Aucun incident particulier n’avait été<br />

relevé lors des rondes.<br />

<strong>Le</strong> premier surveillant G.R. a déclaré à la Commission que le détenu avait<br />

refusé « l’eau chaude » pour le petit déjeuner le 24 au matin, ainsi que le<br />

repas de midi, servi à 11h30. Il avait refusé la promenade. Selon ce gradé, le<br />

détenu n’a pas demandé à voir un médecin le 23 mars après son retour de<br />

l’hôpital, ni le 24 mars au matin.<br />

Selon celui-ci, c’est à 12h55 qu’un surveillant est saisi d’une demande de<br />

M. O.T. de voir le médecin, puis une nouvelle fois à 13h55. Vers 14h00,<br />

revenant de déjeuner, le premier surveillant G.R. a relaté qu’étant sur le<br />

point de boire un café avec le premier surveillant B.C., gradé du bâtiment C<br />

venu au quartier disciplinaire, il avait été informé par un de ses agents de<br />

la demande de M. O.T. de la visite du médecin et de l’arrivée imminente du<br />

docteur D., ce qui « sans doute a été transmis par interphone au détenu »,<br />

selon lui.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Questionné sur le comportement de M. O.T. le 23 et le 24 mars au QD, le<br />

premier surveillant G.R. a répondu que ce dont il se souvenait concernant<br />

M. O.T., c’était qu’il se plaignait d’avoir mal au bras, et que son traitement<br />

lui avait été donné dès son retour de l’hôpital. Il a précisé que ne lui avait<br />

été transmis aucun élément sur une éventuelle fragilité psychologique de ce<br />

détenu.<br />

Dans la procédure examinée par la Commission, figure l’examen de<br />

l’enregistrement vidéo par la caméra située dans le couloir du QD pour la<br />

journée du 24 mars de 7h00 à 15h01. Il ressort que de 8h19 à 13h53, le détenu<br />

a actionné six fois l’interphone de sa cellule pour parler aux surveillants – le<br />

voyant rouge s’étant allumé et éteint quand un surveillant avait répondu–. Il<br />

a eu des contacts directs avec un personnel de surveillance lors des rondes<br />

ou de la distribution du repas, et le dernier contact direct a eu lieu à 13h01.<br />

Puis le détenu a actionné l’interphone à 13h42 et a reçu une réponse d’un<br />

surveillant à 13h49. Il a rappelé à 13h53, et on lui a répondu à 13h54. <strong>Le</strong> Dr D.<br />

s’est présenté pour la visite des détenus du QD avec une infirmière et des<br />

personnels de surveillance. L’enregistrement de la caméra vidéo établit que<br />

la cellule de M. O.T. a été ouverte à 14h12 ; il montre la présence de M. B.<br />

C., premier surveillant, gradé du bâtiment C, de M. Y.L., premier surveillant<br />

responsable de permanence au QD, et du Dr D. Il n’y a pas de mention d’une<br />

présence du premier surveillant G.R.<br />

<strong>Le</strong> Dr D. avait mentionné aux enquêteurs le 24 mars la présence à l’ouverture<br />

de la cellule du premier surveillant B.C. et du surveillant J.C.<br />

<strong>Le</strong> surveillant V.C., en poste en début d’après-midi, a indiqué à l’Inspection<br />

que M. O.T., vers 13h00, lui avait demandé si le médecin devait passer car<br />

il disait ne pas avoir reçu son traitement. Celui-ci lui avait alors confirmé<br />

le passage prévu du médecin mais non l’heure précise, dont il l’informerait<br />

après contact avec l’UCSA. L’UCSA lui ayant confirmé que le Dr D. passerait<br />

vers 14h00, le surveillant avait transmis cette information concernant l’heure<br />

de passage à M. O.T. lorsque vers 13h55, le détenu l’avait encore questionné<br />

à ce sujet.<br />

Vers 14h05 selon les éléments transmis à l’Inspection par les personnels<br />

présents – 14h12 selon l’enregistrement de la caméra vidéo –, le Dr D.,<br />

accompagné d’une infirmière et des surveillants, a découvert à l’ouverture<br />

de sa cellule le détenu, à genoux, pendu à la grille avec son drap. <strong>Le</strong> Dr D.<br />

et le gradé B.C., qui est lieutenant pompier volontaire, ont tenté de le<br />

438


439<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

réanimer en pratiquant le bouche-à-bouche et des massages cardiaques. Du<br />

matériel de secours était aussitôt apporté de l’UCSA. <strong>Le</strong>s sapeurs pompiers<br />

intervenaient vers 14h35, puis le SMUR vers 14h40. M. O.T. était déclaré<br />

décédé à 14h55.<br />

Lors des premières constatations effectuées par les enquêteurs de la<br />

gendarmerie nationale, une inscription au crayon de papier était relevée sur<br />

un pan de mur : « J’ai assez subit des magouille de la justice. J’ai appelé<br />

plain de fois en vain ».<br />

<strong>Le</strong>s auditions du personnel médical de l’UCSA.<br />

<strong>Le</strong> Dr D. a exposé à la Commission qu’il n’y a pas d’heure fixe pour son<br />

passage le vendredi au QD et QI.<br />

Selon ses déclarations, le vendredi 24 mars, avant son arrivée au QD pour<br />

la visite réglementaire, il ne lui a pas été transmis que le détenu O.T. aurait<br />

demandé à voir un médecin : « Rien ne m’a été dit concernant ce détenu et<br />

sa demande de voir un médecin, ce n’est pas pour O.T. spécialement que<br />

je venais au QD », a-t-il déclaré. Il n‘a pas été non plus informé que M. O.<br />

T. avait commencé la veille une grève de la faim. Il a exposé : « Dès qu’il y<br />

a une grève de la faim d’un détenu placé au QD, nous nous déplaçons tout<br />

de suite ».<br />

<strong>Le</strong> Dr B. est le médecin qui est présent à temps complet à la prison de<br />

Liancourt. C’est lui qui a examiné M. O.T. le 23 mars après l’intervention des<br />

surveillants et qui, après examen, a décidé de l’extraire vers les urgences de<br />

l’hôpital de Creil. Il expose que toutes les extractions sont évaluées dans les<br />

24 heures qui suivent, « généralement, le patient est revu le lendemain »,<br />

précise-t-il.<br />

<strong>Le</strong> Dr B. n’a pas revu M. O.T. à son retour de l’hôpital le 23 mars, mais il a<br />

pris connaissance de la fiche médicale établie par son collègue de l’hôpital.<br />

Il a validé la prescription médicamenteuse et a constaté « qu’il n’y avait pas<br />

de souci majeur et qu’il serait de toute façon revu le lendemain ». Il ignore<br />

si M. O.T. a reçu les médicaments le 23 mars de l’infirmière ou s’ils ont été<br />

montés par le monte-charge et donnés à M. O.T. par un surveillant. Présent<br />

le 23 mars en fin de journée très tard à la prison, jusque vers 19h30, et<br />

d’astreinte la nuit du 23 au 24 mars, il n’a pas été informé que M. O.T. avait<br />

refusé ses repas. Aucune demande particulière de médecin qui aurait été faite


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

par M. O.T. ne lui a été transmise le 23 et le 24 dans la matinée. Il a exposé :<br />

« Si nous avions su à l’UCSA qu’un détenu du QD faisait une grève de la faim<br />

et demandait à voir un médecin, nous nous serions immédiatement rendus<br />

sur place. Il faut savoir que 70 à 80 % des passages à l’acte suicidaires<br />

interviennent lors de la première nuit du placement au QD ». Il a indiqué qu’il<br />

prenait connaissance de cet élément de grève de la faim concernant M O.T.<br />

lors de son audition à la Commission le 19 décembre 2006.<br />

<strong>Le</strong> Dr Bo. se trouvait le 24 mars au matin à une réunion au mess avec<br />

notamment deux cadres de l’UCSA, le directeur M. F.A., et Mme S., médecin<br />

psychiatre. En vue de son audition à la Commission, elle dit s’être fait<br />

repréciser par le cadre infirmier, Mme M., les échanges téléphoniques entre<br />

le QD et l’UCSA ayant eu lieu le 24 mars. Selon ce recueil d’éléments, il y a<br />

eu un appel dans la matinée venant du QD et un autre en début d’après-midi,<br />

où il était dit que M. O.T. menaçait de se suicider. Elle n’a pas été informée<br />

que ce détenu avait refusé ses repas depuis son placement au QD.<br />

<strong>Le</strong> Dr S., psychiatre, chef de service de la fédération des soins aux détenus<br />

et qui a la responsabilité de tous les établissements pénitentiaires de l’Oise,<br />

a indiqué qu’elle savait qu’une psychologue suivait M. O.T. Aussi, apprenant<br />

qu’une intervention le concernant s’était mal passée, elle avait téléphoné le<br />

24 mars à l’infirmier de la fédération des soins aux détenus pour lui demander<br />

s’il fallait qu’elle monte voir M. O.T. Elle se trouvait alors à la même réunion<br />

que le Dr Bo au mess. L’infirmier a appelé le QD et a eu un personnel de<br />

surveillance, le premier surveillant lui semble-t-il, qui lui a répondu qu’« il<br />

n’y avait pas de problème », que « ce n’était pas la peine [qu’elle] monte ».<br />

Apprenant en début d’après-midi le suicide du détenu, le Dr S. avait rappelé<br />

M. G.R., le premier surveillant en poste au QD, qui lui avait répondu que<br />

« chaque fois que le détenu avait demandé à voir un médecin, il avait pu<br />

en voir un, et que toutes les choses avaient été faites, que M. O.T. n’avait<br />

pas demandé à [la] voir ». <strong>Le</strong> Dr S. dit ne pas comprendre qu’on ne l’ait pas<br />

alertée pour M. O.T., alors qu’habituellement, dès qu’il y avait un problème<br />

au QD, on l’appelait.<br />

440


AVIS<br />

Sur l’incident du 23 mars 2006<br />

441<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

La Commission constate que l’auxiliaire d’étage qui était présent aux côtés<br />

du surveillant A.M. pour la distribution des repas le 23 mars fait un récit très<br />

différent de celui de ce surveillant concernant l’incident qui a opposé ce<br />

dernier au détenu O.T.<br />

Elle a retiré de l’audition de ce jeune détenu le contexte préoccupant de tension<br />

pesant particulièrement sur lui depuis les faits et lié à sa situation fortuite de<br />

témoin ; tension qui s’exprime à son égard tant du côté des détenus que de<br />

la part de certains surveillants : les premiers l’accusant d’être un traître pour<br />

avoir tenté de calmer la détention le jour de l’intervention des surveillants, les<br />

seconds ayant depuis deux mois complètement changé de comportement à<br />

son égard, lui reprochant de « n’être plus aussi gentil qu’avant ».<br />

Malgré cette pression, le détenu M.A., auxiliaire d’étage ce jour-là, est<br />

catégorique sur le fait que M. O.T. n’a porté aucun coup au surveillant A.<br />

M., et que le surveillant A.M. a perdu son sang froid. Il a précisé : « C’est<br />

un surveillant qui ne parle pas du tout aux détenus, il ne les supporte pas,<br />

surtout les détenus de couleur. Il agit tout de suite violemment ». Selon ses<br />

déclarations, c’est le surveillant A.M. qui a bondi sur le détenu alors que ce<br />

dernier voulait réintégrer sa cellule, l’entraînant au sol dans son action.<br />

<strong>Le</strong>s blessures de M. O.T., à l’avant-bras, ayant heurté le bord de la table, et<br />

sur le front, semble-t-il, sont compatibles avec une chute en avant, causée<br />

par l’action du surveillant A.M.<br />

La Commission relève par ailleurs que les déclarations des deux surveillants A.<br />

M. et M.C. sont à la fois divergentes et incohérentes concernant l’emplacement<br />

et les actions des uns et des autres. En effet, le surveillant A.M. affirme avoir<br />

voulu maîtriser le détenu et être tombé « dans l’élan » avec lui au sol. M. M.<br />

C. affirme que trouvant son collègue au sol, c’est lui qui, voulant maîtriser<br />

M. O.T., « dans l’élan », est tombé avec le détenu, et s’est retrouvé avec le<br />

détenu sur lui au moment où ses collègues arrivaient. La Commission a par<br />

ailleurs relevé que le surveillant M.C., lors de son dépôt de plainte contre<br />

le détenu à la gendarmerie le 23 mars après-midi, faisait un autre récit des<br />

faits, affirmant que M. O.T. s’était jeté sur lui.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Quant au premier surveillant A.P. qui est intervenu avec ses collègues en<br />

renfort et qui a pris la décision de mise en prévention du détenu O.T., il<br />

relate dans un <strong>rapport</strong> fait ultérieurement à la direction de l’établissement<br />

qu’il avait trouvé à son arrivée le détenu O.T. sur le surveillant A.M., version<br />

invraisemblable au vu de la situation relatée par le surveillant M.C., arrivé le<br />

premier sur les lieux.<br />

En conclusion, ces variations dans les récits des faits par certains des<br />

surveillants intervenants, importantes, décisives quant à l’établissement de<br />

la faute disciplinaire imputée à M. O.T., sont sujettes à caution et tendent<br />

fortement à accréditer le récit du témoin, l’auxiliaire d’étage M.A.<br />

La Commission constate de plus que les blessures relevées par les certificats<br />

médicaux des deux surveillants (une griffure au cou pour M. A.M. et une<br />

fracture légère d’un doigt pour M. M.C.) semblent peu en <strong>rapport</strong> avec les<br />

actions décrites lors de l’intervention et indûment imputées à M. O.T.<br />

La blessure de M. O.T. témoigne d’une action à son encontre qui l’a fait<br />

chuter contre la table et lui a causé une plaie assez profonde à l’avant-bras.<br />

Il est difficile de se prononcer concernant les deux bosses au front relevées<br />

par la famille sur le corps du défunt et évoquées lors de l’audition du Dr B.<br />

par l’Inspection. Bien que disant qu’il n’avait pas remarqué l’existence de<br />

bosses pendant l’examen initial tout de suite après l’intervention, le Dr B. a<br />

confirmé que « ces deux bosses au front pouvaient être consécutives à la<br />

chute du détenu sur la table puis au sol, et que ces dernières auraient pu<br />

apparaître ultérieurement ». Cependant, la Commission n’a retrouvé aucune<br />

mention de ces traces sur le front de M. O.T dans les éléments relevés par<br />

les enquêteurs ayant fait les premières constatations dans la cellule, pas<br />

plus que dans le <strong>rapport</strong> d’autopsie. La Commission n’a pas retrouvé dans<br />

la procédure de pièce comportant des éléments médicaux éventuellement<br />

relevés par le centre hospitalier de Creil.<br />

<strong>Le</strong>s premières constatations faites le 24 mars après-midi par les enquêteurs<br />

et le <strong>rapport</strong> d’autopsie médico-légale relèvent sur M. O.T. « l’absence<br />

d’autres traces de lésions de violence ou de lutte » autre que celle de la<br />

plaie suturée au poignet et les traces compatibles avec la pendaison. <strong>Le</strong>s<br />

experts concluent à « une mort consécutive à une asphyxie mécanique par<br />

suffocation ».<br />

442


Sur les conditions du décès de M. O.T.<br />

443<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

La Commission constate que le détenu O.T., blessé lors d’une intervention de<br />

surveillants, conduit à l’hôpital pour une blessure ayant nécessité des points<br />

de suture, a été placé en cellule disciplinaire dès son retour de l’hôpital.<br />

Alors même qu’il manifeste du 23 mars après-midi au 24 mars 13h55 tous les<br />

signes d’une détresse morale et psychologique, se plaignant d’avoir mal à<br />

son bras blessé, ne s’alimentant plus, refusant aux surveillants tous ses repas<br />

et la sortie en promenade, et demandant, à plusieurs reprises semble-t-il, à<br />

voir un médecin, aucun de ces signes d’alarme n’est pris en compte par les<br />

surveillants, pas plus que par le gradé en poste fixe au quartier disciplinaire.<br />

Tous ces éléments préoccupants ne sont pas transmis au personnel médical<br />

de l’UCSA.<br />

La Commission constate par ailleurs qu’il n’a pas été trouvé de trace dans<br />

les analyses toxicologiques du traitement antibiotique que les surveillants<br />

affirment avoir donné au détenu.<br />

Plus grave, la Commission estime au vu des auditions et de ses investigations<br />

qu’il est fortement probable que c’est délibérément que les professionnels de<br />

santé et la direction, à même d’évaluer la situation et de sortir ce détenu en<br />

détresse du QD, ont été tenus à l’écart.<br />

Il est inquiétant, inacceptable, qu’un courrier rédigé par M. O.T. et remis le 23<br />

mars par un surveillant du QD « à la hiérarchie », pour peu qu’elle ait trouvé<br />

un destinataire gradé, n’ait pas suscité de réaction.<br />

<strong>Le</strong> directeur de l’établissement M. F.A., questionné sur ce point, a indiqué<br />

avoir eu connaissance de ce courrier adressé à la direction bien après le<br />

décès de M. O.T. Dans ce courrier, M. O.T. demandait à rencontrer une<br />

personne de la direction, disait qu’il était innocent, qu’il n’avait rien fait. <strong>Le</strong><br />

directeur, M. F.A. a fait part à la Commission qu’il pensait que « si Mme D.,<br />

personnel de direction de permanence, ou M. H., directeur adjoint présent le<br />

23 mars et le 24 mars, avaient connu cette demande, ils seraient allés voir<br />

immédiatement le détenu ».<br />

Des auditions et de ses investigations, la Commission retire que le détenu O.<br />

T. n’a pas bénéficié de l’assistance que requérait l’état de danger manifeste<br />

dans lequel il se trouvait.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Par ailleurs, l’état des lieux institutionnels de Liancourt, mis en relief<br />

lors des auditions et des investigations de la Commission, révèle des<br />

dysfonctionnements graves, anciens, dus principalement aux positionnements<br />

inadaptés et aux carences de certains membres de l’encadrement, de certains<br />

gradés, et ne peuvent que donner un éclairage particulier aux manquements<br />

à la déontologie concernant le détenu O.T.<br />

Si les raisons du suicide de M. O.T. demeurent inexplicables, la Commission<br />

estime que ce détenu n’a pas bénéficié de l’attention minimum que le respect<br />

des règles et des valeurs lui aurait assurée.<br />

La Commission ne peut que s’interroger sur la présence et le rôle auprès<br />

du premier surveillant G.R., responsable du QD, du premier surveillant B.C.,<br />

mentionné comme l’un des intervenants gradés de l’intervention sur M. O.<br />

T. le 23 mars avec son collègue M. M.Cx. dans le <strong>rapport</strong> de signalement de<br />

l’agression des deux surveillants par M. O.T. au procureur de la République<br />

adjoint près le tribunal de grande instance de Beauvais.<br />

Des éléments portés à la connaissance de la Commission dans les<br />

autres dossiers dont elle a été saisie à Liancourt et de ceux apportés<br />

par les témoignages anonymes faits auprès d’elle par deux surveillants<br />

de l’établissement, il ressort que le premier surveillant B.C. porte une<br />

responsabilité particulière dans l’instauration, dès l’ouverture du nouvel<br />

établissement, d’un véritable climat de peur et de représailles, brimades,<br />

provocations et humiliations, exercées sur des détenus. Ce premier<br />

surveillant, qui « venait régulièrement au QD lorsqu’il estimait que la mise<br />

en prévention d’un détenu n’avait pas été assez violente » et participait aux<br />

violences, semble avoir exercé un pouvoir illégitime, arbitraire, de par la<br />

passivité, si ce n’est la complaisance, du directeur adjoint M. H., et a eu une<br />

influence désastreuse sur certains jeunes surveillants sortant d’école.<br />

Cependant, la Commission tient à souligner qu’elle retire de toutes les<br />

auditions, des témoignages de surveillants, et principalement de ceux de tous<br />

les détenus qu’elle a entendus à Liancourt, que les agissements contraires<br />

aux règles et aux valeurs sont le fait d’une minorité, et que la majorité des<br />

surveillants de Liancourt se comportent « correctement et humainement »<br />

avec les détenus.<br />

444


RECOMMANDATIONS<br />

Cet avis sera adressé au procureur de la République.<br />

445<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Il appartient au garde des Sceaux d’évaluer de façon urgente les<br />

responsabilités des uns et des autres, notamment au niveau de l’équipe<br />

d’encadrement, et de saisir les instances disciplinaires.<br />

La Commission demande au garde des Sceaux de veiller à ce que<br />

l’administration pénitentiaire prenne les mesures adéquates pour assurer la<br />

sécurité des détenus qui ont été amenés, par son témoignage, à mettre en<br />

cause des surveillants de Liancourt.<br />

Adopté le 15 janvier 2007<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux.<br />

Conformément à l’article 8 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

cet avis au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de<br />

Beauvais, dont la réponse a été la suivante :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

446


Saisine n°2006-60<br />

447<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS & RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 22 juin 2006<br />

par Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, sénatrice de Paris<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 22<br />

juin 2006, par Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, sénatrice de Paris, des<br />

violences qu’aurait subies M. S.P., détenu au centre pénitentiaire de Liancourt,<br />

le 10 juin 2006, avant d’être placé en prévention au quartier disciplinaire, où<br />

il aurait tenté de se suicider le 14 juin vers 21h00.<br />

Dès le 26 juin 2006, le président de la Commission a sollicité une enquête de<br />

l’Inspection générale des services pénitentiaires, laquelle a été effectuée le<br />

24 juillet 2006.<br />

La Commission a auditionné M. S.P. à Liancourt, ainsi que M. B.G.,<br />

commandant pénitentiaire, et le Dr B.B., médecin à l’UCSA du centre<br />

pénitentiaire de Liancourt.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 10 juin 2006, vers 9h00, M. S.P. a mis un drapeau à la porte de sa cellule<br />

pour demander un balai. Il lui a été répondu qu’il n’y en avait pas. M. S.P.<br />

reconnaît avoir injurié le surveillant E.P., qui a décidé de faire un <strong>rapport</strong><br />

d’incident.<br />

A midi, au moment des repas, M. S.P. a renouvelé sa demande de balai. La<br />

réponse fut à nouveau négative. M. S.P. a déclaré à la Commission : « Je<br />

me suis énervé, je l’ai insulté, il m’a poussé, je l’ai poussé. Il m’a repoussé<br />

sur le lit. Il m’a mis des claques. Je lui ai donné des coups. Il a appelé ses<br />

collègues au talkie-walkie ».<br />

M. S.P. a été maîtrisé, menotté, et mis en prévention au quartier disciplinaire.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Il prétend avoir reçu des coups. Il a reçu le même jour la visite du médecin<br />

généraliste, le Dr B.B.<br />

Ce dernier a précisé à la Commission : « M. S.P. ne m’a rien dit ce jour-là<br />

[10 juin vers 16h00] concernant l’incident. Il m’en a parlé bien plus tard,<br />

disant qu’il n’avait pas demandé de certificat car il n’y avait pas de trace de<br />

lésions ».<br />

M. S.P. a indiqué à la Commission qu’il avait fait une tentative de suicide le<br />

14 juin, et qu’il avait été placé au quartier « arrivant » pendant quatre jours. Il<br />

n’a donné aucune raison à sa tentative, tout en indiquant qu’il n’avait jamais<br />

été reçu par le directeur, même après sa deuxième tentative de suicide en<br />

juillet 2006.<br />

<strong>Le</strong> directeur du centre pénitentiaire M. F.A., a indiqué à la Commission que<br />

c’est lui qui a pris la décision de sortir M. S.P. du quartier disciplinaire, car il<br />

craignait « un passage à l’acte, qui a eu lieu d’ailleurs quelques temps plus<br />

tard ».<br />

<strong>Le</strong> personnel a contesté toutes violences inutiles. <strong>Le</strong> premier surveillant W.<br />

L., tout en reconnaissant que la maîtrise avait été assez difficile, a affirmé<br />

à l’Inspection des services pénitentiaires qu’aucune gifle ou coup de poing<br />

n’avait été donné, et que les surveillants n’ont utilisé que la force strictement<br />

nécessaire.<br />

Cependant, la Commission relève que les autres surveillants qui sont<br />

intervenus sur M. S.P. lorsque l’alarme API a été actionnée n’ont pas été<br />

entendus par les inspecteurs, ce qui est regrettable.<br />

AVIS<br />

Si M. S.P. ne peut apporter la preuve des coups qu’il a reçus, et dont il s’est<br />

plaint dès le 13 juin 2006 en saisissant la sénatrice de Paris, les témoignages<br />

recueillis à l’occasion des différentes saisines de la Commission concernant le<br />

centre pénitentiaire de Liancourt soulèvent la question du mode d’intervention<br />

de surveillants, arrivant en nombre, et faisant preuve de peu de discernement<br />

lorsque l’alarme API a été actionnée.<br />

La saisine de la sénatrice de Paris au nom de M. S.P. doit être replacée dans<br />

448


449<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

le contexte général des saisines relatives au centre pénitentiaire de Liancourt.<br />

Dans ce contexte, il apparaît récurrent que des problèmes mineurs soulevés<br />

par des détenus (demande d’un balai pour nettoyer la cellule, contestation<br />

d’un compte de cantine) provoquent des incidents, conduisant aussitôt à des<br />

mises en prévention qui s’accompagnent de brutalités.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

Compte tenu des différentes saisines qu’elle a reçues et qui font chacune<br />

l’objet d’un avis particulier, la Commission souhaite qu’un rappel général<br />

au respect de la déontologie soit fait au personnel pénitentiaire du CP de<br />

Liancourt.<br />

Adopté le 15 janvier 2007<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2006-89<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 12 septembre 2006,<br />

par Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, sénatrice de Paris<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 12<br />

septembre 2006, par Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, sénatrice de<br />

Paris, des violences exercées sur le détenu D.Z., le24 août 2006, à la prison<br />

de Liancourt.<br />

<strong>Le</strong> 12 septembre 2006, la Commission a demandé une enquête de l’Inspection<br />

des services pénitentiaires, qui a été effectuée en octobre 2006. La Commission<br />

a pris connaissance des conclusions de l’Inspection.<br />

La Commission a entendu M. D.Z., qui était sorti de prison. Elle s’est rendue<br />

à la prison de Liancourt les 28 et 29 novembre 2006. Elle a procédé aux<br />

auditions du directeur du centre pénitentiaire M. F.A., du directeur adjoint<br />

M. H. , M. J-P.H., capitaine, chef de détention, de M. B.G., commandant<br />

pénitentiaire, de M. B.C., premier surveillant, de M. A.P., premier surveillant,<br />

des surveillants MM. T.C., J-F.C., et G.M. Elle a recueilli les observations du<br />

Dr Bo. de l’UCSA.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 24 août 2006, le détenu D.Z., incarcéré à la maison d’arrêt de Liancourt<br />

depuis janvier 2006, suivi par l’UCSA et le SMPR pour son traitement par<br />

méthadone, sort d’un rendez-vous avec le psychiatre et demande à un<br />

surveillant où se trouve l’infirmier qui doit lui remettre ses médicaments. Il lui<br />

est répondu de s’adresser au surveillant de son bâtiment.<br />

M. D.Z. regagne alors son bâtiment et interroge à nouveau un surveillant<br />

450


451<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

du rez-de-chaussée. M. J-M.T., le surveillant, « énervé » selon le détenu, lui<br />

répond de « dégager » au troisième, où se trouve sa cellule. M. D.Z., après<br />

lui avoir dit : « Je vous demande juste où est l’infirmier », s’éloigne, lorsque<br />

M. J-M.T. le rappelle et l’interpelle sur ce qu’il a marmonné. M. D.Z., exposant<br />

que ce surveillant est connu pour son agressivité et son manque de respect<br />

envers les détenus, dit ne pas avoir insisté et avoir gagné son étage. Presque<br />

aussitôt, le surveillant d’étage vient lui dire : « Fais ton paquetage ! », sans<br />

aucune explication. M. D.Z. comprend qu’on va le changer de cellule, qu’il<br />

s’agit d’une sanction, pense que le surveillant J-M.T. s’est plaint de lui.<br />

Angoissé, M. D.Z. explique : « J’ai pensé qu’ils allaient monter, que j’allais<br />

tout perdre, c’est-à-dire les bénéfices de mon bon comportement, du suivi de<br />

mes traitements, et de toutes les demandes de permission que je venais de<br />

faire pour l’anniversaire de mon fils et pour le mien en famille ».<br />

<strong>Le</strong> surveillant d’étage, M. P.P., revient à l‘heure de distribution des repas<br />

pour l’emmener, et M. D.Z. lui dit qu’il ne veut pas partir, qu’il veut voir le<br />

chef pour savoir pourquoi on le change de cellule. M. D.Z. menace alors de<br />

s’ouvrir la gorge avec un morceau de lame de rasoir qu’il tient contre son<br />

cou. Selon ses déclarations, il se tenait au fond de la cellule avec la lame,<br />

pour « qu’ils voient bien que je n’avais rien contre eux, que je voulais me<br />

blesser moi-même ».<br />

<strong>Le</strong> surveillant P.P. revient avec une collègue, Mme S.D., qui entreprend alors<br />

de discuter avec lui. M. D.Z. relate qu’un surveillant a surgi soudain dans<br />

la cellule. Il s’agissait du surveillant qui s’était énervé après lui au rez-dechaussée.<br />

M. J-M.T. a foncé sur lui, lui a fait une clé de bras en criant :<br />

« Maintenant tu ne vas pas continuer à me faire chier », et l’a sorti sur la<br />

coursive. Il a ajouté : « Tu vas voir ta gueule ! ». M. D.Z. dit avoir pu se<br />

dégager en retirant son bras, et ce surveillant a alors crié : « Rébellion !<br />

Rébellion ! ». <strong>Le</strong> surveillant d’étage P.P. a conseillé au détenu de s’allonger<br />

sur le sol, qu’ainsi « tout se passerait bien ». « Ce surveillant gardait son<br />

calme, je l’ai écouté », a relaté M. D.Z. <strong>Le</strong> détenu s’est allongé sur le sol et<br />

n’a plus bougé. M. P.P. a mis son genou sur son dos et ils ont attendu les<br />

renforts.<br />

Au moins une dizaine de surveillants sont arrivés. M. P.P. leur a dit : « C’est<br />

bon, je le maîtrise », mais les surveillants sont intervenus sur lui. On lui a<br />

tordu les bras, on lui a écrasé la tête sur le sol avec la chaussure. « Deux<br />

surveillants qui sont très lourds, costauds, pesaient de tout leur poids sur


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

moi ». Il a reçu des coups sans pouvoir voir qui le frappait, son visage étant<br />

appuyé contre le sol. Comme un surveillant l’étranglait, M. D.Z., essayait de<br />

crier, mais étouffait. Il dit avoir été menotté, soulevé puis à moitié traîné par<br />

terre, tandis qu’il continuait à recevoir des coups.<br />

Descendu vers le quartier disciplinaire, il relate qu’un surveillant dans les<br />

escaliers, « grand, costaud, presque chauve, entre 35 ans et 45 ans », a<br />

dit : « J’adore sentir le sang, moi je suis comme les requins, j’adore ça ».<br />

M. D.Z. a essayé de tourner la tête vers lui et a reçu alors de ce surveillant<br />

deux violents coups de coude au visage qui lui ont ouvert la pommette et les<br />

lèvres. Il dit avoir été encore traîné par terre à l’extérieur, sous la pluie, en<br />

ayant perdu ses chaussures.<br />

Arrivé au QD, il a été déshabillé sans qu’on lui ait retiré les menottes. On lui a<br />

dit : « Mets-toi en face de nous ». M. D.Z. relate qu’il est resté « comme ça, nu,<br />

tremblant ». Un gradé d’un certain âge est alors intervenu en demandant aux<br />

surveillants de s’en aller. <strong>Le</strong>s menottes lui ont été retirées et les surveillants<br />

du QD lui ont dit de ne plus s’inquiéter, « qu’il ne lui arriverait plus rien ». <strong>Le</strong><br />

Dr Bo., de l’UCSA, est arrivé, a demandé à ce qu’il sorte du QD, et l’a fait<br />

conduire à l’UCSA.<br />

Il a été placé ensuite au quartier arrivant. Sanctionné de 30 jours de<br />

confinement par la commission de discipline qui n’aurait pas eu de certificat<br />

médical de constat en sa possession, il a finalement, après trois jours de<br />

confinement, été placé en cellule arrivant, puis transféré dans un autre<br />

établissement.<br />

M. D.Z. expose que le directeur de la maison d’arrêt, M. H., était venu le voir<br />

les jours suivants, mais ne lui avait rien demandé concernant les faits dont il<br />

avait été victime.<br />

L’épouse de M. D.Z., qui a constaté son état lors d’un parloir, est allée au<br />

commissariat et à la gendarmerie, où il lui a été spécifié que M. D.Z. devait<br />

porter plainte lui-même. Elle est allée ensuite dans les bureaux du journal<br />

Oise Hebdo pour raconter ce que son compagnon avait subi.<br />

Selon les déclarations de M. H., directeur de la maison d’arrêt et responsable<br />

du quartier disciplinaire et d‘isolement qui était en congé le 24 août 2006,<br />

c’est M. B.C., premier surveillant, qui occupait en son absence la fonction de<br />

responsable de l’établissement. Il expose avoir appris les faits concernant<br />

M. D.Z. par l’article de journal ; il a demandé alors à M. B.C. ce qui s’était<br />

452


453<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

passé. Ce dernier lui a expliqué que le détenu avait « pété les plombs »<br />

parce qu’il n’avait pas reçu son traitement, et qu’il avait décidé de le changer<br />

de cellule pour protéger son co-détenu. M. H. confirme avoir vu M. D.Z. à son<br />

retour de congé. Il confirme que M. D.Z. était un détenu qui « n’avait jamais<br />

posé de problème » et qu’il avait demandé son transfert. Questionné sur<br />

l’intervention de plus d’une quinzaine de personnels suite à l’alarme actionnée<br />

pour M. D.Z., il a répondu que « cette intervention ne peut s’expliquer que<br />

par un manque de formation et d’expérience de ces personnels ».<br />

<strong>Le</strong> premier surveillant B.C., responsable de la maison d’arrêt en l’absence de<br />

M. H., dit voir entendu une altercation entre le détenu D.Z. et le surveillant J-<br />

M.T., alors qu’il se trouvait dans son bureau au rez-de-chaussée. Il s’est<br />

alors déplacé et évaluant que « cela va mal se passer en détention avec son<br />

co-détenu », il informe M. D.Z. qu’il va le changer de cellule, expliquant à la<br />

Commission que le troisième étage est un étage spécifique, plus calme que<br />

le reste de la détention. Selon lui, M. D.Z. ne réagit pas à cette nouvelle et<br />

gagne dans le calme sa cellule. Considérant que l’exécution de sa décision<br />

met trop de temps, M. B.C. envoie M. J-M.T. Deux minutes après, l’alarme a<br />

sonné. Il s’est donc rendu immédiatement avec le surveillant T.C. à l’étage.<br />

A son arrivée sur la coursive, il voit le surveillant A.M. (entendu dans 2006-<br />

53 concernant M. O.T.), le surveillant d’étage P.P. qui maintient le détenu<br />

par le cou, et son collègue J-M.T. qui le tient au niveau du torse, enfin sa<br />

collègue S.D. au niveau des jambes du détenu. Il explique « avoir pris la<br />

situation en main ». Il remarque que le détenu a du sang dans la main droite<br />

et pense qu’il a une lame de rasoir.<br />

Il relate que beaucoup de surveillants sont arrivés suite à l’alarme, au moins<br />

une quinzaine. Il a demandé à M. T.C. de remplacer son collègue P.P. au<br />

niveau du cou. <strong>Le</strong> détenu a été mis sur le ventre et maintenu au sol. <strong>Le</strong><br />

premier surveillant A.P. est arrivé, ainsi que Mme G., surveillante, épouse<br />

du commandant B.G. Il a envoyé le surveillant A.P. chercher les menottes et<br />

expliqué la situation au chef de la détention J-P.H., arrivé sur les lieux.<br />

Une fois menotté, M. D.Z. a été emmené par le surveillant J-M.T. et le premier<br />

surveillant A.P. vers le quartier disciplinaire. Selon le premier surveillant B.<br />

C., il marchait derrière dans les escaliers. M. B.C. est allé jusqu’au QD, où<br />

le détenu a été remis entre les mains du commandant B.G. et des agents<br />

du QD. Il dit n’avoir vu aucune blessure sur M. D.Z., si ce n’est la coupure<br />

au niveau de la main et des traces de strangulation. Il affirme être revenu<br />

voir le détenu au quartier arrivant en début d’après-midi, avec le chef de la


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

détention J-P.H., et que c’est lui qui avait pris la décision de ne pas remettre<br />

ce détenu au QD, étant donné son profil.<br />

<strong>Le</strong> premier surveillant A.P. et le chef de détention J-P.H. relatent être arrivés<br />

sur la coursive une fois l’intervention terminée. <strong>Le</strong> premier surveillant A.P.<br />

n‘a pas souvenir de qui maintenait le détenu au sol. C’est lui qui l’a menotté.<br />

Il a pris en charge le détenu avec son collègue J-M.T. pour la conduite au<br />

QD. Selon lui, le surveillant T.C. était devant dans les escaliers pour leur<br />

ouvrir les portes. <strong>Le</strong> chef de détention J-P.H. était derrière eux, suivi des<br />

autres personnels. Questionné par la Commission, le premier surveillant A.P.<br />

a indiqué que dans les escaliers, il n’y avait eu aucun contact entre le détenu<br />

et son collègue T.C. Il n’a pas vu le visage du détenu, ni qu’il était blessé.<br />

<strong>Le</strong> chef de détention, M. J-P.H., n’a pas constaté non plus de blessure sur<br />

M. D.Z. sur la coursive, au niveau du visage. Il ajoute que son collègue P.P.<br />

a été coupé à un doigt, et que son collègue T.C. a été mordu à un doigt.<br />

Selon lui, le détenu était très « tonique », « très virulent », ce qui motivait<br />

la décision de faire remplacer les surveillants qui le maintenaient. Il n’a vu<br />

aucun coup être porté sur le détenu ni sur la coursive, ni dans les escaliers.<br />

<strong>Le</strong> surveillant T.C. a démenti auprès de la Commission avoir été présent lors<br />

de la maîtrise de M. D.Z. sur la coursive, comme l’indiquent plusieurs de<br />

ses collègues. Selon ses déclarations, il a croisé « l’équipe avec le détenu<br />

maîtrisé qui commençait à descendre les escaliers en sortant du noyau ». Il<br />

expose qu’au moment où il est arrivé, le détenu a essayé de lui donner un<br />

coup de tête et qu’il avait dû alors reculer. Il dément avoir donné des coups<br />

de coude au niveau du visage de M. D.Z. Questionné sur sa morsure au<br />

niveau du doigt, il a répondu qu’il pensait avoir été blessé au pouce lorsque<br />

le détenu a tenté de lui donner un coup de tête dans les escaliers… Il fait<br />

valoir que le chef de détention, M. J-P.H., était présent à cet endroit, dans les<br />

escaliers, et qu’il l’aurait rappelé à l’ordre s’il avait frappé le détenu.<br />

<strong>Le</strong> commandant B.G. a vu arriver le détenu encadré des surveillants. Il s’est<br />

rendu aussitôt au QD. Constatant le trop grand nombre de surveillants, il a<br />

renvoyé tout le monde à son poste. Avec le responsable du QD en poste,<br />

il a discuté avec M. D.Z., qui s’est calmé. Il a été trouvé lors de la fouille<br />

un morceau de lame sur le détenu. <strong>Le</strong> commandant pénitentiaire dit avoir<br />

remarqué « une rougeur au niveau de la pommette » de M. D.Z. et un peu<br />

de sang au niveau de la lèvre. Il dit avoir été appelé dans l’après-midi par la<br />

454


455<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

directrice adjointe Mme C-H.; et le chef de détention, M. J-P.H., pour visionner<br />

la bande vidéo des caméras de la coursive, seules caméras enregistrant<br />

et gardant les images pendant 48 heures. Celles concernant les incidents<br />

sont sauvegardées, selon ses déclarations. Il a affirmé à la Commission<br />

qu’il apparaissait sur l’enregistrement qu’étaient présents sur la coursive la<br />

surveillante S.D. et ses collègues J-M.T. et P.P., et que « l’on voyait partir un<br />

pied et un poing de D.Z. en direction des agents », mais « aucun coup partir<br />

de la part de surveillants vers D.Z. ». Il a expliqué qu’il n’y avait pas d’image<br />

concernant la descente de M. D.Z. dans les escaliers, « car on ne peut voir<br />

ces espaces qu’en direct, il n’y a pas d’enregistrement ».<br />

De l’audition du surveillant J-F.C., en fonction au poste d’information et de<br />

circulation (PIC) de la maison d’arrêt, situé au rez-de-chaussée, il ressort<br />

qu’il a vu passer M. D.Z. en fin de matinée le 24 août pour regagner son<br />

étage. Selon lui, « il n’y a eu aucun incident, il ne s’est rien passé au rezde-chaussée<br />

». Quelques minutes après, il a entendu que le surveillant<br />

d’étage souhaitait l’aide de collègues, « mais ce n’était pas une alarme » at-il<br />

précisé. « Il n’y avait pas notion de danger » ; « deux agents sont montés<br />

tranquillement », selon lui. Peu de temps après, un agent a actionné l’alarme<br />

API, et des agents se sont rendus très vite à l’étage concerné. <strong>Le</strong> surveillant<br />

dit « avoir été accaparé par la surveillance des ouvertures et fermetures<br />

des portes et ne regardait donc que par intermittence le déroulement de<br />

l’intervention sur la coursive » : « Cette intervention a été très rapide et il y<br />

avait beaucoup trop de surveillants pour que je distingue quelque chose »,<br />

a-t-il fait valoir. Concernant la descente de M. D.Z. dans les escaliers, il<br />

explique qu’il doit suivre la progression des surveillants et du détenu pour<br />

pouvoir actionner les fermetures et les ouvertures. Il se souvient avoir vu le<br />

premier surveillant A.P. qui tenait le détenu, mais expose que derrière eux,<br />

« il y avait du monde ». Il a vu la tenue de ses collègues mais ne les a pas<br />

identifiés. Questionné sur la présence éventuelle du surveillant T.C. devant<br />

le détenu et les deux surveillants pour ouvrir les portes, il a répondu : « C’est<br />

possible. Je ne me souviens pas de la personne qui était devant, il y avait<br />

peut-être même deux personnes devant ». Il n’a pas vu de coup donné au<br />

détenu dans les escaliers.<br />

<strong>Le</strong> jeune surveillant G.M., affecté au QD, a pris M. D.Z. en charge avec son<br />

collègue M. J.T., amené par de nombreux surveillants, dont MM. J-M.T. et<br />

T.C. C’est quand le détenu a été relevé du sol où il avait été amené dans la<br />

cellule, qu’il a remarqué sa lèvre en sang. Il a emmené ensuite M. D.Z. se


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

rincer la bouche, lui a donné des cigarettes et lui a dit que « cela allait bien<br />

se passer ».<br />

<strong>Le</strong> Dr Bo., qui a examiné M. D.Z. au QD et a contre-indiqué son maintien<br />

au QD, a établi un certificat médical qui constatait de nombreuses traces<br />

de contusions, un traumatisme au niveau de la pommette gauche, un<br />

traumatisme des deux lèvres et des lésions gingivales de morsure, des<br />

traces de strangulation, des érosions au niveau des doigts des mains et un<br />

traumatisme au niveau de la jambe droite. Elle relate avoir trouvé le détenu<br />

en larmes, choqué psychologiquement. Elle a prévenu immédiatement<br />

Mme C-H., directrice adjointe de permanence.<br />

<strong>Le</strong> Dr S., psychiatre, a été informée à son retour de congés par sa collègue<br />

le Dr Bo., et s’est rendue dans le nouvel établissement pénitentiaire où avait<br />

été transféré M. D.Z. Elle dit avoir constaté, dix jours après les faits, des<br />

hématomes faciaux.<br />

AVIS<br />

Sur l’incident initial entre le détenu D.Z. et le surveillant J-M.T.<br />

Suite à ses auditions et ses investigations, la Commission note que l’Inspection<br />

a estimé inadaptés le comportement et les propos du surveillant J-M.T. à<br />

l’égard du détenu D.Z. Il est avéré que ce détenu n’avait manifesté aucune<br />

agressivité à son égard, juste montré sa fragilité et son anxiété, par ailleurs<br />

connues des personnels de la prison.<br />

Elle retire de l’audition du premier surveillant B.C., mis en position de direction<br />

d’une maison d’arrêt, son attitude arbitraire, contraire à la déontologie et<br />

constate que l’Inspection a estimé « contestable » la décision de changement<br />

de cellule, en a rejeté les motifs erronés et fait état du fait que cette décision<br />

de changer le détenu de cellule a été effectuée par un premier surveillant,<br />

« sans aucune délégation du chef d’établissement ». L’inspection a considéré<br />

qu’il s’agissait bien de la part de ce premier surveillant d’une mesure de<br />

sanction à l’égard du détenu D.Z.<br />

Cependant, la Commission qui a entendu sur ce point le directeur adjoint<br />

456


457<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

de Liancourt, responsable de la maison d’arrêt, M. H., relève que ce dernier<br />

fait état de délégations de diverses compétences importantes, qu’il dit avoir<br />

été amené à faire, ceci à partir de la fin 2005, au premier surveillant B.C,<br />

qu’il avait choisi « parce qu’il avait le plus d’expérience de la population<br />

pénale ». <strong>Le</strong> directeur adjoint a d’ailleurs tenu à présenter à la Commission<br />

une attestation de cette délégation de compétences, dont il apparaît qu’elle<br />

est datée du 6 septembre 2006.<br />

C’est pourquoi la Commission ne peut que s’interroger sur la validation par<br />

la Direction régionale des services de la pénitentiaire de toutes les décisions<br />

prises à la maison d’arrêt de Liancourt dans ce cadre de délégations de<br />

compétences au premier surveillant B.C., notamment pendant les absences<br />

du directeur de la maison d’arrêt, M. H.<br />

Sur le comportement des surveillants lors de l’intervention<br />

La Commission rejoint l’Inspection sur le fait que la force utilisée a été<br />

disproportionnée par <strong>rapport</strong> au comportement du détenu, et que le<br />

traumatisme au niveau de la pommette et des lèvres témoigne effectivement<br />

« d’une violence envers le détenu ».<br />

La Commission, qui a visionné les images enregistrées sur la coursive,<br />

constate qu’elles sont de mauvaise qualité, ne permettent pas de distinguer<br />

les visages des surveillants, ni les actions menées, vu le nombre de<br />

surveillants et le fait que l’ intervention se déroule au bout du couloir.<br />

En aucun cas, contrairement aux déclarations du chef de détention, du<br />

commandant B.G., il n’apparaît que le détenu a eu le moindre geste agressif<br />

envers des surveillants. La Commission juge condamnable et inquiétant<br />

que le commandant B.G. ait cru devoir faire part lors de son audition à<br />

la Commission des conclusions erronées, pour ne pas dire délibérément<br />

mensongères, provenant du visionnage qu’il dit avoir fait avec le chef de<br />

détention et la sous-directrice Mme C-H.<br />

L’inspection indique ne pas pouvoir se prononcer sur les coups qui ont été<br />

donnés dans les escaliers ou durant le trajet, en l’absence d’enregistrements<br />

des caméras de ce secteur.<br />

Cependant force est de constater que selon les surveillants présents sur


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

la coursive, dont le chef de détention J-P.H., le détenu D.Z. ne présentait<br />

aucune trace au niveau du visage lorsqu’il a quitté la coursive pour emprunter<br />

les escaliers, et qu’il a été constaté à son arrivée au quartier disciplinaire<br />

des blessures au niveau des lèvres et des pommettes. La Commission tient<br />

donc fortement probable que M. D.Z. ait effectivement reçu des coups sur<br />

le trajet.<br />

La Commission, examinant le <strong>rapport</strong> rédigé le 24 août par Mme C-H.,<br />

directrice adjointe, portant sur « l’agression de personnels par le détenu D.<br />

Z. » et adressé au directeur régional des services pénitentiaires de Lille,<br />

constate que la directrice adjointe y affirme qu’après avoir visionné les<br />

images enregistrées de l’incident avec le chef de détention M. J-P.H. et le<br />

commandant B.G., « le film confirmait les dires des surveillants et ne laissait<br />

entrevoir aucun coup volontaire de la part des agents, et que l’usage de la<br />

force strictement nécessaire a été utilisée par les personnels lors de leur<br />

intervention ».<br />

La Commission ne s’étonne donc pas de retrouver dans un compte-rendu<br />

du chef de détention M. J-P.H., daté du 25 août 2006 et adressé au directeur<br />

du CP de Liancourt, M. F.A., les mêmes éléments fallacieux. <strong>Le</strong> chef de<br />

détention y ajoute l’hypothèse que « le détenu ait pu heurter le mur alors que<br />

les surveillants le maîtrisaient ».<br />

Comme dans les dossiers 2006-43, 2006-53 et 2006-127, la Commission<br />

constate avec gravité un état de délitement généralisé des fonctions et des<br />

responsabilités d’une partie de l’encadrement de Liancourt.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

La Commission prend acte des conclusions de l’Inspection dans ce dossier<br />

de violences illégitimes et de manquements à la déontologie, et des<br />

mesures annoncées pour « remanier en profondeur le mode de direction et<br />

d’intervention des agents à la prison de Liancourt, et notamment à la maison<br />

d’arrêt ».<br />

Elle transmet cet avis au procureur de la République pour appréciation des<br />

suites à donner.<br />

458


459<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Elle demande au garde des Sceaux de saisir les instances disciplinaires<br />

à même d’évaluer les responsabilités à des degrés différents du premier<br />

surveillant B.C., du premier surveillant A.P., du chef de détention J-P.H., du<br />

commandant B.G., des surveillants J-M.T. et T.C., et de tout autre agent dont<br />

le rôle aura pu être précisé par l’administration pénitentiaire.<br />

Adopté le 15 janvier 2007<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux.<br />

Conformément à l’article 8 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

cet avis au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de<br />

Beauvais, dont la réponse a été la suivante :


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

460


Saisine n°2006-127<br />

461<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 27 novembre 2006,<br />

par Mme Nicole BORVO, sénatrice de Paris<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le<br />

27 novembre 2006, par Nicole BORVO, sénatrice de Paris, des violences<br />

commises par deux surveillants à l’encontre de M. D.S. au centre pénitentiaire<br />

de Liancourt, le 7 novembre 2006, qui avaient été mis en examen.<br />

Il a été porté à la connaissance de la Commission que des agents de<br />

l’établissement avaient aussi empêché l’extraction du détenu le 23 novembre<br />

2006, qui, ce jour-là, devait être entendu par le tribunal correctionnel de<br />

Beauvais, dans l’affaire de violences commises à son encontre, et pour<br />

lesquelles les premiers surveillants B.C. et M.C. avaient été placés sous<br />

contrôle judiciaire.<br />

La Commission, qui se trouvait le 28 et 29 novembre 2006, au centre<br />

pénitentiaire de Liancourt pour quatre plaintes dont elle avait été saisie<br />

concernant cet établissement, a recueilli le 28 novembre le témoignage de<br />

M. D.S., qui était encore présent dans la prison.<br />

Elle n’a pas estimé opportun d’entendre dans le cadre du dossier de M. D.<br />

S. , étant donné sa comparution imminente devant la Justice, le premier<br />

surveillant B.C., entendu par la Commission le 28 novembre sur deux autres<br />

dossiers de violences (2006-53,2006-89).<br />

LES FAITS<br />

Agé de 21 ans, français d’origine sénégalaise, le jeune D.S. est arrivé à<br />

Liancourt le 6 mars 2006, transféré d’un autre établissement. Il est libérable<br />

en mars 2007.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Il relate avoir eu des problèmes avec les surveillants dès son arrivée à<br />

Liancourt. Un premier incident a eu lieu dès le deuxième jour, où, sortant de<br />

sa cellule pour la promenade, les mains dans les poches, le surveillant avait<br />

voulu le fouiller puis l’avait repoussé dans la cellule, le privant de promenade<br />

sans explication. Alors que tous les détenus étaient sortis, sept à huit<br />

surveillants étaient alors arrivés avec le premier surveillant B.C. Ils étaient<br />

entrés dans sa cellule sans un mot, l’avaient attrapé, lui avaient tordu les<br />

bras. M. B.C. l’avait giflé. Amené au sol, et les bras à nouveau tordus « fort »<br />

lors de son menottage, il avait été ensuite redressé. <strong>Le</strong> premier surveillant B.<br />

C. lui avait donné aussitôt un coup de poing. Puis il avait été conduit au QD,<br />

les menottes tirées sur ses poignets pour lui faire mal, selon lui.<br />

M. D.S. a exposé que « ces pratiques » étaient le fait d’une minorité de<br />

surveillants : « Il y en a qui se conduisent correctement, qui nous parlent ».<br />

M. D.S. dit être resté 15 jours au QD, car le premier surveillant B.C. avait<br />

raconté qu’il l’avait insulté, avait essayé de lui donner un coup de poing que<br />

M. B.C avait dû parer.<br />

Quelque jours avant le 7 novembre, il relate que, se trouvant dans la cour<br />

en promenade avec d’autres détenus, un surveillant, qui s’était baissé pour<br />

ramasser un projectile venant de l’extérieur de l’établissement, s’était fait<br />

cracher dessus par un détenu. « Je me trouvais loin de ce surveillant.Il a<br />

décidé que c’était moi. Je pense qu’il m’a choisi parce que j’étais le plus<br />

petit », a exposé M. D.S. Après cet incident, chaque fois qu’il le croisait, ce<br />

surveillant menaçait de se venger.<br />

Transféré au rez-de-chaussée, M. D.S. a retrouvé ce surveillant qui y était<br />

affecté. <strong>Le</strong> 4 novembre, au moment de la promenade, ce surveillant lui a<br />

dit : « Tu n’es pas prêt », et a claqué la porte. M. D.S. dit avoir interposé son<br />

pied. <strong>Le</strong> surveillant a alors déclenché l’alarme, et de nombreux surveillants<br />

sont arrivés. Ils sont entrés dans la cellule et l’ont frappé. Un gradé était<br />

présent. M. D.S. a tenu à préciser que ces surveillants ne sont pas ceux<br />

qui l’ont agressé trois jours plus tard. Il y avait le surveillant de l’incident de<br />

la cour. M. D.S. explique qu’un détenu qui avait assisté à ces violences a<br />

demandé à témoigner. Comme les détenus, informés des faits, refusaient<br />

en protestation de réintégrer leur cellule, un gradé, M. Z., avait recueilli ce<br />

témoignage. M. D.S. a été à nouveau conduit au QD, où il dit avoir fait « une<br />

fausse tentative de suicide » : « C’est le seul moyen de les faire réagir, je<br />

ne voulais pas vraiment mourir », a exposé M. D.S. Il a été ensuite placé au<br />

quartier « arrivant ».<br />

462


463<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

<strong>Le</strong> 7 novembre, M. D.S. est passé devant la commission de discipline, qui<br />

était présidée ce jour-là par l’une des directrices adjointes, au motif qu’il avait<br />

agressé un surveillant. La directrice adjointe et son avocat ont fait valoir<br />

l’absence de preuves, selon lui. Mais M. D.S. dit avoir compris que le fait que<br />

l’alarme API avait été actionnée a été considéré lors de cette commission de<br />

discipline comme un indicatif de gravité des faits. M. D.S. a été sanctionné<br />

de 30 jours de confinement dans sa cellule.<br />

A la sortie de la commission de discipline, le premier surveillant B.C. a<br />

demandé à un gradé et à un agent de le conduire à sa cellule. Sur place,<br />

M. D.S. a constaté qu’il n’avait pas ses affaires, pas son paquetage, pas<br />

d’eau chaude, pas d’électricité. Ce gradé lui a dit : « On va te faire la misère.<br />

Tu as frappé un collègue, tu vas rester en chien ! ». M. D.S. a exposé :<br />

« Rester en chien, ça veut dire à Liancourt rester sans rien, sans cantine ». Il<br />

a expliqué qu’il n’avait pas connu ça dans la prison où il était avant Liancourt.<br />

Désemparé, il a alors dit aux surveillants qu’il se plaindrait au « bricard ». <strong>Le</strong>s<br />

surveillants ont refermé la porte. M. D.S. a commencé à crier, l’interphone<br />

ne fonctionnant pas. Il raconte que cinq minutes après, les surveillants sont<br />

revenus avec le premier surveillant B.C. et un autre « bricard ». M. D.S. leur<br />

a dit qu’il voulait voir la directrice adjointe. <strong>Le</strong> deuxième « bricard » l’a giflé.<br />

M. D.S. a été poussé contre le lit. <strong>Le</strong>s deux « bricards » essayaient de le<br />

frapper ; les deux autres surveillants sont restés à distance, ne lui ont pas<br />

porté de coups.<br />

M D.S. a porté à la connaissance de la Commission qu’un surveillant avait<br />

témoigné de ce qu’il avait vu. « Il a pris beaucoup de risques », a relevé<br />

M. D.S. avec émotion.<br />

Il relate enfin qu’« un « bricard », noir, qui n’est pas M. Z. », l’avait placé au<br />

quartier « arrivant », hors de la maison d’arrêt, « pour [le] protéger », selon<br />

le jeune détenu. Il indique qu’un médecin avait constaté un hématome sur sa<br />

joue et lui avait dit qu’il n’y avait pas de traces. « Je suis noir, j’ai la peau qui<br />

ne marque pas vraiment », a conclu M. D.S.<br />

Lors de l’audition du Dr D. dans les autres dossiers examinés par la<br />

Commission, celui-ci avait évoqué la situation de M. D.S. et déclaré<br />

notamment : « C’est moi qui ai rédigé le certificat médical constatant son<br />

état le lendemain des faits. <strong>Le</strong>s surveillants n’ont pas appelé le médecin<br />

d’astreinte, comme ils auraient dû, le jour même ».


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS<br />

La Commission, qui a entendu le premier surveillant B.C. le 28 novembre<br />

dans le cadre des dossiers 2006-53 et 2006-89, n’a pas estimé opportun<br />

de procéder ce jour-là à son audition concernant M. D.S., ni d’entendre le<br />

premier surveillant M.C., les deux surveillants étant appelés à comparaître<br />

le 14 décembre 2006 devant le tribunal correctionnel.<br />

Elle estime extrêmement grave que des agents d’un service public,<br />

professionnels de la sécurité, aient pu faire obstruction à la sortie de M. D.<br />

S., détenu, victime, qui était convoqué par la justice.<br />

Elle prend acte du jugement du 14 décembre 2006 qui a condamné MM. B.<br />

C. et M.C. à quatre mois de prison avec sursis.<br />

RECOMMANDATIONS<br />

Au vu du manquement manifeste à la déontologie révélé par les faits<br />

dont M. D.S. a été victime, par ailleurs pris en compte par la justice, la<br />

Commission demande la saisine des instances disciplinaires pour les<br />

premiers surveillants M.C. et B.C.<br />

Il appartiendra à l’administration pénitentiaire d’examiner le rôle et la<br />

responsabilité de ces deux personnels dans les autres dossiers et, de<br />

façon plus générale, leur implication dans les dérives constatées depuis<br />

l’ouverture du « nouveau centre de Liancourt » où, selon M. H., le directeur<br />

de la maison d’arrêt et des quartiers disciplinaires et d’isolement, il avait été<br />

amené à déléguer ses compétences à ces deux premiers surveillants. La<br />

Commission a notamment constaté la grande partialité des comptes-rendus<br />

professionnels à l’origine des procédures disciplinaires montées à l’encontre<br />

de détenus, qui, par ailleurs, étaient connus pour leur vulnérabilité.<br />

La Commission demande au garde des Sceaux de veiller à ce que<br />

l’administration pénitentiaire prenne toutes les mesures adéquates pour<br />

assurer la sécurité des détenus qui ont été appelés à témoigner dans cette<br />

affaire.<br />

464<br />

Adopté le 15 janvier 2007<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux.


LA GENDARMERIE NATIONALE<br />

Saisine n°2004-79<br />

465<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

AVIS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 30 septembre 2004,<br />

par Mme Martine BILLARD, députée de Paris<br />

par Mme Marie BLANDIN, sénatrice du Nord<br />

et par M. Noël MAMÈRE, député de la Gironde<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le<br />

30 septembre 2004, par Mme Martine BILLARD, députée de Paris, par<br />

Mme Marie BLANDIN, sénatrice du Nord, et par M. Noël MAMÈRE, député<br />

de la Gironde, des faits qui se sont produits :<br />

- d’une part le samedi 25 septembre 2004, sur la commune de Valdivienne<br />

(Vienne) lors d’une manifestation organisée par le Collectif des faucheurs<br />

volontaires d’OGM.<br />

- d’autre part, le dimanche 5 septembre 2004 sur la commune de Solomiac<br />

(Gers) lors d’une manifestation organisée également par le Collectif des<br />

faucheurs volontaires.<br />

La Commission s’est fait communiquer l’intégralité des <strong>rapport</strong>s rédigés par<br />

les officiers supérieurs des unités de maintien de l’ordre engagées lors de ces<br />

deux manifestations.<br />

La Commission a également visionné les films pris par l’hélicoptère de<br />

la gendarmerie tout au long de ces deux manifestations. Elle a également<br />

auditionné un journaliste de France 2 présent sur les lieux à Valdivienne,<br />

ainsi que l’officier de police judiciaire présent sur les lieux à Solomiac.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

OBSERVATIONS PRÉALABLES<br />

<strong>Le</strong>s trois parlementaires qui ont saisi la Commission lui demandent de<br />

procéder à une enquête qui « leur paraît nécessaire, non seulement au regard<br />

des actes constatés en ce jour, mais également pour prévenir la répétition de<br />

tels débordements dans des circonstances semblables ».<br />

Ils ont précisé : « Notre propos n’est pas de contester à l’État sa mission<br />

de maintien de l’ordre, ni d’incriminer les fonctionnaires qui ont exécuté les<br />

ordres … ».<br />

<strong>Le</strong>s trois parlementaires souhaitent expressément « que tout soit mis en<br />

œuvre pour comprendre le processus qui a abouti à une telle situation et<br />

établir les responsabilités dans le chaîne de commandement ».<br />

À l’évidence, la Commission nationale de déontologie de la sécurité n’est<br />

pas compétente pour procéder à une enquête ayant l’objectif souhaité par<br />

les parlementaires qui l’ont saisie.<br />

Cependant, les trois parlementaires ayant précisé dans leur saisine que<br />

« les forces de l’ordre ont procédé, sans sommation, à un usage massif de<br />

grenades lacrymogènes, puis de grenades à effet de souffle », la Commission<br />

a estimé qui lui appartenait de rechercher si les dispositions de l’article R.431-<br />

1 du Code pénal, relatives aux sommations préalables avant dispersion d’un<br />

attroupement par la force, avait bien été respectées.<br />

De même, les parlementaires prétendant que « la presse ait pu être visée en<br />

tant que telle », la Commission a estimé devoir entendre l’un des journalistes<br />

présents à Valdivienne.<br />

FAITS<br />

En ce qui concerne la manifestation du 5 septembre 2004 à Solomiac<br />

(Gers)<br />

M. S.R., adjudant de gendarmerie, a précisé à la Commission, qui en a vérifié<br />

l’exactitude, qu’il avait été chargé par le préfet du Gers, en qualité d’officier<br />

de police judiciaire, d’assurer les sommations. M. S.R. était également<br />

destinataire d’une réquisition complémentaire spéciale en cas d’usage<br />

des armes. M. S.R. était en uniforme pantalon chemisette et était porteur,<br />

466


467<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

conformément à l’article R.431-2 du Code pénal, d’un brassard réglementaire<br />

tricolore avec la mention OPJ.<br />

Il résulte de l’audition de l’OPJ présent sur les lieux qu’il a respecté les<br />

prescriptions de l’article R.431-1, à savoir :<br />

- 1° un rappel à la loi ;<br />

- 2° ensuite, à l’aide d’un haut parleur, il a effectué les sommations<br />

réglementaires dont le libellé exact figure « sur la poignée de l’appareil pour<br />

permettre une lecture directe ».<br />

La Commission, en visionnant les films de la gendarmerie, a bien constaté la<br />

présence de cet officier de police muni de son mégaphone.<br />

La Commission constate qu’en ce qui concerne la manifestation du 5<br />

septembre 2004 à Solomiac (Gers), les dispositions réglementaires ont bien<br />

été respectées.<br />

De plus, lors de cette première manifestation, aucun journaliste ne s’est<br />

plaint d’avoir été visé.<br />

En ce qui concerne la manifestation du 25 septembre 2004 à Valdivienne<br />

(Vienne)<br />

<strong>Le</strong> journaliste de France 2, présent sur les lieux, reconnaît qu’un gendarme<br />

était porteur d’un mégaphone et « en réécoutant, dit-il, ce que j’avais filmé,<br />

j’ai seulement perçu en prêtant l’oreille « …mation ». Il faut dire qu’il y avait<br />

beaucoup de bruit… ».<br />

Il ressort du <strong>rapport</strong> du maréchal des logis F.V., officier de police judiciaire,<br />

que celui-ci était muni d’un porte-voix électrique de l’escadron de gendarmerie<br />

mobile d’Ussel, d’une portée d’écoute de plus de cent mètres.<br />

À l’aide de cet appareil, l’OPJ F.V. a effectué les sommations prévues par<br />

l’article R.431-1, doublées au surplus, dit-il, par l’envoi, à chaque fois, d’une<br />

fusée rouge.<br />

La Commission a pris soin de vérifier l’état des munitions et artifices utilisés.<br />

Elle a constaté la mention de « l’utilisation de trois fusées rouges avec<br />

parachutes ».


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

La Commission a également constaté que lors de cette manifestation les<br />

forces de l’ordre avaient utilisé environ 860 grenades lacrymogènes de<br />

diverses catégories, ainsi que 690 autres munitions et explosifs.<br />

Mais il est constant que l’usage de la force a bien été précédé des sommations<br />

réglementaires.<br />

Enfin, l’importance de l’utilisation de grenades lacrymogènes ou autres<br />

munitions et explosifs ne permet pas d’affirmer que les journalistes présents<br />

au milieu des manifestants, dont l’un muni d’un masque à gaz, aient pu être<br />

délibérément visés par un ou plusieurs fonctionnaires de police.<br />

AVIS<br />

Dans le strict cadre de sa compétence, la Commission n’a pas relevé de<br />

violation des règles de déontologie.<br />

468<br />

Adopté le 12 juin 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis pour information à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense,<br />

qui lui a fait parvenir le courrier suivant :


469<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-65<br />

AVIS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 4 juillet 2005,<br />

par M. Jean-Marie BOCKEL, sénateur du Haut-Rhin<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie par M. Jean-<br />

Marie BOCKEL, sénateur du Haut-Rhin, des conditions dans lesquelles la<br />

brigade motorisée de Mulhouse a procédé, le 21 août 2004, au contrôle du<br />

taux d’alcoolémie de M. J.P., qui conduisait un véhicule automobile.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 21 août 2004, à 15h50, des gendarmes de la compagnie motorisée de<br />

Mulhouse, contrôlèrent, à Richwiller, l’alcoolémie de M. J.P., qui conduisait<br />

un véhicule automobile. Aux termes du procès-verbal, l’intéressé, dont les<br />

yeux étaient rouges et l’haleine caractéristique, fut soumis, sur place, à un<br />

dépistage par éthylotest, dont le résultat fut positif. Il fut conduit à la brigade<br />

de gendarmerie. L’analyse de l’air expiré effectuée à l’aide d’un éthylomètre<br />

révéla un taux d’alcoolémie de 0,62 mg par litre d’air expiré.<br />

Pour ces faits, M. J.P. a été condamné, par le tribunal correctionnel, le 8<br />

novembre 2004, pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique en récidive.<br />

<strong>Le</strong> tribunal a constaté l’annulation de son permis de conduire. Il n’a pas été<br />

interjeté appel du jugement.<br />

Au cours de son audition par la Commission, M. J.P., qui exerçait la<br />

profession de chauffeur routier, s’est dit persécuté par les services de police<br />

et de gendarmerie à la suite de sa condamnation à 15 ans de réclusion pour<br />

meurtre, prononcée à son encontre pour des faits commis en 1985.<br />

Il a contesté avoir été soumis à un test sur place, et il a soutenu que<br />

l’éthylomètre avait été « trafiqué ». Un gendarme l’ayant traité « d’assassin<br />

470


471<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

de la route », l’emploi de ce terme aurait établi, selon lui, la preuve du lien<br />

qui existait entre ce contrôle et la condamnation criminelle prononcée à son<br />

encontre.<br />

Il a expliqué qu’il n’avait pas fait appel du jugement parce qu’il n’avait pas<br />

compris que le tribunal avait constaté l’annulation de son permis de conduire<br />

en raison de la récidive, ayant pensé avoir été condamné à quatre mois de<br />

suspension, alors que ce délai était celui fixé pour repasser l’examen.<br />

Au cours de son audition, il a de même établi un lien entre la précédente<br />

condamnation prononcée à son encontre pour des faits de conduite sous<br />

l’empire d’un état alcoolique commis en 1999 et le désir des services de<br />

police de le persécuter.<br />

Il a fait valoir qu’il avait produit, au cours de la procédure, un certificat médical<br />

attestant qu’il ne présentait aucun signe clinique de dépendance, ce qui avait<br />

été confirmé par des examens biologiques.<br />

AVIS<br />

M. J.P. a été condamné pour des faits de conduite sous l’empire d’un état<br />

alcoolique. Cette condamnation est devenue définitive. Il lui appartenait de<br />

contester les résultats de la mesure du taux d’alcoolémie dans le cadre de<br />

cette procédure, au besoin en interjetant appel du jugement.<br />

La Commission ne relève en l’espèce aucune atteinte à la déontologie.<br />

Adopté le 12 juin 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis pour information à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-67<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 15 juillet 2005,<br />

par M. Jean-Paul BACQUET, député du Puy-de-Dôme<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 15<br />

juillet 2005, par M. Jean-Paul BACQUET, député du Puy-de-Dôme, des<br />

conditions de l’interpellation le 1 er novembre 2004 à COUDES (63) d’un<br />

automobiliste, M. J-M.V., pour infraction au Code de la route.<br />

Elle a procédé aux auditions de M. J-M.V. et des deux gendarmes adjoints<br />

MM. C.A. et J.R.<br />

LES FAITS<br />

Ce jour là, peu avant midi, les gendarmes adjoints volontaires C.A. et J.R.<br />

se trouvaient à l’intérieur d’un véhicule de service en stationnement à 120<br />

mètres environ d’un carrefour. Un panneau « stop » contraint à l’arrêt les<br />

véhicules arrivant d’une voie sur la gauche. <strong>Le</strong>s deux gendarmes affirment<br />

avoir constaté qu’un véhicule, conduit par M. J-M.V., s’est engagé sur la route<br />

où ils stationnaient, puis a continué son chemin en sens inverse du lieu où<br />

ils se trouvaient sans marquer d’arrêt au « stop ». Ils l’ont alors poursuivi en<br />

usant des signaux sonores et visuels réglementaires. M. J-M.V. s’est arrêté<br />

à quelque distance de là. Il conteste l’infraction relevée.<br />

A l’issue du contrôle, M. J-M.V. s’est rendu dans son véhicule et est retourné<br />

vers la voiture de gendarmerie pour remettre un chèque de 90 €, montant de<br />

l’amende forfaitaire minorée. <strong>Le</strong>s deux gendarmes disent avoir été étonnés<br />

de cette remise alors que M. J-M.V. voulait contester l’infraction.<br />

M. J-M.V. affirme l’avoir fait parce que le gendarme-adjoint C.A. refusait de<br />

lui rendre son permis de conduire qui serait retenu pendant trois jours, voire<br />

plus sur décision de la commission administrative préfectorale, s’il ne payait<br />

472


473<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

pas immédiatement. Il ajoute que comme il n’avait pas son carnet de chèque<br />

sur lui, il avait été invité à aller le chercher à son domicile proche, sans<br />

que son permis lui soit restitué, mais qu’il n’avait pas eu à le faire, s’étant<br />

souvenu qu’il avait un chèque dans son automobile.<br />

<strong>Le</strong>s deux gendarmes adjoints contestent cette version et affirment que le<br />

permis avait été restitué à M. J-M.V. dès la fin du contrôle, et avant qu’il<br />

regagne son véhicule. Toutefois, M. C.A. reconnaît lui avoir dit que s’il avait<br />

commis une infraction dans d’autres circonstances, il devrait comparaître<br />

devant un tribunal de police, où il encourait une peine de suspension de<br />

permis. Ces propos, confirmés par le gendarme-adjoint J.R., n’avaient aucun<br />

<strong>rapport</strong> avec l’infraction relevée.<br />

AVIS<br />

En présence de déclarations contradictoires, la Commission ne peut que<br />

constater que l’allusion reconnue à des poursuites plus graves possibles<br />

dans d’autres circonstances n’ont aucune justification et peut troubler un<br />

automobiliste.<br />

En outre, alors que deux autres équipages ayant à bord des sous-officiers<br />

contrôlaient la circulation sur la même portion de route de 35 Kms, deux<br />

gendarmes adjoints volontaires n’étaient pas directement sous le contrôle<br />

d’un gendarme.<br />

Ces militaires recrutés par un concours ouvert, comme en l’espèce, à ceux qui<br />

ont échoué au concours de sous-officier de gendarmerie, n’effectuent qu’un<br />

stage en école de trois mois consacré en partie à la formation militaire.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

RECOMMANDATIONS<br />

Agents de police judiciaire adjoints, les gendarmes adjoints volontaires, qui<br />

doivent continuer leur formation sur place, devraient le faire sous le contrôle<br />

d’un sous-officier et ne pas être envoyés en patrouille sans la présence de<br />

celui-ci.<br />

Seraient évitées des initiatives déplacées comme ici qui peuvent induire un<br />

contrevenant en erreur et se révéler contraires à la déontologie.<br />

474<br />

Adopté le 5 avril 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, dont la réponse<br />

a été la suivante :


475<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-90<br />

AVIS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 9 novembre 2005,<br />

par Mme Claire BRISSET, Défenseure des enfants.<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 9<br />

novembre 2005, par Mme e Claire BRISSET, Défenseure des enfants, des<br />

conditions dans lesquelles il a été procédé à l’audition du mineur G.G., âgé<br />

de 14 ans et demi, lors de sa garde à vue à la brigade de Droué (Loir-et-<br />

Cher).<br />

La Commission a eu connaissance de la procédure et a procédé à l’audition<br />

du mineur en présence de sa mère, et du maréchal-des-logis chef G.R., qui a<br />

diligenté la procédure.<br />

LES FAITS<br />

Entre le 10 et le 29 avril 2005, des dégradations ont été commises dans deux<br />

résidences secondaires au lieu-dit <strong>Le</strong> Fournil au Gault du Perche (41). Dans<br />

la première, il y a eu en outre pénétration dans les lieux et vol d’une boîteaux-lettres<br />

et de deux boules de billard.<br />

Ces faits s’étant produits au cours des congés de Pâques, les soupçons<br />

se sont portés sur trois mineurs, M. G.G. et les frères D.M. et P.M. âgés<br />

respectivement de 11 et 15 ans, habitant dans le voisinage et qui se trouvaient<br />

là en vacances.<br />

Ils ont été entendus à leur retour dans la commune, au cours des congés<br />

d’été. Tous trois ont reconnu être les auteurs des faits.<br />

M. G.G. a été entendu le 15 juillet 2005 à la brigade des mineurs de Droué. Il<br />

a été placé en garde à vue à 9h30. <strong>Le</strong>s notifications légales lui ont été faites<br />

immédiatement. Il a été entendu de 11h00 à 11h15, de 11h30 à 12h15, de<br />

476


477<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

15h00 à 15h55, de 16h30 à 17h25, et de 17h45 à 18h30, heure de mainlevée<br />

de la garde à vue. En dehors de ces horaires, il était au repos. Il a été<br />

examiné par un médecin de 11h15 à 11h30, et a reçu un avocat de 12h15 à<br />

12h30. Sa mère était présente pendant toute la journée à la brigade.<br />

Celle-ci dit n’avoir pas compris pourquoi elle avait dû acheter un repas pour<br />

midi à son fils. L’enquêteur précise qu’elle a préféré cette solution au repas<br />

proposé par la gendarmerie. Elle conteste que son fils ait pu passer des aveux,<br />

et affirme qu’il a pour cela fait l’objet de pressions entre les interrogatoires.<br />

Or, ceux-ci ont été filmés, et la Commission a pris connaissance de<br />

l’enregistrement, dans lequel il apparaît que le mineur n’était ni inquiet, ni<br />

stressé.<br />

AVIS<br />

La preuve d’un manquement à la déontologie de la part du gendarme<br />

enquêteur n’est pas <strong>rapport</strong>ée.<br />

Adopté le 10 juillet 2006<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis pour information à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

LES SERVICES DE SÉCURITÉ PRIVÉE<br />

Saisine n°2006-73<br />

AVIS et RECOMMANDATIONS<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 10 juillet 2006,<br />

par M. Frédéric REISS, député du Bas-Rhin<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 10<br />

juillet 2006, par M. Frédéric REISS, député du Bas-Rhin, d’une altercation<br />

suivie d’une rixe entre deux agents de sécurité d’un supermarché LIDL de<br />

Haguenau (67500) et un client de cette même enseigne.<br />

La Commission a entendu M. F.G., responsable par intérim de la SARL H.<br />

S.S., à laquelle l’enseigne LIDL avait confié la sécurité de son supermarché<br />

de Haguenau au moment des faits. La Commission a également procédé<br />

à l’audition de M. J.P., en sa qualité d’agent de sécurité du supermarché<br />

susvisé lors de l’incident. Pour des raisons d’ordre médical, le plaignant J-<br />

C. B. s’est trouvé en revanche dans l’impossibilité de répondre favorablement<br />

à la convocation adressée par notre Commission.<br />

La Commission a pris connaissance des arrêtés préfectoraux (en date des<br />

13 janvier 2005 et 21 juillet 2006) publiés au recueil des actes administratifs<br />

de la préfecture du Bas-Rhin, autorisant les activités de sécurité privée de la<br />

société H.S.S.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 11 avril 2006, vers 15h30, alors qu’il fait ses achats dans un magasin<br />

de l’enseigne LIDL situé route de Bitche à Haguenau (67500), M. J-C.B. a<br />

une altercation avec l’agent de prévention et de sécurité du magasin, M. J.<br />

478


479<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

P., recruté quelques semaines plus tôt par la société de surveillance H.S.S.<br />

pour assurer la sécurité de ce magasin situé dans un quartier sensible de<br />

Haguenau.<br />

Alerté par les éclats de voix, M. F.G. – qui est chargé, au nom de la société H.<br />

S.S., de contrôler régulièrement l’activité de ses agents de sécurité – quitte<br />

alors le bureau du magasin dans lequel il se trouve pour se rapprocher de<br />

son agent. Ce dernier l’informe sans délai de l’origine de l’incident : un client,<br />

en l’occurrence M. J-C.B., l’apostrophe bruyamment en lui reprochant de ne<br />

pas porter son badge professionnel de manière apparente. Ce client, dont la<br />

Commission apprendra par ailleurs qu’il fait l’objet d’un suivi psychiatrique,<br />

aurait semble-t-il formulé le même reproche à plusieurs reprises au cours<br />

des jours précédents.<br />

Afin d’apaiser la situation, M. F.G., assisté de M. J.P., invite alors M. J-C.B. à<br />

se diriger tranquillement vers les caisses situées à l’avant du magasin. C’est<br />

à ce moment que M. J-C.B., passablement excité, se jette violemment sur<br />

l’agent de sécurité J.P. en lui saisissant les parties génitales. En tentant de<br />

lui venir en aide, M. F.G. est dans un premier temps projeté en arrière, dans<br />

le rayon des promotions, par un brusque mouvement de M. J-C.B. Dans un<br />

second temps, M. F.G. se relève et parvient, par une clé de bras, à maîtriser<br />

le client M. J-C.B., qui fait – ou simule – alors un malaise. <strong>Le</strong> SAMU, alerté<br />

par les agents de sécurité, intervient rapidement auprès de M. J-C.B., et<br />

constate que l’état de ce dernier ne nécessite aucune hospitalisation (le<br />

même jour, son médecin traitant lui prescrira toutefois une incapacité totale<br />

de travail de cinq jours). <strong>Le</strong>s services de police, également dépêchés sur<br />

place à la demande de M. J-C.B., prennent les premières dépositions des<br />

différents protagonistes, lesquels seront entendus quelques jours plus tard<br />

au commissariat de Haguenau.<br />

AVIS<br />

A titre liminaire, la Commission regrette, au regard du caractère contradictoire<br />

de la procédure, de n’avoir pu procéder à l’audition de M. J-C.B., dont la<br />

plainte est à l’origine de la présente saisine.<br />

Pour le surplus, il ressort des investigations menées par la Commission<br />

qu’aucun manquement à la déontologie ne peut être relevé à l’encontre des


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

agents de sécurité de la société H.S.S., que l’on scrute le port des uniformes<br />

et insignes réglementaires ou l’usage de la contrainte.<br />

S’agissant du premier point, le décret n°86-1099 du 10 octobre 1986<br />

(pris en application de la loi n°83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les<br />

activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds)<br />

prévoit que les personnels de surveillance, gardiennage et transport de<br />

fonds sont en principe, dans l’exercice de leurs fonctions, revêtus d’une<br />

tenue qui ne doit pas prêter à confusion avec les uniformes définis par les<br />

textes réglementaires. Cette tenue doit comporter au moins deux insignes<br />

reproduisant la dénomination ou le sigle de l’entreprise et placés de telle<br />

sorte qu’ils restent apparents en toutes circonstances (art. 1 er ). <strong>Le</strong> port de<br />

la tenue n’est toutefois pas obligatoire pour les personnels exerçant une<br />

activité de protection de personnes ou une activité de surveillance contre le<br />

vol à l’étalage à l’intérieur de locaux commerciaux (art. 2).<br />

En n’arborant pas de manière ostensible son badge professionnel, l’agent de<br />

sécurité J.P. s’est donc simplement contenté d’utiliser une faculté offerte par<br />

la réglementation en vigueur.<br />

S’agissant du second point, il ressort des déclarations concordantes des<br />

deux agents de sécurité entendus séparément par la Commission que<br />

l’usage de la force à l’encontre de M. J-C.B. trouve son origine dans l’attitude<br />

agressive et violente de ce dernier. Justifiée par l’agression physique dont<br />

se serait préalablement rendu coupable M. J-C. B. à l’encontre de M. J.P., la<br />

riposte des agents de sécurité apparaît à la fois nécessaire, concomitante et<br />

proportionnée à l’attaque, en sorte que les conditions de la légitime défense<br />

(art. 122-5 al.1 er C. pén.) semblent en l’espèce réunies.<br />

Dans une profession marquée par la part prépondérante de l’intervention<br />

humaine de proximité, il est impératif que les pratiques soient marquées<br />

du sceau de l’éthique et du professionnalisme. <strong>Le</strong> contexte concurrentiel<br />

très tendu dans lequel évoluent les entreprises de sécurité privée ne doit<br />

pas conduire en effet à sacrifier la sélection, le recrutement et la formation<br />

(initiale et continue) des personnels sur l’autel de la compétitivité. Aussi, la<br />

Commission note avec intérêt la publication récente (octobre 2006) d’un<br />

code de déontologie de la sécurité privée, élaboré à l’initiative du syndicat<br />

national des entreprises de sécurité (SNES).<br />

480


RECOMMANDATIONS<br />

481<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

En même temps qu’elle ne constate, au cas d’espèce, aucun manquement à<br />

la déontologie, la Commission recommande que la formation des personnels<br />

de sécurité privée et leur sensibilisation aux questions de déontologie soient<br />

renforcées.<br />

Adopté le 15 janvier 2007<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé<br />

son avis à M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire.


CLASSEMENT SANS SUITE<br />

Saisine n°2005-8<br />

483<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 25 janvier 2005<br />

par M. Julien DRAY, député de l’Essonne<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 25<br />

janvier 2005, par M. Julien DRAY, député de l’Essonne, de la réclamation<br />

de M. J-Y.S., concernant des fonctionnaires de la police nationale et de<br />

l’administration pénitentiaire alors qu’il était détenu au centre pénitentiaire<br />

de Meaux-Chauconin.<br />

La Commission a demandé à M. le Garde des Sceaux une enquête de<br />

l’Inspection des services pénitentiaires. Elle a pris connaissance de son<br />

<strong>rapport</strong> et des pièces de procédure.<br />

La Commission a entendu M. J-Y.S. en détention.<br />

DÉCISION<br />

En ce qui concerne la police nationale, les faits dénoncés par M. J-Y.S. au<br />

cours de son audition sont tous antérieurs de plus d’un an, à la date de<br />

saisine de la CNDS qui ne peut donc légalement en connaître.<br />

<strong>Le</strong>s faits reprochés par M. J-Y.S. aux agents du centre de détention ont fait<br />

l’objet d’une enquête de l’Inspection des services pénitentiaires. Une erreur<br />

de gestion administrative y est relevée, ayant entraîné une mise en garde<br />

envers l’agent fautif.<br />

<strong>Le</strong>s faits relatés aux membres de la Commission par M. J-Y.S. au cours de<br />

son audition ne peuvent être qualifiés de manquement à la déontologie.<br />

Adopté le 18 décembre 2006


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-21<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 28 février 2005,<br />

par M. François SCELLIER, député du Val d’Oise<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 28 février<br />

2005, par M. François SCELLIER, député du Val d’Oise, des conditions dans<br />

lesquelles s’est déroulée l’interpellation de M. J.N. pour infraction au Code<br />

de la route le 11 décembre 2004 à Gonesse (95).<br />

La Commission, dans l’impossibilité de convoquer M. J.N. dont l’adresse et<br />

le numéro de téléphone sont erronés, a procédé à l’audition du fonctionnaire<br />

de police intervenu.<br />

DÉCISION<br />

En l’absence d’élément contradictoire, la Commission n’est pas en mesure<br />

de formuler un avis.<br />

484<br />

Adopté le 13 mars 2006


Saisine n°2005-34<br />

485<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 4 avril 2005<br />

par M. Noël MAMÈRE, député de la Gironde<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 4 avril<br />

2005, par M. Noël MAMÈRE, député de la Gironde, de faits concernant M. O.<br />

B., alors détenu au centre de détention de Montmédy (55).<br />

La Commission a demandé à M. le Garde des Sceaux une enquête de<br />

l’Inspection des services pénitentiaires. Elle a pris connaissance de son<br />

<strong>rapport</strong> le 12 mai 2005.<br />

LES FAITS<br />

M. O.B., détenu au centre de détention de Montmédy, s’estimait victime de<br />

harcèlement moral et physique ainsi que de mauvais traitements.<br />

Après réception du <strong>rapport</strong> d’enquête établi par l’Inspection des services<br />

pénitentiaires, la Commission a souhaité entendre M. O.B. Entre-temps,<br />

celui-ci, en fin de peine, a été libéré le 22 août 2005. Il n’a plus été possible<br />

de joindre M. O.B.<br />

DÉCISION<br />

En conséquence, la Commission nationale de déontologie de la sécurité ne<br />

peut que classer le dossier sans suite.<br />

Adopté le 9 octobre 2006


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-35<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 31 mars 2005,<br />

par M. Louis-Joseph MANSCOUR, député de la Martinique<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 31<br />

mars 2005, par M. Louis-Joseph MANSCOUR, député de la Martinique, de<br />

la contestation par M. S.R. d’une contravention de circulation sans port de la<br />

ceinture relevée le 15 janvier 2005 à <strong>Le</strong> Lorrain.<br />

La Commission a saisi de la contestation Mme le Ministre de la Défense et le<br />

procureur de la République de Fort-de-France.<br />

LES FAITS<br />

M. S.R. affirme qu’il ne conduisait pas son véhicule ce jour-là à l’heure<br />

indiquée.<br />

<strong>Le</strong>s gendarmes verbalisateurs ont maintenu leur constatation. <strong>Le</strong> procureur<br />

a classé le dossier sans suite.<br />

DÉCISION<br />

La preuve d’un manquement à la déontologie n’est pas établie.<br />

486<br />

Adopté le 18 septembre 2006


Saisine n°2005-37<br />

487<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 13 avril 2005,<br />

par M. Jean GLAVANY, député des Hautes-Pyrénées<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 13 avril<br />

2005, par M. Jean GLAVANY, député des Hautes-Pyrénées, de faits qui se<br />

seraient produits lors d’une manifestation lycéenne, le 8 mars 2005 à Paris.<br />

<strong>Le</strong>s forces de sécurité seraient restées passives face à des agressions parfois<br />

commises « à quelques mètres ».<br />

DÉCISION<br />

M. le Ministre de l’Intérieur a fait connaître à la Commission le 5 septembre<br />

2005 que « dans un contexte d’ordre public où l’initiative individuelle des<br />

policiers et gendarmes est bannie, la Commission nationale de déontologie<br />

de la sécurité ne peut analyser que les seuls comportements qui auraient<br />

dérogé à cette règle ».<br />

La Commission rappelle ce qu’elle avait écrit au ministre de l’Intérieur : « Elle<br />

n’a pas le souci de porter un regard sur l’organisation d’un dispositif d’ordre<br />

public. Elle n’a pas d’avantage l’intention de s’immiscer dans les prérogatives<br />

relevant de la puissance publique ».<br />

Elle rappelle seulement l’obligation qui pèse principalement sur les forces de<br />

l’ordre d’empêcher par leur action immédiate, sans risque pour elles ou pour<br />

les tiers, un délit contre l’intégrité physique de la personne (article 223-6 du<br />

Code pénal), et cela quels que soient les actes commandés (article 122-4,<br />

2 ème alinéa) ; de même pour la constatation de vols flagrants et la recherche<br />

des auteurs.


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Au cours de cette manifestation, 29 vols, 17 vols avec violences, 2 infractions<br />

de violences ont fait l’objet de plaintes.<br />

À la demande de la Commission, le parquet de Paris a précisé qu’il n’avait<br />

« pas été destinataire de plaintes de personnes mettant en cause l’inertie<br />

des forces de l’ordre qui auraient, en leur présence, laissé se commettre des<br />

infractions. L’examen des procédures qui ont été soumises [au] parquet, que<br />

se soient des plaintes contre personnes non dénommées ou des procédures<br />

établies à la suite d’interpellations, n’ont pas permis de mettre en évidence<br />

un tel comportement ».<br />

La Commission ne dispose pas dans ces conditions d’éléments permettant<br />

de donner suite à cette saisine.<br />

488<br />

Adopté le 15 mai 2006


Saisine n°2005-50<br />

489<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 23 mai 2005,<br />

par M. Christian BLANC, député des Yvelines<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 23<br />

mai 2005, par M. Christian BLANC, député des Yvelines, de la contestation<br />

par M. B.L. d’une contravention dressée le 18 avril 2005 à Rueil-Malmaison<br />

pour utilisation d’un téléphone portable en conduisant.<br />

DÉCISION<br />

L’officier du ministère public a informé M. B.L. que la rédaction du timbreamende<br />

présentant un cas de nullité, il avait classé l’affaire sans suite.<br />

M. B.L. a fait connaître à la Commission que, dans ces conditions, il ne<br />

donnait pas suite à sa réclamation.<br />

La Commission constate que la présente saisine est sans objet.<br />

Adopté le 18 septembre 2006


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-56<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 8 juin 2005,<br />

par M. Robert BRET, sénateur des Bouches-du-Rhône<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 8<br />

juin 2005, par M. Robert BRET , sénateur des Bouches-du-Rhône, de faits<br />

concernant les conditions de l’interpellation de Mme e S.A. à la suite d’une<br />

verbalisation pour stationnement illicite à Marseille.<br />

La Commission a eu connaissance de la procédure transmise par le procureur<br />

de la République.<br />

La Commission a procédé aux auditions de MM L.G. et F.G., fonctionnaires<br />

de police.<br />

La Commission n’a pu entendre la plaignante Mme S.A. qui, à plusieurs<br />

reprises, n’a pas souhaité déferrer aux convocations.<br />

DÉCISION<br />

Face à la défection de Mme S.A., la Commission n’ayant pas pu recueillir<br />

son témoignage, décide de procéder au classement sans suite de sa<br />

réclamation.<br />

490<br />

Adopté le 12 juin 2006


Saisine n°2005-60<br />

491<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 10 juin 2005<br />

par M. Jean-Christophe LAGARDE, député de Seine-Saint-Denis<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 10<br />

juin 2005, par M. Jean-Christophe LAGARDE, député de Seine-Saint-Denis,<br />

de la réclamation de M. F.B., lui-même impliqué personnellement dans<br />

diverses affaires d’escroquerie au préjudice de la CPAM, mettant en cause<br />

des agissements de deux fonctionnaires de police.<br />

La Commission a entendu M. F.B. et a pris connaissance des pièces de<br />

procédure.<br />

DÉCISION<br />

<strong>Le</strong>s faits dénoncés par M. F.B. ont fait l’objet d’une enquête minutieuse de<br />

l’Inspection générale des services de la Préfecture de police.<br />

La Commission ne relève aucun manquement à la déontologie.<br />

Adopté le 18 décembre 2006


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-84<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 12 octobre 2005,<br />

par M. Claude DOMEIZEL, sénateur des Alpes de Haute-Provence<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 12<br />

octobre 2005, par M. Claude DOMEIZEL, sénateur des Alpes de Haute-<br />

Provence, de la réclamation de Mme M.T., pour des faits d’agression sexuelle<br />

et viol.<br />

La Commission a eu connaissance de la procédure transmise par le parquet<br />

de Digne.<br />

La Commission n’a pu procéder à l’audition de Mme M.T., qui, bien que<br />

plusieurs contacts aient eu lieu, a refusé de témoigner.<br />

DÉCISION<br />

En l’absence du témoignage de la plaignante, la Commission n’ayant pu<br />

recueillir sa déposition, décide de procéder au classement sans suite de sa<br />

réclamation.<br />

492<br />

Adopté le 12 juin 2006


Saisine n°2005-95<br />

493<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 18 novembre 2005,<br />

par M. Joël GIRAUD, député des Hautes-Alpes<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le<br />

18 novembre 2005, par M. Joël GIRAUD, député des Hautes-Alpes, des<br />

conditions dans lesquelles M. J-L.B. a été placé en garde à vue le 9 août<br />

2005, à la gendarmerie de Guillestre (Hautes-Alpes).<br />

LES FAITS<br />

M. J-L.B. a été interpellé le 9 août 2005 alors qu’il circulait en automobile à<br />

Saint-Clément-sur-Durance, sans avoir attaché sa ceinture.<br />

Ayant traité les gendarmes verbalisateurs d’« enculés », il a été placé en<br />

garde à vue le même jour de 10h05 à 12h05, puis condamné pour outrage<br />

le 15 décembre 2005 par le tribunal correctionnel de Gap à 500 € d’amende<br />

avec sursis.<br />

DÉCISION<br />

Aucun manquement à la déontologie n’a été relevé dans ce dossier.<br />

Adopté le 18 septembre 2006


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-99<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 2 décembre 2005,<br />

par M. Richard MALLIÉ, député des Bouches-du-Rhône<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 2<br />

décembre 2005, par M. Richard MALLIÉ, député des Bouches-du-Rhône, des<br />

conditions de l’interpellation de M. J-P.C. par des policiers municipaux, le<br />

21 octobre 2005, à Marseille.<br />

La Commission a pris connaissance de la procédure pour outrage portée à<br />

l’encontre de M. J-P.C., et de la plainte de ce dernier pour violences contre<br />

les fonctionnaires de police municipale.<br />

La Commission a entendu M. T.P., brigadier-chef de la police municipale de<br />

Marseille.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> 21 octobre 2005, les membres d’une équipe de la police municipale<br />

de Marseille constatèrent que trois véhicules étaient stationnés sur la voie<br />

publique, sur un emplacement réservé aux livraisons. Ils procédèrent à<br />

l’établissement de procès-verbaux.<br />

L’un de ces véhicules appartenait à M. J-P.C. et se trouvait situé devant la<br />

boulangerie qui était alors exploitée par celui-ci. M. J-P.C. sortit et protesta<br />

en indiquant aux policiers qu’il allait téléphoner à la mairie.<br />

L’examen des documents présentés par M. J-P.C. permit de constater que la<br />

vignette de contrôle technique était périmée. <strong>Le</strong>s policiers retirèrent la carte<br />

grise. Ultérieurement, la voiture fut mise en fourrière.<br />

494


495<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

La protestation de M. J-P.C. se transforma en altercation : dans un document<br />

joint à la saisine de la Commission, M. J-P.C. a écrit que les policiers l’avaient<br />

violemment jeté au sol et maintenu à terre. <strong>Le</strong> policier interpellateur a indiqué<br />

à la Commission que M. J-P.C. avait lui-même « plongé à terre, tête la<br />

première ».<br />

M. J-P.C. s’est fait conduire à un hôpital. <strong>Le</strong> certificat médical établi mentionne<br />

des « contusions et dermabrasions du cuir chevelu », une « contusion<br />

musculaire de l’épaule gauche » et un « choc psychologique ».<br />

La plainte pour violences déposée par M. J-P.C. à l’encontre des policiers a<br />

été classée sans suite.<br />

DÉCISION<br />

L’état de santé de M. J-P.C. a empêché qu’il puisse être entendu par la<br />

Commission. Dans ces conditions, celle-ci ne dispose pas d’éléments lui<br />

permettant de donner suite à la saisine.<br />

Adopté le 18 décembre 2006


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-106<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 22 décembre 2005<br />

par M. David ASSOULINE, sénateur de Paris<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 22<br />

décembre 2005, par M. David ASSOULINE, sénateur de Paris, de la situation<br />

de M. O.L.<br />

Celui-ci n’a pu être entendu, ayant fait connaître à la Commission qu’il<br />

« rétractait sa saisine ».<br />

LES FAITS<br />

M. O.L., victime d’un délit de fuite, a porté plainte le 11 mars 2005 au<br />

commissariat de Bois-Colombes. L’auteur des faits était identifié ; entendu<br />

le 13 juin 2005, il reconnaissait les faits à la suite de quoi la victime était<br />

désintéressée pour un montant de 800 € par une compagnie d’assurances.<br />

M. le Directeur de cabinet de M. le Ministre de l’Intérieur faisait connaître à<br />

la Commission, le 15 juin 2006, que la procédure avait été transmise le 21<br />

novembre 2005 au parquet de Nanterre, qui avait informé téléphoniquement<br />

le service enquêteur qu’il classerait le dossier sans suite. Mais le 17 février<br />

2006, le procureur de la République de Nanterre informait la Commission<br />

que tant au parquet qu’au commissariat d’Asnières, qui avait reçu la plainte,<br />

les recherches avaient été vaines pour retrouver la procédure.<br />

DÉCISION<br />

Compte tenu de la décision du plaignant, la Commission nationale de<br />

déontologie de la sécurité ne peut poursuivre ses investigations. Mais<br />

s’agissant d’une infraction dont le parquet n’a semble-t-il pas été saisi, elle<br />

transmet à toutes fins utiles le présent dossier au parquet de Nanterre.<br />

496<br />

Adopté le 6 novembre 2006


Saisine n°2006-1<br />

497<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 4 janvier 2006<br />

par M. Robert BRET, sénateur des Bouches-du-Rhône<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 4<br />

janvier 2006, par M. Robert BRET, sénateur des Bouches-du-Rhône, des<br />

conditions de l’interpellation à Marseille pour infraction au code de la route<br />

de Mme B.<br />

La Commission a consulté les pièces de procédure et entendu deux<br />

fonctionnaires, l’adjoint de sécurité S.B. et le lieutenant J.K., du quart de<br />

jour de la Direction départementale de la sécurité publique des Bouches-du-<br />

Rhône.<br />

DÉCISION<br />

Mme B. a fait connaître à la Commission qu’elle ne souhaitait pas donner<br />

suite à l’invitation qui lui était faite de se présenter pour audition.<br />

Après audition des deux fonctionnaires de police, la Commission ne révèle<br />

aucun manquement à la déontologie.<br />

Adopté le 18 décembre 2006


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2006-10<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 26 janvier 2006,<br />

par M. Robert BADINTER, sénateur des Hauts-de-Seine<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 26<br />

janvier 2006, par M. Robert BADINTER, sénateur des Hauts-de-Seine, des<br />

faits dont M. T.A. aurait été victime de la part de fonctionnaires de police<br />

affectés au commissariat de Tourcoing (Nord).<br />

La Commission a procédé à l’audition de M. T.A.<br />

LES FAITS<br />

Suite à une infraction aux dispositions du Code de la route, M. T.A. fût victime<br />

en février 2005 d’une tentative d’extorsion de fonds de la part d’un gardien<br />

de la paix du commissariat de Tourcoing.<br />

L’enquête diligentée sur sa plainte aboutissait à la condamnation du<br />

fonctionnaire de police indélicat, condamné par le tribunal correctionnel de<br />

Lille à huit mois d’emprisonnement avec sursis pour corruption passive.<br />

Depuis les faits, M. T.A. a le sentiment d’être harcelé par les collègues du<br />

gardien de la paix condamné.<br />

Il a lui-même été condamné le 7 octobre 2005 par le tribunal correctionnel de<br />

Lille à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et obligation d’accomplir<br />

un travail d’intérêt général de cent heures, pour un outrage qu’il reconnaît,<br />

s’étant, dit-il, énervé contre des policiers qui le narguaient. Ont encore été<br />

relevées contre lui des contraventions au Code de la route les 21 mai 2005,<br />

9 mars et 25 avril 2006.<br />

498


DÉCISION<br />

499<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Toutes ces infractions ont été ou seront soumises à des juridictions. Il<br />

n’appartient pas à la Commission d’intervenir. La preuve d’une malveillance<br />

systématique n’est pas <strong>rapport</strong>ée.<br />

Adopté le 10 juillet 2006


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2006-14<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 9 février 2006<br />

par M. Pierre HELLIER, député de la Sarthe<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 9 février<br />

2006, par M. Pierre HELLIER, député de la Sarthe, de faits concernant M. A.<br />

G., et mettant en cause les conditions dans lesquelles il a fait l’objet, le 5<br />

janvier 2006, d’une mesure de garde à vue.<br />

DÉCISION<br />

Invité à plusieurs reprises à se présenter devant la Commission, l’auteur de<br />

la plainte s’y est refusé.<br />

Dans ces conditions, la Commission n’est pas en mesure d’émettre un avis<br />

sur les faits allégués, et ne peut donner aucune suite à la saisine.<br />

500<br />

Adopté le 9 novembre 2006<br />

La Commission avait au préalable saisi M. Pascal Clément, ministre de la<br />

Justice, garde des Sceaux, sur la question de principe soulevée dans ce<br />

dossier, par le courrier suivant :<br />

<strong>Le</strong> ministre de la Justice a adressé à la Commission la réponse suivante :


501<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

502


503<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

504


505<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

HORS DÉLAI<br />

Saisine n°2005-100<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 21 novembre 2005,<br />

par Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, sénatrice de Paris<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 21<br />

novembre 2005, par Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, sénatrice de<br />

Paris, des conditions de l’interpellation de Mme C.G-K. dans un magasin<br />

parisien, sur appel du responsable, le 9 juillet 2003.<br />

La décision de classement pour hors délai a été notifiée par lettre à la<br />

parlementaire le 2 février 2006.<br />

506


Saisine n°2005-108<br />

507<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 20 décembre 2005,<br />

par M. Lionnel LUCA, député des Alpes-Maritimes<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 20<br />

décembre 2005, par M. Lionnel LUCA, député des Alpes-Maritimes, du cas<br />

de M. S.A., qui ne pouvait obtenir un emploi dans un service de sécurité suite<br />

à une enquête de police.<br />

DÉCISION<br />

Celle-ci a été effectuée en mai 2000, comme il l’a fait connaître<br />

téléphoniquement à la Commission.<br />

La décision administrative relative à son embauche est antérieure à mai<br />

2004.<br />

Conformément à l’article 4 de la loi du 6 juin 2000, la Commission est donc<br />

incompétente pour en connaître.<br />

Adopté le 18 septembre 2006


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2006-2<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 11 janvier 2006,<br />

par Mme Jacqueline FRAYSSE, députée des Hauts-de-Seine<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 11<br />

janvier 2006, par Mme Jacqueline FRAYSSE, députée des Hauts-de-Seine,<br />

sur la rétention des papiers d’identité de M. Y.S., à la suite d’une convocation<br />

au commissariat de Nanterre (92), en juin 2004.<br />

La décision de classement pour hors délai a été notifiée par lettre à la<br />

parlementaire le 2 février 2006.<br />

508


Saisine n°2006-18<br />

509<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 1 er mars 2006<br />

par M. Jacques KOSSOWSKI, député des Hauts-de-Seine<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 1 er<br />

mars 2006, par M. Jacques KOSSOWSKI, député des Hauts-de-Seine, de la<br />

réclamation de M. T.D., concernant les conditions de son interpellation et de<br />

sa garde à vue, le 11 août 2002, à la suite d’un contrôle routier effectué par<br />

des fonctionnaires de la police nationale.<br />

LES FAITS<br />

<strong>Le</strong> dimanche 11 août 2002, M. T.D., a fait l’objet d’un contrôle routier par deux<br />

fonctionnaires de la police nationale. Son taux d’alcoolémie étant supérieur<br />

au taux autorisé, il a été interpellé et conduit au commissariat.<br />

DÉCISION<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité ne pouvant être<br />

saisie que de faits commis dans l’année précédant sa saisine (art. 4 de la loi<br />

du 6 juin 2000), elle constate l’irrecevabilité de la saisine.<br />

Adopté le 18 décembre 2006


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2006-19<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 2 mars 2006,<br />

par M. Dominique STRAUSS-KAHN, député du Val d’Oise<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 2<br />

mars 2006, par M. Dominique STRAUSS-KAHN, député du Val d’Oise,<br />

des conditions de l’intervention, le 17 janvier 2005, de fonctionnaires de<br />

police du commissariat de Sarcelles au domicile de Mme S.A., dans le cadre<br />

de l’interpellation de son fils mis en cause dans une affaire de trafic de<br />

stupéfiants.<br />

DÉCISION<br />

<strong>Le</strong>s faits décrits ont eu lieu plus d’un an avant la saisine de la Commission.<br />

En application de l’article 4 de la loi du 6 juin 2000, la Commission nationale de<br />

déontologie de la sécurité doit se déclarer incompétente pour en connaître.<br />

510<br />

Adopté le 18 septembre 2006


Saisine n°2006-28<br />

511<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 27 mars 2006,<br />

par M. René COUANAU, député d’Ille-et-Vilaine<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 27 mars<br />

2006, par M. René COUANAU, député d’Ille-et-Vilaine, de faits concernant<br />

les conditions de garde à vue de Mlle L.C. et de son compagnon, M. R.G., le<br />

22 novembre 2004, à la gendarmerie de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine, 35).<br />

DÉCISION<br />

<strong>Le</strong>s faits décrits ont eu lieu plus d’un an avant la saisine de la Commission.<br />

En application de l’article 4 de la loi du 6 juin 2000, la Commission nationale de<br />

déontologie de la sécurité doit se déclarer incompétente pour en connaître.<br />

Adopté le 18 septembre 2006


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2006-41<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 22 mai 2006,<br />

par M. Alain MOYNE-BRESSAND, député de l’Isère<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 22<br />

mai 2006. par M. Alain MOYNE-BRESSAND, député de l’Isère, de faits<br />

concernant la contestation de PV à la suite d’un accident de la circulation le<br />

20 mars 2005.<br />

DÉCISION<br />

Conformément à l’article 4 de la loi du 6 juin 2000, la Commission décide de<br />

classer ce dossier parvenu hors délai.<br />

512<br />

Adopté le 18 septembre 2006


Saisine n°2006-47<br />

513<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 6 juin 2006<br />

par M. Pierre MOREL A L’HUISSIER, député de la Lozère<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 6 juin<br />

2006, par M. Pierre MOREL A L’HUISSIER, député de la Lozère, de faits<br />

concernant M. E.M.<br />

LES FAITS<br />

La CNDS a été saisie le 6 juin 2006 par M. Pierre MOREL A L’.HUISSIER,<br />

député de la Lozère, de la situation de M. E.M., qui déclare être l’objet<br />

d’abus de pouvoir de la part de services de police et de gendarmerie depuis<br />

plusieurs années.<br />

Il n’invoque pas de faits qui se seraient produits dans l’année précédant la<br />

saisine de la Commission. <strong>Le</strong> procureur de la République de Mende indique<br />

qu’il n’a été saisi d’aucune plainte postérieure au 6 juin 2005. <strong>Le</strong>s dossiers<br />

concernant M. E.M. remontent en effet à 2003 et 2004.<br />

DÉCISION<br />

Conformément à l’article 4 de la loi du 6 juin 2000, la présente saisine est<br />

irrecevable.<br />

Adopté le 9 octobre 2006


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2006-67<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 29 juin 2006,<br />

par M. Armand JUNG, député du Bas-Rhin<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 29 juin<br />

2006, par M. Armand JUNG, député du Bas-Rhin, au sujet de l’interpellation<br />

de Mme A.G., le 3 juin 2003, à Strasbourg, par un service de police.<br />

DÉCISION<br />

<strong>Le</strong>s faits étant antérieurs d’une année à la saisine de la Commission, celle-ci<br />

n’est pas compétente pour en connaître (article 4 de la loi du 6 juin 2000).<br />

514<br />

Adopté le 18 septembre 2006


Saisine n°2006-98<br />

515<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 25 septembre 2006<br />

par M. Patrick BRAOUZEC, député de Seine-Saint-Denis<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 25<br />

septembre 2006, par M. Patrick BRAOUZEC, député de Seine-Saint-Denis,<br />

à la demande de Mme R.R., concernant des faits qui se sont déroulés, le 22<br />

février 2005, au commissariat principal de Saint-Denis.<br />

DÉCISION<br />

<strong>Le</strong>s faits décrits ont eu lieu plus d’un an avant la saisine de la Commission<br />

En application de l’article 4 de la loi du 6 juin 2000, la Commission nationale<br />

de la déontologie de la sécurité constate l’irrecevabilité de la saisine.<br />

Adopté le 6 novembre 2006


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2006-105<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 11 octobre 2006<br />

par M. Michel VAXES, député des Bouches-du-Rhône<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 11<br />

octobre 2006, par Michel VAXES, député des Bouches-du-Rhône, de faits<br />

concernant M. J-P.F.<br />

LES FAITS<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie le 11<br />

octobre 2006 par M. Michel VAXES, député des Bouches-du-Rhône, de<br />

réclamations de M. J-P.F.<br />

La première vise une contravention au Code de la route relevée le 26 août<br />

2005 soit plus d’un an avant la saisine de la Commission.<br />

La seconde, résultant d’une copie d’une lettre adressée au parquet, invoque<br />

les risques de se voir privé de ses médicaments lors d’une audition prévue le<br />

14 juillet 2005, soit plus d’un an avant la saisine de la commission.<br />

La troisième vise une convocation à la gendarmerie pour le 29 mai 2006, à<br />

laquelle il a répondu ne vouloir être entendu que par un magistrat.<br />

La quatrième est relative à une contravention pour plaque minéralogique de<br />

voiture illisible ou non entretenue. L’avis a été dressé le 8 mai 2006 à 0h30<br />

devant le domicile de M. J-P.F., ce qui correspond à l’explication fournie par<br />

celui-ci à l’officier du ministère public lorsqu’il déclare qu’il n’était pas au<br />

volant de son automobile.<br />

516


DÉCISION<br />

517<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Aucun manquement à la déontologie ne peut être retenu pour les faits relevés<br />

dans l’année ayant précédé la saisine de la Commission.<br />

Adopté le 6 novembre 2006


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2006-115<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 20 octobre 2006<br />

par M. Rudy SALLES, député des Alpes-Maritimes<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 20<br />

octobre 2006, par M. Rudy SALLES, député des Alpes-Maritimes, de faits<br />

concernant M. C.V., lors d’un contrôle d’identité le 21 septembre 2005.<br />

LES FAITS<br />

La CNDS a été saisie le 20 octobre 2006 par M. Rudy SALLES, député des<br />

Alpes-Maritimes, de la réclamation de M. C.V. qui, le 21 septembre 2005,<br />

avait été l’objet d’un contrôle d’identité devant la gare de Nice, au cours<br />

duquel des propos désobligeants auraient été tenus à son égard.<br />

DÉCISION<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité ne pouvant être<br />

saisie que de faits commis dans l’année précédant sa saisine (art. 4 de la loi<br />

du 6 juin 2000), elle constate l’irrecevabilité de la saisine.<br />

518<br />

Adopté le 6 novembre 2006


HORS COMPÉTENCE<br />

Saisine n°2005-78<br />

519<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 19 septembre 2005,<br />

par M. François VANNSON, député des Vosges<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 19<br />

septembre 2005, par M. François VANNSON, député des Vosges, du cas de<br />

M. P.M., auquel était reprochés deux délits de fuite ayant causé des dégâts<br />

matériels les 11 et 15 mars 2005 à Plombières-les-Bains (88).<br />

LES FAITS<br />

Compte tenu de l’état de santé de M. P.M., le procureur de la République<br />

a eu recours à une mesure de composition pénale adaptée aux faits de la<br />

cause.<br />

Cette mesure (200 € d’amende, suspension du permis de conduire pendant<br />

un mois avec perte de six points) a été validée le 12 mai 2005 par le président<br />

du tribunal.<br />

C’est contre cette décision que porte la réclamation de M. P.M.<br />

DÉCISION<br />

La Commission est donc incompétente pour en connaître.<br />

Adopté le 12 juin 2006


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2005-97<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 21 novembre 2005,<br />

par M. François LIBERTI, député de l’Hérault<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le<br />

21 novembre 2005, par M. François LIBERTI, député de l’Hérault, de la<br />

réclamation de M. R.A., fonctionnaire de police.<br />

LES FAITS<br />

M. R.A. se plaint d’avoir fait l’objet d’injures à caractère raciste de la part<br />

de l’un de ses collègues policiers, notamment à l’occasion d’un match de<br />

football disputé entre eux par des policiers.<br />

DÉCISION<br />

<strong>Le</strong>s faits imputés ne se <strong>rapport</strong>ent pas à l’exercice d’une activité de sécurité.<br />

Au regard des dispositions de l’article 1 er de la loi du 6 juin 2000, la Commission<br />

n’est pas compétente pour en connaître.<br />

520<br />

Adopté le 5 avril 2006


Saisine n°2006-17<br />

521<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 7 février 2006,<br />

par M. Bernard PIRAS, sénateur de la Drôme<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 7 février<br />

2006 par M. Bernard PIRAS, sénateur de la Drôme, de faits concernant<br />

Mlle R.M., qui mettait en cause plusieurs institutions (parquet, avocat,<br />

services sociaux…) dans leur action depuis un accident de la circulation,<br />

le 7 septembre 1992, qui l’a laissée, alors qu’elle était piéton, gravement<br />

blessée.<br />

DÉCISION<br />

<strong>Le</strong>s faits décrits ne semblent pas relever de la déontologie des forces<br />

de sécurité. Ils ont d’autre part eu lieu plus d’un an avant la saisine de la<br />

Commission.<br />

En application des articles 1 er et 4 de la loi du 6 juin 2000, la Commission<br />

nationale de déontologie de la sécurité doit se déclarer incompétente pour<br />

en connaître.<br />

Adopté le 18 septembre 2006


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2006-21<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 3 mars 2006,<br />

par M. Denis BADRÉ, sénateur des Hauts-de-Seine<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 3 mars<br />

2006, par M. Denis BADRÉ, sénateur des Hauts-de-Seine, de la situation de<br />

M. Y.E., qui déclare avoir été « victime de l’amiante alors qu’il travaillait au<br />

CICOM d’Île-de-France », ainsi que « de discrimination et de harcèlement<br />

dans le cadre de son activité professionnelle au ministère de l’Économie, des<br />

Finances et de l’Industrie ».<br />

DÉCISION<br />

<strong>Le</strong>s faits, d’ailleurs anciens, ne s’inscrivant pas dans une activité de sécurité<br />

au sens de la loi du 6 juin 2000, la Commission est incompétente pour en<br />

connaître.<br />

522<br />

Adopté le 5 avril 2006


Saisine n°2006-55<br />

523<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 16 juin 2006,<br />

par M. Christian BLANC, député des Yvelines<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 16 juin<br />

2006, par M. Christian BLANC, député des Yvelines, d’une contestation par<br />

Mme N.R-J. de la pratique suivie par l’officier du ministère public près le<br />

tribunal de police de Versailles en matière de contravention contestée.<br />

DÉCISION<br />

Cette réclamation ne concernant par une personne exerçant alors une<br />

activité de sécurité mais une fonction judiciaire, la Commission n’est pas<br />

compétente pour en connaître.<br />

Adopté le 18 septembre 2006


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2006-101<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 27 septembre 2006<br />

par M. François LIBERTI, député de l’Hérault<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 27<br />

septembre 2006, par M. François LIBERTI, député de l’Hérault, des conditions<br />

dans lesquelles a été conduite une enquête sur la situation d’étranger de<br />

M. M.H.<br />

LES FAITS<br />

À la demande du préfet de la région Languedoc-Roussillon, une enquête,<br />

confiée au gardien de la paix D.B., a été ouverte pour établir la réalité de la<br />

communauté de vie entre M. M.H., de nationalité algérienne, et de Mme S.<br />

A., épousée le 13 septembre 2003.<br />

Dans son <strong>rapport</strong> du 17 janvier 2006, le gardien de la paix conclut qu’il<br />

s’agissait d’un mariage de complaisance, dans le seul but de régulariser la<br />

situation administrative de M. M.H.<br />

Par arrêté en date du 8 mars 2006, le préfet de Région a décidé que M. M.<br />

H. n’était pas autorisé à résider en France et devra avoir quitté le territoire<br />

français dans le délai d’un mois.<br />

Par ordonnance en date du 19 avril 2006, le juge des référés du tribunal<br />

administratif de Montpellier a suspendu la décision préfectorale rejetant la<br />

demande de M. M.H., tendant à la délivrance d’un certificat de résidence<br />

algérien en qualité de conjoint de Française, et a prescrit la délivrance d’une<br />

autorisation provisoire de séjour en attendant la décision de jugement au<br />

fond.<br />

524


525<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Dans sa décision, le juge des référés a relevé une dénaturation des éléments<br />

constatés au domicile commun des époux et l’absence d’investigations<br />

complémentaires auprès du voisinage ou de la mairie.<br />

L’enquête ayant été effectuée dans le cadre administratif mais pas dans<br />

l’exercice d’une activité de sécurité, la Commission est incompétente pour<br />

en connaître (art. 1 er de la loi du 6 juin 2000).<br />

DECISION<br />

En conséquence, « le manquement des agents à leurs obligations<br />

déontologiques d’impartialité et de respect des personnes » relevé par le<br />

juge des référés est de la compétence, non de la Commission, mais des<br />

autorités administratives.<br />

Adopté le 6 novembre 2006


LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

Saisine n°2006-104<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 5 octobre 2006<br />

par M. Claude LISE, sénateur de la Martinique<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 5 octobre<br />

2006, par M. Claude Lise, sénateur de la Martinique, de faits concernant<br />

M. O.F, lors d’un contrôle routier.<br />

LES FAITS<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie le<br />

29 septembre 2006 par M. Claude LISE, sénateur de la Martinique, du<br />

cas de M. O.F., qui s’est vu retirer son permis de conduire à la suite de<br />

deux contraventions relevées contre lui le 16 octobre 2005 à Schoelcher<br />

(Martinique).<br />

S’il reconnaît avoir conduit sans ceinture, M. O.F nie, par contre, avoir circulé<br />

sans avoir laissé une distance de sécurité suffisante avec le véhicule qui le<br />

précédait. Il a toutefois réglé le montant des deux contraventions sans les<br />

contester en justice.<br />

DÉCISION<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité est saisie « d’une<br />

demande de clémence » suite au retrait du permis de conduire, mais elle n’a<br />

pas qualité pour donner suite à cette requête.<br />

526<br />

Adopté le 6 novembre 2006


Saisine n°2006-109<br />

527<br />

LES AVIS ET RECOMMANDATIONS<br />

DÉCISION<br />

de la Commission nationale de déontologie de la sécurité<br />

à la suite de sa saisine, le 16 octobre 2006,<br />

par M. François VANNSON, député des Vosges<br />

et le 30 octobre 2006,<br />

par M. Jean-Yves LE DÉAULT, député de Meurthe-et-Moselle<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 16<br />

octobre 2006 par M. François VANNSON, député des Vosges, et le 30 octobre<br />

2006 par M. Jean-Yves LE DÉAULT, député de Meurthe-et-Moselle, de faits<br />

concernant M. F.R.<br />

LES FAITS<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie le 16<br />

octobre 2006 par M. François VANNSON, député des Vosges, et le 30<br />

octobre 2006 par M. Jean-Yves LE DÉAULT, député de Meurthe-et-Moselle,<br />

d’une réclamation de M. F.R. qui, « confronté à une procédure judiciaire<br />

engagée contre lui en matière pénale, estime que ses droits à bénéficier<br />

d’une procédure d’information conforme à la légalité, d’une défense normale<br />

et d’un procès équitable n’ont pas été respectés ».<br />

L’origine de cette affaire est une enquête effectuée en 2004, c’est-à-dire plus<br />

d’un an avant la saisine de la Commission (art. 4 de la loi du 6 juin 2000).<br />

Celle-ci, par ailleurs, n’est pas compétente pour apprécier l’activité judiciaire<br />

ultérieure tant en ce qui concerne le procureur de la République que l’officier<br />

du ministère public (art. 8 de la loi).<br />

DÉCISION<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité ne peut donc que se<br />

déclarer incompétente.<br />

Adopté le 6 novembre 2006


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS<br />

DE 2005<br />

529


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

Saisine n°2004-16<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 25<br />

mars 2004, par M. Arnaud MONTEBOURG, député de Saône-et-Loire des<br />

conditions de la perquisition, le 19 novembre 2002 à l’aube, au domicile de<br />

M. P.B. et de son compagnon M. J.F. à Paris, aux fins de l’interpellation de ce<br />

dernier dans le cadre d’une commission rogatoire portant sur des tagueurs<br />

et des vols avec violences en bande organisée. L’équipe de policiers<br />

interpellateurs était accompagnée d’un journaliste caméraman, qui réalisait<br />

un reportage pour l’émission « Appels d’urgence » sur la chaîne de télévision<br />

TF1. M. P.B. affirmait ne pas avoir donné son accord pour ce film.<br />

La Commission avait été amenée à rappeler, dans son avis du 19 décembre<br />

2005, que « l’ensemble des pièces saisies lors d’une perquisition et tout<br />

élément d’information concernant les témoins, même sans relation avec<br />

l’affaire, restent couverts par le secret de l’instruction. <strong>Le</strong>s enquêteurs,<br />

normalement vigilants sur les risques de divulgation d’informations collectées<br />

au cours d’une enquête, doivent aussi être attentifs à ne pas commettre<br />

d’indiscrétion pouvant porter atteinte à la vie privée ». « Confrontée<br />

pour la seconde fois à la présence de journalistes et de leurs appareils<br />

d’enregistrement lors d’opérations de police dans des lieux protégés (dans<br />

une prison dans l’affaire 2004-3 bis, et ici un domicile), la Commission<br />

recommande à MM. les ministres de l’Intérieur et de la Justice que soient<br />

précisément rappelées les prescriptions des articles 11 et 11-1 du Code de<br />

procédure pénale ».<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission avait notifié<br />

ses avis et recommandations au ministre de l’Intérieur et au ministre des de<br />

la Justice. La réponse faite à la Commission par le ministre de l’Intérieur le 2<br />

février 2006 a été publiée dans le <strong>rapport</strong> 2005.<br />

La Commission a reçu de M. Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des<br />

Sceaux, le 21 avril 2006, la réponse suivante :<br />

530


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

531


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

Saisine n°2004-58<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 28<br />

juin 2004, par M. Daniel REINER, sénateur de Meurthe-et-Moselle, des<br />

conditions de l’interpellation, le 21 décembre 2003 en gare de Nancy, de<br />

Mme M.D., suite à une altercation avec deux contrôleurs SNCF, puis avec<br />

les policiers qui lui demandaient de justifier de son identité. Celle-ci voyageait<br />

avec sa fille de 7 ans, sa mère aveugle, et l’accompagnateur de celle-ci. Elle<br />

a fait l’objet d’un placement en garde à vue et a été condamnée à un mois<br />

d’emprisonnement avec sursis (dont elle avait fait appel) pour rébellion et<br />

violence sur personne dépositaire de l’autorité publique.<br />

La Commission, dans son avis rendu le 19 décembre 2005, avait estimé que<br />

dans « la crainte des réactions des autres voyageurs », « les fonctionnaires,<br />

mal à l’aise, et « débordés » par la véhémence verbale et l’agitation de<br />

Mme M.D., ont mis fin à la confrontation en utilisant la force, sans réellement<br />

mesurer les conséquences pour l’enfant et sa grand-mère handicapée<br />

restées sur place ». Elle avait, dans ses recommandations, attiré l’attention<br />

des ministres de l’Intérieur et des Transports « sur la nécessité de mener<br />

un travail commun d’analyse de certaines situations récurrentes, en vue<br />

d’adapter et d’améliorer les modes d’intervention lorsque les services de<br />

police sont requis pour régler des conflits avec les usagers ».<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission avait notifié<br />

ses avis et recommandations au ministre de l’Intérieur et au ministre des<br />

Transports. La réponse faite à la Commission par le ministre de l’Intérieur le<br />

30 janvier 2006 a été publiée dans le <strong>rapport</strong> 2005.<br />

La Commission a reçu de M. Dominique Perben, ministre des Transports,<br />

de l’Équipement, du Tourisme et de la Mer, le 24 juillet 2006, la réponse<br />

suivante :<br />

532


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

533


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

Saisine n°2004-82<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le<br />

18 octobre 2004, par Mme Nathalie GAUTIER, députée du Rhône, des<br />

conditions de l’interpellation par les membres du GIPN, le 23 avril 2004 à<br />

6h00 du matin, de M. S.B., mineur à l’époque des faits, au domicile de ses<br />

parents à Jassans Riottier (01). Il était soupçonné dans une affaire de vol avec<br />

arme commis dans un magasin de vêtements. L’intervention, manifestement<br />

disproportionnée eu égard à la dangerosité de l’individu et peu préparée,<br />

en dehors de toute urgence, se révéla traumatisante pour toute la famille,<br />

dont les trois autres enfants présents sur les lieux âgés de 11 ans, 6 ans, et<br />

13 mois.<br />

La Commission avait recommandé au ministre de l’Intérieur, « par la<br />

diffusion d’instructions, de préciser : 1°– dans quels cas et au vu de quels<br />

éléments précis un service enquêteur peut saisir le GIPN, 2°– les conditions<br />

d’intervention des GIPN lorsqu’ils ont, en dehors de toute urgence comme<br />

c’était le cas ici, la possibilité d’apprécier concrètement et exactement une<br />

situation quant aux moyens à employer et à la conduite à tenir à l’égard des<br />

personnes qu’ils seront amenés à rencontrer, 3°– l’interdiction des mesures<br />

de coercition à l’égard des tiers ».<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission avait<br />

notifié ses avis et recommandations au ministre de l’Intérieur et avait saisi le<br />

procureur de la République concernant les violences alléguées sur le père<br />

de S.B.<br />

La Commission a reçu de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, le 30 mars 2006, la réponse suivante :<br />

La CNDS a adressé au ministre de l’Intérieur, le 11 avril 2006, le courrier de<br />

réponse suivant :<br />

La Commission a reçu du procureur de la République de Bourg-en-Bresse, le<br />

18 juillet 2006, la réponse suivante :<br />

534


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

535


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

536


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

537


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

538


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

539


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

Saisine n°2004-84<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 27<br />

octobre 2004 par Mme Nicole BORVO, sénatrice de Paris, le 15 novembre<br />

2004 par M. Daniel VAILLANT, député de Paris, et le 22 novembre 2004<br />

par Mme Annick LEPETIT, députée de Paris, des conditions de garde à vue<br />

de M. A.R., le 9 octobre 2004, au commissariat du 17 ème arrondissement de<br />

Paris. M. A.R. a été découvert le lendemain matin, vers 6h30, par un officier<br />

de police, gisant sur un trottoir à une centaine de mètres du poste. Il souffrait<br />

d’une hémorragie cérébrale qui a entraîné son décès le 14 octobre. Son<br />

placement en garde à vue avait fait suite à une interpellation pour conduite<br />

sous l’empire d’un état alcoolique. Il y avait été mis fin, selon les actes de<br />

la procédure, à 18h00 le 9 octobre. De nombreuses anomalies dans le<br />

déroulement de la garde à vue et dans les procès-verbaux de la procédure<br />

avaient été mises à jour par la Commission, lui laissant présumer des faux<br />

en écritures publiques.<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission avait<br />

notifié ses avis et recommandations au ministre de l’Intérieur. La réponse<br />

faite à la Commission par le ministre le 27 octobre 2006 a été publiée dans<br />

le <strong>rapport</strong> 2005.<br />

La Commission avait saisi le procureur de la République de Paris. Sa<br />

réponse, reçue le 20 juillet 2005, a été publiée dans le <strong>rapport</strong> 2005.<br />

La Commission avait également saisi le procureur général près la cour<br />

d’appel de Paris, compétent en matière de discipline des officiers de police<br />

judiciaire.<br />

La Commission a reçu du procureur général de Paris, le 2 janvier 2007, la<br />

réponse suivante :<br />

540


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

541


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

Saisine n°2005-5<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 21<br />

janvier 2004, par M. Robert BRET, sénateur des Bouches-du-Rhône, des<br />

conditions de l’interpellation et de la garde à vue, le 24 février 2004, de<br />

trois étudiants, MM. B.G., V.Ga, et C.V. Ceux-ci prétendaient être intervenus<br />

pour apaiser la situation au cours de l’arrestation du casseur d’une vitrine de<br />

magasin pendant le Carnaval des gueux, à Montpellier. MM. B.G. et V.Ga.<br />

ont été arrêtés puis condamnés pour avoir lancé des canettes de bière sur<br />

les forces de l’ordre. M. C.V. a été condamné en appel pour outrages. Cette<br />

affaire a pourtant été l’occasion pour la Commission d’inviter le ministre de<br />

l’Intérieur « à rappeler aux services enquêteurs leurs obligations en matière<br />

d’alcoolémie et de durée de garde à vue », et d’attirer de nouveau son<br />

attention « sur le nécessaire respect de la dignité des personnes lors des<br />

fouilles à corps ».<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission avait notifié<br />

ses avis et recommandations au ministre de l’Intérieur et au ministre de la<br />

Justice. La réponse adressée à la Commission par le ministre de l’Intérieur<br />

le 30 janvier 2006 a été publiée dans le <strong>rapport</strong> 2005.<br />

La Commission a reçu de M. Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des<br />

Sceaux, le 12 mai 2006, la réponse suivante :<br />

542


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

543


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

Saisine n°2005-10<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 2<br />

février 2005, par M. Manuel WALLS, député de l’Essonne, des conditions de<br />

l’interpellation de M. S.B., 18 ans, le 10 novembre 2004 à Évry, au cours de<br />

laquelle il a eu des dents et le nez cassés en plusieurs endroits, avec une<br />

ITT de 10 jours, après une projection au sol sans retenue par un gardien<br />

de la paix. <strong>Le</strong> jeune homme a été examiné par un médecin de l’hôpital (où<br />

il n’avait été emmené qu’après un premier passage au commissariat), qui<br />

avait estimé que l’état de M. S.B. était compatible avec un maintien en garde<br />

à vue.<br />

La Commission a vu dans cette « neutralisation » musclée un « acte de<br />

violence délibéré et gratuit » de la part du gardien de la paix, dont le collègue<br />

qui l’accompagnait semblait « avoir été le complice, faisant peu de cas de son<br />

rôle d’encadrement et d’élément modérateur ». L’acte avait heureusement<br />

été dénoncé par une adjointe de sécurité présente sur les lieux, qui ne<br />

souhaitait plus « couvrir » ses collègues.<br />

Conformément à l’article 8 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a saisi le<br />

procureur de la République d’Évry sur cette affaire, pour suite à donner.<br />

Elle avait par ailleurs notifié son avis pour information au Conseil national de<br />

l’Ordre des médecins. La réponse du président de l’Ordre a été publiée dans<br />

le <strong>rapport</strong> 2005.<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission avait notifié<br />

ses avis et recommandations au ministre de l’Intérieur et au ministre de la<br />

Santé. <strong>Le</strong>urs réponses ont été publiées dans le <strong>rapport</strong> 2005.<br />

À sa demande de copie des procès-verbaux des personnes auditionnées,<br />

la Commission a adressé à M. Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur et<br />

de l’Aménagement du territoire, le 14 février 2006, le courrier de réponse<br />

suivant :<br />

La Commission a reçu du ministre de l’Intérieur, le 20 septembre 2006, la<br />

réponse suivante :<br />

544


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

545


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

546


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

547


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

548


Saisine n°2005-75<br />

LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 10<br />

septembre 2005, par Mme Claire BRISSET, Défenseure des enfants, des<br />

conditions de rétention et de reconduite à la frontière subies par un nourrisson<br />

d’un mois, D.U., né en France, et par sa mère, M.U., d’origine somalienne,<br />

au centre de Oissel (76) en septembre 2005.<br />

La Commission a estimé que la procédure visant cette mère était « totalement<br />

improvisée », avec un centre de rétention qui n’était pas équipé pour<br />

recevoir des enfants en bas-âge, avec une absence de présentation au<br />

service médical et une éviction des professionnels des services sociaux qui<br />

désiraient intervenir. Ni la mère ni l’enfant n’avait reçu de nourriture adaptée.<br />

Ils avaient été retenus dans un véhicule de la police aux frontières (PAF)<br />

pendant près de huit heures sans eau ni nourriture.<br />

La Commission a considéré que D.U. avait fait l’objet d’une « situation<br />

relevant de la maltraitance, imputable à la police aux frontières de Rouen ».<br />

Elle avait, à cette occasion, observé dans ses recommandations le désarroi<br />

des fonctionnaires de la PAF face aux décisions de l’autorité administrative.<br />

Conformément à l’article 8 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a saisi<br />

le procureur de la République de Rouen. Sa réponse a été publiée dans le<br />

<strong>rapport</strong> 2005.<br />

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission avait notifié<br />

ses avis et recommandations au ministre de l’Intérieur, en vue de sanctions<br />

disciplinaires.<br />

La Commission a reçu de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur et de<br />

l’Aménagement du territoire, le 5 mai 2006, la réponse suivante :<br />

La Commission a adressé au ministre de l’Intérieur, le 11 juillet 2006, le courrier<br />

de réponse suivant :<br />

549


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

550


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

551


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

552


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

553


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

554


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

555


LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE 2005<br />

556


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION<br />

PÉNITENTIAIRE<br />

2001 – 2006<br />

557


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

558


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

LA CNDS ET L’ADMINISTRATION<br />

PÉNITENTIAIRE<br />

2001 – 2006<br />

La loi n o 2000-494 du 6 juin 2000 a confié à la Commission nationale de<br />

déontologie de la sécurité (CNDS) la mission de veiller au respect de la<br />

déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité. Sa<br />

compétence s’étend à toute activité où s’exerce un pouvoir direct de contrainte<br />

ou d’autorité sur les citoyens et comprend les agents de l’administration<br />

pénitentiaire, lorsqu’ils agissent dans le cadre de missions de sécurité.<br />

L’administration pénitentiaire est soumise à de nombreux organes et instances<br />

de contrôle, dont les compétences sont variées. On distingue les contrôles<br />

internes – contrôle hiérarchique par les directions régionales, contrôle de<br />

l’Inspection des services pénitentiaires, de l’Inspection générale des services<br />

judiciaires, et les contrôles externes – par la Commission de surveillance, les<br />

magistrats, les parlementaires, ou le Comité européen pour la prévention de<br />

la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.<br />

La CNDS a pour rôle de mettre en lumière, à travers les réclamations<br />

individuelles transmises par des parlementaires, les éventuels<br />

manquements à la déontologie et leurs causes, et ainsi contribuer à<br />

l’amélioration tant des conditions de détention des détenus, que du travail<br />

des agents de l’administration pénitentiaire et de la considération due à cette<br />

administration.<br />

A plusieurs reprises et dans le cadre de ses visites en France (en 2003 et<br />

2006), le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines<br />

ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a sollicité des entretiens<br />

avec le président de la Commission, afin de le consulter sur la situation des<br />

établissements pénitentiaires en France.<br />

559


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

Depuis sa création, la CNDS a enregistré 71 saisines qui ont concerné<br />

l’administration pénitentiaire, et chaque année, le nombre de dossiers<br />

a augmenté, passant de 3 dossiers reçus en 2001, à 22 en 2006. Cette<br />

dernière année a été marquée par une hausse conséquente des saisines,<br />

dont plusieurs ont fait état de violences et de traitements humiliants et<br />

dégradants.<br />

<strong>Le</strong> nombre significatif de dossiers reçus mettant en cause ce service et leur<br />

augmentation croissante ont conduit la Commission à réaliser une étude dont<br />

l’objectif est de synthétiser l’ensemble des dysfonctionnements rencontrés<br />

et de rendre compte des solutions proposées.<br />

La Commission, par cette étude, rejoint dans ses préoccupations les<br />

différentes institutions nationales et européennes sur la situation des prisons<br />

en France (Sénat, Assemblée nationale, Comité pour la prévention de la<br />

torture du Conseil de l’Europe, Commissaire aux droits de l’Homme du<br />

Conseil de l’Europe) 1 .<br />

*<br />

* *<br />

1 Cf. « Prisons : une humiliation pour la République », <strong>rapport</strong> de la Commission d’enquête sur les conditions de<br />

détention dans les établissements pénitentiaires en France, Sénat, 2000 ;<br />

« La France face à ses prisons », <strong>rapport</strong> de la Commission d’enquête sur la situation dans les prisons française,<br />

Assemblée nationale, 2000 ;<br />

Rapports au Gouvernement de la République française relatifs aux visites effectuées en France par le Comité<br />

européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) en 2000 et<br />

2003, www.cpt.coe/fr/etats/fra.htm<br />

Rapport du Commissaire aux droits de l’Homme sur le respect effectif des droits de l’Homme en France, suite à sa<br />

visite du 5 au 21 septembre 2005.<br />

560


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

Depuis le début de son activité, la CNDS a enregistré plus de 474 dossiers,<br />

dont 71 concernant l’administration pénitentiaire, ce qui représente environ<br />

14,9 % des dossiers reçus depuis 2001. Ce chiffre ne comprend pas les<br />

saisines directes reçues par la Commission qu’elle n’a pu enregistrer, n’étant<br />

pas saisie par un parlementaire 2 , et doit être évalué au regard des difficultés<br />

que peuvent rencontrer les détenus pour connaître et saisir la Commission.<br />

On compte 3 dossiers reçus en 2001, 9 en 2002, 11 en 2003, 13 en 2004, 13<br />

en 2005 et 22 en 2006. Ces chiffres doivent cependant être rapprochés de la<br />

moyenne annuelle de la population carcérale pendant la même période, soit<br />

près de 55 000 personnes.<br />

L’augmentation des dossiers reçus témoigne de la notoriété croissante de la<br />

CNDS auprès des détenus et des personnes en charge de défendre leurs<br />

droits, et atteste de sa place grandissante en tant qu’organe de contrôle de<br />

l’administration pénitentiaire.<br />

Au 15 janvier 2007, la CNDS avait traité 57 des dossiers qui ont concerné<br />

l’administration pénitentiaire. Elle a rendu un avis et fait des recommandations<br />

dans 37 dossiers ; les autres ont fait l’objet soit d’un classement hors délai<br />

(3 dossiers), hors compétence (11 dossiers) ou sans suite (1 dossier), soit<br />

n’ont donné lieu ni à avis ni à recommandation (3 dossiers). Dans 5 dossiers,<br />

la Commission n’a relevé aucun manquement manifeste à la déontologie ;<br />

elle a cependant estimé nécessaire de faire des recommandations dans 3<br />

d’entre eux (2004-11 ; 2004-53 ; 2006-16).<br />

La CNDS a précisé les contours de sa compétence au cours de ces six<br />

années. Elle s’est déclarée incompétente pour traiter de la contestation de<br />

mesures prises par l’administration pénitentiaire et qui ne concernent pas une<br />

activité de sécurité (déroulement des parloirs, décision de transfert, gestion<br />

des registres d’écrou). De même, elle s’estime incompétente, conformément<br />

à l’article 8 de la loi du 6 juin 2000, dès lors que la réclamation dont elle est<br />

saisie remet en cause le bien-fondé d’une décision juridictionnelle.<br />

<strong>Le</strong>s saisines enregistrées concernent principalement des hommes majeurs.<br />

7 dossiers (au moins) ont toutefois concerné des mineurs ou de jeunes<br />

majeurs, et 5 des femmes 3 .<br />

2 On compte 13 saisines directes reçues en 2005 et 16 en 2006.<br />

3 <strong>Le</strong> dossier 2005-66 concerne à la fois une femme et un homme.<br />

561


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

<strong>Le</strong>s établissements impliqués sont essentiellement des maisons d’arrêt.<br />

Quelques dossiers ont concerné des maisons centrales ou des centres de<br />

détention, et deux saisines le pavillon E2 de l’hôpital Pasteur de Nice, affecté<br />

à la détention de détenus malades. À quatorze reprises, la Commission a<br />

été saisie de réclamations de détenus placés au quartier disciplinaire ou au<br />

quartier d’isolement.<br />

Elle a eu à connaître de douze décès de détenus dont sept suicides.<br />

La CNDS a été amenée à faire de nombreux déplacements afin de pouvoir<br />

entendre les détenus et le personnel pénitentiaire : centre pénitentiaire des<br />

Baumettes, quartier des arrivants de Fleury-Mérogis, maison d’arrêt pour<br />

femmes de Draguignan, centre pénitentiaire de Maubeuge, maison d’arrêt<br />

de Fresnes, maison centrale de Moulins-Yzeure, maison d’arrêt de la Santé,<br />

centre pénitentiaire de Caen, maison d’arrêt de Tarbes, maison centrale de<br />

Poissy, centre pénitentiaire de Saint-Maur, maison d’arrêt de Gap, pavillon<br />

E2 de l’hôpital Pasteur de Nice, maison d’arrêt de Toulouse-Seysses,<br />

maison d’arrêt de Besançon, maison d’arrêt de Liancourt, maison d’arrêt<br />

de Strasbourg et centre de détention du Val-de-Reuil. A chaque fois, elle a<br />

pu accéder aux lieux qu’elle souhaitait visiter et bénéficier d’un local mis à<br />

sa disposition par l’établissement afin de pouvoir entendre les personnes<br />

auditionnées.<br />

Lorsqu’elle l’a estimé nécessaire, la Commission, conformément à l’article 5<br />

de la loi du 6 juin 2000, a demandé au garde des Sceaux de saisir l’Inspection<br />

des services pénitentiaires afin qu’il soit procédé à une enquête. Dans<br />

certains dossiers, une enquête avait déjà été diligentée.<br />

Elle a saisi les autorités compétentes chaque fois qu’elle a estimé que les<br />

faits étaient susceptibles de sanctions pénales ou disciplinaires (saisines<br />

2004-31 ; 2004-66 ; 2005-7 ; 2005-63).<br />

La présente étude porte sur les 38 saisines traitées par la Commission, dans<br />

lesquelles elle a rendu un avis et fait des recommandations, soit un dossier<br />

en 2001, dix en 2003, neuf en 2004, quatre en 2005 et quatorze en 2006.<br />

562


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

Analyse des saisines<br />

En six années d’activité, la Commission a été amenée à connaître de<br />

réclamations et de situations diverses ; des cas de suicides (notamment<br />

au quartier disciplinaire), de violences entre détenus, des conditions<br />

d’organisation et de déroulement de fouilles générales, des conditions<br />

d’exécution des fouilles corporelles intégrales, des problèmes d’escortes<br />

pour les détenus malades, des conditions de transferts et de transports<br />

de détenus, de l’accès aux soins et aux outils informatiques, du placement<br />

au quartier disciplinaire de détenus fragiles ou malades, des conditions de<br />

détention des détenus handicapés...<br />

Plusieurs dossiers ont aussi fait état de comportements abusifs, de mauvais<br />

traitements ou de brimades et de violences illégitimes subis par les détenus<br />

de la part du personnel de l’administration pénitentiaire.<br />

<strong>Le</strong>s manquements constatés résultent à la fois de carences institutionnelles<br />

et de pratiques non professionnelles : violences illégitimes, attitude<br />

non professionnelle des agents, non-respect des règles en vigueur<br />

dans l’établissement, mauvaise gestion des incidents, délitement de la<br />

responsabilité de la hiérarchie…<br />

L’analyse des saisines traitées par la Commission à l’occasion desquelles<br />

elle a émis un avis et fait des recommandations fait apparaître des<br />

dysfonctionnements liés à la fois au manque d’attention pour la « personne<br />

détenue » dans la prévention des suicides et des violences entre détenus, au<br />

comportement des agents, ainsi qu’aux mauvaises conditions de détention.<br />

I. <strong>Le</strong> manque d’attention pour « la personne détenue » dans la<br />

prévention des suicides et des violences entre détenus<br />

Plusieurs cas de violences graves commises par un détenu sur son codétenu<br />

ou des cas de suicide ont montré que le choix de l’affectation des détenus et<br />

la surveillance à mettre en place supposaient de la part de l’administration<br />

d’avoir un minimum d’éléments utiles sur les personnes détenues, et d’en<br />

assurer une bonne communication entre les différents services et personnes<br />

intervenantes. <strong>Le</strong> manque d’information et d’attention peut en effet être à<br />

563


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

l’origine d’une mauvaise gestion des situations et est susceptible d’entraîner<br />

des conséquences dramatiques.<br />

Ces précautions devraient permettre d’adapter les solutions aux situations<br />

individuelles et ainsi prévenir les suicides et les mauvais traitements ou<br />

violences exercés sur des détenus par d’autres détenus.<br />

1. <strong>Le</strong>s suicides en détention et en quartier disciplinaire<br />

La Commission a été saisie de plusieurs cas de suicides de détenus. Elle a<br />

constaté des manquements et fait des recommandations dans quatre d’entre<br />

eux (2002-30 ; 2003-26 ; 2003-48 ; 2006-53) 4 .<br />

Dans un autre dossier (2002-34), deux jeunes détenus sont morts après avoir<br />

mis le feu à leur matelas dans leur cellule. Si leur intention première n’était<br />

pas de se donner la mort mais d’attirer l’attention des surveillants, de faire<br />

pression afin d’obtenir un changement de cellule, leur geste les y a conduit.<br />

Ce dossier a posé le problème de la méconnaissance par l’administration<br />

pénitentiaire des antécédents des détenus.<br />

<strong>Le</strong>s autres dossiers cumulent divers dysfonctionnements : impuissance de<br />

l’administration pénitentiaire face à la détention de détenus présentant des<br />

troubles mentaux majeurs, absence de prise en compte de la personnalité<br />

des détenus et des troubles mentaux dans les décisions de sanctions<br />

disciplinaires, carences dans le suivi et la surveillance des détenus en<br />

quartier disciplinaire. Ces dossiers soulèvent également le problème de<br />

l’impossibilité d’ouverture des cellules la nuit, en l’absence de gradés sur<br />

place, et celui de l’information faite aux familles des détenus.<br />

<strong>Le</strong> risque de suicide en prison est important. Afin de limiter les cas, il est<br />

nécessaire que les établissements pénitentiaires mettent en place un<br />

dispositif de prévention et de vigilance. Dans plusieurs des cas examinés,<br />

il est apparu des insuffisances dans la prise en compte de la personnalité<br />

des personnes détenues qui ont conduit à des lacunes dans le dispositif de<br />

surveillance.<br />

Dans le dossier précité (2002-34), dans lequel deux jeunes sont morts<br />

4 <strong>Le</strong>s autres saisines ont fait l’objet d’une décision de classement (saisines 2002-9 et 2003-61) ou n’ont pas encore été traitées.<br />

564


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

après avoir mis le feu à leur cellule, le directeur de la prison ignorait que l’un<br />

des détenus avait déjà fait l’objet de deux procédures pour des incendies<br />

volontaires, et ne l’a appris que lors de son audition à la Commission. Celuici<br />

avait de plus menacé à plusieurs reprises de mettre le feu s’il n’obtenait<br />

pas son changement de cellule. Pour la CNDS, la connaissance et la prise en<br />

compte de ces éléments auraient pu permettre à l’administration pénitentiaire<br />

d’adapter sa réponse dans l’intérêt des détenus, mais aussi de la sécurité.<br />

La Commission, dans le dossier 2002-30, s’est interrogée sur le maintien en<br />

détention de détenus connus et suivis pour des problèmes psychiatriques<br />

majeurs (détenu suivi par plusieurs psychiatres et ayant fait plusieurs séjours<br />

dans des établissements psychiatriques), et a indiqué l’intérêt de faire appel<br />

dans ces cas particuliers à un expert médical. Il s’agissait d’un jeune détenu<br />

qui avait déjà fait une première tentative de suicide et avait été conduit à<br />

l’hôpital ; il avait bénéficié de mesures spéciales de prévention (mise en<br />

cellule avec deux autres détenus, doublement des rondes) et son codétenu<br />

avait signalé son état d’excitation. Il a été retrouvé pendu.<br />

La Commission a attiré l’attention sur ce problème dans deux autres<br />

dossiers (voir <strong>rapport</strong> 2001 et saisine 2002-34). Dans ses réponses, le garde<br />

des Sceaux avait indiqué que la réglementation en vigueur, et notamment<br />

les articles D.381 et D.382 du Code de procédure pénale 5 , lui paraissait<br />

suffisante pour assurer une prise en charge adéquate des détenus et une<br />

information efficace et rapide du personnel pénitentiaire. Il avait notamment<br />

été précisé que le recours à un expert posait des problèmes de budget<br />

quant à la rémunération de celui-ci, de rapidité au regard des délais actuels<br />

d’obtention des expertises, et de cohérence avec les attributions conférées<br />

à l’autorité judiciaire, s’agissant notamment des personnes placées en<br />

détention provisoire.<br />

Plusieurs cas de suicides sont survenus au quartier disciplinaire (QD). La<br />

CNDS s’est interrogée sur les décisions de placement en cellule disciplinaire<br />

de détenus fragilisés.<br />

5 L’article D.381 permet au chef d’établissement de demander aux médecins de l’UCSA d’examiner un détenu,<br />

et l’article D.382 dispose que ceux-ci sont tenus de délivrer à l’administration pénitentiaire les renseignements<br />

strictement nécessaires à l’orientation du détenu, ainsi qu’aux modifications ou aux aménagements du régime<br />

pénitentiaire justifiés par son état de santé.<br />

565


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

<strong>Le</strong> régime de détention au QD restreint les droits des détenus et rend plus<br />

difficiles les conditions de vie : en QD, les détenus sont coupés du reste de<br />

la détention, ils ne peuvent bénéficier de parloirs, ils ne peuvent pas cantiner,<br />

ils ont un temps de promenade beaucoup plus limité, et le plus souvent n’ont<br />

pas d’activité physique.<br />

La Commission a recommandé, dans un dossier (2003-26), une stricte<br />

application de la réglementation, notamment en matière de mise en<br />

prévention, considérant qu’une utilisation à bon escient de celle-ci et<br />

des procédures disciplinaires permettait de participer à la prévention des<br />

suicides. En l’espèce, elle a considéré que l’incident à l’origine de la mise<br />

en prévention aurait pu être réglé par un minimum de dialogue et ne justifiait<br />

pas que le détenu soit emmené au QD.<br />

Dans le dossier 2003-48, la Commission constate que la situation des deux<br />

détenus n’avait pas été suffisamment prise en compte dans le choix des<br />

sanctions. L’un était repéré par le personnel comme ayant une personnalité<br />

fragile et dépressive, qui vivait mal son incarcération et clamait son<br />

innocence de manière obsessionnelle ; l’autre était un toxicomane astreint à<br />

un traitement de substitution lourd (Subutex). Elle a donc tenu à rappeler à<br />

l’administration pénitentiaire l’article D.251-5 du Code de procédure pénale,<br />

qui indique que « le président de la commission de discipline prononce<br />

celles des sanctions prévues aux articles D.251 et D.251-1 (dont la mise en<br />

cellule disciplinaire) qui lui paraissent proportionnées à la gravité des faits et<br />

adaptées à la personnalité de leur auteur ».<br />

Dans son avis 2006-53, la CNDS, saisie des conditions du décès d’un<br />

détenu au quartier disciplinaire du centre pénitentiaire de Liancourt,<br />

s’est inquiétée de constater que celui-ci, blessé à la suite d’un incident<br />

au cours duquel il avait fait l’objet d’une maîtrise physique violente, était<br />

placé le jour même et dès sa sortie de l’hôpital au quartier disciplinaire.<br />

Elle considère qu’il n’a pas bénéficié d’une assistance suffisante au<br />

regard de la détresse morale et psychologique qu’il manifestait (refus de<br />

s’alimenter, refus de la promenade, demandes réitérées de voir un médecin).<br />

Ces éléments n’ont pas été transmis par les surveillants à l’UCSA 6 de<br />

6 Unité de Consultations et de Soins Ambulatoires.<br />

566


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

l’établissement. La Commission estime « qu’il est même fortement probable<br />

que c’est délibérément que les professionnels de santé et la direction, à<br />

même d’évaluer la situation et de sortir ce détenu en détresse du QD, ont été<br />

tenus à l’écart », très certainement en représailles de l’« agression » d’un<br />

surveillant par le détenu la veille, qui l’avait amené à être placé en cellule<br />

disciplinaire. <strong>Le</strong> détenu, qui aurait dû être libérable trois semaines plus tard,<br />

s’est pendu le lendemain de son arrivée au QD.<br />

La CNDS a pu mesurer l’impact négatif des transfèrements successifs répétés<br />

subis par les détenus. <strong>Le</strong>s conditions difficiles dans lesquelles ces transferts<br />

ont lieu (éloignement familial, arrivée tardive dans les établissements en<br />

l’absence du dispositif d’accueil, sans paquetage,…) sont sources de<br />

tensions importantes, de frustrations et d’agressivité.<br />

Dans le dossier 2003-26, le détenu, condamné à une peine de moins d’un<br />

an de prison, avait déjà connu quatre établissements pénitentiaire en quatre<br />

mois et, semble-t-il, ressentait un fort sentiment d’injustice après son dernier<br />

transfert. Ces transferts répétés compromettent l’intégration des détenus<br />

dans leur établissement d’affectation et ne permettent pas au personnel<br />

pénitentiaire de bien connaître les détenus et de pouvoir ainsi gérer au mieux<br />

les situations.<br />

<strong>Le</strong>s carences dans le suivi et la surveillance des détenus en<br />

cellule disciplinaire<br />

La Commission a pu observer que le dispositif de surveillance des détenus en<br />

quartier disciplinaire était insuffisant ou inadapté pour assurer la prévention<br />

des suicides. Elle constate l’état d’isolement des détenus, amplifié par<br />

l’absence de surveillants en poste fixe, qui vient s’ajouter aux difficultés de la<br />

détention en quartier disciplinaire.<br />

Il est apparu dans les dossiers 2003-26 et 2003-48 que le jour, les détenus<br />

sont sous la responsabilité d’un surveillant en charge d’autres missions en<br />

détention (parloirs, infirmerie et salles d’attente), et que la nuit, les seules<br />

possibilités de communiquer pour les détenus en dehors des contacts lors<br />

des quatre rondes réglementaires sont un interphone relié au PC et un<br />

interrupteur qui allume un voyant dans un couloir le plus souvent désert. De<br />

plus, la présence d’un surveillant au PC la nuit n’est pas constante.<br />

Au vu de l’augmentation importante du nombre de détenus dans les cellules<br />

567


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

disciplinaires, la Commission a donc insisté sur l’urgence à doter ces quartiers<br />

d’un poste de surveillant fixe, considérant que les dispositifs techniques de<br />

communication des cellules ne pouvaient remplacer la présence constante<br />

d’une personne.<br />

Dans une lettre en date du 13 mai 2004, le garde des Sceaux avait tenu à<br />

préciser à la Commission que concernant la création de postes fixes en QD, il<br />

n’était pas possible de l’envisager dans l’immédiat, compte tenu des besoins<br />

et moyens actuels en personnels. <strong>Le</strong> 25 juin 2004, en réponse à l’avis de la<br />

Commission dans le dossier 2003-48, il a réitéré sa position, considérant que<br />

si la prévention des suicides était l’une des préoccupations constantes de<br />

l’administration pénitentiaire, la présence permanente d’un surveillant dans<br />

les QD se heurtait à la question des moyens humains disponibles. Il a été<br />

notamment précisé que si une augmentation des effectifs avait été prévue<br />

d’ici à 2007, celle-ci était prioritairement destinée à répondre aux besoins<br />

nés de la construction de nouveaux établissements, ainsi qu’à l’amélioration<br />

de la prise en charge des mineurs et des escortes.<br />

Dans le dossier 2003-48, la CNDS a de plus préconisé une gestion, nuit et<br />

jour, nominative et plus rigoureuse, du registre des détenus placés au QD,<br />

des mentions devant obligatoirement y figurer, notamment celles concernant<br />

les visites des médecins.<br />

Au-delà de la nécessité d’une présence physique constante, les surveillants<br />

doivent être attentifs aux différents signes d’alarme qui peuvent permettre de<br />

prévenir un suicide.<br />

Ainsi dans le dossier 2006-53, la Commission a estimé que le détenu n’avait<br />

pas bénéficié d’une assistance suffisante au regard de l’état de détresse<br />

morale et psychologique dans lequel il se trouvait. Aucun des signaux d’alarme<br />

n’avait été pris en compte par les surveillants (refus de s’alimenter, refus de<br />

la promenade, demandes réitérées de voir un médecin) et il semble même<br />

que son état ait été volontairement dissimulé aux autorités compétentes pour<br />

décider de sa sortie du QD.<br />

<strong>Le</strong> problème de l’ouverture des cellules la nuit<br />

A plusieurs reprises, la Commission a constaté que dans certains établissements,<br />

les surveillants en poste la nuit ne disposaient pas, pour des raisons de sécurité,<br />

de l’accès aux clefs permettant d’ouvrir les cellules, et que seul le gradé d’astreinte<br />

568


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

était autorisé à le faire. Elle s’est inquiétée de cette carence qui pose un problème<br />

important lors de la nécessité d’intervention urgente.<br />

Dans le dossier 2002-30, dans lequel un détenu s’était pendu, la Commission<br />

a constaté qu’aucun des trois fonctionnaires présents ne disposait des clefs<br />

des cellules. Il a fallu attendre l’arrivée du responsable d’astreinte pendant<br />

environ dix minutes pour pouvoir ouvrir la cellule. La Commission a donc<br />

préconisé de nouvelles dispositions pour que les cellules soient ouvertes<br />

rapidement par les surveillants présents en cas d’incident.<br />

<strong>Le</strong> même problème s’est illustré dans le cas de détenus placés en cellule<br />

disciplinaire. Dans une saisine (2003-26), il est ressorti de l’examen des<br />

pièces que les surveillants présents dans l’établissement pendant le service<br />

de nuit n’ont pu intervenir et apporter les premiers secours au détenu<br />

qu’environ quinze minutes après sa découverte, du fait de l’impossibilité<br />

d’accéder à sa cellule. Il ressort, tant de l’audition de surveillants que de<br />

celle de détenus, que les passages à l’acte suicidaire surviennent souvent<br />

au moment de l’arrivée d’un personnel, signalée par les bruits d’ouverture<br />

et de fermeture des grilles, et lors des rondes. La Commission a donc<br />

recommandé que les quartiers disciplinaires dépourvus de gradés la nuit<br />

soient dotés d’un dispositif d’accès en urgence à une clé des cellules dans<br />

une armoire vitrée.<br />

Suite aux recommandations faites par la Commission, le garde des Sceaux<br />

a maintenu que pour des raisons de sécurité, les agents en service de nuit<br />

ne pouvaient pas être en possession des clefs des cellules (courrier en date<br />

du 6 janvier 2004 en réponse à l’avis 2002-30). Il a toutefois été précisé que<br />

pour ces établissements, un dispositif en cours d’expérimentation avait été<br />

mis en place, consistant à autoriser les agents de service, dans l’attente<br />

de l’arrivée du gradé d’astreinte et après en avoir reçu l’ordre, à intervenir<br />

immédiatement en brisant une boîte vitrée afin de porter secours à un détenu<br />

pris de malaise ou en danger apparent. Il a été prévu que ce dispositif puisse<br />

être éventuellement étendu ou généralisé si son efficacité était établie et<br />

s’il ne mettait pas en cause la sécurité (courrier en date du 13 mai 2004, en<br />

réponse à l’avis 2003-26).<br />

Par courrier en date du 15 juin 2006, le garde des Sceaux a fait part à la<br />

Commission d’une note du 29 juillet 2005 prévoyant, dans le cas d’incendie<br />

susceptible d’embraser tout ou partie de l’établissement, la mise en place<br />

d’une procédure consistant à permettre aux agents, dans l’attente de l’arrivée<br />

569


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

du gradé d’astreinte, d’intervenir soit en brisant une boîte vitrée pour prendre<br />

une clef de cellule, soit par la biais d’une armoire à clefs électronique dont<br />

l’ouverture se fait par composition d’un code secret.<br />

La Commission regrette que cette procédure ne s’applique toujours pas aux<br />

situations de malaise ou aux cas de tentatives de suicide.<br />

L’information faite aux familles<br />

La Commission a été saisie à plusieurs reprises de dossiers faisant état<br />

d’une information à la famille sur le suicide du détenu faite brutalement et<br />

sans ménagement.<br />

Dans le dossier 2003-26, la Commission a pu constater que l’annonce du<br />

suicide du détenu n’avait été faite à la famille que le lendemain vers 15h30<br />

(le décès avait été constaté vers 20h15 la veille). Des policiers ont remis<br />

sans explication à la mère du détenu « un bout de papier comportant un nom<br />

et un numéro de téléphone à contacter ». La famille ignorait même qu’il avait<br />

été transféré dans cette prison. Sa sœur, elle, a reçu un coup de téléphone<br />

sur son portable lui annonçant le décès de son frère. Quand elle a demandé<br />

plus d’explications, on lui a répondu : « Il s’est tout simplement suicidé ».<br />

Dans un autre dossier (2003-23) concernant un détenu qui avait tenté de<br />

se suicider, aucune information immédiate n’avait été faite à la famille. <strong>Le</strong>s<br />

parents du détenu s’étaient présentés pour un parloir, et n’avaient pu obtenir<br />

d’explications quant à l’absence de leur fils que par les autres détenus. Ce<br />

n’est que vingt-cinq jours après la tentative de suicide, et après que les<br />

parents du détenu ont écrit au directeur de l’établissement, que celui-ci leur<br />

a répondu.<br />

La Commission a donc recommandé que l’information aux familles soit<br />

obligatoire, et que soit complété en ce sens l’article D.427 du Code de<br />

procédure pénale.<br />

2. <strong>Le</strong>s cas de violences entre détenus<br />

La Commission a examiné dans deux dossiers (<strong>rapport</strong> 2001 et saisine<br />

2002-25) des cas de violences graves, avérées, commises par des détenus<br />

570


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

sur leurs codétenus. Dans l’un des cas, les violences ont entraîné le décès<br />

de la victime. La Commission a également été saisie d’un troisième dossier<br />

(2005-7), dans lequel un détenu a été retrouvé mort dans sa cellule. Dans<br />

cette affaire, l’imputabilité de la mort du jeune homme à son codétenu n’est<br />

pas prouvée, une instruction étant en cours pour déterminer les causes<br />

du décès. Il est cependant établi que le choix de son affectation avec ce<br />

codétenu présentait des risques majeurs.<br />

Ces saisines ont révélé des manquements dans les décisions prises par la<br />

direction de la prison pour l’affectation en cellule et la surveillance mise en<br />

place.<br />

Dans le premier dossier dont a eu à connaître la Commission (<strong>rapport</strong> 2001),<br />

le détenu devait effectuer simplement un reliquat de peine d’un jour. Faute<br />

de place dans une cellule « arrivant », il fut placé en détention, d’abord avec<br />

un premier détenu, remplacé dans l’après-midi par un deuxième détenu,<br />

M. Y. Il a été retrouvé mort le lendemain matin dans la cellule. L’affectation<br />

de M. Y. avait été décidée par un chef de service pénitentiaire stagiaire qui<br />

ne connaissait ni son « passé psychiatrique », ni les faits commis en prison,<br />

ni le fait même que M. Y. sortait du QD pour des violences graves exercées<br />

sur son codétenu.<br />

La Commission a notamment relevé que M. Y. avait réintégré la détention un<br />

jour avant la fin de la sanction prononcée à son encontre. Cette erreur résulte<br />

du fait que seul le tableau manuel non actualisé avait été consulté et non<br />

le système de gestion informatisé GIDE (gestion informatisée des détenus<br />

en établissement), logiciel qui permet une consultation de l’ensemble des<br />

informations concernant les détenus.<br />

La Commission a déploré, dans ce dossier, un cloisonnement entre les<br />

différents intervenants gravement nuisible au traitement des détenus, et une<br />

circulation de l’information sur la dangerosité des détenus incomplète au<br />

sein même de l’administration pénitentiaire.<br />

La Commission a donc recommandé d’étoffer le contenu des dossiers<br />

individuels des détenus, par des renseignements supplémentaires issus des<br />

dossiers judiciaires en provenance du juge d’instruction ou du procureur de<br />

la République (incidents survenus lors de la garde à vue ou de l’arrestation),<br />

par des informations issues des experts et spécialistes (conclusions de<br />

l’expertise médicale, notamment psychiatrique), par le compte-rendu de<br />

l’entretien avec les agents pénitentiaires au moment de l’incarcération, par<br />

571


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

la copie des <strong>rapport</strong>s d’incidents en cours de détention et des décisions<br />

disciplinaires, et par des renseignements médicaux.<br />

On retrouve aussi dans ce dossier une intervention tardive du personnel<br />

pénitentiaire due à l’insuffisance du dispositif de surveillance de nuit.<br />

L’Inspection générale des services judiciaires, dans son enquête, avait<br />

d’ailleurs relevé de graves dysfonctionnements dans l’organisation du<br />

service de nuit.<br />

Pour la CNDS, une meilleure personnalisation des régimes aurait certainement<br />

permis une surveillance de nuit accrue de cette cellule, et aurait peut être<br />

permis d’éviter le décès du détenu.<br />

Dans le deuxième dossier (2002-25), il s’agissait de graves sévices sexuels<br />

et de violences commises à l’encontre d’un détenu par son codétenu<br />

pendant leur première semaine d’incarcération commune. La Commission a<br />

pu observer que des efforts étaient faits dans certains établissements pour<br />

l’accueil des détenus. La victime, signalée comme fragile et très angoissée,<br />

avait été placée avec ce détenu pour éviter toute tentative de suicide. Il avait<br />

bénéficié de la fiche « arrivant » permettant de suivre le comportement des<br />

nouveaux détenus, ainsi que des entretiens personnels avec le chef de<br />

service, le médecin et une infirmière de l’UCSA.<br />

Mais il ressort du dossier que l’établissement pénitentiaire disposait d’une<br />

information incomplète concernant son codétenu, M. B. : s’il était bien précisé<br />

sur la fiche établie par le greffe qu’il n’était pas un détenu primaire, les motifs<br />

de l’une de ses précédentes condamnations, à savoir agression sexuelle, n’y<br />

figuraient pas.<br />

<strong>Le</strong>s signes de détresse importante du détenu (refus de douche et de<br />

promenade) n’ont pas retenu l’attention des personnels.<br />

La CNDS a donc déploré que l’effort d’attention et d’écoute indispensable,<br />

entamé le premier jour, n’ait pas été poursuivi tout au long de la semaine<br />

d’accueil. Cette première phase devrait s’achever par un entretien entre le<br />

détenu et un gradé de l’administration pénitentiaire.<br />

Dans le dossier 2005-7, c’est à la fois le choix de l’affectation du détenu et les<br />

carences dans la surveillance mise en place par l’administration pénitentiaire<br />

qui ont été mis en cause. M. K.B. est un jeune arrivant (18 ans), signalé<br />

comme fragile (polytoxicomanie). D’abord placé seul en cellule, M. K.B. a dû<br />

par la suite la partager avec un autre détenu, M. B., sorti de cellule disciplinaire<br />

au motif que l’on en avait besoin pour un autre détenu sanctionné. M. B. était<br />

572


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

présenté par l’administration pénitentiaire comme « perturbé, sournois, voire<br />

dangereux ». Deux jours plus tard, le jeune détenu K.B. est retrouvé mort<br />

dans son lit.<br />

L’Inspection des services pénitentiaires a reconnu que le choix de placer le<br />

détenu B. dans la même cellule que K.B. était discutable. La CNDS note que<br />

l’état de santé de K.B. témoignait d’une vulnérabilité importante visible 7 , qui<br />

imposait une surveillance particulière et de donner des consignes spécifiques<br />

aux surveillants, voire de demander une hospitalisation. Il est ressorti des<br />

investigations de la Commission qu’à plusieurs reprises lors des rondes, et<br />

alors que le hublot de veille de la cellule était défectueux, l’intégrité physique<br />

du détenu n’a pas été vérifiée. <strong>Le</strong> surveillant, qui ne pouvait rien voir dans la<br />

cellule, aurait dû frapper à la porte.<br />

De même, le lendemain matin, alors qu’à trois reprises un surveillant ouvre<br />

la cellule, personne ne s’inquiète du silence et de l’absence de mouvement<br />

du détenu. C’est M. B., le codétenu, qui a signalé à un surveillant que K.B.<br />

n’allait pas bien.<br />

La Commission a estimé, dans ce dossier, que des négligences<br />

graves ont été commises dans la surveillance mise en place à l’égard<br />

d’un détenu dont l’état de vulnérabilité était connu de l’administration<br />

pénitentiaire. Elle a donc recommandé la saisine de l’instance disciplinaire.<br />

Il est apparu que le jeune homme s’était vu prescrire à plusieurs reprises des<br />

médicaments, qu’il avait certainement pu stocker : il était arrivé en détention<br />

avec une petite bouteille de médicaments, sans que l’équipe médicale en<br />

soit informée par le personnel pénitentiaire. Il s’était vu prescrire un autre<br />

traitement quelques jours plus tard par le SAMU, puis une nouvelle fois le<br />

lendemain par le médecin de l’UCSA.<br />

La Commission a considéré que ces faits révélaient un manque d’organisation<br />

et de concertation entre le service médical et l’administration pénitentiaire.<br />

Elle s’est inquiétée auprès du garde des Sceaux et du ministre de la Santé<br />

du suivi de la santé des détenus à la maison d’arrêt de Gap.<br />

7 L’infirmière qui a reçu en consultation le détenu quelques jours après son arrivée en détention a déclaré à la<br />

Commission qu’ « à la visite médicale du mardi, M. K.B. était dans un état déplorable, presque un moribond, il<br />

ne tenait pas debout. Il m’a paru être à un stade de toxicomanie avancée et un état de délabrement physique très<br />

avancé ». Cf. <strong>rapport</strong> CNDS 2005, p. 337 et s.<br />

573


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

II. <strong>Le</strong>s manquements suscités par des comportements non<br />

professionnels du personnel pénitentiaire<br />

Dans plusieurs dossiers, des membres du personnel pénitentiaire ou des<br />

forces de sécurité intervenant en milieu pénitentiaire ont été mis en cause<br />

par des détenus, soit pour des mauvais traitements (brimades, harcèlement,<br />

pressions psychologiques ou chantage) ou des violences, soit en raison<br />

de comportements permissifs ou abusifs. Dans certains de ces dossiers,<br />

l’existence de manquements à la déontologie de la part des agents n’est<br />

pas toujours avérée ; en revanche, un certain nombre d’irrégularités dans<br />

la gestion et le traitement des incidents, ainsi que des pratiques non<br />

professionnelles, ont pu être relevées.<br />

A plusieurs reprises, la CNDS a été saisie de situations dans lesquels des<br />

agents des Équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS) sont<br />

intervenus.<br />

1. <strong>Le</strong>s pratiques non professionnelles<br />

Chantage, brimades, harcèlement et pressions psychologiques<br />

sur les détenus<br />

Saisie de la plainte de plusieurs détenus faisant état de pressions et de<br />

chantage à leur encontre de la part d’un surveillant exerçant la fonction de<br />

chef de bâtiment – et ce afin d’obtenir des renseignements sur certains faits,<br />

notamment le nom des détenus en possession de téléphone portable ou de<br />

cannabis, en échange de la possibilité de travailler, de changer de cellule<br />

ou d’obtenir des grâces (2003-13) –, la CNDS a recommandé d’interdire de<br />

rechercher des renseignements en exerçant des pressions et manœuvres<br />

d’intimidation sur des détenus.<br />

La Commission a également été saisie des conditions de l’intervention d’une<br />

équipe de surveillants dans plusieurs cellules du quartier disciplinaire de<br />

Liancourt, dans la nuit du 27 au 28 mai 2005 (saisine 2006-43) : la lance à<br />

incendie avait été utilisée pour faire tomber des grilles du sas les couvertures<br />

placées là par les détenus pour obstruer la vue. <strong>Le</strong>s surveillants entendus<br />

ont allégué un « début d’incendie » et une « menace d’incendie », qui ne se<br />

574


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

sont pas avérés. <strong>Le</strong>s détenus ont été laissés toute la nuit dans des cellules<br />

inondées, sans qu’en soit correctement informé le gradé d’astreinte.<br />

Seul le premier surveillant en poste a fait l’objet d’un blâme pour cette<br />

brimade, susceptible pour la CNDS de constituer une atteinte à la dignité<br />

humaine sanctionnée par la Cour européenne des droits de l’Homme, et<br />

qui est intervenue par ailleurs dans un contexte latent d’humiliations et de<br />

violences envers les détenus dans cet établissement (cf. saisines 2006-53 ;<br />

2006-60 ; 2006-89 ; 2006-127).<br />

Dans le dossier 2002-28, la Commission a pu constater que bien qu’un<br />

roulement trimestriel du personnel soit prévu, il est habituel que les surveillants<br />

permutent leur poste. Considérant que cette faculté, si elle n’est pas<br />

encadrée, peut permettre à un surveillant de chercher à être régulièrement<br />

en contact avec un détenu, elle a préconisé qu’un état précis des demandes<br />

de changement de poste soit tenu afin de vérifier les raisons pour lesquelles<br />

un fonctionnaire demanderait fréquemment son affectation dans un autre<br />

service que celui prévu.<br />

Agents mis en cause pour des violences physiques illégitimes<br />

exercées sur des détenus<br />

La Commission a été saisie de plusieurs dossiers dans lesquels des agents<br />

ont été mis en cause pour des violences physiques exercées sur des<br />

détenus. La difficulté d’appréciation des faits tient, dans ces dossiers, d’une<br />

part au contexte carcéral dans lequel surviennent les violences, qui ont le<br />

plus souvent lieu à la suite d’un incident, lors de la « maîtrise » physique du<br />

détenu ; et d’autre part aux divergences dans les versions données entre le<br />

ou les détenus et les agents.<br />

La Commission a dû faire la part entre les témoignages de chacun et la réalité<br />

des situations, afin d’établir s’il a été fait une utilisation disproportionnée et<br />

abusive de la force ou un usage strictement nécessaire et proportionné au<br />

regard de la situation. A chaque fois, elle s’est interrogée sur les circonstances<br />

qui ont pu entourer ou conduire à l’incident.<br />

Deux des dossiers ont aussi concerné des fonctionnaires de la police<br />

nationale et des gendarmes, intervenus en prison dans le cadre de missions<br />

spécifiques de sécurité (GIPN et GIGN).<br />

Dans plusieurs des cas examinés, la CNDS a considéré qu’il avait été fait un<br />

575


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

usage de la force disproportionné au regard du but à atteindre. Dans le dossier<br />

2004-3 bis, le groupement d’intervention de la police nationale (GIPN) avait<br />

fait usage d’un pistolet à impulsions électriques (Taser) sur une détenue. Cette<br />

intervention faisait suite à la dénonciation d’un prétendu projet d’explosion<br />

de sa cellule à l’aide de l’extracteur d’oxygène dont elle disposait pour des<br />

raisons de santé. <strong>Le</strong> GIPN était intervenu sans négociation préalable, « en<br />

raison de l’état dépressif de la détenue », et justifiait l’utilisation du Taser par<br />

le fait qu’il était l’arme la plus appropriée au regard de la situation, puisqu’il<br />

permettait d’écarter tout contact physique avec la détenue.<br />

La Commission a regretté la décision du GIPN d’écarter l’option du dialogue,<br />

alors qu’il avait été observé à l’aide d’une micro caméra que la détenue<br />

était calme et que des renseignements avaient été obtenus du médecin<br />

de l’UCSA sur l’absence de dangerosité de l’appareil respiratoire 8 . Pour la<br />

CNDS, aucun élément ne permettait de justifier la nécessité de neutraliser la<br />

détenue et l’utilisation du Taser. Ce serait la présence d’un journaliste et d’un<br />

photographe, en reportage depuis dix jours sur le GIPN, qui aurait motivé le<br />

choix de l’intervention sans dialogue et l’utilisation disproportionnée et non<br />

justifiée du Taser, équipement expérimental dont avait été récemment doté<br />

le service.<br />

La CNDS s’est aussi inquiétée de l’attitude passive de l’administration<br />

pénitentiaire, qui a laissé le GIPN intervenir alors qu’elle était assurée de<br />

l’absence de danger. Elle aurait dû reprendre ses prérogatives et assumer<br />

ses responsabilités ; ce qui supposait que le GIPN se retire, que la détenue<br />

soit extraite de sa cellule par les surveillants pour une fouille, et qu’une<br />

enquête interne soit menée. La CNDS a donc recommandé au ministère de<br />

l’Intérieur et au ministère de la Justice que toute intervention de corps de<br />

police spécialisé en prison s’effectue dans le respect des prérogatives de<br />

l’autorité compétente sur place.<br />

Dans le dossier 2005-55, la Commission a estimé qu’en l’absence d’une<br />

rébellion caractérisée, l’utilisation de la force avait été disproportionnée au vu<br />

du comportement du détenu. Celui-ci avait dégagé à deux reprises son bras<br />

que voulaient saisir les surveillants pour le conduire au quartier disciplinaire.<br />

8 Celui-ci, interrogé sur l’éventuelle dangerosité de l’extracteur d’oxygène, a par deux fois fait transmettre que<br />

l’appareil n’était pas susceptible d’exploser.<br />

576


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

Il avait alors fait l’objet d’un « balayage » avant d’être maîtrisé au sol et avait<br />

été blessé au genou (lésion du ligament latéral interne du genou gauche).<br />

Pour la Commission, le « balayage », s’il avait été correctement réalisé,<br />

n’aurait pas dû entraîner une telle blessure. La CNDS a demandé que la<br />

mise en œuvre des gestes techniques professionnels d’intervention fasse<br />

l’objet d’un entraînement régulier à leur bonne exécution.<br />

Dans la saisine 2006-61, si la légalité de l’emploi de la coercition n’a pas<br />

été remise en cause par la Commission, elle a toutefois considéré qu’il avait<br />

été fait un usage inopportun et disproportionné de la force. Il s’agissait d’un<br />

détenu qui avait interpellé un surveillant principal au sujet de sa requête,<br />

plusieurs fois réitérée, d’un encellulement individuel, et qui avait refusé de<br />

réintégrer sa cellule s’il n’obtenait pas satisfaction. L’alarme déclenchée,<br />

une dizaine de surveillants étaient intervenus pour maîtriser le détenu et le<br />

reconduire de force dans sa cellule. A cette occasion, il avait été blessé au<br />

genou.<br />

Pour la Commission, l’intervention n’était ni ajustée à la situation litigieuse, ni<br />

strictement nécessaire au contrôle du détenu. Une plus grande maîtrise de<br />

soi et un meilleur discernement dans le déclenchement des renforts auraient<br />

pu éviter un tel niveau de contrainte sur la personne du détenu.<br />

La Commission a rejoint l’Inspection des services pénitentiaires dans<br />

ses conclusions sur le fait que la force utilisée par les surveillants sur le<br />

détenu D.Z. au centre pénitentiaire de Liancourt (saisine 2006-89) a été<br />

disproportionnée par <strong>rapport</strong> au comportement du détenu, qui n’avait pas<br />

reçu son traitement de méthadone. Apprenant son changement de cellule<br />

qu’il ne s’expliquait pas, celui-ci avait alors menacé de se trancher la gorge<br />

au moyen d’une lame de rasoir. L’alarme alors été déclenchée. Une fois<br />

maîtrisé, il a été descendu vers le quartier disciplinaire. Dans les escaliers,<br />

D.Z. affirme qu’un surveillant lui a asséné deux violents coups de coude au<br />

visage. La preuve n’en a pas été <strong>rapport</strong>ée, mais l’Inspection a conclu que<br />

le traumatisme constaté au niveau de la pommette et des lèvres témoignait<br />

« d’une violence envers le détenu ».<br />

La Commission a été saisie, dans un dossier 2006-127, des violences<br />

commises par deux premiers surveillants à l’encontre du jeune D.S. au<br />

centre pénitentiaire de Liancourt, le 7 novembre 2006, faisant suite à de<br />

nombreuses brimades et autres séances de violences. Un jugement du tribunal<br />

577


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

correctionnel de Beauvais en date du 14 décembre 2006 a condamné ces<br />

deux personnels à quatre mois de prison avec sursis, grâce au témoignage<br />

d’un surveillant présent au moment des faits. La Commission, au vu du<br />

manquement manifeste à la déontologie révélé par les faits dont le jeune<br />

D.S. a été victime, par ailleurs pris en compte par la justice, a demandé la<br />

saisine des instances disciplinaires.<br />

Dans un dossier (2004-31), c’est à la suite d’une prise d’otage initiée par<br />

deux détenus, pour laquelle sont intervenus le Groupement d’intervention<br />

de la gendarmerie nationale (GIGN) et les groupes des Équipes régionales<br />

d’intervention et de sécurité (ERIS) de Lyon et Dijon, qu’ont été mis en cause<br />

le comportement violent de certains personnels et des débordements à<br />

l’issue favorable de la crise.<br />

La prise d’otage fut négociée par le GIGN. Elle a abouti en fin de journée<br />

à la sortie des détenus « neutres », puis des otages, et enfin à la mise en<br />

prévention des deux détenus responsables. Lors de la remise par le GIGN<br />

aux ERIS des détenus non acteurs de la prise d’otage, un incident éclate<br />

entre un détenu qui refuse de garder le visage au mur et les gendarmes qui<br />

craignent une possible contagion auprès des autres détenus. Il fait l’objet<br />

d’une intervention brutale (les éléments recueillis sont divergents, d’une<br />

maîtrise énergique du détenu selon le GIGN, à un « passage à tabac » selon<br />

les surveillants de la prison) et est sérieusement blessé au visage.<br />

Pour la Commission, la violence exercée par les membres du GIGN était<br />

excessive, d’autant que le détenu était menotté et que sa mise à terre n’était<br />

pas la plus appropriée pour sa maîtrise et son évacuation, mais au contraire<br />

susceptible de provoquer le contraire de ce qui était recherché, c’est-à-dire<br />

éviter une rébellion des autres détenus.<br />

S’agissant des deux preneurs d’otage, ils ont d’abord été pris en charge<br />

par les gendarmes qui les ont remis aux ERIS, puis ont été conduits au<br />

quartier disciplinaire. Ils ont été agressés pendant le trajet où se tenaient<br />

des surveillants locaux et des agents des ERIS et ont fait l’objet, lors de leur<br />

fouille au QD, de violences qualifiées par la Commission d’« injustifiables et<br />

inadmissibles ». Ils sont découverts le lendemain par le médecin de l’UCSA,<br />

l’un torse nu en pantalon, l’autre en caleçon et pieds nus, tous deux sans<br />

aucun autre vêtement. Deux ITT de dix et deux jours seront établies.<br />

La Commission a estimé particulièrement graves et indignes les conditions<br />

dans lesquelles s’est faite l’intégration des détenus au QD, constitutives<br />

de manquements à la déontologie. Bien que les deux services (ERIS et<br />

578


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

personnel local) se soient renvoyés mutuellement la responsabilité des<br />

violences exercées lors de la fouille, la Commission tient pour probable<br />

l’hypothèse selon laquelle les intervenants au QD étaient des surveillants<br />

de la prison cagoulés, agissant à la fois en représailles de la prise d’otage et<br />

dans une atmosphère de concurrence avec les ERIS. Il a en effet été constaté<br />

l’existence au sein de la maison centrale d’un groupe spécialement entraîné,<br />

composé de neufs surveillants volontaires travaillant au QD et à l’isolement,<br />

qui sont lors de leurs interventions cagoulés et équipés quasiment comme<br />

les ERIS.<br />

La Commission a demandé qu’une enquête soit menée sur ces groupes<br />

d’intervention afin que soit précisée aux directeurs la réglementation qui les<br />

concerne, et que soient contrôlées leurs modalités d’intervention.<br />

La Commission a pu se rendre compte, dans le dossier 2003-23, de<br />

l’importance de respecter les droits des détenus et leur dignité afin d’éviter<br />

la survenance d’incidents et l’usage éventuel de la contrainte, compte tenu<br />

des risques de blessures pour le détenu ou les surveillants. <strong>Le</strong> détenu<br />

s’était plaint de plusieurs incidents avec le personnel pénitentiaire au cours<br />

desquels il aurait fait l’objet de violences. <strong>Le</strong> premier incident éclate alors<br />

que des surveillants décident de l’isoler dans les douches et de procéder à<br />

une fouille à corps. Pris d’angoisse, il résiste, crie et insulte les gardiens. <strong>Le</strong>s<br />

surveillants usent alors de la force pour le maîtriser. <strong>Le</strong> détenu prétend qu’il<br />

a été entièrement déshabillé, puis mis au sol face contre terre, et qu’on lui a<br />

tiré les bras et les cheveux. <strong>Le</strong>s surveillants parlent, eux, d’une clé de bras,<br />

et assurent que le détenu était maintenu debout, contre le mur.<br />

La CNDS estime que c’est la décision d’isoler le détenu dans les douches<br />

qui a suscité son opposition et sa forte résistance. Elle a recommandé une<br />

stricte application des dispositions légales quant aux conditions et aux lieux<br />

des fouilles. Elle considère en effet que le lieu de la fouille était totalement<br />

inadapté et contraire aux dispositions légales, particulièrement à la circulaire<br />

du 14 mars 1986 relative aux fouilles intégrales, qui prescrit que celles-ci<br />

doivent être effectuées dans un local approprié et respecter la dignité des<br />

détenus.<br />

La Commission, dans un autre dossier (2006-16), où aucun manquement<br />

à la déontologie n’avait été relevé, a souligné le caractère par nature<br />

dégradant et humiliant des fouilles corporelles intégrales pour les détenus et<br />

l’importance des conditions matérielles dans lesquelles elles s’exécutent afin<br />

d’en réduire le degré d’humiliation. Elle a rappelé, dans le dossier 2005-68,<br />

579


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

le caractère exceptionnel que doit présenter la mise en œuvre d’une fouille<br />

à corps, estimant que cette mesure ne doit être utilisée que si le détenu peut<br />

être suspecté de dissimuler des objets dangereux pour lui-même ou pour<br />

autrui. La CNDS rejoint ainsi le souhait déjà formulé par d’autres et relatif à<br />

la limitation du recours aux fouilles corporelles intégrales 9 .<br />

<strong>Le</strong> deuxième incident a eu lieu après l’ajournement pour complément<br />

d’enquête de la commission de discipline chargée de statuer sur le premier<br />

incident. Lors du retour vers sa cellule, le détenu, lourdement chargé, a refusé<br />

de porter plus avant ses affaires et a demandé à pouvoir prendre le montecharge,<br />

ce qui lui a été refusé par le chef de service pénitentiaire (CSP). Sur<br />

ordre de celui-ci, les surveillants l’ont saisi et ont commencé à le monter de<br />

force en le tenant par les bras et les jambes. Alors qu’ils l’ont reposé au sol<br />

pour qu’il finisse de regagner seul sa cellule, un incident éclate. <strong>Le</strong> détenu dit<br />

avoir reçu des coups lors de sa maîtrise et lors de sa conduite en prévention<br />

(coups de poing et coups de pied).<br />

La Commission relève qu’un certificat médical atteste en partie ses<br />

plaintes 10 , et remarque qu’aucune solution alternative n’avait été proposée<br />

au détenu, comme par exemple l’aide d’un auxiliaire. Elle constate que<br />

l’attitude provocatrice du CSP, mécontent de l’ajournement de la procédure<br />

disciplinaire en cours, a contribué à tendre la situation : celui-ci aurait en<br />

effet interpellé le détenu immédiatement après sa sortie de la commission<br />

de discipline pour le convoquer l’après-midi même pour un nouveau compterendu<br />

d’incident. Or, il semble qu’aucun compte-rendu récent n’ait été rédigé<br />

concernant ce détenu. La Commission a donc recommandé une plus grande<br />

vigilance de la part de l’administration pénitentiaire quant au respect par le<br />

personnel des procédures disciplinaires.<br />

Constatant que la préparation des dossiers pour les commissions de discipline<br />

était très souvent confiée aux surveillants impliqués dans les incidents, la<br />

9 Cf. <strong>rapport</strong> de la Commission d’enquête du Sénat, juin 2000 : « <strong>Le</strong>s fouilles à corps doivent être au maximum<br />

réduites, le recours aux investigations corporelles internes devant être prohibé, sauf cas exceptionnel motivé par un<br />

impératif de sécurité ». Recommandation du Comité des ministres aux Etats membres sur les règles pénitentiaires<br />

européennes, 11 janvier 2006, Conseil de l’Europe.<br />

10 Un certificat établi trois jours après le deuxième incident fait état d’« un hématome sous l’œil gauche et un<br />

hématome de la face, du bras gauche de 2 cm sur 2 cm ».<br />

580


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

Commission a recommandé, dans le dossier 2003-48, que soient étudiées<br />

d’autres modalités de préparation des dossiers. Elle a préconisé que ceux-ci<br />

soient instruits et conduits par un personnel gradé et extérieur aux faits.<br />

Par courrier adressé à la Commission le 25 juin 2004, le garde des Sceaux a tenu<br />

à préciser qu’une circulaire du 2 avril 1996 relative au régime disciplinaire<br />

des détenus établissait le principe selon lequel l’agent auteur du compterendu<br />

d’incident n’était pas associé à l’ensemble de la procédure, et précisait<br />

qu’il convenait d’éviter de désigner pour participer à la commission de<br />

discipline un agent ou gradé ayant eu à connaître de l’affaire examinée. La<br />

Commission a toutefois pu observer que ces principes n’étaient pas toujours<br />

respectés.<br />

La CNDS s’est aussi interrogée sur l’opportunité d’obliger les détenus à<br />

emmener leur paquetage lorsqu’ils sont convoqués devant la commission<br />

de discipline. Considérant qu’aucune raison ne permettait de justifier cette<br />

règle et que la présentation du détenu avec son paquetage, en laissant<br />

préjuger de la sanction, suscitait des incidents, elle a recommandé de<br />

renoncer à cet usage et a souhaité qu’une circulaire soit adoptée afin<br />

d’établir une liste des objets que le détenu doit prendre avec lui lors d’une<br />

comparution disciplinaire.<br />

Par lettre reçue le 13 avril 2004, le garde des Sceaux a justifié l’obligation<br />

imposée aux détenus de préparer quelques effets personnels lors de leur<br />

comparution en commission de discipline par des raisons de sécurité, et afin<br />

d’éviter des incidents au moment du retour en détention. Il a de plus indiqué<br />

qu’une circulaire du 2 avril 1996 précise les objets que les détenus sont<br />

autorisés à disposer en cellule disciplinaire.<br />

Constatant dans la saisine 2005-55 que la mise en prévention au quartier<br />

disciplinaire est souvent à l’origine d’incidents, la Commission a souhaité<br />

que les conditions de celle-ci soient redéfinies, et ne relèvent pas de la seule<br />

décision d’un premier surveillant.<br />

Dans les cinq dossiers concernant le centre pénitentiaire de Liancourt (2006-<br />

43 ; 2006-53 ; 2006-60 ; 2006-89 ; 2006-127) dont elle a eu à connaître<br />

cette année, la Commission a pu se rendre compte de l’existence d’une<br />

instrumentalisation par certains surveillants des procédures de discipline,<br />

bien souvent diligentées sur la base de comptes-rendus d’incidents partiaux<br />

et faussés.<br />

581


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

Il ressort ainsi des investigations de la Commission, dans la saisine 2006-<br />

53, que le récit de l’incident fait par certains surveillants, et qui avait justifié<br />

la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire à l’encontre du détenu, était<br />

fortement sujet à caution.<br />

Il apparaît que de façon récurrente, des problèmes mineurs soulevés par des<br />

détenus (demande d’un balai pour nettoyer la cellule dans le dossier 2006-<br />

60 ; contestation d’un compte de cantine dans le dossier 2006-53) conduisent<br />

à l’incident et à des mises en prévention, qui s’accompagnent le plus souvent<br />

de brutalités. La Commission s’interroge donc sur le mode d’intervention de<br />

surveillants en nombre, faisant preuve de peu de discernement, dès que<br />

l’alarme est actionnée.<br />

<strong>Le</strong>s Équipes Régionales d’Intervention et de Sécurité (ERIS)<br />

Créées en 2003, les ERIS répondent à un objectif de renforcement de la<br />

sécurité dans les établissements pénitentiaires. Mises à la disposition des<br />

directions régionales, elles interviennent le plus souvent en renfort des agents<br />

sur place, dans le cadre de missions de maintien de l’ordre (fouille générale<br />

par exemple) ou de rétablissement de la sécurité (en cas de mutineries).<br />

La constitution de ces équipes, leur formation, leurs équipements et leurs<br />

modalités d’intervention ont suscité de nombreuses inquiétudes à leur<br />

création 11 .<br />

À plusieurs reprises, la Commission a été saisie à la suite d’une intervention<br />

des ERIS. Dans un premier dossier (2004-31), dans lequel des membres<br />

d’ERIS étaient intervenus à la suite d’une prise d’otage, la CNDS a pu constater<br />

l’existence d’un contentieux entre les agents des ERIS et le personnel local<br />

de surveillance, lié à l’indétermination de leurs compétences respectives.<br />

Elle a donc recommandé que soit mené un travail de clarification de leurs<br />

domaines de compétence.<br />

<strong>Le</strong> dossier 2004-14 a concerné un détenu inscrit au répertoire des détenus<br />

11 Cf. <strong>rapport</strong> au Gouvernement de la République française relatif à la visite du Comité européen pour la prévention de<br />

la torture et des traitements inhumains ou dégradants du 11 au 17 juin 2003, 2003, p. 26 et 27.<br />

582


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

particulièrement surveillés (DPS), qui se plaignait notamment d’avoir fait<br />

l’objet d’une surveillance particulière d’un mois par les ERIS lors de son<br />

séjour à la maison d’arrêt, où il avait été transféré pour comparaître devant la<br />

cour d’assise d’appel. La Commission a constaté que pendant cette période,<br />

le détenu n’avait eu de contacts de jour comme de nuit qu’avec le personnel<br />

des ERIS, en tenue d’intervention et cagoulé. S’inquiétant de la possible<br />

extension de ces modalités de surveillance à tous les détenus mis<br />

à l’isolement ou considérés comme DPS, elle a tenu à attirer l’attention de<br />

l’administration pénitentiaire sur le caractère préjudiciable pour la santé et<br />

la dignité d’un recours systématique à ce dispositif et son maintien dans la<br />

durée.<br />

Dans un autre dossier (2006-4), dans lequel une ERIS était intervenue<br />

pour assurer le transfert d’un détenu de la cellule disciplinaire à la cellule<br />

d’isolement, et ce dans un contexte de tension lié aux multiples mesures de<br />

transfèrement dont avait fait l’objet le détenu et qui l’éloignaient de sa famille,<br />

la CNDS a constaté qu’il avait été fait un usage immédiat de la force avant<br />

même toute négociation. Ce dossier a montré que si les démonstrations de<br />

force permettent parfois d’éviter les conflits, elles peuvent aussi, dans cer-<br />

tains cas, envenimer les situations et générer des tensions supplémentaires.<br />

L’Inspection des services pénitentiaires, dans son enquête, avait d’ailleurs<br />

relevé l’absence de phase de rencontre et de négociation préalable à<br />

l‘utilisation de la force.<br />

La CNDS a recommandé que les conditions d’emploi des ERIS soient<br />

réexaminées de telle manière que la force ne soit employée qu’après<br />

discussion avec le détenu, dans le but d’obtenir de celui-ci la compréhension<br />

et l’acceptation de ce qui lui est demandé.<br />

La Commission relève que les nombreux transferts subis par le détenu et son<br />

éloignement du lieu de résidence de sa famille sont à l’origine de son état de<br />

tension et de son comportement. Elle considère que l’affectation d’un détenu<br />

dans une prison proche de sa famille peut influer sur son état psychologique,<br />

et ainsi permettre d’améliorer les relations entre les surveillants et les détenus,<br />

d’apaiser les tensions et de limiter les risques d’incident.<br />

583


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

2. Des irrégularités dans la gestion et le traitement des incidents<br />

Dans plusieurs dossiers, la Commission a relevé des irrégularités dans<br />

le traitement d’incidents survenus entre détenus et surveillants : absence<br />

d’inscription sur le registre prévu à cet effet, défaut de rédaction d’un compterendu<br />

professionnel, insuffisance dans les soins apportés au détenu blessé<br />

à la suite d’une intervention, mauvaise gestion des suites de l’incident par<br />

la direction de l’établissement (absence d’enquête interne, sous-estimation<br />

des risques de représailles sur les détenus…).<br />

Saisie à deux reprises (2002-19 et 2002-31) à la suite d’incidents survenus<br />

la nuit en maison d’arrêt pour femmes, pour lesquels un agent masculin était<br />

intervenu avec ses collègues féminins dans une cellule, la CNDS a observé<br />

qu’aucune inscription des incidents n’avait été portée sur le registre prévu à<br />

cet effet. Elle a rappelé que tout incident de nuit, nécessitant l’intervention de<br />

renfort, doit être mentionné sur le registre.<br />

Elle a notamment regretté, dans le dossier 2002-31, que la direction de<br />

l’établissement, malgré l’existence de rumeurs persistantes, n’ait pas jugé<br />

bon de diligenter une enquête interne. Il s’agissait d’un surveillant en poste<br />

dans un mirador qui aurait eu à plusieurs reprises un comportement ambigu<br />

et répréhensible, créant un chahut en détention et nécessitant l’intervention<br />

de la surveillante en poste et le renfort du premier surveillant.<br />

Constatant dans ces deux dossiers que l’ouverture de la cellule et l’intervention<br />

de l’agent masculin n’étaient pas justifiées et n’avaient fait qu’accroître<br />

l’excitation des détenues, elle a recommandé que l’ouverture des cellules soit<br />

faite uniquement à bon escient, notamment quand la sécurité de la détenue<br />

est en jeu, ou que son éloignement de la détention s’impose.<br />

Saisie dans le dossier 2006-43 des conditions d’intervention la nuit de<br />

plusieurs surveillants dans la cellule d’un détenu au quartier disciplinaire, la<br />

CNDS a considéré que l’attitude du premier surveillant constituait une faute<br />

professionnelle. Celui-ci avait décidé seul de réunir son équipe et d’intervenir,<br />

sans en informer le gradé d’astreinte, et alors même qu’une note de service,<br />

commentant les dispositions de l’article D.270 du Code de procédure pénale,<br />

a précisé que « lors d’intervention pendant le service de nuit, le premier<br />

surveillant, assisté du piquet, ne doit intervenir dans les cellules ou dortoirs<br />

qu’après l’arrivée sur l’établissement du personnel préalablement averti ».<br />

<strong>Le</strong> gradé d’astreinte n’avait été prévenu de l’intervention que deux heures<br />

après l’incident, et de façon partielle.<br />

584


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

Pour la Commission, tout incident doit faire l’objet d’un compte-rendu<br />

professionnel, d’autant plus s’il a donné lieu à l’emploi de la coercition.<br />

L’absence de remontée d’informations auprès de la direction empêche<br />

de mener dans les meilleurs délais une enquête interne, et constitue une<br />

faute déontologique. <strong>Le</strong>s <strong>rapport</strong>s doivent de plus être complets et rédigés<br />

avec précision, tant en ce qui concerne le déroulement des faits, que les<br />

conséquences de l’intervention.<br />

Dans un dossier (2005-63), il est apparu qu’un détenu, blessé à la suite d’une<br />

intervention au cours de laquelle il avait été fait usage de la force pour le<br />

maîtriser, n’a pu bénéficier de soins immédiats. Il a été remis dans sa cellule<br />

et n’a été conduit à l’hôpital que le lendemain, après que le directeur adjoint<br />

au chef d’établissement s’est rendu compte qu’un <strong>rapport</strong> oral erroné des<br />

faits lui avait été fait. Aucun <strong>rapport</strong> écrit de l’incident n’avait été fait le jour<br />

même, et il semble que les surveillants aient tenté de dissimuler l’intervention<br />

à leur hiérarchie.<br />

Pour la Commission, les incidents doivent faire l’objet de <strong>rapport</strong>s écrits et<br />

de mentions sur les registres, car ceux-ci sont les outils indispensables du<br />

suivi des détenus et de la vie en détention et contribuent à garantir l’absence<br />

d’arbitraire. Tout détenu blessé au cours d’une intervention doit être présenté<br />

au service de l’UCSA ou, en dehors des heures de permanence, doit être<br />

examiné dans les plus brefs délais par un médecin d’un service d’urgence ou<br />

conduit à l’hôpital. La CNDS s’est inquiétée dans ce dossier d’une absence<br />

de communication et de confiance entre les personnels et la direction qui ne<br />

peut que nuire à la sécurité de tous.<br />

Dans la saisine 2005-68, la Commission a estimé que l’initiative prise par un<br />

surveillant stagiaire, consistant à aller interroger un détenu dans sa cellule<br />

pour se faire préciser des éléments concernant un précédent incident,<br />

constitue une faute professionnelle et déontologique. Pour la CNDS, le<br />

surveillant, présent lors de l’incident, ne pouvait ignorer que sa démarche ne<br />

pouvait être ressentie par le détenu que comme une provocation. Elle a donc<br />

recommandé que les personnels d’encadrement contribuent activement à<br />

la formation des jeunes agent, en s’assurant à la fois de l’opportunité des<br />

démarches que ceux-ci peuvent être amenés à effectuer auprès des détenus,<br />

et des modalités d’exécution de celles-ci.<br />

La Commission a pu se rendre compte des conséquences et tensions<br />

585


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

éventuelles que peuvent susciter les témoignages de détenus qui ont mis<br />

en cause des personnels. La plainte d’un détenu contre un fonctionnaire est<br />

susceptible d’entraîner des réactions de la part des collègues de ce dernier<br />

lorsqu’ils estiment, à tort ou à raison, qu’elle est infondée. Ce qui exige que<br />

l’administration pénitentiaire fasse preuve d’une plus grande vigilance quant<br />

au choix de l’affectation de ces détenus (dans la saisine 2005-16, malgré<br />

son transfert, le détenu dit avoir été menacé et avoir subi les effets de la<br />

médiatisation des violences dont il avait été victime, et pour lesquelles la<br />

responsabilité de surveillants et de gradés avait été mise en cause). De plus,<br />

dans ce cas, il importe qu’une solution soit rapidement trouvée afin d’éviter<br />

de nouvelles tensions.<br />

Dans la saisine 2002-28, plusieurs surveillants avaient été accusés de<br />

brimades sur des détenus (coups à la porte des cellules la nuit, injures et<br />

menaces, fouilles répétées, punition, suppression des emplois pour ceux<br />

qui travaillaient). Ces comportements faisaient suite, selon les détenus, à<br />

la plainte pour violences sexuelles déposée par l’un d’eux à l’encontre d’un<br />

surveillant stagiaire. Pour la CNDS, il est constant que bien que les brimades<br />

aient été portées à la connaissance des autorités pénitentiaires locales et<br />

régionales, il a fallu attendre le transfert des détenus concernés pour qu’elles<br />

cessent enfin.<br />

La Commission estime que l’intervention d’un tiers, tel que le médiateur de<br />

la République, serait opportune pour régler les litiges entre l’administration et<br />

les détenus. Depuis le 16 mars 2005, une convention signée entre le ministre<br />

de la Justice et le médiateur de la République prévoit la mise en place à<br />

titre expérimental dans dix établissements pénitentiaires de permanences<br />

de délégués du médiateur. La Commission a accueilli favorablement cette<br />

convention.<br />

La Commission s’est particulièrement inquiétée, dans les dossiers 2006-<br />

43, 2006-53, 2006-60, 2006-89 et 2006-127 se <strong>rapport</strong>ant au même<br />

établissement, de l’existence de diverses délégations de compétences<br />

importantes faites par le directeur adjoint aux premiers surveillants.<br />

Elle a pu se rendre compte, tout au long de ces cinq saisines, qu’une<br />

certaine partie du personnel d’encadrement « couvrait » les agissements des<br />

surveillants par des déclarations ou des <strong>rapport</strong>s erronés, voire mensongers.<br />

Ces agissements témoignent d’un délitement grave et généralisé des<br />

fonctions et des responsabilités d’une partie de l’encadrement, qui ont conduit<br />

à l’instauration d’un véritable état de non-droit au sein de l’établissement.<br />

586


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

III. <strong>Le</strong>s manquements en lien avec de mauvaises conditions de<br />

détention<br />

La Commission constate dans de nombreux dossiers des dysfonctionnements<br />

et des manquements liés aux mauvaises conditions de détention. <strong>Le</strong>s<br />

problèmes relevés sont de natures diverses : insuffisance des soins apportés<br />

aux détenus, absence de prise en compte de l’état de santé des détenus<br />

malades dans la décision de sanction disciplinaire,…<br />

La CNDS a pu mesurer l’impact des conditions de vie en détention sur les<br />

relations entre les détenus et les surveillants et l’importance de garantir de<br />

bonnes conditions de détention pour les détenus.<br />

1. L’insuffisance des soins apportés aux détenus<br />

La Commission a été saisie de plusieurs dossiers relatifs à la prise en charge<br />

médicale des personnes détenues et mettant en cause une insuffisance dans<br />

les soins apportés.<br />

<strong>Le</strong> problème de l’annulation des escortes policières et de l’accès<br />

aux soins des détenus<br />

Deux dossiers traités par la Commission ont mis en cause le fonctionnement<br />

des escortes policières chargées d’assurer le transfert des détenus<br />

malades lors des examens cliniques. <strong>Le</strong> problème, qui s’est posé de<br />

façon récurrente pour des détenus hospitalisés au pavillon E2 de l’hôpital<br />

Pasteur de Nice 12 , résulte des nombreuses annulations d’escortes, faute<br />

d’effectifs suffisants. L’annulation d’une escorte oblige en effet à remettre<br />

les examens ; les détenus restent alors plus longtemps hospitalisés et<br />

des situations de tensions naissent, les examens annulés supposant<br />

parfois des préparations spécifiques lourdes pour les détenus (régime<br />

alimentaire, prise de produits). En cas d’annulations répétées des escortes,<br />

il peut arriver qu’un examen qui n’était pas urgent au départ le devienne.<br />

Bien qu’une enquête de l’IGPN relative aux escortes policières à l’hôpital<br />

12 Pavillon affecté à la détention des détenus malades.<br />

587


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

Pasteur ait conclu qu’à aucun moment ni l’intégrité physique des malades, ni<br />

le pronostic vital, n’ait été en jeu dans les cas de retard ou d’annulation des<br />

escortes 13 , la Commission constate qu’il en ressort beaucoup d’angoisse<br />

pour les détenus concernés et l’impression que leur sécurité n’est pas<br />

suffisamment prise en considération.<br />

Dans un premier dossier (2004-2), la Commission a été saisie des conditions<br />

d’interpellation d’une infirmière, responsable de l’unité de détention, à la suite<br />

d’une altercation avec un policier escorteur qui, arrivé en retard, se plaignait<br />

de devoir attendre une nouvelle ambulance.<br />

Constatant des problèmes sérieux dans l’accès aux soins des détenus<br />

malades posés par l’annulation des escortes policières, la CNDS a préconisé<br />

l’accélération du programme d’ouverture des Unités hospitalières sécurisées<br />

interrégionales (UHSI), qui constituent, pour elle, une avancée évidente.<br />

En effet, leur mise en place prévoit qu’un protocole détermine les effectifs<br />

attribués, d’une part par l’administration pénitentiaire aux missions de garde,<br />

et d’autre part par les forces de police ou de gendarmerie aux missions de<br />

sécurité et de contrôle. <strong>Le</strong> protocole pose, de plus, le principe d’un effectif de<br />

police ou de gendarmerie proportionnel aux besoins et prévoit l’implantation<br />

d’unités au sein des services actifs de l’hôpital, ce qui permettrait une<br />

amélioration des problèmes de coordination entre les différents services et<br />

garantirait un égal accès aux soins pour les détenus.<br />

Dans une lettre adressée à la Commission, reçue le 8 novembre 2004, il a<br />

été précisé par le ministre de la Justice que l’arrêté interministériel du 24<br />

août 2000 relatif à la création des UHSI prévoyait la création de huit unités. A<br />

cette date, deux unités étaient déjà ouvertes, aux CHU de Nancy et de Lille,<br />

l’objectif étant de terminer le programme d’ouverture pour l’année 2007.<br />

Il a notamment été précisé par le Directeur général de la police nationale,<br />

dans un courrier reçu le 29 novembre 2004, que les hospitalisations<br />

urgentes et les hospitalisations programmées d’une durée inférieure à 48<br />

heures continueront, elles, de relever de l’hôpital de proximité dont dépend<br />

l’UCSA de l’établissement pénitentiaire concerné. <strong>Le</strong>s problèmes d’escorte<br />

devront alors être réglés par des programmes permettant une amélioration<br />

du fonctionnement des différents services et une meilleure articulation entre<br />

la logique soignante et la logique pénitentiaire (comme par exemple, la<br />

construction de nouveaux bâtiments où les activités seraient regroupées).<br />

13 Cf. <strong>rapport</strong> CNDS 2004, p. 325 §2.<br />

588


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

Dans le dossier 2004-3, la Commission a été saisie de la situation d’une<br />

détenue hospitalisée au pavillon E2 de l’hôpital Pasteur de Nice, dont les<br />

divers problèmes de santé faisaient suspecter l’existence de pathologies<br />

graves nécessitant des examens spécialisés et des interventions<br />

chirurgicales. Elle s’est plainte d’une part des nombreuses annulations<br />

d’examens et interventions du fait de l’absence d’escorte policière et des<br />

mauvaises conditions d’hospitalisation au pavillon E2, d’autre part de<br />

l’insuffisance du suivi médical et de la continuité des soins à son retour<br />

en détention. S’agissant du problème général de l’annulation des soins en<br />

raison de l’absence ou du retard des escortes policières, il a été constaté,<br />

concernant cette détenue, que sur six mois d’hospitalisation pour soixante et<br />

onze escortes programmées – dont onze avaient été classées prioritaires –,<br />

dix-sept avaient été annulées.<br />

La Commission a donc de nouveau préconisé l’accélération du programme<br />

d’ouverture des UHSI. Concernant les conditions d’hospitalisation au pavillon<br />

E2, la CNDS a pu constater l’exiguïté des locaux, la vétusté, l’inconfort et les<br />

difficultés d’accès qui caractérisent ce service, rendant vraisemblablement<br />

très difficiles les soins, le maintien de l’hygiène et un respect minimum<br />

des patients. Elle note que l’intervention des soignants est assujettie aux<br />

impératifs de sécurité, ce qui constitue une gageure quotidienne pour les<br />

soignants comme pour les deux fonctionnaires de police assurant une garde<br />

permanente dans le service.<br />

Constatant que le suivi médical de la détenue et la continuité de ses soins<br />

avaient été insuffisants (lors de son retour en détention dans un autre<br />

établissement, le médecin de l’UCSA n’avait pu disposer, à ce moment-là,<br />

de son dossier médical), la Commission a recommandé qu’il soit rappelé à<br />

l’administration pénitentiaire et aux personnels des unités d’hospitalisation<br />

des services de médecine légale qu’ils doivent veiller à ce que les dossiers<br />

médicaux des patients soient remis dans les plus brefs délais à l’UCSA de<br />

l’établissement où est effectivement incarcéré le détenu.<br />

La Commission a favorablement accueilli la circulaire en date du 10 janvier<br />

2005 prise par le garde des Sceaux et le ministre des Solidarités, de la Santé<br />

et de la Famille, qui actualise le guide méthodologique relatif à la prise en<br />

charge sanitaire des personnes détenues et à leur protection sociale. Cette<br />

circulaire rappelle l’application du droit commun des malades au détenu<br />

et réaffirme les principes de l’organisation des soins, leur continuité et<br />

589


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

permanence, les modalités des hospitalisations, la délivrance des attestations<br />

et des certificats médicaux, l’agencement des lieux de soins, la protection<br />

sociale. <strong>Le</strong>s relations de partenariat entre les différents professionnels<br />

intervenants y sont également évoquées.<br />

<strong>Le</strong>s conditions d’accouchement des détenues en milieu<br />

hospitalier<br />

Dans la saisine 2004-6, ce sont les conditions dans lesquelles une détenue a<br />

accouché qui ont été mises en cause. Il a en effet été constaté qu’une détenue,<br />

qui avait fait l’objet d’une extraction en vue de son accouchement, a été<br />

maintenue menottée dès son transfert et tout au long de son accouchement.<br />

Pendant le travail, elle avait été attachée à une barre le long de la table, et<br />

ce alors qu’elle ne présentait pas de signe de dangerosité particulière. Pour<br />

justifier le menottage, le surveillant chef de poste avait indiqué qu’en service<br />

de nuit, il choisissait systématiquement cette solution et que sa manière<br />

d’opérer n’avait jamais été remise en cause par sa hiérarchie.<br />

Une circulaire a mis fin à ces manquements au respect de la dignité des<br />

détenues en février 2004 (circulaire n°30 du 10 février 2004). Il y est<br />

prescrit quatre principes intangibles : la personne détenue ne doit en aucun<br />

cas être menottée pendant l’accouchement, ni dans la salle de travail, ni<br />

pendant la période de travail elle-même. La surveillance pénitentiaire doit<br />

s’exercer à l’extérieur de la salle d’accouchement. L’escorte devra comporter<br />

nécessairement un personnel de surveillance féminin. <strong>Le</strong> cas d’accouchement<br />

est médicalement assimilable à une urgence, tout retard étant susceptible de<br />

mettre en danger la mère et l’enfant à naître. La Commission a approuvé ces<br />

instructions et recommandé leur application stricte.<br />

<strong>Le</strong>s détenus handicapés ou particulièrement vulnérables<br />

La Commission a été confrontée aux problèmes du maintien en détention de<br />

détenus handicapés ou particulièrement vulnérables, sur leurs conditions de<br />

détention ou leur transport.<br />

590


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

<strong>Le</strong>s conditions de détention<br />

En 2003, la Commission a été saisie d’un dossier (2003-47) mettant en cause<br />

les conditions de détention d’un détenu handicapé (paraplégique) qui se<br />

plaignait d’une part de difficultés pour pouvoir accéder aux douches, et d’autre<br />

part de ne pas avoir bénéficié d’un fauteuil roulant adapté. Il se plaignait de<br />

plus d’avoir reçu du personnel médical des sondes urinaires périmées.<br />

La CNDS est bien consciente qu’en raison de l’exiguïté des locaux, des<br />

conditions des sanitaires et des salles de bain, et de la complexité à avoir<br />

recours à une tierce personne, le quotidien d’un détenu handicapé en<br />

détention ne peut être que difficile. Elle a donc recommandé que tout détenu<br />

dont l’état de santé justifiait le placement en fauteuil roulant bénéficie d’un<br />

véritable appareillage adapté dès le début de son incarcération.<br />

Rappelant que tout paraplégique demande une surveillance médicale<br />

particulière en raison de sa vulnérabilité et des risques de complications<br />

notamment urinaires, la Commission s’est particulièrement inquiétée du fait<br />

que des sondes urinaires périmées aient pu être distribuées par le personnel<br />

infirmier, sans que les médecins responsables ne s’en inquiètent.<br />

<strong>Le</strong> transport<br />

La Commission a aussi été confrontée à la question du choix du moyen de<br />

transport pour les transfèrements de détenus présentant des troubles graves<br />

du comportement.<br />

Dans un dossier (2004-53), elle a ainsi constaté qu’un détenu présentant<br />

des troubles importants du comportement (celui-ci avait déjà fait plusieurs<br />

tentatives de suicide et pratiqué des automutilations) avait été transporté<br />

dans un véhicule pénitentiaire, sans qu’à aucun moment le choix du mode<br />

de transport n’ait été remis en cause, et alors même qu’une fois monté dans<br />

le camion, il avait tenté de s’automutiler à l’aide d’une lame de rasoir et<br />

était très agité. Il a fallu placer un agent derrière lui et maintenir une main<br />

sur son épaule afin de s’assurer qu’il resterait assis sur son siège. Pour la<br />

Commission, si aucun manquement n’est imputable aux surveillants qui ont<br />

assuré cette mission, il aurait été préférable de prévoir un transport médical<br />

plus adapté à la situation.<br />

Dans la saisine 2003-47, où étaient contestées les conditions d’extraction<br />

du détenu dans un fourgon cellulaire, la Commission a recommandé que<br />

591


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

de telles extractions se fassent systématiquement dans un véhicule adapté,<br />

afin que la sécurité du détenu soit assurée, et sans qu’aucune prescription<br />

médicale ne soit nécessaire.<br />

2. <strong>Le</strong> placement en cellule disciplinaire des détenus malades<br />

Dans le dossier 2005-61, la Commission a été amenée à s’interroger sur<br />

les conditions du placement en cellule disciplinaire de détenus malades. Il<br />

s’agissait d’un détenu atteint d’une pathologie lourde qui, à la suite de plusieurs<br />

incidents ayant donné lieu à une succession de procédures disciplinaires 14 ,<br />

a été maintenu au quartier disciplinaire pendant près de quatorze jours, et ce<br />

malgré plusieurs certificats médicaux d’incompatibilité 15 .<br />

La CNDS a pu se rendre compte dans ce dossier des difficultés rencontrées<br />

par les détenus, leur alimentation et les conditions de leur détention. Interdits<br />

de cantinage, ils ne peuvent en effet compléter une alimentation insuffisante<br />

et inadaptée par manque de laitages et de fruits frais. <strong>Le</strong>urs conditions de<br />

détention dans des cellules précaires, insuffisamment chauffées, avec des<br />

WC à la turque et un vasistas qui ne laisse que peu pénétrer la lumière, sont<br />

considérées comme préjudiciables au regard de leur état de santé. De plus,<br />

en quartier disciplinaire ou d’isolement, les détenus ne peuvent bénéficier<br />

d’activités ; celles-ci sont pourtant, d’après le médecin de l’UCSA entendu,<br />

nécessaires pour « supporter moralement leur maladie ».<br />

Pour la Commission, si tout manquement à la discipline peut conduire<br />

l’administration pénitentiaire à engager des poursuites disciplinaires s’agissant<br />

notamment d’une injure ou d’un refus d’obtempérer aux injonctions, un<br />

certificat médical d’incompatibilité avec le placement en quartier disciplinaire<br />

doit être exécuté et ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à l’administration<br />

14 Sanctionné dans un premier temps de sept jours de cellule disciplinaire à la suite d’un incident au parloir, il fera<br />

l’objet par la suite d’une deuxième procédure, sanctionnée de 8 jours de quartier disciplinaire, pour avoir refusé de<br />

sortir du QD et de se rendre à l’isolement, puis d’une troisième procédure pour avoir refusé de réintégrer la détention<br />

et de changer de cellule.<br />

15 <strong>Le</strong> détenu a été placé en cellule disciplinaire le 28 avril 2005. Un premier certificat d’incompatibilité est établi<br />

le lendemain de son placement en QD, puis un deuxième le surlendemain. <strong>Le</strong> 4 mai, constatant que le détenu est<br />

toujours en quartier disciplinaire, le médecin établit, de nouveau, deux certificats d’incompatibilité, l’un pour le QD,<br />

l’autre pour l’isolement.<br />

592


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

pénitentiaire. Il en va de même pour une décision de mise en isolement.<br />

La CNDS considère notamment que si ce type de sanctions est impossible<br />

pour de tels malades, les médecins déclarant systématiquement l’état de<br />

santé de ces détenus incompatible avec le placement en cellule de discipline<br />

ou d’isolement, l’administration pénitentiaire doit anticiper en choisissant<br />

l’une des autres sanctions prévues par l’article D.251 du Code de procédure<br />

pénale.<br />

3. L’impact des conditions de vie sur les relations entre détenus<br />

et surveillants<br />

La Commission a été saisie de nombreuses réclamations de détenus faisant<br />

état de leurs conditions de vie en détention et des difficultés auxquelles ils<br />

peuvent être confrontés. Si la CNDS n’a pas de compétence générale quant<br />

aux conditions de vie des détenus, elle a pu s’estimer compétente dans ces<br />

dossiers dans la mesure où à chaque fois, des agents ont été mis en cause<br />

dans l’exercice d’une activité de sécurité.<br />

Ces dossiers l’ont conduite à se positionner sur divers problèmes tels que la<br />

question de l’accès à Internet pour les détenus, ou encore l’accès au travail,<br />

la fermeture des cellules la journée en maison centrale, les autorisations<br />

de sortie sous escorte, la mise en isolement successive et quasi-continue<br />

d’un détenu, ou l’organisation et le déroulement de fouilles générales. Ils<br />

montrent l’impact que peuvent avoir des conditions de vie difficiles sur les<br />

relations entre les détenus et les surveillants, et l’importance de préserver<br />

la dignité des personnes détenues pour éviter les tensions et incidents<br />

préjudiciables aux détenus et au quotidien des personnels de l’administration<br />

pénitentiaire.<br />

La fermeture des cellules la journée en maison centrale<br />

A partir de septembre 2003, pour renforcer l’autorité de l’administration<br />

pénitentiaire et assurer une meilleure sécurité pour les détenus, il a été décidé<br />

de la fermeture des portes des cellules en journée dans les maisons centrales.<br />

Cette décision visait à mettre fin à une pratique présentée comme tolérante,<br />

qui permettait aux détenus d’aller et venir à l’étage de la détention.<br />

593


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

Mal accueillie et mal vécue par certains détenus, cette mesure a suscité<br />

de nombreux incidents et confrontations lors de son application. C’est le<br />

cas dans le dossier 2004-11 dont a été saisie la Commission : le détenu,<br />

incarcéré à la maison centrale de Saint-Maur, s’est plaint d’avoir fait l’objet<br />

d’une condamnation « à titre d’exemple » par la commission de discipline, à<br />

la suite d’un incident relatif à la fermeture des cellules.<br />

La CNDS a pu constater à travers ce dossier que la décision de fermeture des<br />

portes avait bouleversé le quotidien, les repères et l’équilibre personnel des<br />

détenus. Bien que le retour à une réorganisation de la vie en milieu carcéral<br />

plus contrôlée ait permis une plus grande sécurité tant pour les détenus que<br />

pour les surveillants, certains détenus difficiles se sont alors retrouvés isolés<br />

et sans contact, ce qui a pu favoriser le passage à des actes violents.<br />

Si la Commission a estimé que la fermeture des portes des cellules modifiait<br />

profondément les repères et l’équilibre d’une population pénale en longue<br />

détention, elle a considéré, au regard des règles en vigueur, qu’aucun<br />

manquement à la déontologie ne pouvait être relevé en l’espèce, notamment<br />

s’agissant de la sanction prise à l’encontre du détenu.<br />

L’accès des détenus à l’outil informatique et à Internet<br />

<strong>Le</strong> développement des nouvelles technologies en détention et l’accès des<br />

détenus à l’outil informatique et à Internet pose des questions importantes<br />

de sécurité et de contrôle des données. Pour autant, la Commission, saisie<br />

du dossier 2004-66, a considéré que les problèmes de sécurité ne pouvaient<br />

conduire à l’interdiction totale d’une connexion Internet pour les détenus.<br />

En l’espèce, le détenu avait été autorisé à utiliser une connexion Internet<br />

afin de pouvoir échanger des données avec son employeur et suivre un<br />

enseignement de maîtrise en informatique. A la suite d’un changement de<br />

direction, et pour des motifs de sécurité, la nouvelle directrice avait décidé<br />

d’interdire tout accès à Internet.<br />

La CNDS a regretté la décision de supprimer l’accès plutôt que de rechercher<br />

le moyen d’en renforcer le contrôle. Elle a recommandé d’opérer une<br />

refonte de la circulaire du 21 avril 1997 relative à la gestion des ordinateurs<br />

appartenant à des personnes incarcérées, afin que soit définie avec précision,<br />

tant dans son usage que dans sa surveillance, l’utilisation d’un réseau<br />

Internet. Par courrier reçu le 26 septembre 2005, le garde des Sceaux avait<br />

594


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

informé la Commission de la préparation en cours d’une nouvelle circulaire<br />

sur l’accès des détenus à l’informatique, qui tiendrait compte des évolutions<br />

technologiques.<br />

Publiée le 10 août 2006, la circulaire encadre les conditions d’acquisition<br />

et d’utilisation des outils informatiques par les personnes détenues, que ce<br />

soit en cellule ou en salle d’activités. Pour des raisons de sécurité, l’accès à<br />

Internet et Intranet pour les détenus est interdit, et l’utilisation de périphériques<br />

ou technologies de communication (WiFi, ADSL …) est prohibée.<br />

<strong>Le</strong>s autorisations de sortie sous escorte<br />

La Commission a été saisie, dans l’affaire 2003-63, des conditions dans<br />

lesquelles s’est déroulée la sortie sous escorte d’un détenu. Celui-ci avait<br />

demandé une permission de sortie afin de pouvoir assister à l’enterrement<br />

de sa fille. Elle lui fut refusée par le juge d’application des peines, sur le<br />

fondement de l’article 722 du Code de procédure pénale (CPP), et compte<br />

tenu de sa condamnation qui supposait une nouvelle expertise psychiatrique<br />

effectuée par trois experts qui n’avait pas encore été ordonnée 16 .<br />

Il fut seulement autorisé à s’y rendre sous escorte sur le fondement de l’article<br />

723-6 du CPP. Un transfèrement judiciaire fut mis en place, avec un dispositif<br />

composé de trois gendarmes, rejoints par la suite par une autre brigade. <strong>Le</strong><br />

détenu fut menotté et maintenu ainsi entouré par les gendarmes en tenue<br />

pendant toute la durée de l’enterrement.<br />

Pour la Commission, les mesures de sécurité mises en place, bien que<br />

légales, étaient excessives. Elle considère qu’une solution plus conforme<br />

à la dignité des personnes et de leur famille aurait dû être trouvée. Elle a<br />

16 L’article 722 du Code de procédure pénale dispose que les mesures d’aménagements de peine telles que libération<br />

conditionnelle ou permissions de sortie (…) ne peuvent être accordées, sans une expertise psychiatrique préalable,<br />

à une personne condamnée pour meurtre ou assassinat d’un mineur, précédé ou accompagné d’un viol, de tortures<br />

ou d’actes de barbarie, ou condamnée pour l’une des infractions visées aux articles 222-23 à 222-32 et 227-25 à<br />

227-27 du Code pénal. L’expertise est réalisée par trois experts lorsque la personne a été condamnée pour le meurtre,<br />

l’assassinat ou le viol d’un mineur de quinze ans.<br />

595


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

donc recommandé d’une part que soit modifié l’article 722 du CPP, afin de<br />

permettre l’application de l’article D.426 qui prévoit la dispense du port de<br />

l’uniforme pour les agents escorteurs, et ce quelle que soit la situation pénale<br />

du détenu, et que soit prévu le recours à un seul expert psychiatre pour<br />

décider de la possibilité d’une permission de sortie à titre exceptionnel.<br />

D’autre part, elle a préconisé que les mesures de sûreté mises en place<br />

soient strictement proportionnées aux menaces potentielles. Elle a proposé<br />

pour ce faire d’étudier d’autres moyens que le port des menottes, comme la<br />

pose d’un bracelet électronique.<br />

Par un courrier en date du 5 mai 2004, le garde des Sceaux avait répondu<br />

à la Commission que le recours au bracelet électronique constituait une<br />

procédure de contrôle judiciaire inapplicable en l’espèce, ne permettant en<br />

aucun cas de prévenir les évasions, ni de retrouver les fugitifs.<br />

Il a été précisé que depuis le 1 er janvier 2005, les articles 722 et suivants<br />

du CPP ont été abrogés par la loi n o 2004-204 du 9 mars 2004. Désormais,<br />

l’ensemble des mesures prises pour l’aménagement des peines de tels<br />

détenus nécessite, à l’exception des réductions de peines n’entraînant pas<br />

de libération immédiate et des autorisations de sortie sous escortes, une<br />

expertise psychiatrique préalable réalisée par deux experts et non plus<br />

trois.<br />

<strong>Le</strong>s placements à l’isolement successifs<br />

La Commission a été saisie en 2004 (2004-14) des conditions de détention<br />

d’un détenu inscrit, en raison de son appartenance au grand banditisme et<br />

de la gravité des faits reprochés, au répertoire des détenus particulièrement<br />

surveillés. Celui-ci se plaint d’avoir été maintenu continuellement en<br />

isolement depuis septembre 2002, mises à part deux interruptions pour<br />

transfert. La Commission, relevant que le détenu avait effectué plus de 737<br />

jours d’isolement, soit deux années et sept jours, a considéré que la durée<br />

d’isolement était excessive.<br />

Elle a estimé que la mise en isolement prolongée du détenu ne semblait<br />

pas être conforme à la jurisprudence en la matière 17 , et était susceptible de<br />

constituer un traitement inhumain et dégradant. Elle a donc recommandé que<br />

596


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

le maintien en isolement au-delà d’une période d’un an reste exceptionnel, le<br />

prolongement d’une telle mesure ne pouvant être justifié ni par des intentions<br />

anciennes d’évasion, ni par la gravité des faits reprochés. Constatant des<br />

conditions de détention particulièrement difficiles en quartier d’isolement,<br />

elle a également recommandé que les détenus puissent bénéficier d’activités<br />

physiques.<br />

Par courrier en date du 7 février 2005, le ministre de la Justice a tenu à<br />

préciser à la CNDS qu’une refonte d’ensemble du régime de l’isolement<br />

était prévue, afin notamment de tenir compte de la jurisprudence du Conseil<br />

d’Etat. <strong>Le</strong> texte, publié au Journal officiel le 23 mars 2006 (décret n°2006-<br />

338 du 21 mars 2006), prévoit que tout détenu peut être placé à l’isolement<br />

par mesure de protection ou de sécurité, soit sur sa demande, soit d’office.<br />

La décision ou sa prolongation doit tenir compte de la personnalité du<br />

détenu, de sa dangerosité particulière et de son état de santé. Lorsqu’une<br />

décision d’isolement d’office ou de prolongation est envisagée, le détenu<br />

peut désormais présenter préalablement ses observations et peut être, pour<br />

ce faire, assisté d’un avocat ou d’un mandataire agréé.<br />

Toute décision de placement ou de prolongation est communiquée par le chef<br />

d’établissement au juge de l’application des peines s’il s’agit d’un condamné,<br />

ou au magistrat saisi du dossier de l’information s’il s’agit d’un prévenu.<br />

La décision initiale relève du chef d’établissement, pour une durée de trois<br />

mois renouvelable une fois, puis de la compétence du directeur régional<br />

des services pénitentiaires. Au-delà d’un an, le ministre de la Justice<br />

peut, par dérogation, prolonger la mesure pour une durée de quatre mois<br />

renouvelable.<br />

L’isolement ne pourra être prolongé au-delà de deux ans, sauf à titre<br />

exceptionnel, si le placement constitue l’unique moyen d’assurer la sécurité<br />

des personnes ou de l’établissement.<br />

Quant aux conditions de détention, le décret précise que les personnes<br />

placées à l’isolement ne pourront bénéficier des promenades et activités<br />

collectives auxquelles peuvent prétendre les détenus soumis au régime<br />

de détention ordinaire, sauf si elles y ont été autorisées, pour une activité<br />

17 Cf. Arrêt CE, 31 juillet 2003, Remli.<br />

597


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

spécifique, par le chef d’établissement. Celui-ci peut aussi organiser, dans la<br />

mesure du possible et en fonction de la personnalité du détenu, des activités<br />

communes aux détenus placés à l’isolement. Mais cette éventualité suppose<br />

qu’existent des espaces et des salles suffisamment équipées.<br />

Ce dossier a aussi posé la question des conditions de transport des détenus<br />

pour de longs trajets. Il est en effet apparu que le détenu avait été transféré à<br />

deux reprises dans un fourgon cellulaire, menotté et entravé aux pieds, une<br />

première fois de Bonneville à Angers (plus de 500 Kms de distance), et une<br />

deuxième fois de Besançon à Bobigny (plus de 300 Kms de distance). Pour la<br />

CNDS, le choix d’un fourgon cellulaire est inadapté dans de tels cas et porte<br />

atteinte à la dignité de la personne. Elle a donc demandé que l’organisation<br />

des transports de détenus sur de longs trajets soit réorganisée en excluant<br />

l’usage de véhicules habituellement utilisés pour des trajets courts.<br />

L’accès au travail<br />

Dans la saisine 2003-13, la Commission a pu constater les difficultés<br />

rencontrées par les détenus pour accéder à un travail. Constatant la fragilité<br />

économique de nombreux détenus, elle s’est interrogée sur les délais<br />

particulièrement longs pour pouvoir travailler. Ainsi, d’après le directeur du<br />

centre pénitentiaire de Maubeuge, un détenu qui demande à travailler doit<br />

attendre environ trois mois avant d’obtenir un poste, et deux mois avant de<br />

pouvoir passer devant la commission de classement.<br />

La CNDS a donc recommandé de réduire en priorité le délai, pour qu’un<br />

détenu qui demande à travailler obtienne un poste dans l’un des ateliers<br />

de la prison. Elle considère que l’inactivité des détenus constitue un risque<br />

supplémentaire de tension et d’incident.<br />

Constatant un problème identique s’agissant des consultations de psychologue<br />

(délai d’environ deux mois pour avoir un rendez-vous), la Commission a fait<br />

la même recommandation en ce qui concerne la liste d’attente pour voir le<br />

psychologue.<br />

598


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

<strong>Le</strong>s dysfonctionnements liés aux fouilles générales<br />

A deux reprises, la Commission a été saisie de dossiers mettant en cause<br />

l’organisation et le déroulement de fouilles générales. Elle a été saisie une<br />

première fois des conditions de déroulement d’une fouille générale à la<br />

maison d’arrêt de la Santé à Paris, le 28 janvier 2003 (dossier 2003-15), puis<br />

une deuxième fois, des conditions d’organisation et de déroulement d’une<br />

fouille réalisée au centre pénitentiaire de Laon, le 9 décembre 2004 (dossier<br />

2005-14).<br />

La première saisine concerne essentiellement les conditions dans lesquelles<br />

s’est déroulée la fouille : durée, conditions climatiques, alimentation des<br />

détenus, détérioration ou disparition d’effets personnels, insuffisance des<br />

soins. La Commission a relevé que la fouille avait débuté à 7h00 du matin<br />

pour se terminer entre midi et 14h30. <strong>Le</strong>s détenus sont donc restés entre cinq<br />

heures et sept heures trente minutes dans les cours de promenade : une durée<br />

bien trop longue au regard de la température relevée ce jour-là, d’environ 6°C.<br />

Elle a donc recommandé de réduire la durée des fouilles, particulièrement<br />

lorsqu’elles se déroulent dans un contexte météorologique défavorable.<br />

<strong>Le</strong> même constat a été fait dans le deuxième dossier : il ressort en effet des<br />

témoignages que la fouille a été particulièrement longue (de 7h00 à 20h00),<br />

alors que les conditions climatiques étaient difficiles (entre 3 et 4°C).<br />

<strong>Le</strong>s détenus se sont aussi plaints de l’état dans lequel ils ont retrouvé leurs<br />

effets personnels (photos déchirées ou manquantes, courrier éparpillé,<br />

objets détériorés ou détruits, vêtements et draps tachés…). Dans le dossier<br />

2005-14, un détenu, qui était autorisé à utiliser un ordinateur dans sa cellule,<br />

n’en a retrouvé l’usage qu’un mois après la fouille.<br />

La CNDS a donc souligné la nécessité absolue de préserver l’intégrité des<br />

objets à caractère personnel que les détenus sont autorisés à conserver<br />

dans leur cellule. Pour la Commission, il en va de la dignité des personnes<br />

détenues. Compte tenu de l’importance pour les détenus de l’usage d’un<br />

ordinateur, elle a estimé que des dispositions devraient être prises pour<br />

que des opérations de fouille n’aient pas pour effet de priver les détenus de<br />

l’usage de leur ordinateur pendant plusieurs semaines.<br />

La Commission a notamment constaté, dans le dossier 2003-15, des lacunes<br />

dans le fonctionnement du système de soins. Ni le médecin responsable de<br />

l’UCSA, ni l’infirmière supérieure, n’avait été prévenu de l’organisation de<br />

599


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

la fouille ; durant celle-ci, tous les médicaments des détenus ont été saisis.<br />

Ils n’ont été que pour partie restitués le lendemain, l’autre partie ayant été<br />

jetée à la poubelle, ce qui a causé une interruption dans les traitements d’au<br />

moins douze heures. La fouille a été étendue aux bureaux médicaux privés<br />

(pièce d’archivage des dossiers médicaux et vestiaire du personnel infirmier),<br />

et aucune disposition n’a été prise afin de préserver le secret médical des<br />

dossiers conservés par l’UCSA.<br />

La Commission a donc recommandé que soit apportée dans la préparation<br />

et la conduite des fouilles générales la plus grande attention à l’exacte<br />

information des médecins responsables et des cadres infirmiers supérieurs,<br />

afin que le secret médical protégeant les dossiers conservés soit préservé, et<br />

que la continuité des traitements prescrits aux détenus soit garantie. Informé<br />

de ce qu’aucun compte-rendu écrit n’avait été établi concernant cette fouille<br />

générale, la Commission a de plus recommandé qu’un compte-rendu des<br />

opérations soit désormais réalisé.<br />

Dans la saisine 2005-14, ont été mis en cause à la fois la préparation,<br />

l’organisation, ainsi que le déroulement de la fouille. La fouille générale s’est<br />

déroulée dans un contexte particulier, en raison d’une part de la récente<br />

nomination de la directrice et du retour de congé de la déléguée à la sécurité,<br />

et d’autre part d’une suspicion concernant certains cadres de l’établissement.<br />

En conséquence, certains personnels de l’établissement n’avaient été<br />

informés de l’organisation de la fouille que la veille de son déroulement ; de<br />

ce fait, des renseignements essentiels concernant la sécurité des détenus<br />

n’ont pas été communiqués.<br />

<strong>Le</strong> déroulement de la fouille fut un échec : des détenus « sensibles » ont<br />

été placés dans la même cour, et trois ont été violemment agressés. Il a été<br />

confirmé à la Commission que les incidents intervenus au cours de la fouille<br />

n’auraient pas eu lieu si l’encadrement de l’établissement avait fait remonter<br />

les informations sur l’existence de difficultés relationnelles entre certains<br />

détenus. Pour la Commission, il se dégage des témoignages l’impression<br />

que l’opération a été précipitée et faite sans véritable préparation.<br />

Constatant que la fouille avait été doublée d’une recherche de stupéfiants,<br />

la CNDS a recommandé que de telles opérations ne donnent pas lieu à une<br />

surenchère d’actions décidées par plusieurs autorités, considérant qu’elle<br />

était susceptible de créer une confusion des compétences génératrice de<br />

lourdeurs inutiles et de contretemps.<br />

600


LA CNDS ET L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE 2001-2006<br />

La Commission a pu constater dans ce dossier que des enseignements<br />

avaient été tirés des erreurs commises. Ils ont conduit, au plan régional, à<br />

l’élaboration d’une doctrine concernant les fouilles générales, qui, selon le<br />

directeur régional adjoint des services pénitentiaires de Lille, donne à ce jour<br />

entière satisfaction. <strong>Le</strong> 1 er mars 2005, a été rédigée une note relative à la<br />

prise en compte des conditions climatiques dans l’organisation des fouilles<br />

générales et sectorielles, interdisant désormais que des fouilles soient<br />

programmées au cours des mois d’hiver (du 15 novembre au 15 mars) et au<br />

cours des mois de juillet et août.<br />

<strong>Le</strong> cantinage<br />

Il est apparu à la Commission, tout au long des différentes auditions<br />

auxquelles elle a procédé, notamment dans les cinq dossiers dont elle a été<br />

saisie concernant le centre pénitentiaire de Liancourt (2006-43 ; 2006-53 ;<br />

2006-60 ; 2006-89 ; 2006-127), que la gestion des « cantines » des détenus,<br />

assurée aujourd’hui dans la plupart des nouveaux établissements par une<br />

société privée, est bien souvent à l’origine de tensions et d’incidents entre<br />

détenus et surveillants.<br />

<strong>Le</strong>s détenus mécontents s’en prennent généralement aux surveillants qu’ils<br />

rendent responsables d’une attente trop longue de produits, du débit de leur<br />

compte alors qu’ils n’ont pas reçu les produits demandés, de la réception de<br />

produits qui ne correspondent pas à leur demande, ou qui ont dépassé la<br />

date limite de consommation.<br />

Semble être par ailleurs en cause, aux dires mêmes du personnel de direction,<br />

le manque de coopération de certains membres d’encadrement dans les<br />

relations de partenariat entre surveillants et agents de la société privée.<br />

Pour la Commission, cette question est devenue un enjeu majeur du bon<br />

déroulement de la détention, par l’instauration de relations paisibles entre<br />

détenus et personnels pénitentiaires.<br />

601


ANNEXES<br />

603


ANNEXES<br />

604


Ministère de l’Intérieur<br />

605<br />

ANNEXES<br />

Instructions du ministre de l’Intérieur du 22 février 2006 visant<br />

à préciser la conduite à tenir à l’égard des mineurs à l’occasion des<br />

interventions de police et lorsqu’ils sont placés sous la responsabilité<br />

de la police ou de la gendarmerie nationales


ANNEXES<br />

606


607<br />

ANNEXES


ANNEXES<br />

608


609<br />

ANNEXES<br />

Instruction d’emploi relative à l’utilisation des pistolets à<br />

impulsions électriques du 9 janvier 2006


ANNEXES<br />

610


611<br />

ANNEXES


ANNEXES<br />

612


613<br />

ANNEXES


ANNEXES<br />

614


Ministère de la Justice<br />

615<br />

ANNEXES<br />

Décret n°2006-338 du 21 mars 2006 modifiant le Code de procédure<br />

pénale et relatif à l’isolement des détenus


ANNEXES<br />

616


Composition de la CNDS au 15 janvier 2007<br />

Président<br />

M. Philippe LÉGER<br />

Magistrat honoraire<br />

Membres<br />

M. Jean-Patrick COURTOIS<br />

Sénateur de la Saône-et-Loire<br />

M. Jean-Claude PEYRONNET<br />

Sénateur de la Haute-Vienne<br />

M. Alain MARSAUD<br />

Député de la Haute-Vienne<br />

M. Bruno LE ROUX<br />

Député de Seine-Saint-Denis<br />

M. Pierre RIVIÈRE<br />

Conseiller d’État honoraire<br />

M. Jean-Claude POMETAN<br />

Conseiller à la Cour de cassation<br />

M. Louis GAUTIER<br />

Conseiller à la Cour des comptes<br />

Mme Liliane DALIGAND<br />

Professeur des universités en médecine légale et droit de la santé<br />

Mme Tassadit IMACHE<br />

Assistante sociale, écrivain<br />

Mme Catherine WIHTOL DE WENDEN<br />

Directrice de recherches au CERI (CNRS/FNSP)<br />

M. Jean BONNARD<br />

Avocat, ancien bâtonnier du barreau de Lyon<br />

M. Akli MELLOULI<br />

Responsable de programme contre les discriminations<br />

M. Jacques NICOLAï<br />

Commissaire divisionnaire honoraire de la police nationale<br />

617<br />

ANNEXES


ANNEXES<br />

618


619<br />

ANNEXES<br />

Loi n°2000-494 du 6 juin 2000 portant création d’une Commission<br />

Nationale de Déontologie de la Sécurité (1) modifiée par la loi n°<br />

2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure (2)<br />

L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,<br />

<strong>Le</strong> Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :<br />

Article 1er<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité, autorité administrative<br />

indépendante, est chargée, sans préjudice des prérogatives que la loi attribue,<br />

notamment en matière de direction et de contrôle de la police judiciaire, à<br />

l’autorité judiciaire, de veiller au respect de la déontologie par les personnes<br />

exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République.<br />

Article 2<br />

La Commission nationale de déontologie de la sécurité est composée de<br />

quatorze membres, nommés pour une durée de six ans non renouvelable :<br />

- le président, nommé par décret du Président de la République ;<br />

- deux sénateurs, désignés par le président de Sénat ;<br />

- deux députés, désignés par le président de l’Assemblée nationale ;<br />

- un conseiller d’État, désigné par le vice-président du Conseil d’État ;<br />

- un magistrat hors hiérarchie de la Cour de cassation, désigné conjointement<br />

par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général<br />

de ladite cour ;<br />

- un conseiller maître, désigné par le premier président de la Cour des<br />

comptes ;<br />

- six personnalités qualifiées désignées par les autres membres de la<br />

Commission nationale de déontologie de la sécurité.<br />

La commission est renouvelée par moitié tous les trois ans.<br />

La qualité de membre de la commission est incompatible avec l’exercice, à<br />

titre principal, d’activités dans le domaine de la sécurité.<br />

<strong>Le</strong>s parlementaires membres de la commission cessent d’y exercer leurs<br />

fonctions lorsqu’ils cessent d’appartenir à l’assemblée au titre de laquelle ils<br />

ont été désignés. <strong>Le</strong> mandat des députés prend fin avec la législature au titre<br />

de laquelle ils ont été élus.<br />

Si, en cours de mandat, un membre de la commission cesse d’exercer ses


ANNEXES<br />

fonctions, le mandat de son successeur est limité à la période restant à courir.<br />

Par dérogation au premier alinéa, le mandat de ce dernier est renouvelable<br />

lorsqu’il a commencé moins de deux ans avant son échéance normale.<br />

Lors de la première constitution de la Commission nationale de déontologie<br />

de la sécurité suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, sont désignés par<br />

tirage au sort quatre membres, à l’exclusion du président, dont les mandats<br />

prendront fin à l’issue d’un délai de trois ans.<br />

Article 3<br />

La commission établit son règlement intérieur.<br />

En cas de partages des voix, celle du président est prépondérante.<br />

Article 4<br />

Toute personne qui a été victime ou témoin de faits dont elle estime qu’ils<br />

constituent un manquement aux règles de la déontologie, commis par une<br />

ou plusieurs des personnes mentionnées à l’article 1er, peut, par réclamation<br />

individuelle, demander que ces faits soient portés à la connaissance de la<br />

Commission nationale de déontologie de la sécurité. Ce droit appartient<br />

également aux ayants droit des victimes. Pour être recevable, la réclamation<br />

doit être transmise à la commission dans l’année qui suit les faits.<br />

La réclamation est adressée à un député ou à un sénateur. Celui-ci la<br />

transmet à la commission si elle lui paraît entrer dans la compétence de<br />

cette instance et mériter l’intervention de cette dernière.<br />

La commission adresse au parlementaire auteur de la saisine un accusé de<br />

réception.<br />

<strong>Le</strong> Premier ministre et les membres du Parlement peuvent, en outre, saisir<br />

de leur propre chef la Commission de faits mentionnés au premier alinéa. La<br />

Commission peut également être saisie directement par le Défenseur des<br />

enfants.<br />

La Commission ne peut être saisie par les parlementaires qui en sont<br />

membres.<br />

Une réclamation portée devant la Commission nationale de déontologie de<br />

la sécurité n’interrompt pas les délais relatifs à la prescription des actions en<br />

matière civile et pénale et aux recours administratifs et contentieux.<br />

620


Article 5<br />

621<br />

ANNEXES<br />

La commission recueille sur les faits portés à sa connaissance toute<br />

information utile.<br />

<strong>Le</strong>s autorités publiques doivent prendre toutes mesures pour faciliter la tâche<br />

de la commission. Elles communiquent à celle-ci, sur sa demande motivée,<br />

toutes informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission telle qu’elle est<br />

définie à l’article 1er.<br />

La commission peut demander dans les mêmes conditions aux ministres<br />

compétents de saisir les corps de contrôle en vue de faire des études, des<br />

vérifications ou des enquêtes relevant de leurs attributions. <strong>Le</strong>s ministres<br />

informent la commission des suites données à ces demandes.<br />

<strong>Le</strong>s personnes privées exerçant des activités de sécurité sur le territoire<br />

de la République et leurs préposés communiquent à la commission, sur sa<br />

demande motivée, toutes informations et pièces utiles à l’exercice de sa<br />

mission.<br />

<strong>Le</strong>s agents publics ainsi que les dirigeants des personnes mentionnées au<br />

précédent alinéa et leurs préposés sont tenus de déférer aux convocations<br />

de la commission et de répondre à ses questions. <strong>Le</strong>s convocations doivent<br />

mentionner l’objet de l’audition.<br />

<strong>Le</strong>s personnes convoquées par application de l’alinéa précédent peuvent<br />

se faire assister du conseil de leur choix. Un procès-verbal contradictoire de<br />

l’audition est dressé à la suite de celle-ci et remis à l’intéressé.<br />

La commission peut consulter toute personne dont le concours lui paraît<br />

utile.<br />

<strong>Le</strong> caractère secret des informations et pièces dont elle demande<br />

communication ne peut lui être opposé sauf en matière de secret concernant<br />

la défense nationale, la sûreté de l’État ou la politique extérieure, ainsi qu’en<br />

matière de secret médical et de secret professionnel applicable aux relations<br />

entre un avocat et son client.<br />

Article 6<br />

La commission peut charger un ou plusieurs de ses membres de procéder<br />

à des vérifications sur place. Ces vérifications ne peuvent s’exercer que<br />

dans les lieux publics et les locaux professionnels, après un préavis adressé<br />

aux agents intéressés et aux personnes ayant autorité sur eux, ou pour le<br />

compte desquelles l’activité de sécurité en cause était exercée, afin de leur<br />

permettre d’être présents.


ANNEXES<br />

Toutefois, à titre exceptionnel, la commission peut décider de procéder à une<br />

vérification sans préavis si elle estime que la présence des agents intéressés<br />

ou des personnes ayant autorité sur eux n’est pas nécessaire.<br />

Article 7<br />

La commission adresse aux autorités publiques et aux dirigeants des<br />

personnes privées intéressés exerçant des activités de sécurité sur le<br />

territoire de la République tout avis ou recommandation visant à remédier<br />

aux manquements constatés ou à en prévenir le renouvellement.<br />

<strong>Le</strong>s mêmes autorités ou personnes concernées sont tenues, dans un délai<br />

fixé par la commission, de rendre compte à celle-ci de la suite donnée à ces<br />

avis ou recommandations.<br />

En l’absence d’un tel compte-rendu ou si elle estime, au vu du compte-rendu<br />

qui lui est communiqué, que son avis ou sa recommandation n’a pas été<br />

suivi d’effet, la commission peut établir un <strong>rapport</strong> spécial qui est publié au<br />

Journal officiel de la République française.<br />

Article 8<br />

La commission ne peut intervenir dans une procédure engagée devant<br />

une juridiction. Elle ne peut remettre en cause le bien-fondé d’une décision<br />

juridictionnelle.<br />

Lorsque la commission est saisie de faits donnant lieu à une enquête judiciaire<br />

ou pour lesquels une information judiciaire est ouverte ou des poursuites<br />

judiciaires sont en cours, elle doit recueillir l’accord préalable des juridictions<br />

saisies ou du procureur de la République, selon le cas, pour la mise en<br />

œuvre des dispositions de l’article 5 relatives à la communication de pièces<br />

et des dispositions de l’article 6.<br />

Si la commission estime que les faits mentionnés dans la saisine laissent<br />

présumer l’existence d’une infraction pénale, elle les porte sans délai à la<br />

connaissance du procureur de la République, conformément aux dispositions<br />

de l’article 40 du code de procédure pénale.<br />

<strong>Le</strong> procureur de la République informe la commission de la suite donnée aux<br />

transmissions faites en application de l’alinéa précédent.<br />

Article 9<br />

Sans préjudice des dispositions des articles 7 et 8, la commission porte sans<br />

622


623<br />

ANNEXES<br />

délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir<br />

disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires. Ces<br />

autorités ou personnes informent la commission, dans le délai fixé par elle,<br />

de la suite donnée aux transmissions effectuées en application du présent<br />

article.<br />

Article 10<br />

La commission tient informé le parlementaire auteur de la saisine des suites<br />

données à celle-ci en application des articles 7 à 9.<br />

Article 11<br />

La commission nationale de déontologie de la sécurité peut proposer au<br />

Gouvernement toute modification de la législation ou de la réglementation<br />

dans les domaines de sa compétence.<br />

Article 12<br />

La commission nationale de déontologie de la sécurité remet chaque année<br />

au Président de la République et au Parlement un <strong>rapport</strong> sur les conditions<br />

d’exercice et les résultats de son activité. Ce <strong>rapport</strong> est rendu public.<br />

Article 13<br />

<strong>Le</strong>s membres de la commission, ses agents, ainsi que les personnes que la<br />

commission consulte par application de l’avant-dernier alinéa de l’article 5,<br />

sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements<br />

dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions, sous réserve<br />

des éléments nécessaires à l’établissement des <strong>rapport</strong>s prévus aux articles<br />

7 et 12.<br />

Article 14<br />

<strong>Le</strong>s crédits nécessaires à la commission pour l’accomplissement de sa<br />

mission sont inscrits au budget des services du Premier ministre. <strong>Le</strong> président<br />

est ordonnateur des dépenses de la commission. Il nomme ses agents et a<br />

autorité sur ses services.


ANNEXES<br />

Article 15<br />

Est puni d’une amende de 7 500 € le fait de ne pas communiquer à la<br />

commission, dans les conditions prévues à l’article 5, les informations et<br />

pièces utiles à l’exercice de sa mission ou de ne pas déférer, dans les<br />

conditions prévues au même article, à ses convocations ou d’empêcher les<br />

membres de la commission d’accéder, dans les conditions prévues à l’article<br />

6, aux locaux professionnels.<br />

<strong>Le</strong>s personnes physiques encourent également les peines complémentaires<br />

suivantes :<br />

1° L’interdiction des droits civils, civiques et de famille, suivant les modalités<br />

prévues par l’article 131-26 du code pénal ;<br />

2° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions<br />

prévues à l’article 131-35 du code pénal.<br />

<strong>Le</strong>s personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement,<br />

dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, du délit défini au<br />

premier alinéa. <strong>Le</strong>s peines encourues par les personnes morales sont :<br />

1° L’amende, suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code<br />

pénal ;<br />

2° L’exclusion des marchés publics, suivant les modalités prévues par le 5°<br />

de l’article 131-39 du code pénal ;<br />

3° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, suivant les modalités<br />

prévues par le 9° de l’article 131-39 du code pénal.<br />

Article 16<br />

La présente loi est applicable en <strong>Nouvel</strong>le-Calédonie, en Polynésie française,<br />

dans les îles Wallis-et-Futuna, dans les Terres australes et antarctiques<br />

françaises et à Mayotte. Elle ne s’applique pas aux agents de la Polynésie<br />

française, du territoire des îles Wallis-et-Futuna, de la <strong>Nouvel</strong>le-Calédonie et<br />

des provinces de la <strong>Nouvel</strong>le-Calédonie.<br />

La présente loi sera exécutée comme loi de l’État.<br />

____________________<br />

(1) Travaux préparatoires : loi n° 2000-494<br />

Assemblée nationale : Projet de loi n° 621<br />

Rapport de M. Bruno <strong>Le</strong> Roux, au nom de la commission des lois, n° 723 ;<br />

Discussion et adoption le 4 juin 1998.<br />

Sénat : Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, n° 480 (1997-1998) ;<br />

624


625<br />

ANNEXES<br />

Rapport de M. Henri de Richemont, au nom de la commission des lois, n°<br />

173 (1999-2000) ;<br />

Discussion et adoption le 3 février 2000.<br />

Assemblée nationale : Projet de loi, modifié par le Sénat, n° 2139 ;<br />

Rapport de M. Bruno <strong>Le</strong> Roux, au nom de la commission des lois, n° 2193 ;<br />

Discussion et adoption le 24 février 2000.<br />

Sénat : Projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en<br />

deuxième lecture, n° 242 (1999-2000) ;<br />

Rapport de M. Henri de Richemont, au nom de la commission des lois, n°<br />

290 (1999-2000) ;<br />

Discussion et adoption le 5 avril 2000.<br />

Assemblée nationale : Projet de loi, modifié par le Sénat en deuxième lecture,<br />

n° 2326 ;<br />

Rapport de M. Bruno <strong>Le</strong> Roux, au nom de la commission des lois ;<br />

Discussion et adoption (procédure d’examen simplifiée) le 25 mai 2000.<br />

(2) Travaux préparatoires : loi n° 2003-239<br />

Sénat : Projet de loi n° 30 (2002-2003) ;<br />

Rapport de M. Jean-Pierre Courtois, au nom de la commission des lois n° 36<br />

(2002-2003) ;<br />

Rapport d’information de Mme Jeanine Rozier, au nom de la délégation des<br />

droits des femmes, n° 34 (2002-2003) ;<br />

Discussion les 13, 14, 15 novembre 2002 et adoption, après déclaration<br />

d’urgence, le 19 novembre 2002.<br />

Assemblée nationale : Projet de loi, adopté par le Sénat, n° 381 ;<br />

Rapport de M. Christian Estrosi, au nom de la commission des lois, n° 508 ;<br />

Rapport d’information de Mme Marie-Jo Zimmermann, au nom de la<br />

délégation des droits des femmes, n° 459 ;<br />

Discussion les 14, 15, 16, 21, 22 et 23 janvier 2003 et adoption le 28 janvier 2003.<br />

Assemblée nationale :<br />

Rapport de M. Christian Estrosi, au nom de la commission mixte paritaire, n° 595 ;<br />

Discussion et adoption le 12 février 2003<br />

Sénat : Projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, n° 153 (2002-2003) ;<br />

Rapport de M. Jean-Pierre Courtois, au nom de la commission mixte paritaire,<br />

n° 162 (2002-2003) ;<br />

Discussion et adoption le 13 février 2003<br />

Conseil constitutionnel :<br />

Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 publiée au Journal officiel de ce<br />

jour.

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