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dessert chroniques disques fromage brêves plat 3 ... - Hell's Kitchen

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PLAT 1<br />

SHOBOSHOBO<br />

PLAT 4<br />

FRENCHTROTTERS<br />

DESSERT<br />

CHRONIQUES DISQUES<br />

APÉRO<br />

PLAT 2<br />

DOMINGO YU<br />

TROU NORMAND<br />

LO LIFE<br />

DIGESTIF<br />

SANS FREIN<br />

ENTRÉE<br />

DIOR THUGS<br />

PLAT 3<br />

MILOUD<br />

FROMAGE<br />

BRÊVES<br />

# 1


EDITO<br />

Quelle est donc cette manie de sortir des magazines ?<br />

C’est bien la question que l’on finit par se poser quand on constate, rien qu’en France,<br />

l’inflation des supports traitant des «cultures urbaines», pour le dire vite. Qu’il s’agisse<br />

du print ou du web, payants ou gratuits…<br />

Pour ce qui est du web, sans parler des blogs, la fâcheuse tendance a été prise de<br />

refaire la même chose que les équivalents papier ; les mêmes lignes éditoriales, les<br />

mêmes sujets, les mêmes marronniers, les mêmes tics. Et encore, les rédactions web<br />

en arrivent même à être à la traîne… Un comble.<br />

Avec Hell’s <strong>Kitchen</strong>, nous allons essayer d’aller sur des terrains pas vraiment exploités,<br />

et sinon, toujours avec un œil torve. Avec un angle.<br />

Avec toujours une pincée de sociologie de bas étage, une rasade de parti pris et un<br />

fonds de sauce : ne jamais oublier que même ton voisin a toujours une histoire à raconter.<br />

Dans une ville, des millions d’histoires.<br />

Non, ce ne sont pas que les personnalités exposées médiatiquement qui méritent qu’on<br />

s’y attarde systématiquement. Et à rebours des éminentes règles marketing ergonomiques,<br />

certaines histoires méritent autre chose qu’un pauvre paragraphe de 5 lignes.<br />

Ce n° de lancement est comme un numéro zéro, parce qu’il n’est pas sans défauts.<br />

C’est en forgeant qu’on devient forgeron.<br />

Le n° 2 viendra vous confirmer a contrario que la presse «urbaine» est beaucoup trop<br />

pleine d’urbanité…<br />

Rendez-vous dans deux mois.<br />

La rédaction.<br />

P.S. : Hell’s <strong>Kitchen</strong> n’est pas le nom d’un appartement raviolis. Ce surnom est celui du<br />

quartier anciennement irlandais du westside de Manhattan ; de la 57è à la 34è rue, de<br />

la 8è Avenue à l’Hudson River. Là où les gangs irlandais se sont déchaînés pendant des<br />

décades, notamment quand les Porto-Ricains ont commencé à investir le quartier. Hell’s<br />

<strong>Kitchen</strong> a inspiré de nombreux polars et plusieurs films, «Westside stories», «Gangs of New<br />

York» pour ne citer qu’eux. Dans «Warriors», c’est le territoire des Rogues.<br />

CRÉDITS<br />

DIRECTEUR DE LA<br />

PUBLICATION<br />

Fabrice Marco<br />

RÉDACTION<br />

Oldboy, Armatya, Aldo<br />

D.A. & MAQUETTE<br />

Bus<br />

D.A. PHOTO<br />

Wilee<br />

PHOTOGRAPHES<br />

Gomez Elisa, Thierry Dunter<br />

Couverture par :<br />

Gomez Elisa et Wilee<br />

Toute reproduction est strictement interdite pour tous<br />

les pays, sauf autorisation écrite de l’éditeur.<br />

Les manuscrits et documents envoyés spontanément<br />

ne sont pas retournés<br />

Hell’s <strong>Kitchen</strong> est une publication ClapClap.<br />

www.hellskitchen.fr<br />

www.clapclap.info


DIOR<br />

Marque symbole du luxe, marqueur de<br />

niveau social.<br />

THUG<br />

Apache en français 1900, voyou en<br />

français 1945, lascar en français 1995,<br />

racaille en français 2005.<br />

DIOR THUGS<br />

Des encore gamins qu’on peut croiser à<br />

Châtelet, Paris. Mais ils viennent de Versailles,<br />

de Suresnes, ou des Invalides. Ou<br />

partis voir ailleurs. On a dit Paris mais ils<br />

sont partout. New York, L.A., Corée. C’est<br />

une race internationale. Ils sont jeunes,<br />

ils sont riches. Ils pourraient s’acheter du<br />

Dior, mais fascinés par les durs, les thugs,<br />

le caniveau, ils achètent un look de trottoir.<br />

Culture hip hop, mais pas fringués<br />

comme des cailles. Streetwear haut de<br />

gamme pour changer des fils à papa qui<br />

s’habillent comme des déjà papa. Les Dior<br />

Thugs, nouvelle génération streetlife, mais<br />

version classes moyennes. Ou carrément<br />

supérieures. Et plutôt blanches. Et toujours<br />

cette attirance pour le ghetto, tout<br />

en sachant qu’ils n’en sont pas. Et très<br />

contents d’en n’être pas.<br />

Photo : © Elisa Gomez


‘‘UN MEC HABILLÉ<br />

CHIC ET QUI AURAIT<br />

LES MANIES D’UN<br />

NOIR DU BRONX.<br />

ASSEZ IMBU DE<br />

SA PERSONNE ; AU<br />

PARIS-PARIS, T’EN<br />

CROISES PLEIN’’<br />

JEU DE MOTS<br />

Pour ceux qui nous ont donnés la permission de parler d’eux, le<br />

sens de cette étiquette Dior Thugs est assez claire. « Ça m’évoque<br />

des gens qui sont arrivés dans une culture de rue alors<br />

qu’à la base ils étaient plutôt destinés à un autre milieu, vu leur<br />

background culturel. Ça me concerne en quelque sorte, parce<br />

que moi qui habite à Versailles, issu d’une famille nombreuse,<br />

je me retrouve à kiffer des trucs que mes parents n’auraient<br />

jamais imaginé que je puisse aimer un jour. »,<br />

confirme Xavier (*).<br />

Un Dior Thug, c’est « un mec habillé chic et qui aurait les manies<br />

d’un Noir du Bronx. Assez imbu de sa personne ; au Paris-Paris,<br />

t’en croises plein», selon Aurélien.<br />

Un Noir du Bronx… tout est là : le hip hop est une culture. Et un<br />

look. Un look qui parle : sneakers, sportswear et autres accessoires,<br />

tout est bon pour montrer sa carte de membre à la culture<br />

hip hop. La battle de dance, le jam de graffiti, les clashes au micro<br />

ne sont pas que des clichés, ils forgent la nature de cette culture.<br />

L’émulation, le concours pour être le meilleur. Sens américain de<br />

la compétition. Depuis 25 ans, tous ceux qui veulent participer à<br />

cette course sans fin ont cherché des objets transitionnels, des<br />

marques d’appartenance, tels les fringues. Dis moi ce que tu portes,<br />

je te dirai qui tu es.<br />

Le plus «Dior» de tous nos interlocuteurs, Etienne, celui de la famille<br />

la plus riche, habitant le cœur du VIIè, est le seul à penser<br />

cette étiquette selon le sens de l’ascenseur social : « ça semble<br />

paradoxal… Quoiqu’il y ait plus d’un «thug» qui voudrait porter<br />

du Dior, au final. Pour moi ça représenterait un mec qui au<br />

début a galéré et qui finit un peu Dior. Parce que j’ai plus tendance<br />

à dire que Dior, ça serait l’apparence et «thug», le mode<br />

de pensée. A mon avis tu es «thug» avant d’être Dior et pas<br />

l’inverse. »<br />

Le modèle de la réussite à l’américaine en quelque sorte, exhibition<br />

bling bling, preuves ambulantes de son compte en banque.<br />

Une voiture, une belle vénale et un appartement de nabab’ russe.<br />

Le rêve de beaucoup, se faire de la maille, sortir de son milieu et<br />

prouver cette sortie. La logique du nouveau riche. Nos Dior Thugs<br />

ne sont pas de cette eau-là : ils ont la culture, les codes, les structurations<br />

inconscientes qui les font d’office appartenir au monde<br />

des classes moyennes à supérieures. Celles qui veulent que leurs<br />

enfants grimpent l’échelle, en ayant au moins les clés de la culture<br />

bourgeoise. Et c’est assumé, « à fond », selon Antoine. « Pour moi<br />

c’est une ouverture, mes parents m’ont apporté cet accès à la<br />

culture, je suis un peu privilégié à ce niveau là. Ensuite, ça a<br />

développé en moi une curiosité et c’est comme ça que je me<br />

suis dirigé vers tout ce qui était un petit peu de l’autre côté. »<br />

Revenons sur Etienne, le moins enclin à passer son temps à faire<br />

du shopping mais le plus chéri des dieux au niveau socio-économique,<br />

capable de s’acheter une Canadian Goose sur le site de<br />

vente en ligne de Colette alors qu’il habite à trois pas de la boutique.<br />

Il est comme par hasard celui qui refuse le plus de s’afficher.<br />

Le plus complexé de tous. Rapport difficile à l’argent, vieux fonds<br />

familial de censure catholico bourgeoise.<br />

« Je n’aime pas en parler. Ça va jusqu’à ne pas le montrer. Par<br />

exemple ma Canadian Goose doit valoir deux fois plus chère<br />

qu’une Northface mais les gens ne le savent pas. Après si on<br />

me demande combien je l’ai achetée, ça va me faire chier de<br />

dire que ma veste vaut tant, parce que le mec il va flipper sur<br />

le prix (…) Je ne veux pas être résumé à ça. Si j’avais fait mon<br />

chaud à tout montrer, je n’aurais sûrement pas la nana que j’aie<br />

en ce moment, je n’aurais pas des potes qui me kiffent pour ma<br />

personnalité. Traîner qu’entre richards, c’est casse-couilles.<br />

J’ai des potes de toute classe sociale. »<br />

Thomas l’avoue lui aussi : « c’est vrai que c’est gênant quand<br />

certains potes te font des réflexions tout le temps, genre « ouais<br />

toi, tu t’en fous quand t’achètes des sapes »… En même temps,<br />

t’es issu d’un milieu social que t’as pas choisi (…) »<br />

Comme le résume joliment Antoine : « cette opposition des deux<br />

mots, le côté luxe et le côté roots, avec le hip-hop aussi, ça peut<br />

correspondre à pas mal de monde, genre le côté volonté de<br />

développer quelque chose qui n’est pas forcément en accord<br />

avec son passé à soi, ses racines… Ce serait un peu des déracinés<br />

qui essayent de s’implanter quelque part. »<br />

REBELLES ?<br />

Des rebelles déracinés, c’est ce qu’ils voudraient donner d’euxmêmes<br />

comme image. Sauf qu’en réalité, ce sont plutôt des petits<br />

jeunes pépères, avec les parents derrière. Mais pas décidés à reproduire<br />

les habitudes de leur cadre quotidien, comme la familiarité<br />

avec les marques de luxe.<br />

Xavier : « Carrément. Avant, j’allais dans des rallyes mais j’ai<br />

très, très vite abandonné. Pour aller, on va dire de 16 à 19 ans,<br />

vachement dans des clubs genre la Maison Blanche, vraiment<br />

des trucs «show of», où il y a de la thune, où tu poses tes bouteilles<br />

sur la table et où il y a plein de nanas. (…) Maintenant,<br />

c’est un milieu qui me dégoûte parce que je trouve que ces<br />

gens n’ont pas d’intérêts à la base, ils n’ont pas tout compris<br />

à la vie. »<br />

« Disons que quand tu habites dans le 7ème, tout le monde<br />

écoute David Guetta en 5ème, c’est super drôle, ça va au Back<br />

Up, ça fait très rapidement chier ce genre d’ambiance, ce genre<br />

de mode de pensée, du coup on regarde ailleurs, petit à<br />

petit… », se rappelle Etienne.<br />

Idem pour Xavier : « Il y a quelques années j’étais donc à fond<br />

dans ces soirées-là mais je scratchais en même temps. J’avais<br />

presque une double vie dans le sens où dans le scratch les<br />

gens ont un pouvoir d’achat un peu plus bas. Aujourd’hui, je<br />

ne sais pas si je suis un Dior Thug. De par mon appartenance<br />

sociale, oui, certes, mais après je pense que j’ai les mêmes<br />

moyens financiers aujourd’hui que bon nombre de personnes<br />

appartenant à ce milieu (branché que je fréquente). En fait je<br />

pense appartenir à plusieurs communautés, j’ai des potes qui<br />

ont des univers sociaux totalement différents et qui ont des<br />

centres d’intérêts complètement différents les uns des autres.<br />

Voyage entre les strates sociales et entre les imaginaires sociaux.<br />

Au risque de devenir incompréhensible :<br />

« Ma mère a complètement lâché l’affaire depuis 5 ans sur le<br />

prix que je peux mettre dans les sapes, sur cette espèce de<br />

vie complètement dingue où je passe un jour par semaine à<br />

faire la tournée des magasins pour trouver un truc… Mes potes<br />

qui sont quand même issus d’un certain milieu social, on va<br />

dire «écoles de commerce», ils n’ont pas du tout le même style<br />

de vie que moi parce qu’ils sont plus suiveurs, genre grande<br />

consommation… Ils comprennent pas trop, ils préfèrent taxer<br />

mes sapes ou me demander plutôt que de chercher parce<br />

qu’ils ont pas ce réflexe que toi, t’as acquis, après plusieurs<br />

années d’acculturation. »


MOI NON PLUS<br />

C’est cette conscience-là, d’être à cheval sur deux mondes, issus<br />

de milieux confortables tout en ayant un style de vie loin de leur<br />

milieu d’origine, qui contient toute la substantifique moelle du Dior<br />

Thug. Ils ont les moyens d’acheter du Dior. Ils préfèrent les codes<br />

street. Mais pas non plus ceux de la cité. Dans une cité, personne<br />

ne comprend leur langage vestimentaire, même s’ils écoutent ou<br />

écoutaient du rap français, ils sont d’instinct pris pour des exemplaires<br />

d’un autre monde<br />

Aurélien : « J’écoute du rap français aussi, l’époque Beat de<br />

Boul, Fabe... C’est peut-être plus le mec ghetto qui aura du mal,<br />

parce que je n’ai pas de Requins, que je ne suis pas sapé comme<br />

lui...Souvent quand je rencontre des Dj’s, ils hallucinent :<br />

« Ah ouais, tu scratches aussi ? ». Juste parce que je ne suis pas<br />

en baggy XXXL, que je n’ai pas de casquette. En général c’est<br />

de l’autre côté qu’il y a plus de barrières (…) Il y a encore<br />

beaucoup d’abrutis qui pensent que pour faire du rap il faut<br />

obligatoirement venir de cité, il vaut mieux ne pas être blanc,<br />

avoir des parents smicards. Comme si il fallait être blanc et<br />

riche pour faire du rock. »<br />

En ville, nos Dior Thugs ont l’impression d’appartenir à une communauté<br />

virtuelle dans laquelle chaque membre repère facilement<br />

un congénère, un pair. Tous des participants au même jeu,<br />

au game de celui qui aura la pompe la plus recherchée, le hoodie<br />

le plus fou, le t-shirt le plus introuvable. Hyper consommation, sur<br />

individualisme. Concurrence exacerbée, course à l’exclusivité.<br />

Ce qui constitue une différence d’avec leurs aînés d’ailleurs. Ces<br />

grands frères n’avaient pas le même choix et se retrouvaient souvent<br />

sur les mêmes marques, tout le monde portant presque la<br />

même chose. Aujourd’hui, c’est l’éclatement, personnalisation extrême.<br />

Cette possibilité de parler ce langage implicite n’est pas<br />

donné : ce qu’ils portent sur eux peut représenter au moins une<br />

moitié de SMIC.<br />

Aurélien : « Dans le streetwear il y a des trucs supers chers.<br />

Quand tu regardes Neighbourhood, Undefeated, Kid Robot....<br />

La dernière fois, j’ai vu un hoodie Original Fake, il était à 600<br />

euros… Même les trucs Dior ne font pas ce prix là. »<br />

‘‘JE SUIS ARRIVÉ À<br />

UN TEL STADE DE<br />

PRÉTENTION QUE<br />

ÇA NE ME DÉRANGE<br />

MÊME PLUS.’’<br />

Extrême futilité, complète servilité aux marques. Aucune retenue.<br />

Certains le vivent bien, d’autres beaucoup moins, d’autres encore<br />

sont inconsciemment mais pathologiquement dépendants de la<br />

sape.<br />

Snobisme maladif ? « Je suis arrivé à un tel stade (de prétention)<br />

que ça ne me dérange même plus, lâche le plus tranquillement<br />

du monde Thomas. Ça fait tellement un moment que je<br />

suis là dedans… C’est un truc complètement entré dans ma<br />

logique. »<br />

Exemple in vivo : « Cet été, là où je faisais mon stage, je sonne à<br />

la porte un matin, un autre stagiaire vient m’ouvrir avec ce polo<br />

que j’avais aussi : vision super horrible ! Surtout ce mec là !! Là,<br />

c’est fini, deux heures après, j’avais trouvé un t-shirt à me mettre<br />

(rires) ! T’imagines, quand tu croises dans la rue quelqu’un<br />

qui a le même truc que toi, c’est déjà super relou, ça dévalorise<br />

ton achat, à tes yeux en tout cas. Mais il y a une marge entre<br />

les autres et ceux que tu connais, surtout quand celui que tu<br />

connais et qui a le même truc que toi, a juste aucun style. T’as<br />

envie de te mettre les doigts au fond de la gorge et de vomir<br />

sur ce que tu portes et de foutre ça à la poubelle… »


PLANÈTE GHETTO<br />

Thomas : « Moi, je viens d’une ville originellement estampillée<br />

ghetto, alors que là bas, t’as certes de la cité mais aussi la maison<br />

de Karl Lagerfeld qui est louée par Caroline de Monaco.<br />

T’as les deux pôles réels de la société française (au même<br />

endroit). Donc mes parents n’ont pas voulu que j’aille dans le<br />

collège et le lycée de base où l’on habitait, pour me donner<br />

des chances. Je suis allé dans le collège de centre-ville de la<br />

ville centrale. Là, on te dit « ouais, tu viens de la ville ghetto »,<br />

toi, t’écoutes du hip hop français, tu rentres dans le jeu… Mon<br />

frère qui était un taggeur raté écoutait les premières compil’<br />

rap français « Rapattitude »…<br />

Écouter du rap français ne veut pas dire tenir le mur en bas de la tour.<br />

Antoine : « Le côté racaille m’a toujours un peu rebuté, j’en ai<br />

un peu côtoyé et ça ne m’a jamais vraiment fait kiffer. Je n’ai<br />

jamais cherché à m’habiller comme ça (…) Mais c’est vrai que<br />

le fait que j’écoute du hip-hop ça peut étonner dans le sens<br />

où je n’ai jamais cherché à en développer les codes dans un<br />

certain sens. »<br />

Thomas : « J’ai jamais caché la profession de mes parents, j’ai<br />

jamais vécu en HLM mais quand t’es en 5è, t’idolâtres un peu<br />

tous ces mecs qui représentent la culture et la musique que<br />

t’écoutes tout le temps, donc Com’8… Mais j’ai jamais eu non<br />

plus ce mimétisme, à acheter la même chose que mes potes,<br />

genre j’ai jamais eu de période Lacoste même si je pouvais<br />

traîner avec des mecs des HLM… Je ne me suis jamais dit « voilà,<br />

je vais mettre un survêt’ Lacoste parce que tout le monde en<br />

a un ». En même temps j’en aurais demandé un à ma mère, elle<br />

m’aurait dit d’aller me faire foutre… Mes parents font quand<br />

même gaffe à l’image, à l’époque c’était LA marque estampillée<br />

caillera, en plus c’est eux qui financent. »<br />

‘‘JE SUIS TOUJOURS<br />

RESTÉ DANS L’IDÉE:<br />

FAUT QUE J’AI DES<br />

TRUCS QUE LES<br />

AUTRES N’ONT PAS’’<br />

La communauté ghetto ne participe pas à ce jeu de la différenciation.<br />

Pas de compétition à cette course à la marque inconnue.<br />

Au contraire même, ici les signes qu’on exhibe visent à démontrer<br />

une appartenance au groupe, donc des marques socialement<br />

reconnues et acceptées par tous comme des vecteurs d’identité.<br />

Nécessité de montrer sa réalité. A l’opposé du jeu de la distinction.<br />

Ce jeu là qui fait vibrer au contraire un Thomas, capable de<br />

théoriser son comportement : « Je suis toujours resté dans l’idée<br />

« faut que j’aie des trucs que les autres n’ont pas » parce que<br />

c’est juste mieux ! C’est le vieux truc sociologique, il faut se différencier<br />

des autres qu’on croise dans la rue (…) Se différencier par<br />

rapport à un groupe social auquel t’appartiens, t’essaies d’être un<br />

peu le mec le plus stylé dans un certain milieu social. T’as un cadre,<br />

et dans ce cadre t’essaies d’obtenir le truc le plus inabordable,<br />

pas que seulement au niveau du prix mais au niveau de la<br />

recherche. »<br />

SCREEN SHOPPING<br />

Antoine : « c’est un peu grâce à l’Internet que je m’habille genre<br />

streetwear intelligent, celui qui vient plutôt des U.S. ». Cette<br />

génération est la première génération web, les yeux toujours rivés<br />

sur l’écran, les blogs et les sites qui leur déversent plusieurs fois<br />

par jour les images des collections qui arriveront en magasin 6<br />

mois plus tard. C’est ainsi qu’ils se forgent ce sentiment d’appartenir<br />

à une sorte d’élite internationale, au courant bien avant le<br />

troupeau. Et dans cette élite, on adore pousser le post meurtrier<br />

sur un forum pour montrer à ses congénères qu’on s’y connaît<br />

mieux qu’eux… Ou customiser son Myspace avec la plus belle<br />

pièce de sa collection. Ou se poser des questions existentielles,<br />

littéralement, en tout cas pour eux. « Parfois c’est rigolo, rigole<br />

Aurélien, les gars s’interrogent pour savoir s’il faut porter les<br />

pompes qu’ils achètent ou les ranger (dans leurs boîtes), moi<br />

je leur dis : les gars, faut aller consulter ! »<br />

Thomas sait encore garder un pied sur la terre ferme : « c’est<br />

pas que le Net, c’est aussi les mecs que tu côtoies, au fur et<br />

à mesure tu rencontres des gens qui te parlent un peu. Après<br />

effectivement, t’as le Net, une espèce de porte ouverte sur un<br />

monde d’infos, où t’as trop d’infos… Tu commences à te rendre<br />

compte qu’il y a vachement de trucs en dehors, en dehors<br />

de Paris, en dehors de la France, qu’il y a des marques que tu<br />

connais pas parce que pas distribuées, et qu’il y a des moyens<br />

de les choper, aussi. Ça, ça joue énormément ! Et pour tout le<br />

monde… Quand t’es au lycée, à 16, 17 ans t’es trop pas au courant<br />

de ce qui se passe, avec le Net tu commences une espèce<br />

de vie par procuration, genre tu vois un truc sur le Net, t’as<br />

pas moyen de te l’acheter, après t’essaies de trouver d’autres<br />

moyens de te le choper et voilà… C’est hyper grisant ensuite<br />

de te dire que t’as les trucs que les autres n’ont pas.»<br />

Aurélien, encore : « aujourd’hui, avec Internet, tu as accès facilement<br />

à l’information. En plus, en France les lignes ne sont<br />

pas vraiment intéressantes. Soit tu as des trucs super cher pour<br />

rien, genre Revolver, qui sont pas si mal dans l’absolu, mais<br />

200 euros pour avoir un truc Edbanger en logo… C’est un<br />

lieu commun de le dire, mais les Japonais sont en avance, ils<br />

ont limite tout compris. C’est à la fois Anglais mais avec plein<br />

de couleurs, plein de formes, tout en n’ayant aucun code j’ai<br />

l’impression, ils font un peu ce qu’ils veulent. Un coup ils vont<br />

s’habiller mode rock, un autre ça va être streetwear, puis le<br />

lendemain, très sobre, et le jour d’après, très bariolé. Il n’y a<br />

qu’à regarder ce que Lacoste sort pour sa ligne Japon et ce<br />

qu’on a en France… »<br />

Alors qu’en France, ils ne sont qu’une minorité parmi la minorité<br />

streetwear, ils sont déjà fatigués des marques américaines, de<br />

plus en plus disponibles à Paris, d’aNYthing à Crooks & Castles,<br />

de The Hundreds à Lemar & Dauley.<br />

‘‘IL N’Y A QU’À<br />

REGARDER CE<br />

QUE LACOSTE SORT<br />

POUR SA LIGNE<br />

JAPON ET CE QU’ON<br />

A EN FRANCE… ’’<br />

Thomas : « cette année, les mecs ont eu tendance à tourner en<br />

rond dans le streetwear américain et puis aussi, tout le monde<br />

portant du streetwear américain, faut que je passe à autre chose.<br />

C’est complètement inconscient : tu vois que plein de mecs<br />

ont la même chose que toi, donc faut trouver une autre marque<br />

que personne n’a. Donc si tu veux être ça, le mec hyper relou<br />

super pointu, tu passes au streetwear japonais. Tu essaies en<br />

tout cas, vu que c’est hyper dur à choper, parce que guère distribué<br />

hors Japon, que les prix sont exorbitants. Par exemple<br />

un pull Revolver, 180 euros chez Colette, c’est un prix d’écrémage<br />

(…) Personne ne l’a, donc il est joli ; joli parce que tu le<br />

vois moins, tu trouves ça plus original. »<br />

En voyant plus loin que l’horizon rabougri de leurs milieux d’origine,<br />

nos Dior Thugs se retrouvent perdus dans un monde stratosphérique<br />

fait de hip et de hype, mais convaincus de leur justesse<br />

par la validation presque systématique de leurs choix par les magazines,<br />

les prescripteurs officiels et finalement, le marché.<br />

Certains les trouveront pénibles, enfermés qu’ils sont dans leur<br />

addiction dure aux fringues, accrochés au web, à découvrir le<br />

dernier truc. Clique hyper spécialisée. D’autres ne manqueront<br />

pas de s’en moquer, puisque nos Dior Thugs en arrivent à concurrencer<br />

les fashionistas dans leur superficialité. Clinquants mais vides.<br />

Beaucoup les suivront. Ces garçons sont l’avant-garde d’une<br />

génération, interface entre la vieille culture classique et celle de la<br />

rue d’aujourd’hui. Upper beat street.<br />

(*) : les prénoms ont été changés


MAGMATRICE<br />

MAGMA, CE N’EST PAS SEULEMENT UN GROUPE DE FREE JAZZ ROCK<br />

QUI FAIT MAL TRIPPER SOUS CHAMPIGNONS, C’EST AUSSI LA COUCHE<br />

EN FUSION QUI BOUGE SOUS LA CROÛTE TERRESTRE.COMME LES FAN-<br />

TASMES QUI GROUILLENT EN CHALEUR SOUS LA CALME SURFACE.<br />

USINE À GAZ, CHEMINÉES DE LA CRÉATIVITÉ, C’EST À CELA QUE NOUS<br />

FAIT PENSER SHOBOSHOBO.<br />

MUSIQUE ET DESSIN, CRIS ET CHUCHOTEMENTS, JEUX AUTOUR DU<br />

BRUIT ET CRAYONS QUI VIBRENT. FOLIE KALÉIDOSCOPIQUE.<br />

EXPÉRIMENTAL PARIS.<br />

Shoboshobo, ça doit bien avoir une signification<br />

en japonais, ou c’est juste un jeu de<br />

sonorités ?<br />

Shoboshobo est un mot japonais qui entre dans<br />

le champ de ce qu’on appelle le «giongo», c’est<br />

une famille de mots qui expriment des sons à la<br />

manière de nos onomatopées, mais également<br />

des sentiments. Shoboshobo signifie «très fatigué»<br />

ou «naze». Le nom fût trouvé par l’artiste<br />

japonaise Phirip, alors que j’organisais le premier<br />

concert Shoboshobo à l’école Duperré<br />

(Paris), où j’enseignais à l’époque. Il y avait<br />

pour ce premier concert Hirono Nishiyama, Takagi<br />

Masakatsu, Phirip, Lozi et Aoki Takamasa<br />

et tous étaient très fatigués, ce concert intervenant<br />

en fin de tournée. C’est ainsi que le nom<br />

«Shoboshobo» fût trouvé et il est resté... Au début,<br />

shoboshobo c’était surtout des concerts de<br />

musiciens japonais que j’organisais après mon<br />

retour du Japon (j’y ai habité un an).<br />

Parlant de sons, vous êtes loin de vous limiter<br />

à fabriquer des sweats et tee shirts, tu<br />

peux nous parler de vos installations sonores<br />

à La Générale ? En quoi consiste un juke<br />

box humain ?<br />

(…) Dans mes projets en cours ou passé, il<br />

y a le dessin et le graphisme, la musique, un<br />

peu les vêtements et effectivement des projets<br />

d’installation dont l’un a été présenté à La<br />

Générale : le jukebox humain (il a également<br />

été présenté dans le cadre de BBMIX). Cela fait<br />

maintenant plus d’un an que je travaille avec la<br />

Générale puisque j’y ai organisé 4 événements<br />

shoboshobo et que j’y réalise mes sweat-shirts<br />

dans l’atelier d’Andrea Crews. Ce lieu est un<br />

souffle d’air vif inespéré dans un paysage culturel<br />

parisien dont les extrémités se rejoignent.<br />

Ce qui laisse peu de place à autre chose que<br />

d’un côté, les institutions lourdes et engoncées<br />

et de l’autre, la hype écervelée et frivole... Le<br />

jukebox humain est donc une installation que<br />

j’imaginais alors que Juliette Bineau, une des<br />

figures initiatrices de La Générale m’invitait à<br />

participer à l’exposition qu’elle montait : «Formalacon».<br />

Pour décrire brièvement le processus,<br />

il s’agit d’un petit orchestre (généralement<br />

3 ou 4 musiciens) commandé par une personne<br />

du public ayant à sa disposition des plaquettes<br />

sur lesquelles des ordres sont inscrits pour<br />

faire évoluer la musique... C’est donc de l’improvisation<br />

totale, la réussite dépend autant<br />

du public que des musiciens et même lorsque<br />

c’est très chaotique, cela peut être beau !


Illustration murale<br />

C’est qui ou quoi, MEC et le motor body<br />

gabber ?<br />

MEC (Motards En Colère) est un autre projet<br />

dans lequel je m’implique beaucoup. C’est un<br />

projet à 2 faces : la première c’est un groupe<br />

de musique composé de 3 personnes, nous faisons<br />

une musique que l’on peut effectivement<br />

qualifier de motor-body-gabber, des rythmes<br />

lourds, parfois syncopés, un son très low-fi, de<br />

grosses nappes de chaos noise surmontées de<br />

hurlements scandant des invectives à l’encontre<br />

des conducteurs de voiture et en la faveur des<br />

motards. Nos concerts sont courts et intenses<br />

(20mn), je me casse systématiquement la voix<br />

après chaque représentation. L’autre face du<br />

projet, c’est une installation, le Motor Karaoke.<br />

C’est une installation qui se pratique à 2, chacun<br />

met un casque de moto sur la tête et il faut<br />

hurler le plus fort possible pour faire avancer<br />

une moto apparaissant sur une vidéo en face<br />

de soi. Le premier des 2 compétiteurs qui arrive<br />

à faire 5 tours de circuit a gagné, il y a donc<br />

toujours un gagnant et un perdant. Toutes les<br />

courses sont enregistrées, constituant ainsi une<br />

banque de hurlements maintenant considérable.<br />

Autant que faire se peut, nous essayons de<br />

ne pas dissocier les 2 propositions. Ainsi, lorsque<br />

le groupe est invité, nous insistons pour<br />

présenter l’installation et inversement.<br />

Comment vous êtes tous rencontrés, à l’école<br />

Estienne ?<br />

On peut considérer Shoboshobo comme un<br />

groupe dans la mesure où la plupart des initiatives<br />

labellisées «Shoboshobo» impliquent plusieurs<br />

personnes (concerts, installations ....).<br />

Ce groupe est à géométrie ouverte et variable,<br />

ce ne sont pas nécessairement les mêmes personnes<br />

qui sont impliquées dans les différents<br />

projets. En ce qui concerne le côté graphique,<br />

visuel, les dessins et les sweats, je suis seul à<br />

en assumer la responsabilité, sauf évidemment<br />

lors des sessions de dessin collectif (…)<br />

Si un fil directeur doit être tiré, il se situera sans<br />

doute au niveau de l’idée de participation et<br />

de collectivité ; même si je dois bien admettre<br />

que je suis au centre de Shoboshobo, seul, je ne<br />

peux rien faire, ou en tout cas pas grand chose.<br />

Difficile donc de dresser une liste des personnes<br />

impliquées dans shoboshobo...<br />

Estienne, c’est l’école où j’enseigne la communication<br />

visuelle multimédia depuis maintenant<br />

5 ans, je n’y ai pas fait mes études mais j’ai eu<br />

la chance d’y rencontrer beaucoup d’individus<br />

passionnants, autant parmi les élèves que chez<br />

les profs.<br />

SHOBO SHOBO<br />

Également sur vêtements<br />

Ici différents T-shirts et Sweat shirts


Tu as bossé pour Active Suspension, tu te<br />

reconnais comme en communauté d’esprit<br />

avec démarche du label, ainsi que la nébuleuse<br />

autour (clapping music, evenement0,<br />

section amour...) ?<br />

Oui, je suis effectivement très proche de ce<br />

label et de beaucoup de ses artistes y gravitant.<br />

J’ai fait les sites d’Active suspension et de<br />

Clapping Music et je réalise souvent des illustration<br />

pour eux. J’ai fait avec Johann Lhuillery<br />

la pochette du O.Lamm «Hello Spiral». Outre<br />

l’amitié qui nous lie, la plupart de mes projets<br />

musicaux implique des gens de ces labels et<br />

en particulier Olivier Lamm (O.Lamm) et Stephane<br />

Laporte (Domotic) et également Davide<br />

Balula avec qui, outre la formation du groupe<br />

«Panawave Brothers», j’ai monté et réalisé le<br />

Shoboshobo Bustour au japon l’été 2005. Je me<br />

retrouve impliqué dans beaucoup d’autres projets<br />

fédérant des artistes de ces labels dont le<br />

projet le plus représentatif de cette énergie est<br />

sans doute Section Amour.<br />

Pour rester dans le monde d’A.S., tu connais<br />

bien Olivier Lamm, n’est-ce pas ?<br />

Oui, c’est un ami très proche. Nous avons collaboré<br />

et imaginé beaucoup de projets ensemble<br />

surtout musicaux en fait. Il lui est arrivé 2<br />

fois de m’aider sur des projets graphiques, une<br />

fois pour la fresque chez Agnes b. et une autre<br />

fois toujours pour une fresque dans un resto, «le<br />

Réfectoire». Souvent les délais pour les fresques<br />

sont assez serrés et je me fais donc aider,<br />

les petites mains potelées d’Olivier m’ont bien<br />

rendu service pendant les 2 nuits que nous<br />

avons eu pour faire cette fresque… Il colorie<br />

en noir comme pas deux.<br />

Pour en venir à l’image, vous êtes récemment<br />

allés exposer à Berlin pendant le Pictoplasma,<br />

vous pouvez nous en dire deux<br />

mots ?<br />

Cela fait un peu plus d’un an que je suis entré<br />

en contact avec eux, ils m’ont invité dans<br />

un premier temps à participer à leur livre de<br />

coloriage et ensuite à l’expo «Color me Halle»<br />

où nous avions 3 jours, avec Neasden Control<br />

Center et Boris Hoppek pour couvrir de dessin<br />

au marker noir une grande salle qu’ensuite<br />

les visiteurs étaient invités à venir colorier. En<br />

octobre dernier, ils ont organisé un événement<br />

à Berlin sur une semaine, «Pictoplasma Character<br />

Conference» et ils m’ont invité à venir<br />

faire une conférence et à exposer mes dessins,<br />

deux premières, puisque je n’avais jamais vraiment<br />

fait ni l’un ni l’autre avant cela. C’était<br />

assez étrange mais intéressant, j’ai pu rencontrer<br />

pas mal de monde par ce biais, notament<br />

Sam Borkson de Friends with you, un gars avec<br />

plein d’amour à distribuer, Gary Baseman et sa<br />

poupée qu’il ne quitte jamais et fourre sous les<br />

jupes des filles, Fons Schiedon avec<br />

qui je partageais l’appart que Pictoplasma avait<br />

loué pour nous, John Burgerman très sympa. Je<br />

ne peux pas dire que j’ai aimé tout ce que j’ai<br />

vu dans le cadre des conférences ni des expos,<br />

mais c’était vraiment intéressant pour moi de<br />

voir la différence et les nuances entre des postures<br />

d’artistes et de graphistes.<br />

Comment s’est faite la connexion avec<br />

l’incomparable éditeur Nieves ?<br />

C’est moi qui ai contacté Nieves il y a un moment<br />

de cela en lui disant que j’aimerais bien<br />

éditer un livre avec eux, ils m’ont alors répondu<br />

assez rapidement en se disant intéressés,<br />

je leur ai alors proposé de sortir un 100 / 200<br />

pages en couleurs et ensuite, plus aucune réponse<br />

de leur part ... Environ un an plus tard,<br />

alors que j’avais oublié tout ça, ils m’ont donc<br />

proposé d’éditer un petit zine d’une trentaine<br />

de pages en noir et blanc et c’est donc ce projet<br />

qui s’est concrétisé. Ce sont des dessins au<br />

noir, beaucoup de hachures, des monstres de<br />

poils... Le titre c’est «dog days», je l’ai fait en<br />

juillet dernier et il faisait super chaud à Paris ...<br />

Pour finir par ce qui nous a mis la puce à<br />

l’oeil sur shoboshobo : comment en êtesvous<br />

venus à produire des sweats et des tshirts<br />

? Une démarche de diffusion artistique<br />

plus qu’une visée commerciale ?<br />

Mmmm… non, l’envie de faire ça ! Etant donné que<br />

chaque sweat est une pièce unique, c’est comme<br />

de dessiner, mais sur un support différent.<br />

C’est Andrea Crews qui vous aide à produire?<br />

C’est effectivement Maroussia Rebecq de Andrea<br />

Crews qui m’a au départ proposé de faire<br />

des sweats avec cette technique étant donné<br />

qu’elle dispose du matériel et qu’elle développe<br />

pour sa propre marque un principe de<br />

participation. Andrea Crews fournit donc les<br />

sweats vierges, la machine et le materiau, je<br />

m’occupe du reste (sourires)<br />

Question de consommateur : quelle qualité<br />

de coton avez vous choisie ?<br />

Ce sont des sweats de la marque Stars and Stripes,<br />

plutôt costauds...<br />

Comment printez vous les visuels ?<br />

Ça n’est pas imprimé mais floqué, c’est pour<br />

cette raison que ce sont des pièces uniques,<br />

c’est impossible à industrialiser!<br />

Ils tiennent bien au lavage ?<br />

Il faut prendre soin de ces sweats ! Ce sont de<br />

petits tableaux à porter sur soi. Le nettoyage à<br />

sec ou à froid en machine ou à la main garantira<br />

une meilleure pérennité.<br />

Quels en sont les tarifs ?<br />

120 euros le sweat, plus les frais de port, pour les<br />

détaillants il est possible de baisser les prix en<br />

fonction du nombre de pièces commandées ...<br />

http://grogore.free.fr<br />

www.shobus.blogspot.com<br />

Phirip : www.iamas.ac.jp/~phirip00/koxgaku<br />

MEC : www.myspace.com/mecmecmec et grogore.free.fr/event/motorkaraoke/motorkara.htm<br />

Andrea Crews : www.andreacrews.com / La Générale : www.lagenerale.org<br />

Jukebox humain : grogore.free.fr/event/jukebox/index.htm et grogore.free.fr/event/jukeboxbbmix/index.html


ON DEVRAIT UN JOUR RECENSER TOUS LES CLICHÉS FRANÇAIS SUR LES AMÉ-<br />

RICAINS. ET LES CLASSER PAR GENRE. L’HABITUEL «BUSH, TEXAS, CHRÉTIENS<br />

INTÉGRISTES, PAYS DE RACISTES» POUR LES BONNES CONSCIENCES, ET SON<br />

REVERS : «PAYS DU 1ER AMENDEMENT, ZÉRO CHÔMAGE, ELDORADO DES<br />

ENTREPRENEURS». CELUI AUSSI DU «GHETTO GLAMOUR, NOIRS EXPLOITÉS,<br />

BLANCS MÉCHANTS, NEW YORK MECQUE DU HIP HOP». OU ENCORE «MEL-<br />

TING POT, DONUTS ET BURRITOS, STARBUCK’S, NBA». ETC., ETC.<br />

DOMINGO YU, AMBASSADEUR UNDERGROUND RESISTANCE, EST UN AMÉRI-<br />

CAIN TYPIQUE. ÉCOUTER SA VIE ET SES AVIS, C’EST RETOURNER LES CLICHÉS<br />

COMME UNE CRÊPE. OU UN PANCAKE.<br />

Trimballé par ses parents de ville en ville à cause de<br />

son père militaire, Chino de son vrai prénom, a surtout<br />

passé ses années d’enfance, les années 80, dans<br />

le Sud. Notamment dans la campagne de l’Alabama,<br />

où vivaient ses grand parents. Père mexicain-américain, mère<br />

taïwanaise, il ne fait donc pas partie des Afro Américains qui, tellement<br />

ancrés aujourd’hui dans la revendication de leurs origines,<br />

refusent souvent à Barack Obama de parler en leur nom puisque<br />

métisse et de père kényan... Mais revenons à notre petit Chino, lequel,<br />

comme à peu près 80% de sa classe d’âge dans cette région<br />

passe son temps à écouter de la Miami Bass, le hip hop lubrifié du<br />

Sud, et qui finit par acheter deux <strong>plat</strong>ines. Puis de se concentrer<br />

sur le scratch, turntablism pour les puristes.C’est en rentrant à la<br />

Fac à Detroit, pour y rejoindre le gros de sa famille, qu’il lit une annonce<br />

de l’association des étudiants «Native American», ceux-ci<br />

cherchant un Dj de la même communauté. Moins indien que mexicain,<br />

il soumet toutefois sa candidature, ce qui lui permet d’entrer<br />

en contact avec Cornelius Harris (connu sous le nom d’Atlantis<br />

ou de The Unknown Writer, ndr). Un Cornelius déjà intégré dans<br />

une autre sorte de famille, plus culturelle que génétique celle-là...<br />

Celle d’Underground<br />

Resistance (UR), dont le patron est le légendaire Mad Mike Banks,<br />

artiste théoricien de la techno de Detroit.<br />

Les clichés étant la chose du monde la mieux partagée, il n’a pas<br />

cru un seul mot de ce que lui disait Mad Mike quand, lors de leur<br />

première rencontre, ce dernier lui raconte les pérégrinations des<br />

artistes UR tout autour du monde...<br />

«J’ai cru qu’il se la pétait, à la façon des gars du hood qui se la<br />

racontent pour te faire sentir inférieur. Mais quand je suis allé<br />

à l’ancien immeuble Submerge j’ai commencé à comprendre.<br />

Mike me dit, «descends dans le stock, prends tous les <strong>disques</strong><br />

que tu veux et fais moi un mix CD». Je n’en ai pris que deux,<br />

les deux seuls <strong>disques</strong> hip hop parce qu’à l’époque je n’aimais<br />

pas cette musique (...) Je pense que j’étais formaté par les stéréotypes<br />

anti techno comme quoi la musique électronique n’a<br />

pas d’âme. Pour te donner un autre exemple, je ne savais même<br />

pas qui était Derrick May ! Mais je suivais de près le foot américain.<br />

Comme il y avait un joueur du même nom dans l’équipe<br />

des Green Bay Packers, je croyais qu’ils parlaient de lui quand<br />

Cornelius et mes copines de dortoir prononçaient ce nom.<br />

Quand j’ai fini par faire le rapprochement, j’avais l’impression<br />

de connaître déjà parce qu’en fait, plein de mecs dans le hip<br />

hop ont samplé Derrick May et ce genre de techno, ce que je<br />

n’avais jamais réalisé avant».<br />

Surtout qu’au moment où sa perception de la musique dépasse le<br />

ras de sa casquette, Domingo baigne dans les ondulations de Detroit<br />

où règne à l’époque la booty bass. Où tout se mélange, voix<br />

R’n’B en chaleur sur des beats electro accélérés ; techno, Miami<br />

bass, hip hop, partouze transgenres... De plus en plus maqué avec<br />

UR, ayant fondé lui-même un label avec DJ Marquis, on l’appelle<br />

de plus en<br />

plus pour jouer à l’étranger. Il se rend ainsi compte du décalage<br />

temporel entre l’explosion d’une vague musicale locale, la ghettotech,<br />

et son développement en Europe ou en Asie. C’est exactement<br />

ce qui, à son avis, est en train d’arriver à une autre ghetto<br />

music locale, le hyphy, le crunk de la Bay Area. Où désormais<br />

Domingo Yu habite, étant prof dans un collège d’Oakland, à l’est<br />

de cette ville, banlieue dure de San Francisco. Ce hyphy dont on<br />

commence à reconnaître la valeur, notamment grâce à E40 ou the<br />

Federation, sous l’effet MTV et du succès en particulier de «Telle<br />

me when to go» d’E-40 (avec Lil’ Jon et Keak da Sneak en featuring),<br />

sorti en 2006.<br />

Surtout qu’E-40 est comme le repésentant commercial du mouvement<br />

à l’extérieur de la Bay. Celui qui diffuse à l’export le nouveau<br />

lexique du slang local (l’argot de la rue) et les codes hyphy.<br />

Des figures de syle (les «donuts» par exemple) à faire au volant<br />

de sa caisse tunée avec les basses à bloc, à ces pills qui défoncent<br />

joyeusement les neurones... En retour, devant leur télévision<br />

déorgeant des clips qui essaient de les représenter, ceux qui ont<br />

construit cette nouvelle culture du ghetto commencent déjà à en<br />

être lassés. Parce qu’ils savent bien que leur vraie vie ne se déroule<br />

pas comme un script de 3 minutes et demi.<br />

«Ce n’est qu’un stétérotype. Tout le monde pense que ces<br />

kids se mettent la race en musique toute la journée mais ils<br />

ont autre chose à faire! Leurs histoires personnelles sont souvent<br />

faites de pauvreté et de violence. Ce sont les vrais gamins<br />

d’Oakland, et pas que ceux du ghetto ; certains vont mourir<br />

vite, des membres de leurs familles y sont déjà passés, ils savent<br />

bien que l’éducation est le moyen de s’en sortir. En tout<br />

cas, ils le devinent. Et moi j’essaie de leur faire comprendre<br />

tout ça. On se fait de l’argent sur leur dos mais leurs parents, en<br />

revanche, n’arrivent toujours pas à trouver de boulot...»<br />

«Et le plus drôle, c’est que tout ce délire autour des voitures,<br />

tout ce business de DVD qui va avec, me fait furieusement penser<br />

à tout ce qui se passe du côté des Rednecks et leurs shows<br />

de «monster trucks». Si je leur disais ça, mes gamins seraient<br />

furieux . Certes, ce n’est pas le même genre de voitures ni le<br />

même cadre culturel, mais c’est exactement le même genre<br />

d’énergie, le même genre d’expression».<br />

On ne pensait pas qu’en rencontrant Domingo Yu, nous<br />

allions finir par réfléchir au kaléidoscope américain...<br />

DOMINGO YU DOMINGO YU


‘‘LA VIE RÉELLE EST RENCONTRE.’’<br />

LORSQUE MARTIN BUBER FORMULA CE PRIN-<br />

CIPE, IL NE POUVAIT SAVOIR QU’IL NE SE-<br />

RAIT JAMAIS AUSSI VRAI QU’AUTOUR D’UN<br />

NARGUILÉ. LES HASARDS QUI FONT BIEN LES<br />

CHOSES NOUS ONT AMENÉS AU CAFÉ DE<br />

L’ORIENT, À SAINT-DENIS, VERS UN HOMME<br />

RARE. CAR NATURELLEMENT BON. FARTOUN<br />

MILOUD, 44 ANS. CONDUCTEUR DE GRUE LE<br />

JOUR. FAISEUR DE CHICHA LA NUIT. 1000 VIES<br />

EN UNE. 1000 RENCONTRES DONC.<br />

FUMÉES D’AMOUR - Photo : © Thierry Dunter<br />

Miloud<br />

Quel est le parcours qui t’a amené à être ici, à Saint-Denis,<br />

aujourd’hui?<br />

Miloud : Le plus malheureux et aussi le plus heureux dans tout<br />

ça, c’est que je n’ai jamais été à l’école de ma vie. Je suis arrivé<br />

pour des vacances en France et je ne suis pas reparti…Ça<br />

fait quand même depuis 1978. Je suis resté 4 ans sans papiers,<br />

sans rien du tout. Monsieur Mitterrand m’a donné les papiers<br />

en 81/82, j’étais très heureux. J’ai appris le français au maximum,<br />

même si j’ai des phrases cassées comme tout, mais bon,<br />

j’ai appris le français. Après j’ai travaillé, travaillé, travaillé,<br />

travaillé… Et je me suis installé à Saint-Denis. C’est là que j’ai<br />

rencontré Chadia. Je venais au «Café de l’Orient» en tant que<br />

client au début. Après comme je suis très intelligent a priori, j’ai<br />

demandé à cette dame si elle ne cherchait pas un associé, quelqu’un<br />

qui donne un coup de main, parce que j’adore fréquenter<br />

les gens, parler, ainsi de suite. Et le meilleur endroit pour ça, ce<br />

sont les chichas. Une chicha, c’est un lieu de culture.<br />

Tu as une véritable passion pour la chicha…<br />

Une passion de chicha, oui. Aucun client à qui j’en ai servi une,<br />

n’a refusé ma chicha. A chaque fois que je prépare une chicha,<br />

que j’en fasse 10 ou 40 par jour, je la fais à ma manière, comme<br />

si je me la servais à moi-même. C’est la vérité. Ça me touche<br />

énormément que personne ne m’ait jamais dit : «Tiens, Miloud,<br />

aujourd’hui tu m’as servi une mal chicha.» Je sers du fond de<br />

mon cœur.<br />

En fait ce qui te fait plaisir, c’est de faire plaisir aux<br />

autres?<br />

Exactement. Faire plaisir aux gens, c’est se faire plaisir. C’est<br />

mon but dans la vie, et quelque soit le domaine. Que ce soit<br />

la chicha, la restauration, dans la rue, même dans ma voiture<br />

quand je conduis, j’aimerais bien céder ma priorité, comme<br />

ça, juste pour faire plaisir aux gens.<br />

Comment es-tu devenu grutier ?<br />

Je suis devenu grutier fin 85, début 86. Je travaillais sur des<br />

chantiers au début, puis j’ai fait de la formation, des stages.<br />

Depuis tout petit, je n’avais qu’une phrase dans la tête : « Si<br />

je peux être grutier ne serait-ce qu’une heure, après, je peux<br />

mourir, je m’en fous. » Je crois que c’est à cause de mon enfance<br />

en Tunisie. Là-bas, j’étais chasseur de palmier. C’est-à-dire<br />

grimper aux palmiers les plus hauts pour attraper les dattes.<br />

Quand je suis arrivé en France, la seule chose qui s’en rapprochait,<br />

pour grimper toujours plus haut, c’était la grue.<br />

Au début, je voulais rester manœuvre parce qu’il n’y avait pas<br />

de responsabilités. Mais on m’a dit que le salaire de grutier<br />

était au niveau de celui d’un chef de chantier. Et donc j’ai foncé,<br />

je ne souhaitais qu’être grutier. Jusqu’à aujourd’hui, mon chef<br />

de chantier ne fait que me dire : « Miloud, tu es le top du top ».<br />

Le top du top, pourquoi ? Parce que j’ai dans ma grue la même<br />

conscience que pour la chicha. Je donne tout de moi-même<br />

dans la grue aussi. Et même pour mes collègues qui sont par<br />

terre, si je peux, même si je souffre, je leur donne un coup de<br />

main. Que ce soit un Juif, un Arabe, un Portugais, un salaud, un<br />

gentil, un méchant, j’estime toujours d’abord que ce sont des<br />

humains. Parce que c’est un travail pénible.<br />

Ta femme vit en France ?<br />

Non, en Tunisie.<br />

Tu vas la voir de temps en temps ?<br />

4 à 5 fois minimum par an quand même. Je dois assumer entre<br />

mes enfants en Tunisie et mon travail en France. Malheureusement,<br />

je crois que je n’arriverais plus à vivre ailleurs qu’en<br />

France. Je vis actuellement à 90% en France. Depuis 28 ans.<br />

Même mon quartier en Tunisie, je ne le connais plus. Avant de<br />

faire les chichas, je travaillais pour les NMPP. A l’époque je faisais<br />

NMPP de 2h du matin jusqu’à 7h et à 8h je prenais la grue.<br />

Pendant 13 ans j’ai travaillé jour et nuit. Tout ça pour dire que<br />

13 ans en chauffeur/livreur je connais Paris à la secousse près,<br />

au passage piéton près, au feu rouge près.<br />

Tu as des enfants qui sont là-bas aussi ?<br />

Oui, 5 : Amel, Hanan, Ourda, Slim et le dernier Mohamed Ali.<br />

Ils ne te manquent pas ?<br />

Enormément…<br />

Jamais la question de leur arrivée en France ne s’est posée<br />

?<br />

Non, pas du tout, parce qu’ils sont heureux chez eux. Si je les<br />

change de vie, ils seront cassés entre deux modes de vie. C’est<br />

trop tard. Si je les avais ramenés au début, oui. Là, c’est trop<br />

tard. Mais j’aime mes enfants, je leur envoie de l’argent tous les<br />

mois, des habits, je les gâte, je leur envoie des cadeaux. Je ne<br />

suis pas là mais je suis là. J’essaye d’être là.<br />

Café de l’Orient<br />

8 bld de la commune de Paris<br />

93200 Saint-Denis.


Modèle : Christophe<br />

LO<br />

LIFE<br />

«VOLE TA VIE SANS LA GAGNER»<br />

LO LIFE - Photo : © Wilee<br />

Carhartt :<br />

Baseball Jacket grey heather/white : 89€<br />

S/S Varsity T-Shirt black/camo red : 39€<br />

Round-Up Pant “Range Black Denim” Black Rigid “Made in Japan” : 99€<br />

Cargo Pant “Corona” Nice Versa Twill camo spring : 95€<br />

Champion Cap New Era black/white : 45€ / Logo Cap New Era brown : 45€


FrenchTrotters :<br />

Julia : Robe Emilie Casiez : 160€ / Sautoir Les Bijoux de Sophie : 165€<br />

Chaussures Gaspard Yurkievich : 265€ / Bracelet Servane Gaxotte : 180€<br />

Vol : Short Eurythmic : 210€ / Top Eurythmic : 90€<br />

Chaussures Gaspard Yurkievich : 260€<br />

Mannequin : Robe Eurythmic : 175€ / Sautoir Servane Gaxotte : 120€<br />

Mur : Top Tsubi : 125€ / Sac Venera Arapu : 275€<br />

Modèle : Julia


Modèle : Caroline<br />

Royal Cheese :<br />

Top Insight : 50€ / Jean Lee : 80€ / Gilet Cheap Monday : 50€ / Collier Fraise<br />

Ladyluck : 15€ / T-Shirt Sixpack x Flying Fortress : 40€ / T-Shirt Herbert : 40€<br />

Sac Stussy : 95€ / T-Shirt 2k x Geoff McFetridge : 50€


Aimecube :<br />

Sac Gold Adeline Affre : 72€ / Hoodie Wood Wood : 125€<br />

Colliers Adeline Affre or/strass Swarovski : de 70€ à 160€<br />

Jean Julien Arphi : 72€ / Lazy Oaf T-Shirt : 35€ / Tennis Manu Custom : 160€<br />

SB Manu Custom : 200€ / Keep Choose : 132€ / Sweat-Shirt Vesper Lux : 80€<br />

Sacs Rainbow Factory : de 35€ à 70€ / T-Shirt Duckworth : 45€<br />

DC Shoes Jo Jackson : 100€ / Hello Kitty kit by Victoria’s Couture : 187€<br />

Modèle : Désirée


Modèles : Fred & Edgar<br />

Starcow :<br />

Fred : Cap Mike : 40€ / Sweat zippé aNYthing : 150€ / Levi’s Vintage 505 : 160€.<br />

Nike Air Max 90 ID Starcow : très chères sur Ebay!<br />

Edgar : Sweat zippé aNYthing : 170€ / T-Shirt aNYthing : 40€<br />

Edwin Nashville : 120€ / Nike Air Oasis Mid : 125€ / Nike Court Force low Caol Uno<br />

: 90€ / Sweat aNYthing Post : 150€


PARIS PRAVDA<br />

La presse française est schizophrène. Elle<br />

porte en étendard son rôle de quatrième pouvoir,<br />

tout en copinant, sans trop de discrétion. Jusque ici,<br />

rien d’inédit. On excuserait presque cette tendance, parfois,<br />

tant elle nous ressemble. Mais la perspective d’une présidentielle<br />

amplifie toujours les travers médiatiques. Et c’est<br />

à l’instant où l’impartialité des journaux, promise à longueur<br />

d’édito, devrait être la plus forte, que nos titres nationaux deviennent<br />

de véritables outils de propagande.<br />

Dans le coin de droite, Le Figaro vend un Sarkozy napoléonien,<br />

seul sauveur possible d’une France qui serait à feu et à sang,<br />

Le Monde feint la neutralité, alors que Colombani et Minc sont<br />

des proches du candidat, Le Parisien/Aujourd’hui en France<br />

est un véritable programme de l’UMP et France Soir balance,<br />

comme son lectorat, de bleu à vert de gris. À gauche, Libération<br />

tente de sauver le soldat Royal, mettant sciemment de côté son<br />

absence de presque tout et l’Humanité n’a jamais autant été<br />

l’organe du PCF alors que les intentions de votes communistes<br />

n’ont jamais été aussi basses. Quant au Journal du Dimanche,<br />

savoir qu’il est détenu par Arnaud Lagardère suffit à flairer son<br />

poulain. Le problème n’est pas tant l’absence d’impartialité que<br />

la promesse d’objectivité faite aux lecteurs, impossible à tenir.<br />

Dans l’absolu (un regard personnel, même scientifique, transforme<br />

le sujet étudié) comme dans le particulier : entre les directions<br />

de la rédaction et le service pub’, le journaliste doit se<br />

conformer. Surtout qu’il a été souvent formé comme un con…<br />

Ici, nous sommes totalement subjectifs. Mais on l’assume.<br />

BONNE BOUCHE<br />

Daniela Lumbroso a écrit une biographie : « Françoise Dolto, La<br />

vie d’une femme libre », chez Plon.<br />

Au-delà du caractère paradoxal et risible, cette publication est<br />

singulière. Elle permet aux gardiens de «la pensée Dolto» de<br />

lapider la présentatrice accessoire (caution gros seins) des soirées<br />

chansons pourries de France2.<br />

Et c’est un assez joli massacre : du Nouvel Observateur à L’Express<br />

en passant par Le Monde, le petit monde de la psychanalyse<br />

lui fait regretter de ne pas avoir consacré son bouquin à une<br />

autre. En même temps, Daniela et son nègre l’ont bien cherché :<br />

en France, Dolto est une vache sacrée. On ne doit pas toucher.<br />

Pas un seul bobo n’élève sa suite sans les préceptes de la divine<br />

pédopsychiatre, compulsant frénétiquement chacun de ses<br />

ouvrages pour savoir comment dire à Hugo et Zoé de ne pas<br />

faire chier le monde sans pour autant les traumatiser, les pauvres<br />

petits chéris.Sauf que tout le monde fait mine d’oublier que<br />

Françoise Dolto est aussi la mère de Jean-Chrysostome Dolto,<br />

dit Carlos. Que grâce à son éducation sans faille, un gros mec,<br />

persuadé d’être tahitien, se balade, en boubou à fleur, un tonneau<br />

d’Oasis en bandoulière, gueulant « Papayou lé lé » partout<br />

dans la rue.Putain, son fils était l’emblème de Mirapolis.<br />

C’est donc ce que veulent tous les défenseurs de Françoise<br />

Dolto, que leur marmaille prenne du rab à la cantine, s’habille<br />

avec des rideaux et devienne le gros qui ne fait même pas<br />

rire. La seule vraie connerie du bouquin de Daniela<br />

Lumbroso, c’est son sujet.<br />

J’EMBRASSE PAS<br />

En parlant de big bisous, mais pas de Carlos,<br />

nous avons eu la surprise de voir que l’INPES a repris<br />

le délire «free hugs» avec le slogan, « le Sida ne se<br />

transmet pas comme ça, l’amour oui ».<br />

C’est dingue comment les campagnes autour de la prévention<br />

du Sida se sentent obligés de faire dans le sous-entendu plus<br />

ou moins cucul, jamais dans le réalisme. À l’inverse des spots<br />

contre la violence routière qui, reprenant la façon anglaise, commencent<br />

à montrer les choses telles quelles. Pourquoi donc ne<br />

pas montrer un malade en phase terminale ? Le Sida ferait-il trop<br />

peur ? Pourquoi le Téléthon rameute cent fois plus de thunes<br />

qu’un Sidaction ? Un myopathe de 3 ans, c’est plus chou qu’un<br />

séropo de 30 ans ? Revenons à nos free hugs : rien qu’à voir le<br />

site web initial du mouvement et son changement d’échelle, le<br />

nombre de posts vidéos sur Youtube, on ne s’étonnera plus de<br />

voir que cette manie s’étend des bobos américains aux Mexicains,<br />

des Coréens aux Australiens. Mais qu’est-ce qu’ils ont<br />

tous ? Tu comprends pas, faut casser la routine citadine, glisser<br />

un petit instant de fraternité gratuite dans ce monde de brutes…<br />

Trop cool ! On devrait mettre une pancarte «free hugs»<br />

sur le SDF du métro, on verrait bien que la fraternité entre les<br />

citoyens du monde s’arrête à l’odeur et au dégoût social.<br />

Les «free hugs», c’est aussi ce rapport américain entre les<br />

gens : on ne s’embrasse pas, on se congratule. Certains jeunes<br />

Français ont bien tenté de lancer le «free kiss» or même ici, trop<br />

violent, le bisou gratuit apparaît comme un viol d’intimité. C’est<br />

mieux quand ça passe à la télé, les grandes embrassades en<br />

faveur des malades et des éclopés de la vie…<br />

ANTOINE WAECHTER<br />

Après les slims et les polka dots, la mode est à l’écologie.<br />

Les magazines féminins ne jurent plus que par Al Gore et sa<br />

« Vérité qui dérange ». Consommer moins, prendre son vélo,<br />

trier ses ordures : la fashionista sera consciente cet été, ou ne<br />

sera pas. Comme il y a 10 ans, comme il y a 5 ans… On parlera<br />

ni de Veja, ni de Misericordia. Et depuis que Nicolas Hulot est<br />

venu foutre son pacte écologique sous le nez des candidats,<br />

la campagne présidentielle n’arrange rien. A toutes les sauces<br />

médiatiques, bien grasses ; télés, radios, journaux, blogs, l’écologiquement<br />

correct se met en place. C’est bien, on n’en a rien<br />

eu à foutre depuis 2007 ans mais là, on va sauver la planète,<br />

promis. Le pire est que les icônes écolo s’en balancent :<br />

Al Gore consomme plus d’électricité avec sa résidence personnelle<br />

qu’un petit pays d’Afrique, il demande 200000 dollars à<br />

chaque fois qu’il participe à des conférences sur le réchauffement<br />

climatique, tout en exigeant des chambres d’hôtel à air<br />

climatisé... Quant à Nicolas Hulot, le vendeur de shampoing<br />

préféré des français, ses flacons sont un savant mélange de<br />

fleurs exotiques et de conservateurs cancérigènes, histoire de<br />

sensibiliser à l’extinction des espèces, très certainement. Les<br />

Verts dévissent à leur tour : la profession de foi de Dominique<br />

Voynet, envoyée à chaque électeur, n’est même pas imprimée<br />

sur papier recyclé ; ça doit être trop cher pour les finances<br />

vertes. Pendant ce temps-là, on installe l’EPR en catimini…<br />

Vive Chirac, le plus grand écolo des Nations-<br />

Unis qui avait commencé son<br />

règne en faisant exploser<br />

la bombinette à Mururoa.


TIMBALAND : Shock Value (Interscope)<br />

Souvent une grande attente se solde par une déception.<br />

C’est un peu ce qui arrive avec le nouvel opus de Timbaland.<br />

Après avoir fait passer Nelly Furtado de chanteuse hippie<br />

sans intérêt à nouvelle femme fatale du R’n’B, après l’album<br />

dithyrambique de Justin Timberlake, ce solo promettait d’être<br />

extraordinaire. Trop.<br />

Alors forcément, la première écoute déçoit. Où l’on espérait<br />

une révolution à chaque titre, il n’y a en fait que la mathématique<br />

d’un producteur réfléchi. Les percussions sont là, les<br />

beat boxes aussi. Il nous refait les synthés de «My Love»,<br />

sorte de makina screwdée, sur 3 morceaux («Oh Timbaland»,<br />

«Way I Are», «Fantasy») et il y a même un titre d’inspiration<br />

indienne («Bombay»).<br />

Il ne prend aucun risque. Mais il le fait bien.<br />

La surprise vient des seconds couteaux : Danja Handz, qui<br />

coproduit la plupart des instrus de Timbo, signe seul «Miscommunication»,<br />

morceau fraîcheur de l’album et Keri Hilson,<br />

qui jusqu’ici n’était qu’une ghostwriteuse de luxe (Xzibit, Toni<br />

Braxton, Usher, Mary J. Blige...), s’installe avec bonheur sur<br />

4 titres.<br />

Les autres featurings reflètent parfaitement l’ambiance du<br />

disque, soufflant le chaud (Timberlake, The Hives, Fallout<br />

Boy, Dr.Dre, Missy Elliot) et le glacial (Tony Yayo & 50 Cent,<br />

Magoo, Elton John).<br />

Ce qui est sûr, c’est que Timbaland sent le retour de la nu<br />

rave. Marrant, nous aussi.<br />

Alors, même s’il ne révolutionne rien, «Shock Value» rempli<br />

son rôle premier : pop disc royal.<br />

FOCUS ALBUMS<br />

SATAMILE RECORDS<br />

Il y a des choses que les jeunes ne peuvent pas comprendre.<br />

Selon eux, un raver, c’est un fraggle en kaki et piercings dans<br />

la casquette qui, au petit matin, remue devant les baffles sur<br />

un mouvement du bassin vaguement balancé. La drogue et<br />

ses ravages… Soit.<br />

Ils ne peuvent même pas imaginer les années 90 d’avant les<br />

free parties généralisées. Quand les Belges et leur EBM et<br />

les Anglais avec leur house se croyaient supérieurs. Quand<br />

Aphex Twin était un jeune autiste des Cornouailles et que LFO<br />

venait convertir Paris à La Défense<br />

Quand on trouvait des Kraftwerk à 5 francs sur les brocantes<br />

et que Detroit était encore la ville des Stooges ou du P-Funk,<br />

pas la ville de Juan Atkins et de Jeff Mills.<br />

Toutes ces références, EBM, house, Warp, Kraftwerk, Detroit<br />

forment la quintessence du label Satamile.<br />

Les plus en plus rares esthètes de l’electro connaissent bien<br />

cette maison, puisque cela fait douze ans que Satamile les<br />

régale. Et Silicon Scally évidemment, puisque sous mille blazes<br />

et plusieurs labels, ce désormais Parisien creuse ce sillon<br />

depuis autant d’années.<br />

Avec ce nouvel album («Bioroid»), on retrouve avec chaleur<br />

l’apparence glaciale des droïdes de science fiction 70’s.<br />

Quand les premières machines synthétiques étaient à peine<br />

accessibles. Quand des musiciens d’occasion trouvaient<br />

leurs sons sans trop savoir comment, juste en testant des<br />

boutons. Sauf que Silicon Scally aujourd’hui maîtrise à la perfection<br />

ces petits joujous et s’amuse comme un fou.<br />

Un même genre de folie imprègne l’autre sortie Satamile, l’album<br />

des Blotnik Brothers («Mizuage»). Plus jeunes, ces Suèdois<br />

sont aussi plus sauvages. Les moteurs vrombissent, les<br />

basses crissent.<br />

Les robots, c’est rigolo.<br />

Devin The Dude<br />

Waitin Tolnhale<br />

Devin The Dude ne percera sans doute<br />

jamais plus qu’aujourd’hui. Mais il s’en<br />

tamponne. La preuve avec ce nouvel<br />

album, où une rime sur trois se fait avec<br />

«pussy». En vérité, la seule ambition de<br />

Devin est de vendre assez d’exemplaires<br />

pour pouvoir s’acheter des quantités<br />

astronomiques de weed. Une fois<br />

son stock épuisé, il retourne en studio.<br />

Ce mec est à lui seul plus défoncé que<br />

la Jamaïque. Et c’est ce qui fait de tous<br />

ses <strong>disques</strong> de grands moments.<br />

Un vrai beau foutoir auditif.<br />

Prodigy<br />

Return Of The Mac<br />

(Koch Records)<br />

Après avoir signé chez les gorilles, on<br />

pensait Mobb Deep perdu.<br />

Et voilà qu’une vidéo montrant Prodigy<br />

seul sur un beat, traîne sur le Net pour<br />

réveiller tout le monde. P n’est pas mort,<br />

il monte un projet solo avec Alchemist<br />

sur Koch, le label des Diplomats. Et ce<br />

qui aurait dû n’être qu’une mixtape est<br />

distribué album. Trop de buzz. Si Prodigy<br />

a signé ce solo ailleurs que sur G-<br />

Unit, c’est pour avoir les lyrics déliés,<br />

faire du Mobb Deep. C’est réussi.<br />

L’écoute ferait presque oublier les errances<br />

de «Blood Money». Sur des<br />

productions très 70’s blaxploitation, P<br />

se balade au micro comme s’il n’avait<br />

jamais rencontré 50 Cent. Mieux, il rassure<br />

sur ses qualités de lyriciste, totalement<br />

intactes, avec des titres plus<br />

aboutis les uns que les autres. «Return<br />

Of The Mac», «Mac 10 Handle»,<br />

«Take It To The Top» et le coke-track<br />

«7th Heaven» sont de vraies promesses<br />

pour les albums à venir : «H.N.I.C<br />

2» et le solo de Havoc, toujours chez<br />

Koch Records, attendus pour la fin de<br />

l’année.<br />

Garde ça thoro.<br />

8ball & MJG<br />

Ridin High<br />

En 15 ans d’efforts, les deux légendes<br />

de Memphis n’ont été disque d’or<br />

qu’une fois et font tout pour le redevenir.<br />

Allez, hop, 9è album : des titres<br />

formatés radios («Ridin High») côtoyant<br />

des ballades («Cruzin», «Take It Off»)<br />

sont placés entre les tracks avec de la<br />

viande dedans («Get Low», «Clap On»<br />

feat. Yung Joc), sans oublier l’indispensable<br />

refrain avec un sample de B.I.G<br />

(l’excellent «Relax and Take Notes»<br />

feat. Project Pat).<br />

Cet album n’est pas mauvais mais il<br />

souffre de la comparaison avec son<br />

prédécesseur, «Living Legends», réservoir<br />

à classiques.<br />

Les titres qui squattent nos i-pods :<br />

«Turn Up the Bump», produit par Danja<br />

Handz, «Watchu Gonna Do» avec Pimp<br />

C et «Memphis « avec Al Kapone.<br />

Ce Ridin High aurait pu être amputé<br />

de 4 à 5 morceaux, mais le Billboard<br />

n’était pas d’accord.<br />

Crime Mob<br />

Hated On Mostly<br />

3 mecs, 2 filles, la vingtaine, Atlanta.<br />

Crime Mob, tendance dure du crunk :<br />

basses profondes, claps omniprésents<br />

et lyrics sombres, leur son est bien<br />

moins festif que celui de petit Jon. «Hated<br />

On Mostly» est un deuxième album<br />

assez réussi, même si nos 5 protagonistes<br />

souffrent encore d’un léger manque<br />

de charisme.<br />

Petite revue d’effectif : on a l’hymne estival<br />

(«On The Rise»), le morceau screw<br />

pour fins de soirées enfumées («Shine<br />

Cause I Grind») et un single pas super<br />

convaincant («Rock Your Hips»). Peu de<br />

collaborations, sur lesquelles les Crime<br />

Mob se font manger par leurs propres<br />

invités. D’ailleurs, les deux meilleurs<br />

morceaux sont «Go To War», où Lil<br />

Scrappy et Pimp C arrachent leurs couplets<br />

et «Wuz Up», production débile<br />

signée Lil Jon avec Bohagon et Fabo<br />

de D4L.<br />

A noter les prestations de Princess et<br />

Diamond, qui ont bien évolué depuis le<br />

premier album.<br />

D’ailleurs, chacune prépare un solo<br />

pour la fin de l’année.<br />

FOCUS ALBUMS


Lucien<br />

SANS<br />

FREIN<br />

Pignons fixes à Paris<br />

UN DES RACCOURCIS TARTE À LA CRÈME PRÉFÉRÉS DES JOURNALISTES EST L’EXPRESSION<br />

‘‘ALLIANCE DE LA MODERNITÉ ET DE LA TRADITION’’. DÉSOLÉ, MAIS C’EST EXACTE-<br />

MENT LE CAS SUR LES VÉLOS À PIGNONS FIXES : DE JEUNES PARISIENS SE REMETTENT À EN-<br />

FOURCHER LE VÉLO DE GRAND PÈRE, CELUI SANS FREIN NI DÉRAILLEUR. CELUI DES PISTES<br />

ET DES COURSES DU VEL’ D’HIV’, DES CANOTIERS ET DES P’TITES PÉPÉES. LA FRANCE SÉPIA<br />

DES CULTURES POPULAIRES, DONT LE VÉLO FUT UN PILIER.<br />

AILEURS, DE SAN FRANCISCO À LONDRES, LE PIGNON FIXE, INSTRUMENT DE TRAVAIL DES<br />

COURSIERS À VÉLO, SYMBOLE DU TAF COOL PLEIN D’ADRÉNALINE, EST UN MOUVEMENT<br />

D’AMPLEUR CULTURELLE, LOIN DU SEUL CADRE DE TRAVAIL. AVEC SES FRATERNITÉS ET SES<br />

RÉSEAUX INTERNATIONAUX. UNE ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE ET UN SPORT SANS LICEN-<br />

CE. UNE PASSION CONTAMINANTE QUI GANGRÈNE LES BRANCHÉS.<br />

LE PIGNON FIXE REVIENT DANS SES PÉNATES.<br />

Photos : © Elisa Gomez<br />

‘‘J ’A I E U T O U T E S<br />

S O R T E S D E V É L O S ,<br />

D E S B M X , D E S<br />

V É L O S H O L L A N D A I S<br />

M A I S L E M I E U X ,<br />

C ’E S T L E P I G N O N<br />

F I X E , C ’E S T C L A I R .<br />

T U V A S P L U S V I T E .’’<br />

Comment es-tu arrivé au<br />

pignon fixe ?<br />

Axel : C’était il y a un an et demi à Paris, il y avait une alley<br />

cat (une course, ndr), un gars avait un fixe… je l’ai essayé et<br />

j’ai tout de suite kiffé, tout de suite j’ai trouvé ça génial. C’est<br />

comme courir, tu accélères et tu ralentis avec tes jambes. Tu<br />

fais vraiment corps avec ton vélo. Ça se rapproche presque<br />

plus du skateou du roller que du vélo. Et puis, tu peux aller<br />

super vite. Tu as de bonnes sensations avec ce vélo, tout<br />

simplement : tu t’amuses à jamais mettre le pied par terre,à<br />

rester en équilibre sur tes roues… Et tu te fais peur parce<br />

que sans frein, vu que tu as une distance de freinage assez<br />

grande, quand tu as 2 voitures qui se rapprochent et que tu<br />

peux pas freiner, tu espères juste qu’elles vont pas se rapprocher<br />

trop, faut que tu passes… Il y a des moments, tu es<br />

obligé de faire des grands écarts, tu te fais un peu peur mais<br />

c’est ça qui est marrant. Tu es à 50 à l’heure, sans frein. Ça<br />

se passe bien. Même quand tu tombes, tu ne te fais jamais<br />

vraiment mal, en tout cas moi, jamais. C’est juste des sensations.<br />

Essaie bien pendant 10 minutes et tu vas kiffer tout de<br />

suite. Par rapport à un autre vélo, ça n’a rien n’à voir.<br />

Gaspard : j’ai eu toute sorte de vélo, des BMX, des vélos<br />

hollandais mais le mieux, c’est le pignon fixe, c’est clair. Tu<br />

vas plus vite.<br />

Et toi non plus, tu t’es jamais<br />

fait de frayeurs ?<br />

G : Si... Mais je n’ai jamais eu que des bleux mais j’ai quand<br />

même fait des chutes de fou.<br />

Et tu es sans frein aussi ?<br />

G : Sur ceux d’avant, j’avais un frein, le frein avant, mais<br />

c’est pas vraiment la question : en général tu te prends ta<br />

première bûche et après, tu réalises qu’il faut peut-être te<br />

calmer un peu. Parce que les voitures font n’importe quoi...<br />

Rien que les portières... L’année dernière j’ai fait une chute,<br />

Place d’Italie, sous la pluie, j’ai basculé en avant, j’ai glissé,<br />

j’ai cu que j’allais mourir. J’ai vu une camionette qui a tourné<br />

devant moi, j’ai vu mon bras passer sous la rue mais j’ai percuté<br />

sans rien avoir, je me suis juste pris mon vélo sur le dos.<br />

Mais j’ai rien eu. Mais il faut faire attention parce qu’en plus<br />

Paris, c’est pas comme aux E.-U. où les routes sont larges<br />

et orthogonales ; ici, ça arrive de partout et les Parisiens<br />

roulent beaucoup moins cool. Sans compter les scooters<br />

qui sont une saloperie et qui n’existent pas là-bas. C’est un<br />

obstacle en plus, plus les camions poubelles. Mais rien que<br />

les portières de voitures, t’en prends une, tu voles...<br />

A : Moi, pareil, juste des bleux. Une voiture, je bloque la<br />

roue et je me la prends... Comme je te disais, tu n’as que la<br />

roue arrière qui freine, quand elle est bloquée, tu dérapes et<br />

tu contines de glisser, tu vois l’obstacle arriver et tu peux rien<br />

faire, à part croiser les doigts.<br />

C’est un rétro-pédalage ?<br />

A : Non, non, tes jambes tournent tout le<br />

temps et donc tu dois passer par un petit temps<br />

d’adaptation pour apprendre à bloquer ta roue<br />

parce qu’au début sur un fixe, si tu t’arrêtes de<br />

pédaler, tu te fais éjecter du vélo parce que ça<br />

te soulève, t’as l’air vite d’un imbécile (rires). Je<br />

connais un mec, Jean-François, qui s’était fait faire<br />

un fixe sur mesure ; le premier jour, il a essayé de<br />

s’en servir, il s’est fait éjecter et il s’est fait super,<br />

super mal... Il avait reçu son vélo tout fait et au bout<br />

d’une demi heure, il était à l’hôpital. Lui, il n’a pas eu<br />

de chance...<br />

G : Mais c’est vrai qu’en pignon fixe, tu roules pas<br />

pareil du tout, c’est beaucoup plus réactif, tu lâches<br />

jamais les pédales : si par exemple, dans une descente<br />

tu lâches tes pédales, tu remets jamais les pieds dessus<br />

parce que ça va trop vite. T’as d’autres sensations<br />

c’est beaucoup plus direct, t’as moins d’inertie ; pour<br />

accélerer, c’est plus rapide et même pour les côtes, c’est<br />

vachement mieux, tu montes plus facilement, même sans<br />

vitesse...<br />

Alors ça, ça me questionne...<br />

A : Ça, faut que tu demandes à Lucien.<br />

G : Les vieux ont tout un tas de théories mais ça se comprend<br />

vite sur une piste (...) Il n’y a pas de mystère : si les<br />

mecs utilisent ça sur des pistes, c’est que ça va plus vite.<br />

D’ailleurs on connaît un vieux qui s’appelle Gégé, qui est une<br />

sorte d’oracle du vélo, un vrai personnage. Nous, on l’a rencontré<br />

grâce à un pote et le Gégé nous a expliqués plein de<br />

trucs techniques mais lui, le vélo c’est un genre de philosophie.<br />

De toute façon, il y a eu comme un hiatus : t’as des tas de<br />

gens qui sont dedans, mais ils ont 50, 60 ans et un peu de<br />

jeunes mais entre les deux, tu n’as rien, tout le monde a lâché.<br />

Ici le vélo de piste après la guerre, ça a complètement<br />

disparu. Du coup t’as pas mal de mecs qui partent faire du<br />

Keirin au Japon parce que là bas t’es bien payé, t’es professionnel<br />

et là-bas aussi ils sont sur des vélos en acier<br />

parce qu’ils ont des normes super strictes et surtout,<br />

il faut des vélos résistants parce que c’est assez dur<br />

comme truc... J’ai vu des images, c’est limite Rollerball<br />

! (...) Paris, c’est pourtant une ville bien pour faire du<br />

vélo ; moi j’en ai tout le temps fait à Paris, c’est un kif<br />

et je sais pas pourquoi ça s’est pas plus développé<br />

ici, mais je crois que c’est en train de changer.<br />

A : Dans les années 80, le vélo en France est<br />

complètement tombé, mort. Les vélodromes ont<br />

été détruits, on a fait des tribunes de foot à la<br />

place. Tous les cadreurs se sont retrouvés au<br />

chômage, le vélo est devenu chinois, en Italie<br />

et en Espagne ça a un peu survécu mais pas<br />

en France.<br />

G : Ici, apparemment, on avait plus de 300<br />

fabricants de pièces il y a 30 ans, aujourd’hui<br />

il en reste 2... Tout un tas d’ateliers qui fabriquaient<br />

des pièces détachées, des pédales<br />

etc. C’est aussi pour ça que des<br />

pièces, t’en trouves partout, si tu te débrouilles<br />

bien.<br />

A : Beaucoup d’Américains viennent<br />

acheter en France ; sur eBay, tout ce<br />

qui est vélo de piste, ils achètent tout<br />

en Europe (...) Je connais un autre


gars en Angleterre, un dénommé Yurgo, qui<br />

s’amuse à acheter des pièces en France et<br />

chez lui, il les revend en se faisant le double<br />

de bénéfices parce qu’ici, tout le monde s’en<br />

fout du fixe, pour l’instant. Aux bourses à vélo,<br />

tu vois toujours les mêmes trois Américains qui<br />

achètent toutes les pièces que personne ne veut,<br />

mais là-bas et ils se font grave de maille. Sur ce<br />

vélo, t’as un vieux dérailleur que tu peux acheter<br />

ici à 5 € , sur eBay US il est à plus de 100 $...<br />

G : Moi pour le mien, j’ai payé mon cadre 20 € et<br />

c’est un cadre de piste ! Aux E.-U. ils sont vraiment<br />

dans le délire, ils regardent le Tour de France, le vélo<br />

pour eux, c’est la France, l’Eldorado. Tout en restant<br />

un délire particulier : à la base, je crois que ça vient de<br />

San Francisco. Le pignon fixe au départ, c’est un truc<br />

d’étudiants un peu gauchistes. La moitié des gens<br />

que j’ai rencontrés là bas, ce sont des étudiants en<br />

art... Souvent aussi, les boulots de coursiers sont très<br />

prisés comme job d’appoint quand t’es étudiant, après,<br />

t’as les professionnels. C’est pas un truc de marginaux<br />

mais plupart du temps, ils sont dans un certain délire.<br />

C’est comme des sociétés, des associations, ils se font<br />

des compétitions, il y a un festival de films qui tourne, le<br />

Bike Festival et je l’ai vu à Chicago : les mecs se font des<br />

courses, ensuite, ils regardent les films, après ils vont boire<br />

des coups, le tout dans une ambiance assez détendue,<br />

«étudiante alternative» on va dire... Mais en même temps<br />

ils sont complètement fétichistes, tu vas sur Internet, tu te<br />

dis que c’est pas possible, les mecs mettent des milliers de<br />

$ dans leurs vélos. C’est drôle, ici, c’est mort, même si ça<br />

commence à sortir un peu.<br />

‘‘SUR UN FIXE,<br />

SI TU T ’ARRÊTES<br />

DE PÉDALER, TU<br />

TE FAIS ÉJECTER DU<br />

VÉLO… ’’<br />

Grâce, j’ai l’impression, aux<br />

histoires de mode et ce look<br />

casquette de cycliste, pantalon<br />

relevé...<br />

G : Ouais, aussi, mais ce look est né du délire des coursiers.<br />

Moi je me rappelle, quand j’avais été à Londres avec<br />

ma classe quand j’étais en cinquième, les seules photos<br />

que j’avais prises c’étaient des photos de coursiers... Il y<br />

avait aussi cette pub, pour Citroën dont tout le monde se<br />

souvient, avec ce type, un coursier à vélo. C’est clair que le<br />

coursier représente le mec un peu free, libre. Surtout aux E.-<br />

U., un pays où la voiture est reine, c’est vraiment un mode<br />

de vie alternatif, c’est pour ça que c’est une communauté.<br />

C’est à l’américaine, les gens vivent en communauté. Eux,<br />

ils sont super anti-voitures.<br />

En gros, c’est très anglo-saxon<br />

en fait…<br />

A : Ouais, les Etats-Unis, l’Australie, l’Angleterre<br />

G : La Suisse, l’Allemagne, le Danemark, en Italie aussi<br />

Et vous êtes tout un groupe<br />

sur Paris ?<br />

A : Nous, on s’est tous rencontrés aux alley cats ou<br />

dans la rue, parce que quand tu roules en fixe, t’as<br />

pas le même coup de pédale : de loin, tu arrives à voir<br />

si le gars roule en fixe ou en roue libre. Donc comme<br />

on n’est pas beaucoup, t’essaies de le suivre et de<br />

le rattraper,pour lui dire de venir à la prochaine course<br />

alley cat, pour savoir s’il est tout seul ou s’il connaît<br />

d’autres gens. On s’est tous rencontrés par rapport au<br />

fixe. Dès qu’on se croise, on s’arrête pour parler des<br />

nouvelles pièces qu’on a mises ou de nos dernières tôles<br />

par exemple… Et puis, vu que tout se passe chez Lucien<br />

et que moi, je suis souvent chez lui,je vois passer tout le<br />

monde. On doit être une trentaine pour l’instant (…)<br />

Comment ça se passe une alley<br />

cat ?<br />

A : en gros, c’est une course. Au début,tu as dix points<br />

à relier dans Paris et toi, tu fais ton parcours en te faisant<br />

tamponner à chacun des checkpoints et le premier arrivé à<br />

la fin, Boulogne en l’occurrence, a gagné. Et à Boulogne,<br />

tu as d’autres épreuves, genre un sprint, un traction (où tu<br />

dois rester en équilibre), des sauts, des concours de vélo<br />

en somme.<br />

Et donc sur un sprint avec un<br />

pignon fixe, tu as un démarrage<br />

beaucoup plus fulgurant…<br />

A : Tu as plus de patate. Vu que tu n’as qu’une vitesse, on<br />

n’a pas à les changer : ceux qui ont un dérailleur perdent<br />

en puissance à chaque fois qu’ils changent de vitesse…<br />

Sur 300 mètres, il te rattrape…<br />

A : Sur 300 mètres mais sur 100, je le tue, sûr. En fait,<br />

l’important, c’est d’avoir toute une série de pignons et selon<br />

ce que tu veux faire, tu les changes, pour avoir plus ou<br />

moins de patata, de vitesse. Pour Paris, je suis en 47/17,<br />

je crois qu’avec ça, quand tu fais un tour de pédalier, tu<br />

fais à peu près 5 mètres avec le vélo. Pour Paris, c’est<br />

bien. Tu peux t’amuser au niveau du <strong>plat</strong>eau mais c’est<br />

plus cher. Or le fixe, c’est vachement économique : tu<br />

n’as rien à changer, tu n’as pas de frein, pas de câble.<br />

Donc un vélo super technique<br />

et neuf, ça vous intéresse<br />

pas ?<br />

A : C’est super cher ! Moi, mon vélo de piste, je l’ai<br />

acheté sur eBay à 10 €, mais normalement sur un vélo<br />

de piste, rien que la paire de roues neuves, avec le matos<br />

d’aujourd’hui, ça me ferait 300 € la paire… Un cadre<br />

de piste ?, même genre de tarif… Maintenant, ils sont<br />

tous en carbone ou en aluminium super haut de gamme<br />

et c’est à partir de 1000 € le cadre. Si tu veux t’acheter<br />

un fixe tout nef avec le matos actuel, tu en as pour 1500<br />

€ minimum. Ou alors tu prends du matos chinois. Je<br />

sais que Bianchi sort un fixe fabriqué en Chine, qui n’a<br />

rien d’exceptionnel mais vendu neuf dajà à 700 €. Alors<br />

qu’il est pourri, moins bien que le mien par exemple. Et<br />

tout le monde aura le même…<br />

Axel


Gaspard<br />

Et après ton premier<br />

contact à cette alley cat,<br />

comment t’es entré dans<br />

ce milieu ?<br />

A : je me suis renseigné pour savoir où je pouvais<br />

me trouver un fixe mais à Paris, il n’y a rien,<br />

à part chez Lucien mais même lui, il pratique des<br />

prix de fou, alors je suis allé sur le Net. Notamment<br />

Fixedgear gallery, où tu as 50 000 photos de vélos<br />

et où chaque mec met sa photo en racontant sa vie,<br />

genre « toutes les semaines, je prends mon fixe, je<br />

fais 50 kms pour aller manger mon donut préféré et je<br />

reviens »… Ils racontent leurs histoires d’amour avec<br />

leurs vélos (sourires).<br />

G : Ils te donnent le descriptif de chaque pièce, que<br />

des gros plans ; c’est un forum en fait, où tout le monde<br />

poste sa photo.<br />

A : c’est LE site et à partir de là, tu suis les liens ;<br />

vers ceux des coursiers de New york (…) les X-Men, par<br />

exemple. Eux, ce sont les meilleurs coursiers de new yorkais,<br />

les 20 meilleurs de toutes les alley cats, ils changent<br />

tous les 2 mois. C’est la crème de la crème. Ils font partie<br />

d’une boîte dans laquelle, si tu veux entrer, il faut être<br />

au top niveau. Ces gars-là, c’est genouillères, coudières,<br />

trucs aux épaules, ils s’accrochent aux voitures, ce sont<br />

de vrais malades, les X-Men quoi… Sur le vélo à New York,<br />

tu as un bon DVD : «Pedal». Sur le Net, tu tapes «fixes» et<br />

tu as plein de vidéos (…) ou tu tapes «race alleycat» et tu<br />

tombes sur plein de photos de gars qui font des courses en<br />

fixe. Comme la «Monster Track» à New York, qui se passe<br />

l’hiver, avec la neige, donc bien glissant, juste pour ceux qui<br />

roulent en fixe et sans frein. Au départ tu as une centaine<br />

de vélos plantés dans la neige avec les gars qui attendent<br />

le starter… Dans la neige avec un fixe, tu ne t’arrêtes pas,<br />

tu traces, tu es obligé de slalomer…<br />

‘‘AU DÉPART, C’EST<br />

LA PERFORMANCE<br />

MAIS APRÈS C’EST<br />

VRAI QU’IL Y A UN<br />

CÔTÉ UN PEU CUS-<br />

TOM. ’’<br />

C’est une course officielle ?<br />

A : Nan, officieuse. C’est exactement comme ce<br />

qu’on fait à Paris avec les alley cats, on grille les<br />

feux, on s’en fout. S’il y a la police, tout le monde<br />

s’échappe. On ne peut pas faire fermer la route<br />

spécialement pour nous. Et puis, le délire, c’est<br />

de slalomer entre les caisses, de voir lequel est le<br />

plus rapide dans Paris avec les voitures, les feux<br />

rouges et tout. Tout le délire coursiers… Dans les<br />

grosses compétitions internationales de coursiers,<br />

il y a des gars en fixe mais les 10 premiers, c’est<br />

que des gars avec des dérailleurs normaux. Ceux<br />

qui sont en fixe arrivent bien placés mais pas au<br />

point de concurrencer les autres, les vélos à<br />

vitesse hyper performants. C’est vraiment une<br />

histoire de sensation, c’est 10 fois plus agréable<br />

derouler en fixe qu’avec un vélo à vitesses mais<br />

tu es moins efficace au niveau performances.<br />

Normalement, l’été prochain, il y a les prochains<br />

championnats du monde de coursiers à Dublin, ça<br />

va être un gros truc.<br />

Tu vas y aller ?<br />

A : moi, je ne suis pas coursier. Pour y participer, tu<br />

dois faire partie d’une boîte, c’est vraiment sérieux.<br />

Au début de l’année (dernière), je suis allé à Londres<br />

pour essayer de me faire engager mais il n’y avait plus<br />

vraiment de taf…<br />

Il n’y a pas de Ligue ou de Fédération,<br />

il faut être salarié…<br />

A : Exactement. L’an dernier, c’était en Australie, il y<br />

avait une grosse exposition avec plein de cadreurs, tous<br />

les gars qui apportent leurs pièces ; c’est un grand marché<br />

aux vélos mais en plus, tu as une grosse course où tu as<br />

peut-être 2000 participants qui viennent du monde entier et<br />

qui sont tous dans le kif d’être coursier à vélo et de passer<br />

leur vie sur un vélo.<br />

C’est la performance + l’esthétique<br />

?<br />

G : Au départ, c’est la performance mais après c’est vrai<br />

qu’il y a un côté un peu custom.<br />

A : Tu as tout un tas de petits délires esthétiques sur les<br />

pièces, qui ne servent à rien d’autre qu’à faire joli et ils vendent<br />

leurs vélos 5, 6 000 €. Juste le travail du soudeur, c’est<br />

direct 1 000 $ et après c’est que du plus : tel tube, tel détail,<br />

telle peinture, telle roue et ça peut atteindre des sommes<br />

folles, jusqu’à 10 000 €.<br />

G : Le mec qui fait ses vélos à Levallois, Alex Singer, moi j’ai<br />

halluciné : si tu vois sa boutique, c’est un trou, une boutique<br />

de vélos de province qui n’a pas bougé depuis 30 ans et le<br />

mec à l’intérieur, il te fabrique la Rolls Royce du vélo. Des<br />

vélos achetés que par des Américains ou des Japonais.<br />

A : Chez lui, c’est que du sur-mesure, si tu veux un vélo<br />

chez lui, tu dois attendre un an, je crois, parce que son carnet<br />

de commandes est rempli. Lui, c’est vraiment du travail<br />

de détail, son vélo est nickel. Il ne prend que ce qu’il y a<br />

de mieux, il va chez les meilleurs chromeurs, les meilleurs<br />

émailleurs, il fabrique le top le top. Par exemple, il te fait des<br />

petits porte bagages à la main, il les soude, il les fait chromer,<br />

des trucs super mignons avec des peits phares. C’est<br />

vraiment des vélos oeuvres d’art... Même sur le garde-boue,<br />

il rajoute un petit détail, avec des petits traits. A mon avis<br />

ses acheteurs, ils font comme ceux qui mettent une moto<br />

dans leur salon, ils les gardent chez eux. Même dans les<br />

vieux bouquins sur le vélo, tu retrouves toujours 15 pages<br />

sur Alex Singer parce que c’est une marque mythique.

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