Examen des contacts des services de renseignement suisses avec l ...

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cela quelle que soit la forme de l’Etat et indépendamment de son régime. À ce titre, la Suisse a également entretenu les contacts diplomatiques usuels avec l’Afrique du Sud du temps du régime de l’apartheid. Comme un ancien Secrétaire d’Etat l’a déclaré à la DCG tout le monde au sein du DFAE était unanime à penser que le régime de l’apartheid sud-africain était un système que «nous n’aimions pas», malgré les nombreuses relations diplomatiques, économiques et financières. [Traduction] Le DFAE était conscient qu’en majorité, les Etats de la communauté internationale condamnaient le système politique sud-africain et avaient également décidé des mesures à son encontre. Au vu de cette situation et en tenant compte de son aspect épineux, la Suisse a, malgré l’isolement croissant de l’Afrique du Sud, offert ses bons offices avec l’accord de toutes les parties du conflit. Par conséquent, le DFAE n’a pas seulement entretenu les habituelles relations diplomatiques avec le régime officiel, il a également entretenu des relations avec l’opposition, en particulier avec des représentants du Congrès National Africain (ANC). Ainsi, le chef du DFAE avait reçu le ministre sud-africain des affaires étrangères, Roelof P. (Piek) Botha, en février 1986 et le président de l’ANC, Oliver Tambo, en juin de la même année. Cela étant, d’une manière générale, le DFAE et le Conseil fédéral ont renoncé à des contacts officiels au plus haut niveau avec des représentants du régime de l’apartheid. À l’exception de trois réceptions en Suisse en 1979, 1984 et 1988, il n’y a pas eu d’autres contacts de ce genre. 35 Bien que son chef ou le Secrétaire d’Etat aient régulièrement été invités à se rendre en Afrique du Sud, le DFAE a décliné toutes ces invitations de manière conséquente tant que le régime de l’apartheid était en vigueur. La première visite officielle d’un conseiller fédéral en Afrique du Sud n’a donc eu lieu qu’à l’issue des élections libres de 1994. 6.3.2 Contacts avec l’Afrique du Sud sans entente préalable avec le chef du DMF En consultant le rapport du Gr rens intitulé «De la collaboration avec des services de renseignement étrangers» de juin 1999, force est de constater que ni le Conseil fédéral, ni le DFAE n’ont été consultés au sujet de l’instauration de contacts réguliers avec l’Afrique du Sud. Au contraire, le GRS avait décidé d’instaurer ces contacts de son propre chef, sans en discuter avec d’autres départements. Il n’est de plus même pas certain que le chef du département, son secrétaire général ou le chef de l’Etat-major général en aient été informés. Bien qu’il soit difficile d’imaginer que la tête du département n’ait rien voulu savoir de ces contacts, cela est cependant également établi. La déclaration d’un ancien secrétaire général du DMF est particulièrement intéressante à cet égard. Celui-ci a en effet expliqué à la DCG que, à son époque, le chef du département avait pour principe «de ne rien vouloir savoir des services de renseignement étant donné qu’on se trouve ensuite impliqué par leurs opérations qui ne manquent pas de vous éclabousser tout particulièrement lorsque les choses tournent mal.» [Traduction] Durant sa période de fonctions, la question des contacts à des fins de renseignement n’a jamais été abordée au sein du Secréta- 35 Voir la réponse du Conseil fédéral du 22 septembre 1986 à l’interpellation 86.516, Afrique du Sud. Attitude politique et diplomatique de la Suisse, du 19 juin 1986 (BO 1986 N 1503). Voir également la réponse du Conseil fédéral du 23 novembre 1988 à la questions ordinaire 88.1027 Visite du premier ministre de l’Afrique du Sud, du 6 octobre 1988 (BO 1988 N 1984). 2140

iat général du DMF. Il a également ajouté qu’il avait de la peine à se souvenir si le sujet de l’Afrique du Sud avait été abordé une seule fois et qu’à l’époque, pour lui et le DMF, l’Afrique du Sud n’est devenue un sujet d’actualité qu’après la surprenante commande des PC-7 en décembre 1992. Un ancien secrétaire d’Etat évalue la situation de manière tout à fait différente. Lors de son audition par la DCG, il a notamment expliqué qu’il ne pouvait pas s’imaginer que les contacts avec l’Afrique du Sud avaient pu avoir lieu sans que le chef du département en ait connaissance. Les dires d’un ancien chef de l’Etat-major général viennent également corroborer cet avis. Ce dernier a en effet déclaré à la DCG n’avoir jamais été consulté au sujet des activités et des contacts extérieurs des services de renseignement puisque Peter Regli avait toujours refusé d’aborder le sujet à l’échelon de l’Etat-major général estimant que l’échelon stratégique était de loin supérieur à l’échelon militaire. Par conséquent, selon cet ancien secrétaire d’Etat, Peter Regli aurait préféré informer les conseillers fédéraux concernés directement. Aujourd’hui, il n’est plus possible de dire avec certitude laquelle de ces deux versions est la bonne. Ce qui est toutefois certain, c’est que les dirigeants du département n’ont pas assumé leurs responsabilités en matière de conduite politique dans le domaine des contacts établis par les services de renseignement. À cet égard, il importe peu de savoir s’ils ne s’occupaient pas des affaires concernant le renseignement d’une manière générale ou s’ils n’ont pas saisi la dimension politique des contacts avec le régime d’apartheid de l’Afrique du Sud. Il y a cependant deux cas dans lesquels la DCG a trouvé des indications lui permettant de conclure que le DFAE est intervenu directement auprès du chef du département militaire au sujet des contacts avec l’Afrique du Sud (voir ch. 6.3.3.2 et 6.3.3.3). Le département n’a toutefois pas tiré les conclusions qui s’imposaient à la suite de ces deux interventions. 6.3.3 Interventions du DFAE 6.3.3.1 Consultation irrégulière du DFAE et absence de dossiers En règle générale, le GRS puis le Gr rens qui lui a succédé n’ont pas consulté le DFAE. Ce dernier n’avait donc pas connaissance des modalités des rapports des services de renseignement avec l’Afrique du Sud. Les rares fois où le DFAE a eu connaissance – par hasard la plupart du temps – de certains contacts ou a été exceptionnellement impliqué dans le processus décisionnel, il a rappelé la position officielle de la Suisse et exhorté le GRS et le Gr rens à faire preuve d’une plus grande retenue. Mais – comme un ancien secrétaire d’Etat du DFAE l’a déclaré à la DCG – «le DFAE reste impuissant tant que le chef du département ou le chef de l’Etatmajor général n’ordonne pas l’interruption de l’exercice.» [Traduction] En effet, le DFAE ne disposait d’aucun droit de donner des instructions au DMF et les contacts du GRS puis du Gr rens avaient la plupart du temps lieu sous le couvert du secret lié aux activités de renseignement, c’est-à-dire directement de service à service, dans le plus grand secret et en évitant tous les canaux officiels. Il est frappant de constater que, à la différence du GRS/Gr rens, le service de renseignement civil de la Confédération, le Service d’analyse et de prévention (SAP, 2141

cela quelle que soit la forme <strong>de</strong> l’Etat et indépendamment <strong>de</strong> son régime. À ce titre,<br />

la Suisse a également entretenu les <strong>contacts</strong> diplomatiques usuels <strong>avec</strong> l’Afrique du<br />

Sud du temps du régime <strong>de</strong> l’apartheid. Comme un ancien Secrétaire d’Etat l’a<br />

déclaré à la DCG tout le mon<strong>de</strong> au sein du DFAE était unanime à penser que le<br />

régime <strong>de</strong> l’apartheid sud-africain était un système que «nous n’aimions pas», malgré<br />

les nombreuses relations diplomatiques, économiques et financières. [Traduction]<br />

Le DFAE était conscient qu’en majorité, les Etats <strong>de</strong> la communauté internationale<br />

condamnaient le système politique sud-africain et avaient également décidé<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> mesures à son encontre. Au vu <strong>de</strong> cette situation et en tenant compte <strong>de</strong> son<br />

aspect épineux, la Suisse a, malgré l’isolement croissant <strong>de</strong> l’Afrique du Sud, offert<br />

ses bons offices <strong>avec</strong> l’accord <strong>de</strong> toutes les parties du conflit. Par conséquent, le<br />

DFAE n’a pas seulement entretenu les habituelles relations diplomatiques <strong>avec</strong> le<br />

régime officiel, il a également entretenu <strong><strong>de</strong>s</strong> relations <strong>avec</strong> l’opposition, en particulier<br />

<strong>avec</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> représentants du Congrès National Africain (ANC). Ainsi, le chef du<br />

DFAE avait reçu le ministre sud-africain <strong><strong>de</strong>s</strong> affaires étrangères, Roelof P. (Piek)<br />

Botha, en février 1986 et le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’ANC, Oliver Tambo, en juin <strong>de</strong> la même<br />

année. Cela étant, d’une manière générale, le DFAE et le Conseil fédéral ont renoncé<br />

à <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>contacts</strong> officiels au plus haut niveau <strong>avec</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> représentants du régime <strong>de</strong><br />

l’apartheid. À l’exception <strong>de</strong> trois réceptions en Suisse en 1979, 1984 et 1988, il n’y<br />

a pas eu d’autres <strong>contacts</strong> <strong>de</strong> ce genre. 35 Bien que son chef ou le Secrétaire d’Etat<br />

aient régulièrement été invités à se rendre en Afrique du Sud, le DFAE a décliné<br />

toutes ces invitations <strong>de</strong> manière conséquente tant que le régime <strong>de</strong> l’apartheid était<br />

en vigueur. La première visite officielle d’un conseiller fédéral en Afrique du Sud<br />

n’a donc eu lieu qu’à l’issue <strong><strong>de</strong>s</strong> élections libres <strong>de</strong> 1994.<br />

6.3.2 Contacts <strong>avec</strong> l’Afrique du Sud sans entente<br />

préalable <strong>avec</strong> le chef du DMF<br />

En consultant le rapport du Gr rens intitulé «De la collaboration <strong>avec</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>services</strong> <strong>de</strong><br />

<strong>renseignement</strong> étrangers» <strong>de</strong> juin 1999, force est <strong>de</strong> constater que ni le Conseil<br />

fédéral, ni le DFAE n’ont été consultés au sujet <strong>de</strong> l’instauration <strong>de</strong> <strong>contacts</strong> réguliers<br />

<strong>avec</strong> l’Afrique du Sud. Au contraire, le GRS avait décidé d’instaurer ces <strong>contacts</strong><br />

<strong>de</strong> son propre chef, sans en discuter <strong>avec</strong> d’autres départements. Il n’est <strong>de</strong> plus<br />

même pas certain que le chef du département, son secrétaire général ou le chef <strong>de</strong><br />

l’Etat-major général en aient été informés. Bien qu’il soit difficile d’imaginer que la<br />

tête du département n’ait rien voulu savoir <strong>de</strong> ces <strong>contacts</strong>, cela est cependant également<br />

établi. La déclaration d’un ancien secrétaire général du DMF est particulièrement<br />

intéressante à cet égard. Celui-ci a en effet expliqué à la DCG que, à son<br />

époque, le chef du département avait pour principe «<strong>de</strong> ne rien vouloir savoir <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

<strong>services</strong> <strong>de</strong> <strong>renseignement</strong> étant donné qu’on se trouve ensuite impliqué par leurs<br />

opérations qui ne manquent pas <strong>de</strong> vous éclabousser tout particulièrement lorsque<br />

les choses tournent mal.» [Traduction] Durant sa pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> fonctions, la question<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>contacts</strong> à <strong><strong>de</strong>s</strong> fins <strong>de</strong> <strong>renseignement</strong> n’a jamais été abordée au sein du Secréta-<br />

35 Voir la réponse du Conseil fédéral du 22 septembre 1986 à l’interpellation 86.516, Afrique<br />

du Sud. Attitu<strong>de</strong> politique et diplomatique <strong>de</strong> la Suisse, du 19 juin 1986<br />

(BO 1986 N 1503). Voir également la réponse du Conseil fédéral du 23 novembre 1988 à<br />

la questions ordinaire 88.1027 Visite du premier ministre <strong>de</strong> l’Afrique du Sud, du<br />

6 octobre 1988 (BO 1988 N 1984).<br />

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