Examen des contacts des services de renseignement suisses avec l ...

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2144 Dans les circonstances actuelles, une visite de militaires suisses de haut rang en Afrique du Sud n’est pas opportune pour des raisons politiques. Dans sa déclaration du 22 septembre 1986, le Conseil fédéral a rappelé qu’il était disposé à apporter sa contribution pour que les oppositions en Afrique du Sud puissent être surmontées. Nos efforts en vue d’établir un dialogue permettant d’atteindre cet objectif présupposent que l’attitude de la Suisse envers l’Afrique du Sud peut être acceptée par toutes les parties. Etant donné que l’armée sud-africaine est actuellement engagée pour le maintien de l’ordre intérieur dans les townships et dans des opérations commandos contre des pays voisins, la visite d’officiers supérieurs de l’armée suisse aurait pour effet d’entamer notre crédibilité auprès de l’opposition, voire de la réduire à néant. Pour sa part, notre ambassade à Pretoria émet de très grandes réserves pour ce qui est de la visite de militaires suisses. Elle souligne explicitement qu’une telle visite ne manquerait non seulement pas d’être rendue publique, mais qu’elle pourrait également être utilisée par le gouvernement en place à des fins de propagande. Il est inutile d’insister ici sur le fait que, une fois connue, une visite militaire nuirait également à l’image de la Suisse à l’étranger et aurait inévitablement des suites du point de vue de la politique intérieure de notre pays. Pour toutes ces raisons, nous nous en tenons à notre avis ci-dessus et estimons qu’une éventuelle visite d’une délégation militaire suisse en Afrique du Sud n’est pas opportune pour des raisons politiques.» [Traduction] Le 20 mai 1987, se référant à l’avis défavorable du DFAE, le Protocole militaire proposait au chef de l’Etat-major général de traiter le sujet dans le cadre de l’étatmajor de direction du DMF. Au point consacré aux contacts avec l’étranger, le procès-verbal des décisions de ce dernier mentionne ceci: «Il ressort de l’entretien avec le DFAE que l’invitation officielle adressée par l’Afrique du Sud à des représentants de haut rang du DMF et qui sera transmise prochainement par l’attaché de défense sud-africain devra être déclinée. L’invitation parvenue à l’ancien commandant des troupes d’aviation et de défense contre avions, le commandant de corps Wyler (manifestement en tant que personne privée), ne peut être acceptée que si elle n’a aucun caractère officiel. Cette invitation devra encore être soumise au Protocole militaire. […] Le chef du département souhaite que les pratiques en matière de visites de réciprocité soient revues cette année encore. Il est indispensable d’introduire une certaine retenue dans ce domaine.» [Traduction] L’exemplaire du procès-verbal de décisions retrouvé parmi les documents de la Direction du SRS comporte une annotation manuscrite apposée à côté du dernier point: «erl. an USC NA 09.06.87» (liquidé, transmis au SCEM RS 09.06.87) ce qui signifie forcément que le chef de l’Etat-major général avait chargé le SCEM RS de réexaminer les pratiques en matière de visites de réciprocité dans le sens d’une plus grande retenue en la matière. À la lecture des deux procès-verbaux des décisions de l’état-major de direction du DMF il apparaît de toute évidence que, en automne 1986 et au printemps 1987, les contacts avec l’Afrique du Sud ont fait l’objet de discussions à l’échelon le plus élevé du département et que le GRS en était informé. Malgré cela, il n’y a pas un seul indice qui permettrait de croire que, dans le cadre de cette controverse, le SCEM RS – le divisionnaire Petitpierre – aurait informé ses supérieurs hiérarchiques des relations avec les services secrets sud-africains entamées en 1979 et définitivement institutionnalisées avec la conclusion de la convention de protection des

informations en mars 1983 et avec la mise en place d’une liaison télex chiffrée en novembre 1983 (voir ch. 6.2). Force est donc de conclure que c’est sciemment que les supérieurs hiérarchiques n’ont pas été informés de ces relations. Lorsqu’il a été confronté aux procès-verbaux de l’état-major de direction du DMF, le secrétaire général du département de l’époque a toutefois déclaré qu’il était parti du principe que la recommandation de l’état-major de direction du DMF signifiait qu’il fallait éviter de se faire prendre. Le 3 juin 1987, exécutant la décision de l’état-major de direction du DMF, le chef du Protocole militaire communiquait à l’attaché de défense sud-africain que, dans les circonstances actuelles, «il n’était malheureusement pas possible d’envisager qu’une délégation militaire se rende en visite en République d’Afrique du Sud» [traduction] et le priait de renoncer à présenter une invitation officielle. Comme cela a été le cas après la première décision de l’état-major de direction du DMF, la seconde intervention a aussi été suivie de la visite d’une délégation sud-africaine au GRS. Cette visite a eu lieu à Berne, à peine trois semaines après la seconde décision, soit du 22 au 25 juin 1987. Un mois et demi plus tard, le 13 août 1987, Peter Regli, à l’époque encore en sa qualité de chef de la SRADCA, faisait parvenir à l’attaché de défense d’Afrique du Sud cinq prises de vues de l’aéroport de Luanda (Angola) datées de mai 1987, un acte extrêmement délicat également dans l’optique de la politique de neutralité de la Suisse. De plus, environ cinq mois après la décision de l’état-major de direction du DMF, le SCEM RS – le divisionnaire Petitpierre – se rendait en Afrique du Sud pour un nouvelle rencontre à l’échelon des chefs des services de renseignement (à noter que du côté sud-africain, 41 personnes ont participé à cette rencontre). Il a manifestement dû lui échapper que, peu de temps avant sa visite, à la demande du chef du département, il venait d’être chargé par le chef de l’Etat-major général de réexaminer les pratiques en matière de visites de réciprocité dans le sens d’une plus grande retenue en la matière. 6.3.3.4 Rencontres fortuites en Afrique du Sud La visite du SCEM RS du 25 octobre au 1er novembre 1987 a provoqué une certaine confusion, piquante à plus d’un titre. Le 30 octobre 1987, l’ambassade de Suisse à Pretoria avait annoncé à la Direction politique II du DFAE, qu’un membre de l’ambassade, qui avait visité une mine sur invitation de la chambre économique sudafricaine le 29 octobre 1987, avait été très surpris d’apprendre du directeur de la mine, en présence de trois autres diplomates étrangers, que ce dernier avait reçu le jour précédent un général suisse en visite officielle en Afrique du Sud. Il s’agissait du divisionnaire Petitpierre qui était arrivé en hélicoptère, accompagné de généraux sud-africains. Cette rencontre fortuite n’a d’ailleurs pas été la seule du genre. Comme un ancien chef de l’Etat-major général l’a expliqué à la DCG lors de son audition, l’Afrique du Sud disposait d’un attaché de défense pourvu d’un solide esprit d’initiative; la pratique du tourisme était intensive et les militaires suisses se sont parfois tenu la porte en Afrique du Sud. Un autre incident du même genre permet de penser que cette déclaration lapidaire correspond aux faits. Peter Regli, encore en sa qualité de chef de la SRADCA, avait répondu à une invitation des services de renseignement sud- 2145

informations en mars 1983 et <strong>avec</strong> la mise en place d’une liaison télex chiffrée en<br />

novembre 1983 (voir ch. 6.2). Force est donc <strong>de</strong> conclure que c’est sciemment que<br />

les supérieurs hiérarchiques n’ont pas été informés <strong>de</strong> ces relations. Lorsqu’il a été<br />

confronté aux procès-verbaux <strong>de</strong> l’état-major <strong>de</strong> direction du DMF, le secrétaire<br />

général du département <strong>de</strong> l’époque a toutefois déclaré qu’il était parti du principe<br />

que la recommandation <strong>de</strong> l’état-major <strong>de</strong> direction du DMF signifiait qu’il fallait<br />

éviter <strong>de</strong> se faire prendre.<br />

Le 3 juin 1987, exécutant la décision <strong>de</strong> l’état-major <strong>de</strong> direction du DMF, le chef du<br />

Protocole militaire communiquait à l’attaché <strong>de</strong> défense sud-africain que, dans les<br />

circonstances actuelles, «il n’était malheureusement pas possible d’envisager qu’une<br />

délégation militaire se ren<strong>de</strong> en visite en République d’Afrique du Sud» [traduction]<br />

et le priait <strong>de</strong> renoncer à présenter une invitation officielle. Comme cela a été le cas<br />

après la première décision <strong>de</strong> l’état-major <strong>de</strong> direction du DMF, la secon<strong>de</strong> intervention<br />

a aussi été suivie <strong>de</strong> la visite d’une délégation sud-africaine au GRS. Cette visite<br />

a eu lieu à Berne, à peine trois semaines après la secon<strong>de</strong> décision, soit du 22 au<br />

25 juin 1987.<br />

Un mois et <strong>de</strong>mi plus tard, le 13 août 1987, Peter Regli, à l’époque encore en sa<br />

qualité <strong>de</strong> chef <strong>de</strong> la SRADCA, faisait parvenir à l’attaché <strong>de</strong> défense d’Afrique du<br />

Sud cinq prises <strong>de</strong> vues <strong>de</strong> l’aéroport <strong>de</strong> Luanda (Angola) datées <strong>de</strong> mai 1987, un<br />

acte extrêmement délicat également dans l’optique <strong>de</strong> la politique <strong>de</strong> neutralité <strong>de</strong> la<br />

Suisse. De plus, environ cinq mois après la décision <strong>de</strong> l’état-major <strong>de</strong> direction du<br />

DMF, le SCEM RS – le divisionnaire Petitpierre – se rendait en Afrique du Sud pour<br />

un nouvelle rencontre à l’échelon <strong><strong>de</strong>s</strong> chefs <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>services</strong> <strong>de</strong> <strong>renseignement</strong> (à noter<br />

que du côté sud-africain, 41 personnes ont participé à cette rencontre). Il a manifestement<br />

dû lui échapper que, peu <strong>de</strong> temps avant sa visite, à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> du chef du<br />

département, il venait d’être chargé par le chef <strong>de</strong> l’Etat-major général <strong>de</strong> réexaminer<br />

les pratiques en matière <strong>de</strong> visites <strong>de</strong> réciprocité dans le sens d’une plus gran<strong>de</strong><br />

retenue en la matière.<br />

6.3.3.4 Rencontres fortuites en Afrique du Sud<br />

La visite du SCEM RS du 25 octobre au 1er novembre 1987 a provoqué une certaine<br />

confusion, piquante à plus d’un titre. Le 30 octobre 1987, l’ambassa<strong>de</strong> <strong>de</strong> Suisse à<br />

Pretoria avait annoncé à la Direction politique II du DFAE, qu’un membre <strong>de</strong><br />

l’ambassa<strong>de</strong>, qui avait visité une mine sur invitation <strong>de</strong> la chambre économique sudafricaine<br />

le 29 octobre 1987, avait été très surpris d’apprendre du directeur <strong>de</strong> la<br />

mine, en présence <strong>de</strong> trois autres diplomates étrangers, que ce <strong>de</strong>rnier avait reçu le<br />

jour précé<strong>de</strong>nt un général suisse en visite officielle en Afrique du Sud. Il s’agissait<br />

du divisionnaire Petitpierre qui était arrivé en hélicoptère, accompagné <strong>de</strong> généraux<br />

sud-africains.<br />

Cette rencontre fortuite n’a d’ailleurs pas été la seule du genre. Comme un ancien<br />

chef <strong>de</strong> l’Etat-major général l’a expliqué à la DCG lors <strong>de</strong> son audition, l’Afrique du<br />

Sud disposait d’un attaché <strong>de</strong> défense pourvu d’un soli<strong>de</strong> esprit d’initiative; la pratique<br />

du tourisme était intensive et les militaires <strong>suisses</strong> se sont parfois tenu la porte<br />

en Afrique du Sud. Un autre inci<strong>de</strong>nt du même genre permet <strong>de</strong> penser que cette<br />

déclaration lapidaire correspond aux faits. Peter Regli, encore en sa qualité <strong>de</strong> chef<br />

<strong>de</strong> la SRADCA, avait répondu à une invitation <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>services</strong> <strong>de</strong> <strong>renseignement</strong> sud-<br />

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