Erco Lichtbericht 76

Eclairage nocturne – magie ou pollution lumineuse ?
Des experts débattent du « Dark Sky »
Qu‘entend-on par pollution lumineuse ?
Il a été observé aux Etats-Unis, lorsque la
consommation d'énergie a considérablement
augmenté, début des années 70, la formation
d'une couche de lumière intense au-dessus
des métropoles. Les sources lumineuses
devenant de plus en plus puissantes, la pollution
lumineuse a rapidement augmenté.
On en connaît aujourd‘hui les conséquences
écologiques : la faune et la flore réagissent à
ce phénomène, les migrations d‘insectes et
d‘oiseaux sont perturbées ainsi que le rythme
biologique de l‘être humain. Selon des études
récentes, l‘éclairage artificiel serait même cancérigène.
Depuis toujours, l‘homme est fasciné
par le ciel étoilé, mais dans les villes modernes,
il ne peut plus l‘observer. Y a-t-il un droit à
l‘obscurité, et donc un droit à pouvoir observer
la voie lactée ?
Protéger à tout prix le « Dark Sky » ?
Seul un « ciel obscur » permet des observations
d‘astronomie intéressantes. A en croire
les enquêtes, en Allemagne par exemple, au
moins un tiers de la population n‘a jamais vu
la voie lactée. La lumière ne peut exister sans
l‘obscurité. Mais il faut établir des nuances :
dans la nature, dans les régions à faible densité
de population, dans les petites villes et dans les
espaces non construits des grandes villes, trop
de lumière dérange. Par contre, en centre-ville,
l'éclairage permet de structurer l'architecture.
Y a-t-il un consensus et une langue commune
pour définir la lumière ?
On est d‘accord sur le fait que la lumière est
comprise de diverses manières. « Clair »,
« obscur », « éblouissant » – tous ces termes
sont difficiles à définir scientifiquement et
sont soumis à l‘interprétation subjective de
chacun. Les profanes comme les experts ont
du mal à communiquer efficacement pendant
la phase de planification. Bien souvent, les
lampes sont définies superficiellement par
leur design. En revanche, on ne s‘interroge sur
les effets de la lumière que lorsque celle-ci
dérange, par exemple quand un voile de
lumière entrave l‘intimité de chacun en pénétrant
jusque dans les chambres à coucher.
La lumière dans les villes ?
Les responsables d‘urbanisme, les architectes
et les consultants en éclairage se préoccupent
en premier lieu des centres-villes. La lumière
artificielle semble indissociable des grandes
villes et les communes l‘utilisent dans un souci
de revalorisation des centres-villes. Une ville
est ressentie comme vivante lorsqu‘elle est
illuminée par les lumières et les panneaux
publicitaires éclairés . La lumière fait vendre, le
design des magasins l'a prouvé, et ce concept
influence de plus en plus l'aménagement
des rues commerçantes. Les urbanistes, les
paysagistes et les architectes découvrent de
nouveaux champs d‘activité. Les spécialistes
en éclairage sont souvent consultés trop tard.
Il faudrait qu‘ils soient impliqués dès la phase
d‘élaboration d‘un projet, mais ceci n‘est ni
dans les habitudes, ni prévu par la réglementation
allemande des honoraires des architectes
et des ingénieurs (HOAI), laquelle décrit en
détail les prestations.
A qui appartient le ciel ?
Le thème de la « lumière dans la ville » est ac-
tuellement à la mode. Avons-nous besoin
de règlements déterminant des normes de
qualité pour l‘éclairage ? Qui pourrait en être
responsable ? Les services des bâtiments, des
travaux publics et des services techniques ont
des départements qui s‘occupent de l‘éclairage,
mais surtout de l‘éclairage requis pour la sécurité
routière. Il est impératif de bien délimiter
les choses : une utilisation sauvage de différentes
techniques d‘éclairage, de différentes
températures de couleur et intensités lumineuses
est possible à Las Vegas, mais pas dans les
centres-villes européens. De nouvelles lois risquent
d‘entraver les projets et, dans le pire des
cas, d‘empêcher de mettre en œuvre les bonnes
solutions. Cependant, les villes ne pourront
pas se passer à l‘avenir de schémas directeurs
fournissant un cadre général pour l‘éclairage. Il
convient d‘arriver à un équilibre entre les intérêts
publics, économiques et privés, afin que la
« course » à la ville la plus illuminée, tendance
actuelle, ne prenne pas le pas sur la qualité.
Une ville illuminée est-elle une ville
sécurisée ?
Plus de lumière ne signifie pas moins de vandalisme
et moins de criminalité. Cependant,
subjectivement, on se sent plus en sécurité
la nuit dans un environnement bien éclairé.
Les opinions divergent quant à l‘application
des normes allemandes DIN. Celles-ci sont
valables uniquement pour l‘éclairage routier
et ne peuvent donc pas aider à planifier des
scénarios architecturaux. De plus, il convient
d‘établir des distinctions dans le domaine de
l‘éclairage routier : les normes DIN doivent
être respectées là où des flux se croisent, par
exemple piétons et voitures, par contre les
routes réservées à la circulation automobile
n‘ont pas forcément besoin d‘être éclairées.
En outre, les exigences des normes DIN sont
ressenties comme exagérées. Dans la pratique,
il est courant de rester en deçà de celles-ci.
Compositions lumineuses différenciées ?
L'éclairage des lieux publics doit absolument
respecter l'obscurité, sous peine d'être ressenti
comme une véritable torture. A l‘occasion
des « Lichtrouten » 2002 de Lüdenscheid,
une expérience simple a donné des résultats
étonnants : sur 150 m de rue commerçante en
centre-ville, les commerçants ont nettement
réduit l‘éclairage de leurs vitrines à la tombée
de la nuit et ont été extrêmement surpris de
constater l‘effet de mise en scène produit par
les lampes halogènes basse tension restantes.
Les mises en scène lumineuses doivent
s‘écarter du « toujours plus de lumière »
pour arriver à une utilisation de qualité de la
lumière artificielle en présence d‘obscurité. Il
reste beaucoup à faire dans ce domaine, et il
faut que tous les groupes concernés se réunissent
afin que des solutions idéales pour tous
puissent être mises en œuvre. L‘éventail est
large : les panneaux publicitaires, les feux de
circulation, l‘éclairage intérieur, les projecteurs
illuminant des bâtiments, les installations
lumineuses artistiques, mais aussi les événements
temporaires tels que fêtes de rue ou
autres sont sources de lumière artificielle. Des
schémas directeurs pour l‘éclairage peuvent
permettre de concrétiser des projets créatifs
de manière judicieuse : certaines zones peuvent
être particulièrement mises en scène
tandis que d‘autres zones, pour compenser,
seront protégées de la lumière. Les parcs et
les pelouses en bordure de rivière peuvent
être obscurs pendant la nuit. Il y a encore fort
à faire dans ce domaine et les exigences des
différents groupes d‘intérêts sont à prendre
Le 25 novembre 2004, ERCO a invité une table
ronde d‘experts à débattre du phénomène
du « Dark Sky » tout en admirant Berlin, la
nuit. Ce thème actuel a été débattu avec des
consultants en éclairage, des paysagistes et
des scientifiques. Ce texte résume ce débat de
plusieurs heures.
en compte. Une ville ne peut et ne doit pas
être entièrement illuminée. Les architectures
mises en valeur par l‘éclairage ont besoin d‘un
voisinage discret pour faire de l‘effet. Un bon
exemple en est la mise en scène lumineuse de
la porte de Brandebourg à Berlin : le voisinage
a été impliqué dans la planification et a été
convaincu de renoncer à illuminer ses bâtiments.
Il serait souhaitable que ce bon résultat
de planification coordonnée fasse école. La
séparation traditionnelle entre éclairages
intérieur et extérieur est dépassée : il faut
faire plus attention à l‘utilisation de la lumière
intérieure qui se voit à l‘extérieur et qui a donc
également une incidence sur le voisinage. Là
encore, il est important de faire attention à la
typologie de l‘éclairage et aux températures
de couleur.
Y a-t-il de bons et de mauvais appareils
d‘éclairage ?
Des appareils d‘éclairage datant des années
70 et 80 sont encore largement présents dans
les centres-villes. Des globes de verre transparents
et qui rayonnent de toutes parts diffusent
la lumière sans la guider. Ces appareils
d‘éclairage maladroits sont l‘illustration par
excellence de la pollution lumineuse des
centres-villes. Outre d‘autres sources lumineuses
rayonnant dans l‘espace, ils sont
responsables des traces parasites de lumière
qui apparaissent au-dessus des grandes villes.
De même, les projecteurs de surface qui créent
des voiles de lumière disparates au niveau
des bâtiments, faute de technique d‘éclairage
moderne et d‘utilisation habile, rayonnent audelà
des limites des bâtiments, entraînant ainsi
une pollution lumineuse de l‘environnement.
Quel est, dans ce cas, le rôle d‘un constructeur
d‘appareils d‘éclairage comme ERCO ?
Il est possible d‘utiliser des outils d‘éclairage
précis, permettant un éclairage ciblé grâce à
des lampes de puissance réduite. Cela permet
de réaliser des éclairages de qualité tout en
économisant de l‘énergie. ERCO a transposé
avec succès ses compétences en technique
d‘éclairage intérieur à l‘espace extérieur.
Des informations concrètes accompagnées
d‘une assistance technique constituent un
soutien indispensable pour toutes les
personnes impliquées dans l‘élaboration d‘un
projet.
La conception d‘éclairage : une discipline
nouvelle ?
L‘architecture a une histoire vieille de plusieurs
millénaires. La conception d‘éclairage,
quant à elle, est un phénomène récent. Les
responsables de l‘éclairage en sont encore à
l‘apprentissage, malgré les progrès fulgurants
accomplis par l‘industrie des lampes et des
appareils d‘éclairage. Ce n'est pas la réglementation
excessive qui permet d'améliorer la
qualité de la conception des éclairages, mais
plutôt les belles réalisations qui font école.
Au début de tout projet, il faut sérieusement
se demander si un éclairage supplémentaire
est justifié ou non. Si une décision de mise en
scène lumineuse a été prise, il faut alors procéder
à une observation individuelle des lieux,
de l‘environnement et de l‘utilisation. Dans ce
cadre, il faut aussi étudier quels sont les scénarios
de commutation et de régulation appropriés
: le jour, le crépuscule et la nuit exigent
différentes quantités et qualités de lumière. Il
est important de sensibiliser et d‘éduquer tous
les responsables de la lumière : décideurs, concepteurs,
utilisateurs et industriels. En utilisant
une langue commune, des exigences de qualité
semblables et en ayant le courage de s‘imposer,
on pourrait à l‘avenir augmenter l‘effet des
espaces urbains et améliorer la qualité de vie
dans les villes. Le consultant en éclairage est
toujours en premier lieu un conseiller, dont
la tâche est d‘étudier, d‘analyser, d‘éduquer
et de faire prendre conscience. Il est plus que
jamais souhaitable de renforcer la formation
des architectes en matière d‘utilisation de la
lumière. Dans l‘urbanisme, il est souhaitable
de faire appel, en temps utile, au consultant en
éclairage.
Plus de pub pour une lumière de qualité ?
Les catalogues et les rapports « Etudes
d‘éclairage » d‘ERCO traitent et débattent de
la lumière depuis longtemps. Dans l‘ensemble,
on dispose cependant de trop peu d‘ouvrages
portant sur la lumière et l‘urbanisme. Il serait
souhaitable d‘analyser et de publier de bons
projets afin d‘en faire profiter les grands schémas
directeurs pour l‘éclairage ainsi que les
petits projets.
Conclusions
M. Christian Breil (consultant en éclairage,
Lüdenscheid) pense que l‘optimisation et la
modification d‘éclairages existants représentent
un défi important. Selon lui, il faudra
convaincre pour progresser. Plutôt que de
définir de nouveaux réglements, il lui semble
plus important d'éduquer les différents
acteurs à cette nouvelle culture de la lumière
car elle représente un véritable moyen artistique.
Mme Anette Griesser (Service d‘urbanisme
de Düsseldorf) pense qu‘une base légale
est nécessaire pour fournir aux communes
un instrument leur permettant d‘avoir une
influence directe sur les propriétaires privés.
Elle souhaite en outre qu‘une telle base légale
s‘accompagne d‘un outil d‘assurance qualité.
M. Andreas Hänel (groupe « Dark Sky » de
l‘Association des amis des étoiles) s'inquiète de
la manière dont la lumière est utilisée et fonde
ses espoirs sur l‘effet régulateur de schémas
directeurs pour l‘éclairage. La question de la
quantité judicieuse de lumière devant être
mise en œuvre doit être posée en début de
phase de conception. Un appareil d‘éclairage
ne peut pas être choisi uniquement pour son
design. La « course » actuelle à l‘éclairage est
incompatible avec une utilisation écologique
de la lumière.
M. Volker von Kardorff (consultant en éclairage,
Berlin) souhaite que l'on encourage la
préservation de l'obscurité dans les lieux qui le
permettent. Dans les métropoles, les exemples
d'éclairages réussis accélèrent le développement
de projets de qualité.
Mme Christine Wolf (paysagiste, Bochum)
considère comme objectif essentiel une
gestion plus soigneuse de la lumière et des
lieux. A cet effet, il faut étudier avec soin les
directives existantes, d‘une part, et les possibilités
techniques en éclairage, d‘autre part.
M. Wolfgang Roddewig (ingénieur ERCO,
Berlin) considère l‘industrie comme le fournisseur
des outils d‘éclairage et donc comme
le partenaire des consultants en éclairage. Il
souhaite qu‘une distinction soit établie entre
la conception d‘éclairage et l‘art lumineux.
Un éclairage architectural responsable tient
compte du lieu et de la tâche à accomplir. Des
réglementations supplémentaires ne feraient
qu‘entraver inutilement la diversité des conceptions.
Les décideurs, les concepteurs et la
population, dont les besoins sont divers, doivent
être intégrés activement aux processus.
M. Wilfried Dechau conclut en sa qualité
d‘animateur du débat en appelant à accepter
les différences : le « Dark Sky » est possible,
de même que des mises en scène fascinantes
de la lumière. Dans une Europe unie, dans
laquelle quelques pays ont déjà des réglementations
sur l‘éclairage, il faudra continuer
à s‘interroger sur leurs possibilités et leurs
limites.
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