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DE POLYBE, DISSERTATION &c 73 Infanterie, dont les intervales ...

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<strong>DE</strong> <strong>POLYBE</strong>, <strong>DISSERTATION</strong> &c <strong>73</strong><br />

<strong>Infanterie</strong>, <strong>dont</strong> <strong>les</strong> interva<strong>les</strong> entre <strong>les</strong> corps, fupofànt même qu'il y<br />

en eût, ne fe trouvant pas aflez. larges pour recevoir ce torrent de lukrds,<br />

elle fut rompue & entraînée par fes propres gens, qui y porté*<br />

pent le trouble & la terreur.<br />

C'eft ainfi qu'on doit entendre cette bataille. L'Auteur Ta tellement<br />

embaraffée & défigurée, qu'il n'y a qu'un homme du métier qui puiffe<br />

la bien éclaircir. Get ordre de batailîç de Narfés peut aider à débrouiller<br />

celui de Caflilin, qui eft célèbre dans PHiftoire de France, &<br />

qu' Agathias décrit bien plus ténébreufement que Procope celui de Narfés.<br />

Ce qui m'a porté à Pexamendecet ordre de bataille, c'eft la grandeur<br />

de l'événement qui a excité ma curiofité, parce que la defcription d'Agathias<br />

n'offre aucun deflein, fi l'on en excepte la Tête de porc. Le Père Daöiel<br />

a donné un Plan de cette ordonnance dansfon Hiftoire de France,<br />

& dans celle de la Milice Françoife, je ne doute point qu'il ne l'ait<br />

bien .examiné; mais je ne crois pas que Bucelin, qui étoit un habile<br />

Chef de guerre, eût fait deux courbes de fes ai<strong>les</strong>. L'ordre de Narfés<br />

eft encore plus difficile à débrouiller. 11 ne s'agit pas de celui-ci, <strong>dont</strong><br />

je ne fais pas grand eftirae.; mais de Pautre qui me paroît très-remarquable.<br />

Cette manière de fe ranger mifè dans fbn véritable jour m'a<br />

femblé digne de l'admiration des gens du métier, je ne la donne pas<br />

ici, quoiqu'elle ait quelque raport à mon fujet, je n'ai pas crû devoir<br />

entrer dans un détail qui m'eût mené trop loin:; & mon deflein a été<br />

de me renfermer dans <strong>les</strong> bornes <strong>les</strong> plus étroites- fur une matière qui<br />

fournit des efpaces infiniment plus grands que ceux que nous avons<br />

courus. $fi [tpij<br />

On peut voir parle Plan de la bataille de CrefTy, & par e%nombre<br />

prodigieux de combats & de batail<strong>les</strong> <strong>dont</strong> PHiftoire de France eft remplie,<br />

qu'il ne feroit pas impollible de Porner & de l'enrichir des Plans<br />

gravés de ces batail<strong>les</strong> & de ces combats &de <strong>les</strong> donner dans toutes <strong>les</strong><br />

régies de Part. Rien n'attache Scn'interefTe davantage quel'hiftoirede<br />

nos ancêtres. Je vois par la lecture que j^ai faite de celle du Père Daniel,<br />

qui eft tout ce qui s'eu fait de meilleur dans ce genre, que la plupart<br />

des allions qu'il raporte ne font pas fi diffici<strong>les</strong> àdebrouiller que bien des<br />

gens le prétendent. L'Hiftoire de la Milice Françoife fourniroit de<br />

grandes lumières, en confùltant pour un plus grand éclairciflement, <strong>les</strong><br />

fources où cet Hiftorien a puifé la< defcription des faits qu'il raporte.<br />

Dès qu'un homme du métier, appliqué & d'une longue expérience y<br />

eft au fait de l'ancienne Milice, il lui elt aifé de débrouiller & de voir<br />

la clarté où <strong>les</strong> autres ne voyent que ténèbres. En examinant <strong>les</strong> actions<br />

de guerre on fe régie felon <strong>les</strong> différens fiéc<strong>les</strong>, & felon <strong>les</strong> difFérens<br />

changemens qui font arrivés dans la manière de fe ranger & de<br />

combattre depuis ces tems reculés jufques au tems où nous vivons. Je<br />

L 3 le


& SUPPLEMENT A UHISTOIRE<br />

le répété encore, cette entpeprife ne feroit pas fi difficile que bien des<br />

getas fe Pimaginent Jeii ai eu fouvent la penféej mais celle de travailler<br />

aufc Commentaires deCfefar, après mon Polybe , .-.m'a paru plus<br />

aifée, plus utile & plus agréable, outre que fai une grande partie des<br />

ffiâtêriàuk.' Il faut pourtaiÄ convenir que ces deux entreprifes (fans<br />

tes croire au-deffus de mes forces) font aiindefliis de mes moyens, &<br />

làns le fecöürs d^ine main Royale Pexecutioà m'en paroît impoflible.<br />

Pour le coup je reconnoîs, contre le fentiment des Philofophes, que la<br />

fbif des richeffes eft bien moins un vice dans un certain ordre d'hommes,<br />

qu'un déGr de faire éclater leurs vertus & <strong>les</strong> qualités qui peuvent<br />

<strong>les</strong> rendre recommandab<strong>les</strong> à la pofterité. La mauvaife fortune <strong>les</strong> tient<br />

dans Pimpuiflance de rien exécuter de ce qu'ils font capab<strong>les</strong> de faire,<br />

leurs talens demeurent enfevelis & comme morts* Il ne leur fert de<br />

rien de rouller de grandes penfées, & de propofer de grands defleins<br />

<strong>dont</strong> le fuccès feroit infaillible, fi on leur fournifToit <strong>les</strong> moyens & <strong>les</strong><br />

fccours néceffaires pour réulïlr. Je ne trouve rien de plus trifte que<br />

cela. I<br />

APPROBATION.<br />

J'Ai lu pux ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, un Manuè<br />

crit intitulé : Diffèrtation fur PHi/ioire de JPolybe, <strong>dont</strong> on peut<br />

permettre Pimpreffion ; je crois que cet Ouvrage fera très-utile aux Gens<br />

de Guerre. A Paris le 11. Juillet -1723. I<br />

C H E R I È R. I<br />

LET-


<strong>DE</strong> <strong>POLYBE</strong>. LETTRE D'UN OFFICIER. 7$.<br />

* L E T T R E<br />

D'un Officier aufervice des Etats Généraux fur k Polybe de<br />

Mr» le Chevalier de FOL ARD.<br />

PUis que vous fouhaitez tant, Monfieur mon Coufin, de avoir mon<br />

fentiment fur le Livre de Monfieàr le Chevalier de Folard, & en<br />

même temsce qu'en difènt nos Officiers Hollandois, je vous dirai fort<br />

naturellement que ceux qui font capab<strong>les</strong> de juger de ces fortes de choies<br />

5 l'admirent généralement tout comme moi ; il fait le fujet ordinaire<br />

de nos conventions, chacun s'emprefle de le lire ,&nous en avons<br />

déjà plufieurs exemplaires dans cette petite Garnifon;<br />

Vous me demandez des remarques fur cet Ouvrage : affez d'autres<br />

fans moi feront parler la ville. Je ri*ài pas un génie allez étendu pour<br />

entreprendre une pareille chofe; tout ce <strong>dont</strong> je puis être capable, c'çft<br />

de vous raporter naïvement ce que j'entens dire für fon fiijet.<br />

Tout le monde trouve leTtile de Mr. de Folard beau* vif& des plu?<br />

propres pour bien tfrki ter fon fujet; il engagea fe faire lire par fà manière<br />

de narrer; & il rfennuye jamais, tant ce qu'il raconte eft intereflant<br />

& curieux; quelques-uns à la vérité,le trouvent un peu mordant<br />

dans <strong>les</strong> comparaifons qu'il fait des exploits des Généraux <strong>dont</strong> parle<br />

Polybe avec la conduite de ceux de nos jours; mais il faut excufer fon<br />

fcéle & fon feu Gafcon, il ne croit dire que la vérité toute pure.<br />

Ses Commentaires & fes Obfervations font un Chef d'œuvre rempli<br />

d'une érudition profonde & d'une Littérature prodigieufe, tout y eft<br />

exactement remarqué, bien choifî & inftruâif; en<strong>les</strong>lifànt, <strong>les</strong>, vieux'<br />

tout comme <strong>les</strong> jeunes Guerriers peuvent apprendre mille & mille bonnes<br />

chofes, &.fè former à cette Vertu qui conduit à la gloire & kladifc<br />

ftindtion.<br />

Son traité de la Colonne, qui eft fa produ&ion favorite* eft felon<br />

mes connoifTances, en général admirable, plein d'une grande fécondité<br />

de combinations invincib<strong>les</strong> pour l'attaque, fur lefquel<strong>les</strong> peu de<br />

Généraux du bas âge ont fait des réflexions, 5e qu'on a peu pratiquées ;<br />

il a pourtaht trouvé beaucoup de Critiques, & la plupart de nofc Officiers<br />

Hollandois ne fçauroient encore l'approuver en tout & par tout,<br />

comme dans tous ïès ordres de bataille. Les Peup<strong>les</strong> & leö Nations<br />

ne<br />

i * Cette Lettre parut en 1<strong>73</strong>0. dans le Tome XIV. de la Bibliothèque Françwfi. Elle eft de<br />

tSn Ter fon Officier François fort eftimé, qui eft mort Colonel d'un Regiment d'<strong>Infanterie</strong> au<br />

fervice des Etats Généraux*<br />

t »


6 SUPPLEMENT A L'HISTOIRE<br />

ne fe défont pas aifément des coutumes de leurs pères, & de leurs manières<br />

ordinaires. I<br />

L Us croient que cette manière de fe ranger & d'attaquer ordinairement<br />

eft fujette à de fâcheux & dangereux inconveniens, & toujours<br />

au débordement de l'armée oppofee, fuppofànt que <strong>les</strong> deux armées<br />

font à«peu près également nombreufes, & même que l'une eft plus forte<br />

de plus d'un grand tiers, fi la cavalerie eft rangée en féconde ou troifieme<br />

ligne derrière l'infanterie, comme Monfr. de Folard le pofedans<br />

quelque plan; en effet quel front lui peut-il refter après {QS Colonnes<br />

formées & fes Bataillons rangés fur dix de hauteur ? I<br />

II. On remarque que Monfr.«de Folard blame en toute occafion <strong>les</strong><br />

-Généraux qui fe font laiflés déborder par leur ennemi, & que c'eftà<br />

cela qu'il attribue prefque toujours la perte des batail<strong>les</strong>, & la viftoire<br />

à ceux qui ont replié à propos fur <strong>les</strong> flancs débordés. Il fait même l'éloge<br />

de quelques-uns qui ont ffl profiter de cet avantage. Cependant<br />

on voie qu'il tombe lui-même dans la même faute de gaieté *le cœur,<br />

& qu'il déclare même qu'il ne fe foucie pas d'être débordé ., ce qu'on<br />

régarde comme nne efpece de contradiction.<br />

III. 11 eft vrai que Monfr. de Folard met une groffe Colonne fer fes<br />

flancs, & qu'il croit <strong>les</strong> aflurer par là.; mais on doute que cette Colon*<br />

ne foit fumlànte pour <strong>les</strong> couvrir. On dit que <strong>les</strong> troupes de l'ennemi<br />

qui la débordent de beaucoup fe recourberont fur fes flancs, & qu'alors<br />

il arrivera de deux chofes l'une, ou bien que la Colonne continuera<br />

fa marche, ou qu'elle s'arrêtera pour faire face à cerecourbement. Si<br />

elle continue de marcher, on prétend & onfoutient qu'elle fera enfoncée,<br />

infailliblement par le recourbement; &.cette Colonne étant enfoncée,<br />

que.deviendra le refte de la Ligne? Si au contraire elle, s'arrête<br />

pour faire face, & pour fe défendre contre <strong>les</strong> troupes du recourbement,<br />

il faut par .la même raifon que toute la Ligne s'arrête aufll, ou<br />

elle pourra être prife en flanc, la Colonne qui la couvroit s'étant-arrêtée;<br />

& reliant dans cette fituation, comment pourra Monfr. de Folard<br />

parvenir à fön but? Puis que comme il le dit fi fou vent, toute la<br />

force de la Colonne git dans l'aâion & le mouvement. Ce qui fait<br />

illufion à Monfr. de Folard, eft le principe où il eft, que fa Colonne<br />

ne pouvant point être entamée, il n'a rien à craindre pour fes flancs*<br />

Mais quand cela feroit, ce qu'on ne lui accordera pourtant pas tout à<br />

fait, il faut qu'il convienne qu'il eft de toute nécelfité que fa Colonne<br />

s'arrête pour faire face aux• troupes qui fe recourbent fur el<strong>les</strong>, fans<br />

uoielle ferok infailliblement entamée & renverfée; Or qu'importe»<br />

it-on, qu'elle ne puifTe point être entamée, fi elle eft forcée de s'arrêter<br />

& de faire face, n'eft-elle pas en échec? Ne devient-elle pas inutile?<br />

On croit que c'eft ici l'endroit foible du fyftéme de Monfr* 4e Folard<br />

> & on ne trouve point dans fa Préface du fécond Tome ni dans.<br />

tout


<strong>DE</strong> <strong>POLYBE</strong>. LETTRE D'UN OFFICIER. }}<br />

tout fon Livre» qu'il levé cette difficulté, à moins qu'il ne veuille qu'on<br />

prenne ünjjeni me fonde pas d'etre débordé , pour une démonftration<br />

qu'il -n'a rien à craindre,<br />

IV. Autre illufion, dit-on, de Morifr. deFolard; c'eft qu'il dit que<br />

là Colenne pourra joindre l'ennemi»- avant qu'elle puiffe être arrêtée &<br />

envelopéc. Mais peut-il s'imaginer, dit-on, que-ce qui déborde la<br />

verra venir tranquillement jufques à 30 ou 4.0 pas fans fe recourber;<br />

n'eft-il pas plus apparent & même certain que dès qu'on ve#ra de loin,<br />

la Colonne en mouvement, on s'avancera pour la prendre en flanc?<br />

V. On convient que <strong>les</strong> Colonnes peuvent être d'un grand ufage<br />

dans l'attaque; on tombe même d'accord qu'el<strong>les</strong> conviennent parfaitement<br />

bien au temperament fougueux des François, & que<br />

Morïfr. de Folard ne pouvoit rien inventer de plus conforme à leur<br />

génie; mais d'un autre coté on croit qu'il y a de l'inconvénient à<br />

ranger fbn armée en Colonnes, & à former <strong>les</strong> Bataillons fur dix<br />

de hauteur; on fe prive prefque entièrement de l'ufàge du feu,<br />

n'aiant en veu? que d'enfoncer l'armée ennemie.. Mais l'ennemi<br />

aiant connoifTance de cette difpofition, n'aura-t-il pas le foin de s'y<br />

préparer, & d'apporter des obftac<strong>les</strong>à cette impetuofité? quel carnage<br />

& quelle déconfiture ne fera-t-il pas, s'il met feulement une<br />

rangée de chevaux defrize bien enchainés<strong>les</strong>uns aux autres devant ion<br />

front? Ses canons chargés à cartouche, le feu continuel de fes pelotons<br />

& une grêle de grenades avec d'autres feux d'artifice > ne mettrbntüs<br />

pas ^e defordre & la confufion parmi <strong>les</strong> attaquans avant qu'ils<br />

puiflent percer? & puis ne fera-t-on pas encore à deux de jeu aux armes<br />

blanches, mi naturellement le parti qui aura le moins fouiFert devra<br />

refter le victorieux? On croit qu'on peut faire un meilleur ufagedes<br />

Colonnes^ & qu'il feroit mieux de <strong>les</strong> faire naître ou former dans l'occafion<br />

fuivant <strong>les</strong> circonftances, & quand on eft à portée de <strong>les</strong> faire<br />

agir; celafe peut aifémentpratiquer avec la TaCtique de nos pelotons;<br />

en chargeant continuellement, on peut en avançant <strong>les</strong> former en même<br />

tems^en Colonne, pour enfonce & rompre ceux qui font face.<br />

Son traité de l'attaque & de la défenfe des places marque qu'il connoit<br />

& entend bien le détail de cette fcience. En nous faifant remarquer<br />

que nous n'avons-rien inventé fur ce fujet, & que tout ce que<br />

nous pratiquons vient des anciens guerriers, il tache de nous porter à <strong>les</strong><br />

imiter en tout, & à fuivre leur exemple dans la fermeté & le courage<br />

abfolument néceflaires dans ces fortes d'entreprifes.<br />

Enfin on ne peut difconvenir en lifànt le Livre de Monfr. de Folard»<br />

qu'il ne foit un des plus habi<strong>les</strong> hommes de ce fiécle dans l'Art Militaire,<br />

lavant dans toutes fes parties, bon Ingenieur, grand machinifteSc<br />

iflgçnkuxartifte, véritablement foldat, excellent Officia» grand CatV!rd<br />

^ème FIL M pitai*


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3 3 '<br />

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SENTIMENS<br />

D' U N •<br />

HOMME <strong>DE</strong> GUERRE<br />

SUR LE NOUVEAU SYSTEME<br />

'À. "DU -T*W.'. •<br />

CHEVALIER <strong>DE</strong> FOLARD;<br />

Par rapport à la Colonne & au Mélange des différentes<br />

Armes d'une Armée. ^<br />

B Avec une Differtationjur POrdre de Bataille at Çéjar *<br />

& de Pompée à la Journée de Pbarfak.<br />

PAR MONSIEURID***. ..<br />

Mi.


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Cfri : Ï*<br />

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•<br />

AVERTISSEMENT.<br />

L<br />

Es Commentaires de Mon/îeur le. CbevaRer de Folard/&r<br />

Volybvont eu le fort de tout ce qui eß excellent. Us ont<br />

d'abord enlevé <strong>les</strong> forages du Public &iln'y a eu dans le s com-<br />

mencemens qiïune vmxjur la beauté de ce travail Mais à peine<br />

ces mouvemens que caufe F admiration ont-Us eu le loifir de fe<br />

rallentiry que des perfçmnes équitab<strong>les</strong> & intelligentes reli-<br />

Jant cet ouvrage avec plus de. fens froid\ y ont apperçu des<br />

défauts 5 que la rapidité & le charme d'une premiere leBure<br />

leur avoit cachés, Çf quelques-uns* ont* publié <strong>les</strong> remarque*<br />

qu'ils avoient faites. C^eßainß que ßßpt formées <strong>les</strong> Lettres<br />

qui compofent ce volume.^<br />

Il y en a quatre^ Les trois qui regardent la Colonne, le<br />

Mélangç des différentes: armes*, &? F Ordre de Bataille de Cé-<br />

far 6? de Pompée à la Journée dé Pharfile; ont déjà paru dans<br />

des Journaux Littéraires, & il eß inutile de dire quel juge*<br />

ment on a fait a'elïesr, p'ui/qu'on fe trouve: obligé d'en donner-<br />

une nouvelle édition qui Us rajfemble*.<br />

Quant a la quatrième^ qui fait ici la troifieme, comme elle<br />

ri } a point encore vu le joury on croit nécejfaire d'obferver que<br />

lefujetfur lequel elle roule 6? la manière <strong>dont</strong> il efi traité',<br />

Fajfocïënt néceffairement aux trois qui l'ont précédée. Elle a été<br />

écrite pour <strong>les</strong> défendre contre le$< répon/es que Monfieur de<br />

Eolard y avoit faites 6? le même éjprit y regne d'un bout à Fcwr<br />

M 3 tre;


*2<br />

SL ^ "^ §<br />

IT * aesS ^<br />

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I<br />

P R E F A1C E<br />

[Orfque fecroifcees Lettres«, je mlmaginois bieû que<br />

tôt ou tard, el<strong>les</strong> pourroient fè hazarder parmi d'autres,<br />

en qualité de pièces détachées. Mais*'je ne'm'attendois<br />

pas qu'el<strong>les</strong> duflent être un jour réunies daiifr<br />

un feul corps en forme de Livre. Cependant la*dhofe<br />

œnivei, &TO n'eftpas fans raifon. La premiere fut rendue jbiibfique<br />

lorfque le Poly be du Chevalier de Folard, de Timprellion d'Amßerdam ,<br />

commençoit à paroitre. La féconde vint peu après, tfeft-â-dite dans<br />

un temsoù ce livre, bien qu'imprimé à Paris, noûtf étant encore inconnu,<br />

devint ici à la portée de tout le monde. JeCfuöque Tune&<br />

l'autre excitant la curiofité de nos Officiers fur ce livre, pourroient<br />

fèrvir en même temps à leur faciliter le moién d'en juger plus diftinctement,<br />

par un des endroits* auxquels ils fèmbloient s'intéreffër le<br />

plus. C'étoit la Colonne & le Mélange des différentes armes d'une<br />

Armée, qu'on regardoit comme la bafè du nouveau Syftême, qui<br />

devoit être développé amplement dans cet ouvrage. - J'étois très-perfiiadé<br />

d'avance 5 fur le plan que le Chevalier de Folard en avoit donné,<br />

dans fön Livre de Nouvel<strong>les</strong> Découvertes, qu'il pouvoit être en<br />

général d'une grande utilité. Rien ne me parpiflbit plus naturel que<br />

fès remarques fur <strong>les</strong> défauts de nos armes, & de notre Taftique. Il<br />

me fèmbloit qu'il fklloit être efclare de la routine, pour ne pas comprendre,<br />

que par la fuppreflion totale de la pique, ou d'une arme équivalente,<br />

PMfanterie fe trouvoit confidérablement affoiblie; Que<br />

la grande étendue en front, & le peu de hauteur de nos Bataillons,<br />

étoit en bien des occafions une difpofîtion, des plus incommodes &<br />

des plus dangereufes:. Que le nombre exceffif de Cavalerie dans <strong>les</strong><br />

Armées, étoit auffr inutile que ruineux j Et enfin que la féparation<br />

qu'on fiût dans Tordre de Batailler de ces deux armes, étoit également<br />

contraire aux règ<strong>les</strong> & à la droite raifon. Que dis-je ? Le bon<br />

fens mené fi droit à faire ces obfèrvationslà, que fi Monfieur de Fo*<br />

lard avoit voulu permettre à d'autres de penfèr fur ces fortes de choies,<br />

comme lui, je m'enferois prefque cru capable. Cell même ce<br />

qui eft caufe qu'en beaucoup d'endroits de mes lettres je ne renvoie<br />

point à fon Commentaire. Il a pourtant tfaifon de fe plaindre d'une<br />

omiflion fi préfomptueufè, „ Il eut trouvé encore j dit-il, d'excellen-<br />

„ tes cliofès à dire fur cette matière (*), dumoinsauroit il pu ren-<br />

„ voier<br />

(*) Sur le nombre exceffif de Cavalerie.- __ ,<br />


8+ P R E F A C E .<br />

„ voier fon Le&eur à mon Commentaire,. & elter <strong>les</strong> endroits où &<br />

.^trouvent <strong>les</strong>-fäifons," tlorttil le fert, è? de [quel<strong>les</strong> il a profité en foi<br />

3, weur de mon fentiment, ft en axant extrait que la moindre partie (*).<br />

11 eft donc jufte que je lui en fafle mes excufes. J'efpere d'autant plus<br />

gn'il voudra bien <strong>les</strong> agréer, que ces endroits defon Commentaire?<br />

m'étoient ^bfolument inconnus., j& que d'ailleurs je n'aurois jamais<br />

cru 5 qu'il eût voulue faire uni grand honneur de ces;fortestielieux<br />

communs.<br />

Je ne trouvois .dans ces obfervations qu'une feule difficulté. Mais<br />

elle me fembïoit fort confidérable, puifque c'eft peu de connaître îes<br />

défauts de nôtre Taéhque, fi on n'en connoit le remède. La nature<br />

eft-elle «donc incapable de le produire ce remède* ou l'efprit de l'homme<br />

trop borné.pour le découvrir? Je fuis perfuadédu contraire. Ainfi<br />

je voiois avec peine qu'on ne le trouvoit pas dans <strong>les</strong> moiens que<br />

Monfieur de Folard propofe. J'ai donc voulu m'en éclaircir, par un<br />

examen le plus exaét qu'il m'a été pofllble. Je me flattois que Monfieur<br />

de Folard n'y trouveroit pas tant à redire. B<br />

11 ne peut pourtant point fe plaindre gu'on n'ait pas touché à loa;<br />

Principe ni à là Méthode. Nous avons fait voir, fi je ne me trompe^<br />

que fon principe, de la manière que nous le concevons, ne fauroic<br />

être qu'excellent. Nous aurions été ravis., fi nous en euffiona pu<br />

faire* autant à l'égard de 1k méthode. Lemoiende douter, qu'en<br />

rendant à l'<strong>Infanterie</strong> fon arme de longueur, dans une jufte proportion<br />

& en nombre convenable & qu'en la failknt combattre tantôt fur<br />

plus, tantôt fur moins de hauteur,* à mefure que l'une ou l'autre difpofition<br />

convient à l'ufage de fes différentes armes, & aux diverfes<br />

circonstances, le moien, dis-^e, de douter qu'on ne lui rende fa force<br />

naturelle ? Et qui peut difeonvenir, qu'en entremêlant une telle<br />

<strong>Infanterie</strong> avec la Cavalerie, d'une manière convenable, on n'augmente<br />

par-là, la force de l'une & de l'autre de ces deux armes, &<br />

qu'en même tems on ne remédie aux inconvéniens qui refultent d'ordinaire<br />

de l'infériorité de l'une, pendant qu'on fe procure <strong>les</strong> avantages<br />

qu'on peut tirer de la Supériorité de l'autre. Mais quelque envie<br />

que nous aions de nous accommoder de la méthode du Chevalier de<br />

Folard, nous ne faurions nous empêcher de reconnaître qu'elle n&<br />

peut en aucune façon mener au but qu!on s'en propofe en la fiihwït.<br />

Au contraire, plus on y réfléchit, plus on trouve que le réméde efl:<br />

pire que le mal; dès qu'on a à faire à un ennemi, qui en connoiflant<br />

le fort & le foibte* fait fe mettre à .couvert,de l'un, & profiter de<br />

l'autre.<br />

viï n . il<br />

(*) Pref. du Tome 6. Pag. LL


P R E F A C E . 85<br />

Il en eft de la Colonne & des Ordres de Bataille de Monfieur de<br />

Folard > à l'égard d'un tel ennemi, à peu près, comme il en étoit<br />

félon le jugement de Polybe, de la Phalange, à l'égard des Romains*<br />

„ Ceft une chofè confiante, dit-il,que tant que la Phalange fe main-<br />

„ tient dans foji état propre & naturel, rien ne peut y remer de front<br />

„ ni foutenir la violence de fon choc. . . . D'où vient donc que le»<br />

„ Romains font victorieux? Pourquoi la Phalange eft-elle vaincue?<br />

„ Ceft que dans la guerre, le tems & le lieu des combats le varient<br />

„'en une infinité de manières, & que la Phalange n'eft propre que<br />

„ dans un tems £5? d'une feule façon. Quand il s'agit d'une aft ion dé-<br />

„ cifive, fi l'ennemi eft forcé d'avoir à faire à la Phalange, dans un<br />

„ tems & dans un terrain qui lui foient convenab<strong>les</strong>, nous l'avons<br />

„ déjà die, il y a toute forte d'apparence, que tout l'avantage fera<br />

„ du côté de la Phalange, mais fi Ton peut éviter Tun fe? Vautre com-<br />

„ me il efi aifé de le faire , qu'y a-t-il de fi redoutable dam cette ordon-<br />

„ nance ? . . . . Les Romains n'emploient pas toutes leurs troupes<br />

„ pour faire un front égal à celui de la Phalange, mais ils en mettent<br />

„ une partie en refèrve & n'oppofènt que l'autre aux ennemis. Alors<br />

,,-foit que la Phalange rompe la ligne qu'elle a en tête,ou qu'elle foit<br />

„ elle-même enfoncée, elle fort de la difpofition qui lui eft propre*<br />

„ Qu'elle pourfuive des fuiards ou qu'elle fuie devant ceux qui la prêt<br />

„ fent, elle perd toute fa force Car dam Tun £«? Vautre cas, il fe<br />

„ fait des interval<strong>les</strong> que la referve faifit pour attaquer non de fronts<br />

„ mais en flanc 6? par <strong>les</strong> derrières (*).<br />

Il y a pourtant une différence que voici. Les Romains, fuivant<br />

leur îaétique ne trouvoient que rarement l'opportunité, d'agir de la<br />

forte,à moins que ce ne fut pendant le cours du combat, après avoir<br />

ouvert la Phalange en quelque endroit, ou après en avoir été rompu<br />

eux-mêmes quelque part. Mais l'ennemi moderne aiant à faire à la<br />

Colonne & aux ordres de Bataille de Monfieur de Folard ^ peut (an»<br />

s'écarter de <strong>les</strong> principes, fe ménager ces avantages avant le combat,<br />

& il peut avec d'autant plus de facilité,que <strong>les</strong> Colonnes de Monfieur<br />

de Folard & fës Bataillons fur huit ou dix de hauteur qui forment fès<br />

lignes, ne faifànt pas enfèmble un corps folide comme la Phalange*<br />

mais laiffant entre eux de très grands interval<strong>les</strong>, peuvent être attaqués<br />

en flanc & par <strong>les</strong> derrières, de loin 5c de près, par <strong>les</strong> troupes<br />

qui débordent, tant fur le front de toute la ligne, que fur chaque<br />

corps en particulier, avant même que ces corps puiiTent avoir le tems<br />

de joindre & de choquer de front.<br />

Je fuis furpris que Monfieur de Folard voulant fè faire un Syftême<br />

mêlé<br />

(*) Polybe, Tome VI. Pag, 234. 235. 235.<br />

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HOMME <strong>DE</strong> GUERRE<br />

SUR LE NOUVEAu'sYSTEME DU<br />

CHEVALIER <strong>DE</strong> fOLARD,<br />

Ainß qu'il Pexpofe dans fin Commentaire fur PHifloire de<br />

Polybe.<br />

LETTRE PREMIERE.<br />

Le la Colonne.<br />

^MONSIEUR, .:/**'« •<br />

Ous fouhaitez de favoir mon fentiment fur le nouveau<br />

Syftême du Chevalier de Folard , ainli qu'il Pexpofe<br />

dans fon Commentaire fur L'HISTOIRE <strong>DE</strong> POLY­<br />

BE, <strong>dont</strong> la Colonne, & le Mélange des différentes<br />

Armes d'une Armée, à ce que vous avez judicieqfb?.<br />

ment remarqué, fait la bafe.<br />

Pour juger d'un Syftême Militaire, il faut au moins en connoître<br />

la nature, être exempt de tout préjugé, & avoir le cœur bien placé.<br />

Juger ici, fans connoiffanœ de caufe, c*eft faire preuve de préemption,<br />

ou d'incapacité. Juger par un clprit de prévention, c'eftêtre<br />

m N 2 injufte.<br />

><br />

b


88 SUPPLEMENT A L'HISTOIRE <strong>DE</strong> <strong>POLYBE</strong>.<br />

LETTR.i.injufte. Juger par mauvais cœur, c'eft chofe indigne.<br />

ce que Qu'eft-ce donc que la Colonne? Voilà la premiere queftion qu'on<br />

^eftque doit fe faire, dès qu'on ne veut pas.s'écarter de ces maximes. La fene.<br />

CoIon " con ^ e > Q- uels font fe® avantages qu'on en pourroit tirer? La Colonne<br />

<strong>dont</strong> il s'agit, eft-ce un Bataillon qui rangé à l'ordinaire fur quatre,<br />

cinq, ou fix de hauteur , aura défilé par divifions de plus ou<br />

moins de front, felon fa force, ou felon le terrain par où il doit paffer?<br />

Sont-ce plufieurs Bataillons qui, aiânt défilé de la forte, fe fuiront<br />

<strong>les</strong> uns <strong>les</strong> autres, comme cela fe pratique au premier cas, lors<br />

qu'un Bataillon feul, ou au fécond, lorfque toute une Ligne fe met<br />

y en ordre de marche? Ou bien eft-ce un certain nombre de Bataillons,<br />

rangés en ordre de Combat, fur trois, quatre, ou cinq de hauteur,<br />

placés k la queue <strong>les</strong> uns des autres, à une diftance de vingt ou<br />

tfente pas? Non, c'eft, fi je ne me trompe, un Corps d'<strong>Infanterie</strong>,<br />

depuis deux jufques à fix Bataillons tout au plus, difpofés à deux pas<br />

de diftance à la queue <strong>les</strong> uns des autres, après que chaque Bataillon<br />

a tellement diminué le nombre de fes fi<strong>les</strong>, & augmenté celui de fes<br />

rangs, que le front ne conferve que le tiers, le quart, ou la cinquième<br />

partie de fon étendue ordinaire, & que fa profondeur a été aug±<br />

mentée k proportion: Qu'il a fuffiikmment couvert le front, le flanc,<br />

& la queue, pair, un rang d'armes de longueur, tant Efpontons, Hallebardes<br />

, que Piques en forme de Pertuifannes, longues environ de<br />

dix pieds, & ferré fes rangs & fes fi<strong>les</strong>: Le tout par des Evolutions<br />

fimp<strong>les</strong>, aifées, & praticab<strong>les</strong>, fans aucun rifque , en préfence de<br />

l'Ennemi: & d'une telle efpece, que le Bataillon fe trouve en état de<br />

fe fervir fuffifamment de fon feu, auiïi bien que de fes armes blanches,<br />

par tout, en tout fens, felon qu'il en eu befoin, & d'agir k<br />

tous égards commodément & en bon ordre. m<br />

L'Auteur n'entre pas la deflus dans un détail aufll circonftancié,<br />

que le fujet auroit pu le foutfrir. 11 fe contente d'indiquer feulement<br />

de quelle manière on pourroit haufler <strong>les</strong> fi<strong>les</strong>, & le ièrvir cje {on feu,<br />

pour infinuer qu'il n'y a 1k rien d'impraticable ni d'impoflible, fans<br />

faire aucune mention, entre autres, du déplacement de la pique, le*<br />

quel ne laiffe pas que d'être afTez important.<br />

*r!Mon intention eft de n'entrer dans ces détails, ou dans ceux de<br />

l'Auteur, qu'autant que je ne pourrois l'éviter absolument, & c'eft ce<br />

qui fe rencontre dès k préfent. Je me trouve obligé d'écarter <strong>les</strong> Compagnies<br />

des Grenadiers, formées par le Chevalier de Polard en deux<br />

ou trois fi<strong>les</strong> fur la droite ou bien placées k la queue des Bataillons fur<br />

cinq de hauteur. Je ne puis autrement éviter l'embarras qu'el<strong>les</strong> me<br />

donneroient dans <strong>les</strong> remarques, que j'ai à faire, & qui ne rouleront<br />

uniquement que fur une feule partie de la Colonne qui eft un Bataillon


SENTIMENS D'UN HOMME <strong>DE</strong> GUERRE. 89<br />

B Jon que le Chevalier appelle une Sedion. Je m'imagfne que pour JU-LETTA. L<br />

ger du,tout, il fuffira de qâjinoitre lanaturf& la force d'une de fes<br />

fe" parties , puifqu'aufTi ifïien ces parties font entre ellçs femblab<strong>les</strong> &<br />

dans leur efpece & dans leurs effets.<br />

K D'abord je remarque, qu'un Bataillon, armé & difpofé de la ma- Fermeté<br />

piere que j'ai fuppofé, prenpez en ordonnance triplée, c'eft-à-dire,r e i Ia<br />

; ; jjui a diipipué fon front ordinaire des deux tiers, &augmenté fa hau- ° nne "<br />

jeur à proportion; je remarque, dis-je, que ce Bataillon doit être<br />

impénétrable, au front, à la queue, & aux flancs,à la Cavajlerie d'aujourd'hui,<br />

tant brave,tant bien disciplinée, & tant bien menée,qu'elle<br />

puiffe être: toute proportion égale, fi ce n'eft au nombre,fur quoi<br />

je ne ferois, mille difficulté de lui accorder quelque fùperiorité d'homme<br />

à homme: puifqu'aufli bien, rien ne peut être attaqué, que ce<br />

qui fe préfente.<br />

VQici mes raifons prifes uniquement dans la disproportion des Armes<br />

de la Cavallerie aux Armes de ce Bataillon. Elle8 doivent être<br />

connues. ^Jy <strong>Infanterie</strong> & la Cavallerie de nos jours ont eu lieu de fe<br />

familrçrifer enfemble. La meilleure, finon l'unique arme de la Cavallerie<br />

eft, ce me femble, l'Epée. Quoiqu'il en foit, je ne crois pas,<br />

que dans le cas <strong>dont</strong> il s'agit, elle voudroit oppofèr aux coups de Fu- 4<br />

iil, <strong>les</strong> coups de Moufqueton, ou de Piftolets. Il ne lui refte donc,<br />

qu'un fèul parti à prendre, qui eft de joindre brufquement l'Epée à la<br />

main ce Bataillon, foit par Efcadrons entiers, foit par troupes dé*<br />

tachées, de le renverfer & de le rompre. Mais ce ne font pas là de<br />

petites difficultés.<br />

Je dis qull s'agit de joindre. Cette difficulté à la vérité ne fèroit<br />

pas fort grande, fi leMaitreôc le Cheval étoient invulnérab<strong>les</strong>. Le<br />

chemin eft court, il eft uni. Mais il n'en faut pas beaucoup par terre,<br />

pour faire rebroufler chemin aux autres. Si le Maitre eft brave,<br />

le Cheval eft naturellement poltron. C'eft un animal qui voit & qui<br />

fent le peril. Un de fes femblab<strong>les</strong>, mort, qu'il trouve fur fon chemin,<br />

le bruit & la lueur des armes neft capable de lui faire faire de faux<br />

jpiouvemens; s'ils ne font pas retrogrades, au moins tendent-ils à défordonner<br />

la Troupe, qui trottant feulement fur un front flottant, n'eft<br />

gueres en état de heurter avec fuccès contai un front égal, dégagé de<br />

tout obftacle, & par conféquent bien moins encore contre un front»<br />

où elle trouve des obftac<strong>les</strong> qui ne font pas légers.<br />

Voilà déjà bien des difficultés, pour joindre la pointe des Piques,<br />

des Hallebardes, & des Eipontons. Mais ce n'eft pas tout. Il faut <strong>les</strong><br />

renverfer, & enfui te rompre une quinzaine de rangs de Moulquetaires,la<br />

Baïonette au bout du fufil, qui <strong>les</strong> foutiennent: à moins qu'on<br />

ne veuille de fang froid fe faire paffer par <strong>les</strong> armes. L'Epée de la plus<br />

N 3 ex*


$b SUPPLEMfe&î A'¥OëTÔIRE <strong>DE</strong> ¥ÖLYBE,<br />

•Lé-mi. é&cellemte (ftiimpe & dé là meilleure proportion n'y fétt décria*. Eti<br />

•JjJ nö ^&t%teindre l'hotijime, contre qffièHeeft tiroç$^& fi parhazafël<br />

elle p^^atteiiïdife le fer &ïj^boisqu'il prefeifte, ©h y apou£<br />

vil. La feule.reflbttfce donc du Cavalier fera dans lä'Tougüe de fort<br />

i . élevai, qui anjmé pendant fa courfe plar Péperon, entraîné par teeux<br />

.'^Gra'a à fi drötte & à fa gauche, & pmdfé par ceux qui le ftivent,<br />

yktotïïçtÛ ] peut-être tes Piques>f tes Hallebardes Sentes lEXp&iMÊÊ.<br />

Mips qui né'f^iè^u^ïe pauvre animal, tout animé Äteutwourtetix<br />

ïju'il éft k , commençant à voir qu'il faut fe jetter fur <strong>les</strong> pointed-de- ce*<br />

armes, raléMVa de lui même fon iitipetuofité ? Qui doute que fetrou-<br />

Hrant toiflt'jn&î^il ne tourne à droite ou àgauche, ou que fe fentanfe<br />

jiiqué, it'në^arrètë tout court, différent en cela du Sangfidrï^jià<br />

featit anhttë i4 par un feul cri, s'élance%r fon homme, & méprHknt<br />

l'Epieu qu'on lui pr^fente, sfy enferre? Ainfî on erpit pouvoir fcîrer<br />

"cottè cort^ueiii'cn^que s'il'ïè trouvoit dans la troupe un Cheval aufll<br />

inttepidé 1 ? ou pour mieux dire, aufli bête que ce Sanglier i il ne renverferoit<br />

non pfulie Piquier, appuie contre <strong>les</strong> rangs wft'a à doäf£<br />

& contre <strong>les</strong>^llb'QiKï a à fes côtés, que le:Sanglier né'renverfe fon<br />

Chaflfeur, appuié^ontfer rien.! c<br />

Kous vefroé^ë^dlfl^ que jufques ici PEpée du Cavalier n'a blet<br />

fé, î( \ii que fon Cheval rfà renvfcrfé pérfohne, ce qifi atirtut pourtant<br />

été néceflaire, pour rompre. Voions maintenant ce qu'il en arriverait,<br />

en cas que quelqu'un des plus hardis, & des mieux montés, tirant<br />

fon coup de piftolet à brûle pourpoint, & tuant fon homme,<br />

trouvât le moyen de s'introduire heureufement dans le premier, &<br />

même jufques dans le fécond ou le troifieme rang. m<br />

Qu'un feul Cavalier sPintroduifè dans un Corps d'<strong>Infanterie</strong>, d'autant<br />

de Bataillons que l'on voudra, fur trois, quatre ou cinq de hauteur,<br />

formant enfèmble un quarfè^fdFfquatre fipnts, ainÔ que cela<br />

éft reprefenté en petî£f|fi# le Bataillon quarré de MefTietfrs <strong>les</strong> Hoïlan-<br />

Ms; que ce Cavalier, aiant pénétré jüfau'au feconçi rang, pafleà<br />

travers du tretffieme, quatrième & cinquième, & foit fuivi de près<br />


SE#XJM£NS D'UN HOMME <strong>DE</strong> GUERRE, pi<br />

paflage de çesrTroupes. Mais que cg Cavalier* introduit de ,même Lira, L<br />

dans un Bataillon, en ordonnance triplée, par confèquent à centrç<br />

plein, pafle à fravers de ce Bataillon, ou le mette dansuij;tgl defordre,<br />

que <strong>les</strong> Troupes qui le fuirent le Ruiflent rompre, c'eû,cje>qui<br />

paroit/inconcevable. Ce Cavajiqr qui aura renverfê j^ût-être%4p&r<br />

fon impétijofité, deux ou trois Piquiers du premier,raiig|,/^liutant<br />

de Moufquetaires du fécond, tâchera de fe faire jour avec fon Epèa<br />

Maiôite Soldat ne peut plus reculai"j?il n'y a nulle part du vuide; le<br />

Cheval fè trouvpra arrêté, comme centre un mur: &,un feitl coup<br />

de Fufil, bu àp Baïonnette, de ce^fc qu'il a en sête, & fur fes côtes,<br />

eft capable de jetter & le Qieval & le Cavalier par terre. ' J^es Troifc<br />

pes qui le fuivent auront beau ferrer. Outre


I 92 SUPPLEMENT A L'HISTOIRE <strong>DE</strong> <strong>POLYBE</strong>.<br />

LETTRj.de cette Ordonnance? Non, il conduit feulement au remède, qui<br />

cft trop aifê & trop connu, pour que je l'indique. Je remarque en<br />

fécond lieu, que ce même Bataillon doit rompre tout Bataillon, qui<br />

ne fera pas armé comme lui, & qui ne combattra pas fur <strong>les</strong> mêmes<br />

H principes. Le pis qui pourroit arriver, ce feroit qu'il n'en eut pas<br />

tout à Fait fi bon marché, que de cette Cavalerie, avec laquelle vous<br />

l'avez vu aux prifes. 1<br />

11 n^y a, dans un certain fens, pour l'<strong>Infanterie</strong>, que deux manières<br />

de combattre dans un terrainlibre, l'une de loin, l'autre de près.<br />

Je n'entre point dans l'examen de ces deux manières, qui Tune &<br />

l'autre ont leurs Partifans, peut-être trop zélés. S'ils en vouloient<br />

Croire Montecuculiy ou le bon fens, ils feroient bientôt d'acord. La<br />

fin, dit-il, des armes offenfives eft d'attaquer l'ennemi, & de le battre<br />

inceflamment, depuis qu'on le découvre, jufqu'à ce qu'on Paît<br />

entièrement défait, & forcé d'abandonner la Campagne. A mefure<br />

fcu'on s'en approche, la tempête des coups doit redoubler, d'abord<br />

de loin, avec le canon, enfuite de plus près, avec le moufquet, &<br />

fuccelTivement avec <strong>les</strong> carabines, <strong>les</strong> piftolets, <strong>les</strong> lances, <strong>les</strong> piques,<br />

<strong>les</strong> épées, & par le choc même des Troupes. En ceci, pour palier<br />

ce qui regarde l'Artillerie & la Cavalerie, il ne peut y avoir pour l'Io»<br />

fanterie, que deux difficultés. La premiere qu'en fe fervant de fori<br />

feu,- de loin, elle court rMque, dans le tems quîl en faudra vente<br />

aux coups de main, de fe trouver en quelque defordre, &avec des<br />

Fufils chargés à la hâte, ou point chargés du tout, ce qui rend le<br />

Soldat timide. La féconde, que l'ordonnance de peu de front & de<br />

beaucoup de hauteur, ne fbuffre point cette manœuvre de Montecuculi\<br />

nonplus, & moins encore, que toute autre Ordonnance, qui<br />

oblige k tirer par rangs, quand elle feroit de beaucoup moindre en<br />

hauteur.<br />

Manière Je n'ai garde de méprifer ces difficultés. Je ne balancerois pasmêutSede^<br />

e ^ ^ onncr t0It ^ Motitecuculi, & au bon fens, fi je jtfétois bien<br />

la Colon- pè'rfuadé que l'une peut être levée par des Troupes flegmatiques, dit<br />

ne * aplinées, exercées & menées comme il faut, & l'autre par Art.<br />

Quoiqu'il en foit, ceci eft très-certain, premièrement que dans un<br />

terrain libre il dépend toujours de celui,à qui l'envie en prend, de<br />

combattre de loin, & de près, tout comme il le trouvé à propos.<br />

Secondement, que celui qui ne voudroît que combattre de loin, n'en<br />

èft jaAtais^îè maitre. Quant & ce dernier, fon Ennemi lui donne Tordre;<br />

s'iïîéfufe d'y obéît, il faut qu'il cede: s'il obéfc'JânS's'y être<br />

préparé, il eft maltraifcô^en un mot, d'une manière ou d'autre * Ä<br />

eft puni, fbit pour caufe de déiobéiifance, fbit pour caufe d'imprudence;<br />

& il le ) mferite.# ' A<br />

Cet


SENTÏMENS D'UN HOMME <strong>DE</strong> GUERRE. 93<br />

Cet ordre étant donc une fois donné parce Bataillon que nos avons Urnui.<br />

en main, à un autre Bataillon en ordonnance ordinaire, chacun armé,<br />

& combattant à fà manière, voions comment ce dernier s'en acquitera.<br />

S'il fuit <strong>les</strong> maximes <strong>les</strong> plus reçues, il marchera, fi c'eft lui<br />

qui attaque, d'un pas grave, le fufil fur l'épaule, & faifant tous fès<br />

efforts pour marcher dans un front égal. À cinquante pas de l'ennemi<br />

, ou environ, il fera halte, s'il veut faire ufage de fon feu. Sir<br />

non il doublera le pas, dans le meilleur ordre, qu'il lui fera poflible,<br />

pour en venir ainfi aux coups de main. L'autre l'attend de pied ferme,<br />

& dès que fön ennemi fait halte, ou qu'il commence à doubler<br />

le pas, s'ébranle, part, & lui tombe brufquement fur le corpp, Kien<br />

ne peut l'en empêcher. Le feu feroit te feul Qbftacle, s'il étoit affez<br />

puiflant. Mais qui ne voit que ce Bataillon, étant réduit au tiers du<br />

front ordinaire d'un Bataillon, rend par la même inuti<strong>les</strong> <strong>les</strong> deux<br />

tiers du feu du Bataillon qui lui éft oppofé, parce-que ce feu, étant<br />

par rangs,' ne peut être tiré qu'en ligne perpendiculaire fur le front,<br />

enforte qu'il n'y refte que le tiers qui eft autant que rien? Ce n'eft pas<br />

tout. Le Soldat étonné de l'intrépidité avec laquelle fon ennemi lui<br />

vient au devant, fe trouble, ajufte mal fon coup & tire pour la plupart<br />

en l'air. Le feu auquel il avoit mis fà principale confiance, n'arrête<br />

pas fon ennemi, & qui pis eft, il n'eft plus tems de recharger. M<br />

La Baïonnette, qui lui refte, ne fauroit; le r^ffurer, le trouble augmente,<br />

il fait volte face, & quitte ainfi la partie. S'il en arrive au-r<br />

trement, c'eft chofe rare, & peut-être même hors d'exemple.<br />

Si ce Bataillon eft obligé de fe tenir fur la défenfive, il attendra à<br />

fon tour l'ennemi de pied ferme, juiqu'à la même diftance de cinquante<br />

pas; il fera feu; l'ennemi doublera le pas; la faite en fera de<br />

même. Et fi dans l'un ou l'autre cas, fans faire ufàge de fon feu, il<br />

va à ta rencontre, d'une manière ou d'autre, il en faudra venyr aux<br />

armes blanches, ou pour Péviter, s'en retourner fur fès pas. 11 femble<br />

que ce dernier parti feroit le plus fur. Car vouloir mefurer fès Baïonnettes<br />

avec <strong>les</strong> Piques qu'il trouve d'abord, c'eft vouloir, en longueur,<br />

<strong>dont</strong> il dépend d'atteindre, tomber trop court de près de quatre<br />

pieds, & en force, d'où il dépend de renverfer, de plus de la<br />

moitié. Ajoutez que ces fortes de Piques fe manient infiniment mieux<br />

que la Baïonnette au bout du fufil. D'un autre côté, s'efforcer avec<br />

trois, quatre, ou cinq rangs de Baïonnettes, d'en rompre quinze,<br />

par le(quels ces Piques font foutenuës, c'eft vouloir fe cafler la tête<br />

contre la muraille. La valeur, q\é trouve des reffources &qui donne<br />

fouvent des forces,; lkoùiln'y en a pas, fuppléera peut-être atout.<br />

Mais dans ce cas-ci, non feulement l'ennemi ne cede déjà en rien* mais<br />

'encore la valeur de l'un eft une valeur inconfidérée, fiijette à chan*-<br />

Tome FIL O celler,


I 94 SUPPLEMENT A L'HISTOIRE <strong>DE</strong> <strong>POLYBE</strong>.<br />

itan. I. celler, & celle de l'autre eft une valeur Aifonnée, foutenüe par le bon I<br />

B fens. ÎOC ti K r B<br />

Il n'y a donc riôn k faire pour ce Bataillon au Front. Voions Gen<br />

Itèpliant avec <strong>les</strong> deux tiers par tfrfljj déborde celui de Pennemi il en I<br />

I fera de même des Flancs^ Je croiü tgu'qnift? Quoi ! dira quelqu'un, I<br />

dès qu'il ft mettra en detoir de tombeiifiiD<strong>les</strong>.Elîinçsd^Batailloiiça-'<br />

itëmi,cdi&ci ne fer^tfttjfaâ obligé de s'arrêter tqat court,& défaire H<br />

front paMttanfchèb'ypfur fès flanici? Par là.ces ipêmes manches ne pre- I<br />

têto&t^tes ^äöleraöiü m tieps du Batailla* :qui leur -sft oppofé au I<br />

front ? Et ce tiers eti a'arrêtantà une diftancexonveûable , ne peufryfl I<br />

pas fe rëfufer, tandis que <strong>les</strong> deux'autres tiers qui débordent avancent I<br />

bru%îêritènt, & replient?? Ott bien, fi pour y .remédier , le Bataillon 1<br />

èfîrieSftiî obferve avec trois ^quatre, ou cinq rangs de la tête, ce qqj lui H<br />

eft i^pofé de ce côté ttf} -ces Rjartgs , ne tomberDn&ils pas dans le mê- B<br />

me inodnvettieht, qui eft de prêter* te flanc, à proportion de leur hau- B<br />

teur, aux deux tiers qui replient fur eux} Que-faufcil d'avantage pouj il<br />

fe faire battre ?<br />

Je conviens, que poâp fe faire battre, il n'y »axien de plus fur que B<br />

de prête^fc flanc, qui naturellement eft fans aucune déferiife. Mais B<br />

je remarque ! qüe le Bataillon ennemi étant entrelaffé dans une ligipse> B<br />

& n'en partant qu'à cinquante pas du Bataillon qui lui eft oppofé, il<br />

ne fourbit être arrêté, ni obligé de faire front funics flancs* que par B<br />

donféqtidrit il ne fâuroit êtrô»fofèê à prêter le flanc à ce Bataillon op- .]<br />

pofé^ & cela par cette feule raifon, qu'il n'eft pas pofftble que celui- B<br />

ci féfëplie par jfès deux ïiefs} fans* qtâl' ne prête lui-même, par là, B<br />

le flanc aux Bataillone, que l'autre a fur fa droite & fur fa gauche, 8<br />

lefquels tombant fin' lui, quand ce ne feroit que par leurs Grenadiers, a<br />

ne pourroieirc jamâfe mâhquer-d'en rendre bon compte, jjl eft vrai<br />

qu'il n'en'feWwtëas de même/fen cas que ceBataiilçn.fetrouvancfçul, I<br />

c'eft à dire5 fans Bataillon fur la droite & funia gauche, n'y pourvût»<br />

point par lrii-ftiême, par uïi corps équivalent. Mais qui ne voit que<br />

rien ne lui doit être pius aifé, & s'ilyî manque, qu'il n'y va que de<br />

fl fa propre faute ?<br />

1 Quoi," taie direfc'Vousl Cette Gavalörie & cette <strong>Infanterie</strong> que vous<br />

venez d'oppofer k un Bataillon, qui ne fait quîune fe&ion de-la Colonne,<br />

n r y trouve nulle prifëVCe Bataillon eftudonc invincible, &<br />

piar conféquent la Colonne l'eft aufli. > «Nom fans douter Mais pour<br />

en venir à bout, je crois qu'on fera obligé de s'y prendre, coftime le<br />

fameux Prince de Condé s'y prit, à la Batiûltexle Rocroy* où jhe pou*<br />

vant, avec fa Cavallerite^kâorieufè, tirer aucune raifon de ce fameux<br />

corps d'<strong>Infanterie</strong> Efpagnofo qui faifoifcfront partout à* ü lui oppofade<br />

plus fon <strong>Infanterie</strong>. Ces deux Armes étant) jointes, enfemble, firent<br />

fonger


SENTiMENS D'UN HOMME <strong>DE</strong> GUERRE. ; $>j<br />

longer à une Capitulation, honorable, ce brave Corjps, qui malheu^LEmuL<br />

reufement s'enterra, dans cette occafion, avec cette haute réputation<br />

que l'<strong>Infanterie</strong> Efpagnole s'étoit acquife depuis- Iqngtemsy & qu'elle<br />

s'étoit toujours confervée. Il l'aurait obtenue de list genefofité de ce<br />

Prince, cette Capitulation, fails le hazard, qui s'y oppofa. Aulli<br />

n'y avoit-il pour ce Corps, quelque bien armé & diff>ofé qu'il pût ètre,<br />

quecefeul parti à prendre, pour fè .tirer heureufëment d'affaire.<br />

A la vérité, d'infanterie à Cavalerie, il s'étoit.trouvéfuperieur enaDmes.<br />

D'<strong>Infanterie</strong> \ <strong>Infanterie</strong>piil aurpit pu fe trouver égal. Mais<br />

d'<strong>Infanterie</strong> à Cavalerie & <strong>Infanterie</strong>, jointes enfemble, il jugeoit bien<br />

qu'il ne pouvait que fè trouver.inférieur. Car fi l'Epée dela^ Cavalerie<br />

& fès autres, armes n'avoient pas été capab<strong>les</strong> de faire ouverture<br />

dans ce Corps, pour le rompre3 <strong>les</strong> rMoufijuets de l'<strong>Infanterie</strong> l'étoient.<br />

Ne feignons pas. La Colonne entière, ou une de fesfeâions,<br />

fe trouvant dans la néceiïité de combattre à la fois, & la Cavalerie*<br />

& l'<strong>Infanterie</strong>, agifrantes de coricçrt, elle ne fe tireroitpas mieuXfd'affaire,<br />

que ne fit ce Corps Efpagnol.rC'eft bien affezquede feul àfeuk<br />

elle puifle aveo raifon fe:vanter de quelque chofe.<br />

Mais qu'avons-nous à faire de tous ces changemens, & dans <strong>les</strong><br />

armes, & dans <strong>les</strong> manières de combattre del'Inrariterieîi'N'eib-ilpas<br />

vraitf que pendant <strong>les</strong> deux dernières Guerres, lai Cavalerie, de juçt<br />

& d'autre, a euconftamment, pour l'<strong>Infanterie</strong>, tous lésnégards,<br />

qu'on aurait pu fouhaiter, même après: qu'elle aroit entièrement! abandonné<br />

la Pique? Et <strong>les</strong> affaires entre l'<strong>Infanterie</strong> n'ont-el<strong>les</strong> pas été<br />

décidées ordinairement ipartiQ par la bonne contenance, partie par<br />

Je feu, & jamais par Jesiarmes blandiesifu I<br />

Jel'avoiie. Jetferois meine d'avis, ii de part & d'autre on vouloit<br />

fe donner fa parole d'honneur de n'agir jaihais äutreihent'qu'on m'a fait<br />

depuis quarante cinq ans, que chacun s'en tinta fes maximes, qui<br />

nous paroiflent toutes excellentefipifons fè charger J'elpritn de rien autre,<br />

fi ce n'eft de quelques bagatel<strong>les</strong>, pour briller à fà façon &.divertir<br />

en mênVe temp<strong>les</strong> ipeaateursalSA quoiiion ut«^jiouve'iIl^»ro|ute?<br />

{{^•vieille n'eft-ßHe pas infiniment plus commode ?


96 SUPPLEMENT A L'HISTOIRE <strong>DE</strong> <strong>POLYBE</strong>.<br />

i .-Ai- ii lu Cavalerie* ce qui demande à chaque inftant une difpofïtion<br />

Sente^ifdeplacement de cette arme, à quoi ce« différentes dif-<br />

«ofitions nous obligent, n'eft-il pas trop incommode, & même im-<br />

Ä l e f Par coffêquent la Pique n'eft-elle pas très-nu» & tout<br />

à fait inutile, & ne doit-on pas trier la même conchjüon de la Colonne,<br />

tandis que l'<strong>Infanterie</strong> fe trouvera dans la néceffité d agir principalement<br />

par fon feu, &Par conféquent fur un grand front, quecette<br />

ordonnance lui ôter .<br />

A cela il n'y aurait pas le petit mot a dire, & la conséquence feroit<br />

jufte, fi d'un côté on pouvoit êtrefûr que la Cavalerie refpeétat<br />

toujours de même le feu & la Baïonnette de l'<strong>Infanterie</strong>, & qu il ne<br />

prit jamais envie à l'<strong>Infanterie</strong> de décider un jour eur querelle, & par<br />

le feu & par<strong>les</strong> armes blanches, & de l'autre s'il étoïc impoffib ede<br />

lever fuffifamment <strong>les</strong> difficultés, que la routine qui parle vient dallézuer<br />

fur la Pique, & fur Ja perte de cette grande étendue d un Bataillon<br />

en front. Quant au premier, le bon fens nous dicte que lacno*<br />

fe eft des plus incertaines. Quant au fécond, l'Auteur fait voir quelle<br />

eft très-poffible. Pour cet effet, il feiert de la liberté que tout le monde<br />

a H retranche de la Pique ce qu'elle peut avoir de trop en longueur,<br />

& en nombre; Par là il remédie déjà à ce qu'elle peut avoir dembaraffant<br />

& de nuifiblei^La place qu'illui deftme^eft fort bien choiùe,<br />

& il s'en fert fort à propos. Ses raifons font juftes quant a la longueur,<br />

fcl<strong>les</strong> pourront l'être auffi quant au nombre, & c'eft à quoi un deTes<br />

amis, qui a plus de loifir que lui, travaille actuellement. Peut-être<br />

travaille-t-il auffi fur fon déplacement, felon <strong>les</strong> diverfes occurrences,<br />

qui doit néceflairementfuivredefon arrangement primitif. Amli A<br />

ne réitérait pourlors d'autre difficulté à lever, que la grande diminution<br />

du front d'un Bataillon. Mais en cela, il y a heu, felon moi,<br />

d'efperer, qu'on ne trouvera pas tant de difficulté,' que bien des gens,<br />

qui peut-être ne s'en font jamais donné la peine, pourroient fe l'ima-<br />

Avanta- ^fene fais fi ces remarques ne faffifent pas, pour nousfaire juger des<br />

« es , de la avantage«, qu?on pourrait tirer d'une <strong>Infanterie</strong>, formée à tous égards<br />

C -fur le modele de ce Bataillon, qui fait notre fujet. En voici au moins<br />

quelques-unsYqui, felon moi, fe préfentent naturellement, & <strong>dont</strong><br />

le premier pourra fervir de fondement aux autres Cet avantage eft<br />

que ce Bataillon étant impenetrable à la Cavalerie, & en même tems<br />

en état de rompre tout autre Bataillon, qui ne fera pas armé comme<br />

; haï, & qui ne combattra pas fur <strong>les</strong> mêmes principes, qu'un tel Bataillon<br />

eft donc en état de pafler par tout, foit plaine, fofc*païs «> ur -<br />

ré. Si c'eft plaine, il n'a qu'à marcher fur la Cavalerie, qu'il trouve<br />

fur fon chemin. Couvert de fes armes de longueur, fon feu fer vi avec<br />

ma-


SENTIMENS D'UN HOMME <strong>DE</strong> GUERRE. p?<br />

modération & à propos,, ell feul capable de récarter. Si l'<strong>Infanterie</strong>LITT**<br />

y tient ferme, il ne faut que la joindre pour la rompra Si c'eft Paît<br />

fourré, où l'<strong>Infanterie</strong> ennemie, fe fervant de fes avantages^ fe couvre<br />

d'une haie, ou autre chofe fèmblable, pourvu qu'elle foit acceifible,<br />

il ne s'agit que d'avancer à grands pas, à quoi l'ordonnance de<br />

ce Bataillon femble être faite exprès ; Après avoir effuié une feule dé«charge,<br />

<strong>dont</strong> il n'y a qu'une petite partie qui puHTe faire du mal, obligeant<br />

ainfi l'ennemi à quitter fon pofte, il le franchira aufli-tôt, &<br />

tombera brufquement fur tout ce qui tient ferme. S'il Vagit d'une re+<br />

branchement, en prennant quelques précautions de plus, il n'y a<br />

qu'à agir fur ces mêmes principes pour atteindre au même but<br />

Malgré le refpeét, que la Cavalerie de nos jours a marqué pour le<br />

feu, la Pique ou la Baïonnette de l'<strong>Infanterie</strong>, comme cette dernière<br />

combattoit toujours fur un grand front, & fur peu de hauteur, incommode<br />

dans <strong>les</strong> mouvemens, facile à rompre, & jamais fuffifàmment<br />

couverte, on n'a pas laiffé de tenir conftammentpour Maxime, y-w'V<br />

qu'une Armée de beaucoup inférieure en Cavalerie, bien que fbperieure<br />

en infanterie, doit éviter <strong>les</strong> plaines, & qu'ainfi, pour remédier<br />

à cet inconvénient, il faut tâcher d'avoir* non feulement une<br />

bonne Cavalerie, mais de l'avoir, fur tout, égale, fi ce n'eit pas filpérieure,<br />

à celle de l'ennemi. De là cette attention de préférence<br />

fur cette arme, la grande quantité qu'on en a voulu» avoir* & <strong>les</strong> dépenfes<br />

exceflives, tant pour fà levée, q-ue pour fon entretien. De<br />

là cette grande confbmption de fourrage, qui faute de Magazins fuffifans,<br />

décide du fuccès de toute une Campagne, & fouvent de toute<br />

une Guerre. De là la néceffité de décamper, faute de fubfiftance,<br />

en quittant un pofte important. De là l'impuilTance d'entreprendre<br />

un fiége, d'en tenter la levée, de fournir amplement <strong>les</strong> places<br />

attaquées ou menacées» & d'attaquer ou de fou tenir un pofte d'un<br />

Fais fourré, ou d'un Retranchement> faute d'une nombreufe <strong>Infanterie</strong>.<br />

Vouleft-vous remédier à tout cela? Voulez-vous ne pas être,obligé Affeaade<br />

vous cacher dans des Païs fourrés, ou derrière des Retranche* ti e on u d f aJ><br />

mens? Voulez-vous avec confiance vous produire en rafè Campagne ? d'avoir<br />

Aiez de cette <strong>Infanterie</strong> qw pafle par topt. Aiez &r elle cette atten- beau -<br />

tion de préférence. Diminuez le nombre exceffif de cette Cavalerie cavaiequ'on<br />

a vu paroître. Fixez-le hardiment à la moitié. Quand ce fe-"«roit<br />

moins encore, vous en auriez fiiffifamment pour votre ufàge.<br />

Vous trouverez par là le moien d'augmenter confideraWemeni votre<br />

<strong>Infanterie</strong> & le nombre de vos Combattans, fans qu'il vous en coûte<br />

d'avantage. Deux Efcadrons de moins, faifànt enfemble trois cens<br />

Combattans, qui ne peuvent vous fer vir que dans de certaines occafions,<br />

O- 3 vous


S>8 SUPPLEMENTÄ r L?HISTOIREe<strong>DE</strong> PÖUYBE.<br />

LETTJULvous donneront.un Batàillbn de fia kens Combattant, qui pourront<br />

trous Jecvfc partout i Cette diminution de votre Cavalerie voi* épargnerai<br />

fimimeîconiîdérabîes, bien des peines, & un tems infini,<br />

4jtfitfaut pouU rétabliffement de vos Magazins, à t^nturôe de la CampagneiEf'Eflb<br />

vous donnera la facilité de prévenir l'erfciemi, & de<br />

jrôusTaifir d?un pofte, <strong>dont</strong> le fuccès de la Campagne dépendra. Par<br />

làwkis ferez, en 'état durapfcle cours de la Campagne, d'obliger l'ennemï^-inanqufcde<br />

fourrage, à décamper le premier, chofe <strong>dont</strong> vous<br />

pouvez tifer fouvdtit de très^grands avantages, tant pour là défeniive<br />

guéipéurcPoflfenfive- ^11 y a plusj Cette augmentation de votre <strong>Infanterie</strong>'vous<br />

rendante'confidérablement Supérieur en lnfariterieav#<br />

ttaennemi, vous mettra en étaG d'entreprendre plus facilement des<br />

fieges: jtd'en tenter 'la Jevée, de fournir amplement vos places attaquées<br />

ou menabées, de conferver fûrement vos poftes,& de faire ^quitter<br />

facilement à l'ennemi ceux qu'il occupe. I<br />

t-;iEn ceci il nd'peut y avoir'Qu'une feule difficultés rC'eft que vous<br />

trouvant fi fort inférieur en Cavalerie à votre enneitiiy vous ne puifflezpasivous<br />

melurer avec lui^de Cavalerie à Cavalerie, dans une action<br />

générale., de rafe Campagne. Cette arme étant «fort rapide dans<br />

fes mQuvemens, A .lui feroit toujours affei facile, d'une manière ou<br />

dfoutre, de vous accabler quelque part, par le grahd nombre, quand<br />

«lêmé il ne vous débo&teroit pas fat <strong>les</strong> Ai<strong>les</strong>. Cette difficulté eft<br />

d'autant plus grande, qu'il eft certain y}que <strong>les</strong> Ai<strong>les</strong> d'une Armée étant<br />

battues,le Corp« de Bataille ne trouve ordinairement d'autrereffource<br />

que-dans ïa retraite. Mais pour*lever cette difficulté, il ne<br />

faudra qu'aVotr un peu recours au bon fens qui 1 di&e naturellement,<br />

quedi une arme eft trop Foible en-nombre ou en force , : 31 faut y fupplèer<br />

parWme autre, au moins jttfqu'à l'égalité. Je ne crois pas qu'en<br />

cela ikpuiffe y avoir rien qui vous embaraffe. L'ennemi, par exemple^<br />

a deux cens Efcadrons, & vous n'en avez 1 que cent. Mais ces<br />

cent Efcadrons de moins vous donnent cinquante Bataillons de plus.<br />

Hé bien! Joigne*'-cinquante Bataillons aii^«eétit'Efcadrons, &<br />

difpofez-<strong>les</strong> de telle manieire qu'il» puiffent agir de côrïtert, & fe prêter<br />

la main'lîttn à l'autre. i iPar là, vous ferez fur vos ai<strong>les</strong> nonfeulement<br />

fupérieur, en:


SENTIMENS DTJN HOMMR<strong>DE</strong> GUERRE. pp<br />

fez pour reveillbr ^attention des Partifims trop zélés du Syftême dVut-LBtn.1.<br />

jmwimU D'ailleurs^ oe s'agit pas de lé^renverfer, il^g?icfeuléi d H' lBîU<br />

ment de le corriger, eûcequïfc y peut avèîr'dè défeéhieux. CeluiœmWcn<br />

qui fe trouveàla tê^e 'd'un BätaiÜota,difconviendra*&il par exemple,dangeque<br />

la grande étendue en front, & par conféquent, le peudé hai*- reue *<br />

teur, à quoi fon Syftême l'oblige, ne foit une dilpofition des plus incommodes<br />

& des plus dangereufes? 11 n'a qu'à marcher à l'Ennemi<br />

dans telle plaine que ce (bit, il verra la difficulté qu'il f a à marier<br />

bien avant dans un front égal, foit à:l'égard^de fon propfô Bataillon,<br />

foit à l'égard de ceux atfec qui il fait ligne: A peine, en mafdïàôt<br />

d'un pas trèsJent, &de$ plus graves, y parviendra-t>iku ">En attendapt,<br />

il n'a gperes avancé, & il donne le tems à Péxinémi de fairö<br />

plufieurs décharges, à quoi fon grand front eft môrveilleiifèment en<br />

bute. De plus, corn me »il faut le joindre tôt ou tard, l'impatience<br />

s'en mêle, le Soldat double te pa^i ils courent <strong>les</strong> uns plu&^îce que<br />

<strong>les</strong> autres,le Bataillon fe trouve lïïrement en defordre lorfqu'iîen faut<br />

tenir aux coups de main. S'il en eft ainfi en plaine, qui fèra«ce en<br />

païs fourré, qa'un defordre continuel? 11 n'y a donc rien de fi aifé à<br />

l'ennemi, pour peu qu'il foit avifé, quo-d'en profiter, au nioindre<br />

obftacle, à une haye, par exemple, qu'un tel Bataillon trouve fur<br />

fon chemin.<br />

Difconviendrait-il encore de la foiblefle de lbn Ordonnance, Air fi<br />

peu de hauteur, Ordonnance plus foible encore, dès ; qu'elle n'eftappuiée<br />

queTur la Baïonnette, lui qui fè trouve obligé, tttëïlgré qu'il en<br />

ait, d'en venir aux coups de main, dès que fon ennemi ttfouve à propos<br />

de s'abandonner für Jui Pique baiffée? Pourra-t-il fè'fier raisonnablement<br />

à fon Bataillon Quarré, fur fi peu de hauteur, à centre vuide,<br />

aiant pour feule arme de longueur la Baïonnette, <strong>les</strong> ang<strong>les</strong> b$<br />

verts, abandonnés imprudemment à la merci de l'ennemi, dès qu'en<br />

firivant la modeii la fantaifie lai prend de retirer ce qui tes couvre, &<br />

qui fëul lèroit capable de remédier en quelque manière à ce défaut,lui<br />

qui ne peut jamais être fur de ne pas manquer de tems, pouffe met-'<br />

tre dans cette ordonnance, ni de ne pas trouver une Cavalerie aflez<br />

vigoureufe poui; ofer l'attaquer, & qui en-tout cas, àved toute fa fermeté,<br />

& làpréfenced'efprit, <strong>dont</strong> il a fi fôit befoin, ne fauroits'en<br />

promettre pour tout; avantage qu'une Retraite honorable? 3, Ne doit-il<br />

pas convenir au moins du rifque auquel fon Syftême le met à tous ces<br />

égards, & cela feul ne mé'rit&t-âl pas qu'il fonge au remède?<br />

D'accobd, dirak-on* Mais le remède que le Chevalier de Folard^^<br />

propofe, dans la diminution du front ordinaire d'un Bataillon* dans contre le<br />

l'augmentation de fà hauteur, & dans la Pique, ne fèroit-ci P^^cMe<br />

un de ces remèdes, qui güeriffant d'un mal, en donnent un autre?Foferd.<br />

N'eft


ioo 1 SUPPLEMENT A UHISTOIRÊ <strong>DE</strong> <strong>POLYBE</strong>.<br />

UTT».i.N , eft-ce pas le mettre prefque hors d'état de fè fervir «de fon feu ? Car<br />

s'il n'y a rien de plus avantageux pour le feu que le grand front ; &<br />

le peu de hauteur, il ne doit y avoir rien de plus nuilible que le peu<br />

de front, & la grande hauteur. Et s'il eft vrai que <strong>les</strong>.differentes armes<br />

d'un Bataillon doivent être foutenués, <strong>les</strong> unes par <strong>les</strong> autres, la<br />

pique elle-même ne doit-elle pas l'être par le feu? Y a-t-il donc.un<br />

tems auquel on pourroit n'en avoir pas belbin ?<br />

Te conviens qu'un Bataillon, formé en ordonnancetriplée, «juadruplée,<br />

ou quintuplée, luivant la méthode du Chevalier de Folard^<br />

& couvert des armes de longueur, tant qu'il fera en mouvement, eft<br />

abfolument incapable de fe fervir de fon feu, parce qu'il ne peut que<br />

tirer par rangs, & que pour tirer par rangs, il faut qu'il s'arrête, ai<br />

;.-! me&re qu'il veut tirer.<br />

Je conviens encore que tant qu'il agira de pied ferme, il ne peut<br />

pas lui revenir un grand avantage de fon feu, ni fiir de l'<strong>Infanterie</strong>,<br />

qui agira fur un .grand front, ni fur de la Cavalerie, qui laiffant lk<br />

<strong>les</strong> faces, s'attachera uniquement aux ang<strong>les</strong>. La raifon en eft qu'il<br />

ne peut tirer qu'en ligne perpendiculaire fur fon front, qui étant déjà<br />

fort petit, ne fauroit toucher que ce qui lui eft directement oppofé en<br />

ce fens» Une autre raifo% c^eft que fon feu étant par rangs, & rarement<br />

un feu d'ordre, ne peut pas l'être ici, à caufe de l'éloignejnent<br />

des Officiers diftribués prefque tous au front & à la queue, de<br />

forte qu'il ne peut y en avoir allez aux rangs pour <strong>les</strong> gouverner, choie,<br />

qui ièroit pourtant néceiTaire pour <strong>les</strong> faire tirer à.propos & en bon<br />

ordre. Vouloir que le Commandant du Bataillon*y fupplée, foit en<br />

fe fervant de fa voix, ou du Tambour, ou bien de quelque autre inftrument<br />

équivalent, c'eft ce qui paroit inconcevable dans TAétion.<br />

A la bonne heure., fi vous voulez* qu'il puifle le faire, à l'égard de la<br />

manœuvre en général d'un Bataillon. Mais il ne fauroit fe multiplier<br />

autant qu'il faudroit à l'égard de la manœuvre en particulier de «ces<br />

différentes parties. Car enfin quand le Commandant pourroit fe faire<br />

entendre par tout, il ne fauroit s'expliquer fur tout, il ne peut pas<br />

tout voir, il lui eft impoffible par confêquent de remédier, ou de fuffire<br />

à tout. Le Bataillon eft comme une machine, qu'un feul Jiomme<br />

peut bien mettre en mouvement, ou faire arrêter, mais qui dans<br />

ladite agit par fes reflbrts, fur <strong>les</strong> différentes parties <strong>dont</strong> .elle eft<br />

coppofée^ ; ià<br />

Je conviens de plus que le Bataillon étant formé dans quelqu'une de<br />

ces Ordonnances, fuivant la méthode de Monfieur de Folard,e& hors<br />

d'état de fe fervir de fon feu, non feulement pendant le cours du Combat,<br />

mais encore à l'entrée du Combat. J'en conviens, dis-je, parafe<br />

que pour s'y former, fuivant cette méthode 3 il faut qu'il foit de<br />

pied


SENT1MENS D'UN HOMME <strong>DE</strong> GUERRE. ÏOI<br />

pied ferme, qu'il y mette beaucoup de tems, & par conféquent qu'ilLITTR.I.<br />

fe trouve tout à fait hors de Ja portée de l'ennemi. Que le Bataillon<br />

pour s'y former doive être de pied ferme, c'eft que pour tripler, qua* I<br />

drupler,ou quintupler <strong>les</strong> fi<strong>les</strong> ,1a premiere Di vif ion de la droite, dans<br />

laquelle <strong>les</strong> autres doivent s'enchafler, ne peut pas bouger, que cela<br />

ne foit fait. Que cela prenne beaucoup de tems, c'eft que <strong>les</strong> Divifions<br />

de la gauche, avant de pouvoir fe mettre en marche, e'n ont<br />

encore befoin pour que chaque file fe puifTe ouvrir,Tune après l'autre»<br />

au moins d'un pas, de celle qui la précède. Une autre raifbn, c'eft<br />

qu'il faut que <strong>les</strong> Piques quittent, avant ou après ce mouvement des<br />

Moufquetaires, le lieu ordinaire qu'el<strong>les</strong> occupent, qui fera apparemment<br />

le centre, qu'enfuite el<strong>les</strong> fe placent, partie à la tête, partie à<br />

la queue, partie aux flancs, <strong>les</strong> unes en ordre de rang, <strong>les</strong> autres en<br />

ordre de file, & qu'après cela, <strong>les</strong> fi<strong>les</strong> foientdrefTées, & <strong>les</strong> divifions<br />

faites, fur tout le front, afin que <strong>les</strong> fi<strong>les</strong>, faifant front fur <strong>les</strong> flancs,<br />

pijiflent au même inflant, fe trouver en ordre de rangs, & que <strong>les</strong><br />

divifions puiflent en qualité de divifions agir à point nommé, & en<br />

bon ordre. Par conféquent, que le Bataillon doive fè trouver tout à<br />

fait hors de la portée de l'ennemi, c'eft qu'autrement il courroit grand<br />

rifque d'être interrompu dans ces mouvemens, par une attaque vive<br />

& foudaine; &'par là, d'être mis en defordre, & facilement défait.<br />

• On trouve ces embarras, non feulement à former le Bataillon dans<br />

quelqu'une de ces ordonnances,mais même à en changer quelqu'une,<br />

félon <strong>les</strong> dîverfes circonftances dans lefquel<strong>les</strong> le Bataillon pourroit fe<br />

trouver. Pour changer quelqu'une de ces ordonnances, par exemple,<br />

l'ordonnance triplée en ordonnance quadruplée, l'ordonnance quadruple<br />

en ordonnance triplée, & ainfi du refle, il faudra que premièrement<br />

le Bataillon foit remis tout à fait dans fon ordonnance ordinaire.<br />

Car il feroit inutile d'avoir, pour cet effet, recours aux<br />

Divifions faites fur le front de ces ordonnances , à moins qu'il<br />

n'y eût en même tems des Divifions faites für leur hauteur. D'ailleurs<br />

ces fortes d'Evolutions, qui roulent fur des divifionsfemblab<strong>les</strong>,<br />

lors que <strong>les</strong> rangs & fi<strong>les</strong> font ferrés, font trop compofées, outre qu'el<strong>les</strong><br />

dérangent trop <strong>les</strong> parties de l'ordonnance primitive d'un Bataillon.<br />

Ainfi fuivant la méthode du Chevalier de Folard, fi le Bataillon<br />

veut fe former'dans quelqu'une de ces ordonnances, il eft G«<br />

bligé non feulement de le faire avant qu'il fe trouve à portée de l'ennemi<br />

â mais encore d'y refier conftamment, dès qu'il s'y fera formé,<br />

depuis l'entrée jufqu'à la fin de l'Adtion. Car on auroit tort de compter<br />

fur.telle diminution ou augmentation du front, ou de la.hauteur<br />

d'un Batailipn, quife fait en défilant, ou en fe remettant, par Divifions,<br />

pendant le cours du combat.<br />

\ »<br />

Jùmc VIL P Aiflfi


102 SUPPLEMENT A L'HISTOIRE <strong>DE</strong> <strong>POLYBE</strong>.<br />

LETT*, i. Ainfi il femble, que fi Monfieur de Folard proaire d'un côté au<br />

Bataillon tin moïen affuré de fe fervir utilement en certaines occafions,.de<br />

fes armes blanches, & de paffer par tout fens embarras &<br />

fens confufion, il l'empêche de l'autre d'emploier utilement fes armes<br />

à feu. Ce qu'il y a de pire, c'eft qu'il en agit ainfi dans des occafions,<br />

où il ne peut abfolument s'en paffer. Il femble ne pas pren*<br />

dre garde que5 dès l'entrée du Combat, fon premier rang, fur lequel<br />

il compte le plus, fera ruiné avant qu'il fe trouve à portée pour agir*<br />

& fera ruiné uniquement par le feu de fon ennemi, contre lequel il<br />

n'a rien à oppofer, qu'une refignation héroïque à fe voir de làng froid<br />

paffer par <strong>les</strong> armes. Cependant la cljpfe m© paroît inévitable. Dès<br />

que ce Bataillon agit défenfivement, l'ennemi n'a qu'àVarrêtçr à la<br />

diftance d'une centaine de pas, ou environ, & fe fervir d'un feu tant<br />

en droite ligne, que de biais, à quoi celui des Pelottons entre autres<br />

fait à merveille. Deux décharges tout au plus feront capab<strong>les</strong> de faire<br />

l'affaire. S'il agit offenfivement, il en doit être à peu près de même<br />

; parce que, dans l'un & dans l'autre cas, il ne doit pas partir de<br />

la ligne, qu'il ne fe trouve à vingt-cinq pas. Si c'eft dans le cours du<br />

combat, & qu'il ait rompu le Bataillon qui lui a été oppofé, de la<br />

premiere ligne de l'ennemi, il faut bien qu'il s'arrête, quand ce ne<br />

feroit que pour donner le tems au Bataillon de fa droite & de fe gauche,<br />

de fe trouver à portée, pour le foutenir. Or comme il n'y a<br />

pour lors rien qui empêche le Bataillon de la féconde ligne de l'ennemi<br />

de fe fervir de fon feu * comme a fait celui de la premiere, il court le<br />

même rifque qu'auparavant. H<br />

Qu'on Je conviens, dis-je, detout-cela. Mai« qu'en peut on conclure?<br />

nïïtteT Eft-ce donc que le Syftême de Monfieur de Folard ne vaut rien?<br />

aux de* Cela ne fe peut pas, parce que je cioi avoir fuffifamment démontré i<br />

n^eau c i v ^ on en P eut ^ rer ^ e g ran ds avantages, tant pour <strong>les</strong> grandes que<br />

Syftême. pour <strong>les</strong> petites parties de la guerre. . Tout ce qu'on en pourroit inférer<br />

raifonnablement, felon moi, ce feroit que la méthode que ce digne<br />

Officier propofe, pour former le Bataillon dans quelque ordonnance<br />

de Colonne, eft défèctueufe, en ce qu'elle ôte d'une main ce<br />

qu'elle donne de l'autre. J'avoue que ce feroit là un affez grand défaut,<br />

pour rebuter, & faire crier bien des gens, fur tout des gens<br />

pareffeux, indolens, prévenus, ou jaloux, s'il étoit abfolument impoflible<br />

d'y remédier. Mais qui eft-ce qui pourroit douter de cette<br />

pofllbilité? Quoi! Parce qu'une telle méthode ne fatisferoitpasàtout*<br />

s'enfuivroit-il de là, qu'il n'y en eût aucune dans la nature, capable<br />

d'y fatisfaire? La confequence feroit ni plus ni moins jufte, fi en pofant<br />

«Ju'un tel chemin, qui va à Paris, fût mauvais & incommode,<br />

on concluoit de là qu'il n'y aucun chemin pour y arriver commodément<br />

& à fon aife. Sok,


SENTIMENS D'UN HOMME <strong>DE</strong> GUERRE, 103<br />

Soit, dira-t-on. Mais comme vous ne prouve» tout au phis que la LETTIX<br />

polfibilité de trouver une méthode qui fatisfaffe à tout, la difficulté<br />

refte toujours, tant qu'on ne l'aura pas trouvée. Ceft ainfi quïu feroit<br />

inutile d'être perfuadé qu'un FÎifil, par exemple, peut tuer un<br />

homme, tant qu'on n'auröit pas trouvé une méthode coftvénable<br />

pour le manier. Quand même donc il fè pourrok qu'on eût trouvé<br />

tttte méthode qui làtisfait à tout, puifqu'auffi bien il n'eft pas impoffible<br />

de la trouver, on pourroic toujours raifonnablement demander,<br />

où eil donc cette méthode. I<br />

Je l'avoue, & j'ajoute même que celui qui voudroit pouflfer plus<br />

loin la preuve de l'excellence du Syftême du Chevalier de Folard^. fèroit<br />

obligé de la produire. Mais je ne fitche pas vous l'avoir promife.<br />

Vous penfèrez d'une telle retenue tout ce qu'il vous plaira, fans que<br />

je m'en offenfe, quand même vous l'attribueriez à mon infuffifànce. I!<br />

n'y a qu'une chofè à quoi je pourrois m'être engagé envers vous. Ceft<br />

de vous dire mon fentment, fiir une fèconde remarque que vous avez<br />

faite, qui eft fur le Mélange des différentes Armes a'une Armée.<br />

Mais je crois vous avoir déjà affez fatigué. Il eft jufte que vous vous<br />

reportiez un peu & moi auffi. Peut-être pourriez vous bien m'en tenir<br />

quitte. Je fuis.<br />

LETTRE SECON<strong>DE</strong>.<br />

Du Mélange des afférentes Armes d'une Armée.<br />

MONSIEUR,<br />

V Ous avoir dit dans ma premiere Lettre que le Mélange des dif- LETTRE<br />

férentes armes, c'eft-à-dire cette diftribution de la Cavalerie Ace^u'o»<br />

de l'<strong>Infanterie</strong> qui, <strong>les</strong> üniffant en quelque manière, <strong>les</strong> met à portée entend<br />

de fè fecourir l'une l'autre, procurerait de grands avantages fur tal^geta<br />

ennemi rangé à la manière ordinaire,quand même fa Cavalerie feroibdffflrenfupérieure<br />

en nombre, c'eft vous avoir feit aflefc entendre, que je re-JJJ^*"<br />

garde ce Mélange comme entièrement préférable à la feparation qu'on<br />

a coutume de faire de ces Armes. Sur ce pied là, combien aurez<br />

vous crié contre moi, à î ] Hérétique^. Mais par bonheur ces fortes d'Héréfies<br />

ne damnent pas. Tout ce qu'il y a, c'eft qu'el<strong>les</strong> influent fouvent<br />

fur le gain ou fur la perte d'une Bataille. Mais n'eft-ce pas la même<br />

chofe en tout cas d'être battu en agiffant fur ces principes Hérétiques,<br />

fi vous voulez,ou de fefairebattre,enfuivantla méthodeufitée?<br />

? z W


iot SUPPLEMENT A L'HISTOIRE <strong>DE</strong> <strong>POLYBE</strong>.<br />

LETTRE II ne s'agit donc pour moi, Monfieur, que de vous rendre compte<br />

lh de ma croiance Militaire. Peut-être cette expoGtion me fera-t-elle<br />

paffer pour mauvais joge devant certains Tribunaux qui s'attribuent<br />

le droit de révifion, & où <strong>les</strong> bonnes caufes fe perdent , tout comme<br />

<strong>les</strong> mauvaifes fe gagnent, fans qu'il y entre aucune malice, ni la moindre<br />

corruption. Encore eft-on trop heureux de n'en point trouver de<br />

pires. Mais du moins vous y verrez que je ne fuis pas tout à fait la<br />

duppe de Pair vénérable de l'antiquité» ni des chafmes féduifans de<br />

la nouveauté, & aufll que fai fu me garantir affez heureufement des<br />

impreffions, violentes que l'éducation & la coutume font toujours fur<br />

ceux qui s'y abandonnent entièrement. Voici mes raifons.<br />

Qu'une Je fuppofè. Premièrement, qu'une Armée pour bien faire ne fauroit<br />

bonne fe paffer de Cavalerie non plus que d'<strong>Infanterie</strong>. Contraire en ce point<br />

doitêtre à ce qui paroît être le fentiment de Monfieur le Chevalier de Folard,<br />

compofée je crois avec lui qu'il y a une grande différence entre <strong>les</strong> qualités &<br />

Annes UK l es forces naturel<strong>les</strong> de ces deux armes. Mais je n'en fuis pas moins.<br />

énfem- perfuadéqu'el<strong>les</strong> méritent une égale eftime. Secondement; Que la féblc<br />

* paration de ces deux armes dans la diftribution qu'on en fait, pour<br />

<strong>les</strong> Aflions de raze campagne, fuivant la méthode d'aujourd'hui, eft<br />

contraire aux règ<strong>les</strong> de la guerre & contre la droite raifon. Troifiemement;<br />

Que leur.Mélange, de la manière que je l'entens, y eft<br />

conforme. Et enfin, qu'autant que cette Separation eft defavantageufe,<br />

autant ce Mélange eft avantageux. Conforme au fentiment du<br />

Chevalier de Folard liir ces trois derniers artic<strong>les</strong> en général, je ne<br />

conviens pas pourtant de tous <strong>les</strong> avantages qu'il prétend tirer de ce<br />

Mélange, & moins encore, par le moien de la nouvelle Taélique<br />

qu'il propofe là-deffus.<br />

Preuves L'<strong>Infanterie</strong> eft la bafe & le foutien d'une Armée* Qui en doute *<br />

ceffitéVeJ 0 di s P^ us * ^ n 'y a point d'armée, là où il n'y a point d'<strong>Infanterie</strong>,<br />

la Cava- parce que la Cavalerie feule ne peut pas fuffire à tous <strong>les</strong> difFérens be<strong>les</strong><br />

l mar- s ^ ns - Mais en-eft-il autrement de l'<strong>Infanterie</strong> ? Remarquons feuleches&<br />

ment qu'il faut de néceflîté, qu'une armée campe, & que de tems en<br />

«mpe- s tems 5 e ^ e change de camp, même avant que d'en pouvoir venir à<br />

i$ens. fluelqu'a&ion générale, <strong>dont</strong> peut-être aucune ne fe préfentera pendant<br />

le cours de toute une campagne. Cependant le camp doit être<br />

affûré, & journellement pourvu de vivres, l'un par des gardes avaijcées,<br />

par des patrouil<strong>les</strong>, par des partis; l'autre à la faveur des efcortes.<br />

Enfin, foit qu'on campe, foit qu'on marche, l'ennemi doit être<br />

continuellement reconnu, & obfervé de près. Les marches doivent<br />

être couvertes,même en mafquant quelques fois un pofte de l'ennemi.<br />

Souvent el<strong>les</strong> doivent être précédées de gros détachemens pour fe faifîr<br />

ou pour s'affûrer des endroits par où il faut paffer. Ce font là autant


SENTIMENS D'UN HOMME <strong>DE</strong> GUERRE Xj^<br />

tant de circonftances où il faut fê régler fur la fitiialipivdu paï$;oùl' OH LET TaE<br />

Marche, de celui où Ton campe, & enfin de celui qui eft(J$nt;re Tar- .:'<br />

mée ennemie, & <strong>les</strong> places de communication, & ce pajs peut être,<br />

aufiibien pais de plaine quepaïs couvert, ou Pun & l'autre tout ensemble,<br />

jy g<br />

Or je ne vois pas qu'une armée tout à feit dépourvue de Cavalerie,,<br />

aiant en tête une autre armée qui en eft raisonnablement pourvuepuifle<br />

trouver dans fon <strong>Infanterie</strong>, une arme propre pour tous ces<br />

différens befoins. Gar quand même cette <strong>Infanterie</strong> formée fiir <strong>les</strong><br />

principes de Monfieur le Chevalier de FoIard> feroit en état de faire<br />

tête par tout à la Cavalerie : cpinme elle ne f^uroit avoir ni la même*<br />

vigueur, ni la même vîteiTe; continuellement haraffée, devancée^<br />

prévenue ,& bien lbuvent enveloppée, certainement, elle fe trouverait<br />

en défaut, dans une infinité d'endroits.<br />

Je veux qu'en plaine cette armée, pour éviter <strong>les</strong> fréquentes allarmes<br />

que la Cavalerie ennemie lui pourroit donner, fe renferme, à la<br />

Romaine, dans des camps retranchés* Ses gardes & patrou$é$ d'<strong>Infanterie</strong><br />

y pourront fuffire. Mais éternellement obfédée par <strong>les</strong> partis<br />

ennemis, elle ne fauroit être fiaffifamment informée de ce qui fe<br />

paffe au dehors. Si elle n'a pas l'imprudence de s'en rapporter entièrement<br />

k fes Efpions, <strong>les</strong> partis d'<strong>Infanterie</strong> qu'elle enverra pour prendre<br />

langue de l'ennemi, ou pour le reconnoitre, feront bientôt ou<br />

arrêtés,, où coupés, ou pris par la Cavalerie ennemie, qu'ils ne manqueront<br />

pas de trouver fur leur chemin. Le Général voudra-t-il voir<br />

par fes propres yeux, & aller reconnoitre en perfonne? Il courra le<br />

mêmerifque, & s'il échappe heureufement, avec fes partis, à ce dan- •<br />

ger, .ce fera par hazard ou par la négligence de l'ennemi. Mais quelle<br />

lenteur en tout ceci, là où la diligence eil fi nécefTaire! Le moienque<br />

<strong>les</strong> convois-, qui confiftent lbuvent dans une longue file de chariots,<br />

puiffent paffer en fureté <strong>les</strong> plaines ? Si, lors que la Cavalerie ennemie<br />

fe fait vok* le convoi continue fa jnarch$, cent chevaux feront<br />

capab<strong>les</strong> d'en détruire au moins une partie.


io6 SUPPLEMENT A L'HISTOIRE <strong>DE</strong> <strong>POLYBE</strong>.<br />

tETTAErtrée doit paffer? La Cavalerie ennemie s'y trouvera avant TOtre In-<br />

II; fëtttèrie, au moins au débouché. Et quand elle ne ferok autre chofe<br />

que d'obliger votre <strong>Infanterie</strong> à fe former en partie, elle donnera le<br />

tems à fon armée de fè poller quelque part avantageufement flr votre<br />

chemin; & par là elle vous mettra dans la néceiftté, ou de combattre<br />

avec défavantâge, ou de lui céder te nouveau camp, qui auroit<br />

fiant été ä votre bienféance. Enfin faut-il d'une manière ou d'autre<br />

ètf*vfettir à une aâion générale? Si c'eft en pais couvert, je veux que<br />

Votre <strong>Infanterie</strong> feule foit capable de maintenir ion pofte, ou de faire<br />

quitter à î'ennemtcehii qu'il occupe. Mais ne vous attendez pas à u*<br />

iiè viâoire r fcètai{>tette. Quand l'<strong>Infanterie</strong> ennemie fe trouveroit dans<br />

le dernier défbrdre, vous n'en fauriefc profiter. Favorifée de fa Cava-*<br />

léHè, toute pourfiiifce vous eft interdite. Etes-vous forcé où repouffé?<br />

Le défordre qui accompagnera votre retraita, fournifTant à la Cavalerie<br />

ennemie l'occafion d'agir, îl vous mettra au rifque d'une entière<br />

déroute. Eft^ce que l'Aétion fe pafle en plaine, & avez vous fi<br />

bien fu prendre vos meflires, que ni l'ennemi ne vous déborde, lii<br />

qu'il puifle vous envelopper nulle part ? Si, pour fon ordre de Bataille<br />

, il s'y prönd à la moderne, votre <strong>Infanterie</strong> dans fon ordre épais^<br />

couverte de fes armes de longueur* foutiendra, fi vous voulez, l'effort<br />

de la Cavalerie ennemie : & en repouffant l'<strong>Infanterie</strong> qui lui eft<br />

oppofée, vous demeurerez maître du champ de Bataille. C'eft ce qui<br />

peut vous arriver de plus heureux. Mais s'il arrive, qu'aiant négligé<br />

ceS précautions, la Cavalerie --ennemie vous enveloppe, ou que<br />

l'ennemi s'étaiit avifé de changer fon ordre moderne, dans un ordre<br />

un peu plus*raifonnable, & qu'enfuite, fon <strong>Infanterie</strong> aiant fait ouverture<br />

quelque part, la Qtv&leria, •fè'Wouvant à portée s'y gliffe inceffamment:<br />

vous êtes perdu lans-reffource*' D'où vient cela? Il y en a<br />

deùit râtifons. La premiere, qu'outre que vous n'avez tien à ielpérer<br />

dans la retraite, toute armée enveloppée fe trouve hors d'état de faire<br />

une égale défenfepar tout* parce que PHomm^^ne peut faire face<br />

que d'un feul côté: LW feeonde, que toute infanterie* attaquée à la<br />

fois, par de rinfaiftërte& de la Cavalerie, qui agiffant de concert,<br />

ne fauroit prêter qu'une foifelëfrêGftànce, parce que ces deux armes,<br />

<strong>dont</strong> <strong>les</strong> qualités & <strong>les</strong> forces ilaturel<strong>les</strong> font très diiférentes entreel<strong>les</strong>,<br />

étant jointes enfemble, acquièrent infailliblement par là une trèsgrande<br />

fupériorité fur celle qui fè ttouve toute feule.<br />

Quel<strong>les</strong> Mais quelle eft proprement cette différence? La voici, felon moi.<br />

fp?.U es ^ es ^ orce ? naturel<strong>les</strong> de la Cavalerie coirfiftent dans la pefanteur &<br />

naturel & dans Pim^étuofité de fon choc, de même que dans la célérité de<br />

Cavale? ^ s mouvemens - Celtes de l'<strong>Infanterie</strong> confiftent dans fes armes &<br />

dans la feflmeté qu'elle acquiert par fes évolutions»* La Cavalerie par<br />

&


i SENTIMENS D'UN HOMMÇ <strong>DE</strong> GüERRBw, iof I<br />

fa pe(anteur & par l'impétuofité de fon choc, peut rompre, renver- L*TT*E<br />

fer, fouler aux pfeds & titiller en pieces, l'<strong>Infanterie</strong>, en cas qu'elfe^^<br />

fe néglige. L'<strong>Infanterie</strong> par fes armes & par fa fermeté, ;à la vérités »'infantene<br />

peut pas faire de même à la Cavalerie, qui étant trop agile daw*<br />

fes mouvemena^fc dérobe tout à coup. Mais elfe peut par-là rencjrç<br />

vains <strong>les</strong> efforts de la Cavalerie, en.cas qu'elle ufe de toutes <strong>les</strong> pré*<br />

cautions <strong>dont</strong> elle eli capable. Son feu peut défîmir <strong>les</strong> parties de cette<br />

mafTe pefante de la Cavalerie, & en rompre ainfi l'impétuofité.<br />

Ses armes de longueur peuvent l'arrêter, & fon ordre ferré & cQQk<br />

prefTé, <strong>dont</strong> <strong>les</strong> ang<strong>les</strong> font couverts, joint à fa fernjteté naturelle, la<br />

peut rendre impénétrable. La Cavalerie par la céjérité de fes mou«<br />

vemens, peut en tout tems, & à telle difhnce qu'elle veut, attaquer<br />

l'<strong>Infanterie</strong>, & à la moindre faufle démarche qu'elle fait, efpérerdc<br />

Iß, rompre. L'<strong>Infanterie</strong> au contraire, à qui cette vîtefTe manque, ne peut<br />

jamais joindre la Cavalerie, à moins que celle-ci ne le veuille, ni lui faire<br />

aucun mal, quand même elle fepréfenteroit,foit en ordre, foi ten détordre,<br />

pourvu que ce (bit feulement à la diftance de quelques trois cens<br />

pas. Ainfi la Cavalerie peut efpérer de battre rin&nterife, fans aide d'aucune<br />

autre arme, au lieu que l'<strong>Infanterie</strong> ne peut jamais efpérer de battre<br />

la Cavalerie, à moins qu'elle ne fbit aidée par la Cavalerie même.<br />

Si tel<strong>les</strong> font <strong>les</strong> forces naturel<strong>les</strong> de la Cavalerie & de l'<strong>Infanterie</strong>,<br />

oppofées l'une à l'autre, & tels, <strong>les</strong> befoins differens d'une armée, comment<br />

donc a-t-on pu fe flatter, là où ces. deux armes font apposes<br />

de trouver dans l'une des deux toute feule, <strong>les</strong> qualités requifes, pour<br />

fournir à tous ces differens befoins, & pour «contrebalancer <strong>les</strong> forces<br />

des deux, für tout lors qu'el<strong>les</strong> agiflent directement de concert? Quoi!<br />

Seroit-il poflible qu'une armée, fe trouvant en,tfte ces deqx armes,<br />

fè paffàt de Tune des deux?. Pour moi, je ne puis me le perfuaderj<br />

& je regarde comme un mot lâché dans la difpute ce mot de Monfieur<br />

le Chevalier.de Folard, qu'eue pourvoit fort bienfepajjer de Cavalerie<br />

g«? ri aller pas moins fon twin. ( a )<br />

Je n'examine pas pourquoi dans <strong>les</strong> commencement jfaifi) Grecs,Remar*<br />

Romains? n'ont eu que dé lttnfanterie. H fuffit de avoir, que dans,^^<br />

lafiiite, ils y ajoutèrent de la Cavalerie: peu fi vous voulez, mai$d'ufage<br />

afTez pour marquer qu'ils commencèrent alors à juger qu'on ne pou-^.]^<br />

voit s'en pafTer tout à fait. A la vérité, il y a eu pendant un cejnfeifoient<br />

tain tems, une loi i Fég^r&des derniers, qui défendoit au Général^ k. 0 ^<br />

d'aller à Cheval. Mais je ne fai fi c'étoit pouit marquer qu'ilstno<br />

croioient pas avoir, befoin de Cavalerie. Je emirois plutôt que ce fu&<br />

pour encourager l'<strong>Infanterie</strong>, par l'exemple du Général, à fupporter<br />

patiemment <strong>les</strong> fatigues. Au moins, c'eft dans cette vue, que la<br />

même<br />

UJ Polybe, Tome IV. Png, 14.. Edit; d'Arafterdam,


*o8 ; SUPPLEMENT' Ä^HBSTOIRE-<strong>DE</strong> <strong>POLYBE</strong>. |<br />

XETTREmêmechôfè fe pratique quelques fois parmi -<strong>les</strong> modernes, à regard<br />

11 . de quelque Général fubaltdrne ou autre Officier. Car pour'a léd Généraux<br />

en Chef, on n'en voit pas beaucoup d'un 4ge à pouvoir y fournir.<br />

David, fans-contredit étoit grand Capitaine; aufli avpithilfem<br />

fous un GRAND MAÎTRE. Mais, fi, en faifàntcouper <strong>les</strong> jarrets<br />

aux chevaux qu'il avoit prisffiir <strong>les</strong> Syriens, il a voulu|donner à connoitre<br />

par là, qu'il n'avoit gueres envie defe fervir de Cavalerie dans<br />

fes armées, c'eft ce que je ft'oferois affirmer. Les Généraux modernes<br />

croiroient pouvoir feire un meilleur ufage des chevaux pris fur<br />

^ennemi,- quand même ils ne trouveraient pas à proposée <strong>les</strong> faire<br />

fervir à la Cavalerie} fil y a pour moi trop de myftere .dans <strong>les</strong> actions,<br />

dahs'feis combats, & dans <strong>les</strong> autres exploits de guerre de ce<br />

grand Capitaine, pour en pouvoir tirer des maximes fures pour ceux<br />

de nos jours. J'aime mieux conclure des remarques que j'ai-faites,<br />

que fi l'ennemi, fe réglant lk-deffus, vous oppofe & l'une & l'autre<br />

arme, comme il n'en faut pas douter fi vu Ja nécefîité <strong>dont</strong> el<strong>les</strong> font*<br />

pa£>Ià même il fle vous laiflefa-d'autre choix, que fur leur nombre.<br />

On auroit donc beau-fe partager furl'eftime de ces deux armes; il ne<br />

feroit ni plus ni moins vrai, qu'une armée pour bien.faire ne fauroit<br />

fe paffer de Tune non plus que de l'autre. H<br />

^ftime Les Gens de guerre, femblab<strong>les</strong> aux perfonnes qui eftiment leur<br />

>€es Gens propre nation au deffus de toute autre, ont fouvent une plus haute<br />

pQ§" e j" e opitoion du Corps dans lequel Me ont toujours fervi, que de celui dans<br />

Corps où lequel ils n'ont jamais fervi. L'un leur tient lieu de païs natal, l'auvent<br />

er " tre ^ e P a * s étranger. Celui qui aura toujours fervi dans la Cavalerie*<br />

manquera rarement de préférer ce Corps à l'<strong>Infanterie</strong>. Le contrai-<br />

{ re arrivera de celui qui aura toûjoursfervi dans l'<strong>Infanterie</strong>; • il mettra<br />

ce corps au-deffus de la Cavalerie. Qui en faut il croire? Celt de pact<br />

& d'autre préjugé tout pur. I<br />

Paraiie- Bien °l ue çes deux Corps foient de qualités différentes, comme ils<br />

remplit également fa déftiiiation. Que dis-^i<br />

tion feroit d'autant plus iqjuftè qu'il éftcertaiïr^aqiae, fi Tun par des<br />

qualités qui lui font proprés;, l'emporte for l'autre à certains égards.,<br />

l'autre par fes qualités naturel<strong>les</strong> J'emportefur celui?« à d'autres égarda*<br />

r ' Or : dès ^fu'il s)agi|>d'attaquer un jCo»ps de£avalerie: De profiffei£<br />

jàiteimfrtetnenfî ditföefördre out de la faufle niaiiœutre d'un Corp$<br />

d^Infitateriei' Deiööupetffcu de fkvocifer une retraite: D'aller à la décoitvertél<br />

De-fiüre ms coütfes: JSt autres chofes femblab<strong>les</strong>;»daas ides<br />

paï£de plaines;tfe(fett pas« vifible qirïàjtûus ces -égards. Ja -Cavalerie<br />

emporte, par l'impétuofité de fon choc, & par l'a vîteffede fesmou-<br />

**«J vemens,<br />


SENTIMENS D'UN HOMHÄ<strong>DE</strong> GUERRE. top<br />

vemens, fur l'<strong>Infanterie</strong>? D'un autre côté, dès qu'il s'agit d'attaquer LOTTE*<br />

un Corps d'<strong>Infanterie</strong> qui eft en bon ordre, foit en plaine, foit ail* IL<br />

leurs, ou qu'il eft queftion de l'attaque ou de la défenfe d'un pofte ou<br />

d'un retranchement 3 ou autres choies fèmblab<strong>les</strong> dans des pais couverts;<br />

ne conviendra-1-on pas* qu'à tous ces égards, l'<strong>Infanterie</strong> à<br />

fön tour, l'emporte par fès arnîes & par fà fermeté, fur la Cavalerie?<br />

11 eft donc certain que Tune & l'autre, quoique par des qualités différentes,<br />

contribue à la viétoire, felon la diverfité des occurrences. Si<br />

c'eft en païs couvert, l'<strong>Infanterie</strong> y contribue.plus que la Cavalerie.<br />

En païs de plaine la Cavalerie, à fön tour, y contribue plus que<br />

l'<strong>Infanterie</strong>. S'il eft vrai qu'en plaine & en païs couvert, l'<strong>Infanterie</strong><br />

y peut contribuer, il n'eft pas moins vrai qu'il en pourroit être de<br />

de même de la Cavalerie. Mais on ne le veut pas, parce que celui<br />

qui eft en droit de vouloir, ne veut point qu'elle foit en état de le faire.<br />

Et fi dans l'une ou l'autre occafion la Cavalerie ou l'infanterie<br />

fait^pancher la victoire de fön côté, c'eft la Cavalerie qui la rend complexe.<br />

Laquelle de ces deux armes méritera donc en général le plus d'ef- Qu'el<strong>les</strong><br />

time? Sera-ce celle qui par fès qualités naturel<strong>les</strong>, pourra contribuerjement<br />

le plus à la viétoire, en païs de plaine, ou bien celle qui par <strong>les</strong> qua-eftîma.<br />

lités qui lui fönt propres, pourra y contribuer le plus en païs cou- '<br />

vert? Ce ne fera ni Tune ni l'autre, puifqu'el<strong>les</strong> y contribuent également<br />

félon <strong>les</strong> occafions. Sera-ce donc cette arme qui par fès forces<br />

naturel<strong>les</strong> l'emporte en quelque manière fur l'autre? Cela ne fè peut<br />

pas non plus, à moins qu'on ne veuille qu'une piece de Canon par exemple<br />

foitphis eftimable à tous égards, qu'un fufil, à caufe que l'un<br />

auroit plus de force naturelle que l'autrpf quoiqu'on fâche que, dans<br />

une infinité d'occafîons, un fufil eft d'un bien plus grand fèrvice, &<br />

par conféquent bien plus eftimable, qu'une piece de Canon. Examinons<br />

à préfènt fi la diftribution qu'on fait de ces deux armes, fuivant<br />

la méthode d'aujourd'hui, pour toutes <strong>les</strong> aétions de rafè campagne,<br />

eft conforme aux règ<strong>les</strong> de la guerre, ou bien fi elle y cft contraire.<br />

I<br />

Ilyaune regle générale pour toutes <strong>les</strong> difpofitions. C'eft pre- Begie<br />

mierement de placer <strong>les</strong> troupes en lieu, propre, où el<strong>les</strong> ne foient pas|0^J*' e<br />

muti<strong>les</strong>. Secondement de <strong>les</strong> ranger d'une telle manière, qu'el<strong>les</strong>dîfpofi-<br />

•puiffent fe foutenir l'une l'autre. Enfin d'affurer<strong>les</strong> flafics, c'eft-à-direj^ 1 ^ 11 "<br />

que <strong>les</strong> différentes armes <strong>dont</strong> on prétend fè fèrvir, foient placées enmée.<br />

lieu, où el<strong>les</strong> puifTent utilement faire ufage de leurs forces naturel<strong>les</strong>:<br />

que ces armes en général, & chacune de leurs parties en particulier,<br />

föient rangées danäHm tel ordre & à une telle diflance, qu'el<strong>les</strong> puiffent<br />

s'entrefecourir* commodément &/iàns confufionj & que leurs<br />

Tome FIL Q flancs


jM« SUPPLEMENT A L'HISTOIRE <strong>DE</strong> <strong>POLYBE</strong>.<br />

UTTREflancs foient çouyerts3 ou par la fituation naturelle du païg, ou bien<br />

par art<br />

Preuves On ne peut difconvenir que cette regle ne foit vraie, & très-con*<br />

bonté def° rme k'k droite raifon. Car premièrement, fi. on fe propofe de v?%<br />

cettere. cre par un certain nombre de troupes, & <strong>dont</strong> <strong>les</strong> armes fentdifferenr<br />

8 le - tes, il doit être naturel, premièrement de placer chaque arme ei* tel<br />

endroit de la Bataille, où elle puiffe agir utilement, puis qu'à moins de<br />

cela, elle ne faqroit répondre au but qu'on s'en propofe. Secondement<br />

, comme on ne peut pas du premier «bord engager généralement<br />

toutes <strong>les</strong> troupes à la fois, fans rifquer le tout pour le tout, &<br />

qu'il n'y auroit pas moins d'imprudence à faire dépendre tout le fuc?<br />

ces du combat, d'une feule partie defes troupes, il doit donc être de<br />

la prudence de <strong>les</strong> ranger d'une telle manière, qu'el<strong>les</strong> puiffent tou*<br />

tes fe prêter la main l'une à l'autre, fans quoi on négligèrent une partie<br />

des moiens qu'on a pour vaincre. Et enfin y fi ce qui eft le plus<br />

fbible, mérite le plus d'attentions, il doit être de la fageffe d'ei^apporter<br />

une très-particulière à mettre <strong>les</strong> flancs en fureté Je plus qu'il<br />

eft poflible, puifque <strong>les</strong> flancs font tiaturellement hors de tqjite défenfe.<br />

Quelle Quelle eft à cette heure la diftribution qu'on fait de ces deux armes,<br />

joUr a d l îhuifuivantla méthode d'aujourd'hui? Vous le favez, • Elleconfifte, en<br />

Jadiftrî. ce que la Cavalerie eft partagée & jettée fur <strong>les</strong> aî<strong>les</strong>, & l'<strong>Infanterie</strong><br />

îa U cava? e P^ ac ^ e au. centre, l'une & l'autre fur deux lignes avec leurs referves,<br />

ierie& deftinéçs pour <strong>les</strong> accidens imprévus. Les Efcadrons & <strong>les</strong> Bataillons<br />

famerïe e ^P ac ^ s <strong>les</strong> uns des autres kune diftance égale à l'étendue de leurs fronts,<br />

dans <strong>les</strong> Ceux de la féconde ligne, vis avis <strong>les</strong> efpacesdela premiere, &ceux<br />

Batail<strong>les</strong>, j e ja referve> vjs ^ vjs ies efpaces de la féconde ligne. La referve<br />

de la Cavalerie derrière <strong>les</strong> ai<strong>les</strong>, celle de l'<strong>Infanterie</strong> derrière le centre.<br />

Défauts Or je trouve, au moins quant aux deux premiers chefs, qu'une<br />

dutribif- te ^ e diftribution doit être direâement contraire à la regle, & par contïon.<br />

féquent contre la droite raifon. Non pas que <strong>les</strong> deux armes ne foient<br />

placées en lieu propre pour pouvoir agir; car on fuppofe ici une plaine<br />

raze. Ni que <strong>les</strong> Efcadrons & <strong>les</strong> Bataillons ne foienl rangés dans<br />

un tel ordre & à une telle diftance, que ceux de la premiere ligne ne<br />

puifTent être foutenus par ceux de la feconde, & <strong>les</strong> uns & <strong>les</strong> antres<br />

par leurs referves. Mais en ce que par cette diftribution ces deux armes<br />

fe trouvent hors d'état de s'entrefecourir l'une l'autre, & qui plus<br />

eft, que l'une des deux devient en effet inutile. Cette propofition*<br />

me direz vous, eft un peu forte. Point du tout. Que faut-il pour<br />

s'en convaincre? Des connoiffances profondes ? Non, quelques legeres<br />

idées de la guerre, ou même.tes feu<strong>les</strong> lumières de la raifon«


i<br />

SENTIMENS D'UN «HOMME <strong>DE</strong> GUERRE.<br />

Je dis premièrement, que ces deux armes ffe trouvent hors d'état de LBTTM<br />

s'encrefécouràr Time l'autre, tant à caufe de leur éloignement, quoi* J{^s<br />

qu'el<strong>les</strong> fe touchent, qu'à caufe du danger qu'il y auroit de quiter h font par<br />

place qu'el<strong>les</strong> occupent/Pour celai il faut feulement confidérer^'un^£°[ 8 d<br />

côté qu'une armée rangée delà forte; prennes de trente Bataillons &sentrefe<br />

de fbixante Efcadrons en premiere ligne, la feconde à proportion, courir -<br />

celle-ci diftante de la premiere de trois cens pas. Les Bataillons de<br />

cinq cens Hommes en rangs & fi<strong>les</strong>, für quatre de hauteur. Les Et<br />

cadrons de cent & vingt maîtres à trois de hauteur. 11 faut dis-je,<br />

conficjérer qu'une telle armée doit occuper de front à chacune de'Tes<br />

aile» de Cavalerie, pour le moins quinze cens pas : & au corps de Bataille<br />

d'infanterie, fept mille cinq cens pas, ce qui fait en tout dix<br />

mille cinq cens. Que de l'autre côté on fbppofè l'armée ennemie de<br />

même à tous égards, foit en nombre, foit en arrangement, & diftante<br />

de l'autre, à l'entrée du combat, de quatre ou de ciaq cens pas.<br />

De là il doit s'enfiûvre naturellement, que la Cavalerie des ai<strong>les</strong> étant<br />

attaquée; comme celle de l'ennemi ne doit faire que quatre ou cinq<br />

cens pas pour la joindre, & que <strong>les</strong> combats de Cavalerie font vifs*&<br />

prompts dans l'abord & dans la décifion; l'<strong>Infanterie</strong> au cops de<br />

Bataille, quand elle auroit une partie de la vîtefle de la Cavalerie^, ce<br />

qui n'eft pas* ne peut jamais trouver afTez de temps pour venir au fècours<br />

de la Cavalerie, parce que pourfè tranfporter du liai qu'elle oo^<br />

cupe, fur celui qui eft occupé par la Cavalerie, elle fe trouve obligée<br />

de faire quinze cens pas, c'eft à dire cinq fois autant de chemin, que<br />

la feconde ligne de la Cavalerie ennemie n'eft obligée de faire pour<br />

loutenir la premiere, il en doit «être de même dtffècours que l'<strong>Infanterie</strong><br />

du corps de Bataille pourvoit tirer des aî<strong>les</strong> de Cavalerie. Càr^<br />

quoique la Cavalerie foit très-rapide dans fèsmouvemens, il faut pouts<br />

tant que celle des aî<strong>les</strong>, pour fe rendre au centre du corps de Bataille,<br />

parcourre un chemin de trois mille fept cens cinquante pas, avant<br />

que l'infanterie ennemie de la feconde ligne fafle troisceris pas, pour'<br />

foutenir l'avantage que là première ligne pourroit-avoir-remporté. Or<br />

e'efl: ce qui doirparoîtrè impöflible. Je veux que <strong>les</strong> trois* ou quatre<br />

premiers Bataillons qui touchent aux aî<strong>les</strong>, & qu'autant d'Efcadrons<br />

qui touchent au corps de Bataillé, puiflent être de quelque fècours l'un<br />

à l'autre, comme n'étant p$s obligés d'aller fort loin. Mais comme<br />

ce fecours n'influe pas'fdtf<strong>les</strong> Bataillons qui s'étendent vers le centre,<br />

ni ifiir <strong>les</strong> Efcadrons qui fe trou venp vers <strong>les</strong> extrémitésrdes aî<strong>les</strong>, &<br />

que <strong>les</strong> uns & <strong>les</strong> autres en peuvent également avoir befoin, d'autant<br />

que bien fouvent ilfuffit que l'ennemi fafle ouverture quelque part, pour<br />

renverfer toute une aile, ou tout un corps de Bataille: Vous m'avouerez<br />

aufli que cette confidération we peut en aucune manière affaiblir 1st<br />

preuve. " Q z D'ail


112 SUPPLEMENT A L'HISTOIRE <strong>DE</strong> <strong>POLYBE</strong>;<br />

LETTRE D'ailleurs, quand on voiidroit chicaner fur cette preuve, tirée des<br />

lL diftances, il n'y aùroit pas moien d'en douter un feul moment, fi on<br />

confidéroit le danger qu'il y auroit, de faire abandonner en tout ou<br />

en partie, à quelqu'une de ces deux armes tepofte qu'elle occupe,<br />

foit aux ai<strong>les</strong>, foit au corps de Bataille, foit aux referves. Car fi c'eft<br />

aux ai<strong>les</strong> pour envoier. au fecoursdu corps de Bataille, ou fi c'eft au<br />

corps de Bataille pour envoier au fecours des aî<strong>les</strong>, quelque part où il<br />

en feroit befoin; comme à mefure qu'on détache, on s'aifoiblit en cet<br />

endroit, &que parla l'ennemi y devient plus fort, l'ennemi aufli<br />

n'a garde de n'en pas profiter. 11 marche aulïi-tôc fur le refte qui n'a<br />

bougé, l'attaque & par fa fupérioricé ne fauroit manquer d'en venir a<br />

bout, même à fort bon marché.<br />

.Etl'une Je dis en fécond lieu, que par cette diftribution, Tune des deux<br />

des deux armes devient en effet inutile, & c'eft de l'<strong>Infanterie</strong> que je veux parafent<br />

1 er » quoique je ne croirois pas outrer la matière, fi-j'en difois autant<br />

inutile, de la Cavalerie par rapport à certains cas. Mais vous vous en apper*<br />

cevrezâfTefc, fans que je m'étende là deflus. Pour ce qui eft donc.de<br />

l'<strong>Infanterie</strong>, ce n'eft pas qu'elle ne foit placée en lieu propre pour<br />

pouvoir agir ainfi qu'il a été dit. Mais ou l'ennemi ne lui permettra<br />

pas de combattre, IOU s'il le permet, ce combat ne décidera en rien<br />

du gain de la Bataille, ce qui eft pourtant le but qu'onfe propofe. En<br />

voici <strong>les</strong> raifons.<br />

On fait qu'il eft libre aux deux parties de n'engager le Combat, que<br />

par <strong>les</strong> aî<strong>les</strong>, en <strong>les</strong> failant avancer à grands pas: & de le refufer en<br />

même tems au corps de Bataille, qui marche lentement, ou qui ne<br />

bouge pas du tout. Si l'un ou foutre s'en avife, il arrivera que la Cavalerie<br />

de part & d'autre fe battra bravement, tandis que l'<strong>Infanterie</strong><br />

au défefpoir de n'en pouvoir pas faire autant* demeurera dans l'inaction.<br />

Cependant la Cavalerie qui aura renverfé l'autre, lànô trop;<br />

s'amuferà la pourfuite, fi ce n'eft par quelques troupes détachées,<br />

pour empêcher le ralliement, fè replie & fe forme fur le flanc de l'intanterie<br />

ennemie. Si d'abord la Victoire ne fe déclare que fur l'une<br />

des aî<strong>les</strong>, prennes que ce foit fur la droite, celle-ci- fera aulîi-tôt couler<br />

derrière cette <strong>Infanterie</strong>, un certain nombre d'Efcadrons, lefquek<br />

fè mettant en devoir de prendre à dos la Cavalerie fur l'autre aîle, ne<br />

fauroient manquer, ou de lui faire quiter prife, ou de la défaire entièrement.<br />

L'<strong>Infanterie</strong> fe voiaat ainfi abandonnée par fa Cavalerie y<br />

& menacée fur <strong>les</strong> flancs, tandis qu'elle a tout à craindre de l'<strong>Infanterie</strong><br />

qu'elle a en front, que deviendra t'elle; elle ne peut qu'être la<br />

viétime de fa Cavalerie, fi l'ennemi le veut.<br />

Ou bien Mais non, avant qu'elle fè trouve dans ce mauvais pas, permette<br />

avan tons lui de faire au moins ufage de fa valeur & de fes Armes, & fuf*pofons


i<br />

SENTIMENS D'UN HOMME <strong>DE</strong> GUERRE. n3 I<br />

.pofbris- pour cet effety que fànô ufer de ftratagême, l'affaire s'engage Lntu<br />

d'abord fur tout le front. D'un côté tout s'ébranle & marche égale- ^'j<br />

ment* De l'autre rien ne bouge, on y attend l'ennemi'de pied ftr-qu'elle<br />

me. Enfin on fe trouve à portée, on en vient aux mains. Notre 'In- rem f port *<br />

fanterte qui eft du côté des premiers, fe (buvenant de fbn ancienne vent -<br />

maxime,, fi conforme à l'humeur de la Nation, attaque auffi-tôt &P°. ilu d al1<br />

touthii réuflit. Le feu meurtrier de l'In&nterfe ennemie ne l % ét6n-fa a Bat^<br />

ne y ne la trouble, ni ne l'intimide pas. Elle avance brufquement^<br />

fur elle, la joint, & par fes feu<strong>les</strong> armes blanches, elle la rompt d'abord<br />

au centre & en d'autres endroits. Enfîiite elle renverfe ce qui<br />

tient encore ferme. En un mot, elle la petifTe entièrement hors de<br />

fbn terrain, &la fépare de fes aîle& J'avoue que voilà pour cette<br />

brave <strong>Infanterie</strong> un fuccès auflî heureux que digne d'elle. Mais ne<br />

feroit-il pas permis de lui demander à quoi tout cela aboutira, s'il n'eft<br />

accompagné d'un fliccès femblable du côté de fa Cavalerie? Si cel£<br />

gft,, la vi&oire eft des plus complettes. Mais fi le contraire arrive,<br />

où en fera-t>elle£ Ne trouvera-freHe pas tout- de même la Cavalerie<br />

ennemie viétorieufe de la tienne, formée fur fes flancs, pendant que<br />

l'<strong>Infanterie</strong> ennemie fè rallie, & ne fe verra-t-elle pasexpofée ainn à<br />

de plus grands dangers, que-ceux qu'elle a cru évfte*? Elle a fait meryeille,<br />

il eft vrai. Mais n'auroit-il pas mieux valu qu'elle rfeûtpoiftt I<br />

du tout combattu?- Car plus elle fe fera battuëyplùs ellë'^fèra dimi*<br />

nuée & en défbrdre. Plus chaudement elle aura-poulie 4fnfenterie<br />

ennemie, plus avant fe fera-trelle engagée entre <strong>les</strong> aî<strong>les</strong> vidtorieufès,<br />

& plutôt fèra-t-elle prife en flanc & à dos. Quel moien de l'éviter?<br />

Du moins, comment s'y prendront <strong>les</strong> Batailloiis qui font fur <strong>les</strong> ex*<br />

trémitès?. lia auront beau vouloir préfènter quelque front. S'ils aV*<br />

prennent, en.touKnant à droit ou à gauche, ils ne préferitéront.qu'unfront<br />

de trois ou quatre Hommes. SLc'eiipar quart de convernon,<br />

foit par Manches, fbit par*Bataillons entiers^ il- eft-impofTible, avant<br />

qu'ils l'aient achevé, que i l'un ou l'autre des plus expofés ne foient<br />

rompus, foulés» aux pieds, &. taillés en pieces. Quatre Efcadrons<br />

des plus à porté? y fuffironfegt Je veux même que la Cavalerie, plusgracieufe<br />

en vers cette brave ftïtànterie* la laiffe faire. n < Elle formera<br />

fur <strong>les</strong> flancs, le mieux qu'elle pourra, un front de quelques Bataillons<br />

dans J'inteijtion je crois d'affurer par là en quelque manière fà retraite.<br />

Enfin l'ennemi, refpe&ant fes armes & fon intrépidité, lui fera un<br />

»ont d'or. Elle, fe retirera heureufement, d'un côté contente d'avoir<br />

f kit, & par fa valeur, & par fa bonne conduite, tout ce qu'humainement<br />

on aura pu attendre d'elle: de l'autre, au défefpoir d'avoir ététémoin<br />

delà défaite de fa Cavalerie, & de fctperte de la Bataille,<br />

fans avoir pu y apporter aucun remède.<br />

• -'0.3 R *


lH<br />

SUPPLEMENT A L'HISTOIRE <strong>DE</strong> <strong>POLYBE</strong>.<br />

Remarquons de plus* qu'il eft très^rare de trouver line parfaite éga-<br />

^lif^lké entre deux armée)?. S'il y a égalité par rapport au champ de Ba*<br />

Suite des tajjje & à la diftribution des troupes ^il peut n^ Savoir inégalité dam<br />

qSur leur nombre, danS/leurjV-^leur^ dans leur difcipline^ & dans leur conies<br />

perni-jujje pend^nf le combat. Si cetcp inégalité fe rencontre dans Mnfanfe?sde<br />

e iaterW, le mal ne peut pas être fort grand, dans le dasd


SENTIMENS ENJN HOMME <strong>DE</strong> GUERRE. fi?<br />

ilièroit par conféquent très-indifférent* qu'on fit «dépendre le fuccèsi Lrmc<br />

du combat, de Tune plutôt que del'Àitreir Maintes qualités & <strong>les</strong> lh<br />

forces naturel<strong>les</strong> de ces deux armes font rtrès-difféfentesf, 1 *& il n*eft fcj<br />

pas poffible de <strong>les</strong> réunir toutes enfèmble dans Tune des deux. Donc<br />

la regle veut que ce que la nature ne fauroit produire, (bit en quelque<br />

manière produit par Part. Elle nous dit : 11 manque à la Cavalerie<br />

<strong>les</strong> Armes & la fermeté de l'<strong>Infanterie</strong>* & à l'<strong>Infanterie</strong>, la pe-<br />

Iàntem& la violence dans le choc, de même quo la vîféfle de la Cavalerie.<br />

Par conféquent Tune & l'autre à fon fort & fbn foible; ** Si<br />

donc vous abandonnez ces deux Armes feu<strong>les</strong> à el<strong>les</strong>-mêmes * comme<br />

vous faites en <strong>les</strong> fëparant* vous <strong>les</strong> abandonnez à leur foibleJIe, autant<br />

qu'à leur force. Mais fi, en <strong>les</strong>tpêlanu* vous tes joignez ainfî<br />

enfemble* vous corrigez le foible de l'une par la force de l'aiitre* &<br />

vous augmentez^en même tems la force de l'une & de l'autre. C'eft<br />

ainfî que vous corrigez le foible du fufil, par la Baïonnette, le foible<br />

du fufil & de la Baïonnette* par la Pique, & qu'en joignant ces trois<br />

Armes enfèmble, vous augmentez en même tems leurs forces naturelle<br />

Car enfié-Je fbutien & le véritable fècour8 r des troupes ne confîfte<br />

pas feulement, en ce qu'une, partie d'une arme aïant été rompue, fbiù<br />

fuccédée & remplacée par' l'autre partie: Mais aufïï en ce que iesdiE**<br />

férentes fortes d'armes, <strong>dont</strong> vous devez vous fer vir* fè fiiccedent &<br />

fè remplacent de même- Ceft ainfi que la regle parle. A-t-elle tort?<br />

Mais fur ce qu'elle nous dit de plus*qu'il faut avoir une attention toute<br />

particulière à affurer Jes flancs* ne fè pöurroit-il pas que la 4 méthode<br />

d'aujourd'hui ta'y fatisflt pas pleinement.<br />

Il n'y a aucun corps :de troupes qui n'ait fes flancs* lefquels étant Ä ueH l<br />

naturellement fans défenfè, comme il a été dit, doivent nécefTaire-thodeu-"<br />

ment être afTuréffl w*î Suivant la méthode d'aujourd'hui* on n'affure Içàfaéed'afr<br />

flancs de la Bataille* c'eft-à-dire <strong>les</strong> flancs du premier Efcadron OUA/,^ 68<br />

Bataillon qiji le trouve fur l'extrémité des ai<strong>les</strong>, on ne <strong>les</strong> afTure* que d'une<br />

par la fituation naturelle du terrain, en <strong>les</strong> appuiant à une riviere non<br />

guéable, à un bois* à un village, ou autre chofè fèmblable, qui<br />

rende l'accès oadifficitej ou impolîible, en telle forte qu'on n'y puiffe<br />

pas être tourné ni enveloppé. On allure <strong>les</strong> flancs du corps de Cavalerie<br />

, & <strong>les</strong> flancs de tous <strong>les</strong> Efcadrons & Bataillons, par ceux qui<br />

font placés fur <strong>les</strong> côtés. En obfèrvant que <strong>les</strong> diftances de l'un à l'autre<br />

ne foient pas trop grandes, afin que l'ennemi ne puifle pas s'y güfler*<br />

C'eft ainfi qu'on prétend pouvoir fâtisfàire fuflSfàmment à la regle.<br />

Mais ne fe trompe-t-on pas? Car fi la fîtuation naturelle du terrain Ses te<br />

vous manque* & que l'ennemi vous déborde feulement de quatre Ef- feuC&<br />

cadrons; pendant qu'il vous choque d'un front égal au vôtre* il replie<br />

en même tems avec ce qui déborde fur vôtre flanc Où en êtes<br />

vous*<br />

e *


il* SUPPLEMENT A L'HISTOIRE <strong>DE</strong> <strong>POLYBE</strong>.<br />

xarriEVOitt? Et fi l'une de vos ai<strong>les</strong> vient à être rompue, que deviendra pour<br />

Ut lors votre corps de Bataille? Vou&Pavez viL<br />

quelle Ce n'eftpas, jel'avoûë, une marque d'habileté, de fe laifler foreftfou-<br />

cer au combat en lieu délàvantageux,ou de ne lavoir choifir un champ<br />

pmi. im de Bataille proportionné au nombre de fès troupes, en telle forte, a»<br />

quabie. moins, qu'on ne coure pas le rifque d'être débordé9 ou enveloppé-<br />

Mais quand on auroit en cela toute l'habileté des plus grands Capitaines;<br />

comme Javfituatien naturelle du terrain n'eft pas mobile, &<br />

qull n'eft pas poffible de la trainer après foi, .ainfi qu'ü a été remarqué<br />

entre autres par un des Capitaines * de cet ordre ; cette habileté<br />

lie pourroit feryir tout au plus, qu'à celui qui veut attendre le choc<br />

(Je l'ennemi; -& non à,celui qui marche à fa rencontre, ou qui va le<br />

chercher dans.fèn pofte. J'oie même dire plus. Cell qu'elle ne pourroit<br />

fuffire ni à raa;&i à l'autre. Car foit qu'on veuille attendre Rennemi,<br />

ou le chercher dans fon pofte, il faut bien que la Cavalerie des<br />

gî<strong>les</strong> fafle ide part & d'autre,au mokiSique^que centaine de pas enavant,<br />

& qu'en fuite elle prenne carrière, fi elle iie veut pas ,du premier choc<br />

être renverfée. Si donc le terrain encre ce qui couvre <strong>les</strong>. flancs s'élargit<br />

à mefure qu'on avance, & s'élargit feulement de quatre»ou cinq<br />

cens,pas, comme il peut fort bien arriver i & qu'on foit inférieur feulement<br />

de quatre Efcadrons, n'eft-il pas vrai que fi l'habileté fe borne<br />

à ces fortes de furetés, prifès uniquement dans la fituation naturelle du<br />

terrain^ dans la diftribution ordinaire des troupes, rangées»fur trois,<br />

quatre, ou cinq de "hauteur, par où <strong>les</strong> flancs ne fauroient foutenir<br />

le moindre choc : n'eft-il pas vrai, dis-je, qu'on ne laifle pas de courir<br />

quafi autant de riique, que le malhabile, puilque par ces quatre<br />

Efcadrons qui débordent, <strong>les</strong> ai<strong>les</strong> peuvent être tout de même prifes<br />

par leurs flancs, enfuite également rompues,& lecorpade Bataille<br />

invefti.<br />

Je fai bien que telle chofe peut arriver en tout tems. Quand l'ennemi<br />

ne déborderoit pas, il n'a qu'à percer une des ai<strong>les</strong> en quelque<br />

endroit, & replier auffi^tôt avec peu d'Efcadrons fur ceux qui tien-<br />

* ijent ferme, pour la renverier entièrement, & inveftir enfuite le corps<br />

de Bataille. Mais je fai aufll qu'on manque à la regle, dès qu'on ne<br />

fè fort pas de tous <strong>les</strong> moiens qu'on a en main:, pour prévenir ces fortes<br />

d'accidens. Et c'eft ici le cas. On afTure fes flancs, le mieux qu'on<br />

peut, par la fituation du païs, mais qui peut vous échapper. On fait<br />

dépendre le tout d'une feule arme, dans le tems qu'oç en a encore une<br />

autre, qui par fes qualités & fes forces naturel<strong>les</strong>, feroit capable de fervir<br />

d'appui à la premiere, par tout aux flancs tout comme ailleurs. Ceft<br />

donc à ces égards qu'on peut encore dire, que fi la méthode.d'aujourd'hui<br />

->*. Jfl * Montecuculi.


SENTIMENS D'UN HOMME <strong>DE</strong> GUERRE* ttf<br />

jourd'hui n'eft pas tout à fait contraire à la regle; au moins elle tCy L*TTR*<br />

fatisfaitpas pleinement.<br />

IL<br />

Que faut-il donc pour fatisfaire à la regle, à tous égards! La queP Moiea<br />

tion n'eft pas difficile à réfoudre. S'il eft vrai, ainü qu'il aétéde^S<br />

montré, premièrement, que l'éloignement de ces deux armes, &laà la regie<br />

nécefïïté qu'il y a qu'el<strong>les</strong> relient fixes, dans l'endroit de la Bataille où\ t0 y<br />

el<strong>les</strong> ont été d'abord placées, <strong>les</strong> mettent hors d'état*de s'entrelècou-qu'orne<br />

rir Tune l'autre« il faut donc <strong>les</strong> placer tellement, que par leur proxti**!?? 81 ^<br />

mite, el<strong>les</strong> pument a point nommé, le porter au fecours Tune de 1 au-deorditre,<br />

fins être obligées d'abandonner le pofte qu'el<strong>les</strong> occupent Se- nair0 *<br />

condement, s'il eft vrai que l'<strong>Infanterie</strong> placée au centre, nefauroit décider<br />

en rien du gain de la Bataille, fbit qu'elle combatte ou qu'elle ne combatte<br />

pas : &que ce feroit la dernière des imprudences,de faire dépendre la<br />

vidtoire, uniquement de laCavalerie ; il faut donc diftribuer ces deux Armes<br />

dans l'ordre de Bataille, d'une telle manière, qu'el<strong>les</strong> puiffent<br />

utilement agir de concert. S'il eft vrai, enfin, que lafituation du<br />

terrain', par où l'on afliire ordinairement <strong>les</strong> flancs,peut manquer, foit<br />

qu'on rie la trouve pas, ou qu'en venant auç mains, elle puifle vous<br />

échapper, il faut donc pour aflurer ces flancs autant qu'il eft poflible,<br />

<strong>les</strong> appuier à de certains corps mobi<strong>les</strong> difpofés dans un ordre, à pouvoir<br />

par leurs qualités & par leurs forces naturel<strong>les</strong>, foutenir au moins P<br />

le choc de quelques Efcadrons qui peuvent déborder. En un mot, comme<br />

en féparant ces deux Armes, on agit, à tous égards,directement<br />

contre la regle & contre la droita raifon, il faut donc, pour agir conformément<br />

à la regle & à la droite raifon, <strong>les</strong> mêler enfemble. Et fi<br />

leur fèparation y eu contraire, il faut donc par une conféquence néceflaire,<br />

que leur Mélange y foit conforme. Ceci n'a pas befoin d'autre<br />

preuve.<br />

P Quant à l'avantage qui en doit revenir, c'eft déjà un puiflant pré- Avantajugé<br />

en général de lavoir que ce Mélange eft conforme à la regle & nouvelle 1 ,<br />

à la droite raifon. Car il n'y a point de veritable regle, ni de droite<br />

raifon, qui ne tende à l'avantage de celui qui la fuit. Mais Û vous me<br />

demandez, en quoi confiftent particulièrement <strong>les</strong> avantages qu'on en<br />

retire, je répons, qu'on évite par la précifément <strong>les</strong> désavantages à<br />

quoi on s'expofe, en féparant ces deux Armes. Je ne veux rien promettre<br />

qui ne foit inconteftable. Vous êtes inférieur en Cavalerie, foit<br />

en nombre ou autrement. C'eft là fans doute un très grand défàvantage,<br />

pour celui, qui «dans une plaine raie« veut fcombattre en Bataille<br />

rangée, en ordonnance moderne. 11 fè pourrait que quelque in- ,<br />

confideré n'en fit pas autrement grand compte. Peut-être aufli lèroit-il<br />

capable de prétendre, que fa Cavalerie venant à être battue, il<br />

peut encore vaincre par fa feule <strong>Infanterie</strong>. Un autre plus avifé n'en<br />

Tome VIL R croira

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