approche pluridisciplinaire d'un système de production ... - IRD

L’histoire de cette émergence a été largement décrite
(Chauveau et Weber, 1991 ; Chaboud et Charles-
Dominique, 1991). Elle résulte :
- de l’échec, voire des effets néfastes des politiques de
développement ou de gestion des pêches artisanales,
qui se sont multipliés pendant les années soixante et
soixante-dix, tout particulièrement en milieu côtier ;
- d’une conjoncture économique mondiale caractéri-
sée par le rkajustement des économies, une crise bud-
gétaire et financière des pays du Tiers-Monde et une
révision des politiques de développement vers des
opérations moins ambitieuses et plus soucieuses de
valoriser les potentialités nationales existantes ;
- de la découverte progressive du dynamisme, de la
souplesse adaptative et de la résilience des pêcheries
traditionnelles que l’on pensait précédemment ineffi-
cientes économiquement et gaspilleuses des res-
sources naturelles ;
- de la mise en évidence tant en biologie qu’en éco-
nomie des limites des théories généralisantes et des
modélisations réductionnistes sur lesquelles étaient
basées les expertises destinées à orienter gestion et
amknagements ;
mais aussi :
- du développement d’outils et de concepts nouveaux
pour aborder la complexitk des systèmes naturels
écologiques OU SOCidUX ;
- de l’évolution des paradigmes scientifiques en
sciences biologiques et en sciences sociales.
Si l’on excepte le Tchad, où ce n’est qu’incidemment
que des recherches halieutiques ont été abordées,
l’expérience de I’ORSTOM en matière de pêche artisanale
remonte au milieu des années soixante-dix. C’est
en Côte d’koire d’abord puis au Sénégal que des programmes
d’étude des pêches artisanales débutent. Ils
sont entrepris par des biologistes qui découvrent très
vite l’importance des déterminants économiques et
sociaux, et se rapprochent alors des chercheurs en
sciences sociales travaillant également sur les pêcheries.
Des échanges informels s’établissent mais les
limites de telles collaborations apparaissent rdpidement.
Il s’avère en effet très difficile d’intégrer dans
un même modèle explicatif des connaissances issues
de recherches menées de façon totalement indépendante.
Dès lors, une collaboration plus étroite entre
les disciplines, dès la définition des programmes,
apparaît nécessaire. En 1982, la création à I’ORSTOM
d’un département orienté vers l’étude des ressources
aquatiques continentales et marines fournit I’appui
institutionnel nécessaire à la constitution d’équipes et
de programmes pluridisciplinaires ainsi qu’à leur animation.
Un symposium international organisé avec le
Intmductm
concours de 1’IFREMER en 1989 constituera l’un des
points forts de cette animation scientifique en regroupant
les meilleurs spécialistes des pêches en sciences
sociales et biologiques de cinquante-deux pays autour
du thème II La recherche face à la pêche artisanal&.
Lorsqu’en 1983, I’ORSTOM est sollicité pour apporter
au Mali un appui scientifique à la connaissance des
pêcheries deltaïques, les conditions sont réunies pour
qu’un programme de recherche intégré se mette en
place, La nature de la demande initiale justifie
d’ailleurs pleinement cette approche puisque les autorités
nationales maliennes souhaitent une analyse
détaillée de la situation des pêcheries afin d’établir les
bases d’une gestion mieux adaptée à leurs spécificités.
En effet, depuis le début des années soixante-dix
le secteur halieutique, qui précédemment était en
plein essor, subit une forte récession malgré diverses
actions de développement. L’intensification de la
pression de pêche exercée par une population de
pêcheurs sans cesse croissante sur des ressources
amoindries par la sécheresse fait craindre des phénomènes
de surexploitation. D’autres indices tels que la
multiplication des conflits opposant différents groupes
de pêcheurs, et l’importance des bouleversements
politiques, économiques, monétaires et législatifs qu’a
connu le monde de la pêche depuis les années
soixante (période de référence), montraient cependant
que les dysfonctionnements du secteur halieutique
ne résultaient pas seulement de causes biologiques
ou techniques. Ils mettaient également en
cause de nombreux aspects économiques et sociaux.
On retrouvait ici la nécessité constatée ailleurs (en
Côte d’koire, au Sénégal) d’intégrer les dimensions
sociales et biologiques en une même approche.
L’établissement d’un diagnostic précis de la situation
halieutique nécessitait compétences et financements
que le Mali n’avait pas été en mesure de réunir
jusqu’alors, et au début des années quatre-vingt aucune
donnée récente n’était disponible sur l’ensemble
du secteur halieutique. 11 s’agissait donc d’identifier
rapidement les caractéristiques actuelles des pêches
deltaïques ainsi que les causes de leur évolution
récente, une attention particulière devant être accordée
à l’identification des dysfonctionnements. Une
proposition d’études pluridisciplinaires d’une durée
de six ans fut donc élaborée dans ce sens, conjointement
par I’ORSTOM et l’INR7IH (1). Après avoir été
agréée par le Ministère malien des Ressources
Naturelles et de l’Elevage, elle bénéficia d’un finance-
(1) Institut National malien de Recherche Zootechnique,
Foresiière et Hydrobiologique qui fusionnera en 1990 avec
l’Institut d’Economie Rurale (IER).