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La soutane symbole de l'Église triomphante, Jean Lamblot, 2005

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<strong>La</strong> <strong>soutane</strong> <strong>symbole</strong> <strong>de</strong> l’Église <strong>triomphante</strong>, <strong>Jean</strong> <strong>La</strong>mblot, <strong>2005</strong><br />

1 - POURQUOI LA SOUTANE ?<br />

<strong>La</strong> <strong>soutane</strong> est un vêtement étrange à plus d’un titre : portée par <strong>de</strong>s hommes, elle est ce long tube noir<br />

à manches <strong>de</strong>scendant jusqu’aux talons mais fendu du haut en bas selon une ouverture étroitement<br />

refermée par une série <strong>de</strong> boutons. En général, agrémentée d’un col étroit et d’une ceinture, elle fait<br />

partie <strong>de</strong> la catégorie <strong>de</strong>s vêtements ouverts que les hommes, en général, ne portent plus <strong>de</strong>puis le<br />

Moyen Âge 1 . Elle est un uniforme et donc désigne une catégorie bien spécifique <strong>de</strong> personnages, les<br />

clercs qui la portaient <strong>de</strong>puis leur entrée dans les institutions <strong>de</strong> formation, jusqu’à leur mort.<br />

Anachronique, puisqu’elle a ses racines historiques dans l’empire romain 2 , mal commo<strong>de</strong> puisqu’elle<br />

gène considérablement les activités courantes, nous pouvons nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pourquoi la <strong>soutane</strong> s’est<br />

imposée aux clercs jusqu’au concile Vatican II qui conduit ces <strong>de</strong>rniers à s’en débarrasser prestement ?<br />

Elle n’obéit pas, au moins dans un premier regard, à une logique religieuse.<br />

En opposition à la <strong>soutane</strong>, les vêtements liturgiques, avec leur chatoiement <strong>de</strong> couleurs qui toutes<br />

expriment une dimension spécifique <strong>de</strong> la vie religieuse, avec leurs formes évocatrices <strong>de</strong> solennités ou<br />

adaptées à un désir <strong>de</strong> glorification, correspon<strong>de</strong>nt à une visée pointant sans cesse dans la direction<br />

sacrée d’un au-<strong>de</strong>là festif néanmoins nimbé <strong>de</strong> respect. Il n’est plus rien ici <strong>de</strong> la sobriété, <strong>de</strong> la pauvreté<br />

remarquable, <strong>de</strong> la forme rigoureuse <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong> pas plus d’ailleurs que <strong>de</strong> sa couleur noire jadis<br />

réservée, selon l'ordonnancement <strong>de</strong> la liturgie, aux funérailles.<br />

Les linéaments historiques <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong>, pour autant qu’on puisse les suivre, nous ramènent, ainsi que<br />

nous aurons l’occasion <strong>de</strong> le voir, à <strong>de</strong>s figures profanes <strong>de</strong> la vie civile. Ceux-ci plongent à l'origine <strong>de</strong><br />

<strong>l'Église</strong> dans l'empire romain.<br />

Rien <strong>de</strong>s expressions du contenu <strong>de</strong> la foi chrétienne, comme <strong>de</strong> ses fon<strong>de</strong>ments, ne vient laisser<br />

entendre la possibilité <strong>de</strong> l’usage d’un vêtement comme la <strong>soutane</strong>. S’il est <strong>de</strong>s règles morales exprimées<br />

dans le christianisme concernant la manière <strong>de</strong> se vêtir, aucune n’implique directement ou indirectement<br />

une forme tubulaire et une couleur noire. Si, par exemple, les textes fondateurs préconisent la pu<strong>de</strong>ur<br />

dans la tenue, selon d’ailleurs <strong>de</strong>s normes purement contingentes, à l’image <strong>de</strong>s recommandations <strong>de</strong><br />

saint Paul sur la tenue <strong>de</strong>s femmes dans les assemblées 3 , aucune n’implique une forme spécifique <strong>de</strong><br />

tenue vestimentaire générale pour les responsables et les dirigeants <strong>de</strong> l’Église naissante. De telles<br />

recommandations n’apparaissent que tardivement dans une Église très institutionnalisée.<br />

<strong>La</strong> symbolique religieuse, en elle-même, n’explique donc pas la <strong>soutane</strong>. Si la <strong>soutane</strong> est un vêtement<br />

religieux, c’est uniquement parce que <strong>de</strong>s religieux la porte et non l’inverse 4 . C’est pourquoi son<br />

apparition dans l’histoire <strong>de</strong> l’Église peut très bien être considérée comme purement contingente, liée à<br />

l’histoire et à <strong>de</strong>s volontés particulières <strong>de</strong> s’exprimer.<br />

S’il ne s’agit pas d’un vêtement obéissant à une symbolique religieuse, il faut rechercher les raisons <strong>de</strong><br />

son usage dans d’autres dimensions anthropologiques, qu’elles soient comme pour tout vêtement<br />

fonctionnelles, sociologiques ou psychologiques. Posant la question ainsi, nous analysons la <strong>soutane</strong><br />

purement et simplement à la manière d’un vêtement. Nous considérerons qu’elle se comprend à la<br />

lumière <strong>de</strong>s règles qui régissent l’interprétation <strong>de</strong> l’usage <strong>de</strong>s formes et <strong>de</strong>s couleurs spécifiques <strong>de</strong>s<br />

tissus travaillés par l’homme pour s’en couvrir le corps. C’est pourquoi, avant d’entrer dans une analyse<br />

que nous pourrions qualifier d’historico-critique <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong>, il nous faut poser les règles qui nous<br />

semblent adéquates pour faire une analyse <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> son usage.<br />

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Nous écarterons tout <strong>de</strong> suite les raisons fonctionnelles non parce qu’elles n’existent pas mais parce<br />

qu’elle ne sont pas intéressantes et ne nous disent rien. Que les <strong>La</strong>pons soient recouverts d’un vêtement<br />

chaud et épais en peau alors que les Indiens Bororo ne portent pas grand chose ne nous informe que<br />

sur le climat <strong>de</strong>s régions où ils habitent ce qu’on peut découvrir sans regar<strong>de</strong>r leur tenue. Qu’un<br />

vêtement soit fait <strong>de</strong> telle ou telle matière parce qu’elle est abondante dans les lieux <strong>de</strong> son usage ne<br />

nous dit rien sur les raisons sociologiques ou anthropologiques <strong>de</strong> sa confection. Les explications<br />

fonctionnelles ne nous informent que sur la fonctionnalité et le résultat <strong>de</strong>s analyses est à la mesure <strong>de</strong>s<br />

outils mis en œuvre pour les obtenir.<br />

Ce que nous cherchons se situe à la hauteur <strong>de</strong>s raisons anthropologiques, sociologiques ou<br />

psychologiques, <strong>de</strong> nature religieuse ou non, mais <strong>de</strong> telle sorte que nous puissions comprendre<br />

comment un groupe bien spécifique <strong>de</strong> la société occi<strong>de</strong>ntale en vient à adopter une forme<br />

caractéristique <strong>de</strong> vêtement dont il aurait pu se passer ou qui aurait pu être autre, si on ne se référait<br />

qu’au contenu <strong>de</strong> ce qu’il exprime, en l’occurrence, les discours sur la religion chrétienne.<br />

Une analyse purement psychologique nous semble également insuffisante pour plusieurs raisons.<br />

D’abord nous sommes en face d’une institution, l’Église, dont bien <strong>de</strong>s actes viennent <strong>de</strong> ses rapports<br />

avec la société. Une analyse psychologique concerne <strong>de</strong>s individus et leurs réactions à l’environnement,<br />

or la <strong>soutane</strong> est préconisée, puis imposée, par une institution, elle est portée ou rejetée par <strong>de</strong>s<br />

individus selon les relations qu’ils ont avec cette institution et avec la société dans laquelle ils sont<br />

immergés. Les laïcs réagissent selon leur situation, leurs opinions ou leurs déterminations en face <strong>de</strong><br />

cette institution et <strong>de</strong> ses membres. Ainsi le vêtement s’analyse sociologiquement.<br />

On peut considérer par ailleurs qu’un vêtement est comme une sorte <strong>de</strong> langage et qu’il parle 5 . Son<br />

langage peut être vécu <strong>de</strong> mille manières par ceux qui le perçoivent, affectant leurs désirs, leurs<br />

inhibitions ou leur i<strong>de</strong>ntité profon<strong>de</strong>, il touche l’affectif autant que la raison <strong>de</strong> sorte qu’il peut aussi<br />

s’analyser <strong>de</strong> manière psychologique mais selon un point <strong>de</strong> vue qui ne sera que partiel. Si les soldats<br />

portent une tenue spécifique, c’est une décision <strong>de</strong> l’institution <strong>de</strong>stinée à uniformiser (raison<br />

sociologique) et remplacer les différences <strong>de</strong> classes sociales par un autre système <strong>de</strong> différentiation,<br />

mais c’est aussi pour assouplir la volonté <strong>de</strong>s individus et les rendre plus prompts à la discipline (raison<br />

<strong>de</strong> politique) ce qui ne doit pas être sans effets sur le portrait qu’ils se font d’eux-mêmes et sur leurs<br />

relations à autrui (raison psychologique).<br />

Le vêtement est donc la résultante <strong>de</strong> raisons sociologiques et psychologiques recherchées par un<br />

groupe ou une institution ayant toutefois <strong>de</strong>s effets qui lui échappent tout en traduisant sur lui quelques<br />

vérités bonnes à entendre. Ces <strong>de</strong>rniers résultats imprévus, qu’on pourrait qualifier <strong>de</strong> parasites, n’en<br />

sont pas moins essentiels pour comprendre l’avènement d’une manière <strong>de</strong> se vêtir 6 . Ils sont souvent<br />

cette part <strong>de</strong> la réalité qui affecte directement les ressentiments à l’égard <strong>de</strong>s individus.<br />

Une analyse doit être dynamique parce que la recherche sur un vêtement comme la <strong>soutane</strong> prise à un<br />

temps et dans un lieu ne donne presque rien. Un vêtement est en général porté suite à un ensemble<br />

parfois complexe <strong>de</strong> réactions à une situation nouvellement créée par <strong>de</strong>s événements n’ayant le plus<br />

souvent pas grand-chose à voir directement avec la tenue vestimentaire. L’analyse <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s montre<br />

largement <strong>de</strong>s phénomènes <strong>de</strong> différentiation explicables par le passage d’une situation dans une autre.<br />

Autrement dit, il est indispensable <strong>de</strong> percevoir <strong>de</strong> manière privilégiée les changements dans les mo<strong>de</strong>s<br />

d’habillement plus que les tenues elles-mêmes.<br />

C’est bien parce qu’elles sont <strong>de</strong>s réactions que les mo<strong>de</strong>s échappent dans leurs effets à la volonté<br />

collective <strong>de</strong>s groupes qui les promeuvent suscitant <strong>de</strong>s conséquences parfois inattendues. Tel groupe<br />

cherchera par exemple à exprimer son émancipation d’un groupe plus vaste et plus puissant<br />

sociologiquement en se distinguant <strong>de</strong> manière vestimentaire sans forcément percevoir, qu’au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong><br />

cette différentiation, il exprime quelque chose <strong>de</strong> lui-même qui n’aurait jamais été visible sans cela.<br />

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Quentin Bell 7 , nous fait découvrir qu'il y a quatre explications <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong> plus une autre qu'il propose<br />

lui-même comme plus pertinente :<br />

• Elle est due à quelques individu et donc le résultat <strong>de</strong> leur pure simple volonté,<br />

• Elle est l'émanation <strong>de</strong> la nature humaine (explication <strong>de</strong> Paul Nystron, The economics of fashion,<br />

1928) comme le désir d'être différent, <strong>de</strong> s'affirmer, etc.,<br />

• Elle est le reflet <strong>de</strong>s grands changements dans l'histoire, événements, changements d'idées, etc.,<br />

• Enfin, elle peut être prise comme le reflet <strong>de</strong> l'intervention d'une puissance supérieure.<br />

Mais l'auteur rejette toutes ces explications pour mettre en avant <strong>de</strong>s causes sociales. <strong>La</strong> mo<strong>de</strong> est la<br />

défense d'une classe sociale contre les efforts d'une autre qui cherche à prendre le pas sur elle. "le<br />

ressort <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong> est le processus d'émulation par lequel les membres d'une classe imitent la mo<strong>de</strong><br />

d'une autre classe - lesquels sont par là conduits à renouveler constamment la mo<strong>de</strong>…" 8 <strong>La</strong> mo<strong>de</strong> se<br />

comprend donc dans le cadre d'une lutte d'influence entre classes sociales, mais on peut évi<strong>de</strong>mment<br />

très facilement imaginer que la lutte en question n'est pas seulement exprimée dans le champ<br />

vestimentaire mais affecte <strong>de</strong>s sphères plus radicales et tout spécialement celles du pouvoir<br />

économique et politique. Il y a une fonction symbolique du vêtement en rapport à <strong>de</strong>s manifestations<br />

sociales cachées au plus grand nombre.<br />

Ce qui précè<strong>de</strong> montre trois points <strong>de</strong> vue : celui <strong>de</strong> l’institution ecclésiale qui promeut un système<br />

vestimentaire, celui <strong>de</strong>s clercs qui sont invités à s’y soumettre et celui <strong>de</strong>s autres qui le perçoivent. Nous<br />

commencerons par parler <strong>de</strong>s clercs non parce qu’ils sont le principe premier ayant gouverné le choix <strong>de</strong><br />

la <strong>soutane</strong> mais parce que leurs réactions sont un facteur sans lequel on ne peut rien comprendre <strong>de</strong>s<br />

évolutions <strong>de</strong>s vêtements ecclésiastiques.<br />

2 - LES CLERCS ET LA SOUTANE<br />

S’il est un fait que le long vêtement talaire <strong>de</strong> couleur sombre est recommandé, et même parfois exigé,<br />

par l’Église Catholique Romaine <strong>de</strong>puis l’empire romain, on sait que, <strong>de</strong>puis Saint Martin <strong>de</strong> Tour, qui le<br />

premier semble-t-il refusa <strong>de</strong> s’y plier, ce style <strong>de</strong> vêtement rencontra très souvent <strong>de</strong> vives oppositions.<br />

Toute l’histoire <strong>de</strong> l’Église est jalonnée <strong>de</strong> mesures prises par <strong>de</strong>s évêques pour essayer <strong>de</strong> faire porter<br />

par les clercs un vêtement, sinon uniforme, du moins respectant <strong>de</strong>s spécifications qui finalement<br />

aboutirent vers la fin du XVI°s à la <strong>soutane</strong> laquelle ne fut portée par tous les clercs qu’après la<br />

révolution.<br />

D'après Louis Trichet 9 , on peut dire qu'à l'origine le vêtement sobre <strong>de</strong>s paysans, adopté par les moines,<br />

est rejeté par <strong>l'Église</strong> comme vêtement <strong>de</strong>s prêtres. En effet, Dès le IV°s, les moines se distinguent par<br />

un vêtement spécial et, très vite, certains d'entre eux <strong>de</strong>vinrent évêques. Ces <strong>de</strong>rniers comme saint<br />

Martin <strong>de</strong> Tour (+397) ne changèrent plus <strong>de</strong> vêtements. On critiqua le saint homme pour la sobriété <strong>de</strong><br />

sa tenue. <strong>La</strong> pério<strong>de</strong> suivante est dans la même problématique.<br />

Le 25 juillet 428 le pape Célestin 1° (422-432) adresse <strong>de</strong>s remontrances aux évêques <strong>de</strong> Vienne et<br />

Narbonne en critiquant la sobriété <strong>de</strong> leur vêtement. Certains évêques, venus du monachisme, vivaient<br />

<strong>de</strong> manière ascétique, portaient <strong>de</strong>s habits <strong>de</strong> moines et faisaient vivre à leur entourage une situation<br />

monacale 10 . Comme les moines ils portaient effectivement le pallium et la ceinture qui étaient les<br />

vêtements <strong>de</strong>s gens du peuple même si on ne sait pas exactement les décrire. Par ailleurs, d'autres<br />

évêques se conformaient aux usages plus anciens et avaient une pratique différente en s'entourant d'un<br />

décors conforme à la vie civile. Ces <strong>de</strong>rniers semblent avoir eu la préférence <strong>de</strong> l'autorité supérieure <strong>de</strong><br />

<strong>l'Église</strong>.<br />

Il faut savoir qu'au V°s, les évêques n'ont pas <strong>de</strong> vêtements particuliers et il en allait certainement <strong>de</strong><br />

même pour les prêtres. Ils étaient vêtus à la manière dont se vêtaient les personnes du milieu social dont<br />

ils étaient issus, en général citadins et assez aisés.<br />

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Toutefois, la mo<strong>de</strong> est à cette époque en train <strong>de</strong> subir un profond changement du fait <strong>de</strong> la multiplicité<br />

<strong>de</strong>s populations barbares. Le clergé séculier est globalement contre ces transformations et gar<strong>de</strong> le<br />

vêtement traditionnel romain, le grand drapé enveloppant tout le corps. Ils portent également la chasuble<br />

qui leur sert <strong>de</strong> manteau pour sortir en les protégeant du froid et <strong>de</strong> la pluie.<br />

Désormais, on commence à interdire aux prêtres <strong>de</strong> porter <strong>de</strong>s vêtements semblables aux laïcs lesquels<br />

étaient le plus souvent soit <strong>de</strong>s paysans vêtus <strong>de</strong> manière “indigne”, c'est-à-dire <strong>de</strong> la tunique courte, ou<br />

encore <strong>de</strong>s soldats en armes.<br />

Tout au long <strong>de</strong> l'histoire on trouvera désormais très souvent <strong>de</strong>s interdits <strong>de</strong> porter tel ou tel vêtement<br />

apparaissant comme les <strong>de</strong>rnières découvertes <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>.<br />

Si on en croit les règles <strong>de</strong> fonctionnement <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s, il faut comprendre cette situation comme un<br />

conflit entre une volonté ecclésiale <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s clercs une catégorie sociale spécifique, dans une société<br />

où les autres catégories refusaient <strong>de</strong> les considérer comme tels, pour les maintenir dans leurs<br />

appartenances natives. <strong>La</strong> question est <strong>de</strong> savoir si le prêtre est prêtre-paysan ou paysan-prêtre, si<br />

l’évêque est évêque-prince ou prince-évêque ? <strong>La</strong> réponse est que, <strong>de</strong> toute l’histoire <strong>de</strong> l’Église jusqu’à<br />

l’époque <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong> (XVIII°-XX°), le curé <strong>de</strong> base reste d’abord un paysan et l’évêque un prince ou au<br />

moins un aristocrate. Tel est l’enseignement du vêtement ecclésiastique sans cesse recommandé,<br />

jamais vraiment totalement accepté.<br />

L’état <strong>de</strong> clerc n’a jamais retiré quelqu’un <strong>de</strong> sa catégorie sociale <strong>de</strong> sorte qu’il y a sans cesse eu<br />

ambivalence entre <strong>de</strong>ux appartenances, une classe sociale bien précise et un groupe, <strong>l'Église</strong>, qui se<br />

différenciait par bien autre chose qu’une découpe en tranches <strong>de</strong> la société et qui, en conséquence, ne<br />

peut pas être considéré comme une classe sociale mais seulement un groupe transversal au sein <strong>de</strong> la<br />

population. Les oscillations entre acceptation et refus du vêtement ecclésiastique montrent que les clercs<br />

se sentent, soit d’abord <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> ce groupe, soit membres d’une classe sociale, en fonction <strong>de</strong>s<br />

circonstances, <strong>de</strong>s problèmes qui se posent à eux mais aussi <strong>de</strong> ce qu’ils reçoivent <strong>de</strong> la classe à<br />

laquelle ils appartiennent et <strong>de</strong> sa puissance en face <strong>de</strong> l’Église.<br />

Ce n’est que dans les pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> désagrégation <strong>de</strong>s classes sociales que les clercs ont pu se sentir<br />

d’abord clercs et accepter <strong>de</strong> porter un vêtement typique. Ce fut probablement le cas à la chute <strong>de</strong><br />

l’empire romain en ce qui concerne les moines. Les autres clercs, étant autant victimes <strong>de</strong> la conjoncture<br />

que les laïcs, furent sans doute tellement emportés par la crise qu’ils n’eurent pas même le loisir <strong>de</strong><br />

s’appuyer sur leur appartenance ecclésiale pour exister en tant que groupe dans la société 11 .<br />

A partir du XII°s, les arguments évoqués par <strong>l'Église</strong> pour justifier un vêtement spécifique pour les clercs<br />

et les encourager à le porter ne sont plus <strong>de</strong> l'ordre <strong>de</strong>s convenances mais d'ordre éthique. Pour cette<br />

raison, alors que le vêtement <strong>de</strong> bien <strong>de</strong>s gens comporte une arme, cette <strong>de</strong>rnière est interdite aux<br />

prêtres. On interdit également dans la manière <strong>de</strong> se vêtir, les tuniques trop courtes, les fentes laissant<br />

apparaître ce qui est sous un vêtement et également les couleurs trop vives dont le prix est, à cette<br />

époque, en proportion <strong>de</strong> leur éclat. Trois gran<strong>de</strong>s tendances prenant place dans les excès <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s<br />

allant <strong>de</strong> l'an 1000 au XIV°s sont ainsi critiquées, d'abord la guerre, ensuite l'exubérance provocatrice ou<br />

l'absence <strong>de</strong> pu<strong>de</strong>ur et pour finir le luxe, trois traits que dénonce saint Bernard 12 . En 1130, le concile <strong>de</strong><br />

Clermont promulgue un règlement sur le vêtement qui sera complété ensuite en 1148 au concile <strong>de</strong><br />

Reims présidé par Eugène III. On condamne l'ouverture <strong>de</strong>s vêtements et leur couleur. Ceux qui<br />

n'obtempèrent pas risquent <strong>de</strong> perdre leurs bénéfices c'est-à-dire leurs revenus.<br />

Grégoire VIII qui ne régna que 57 jours ordonne aux prêtres <strong>de</strong> porter un vêtement fermé et interdit les<br />

couleurs rouge ou verte ainsi que les ornements <strong>de</strong> soie, <strong>de</strong> même que l'anneau sinon pour ceux qui ont<br />

le droit <strong>de</strong> les porter en vertu <strong>de</strong> leur rang dans <strong>l'Église</strong>. Le couronnement <strong>de</strong> ces textes fut dans le canon<br />

16 du IV° concile <strong>de</strong> <strong>La</strong>tran en 1215.<br />

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Au XIII°s, si les clercs ne portent pas d'uniforme, ils ont néanmoins un vêtement qui les distingue <strong>de</strong>s<br />

laïcs 13. Au XIV° et XV°s, les évêques ont fort à faire pour empêcher les clercs <strong>de</strong> se jeter sur la <strong>de</strong>rnière<br />

mo<strong>de</strong> vestimentaire, si on en croit les remontrances qui leurs sont adressées.<br />

Le vêtement du clergé reste long et fermé. On n'accepte pas les multiples sortes <strong>de</strong> fentes qui peuvent<br />

émailler les vêtements à la mo<strong>de</strong> pour les rendre plus pratiques. Le décolleté laissant voir la peau est<br />

interdit. Les fentes doivent être lacées ou fermées. On ne doit pas voir le vêtement <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssous. Pour le<br />

reste, les habits cléricaux ne se distinguent pas <strong>de</strong>s laïcs par leur type, ils n'ont pas <strong>de</strong> nom particulier.<br />

Pratiquement, toutes les innovations <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong> sont interdites ou mal vues, on fait tout pour maintenir<br />

chez les clercs le vêtement traditionnel. On interdit tous les ornements.<br />

A la renaissance (1490-1589), il y a <strong>de</strong> grands changements en matière <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>. Le vêtement <strong>de</strong>s<br />

catégories sociales aisées <strong>de</strong>vient très riche et beau mais les autorités ecclésiastiques ne cessent<br />

d'empêcher le vêtement <strong>de</strong>s clercs <strong>de</strong> suivre <strong>de</strong> telles orientations. Les termes employés sont les mêmes<br />

qu'au XIII°s : décence, honnêteté, caractère clérical, convenable, etc. On doit en tout cas reconnaître les<br />

clercs à leur habit. Le concile <strong>de</strong> Trente dénonce ceux qui portent <strong>de</strong>s habits <strong>de</strong> laïcs. Cela veut dire un<br />

refus <strong>de</strong> la richesse excessive comme <strong>de</strong> l'austérité trop gran<strong>de</strong>.<br />

<strong>La</strong> soie sera <strong>de</strong> nouveau interdite sauf pour le haut clergé au XVI°s 14 .<br />

Le vêtement doit être talaire 15 sauf nécessité, par exemple en voyage, en cas <strong>de</strong> danger à porter l'habit<br />

clérical. On interdit bien évi<strong>de</strong>mment et comme très souvent dans le passé les vêtements fendus.<br />

<strong>La</strong> couleur doit être unique pour toute la tenue. Cela n'a d'ailleurs pas un grand pouvoir <strong>de</strong> différentiation<br />

puisque l'austérité espagnole (cours <strong>de</strong> Philippe II et Charles quint) faisait la mo<strong>de</strong>, tout était donc noir<br />

pour pratiquement tout le mon<strong>de</strong>.<br />

Les rayures dans les vêtements sont interdites 16 . Les raisons <strong>de</strong> cette interdiction semblent d'ailleurs<br />

énigmatiques, à moins <strong>de</strong> recourir à la symbolique comme nous le verrons plus loin. Lorsque Charles<br />

Borromée propose d'imposer le noir aux ecclésiastiques au concile <strong>de</strong> Milan en 1565, il sanctionne un<br />

usage déjà répandu. Ce fut une étape importante vers l'uniformisation du costume <strong>de</strong>s clercs.<br />

Il est à noter, pour bien comprendre le moteur <strong>de</strong> la différentiation du vêtement ecclésiastique dans<br />

l'ancien régime, les privilèges <strong>de</strong>s clercs. Ils tombent quand on ne reconnaît pas visuellement leur statut.<br />

Ainsi le clerc qui est pris les armes à la main perd ses privilèges. L'Évêque <strong>de</strong> Beauvais prisonnier <strong>de</strong><br />

Richard Cœur <strong>de</strong> Lion, alors qu'il avait les armes à la main, ne put obtenir du pape qu'il lui apporte son<br />

soutien en invoquant <strong>de</strong>s privilèges. Ceci dit, cette remarque vaut pour toutes les situations sociales et<br />

pas seulement le clergé. Jusqu'à la révolution on n'a pratiquement pas <strong>de</strong> droit le porter le vêtement <strong>de</strong><br />

son choix 17 .<br />

Nous retrouvons cette situation <strong>de</strong> bouleversement <strong>de</strong>s classes sociales après la Révolution française au<br />

moment où son influence gagne toute l’Europe. <strong>La</strong> <strong>soutane</strong> fut adoptée <strong>de</strong> manière généralisée par ceux<br />

qui purent par ce moyen affirmer leur état <strong>de</strong> clercs avant <strong>de</strong> dire leur appartenance à une classe, au<br />

moment où celles-ci disparaissent, où il n’existe plus <strong>de</strong> paysans, bourgeois ou aristocrates, mais<br />

seulement <strong>de</strong>s citoyens. Les clercs, ayant perdu leur appartenance <strong>de</strong> classe, se retrouvent<br />

essentiellement <strong>de</strong>s ecclésiastiques.<br />

À cette époque, l’Église est puissante puisqu’elle relève d’un État étranger, le Vatican, et non seulement<br />

<strong>de</strong>s princes très menacés <strong>de</strong> l’Église <strong>de</strong> France et les prêtres sont, pour une proportion non négligeable<br />

d’entre eux, obligés <strong>de</strong> se cacher dans la masse sans distinction possible. Il est dès lors facile à<br />

l’institution <strong>de</strong> proposer, dès que cela fut possible, une unité centrée sur l’appartenance ecclésiale et non<br />

sur l'appartenance sociale et <strong>de</strong> signifier cette unité par le port <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong>. Le siècle qui bénéficia <strong>de</strong><br />

cette situation et qui en témoigne le plus ouvertement est sans aucun doute le XIX° siècle.<br />

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Mais, dès que les curés <strong>de</strong>vinrent populaires (moins craints et plus aimés) que leur souci fut moins<br />

d’avoir le soutien <strong>de</strong> l’autorité ecclésiale que l’oreille <strong>de</strong> leurs paroissiens, lorsque les prêtres<br />

commencèrent à se dire ouvriers, <strong>de</strong> mon<strong>de</strong> indépendant ou autre, <strong>de</strong>s pressions fortes surgirent contre<br />

la <strong>soutane</strong> 18 . Un seul vêtement pour tous <strong>de</strong>venait impossible puisque l’appartenance <strong>de</strong> classe, par<br />

choix ou <strong>de</strong> naissance, prenait socialement (et pas forcément en vertu d'une idéologie) le pas sur<br />

l’appartenance à l’Église. Pour que l’appartenance à l’Église soit, pour les clercs, une appartenance<br />

sociale, il leur faut se couper du mon<strong>de</strong> et <strong>de</strong>venir moine (ou moniale), et seules ces <strong>de</strong>rniers gardèrent<br />

le vêtement ecclésiastique en l’adaptant.<br />

Aujourd’hui, nous assistons au renforcement <strong>de</strong> ce retour <strong>de</strong>s catégories sociales dans l’Église.<br />

L’apparition du col romain, <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong> dans certains cas, mais aussi du prêtre en costume cravate, du<br />

prêtre en jeans et au col roulé, vêtu en loubard ou autrement, marque la suprématie atteinte <strong>de</strong><br />

l’appartenance sociale sur l’appartenance ecclésiale. Le col romain tout spécialement, lequel est souvent<br />

imposé au jeune par sa famille, marque le retour dans l’Église <strong>de</strong>s classes bourgeoises qui veulent se<br />

différentier <strong>de</strong>s autres. Ce vêtement définit moins un système <strong>de</strong> pensées qu’une appartenance à un<br />

milieu spécifique. Mais, bien évi<strong>de</strong>mment, une appartenance sociale conditionne un système <strong>de</strong><br />

pensées.<br />

Tout ceci signifie le retour à une situation ordinaire (si on en juge par les durées) après les perturbations<br />

engendrées en Europe par la révolution et les idées qui la précè<strong>de</strong> dès le XVI° siècle, conjoncture dont<br />

l’Église a profité pour imposer la <strong>soutane</strong>.<br />

3 - LE COMPORTEMENT DE L’INSTITUTION<br />

Quand nous parlerons d’expression <strong>de</strong> l’institution ecclésiale, <strong>de</strong> volonté <strong>de</strong> l’Église et <strong>de</strong> ses<br />

représentants les plus hauts placés, nous ne penserons pas aux discours, aux sentences, aux<br />

proclamations, à la pensée explicite mais à la manière dont elle parle à travers ses décrets et incitations<br />

en matière <strong>de</strong> vêtement.<br />

L’Église <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aux prêtres et aux clercs en général <strong>de</strong> porter un vêtement digne d’eux.<br />

Sous l’empire romain, le vêtement <strong>de</strong>s clercs est celui <strong>de</strong>s citadins aisés, c’est-à-dire la robe. L’autorité<br />

ecclésiale ne s’exprime sur cette question qu’au moment où un changement prétend se faire lorsque<br />

certains prennent le vêtement <strong>de</strong>s moines, c’est-à-dire <strong>de</strong>s paysans. Il est bien trop marqué socialement<br />

d’une manière qui ne reflète pas le comportement moyen <strong>de</strong> l’ensemble du clergé c’est-à-dire qu’il<br />

différentie trop certains <strong>de</strong>s autres. Déjà pointe l’idée d’une catégorie spécifique à l’intérieur <strong>de</strong> la société.<br />

Le refus <strong>de</strong> la différentiation à l’intérieur d’un groupe est très proche <strong>de</strong> l’idée d’une i<strong>de</strong>ntification<br />

spécifique à ce groupe. Ainsi arrivera l’idée d’un vêtement recommandé aux clercs avant qu’il ne soit<br />

bien plus tardivement imposé à eux.<br />

Ce vêtement aura sans cesse les mêmes caractéristiques tout au long <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> l’Église. C’est un<br />

vêtement qui ne marque pas l’appartenance à une classe sociale et qui n’est pas sexuellement<br />

séducteur. L'idée <strong>de</strong> pauvreté, souvent répétée, n'est une réalité que pour le bas clergé qui ne peut<br />

d'ailleurs pas faire autrement. Ce n'est donc pas un facteur déterminant dans l'étu<strong>de</strong> du vêtement<br />

ecclésiastique.<br />

Le rejet <strong>de</strong> l’idée d’une détermination sociale du vêtement s’est exprimé par le refus permanent <strong>de</strong> toute<br />

adaptation aux expressions vestimentaires d’une classe montante. Cela conduit immanquablement à une<br />

fixité <strong>de</strong>s traits du vêtement et à son indétermination sociale puisque toutes les catégories sociales ont<br />

été un jour dominantes et l’ont exprimé dans <strong>de</strong>s variations <strong>de</strong> mo<strong>de</strong> (sauf peut-être les classes les plus<br />

pauvres), jeunes nobles, bourgeois <strong>de</strong>s villes, paysannerie enrichie par l’accès à la propriété, etc. À force<br />

<strong>de</strong> ne plus vouloir être le reflet d’une classe sociale, le vêtement <strong>de</strong>s clercs, dans l’idée <strong>de</strong>s princes <strong>de</strong><br />

l’Église, <strong>de</strong>vint spécifique et le clergé fut pensé transversalement aux classes sociales comme un groupe<br />

déterminé ayant <strong>de</strong>s privilèges en propre. Tout du moins en fut-il ainsi dans la volonté <strong>de</strong>s chefs religieux<br />

puisque nous savons que, très souvent, elle ne fut pas respectée par les clercs eux-mêmes comme nous<br />

l’avons exprimé plus haut.<br />

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Au Moyen Age, pério<strong>de</strong> où l’Église a représenté, plus qu’à d’autre, un pouvoir dans la société, les prêtres<br />

n’avaient certes pas tous le même costume contrairement à ce qui sera au temps <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong>, ils n’en<br />

avaient pas moins une tenue suffisamment spécifique pour qu’on les reconnaisse immanquablement.<br />

Contrairement, aussi, à la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong>, cette différenciation ne se fit pas contre la société mais<br />

avec elle <strong>de</strong> sorte que le vêtement fut le corollaire d’un droit particulier.<br />

L’autorité civile ne pouvait s’adresser aux porteurs du vêtement ecclésiastique <strong>de</strong> la même manière qu’à<br />

ceux qui ne le portaient pas, qu’ils fussent clercs ou non. Néanmoins, n’en doutons pas, le costume d’un<br />

prêtre d’origine aristocratique, bien doté en terres et richement pourvu en bénéfices n’était pas semblable<br />

à celui d’un vicaire <strong>de</strong> village vivant dans une masure. Il y a un vêtement ecclésiastique, mais il ne<br />

supprime en rien les signes d’appartenance à une classe sociale. L’unité du groupe <strong>de</strong>s clercs n’existera<br />

qu’avec la <strong>soutane</strong>, vêtement qui, au sens propre du mot, sera révolutionnaire autant dans l’Église que<br />

dans la société en ce sens qu’il correspond bien à la volonté rêvée <strong>de</strong> l’institution mais qui n’avait aucune<br />

chance d’exister réellement sinon dans un contexte hors du commun, celui où l’appartenance à l’Église<br />

prenait complètement le pas sur toutes formes d’appartenance sociale.<br />

On pourrait presque dire la même chose en ce qui concerne les caractères sexuels du vêtement<br />

ecclésiastique. Dans l’idée <strong>de</strong> l’institution, il ne doit pas marquer sexuellement celui qui le porte et cela<br />

au nom <strong>de</strong> la pu<strong>de</strong>ur, <strong>de</strong> la réserve et <strong>de</strong>s vertus morales attendues <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s clercs. Le refus <strong>de</strong><br />

toutes les spécificités marquées sexuellement qui purent apparaître successivement dans l’histoire du<br />

vêtement a conduit progressivement vers une forme d’indétermination sexuelle du vêtement en question.<br />

Ce but ne fut effectivement réalisé qu’avec la <strong>soutane</strong>. Alors, les fantasmes allèrent bon train. Qui n’a<br />

pas le souvenir <strong>de</strong>s moqueries à l’égard d'un tel vêtement, plus d'ailleurs que <strong>de</strong>s prêtres eux-mêmes,<br />

lorsqu’on parlait d’eux avec un humour plus ou moins grinçant comme <strong>de</strong> personnages sans sexe,<br />

d’espèces d’androgynes ou d’êtres intermédiaires ? Les fantasmes populaires n’étaient pas si loin que<br />

cela <strong>de</strong> la volonté <strong>de</strong> l’institution <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s clercs <strong>de</strong>s êtres sans spécification extérieure <strong>de</strong> leur sexe.<br />

Il est à noter que, dans la mesure où le XX°s découvrit avec Freud que tout était sexué, les clercs, en<br />

perdant leur expression sexuée, se voyaient ainsi condamnés à perdre une <strong>de</strong> leur fonction spécifique.<br />

<strong>La</strong> société n’accepte plus que les clercs s’expriment en matière <strong>de</strong> morale sexuelle, que les gens disent<br />

dans les confessions leurs lacunes ou leurs peines en ce domaine. Ils sont remplacés en cela par <strong>de</strong>s<br />

professionnels <strong>de</strong> la sexualité. Un être asexué ne peut rien dire ni rien entendre sur le sexe. Au temps <strong>de</strong><br />

la <strong>soutane</strong>, les femmes, figures du sexe pour les hommes, sont interdites aux prêtres non seulement en<br />

ce qui concerne la chasteté mais aussi en ce qui concerne les relations les plus simples et les plus<br />

courantes. Il y a quelques années, alors que les prêtres étaient encore en <strong>soutane</strong>, il paraissait du plus<br />

mauvais goût qu’une femme se présente au presbytère pour un entretien, et même simplement pour<br />

offrir aux prêtres un plat <strong>de</strong> sa confection 19 .<br />

Aujourd’hui où le <strong>symbole</strong> <strong>de</strong> la privation <strong>de</strong> sexe que fut la <strong>soutane</strong> pour les clercs a pratiquement<br />

disparu, l’illusion semble tomber.<br />

L'institution ecclésiale a voulu que le prêtre, ou le clerc d'une manière générale, soit un homme<br />

intégralement orienté vers Dieu, à distance <strong>de</strong> la vie sociale et <strong>de</strong> la vie familiale, appartenant d'abord à<br />

<strong>l'Église</strong>. L'entreprise, dont les racines remontent à l'antiquité, s'est déployée sur <strong>de</strong>s siècles et reste<br />

encore d'actualité. Quant à l'exclusion <strong>de</strong>s prêtres <strong>de</strong> la vie familiale, elle n'a guère réussit avant la<br />

concile <strong>de</strong> Trente (1545) 20 .<br />

En ce qui concerne la vie sociale sa réussite coïnci<strong>de</strong> avec le temps <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong>, s'instaure<br />

progressivement au XVI°s et parvient à son complet succès au XIX°s avant <strong>de</strong> s'effondrer après Vatican<br />

II. Il aura fallu quelques treize ou quatorze siècles pour que <strong>l'Église</strong> parvienne à faire prévaloir sa propre<br />

structure comme lieu d'i<strong>de</strong>ntification sociale contre les classes sociales communes dans la société<br />

occi<strong>de</strong>ntale et ce triomphe n'a prévalu que <strong>de</strong>ux siècles environ.<br />

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4 - LE VETEMENT PARLE AU-DELA DE CE QU’ON A VOULU LUI FAIRE DIRE<br />

<strong>La</strong> <strong>soutane</strong> ne parle pas seulement en évoquant les relations <strong>de</strong> l’Église et du mon<strong>de</strong>, <strong>de</strong> la composante<br />

sociale <strong>de</strong> l’Église à partir <strong>de</strong> la volonté <strong>de</strong> l’institution, <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> ses dirigeants et <strong>de</strong> ceux qui leur était<br />

supposé soumis. Elle parle également sans qu’on ait voulu la faire parler, sans qu’une conscience ait eu<br />

le souci d’en faire la promotion. Elle parle parce qu’elle appartient au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s <strong>symbole</strong>s et pas<br />

seulement <strong>de</strong>s instruments <strong>de</strong> pouvoir et <strong>de</strong> contre-pouvoir. Autrement dit, indépendamment <strong>de</strong> toute<br />

vérification historique, elle révèle quelque chose <strong>de</strong>s intentions, explicitées ou non dans les faits, elle<br />

dénote un état d’esprit réalisé ou non, une manière dont l’histoire s’est vécue sans qu'il soit besoin ni<br />

possible <strong>de</strong> l'étayer par <strong>de</strong>s faits.<br />

Nous distinguerons d’abord les différents éléments symboliques <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong> pour nous donner les clés<br />

<strong>de</strong> l’interprétation.<br />

4.1 - Les éléments symboliques <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong><br />

<strong>La</strong> <strong>soutane</strong> fait partie <strong>de</strong>s vêtements cylindriques et sa forme est tubulaire. D’une manière générale, le<br />

cylindre exprime une réaction <strong>de</strong> défense contre un fantasme, la peur <strong>de</strong> la fente, <strong>de</strong> la scission, du<br />

dédoublement, <strong>de</strong> la coupure <strong>de</strong> soi-même en <strong>de</strong>ux 21 . L’être humain porte <strong>de</strong>ux jambes et les réunir pour<br />

les rendre solidaires ne peut pas manquer d’avoir le sens <strong>de</strong> la contradiction <strong>de</strong> cette dualité. Le<br />

vêtement cylindrique exprime en soi l’unité ou la réunification. Mais la <strong>soutane</strong> n’est pas qu’un tube.<br />

C’est aussi une fente qui va du haut jusqu’en bas ou l’inverse. Il est tout <strong>de</strong> même étonnant que l’Église<br />

après avoir interdit les vêtements fendus pendant <strong>de</strong>s siècles en vient à proposer un vêtement portant<br />

bien en évi<strong>de</strong>nce cette caractéristique. Il est vrai que la fente n’est pas gérée <strong>de</strong> la même manière au<br />

Moyen Âge qu'au XIX° siècle. Dans le premier cas, elle faisait entrer le vêtement dans le jeu entre le<br />

voilé et le dévoilé alors que, dans l'autre, la fente <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong> ne dévoile rien du tout.<br />

En général, dans notre mon<strong>de</strong>, les vêtements cylindriques sont portés par <strong>de</strong>s femmes et la fente est<br />

interprétée comme étant la fente génitale dont le vêtement ouvert désigne l’extrême fragilité ou faiblesse,<br />

à moins qu’il ne désigne le désir <strong>de</strong> la femme <strong>de</strong> se donner 22 . Quoi qu’il en soit, la <strong>soutane</strong> est portée par<br />

<strong>de</strong>s hommes et sa symbolique est d’un autre ordre, même si l'idée d'une blessure est à gar<strong>de</strong>r puisqu'il<br />

s'agit d'une ouverture vers l'intérieur.<br />

<strong>La</strong> fente gouverne l’ensemble du vêtement dans le sens <strong>de</strong> la verticalité ce qui souligne la distinction<br />

entre le haut et le bas en les raccordant. D’ailleurs, toutes les fentes <strong>de</strong>s vêtements font cette distinction,<br />

même les fentes latérales <strong>de</strong>s robes ou <strong>de</strong>s jupes <strong>de</strong>s femmes qui, en plus <strong>de</strong> faciliter la marche, invitent<br />

à voir ou à imaginer ce qui est plus haut. Dans la <strong>soutane</strong>, la fente va jusqu’en haut et il n’est rien qu’on<br />

puisse imaginer allant plus haut sinon le lieu <strong>de</strong> la cérébralité. Allant <strong>de</strong>s bro<strong>de</strong>quins jusqu’à l’encolure, la<br />

fente <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong> oppose le ciel et la terre mais aussi la raison au pragmatisme immédiat, elle désigne<br />

le chemin qui entraîne l’humain <strong>de</strong> l'horizontalité du sol vers le siège <strong>de</strong> Dieu.<br />

Mais, comme il s’agit d’une fente et donc d’une coupure selon une logique négative et non affirmative,<br />

elle représente ce qui sépare la terre du ciel, le terre à terre <strong>de</strong> la raison, mais selon l'image d'une<br />

blessure, d'une souffrance révélant le caractère douloureux du chemin à parcourir entre les pôles. Si le<br />

ciel et la terre peuvent se raccor<strong>de</strong>r, leur situation naturelle ou ordinaire est d'être séparés en<br />

contradiction avec l'image d'unité qu'évoque le caractère tubulaire <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong> 23 . <strong>La</strong> fente <strong>de</strong> la<br />

<strong>soutane</strong>, dans une premier regard, est la négation <strong>de</strong> l'union du divin et <strong>de</strong> l'humain 24 .<br />

Contrairement à la plupart <strong>de</strong>s robes fendues <strong>de</strong>s femmes, la fente <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong> est rigoureusement<br />

fermée dans la totalité <strong>de</strong> son parcours par une série <strong>de</strong> trente-trois boutons. <strong>La</strong> séparation est refermée<br />

<strong>de</strong> manière volontaire et délibérée dans un acte qu’il faut reproduire longuement chaque matin comme il<br />

faut le défaire tout aussi longuement chaque soir avant <strong>de</strong> se coucher en comptant le même nombre <strong>de</strong><br />

boutons que le nombre d'année <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> Jésus Christ 25 . <strong>La</strong> fente traduit donc la négation méticuleuse<br />

<strong>de</strong> la séparation qu’elle évoque et non son affirmation.<br />

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On comprend alors pourquoi dans toute l’histoire <strong>de</strong> l’Église les rayures dans les vêtements <strong>de</strong> ville sont<br />

interdites aux ecclésiastiques comme indignes d’eux. Verticales, elles ouvrent vers le haut <strong>de</strong>s chemins<br />

qui n’appartiennent pas à la symbolique normale du vêtement ecclésiastique 26 puisqu’elle en dit plutôt la<br />

fermeture. <strong>La</strong> <strong>soutane</strong> est en fin <strong>de</strong> compte la négation <strong>de</strong> la négation du lien entre le ciel et la terre, le<br />

divin et l'humain, le spirituel et le matériel, <strong>l'Église</strong> et le mon<strong>de</strong>, etc…<br />

On peut ajouter que la verticalité <strong>de</strong> la forme cylindrique et <strong>de</strong> la fente qui scin<strong>de</strong> en <strong>de</strong>ux la <strong>soutane</strong><br />

désigne l’abstraction <strong>de</strong> la dimension historique <strong>de</strong> la vie au profit <strong>de</strong>s schèmes d’ascension ou <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>scente en soi-même et donc d'intériorité. Certes, tout vêtement est vertical puisque l’homme est<br />

bipè<strong>de</strong>, mais en général le vêtement joue sur la négation <strong>de</strong> la verticalité par <strong>de</strong>s élargissements, <strong>de</strong>s<br />

rayures, <strong>de</strong>s dissymétries, <strong>de</strong>s changements <strong>de</strong> couleurs, <strong>de</strong>s modulations dans les formes entre le haut<br />

et le bas, dans les jambes, à la taille ou au niveau <strong>de</strong> la poitrine, mais rien <strong>de</strong> tel ici sinon la ceinture.<br />

<strong>La</strong> <strong>soutane</strong> est en effet portée avec une ceinture qui, lorsqu’elle est apparente, comme dans le cas qui<br />

nous intéresse ici, souligne la division entre le haut du corps, siège <strong>de</strong>s fonctions nobles, cérébrale,<br />

cardiaque et pulmonaire et le bas, siège <strong>de</strong>s fonctions inférieures, digestives, génitales et excrétoires. <strong>La</strong><br />

ceinture souligne encore la séparation déjà perceptible dans la fente et exprime son caractère<br />

irrémédiable contrairement à la fente qui sépare en laissant une possibilité d'unité. Le caractère <strong>de</strong><br />

séparation domine ainsi sur l'idée d'unité ou <strong>de</strong> raccor<strong>de</strong>ment.<br />

Toutefois la ceinture s’oppose à la fente et à la forme verticale du cylindre en ce qu’elle est horizontale et<br />

donc symbolique <strong>de</strong> la dimension historique avec la nuance qu’elle est un signe négatif <strong>de</strong> privation<br />

comme le dit bien l’expression populaire « faire ceinture ».<br />

Le troisième élément important <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong> est sa couleur noire qui n’a rien <strong>de</strong> neutre ou d’insignifiant.<br />

Le noir n’est pas une couleur très positive dans l’imaginaire humain. <strong>La</strong> peur <strong>de</strong> “l’homme en noir” fait<br />

partie <strong>de</strong>s fantasmes très courants 27 . Le noir est <strong>symbole</strong> <strong>de</strong> la peur, <strong>de</strong> celle qui est au cœur <strong>de</strong><br />

l’homme, irraisonnée, atavique et spontanée 28 . Le noir est la couleur <strong>de</strong> la mort et du mon<strong>de</strong> démoniaque<br />

c’est-à-dire du mon<strong>de</strong> sub-terrestre, <strong>de</strong> ce qui n’affleure pas dans le mon<strong>de</strong> moyen <strong>de</strong> tous les jours et<br />

encore moins dans celui <strong>de</strong>s sphères élevées. Le noir est le <strong>symbole</strong> du “sheol” dans le mon<strong>de</strong> biblique,<br />

un mon<strong>de</strong> terme, sans vie et amorphe parce que coupé du mon<strong>de</strong> d’en haut.<br />

Le noir renforce la symbolique <strong>de</strong> la fente fermée lorsqu’elle évoque ce qui sépare du ciel pour le nier. Il<br />

faut donc imaginer que le noir est également nié dans sa signification, c’est pourquoi on ne peut pas<br />

éviter d’évoquer les rapports entre la <strong>soutane</strong> et le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la couleur vive. Le prêtre n'était l'homme en<br />

noir que pour ceux qui n'entraient pas dans les églises.<br />

<strong>La</strong> <strong>soutane</strong>, par sa forme et ses accessoires, symbolise la négation <strong>de</strong> la négation <strong>de</strong> la séparation entre<br />

le ciel et la terre ce qui ne se ramène pas à une affirmation pure et simple. Chaque matin et chaque soir,<br />

le prêtre faisait le chemin entre le haut et le bas, le ciel et la terre, ou l'inverse, selon la nécessité inscrite<br />

dans le costume qu'il portait, autrement dit, il niait la séparation <strong>de</strong> ce qui ne peut pas se rejoindre.<br />

Ensuite, il nouait la ceinture qui exprimait la dimension historique <strong>de</strong> l'existence avant <strong>de</strong> rejoindre le<br />

mon<strong>de</strong> pour entretenir ses paroissiens du mal qui empêchait l'accès au ciel, mais tout cela était déjà dit<br />

dans son vêtement. <strong>La</strong> <strong>soutane</strong> est le <strong>symbole</strong> <strong>de</strong> la négation <strong>de</strong> la négation du mal, autrement dit<br />

l'expression manifeste <strong>de</strong> la négation du péché sur laquelle les prêtres centraient bien souvent leurs<br />

discours 29 .<br />

Dans l’Église, le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la couleur vive est celui <strong>de</strong> la liturgie. On ne peut pas comprendre la <strong>soutane</strong><br />

sans la mettre en rapport avec l’autre mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s prêtres qu’est celui où ils vivent dans la gloire.<br />

Dans la liturgie, les clercs portent d’abord un vêtement blanc non fendu, l’aube, mais aussi, et par<strong>de</strong>ssus,<br />

<strong>de</strong>s vêtements <strong>de</strong> couleur verte, rouge, blanche, dorée ou noire mais le noir a ici un sens que<br />

nous préciserons plus loin. <strong>La</strong> chasuble, la dalmatique, les surplis et autres vêtements forment <strong>de</strong>s<br />

distinctions étagées selon la hauteur qui sont autant <strong>de</strong> ruptures avec la verticalité. L’étole constitue la<br />

rayure suprême qui défie le refus <strong>de</strong> la séparation <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong> et s’y oppose directement en<br />

reproduisant la dualité <strong>de</strong>s jambes que précisément la <strong>soutane</strong> nie.<br />

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On peut ajouter l'énorme double fente que manifeste la chasuble violon portée au temps <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong> 30 .<br />

<strong>La</strong> <strong>soutane</strong> est donc l’anti-vêtement liturgique. Mais la <strong>soutane</strong> ne peut pas se comprendre sans la<br />

liturgie.<br />

Si la <strong>soutane</strong> est la négation <strong>de</strong> la négation <strong>de</strong> ce qui nous sépare du ciel, le vêtement liturgique exprime<br />

le succès <strong>de</strong> cette négation en mettant l’homme qui célèbre dans la pureté joyeuse du mon<strong>de</strong> céleste et<br />

la gloire promise d'un Royaume éternel. <strong>La</strong> lutte, que suppose la <strong>soutane</strong> entre l’homme qui en est vêtu<br />

et le mon<strong>de</strong>, ne se supporte et ne se comprend qu’avec l’expression <strong>de</strong> la réussite <strong>de</strong> l’entreprise<br />

exprimée symboliquement dans la liturgie. Autrement dit, avec la <strong>soutane</strong>, le clerc se révèle être l’homme<br />

<strong>de</strong> la liturgie au moment où il ne s’y livre pas, au moment où il en est privé, la pério<strong>de</strong> sombre <strong>de</strong> son<br />

emploi du temps, lorsqu’il est dans le mon<strong>de</strong> visible <strong>de</strong> tous. Expression négative, la <strong>soutane</strong> peut l’être<br />

au profit <strong>de</strong> la réalité positive exprimée dans le vêtement liturgique porté dans <strong>de</strong>s lieux et <strong>de</strong>s temps en<br />

principe réservés aux pratiquants, là où le rite met à distance <strong>de</strong> la vie quotidienne. Porter la <strong>soutane</strong>,<br />

c’est trouver le sens <strong>de</strong> sa vie dans la liturgie comme lieu <strong>de</strong> la transcendance rendue visible, présente et<br />

sensible.<br />

Il est toutefois un endroit où le ciel et la terre se rejoignent en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la liturgie, un événement où<br />

s’exprime le passage <strong>de</strong> l’en-<strong>de</strong>çà vers l’au-<strong>de</strong>là et ce lieu, cet événement, c’est la mort. C’est pourquoi,<br />

exceptionnellement dans les époques où se portait la <strong>soutane</strong> ou les vêtements noirs qui ont précédé<br />

cette <strong>de</strong>rnière, la liturgie se vêtait <strong>de</strong> noir, la couleur la plus anti-liturgique qui soit, dans la liturgie <strong>de</strong>s<br />

funérailles 31 . <strong>La</strong> célébration <strong>de</strong>s funérailles est la liturgie qui fait cause commune avec le mon<strong>de</strong> en<br />

perdant les privilèges qui la mettent au rang <strong>de</strong>s réalités divines pour l’abaisser dans une nature qui n’est<br />

pas la sienne. <strong>La</strong> liturgie <strong>de</strong>s morts en ces pério<strong>de</strong>s obéissait à une logique d’incarnation et c’est sans<br />

doute la seule.<br />

On comprend aisément la signification <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong> comme vêtement riche d'une symbolique religieuse<br />

qu'elle a acquise progressivement en <strong>de</strong>ux mille ans d'histoire alors même qu'il ne s'agissait pas d'un<br />

vêtement religieux. Nous l'avons signalé dès les débuts <strong>de</strong> ce travail, la <strong>soutane</strong> n'évoque rien <strong>de</strong><br />

religieux au regard <strong>de</strong>s réalités fondatrices et officielles <strong>de</strong> <strong>l'Église</strong>. Son caractère religieux était en réalité<br />

caché en raison <strong>de</strong> la négativité <strong>de</strong> son expression symbolique, elle essaye d'affirmer en niant.<br />

4.2. <strong>La</strong> <strong>soutane</strong> symbolique dans le mon<strong>de</strong><br />

Il est important maintenant <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r mieux ce qui est nié par la <strong>soutane</strong> dans l’ordre <strong>de</strong> l’humain afin<br />

d’en mieux comprendre les effets dans le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> ses époques.<br />

<strong>La</strong> négation <strong>de</strong> la négation <strong>de</strong> la séparation portait sur le retrait du mon<strong>de</strong> et donc dénonçait tout ce qui,<br />

dans le mon<strong>de</strong>, pouvait empêcher le passage du mon<strong>de</strong> d’en bas vers le mon<strong>de</strong> d’en haut. Il s’agissait<br />

<strong>de</strong> la sexualité opposée au cœur c’est-à-dire à l’émotion intérieure, <strong>de</strong>s sens opposés à la raison, du<br />

corps opposé à l’esprit, du mon<strong>de</strong> en face <strong>de</strong> l’Église, <strong>de</strong> la terre distincte du ciel, du mon<strong>de</strong> d’en bas<br />

éloigné du mon<strong>de</strong> d’en haut, <strong>de</strong> l’homme en vis-à-vis <strong>de</strong> Dieu. Entre ces éléments, il ne s’agit pas<br />

d’affirmer les liens, mais bien <strong>de</strong> dénoncer ce qui les rompt. C’est fondamentalement différent, on ne<br />

regar<strong>de</strong> pas d’abord ce qui lie mais ce qui sépare, non ce qui unit mais ce qui divise. À l’époque <strong>de</strong> la<br />

<strong>soutane</strong>, et conformément à sa symbolique que nous venons <strong>de</strong> voir, l’objet <strong>de</strong>s discours, le contenu <strong>de</strong>s<br />

homélies, le sens <strong>de</strong>s enseignements ne portent pas du tout sur les mêmes thèmes qu’à d’autres<br />

époques et notamment à celles qui ont suivies. On parle <strong>de</strong>s péchés plus que <strong>de</strong>s vertus, <strong>de</strong>s interdits<br />

plus que <strong>de</strong> ce qui est permis, on parle <strong>de</strong> l’enfer plus que du ciel, on parle du démon plus que <strong>de</strong> Dieu<br />

puisque l’accès aux vertus se fait en combattant le vice, l’entrée dans le ciel se fait en évitant la porte <strong>de</strong><br />

l’enfer et la rencontre <strong>de</strong> Dieu vient <strong>de</strong> la lutte contre le diable 32 .<br />

Est mise en cause ici une bonne part <strong>de</strong> la dimension relationnelle <strong>de</strong> la vie, celle qui est concernée par<br />

l’affectivité et les sens au profit <strong>de</strong> la raison dominante. <strong>La</strong> tête du clerc est soulignée par un col ou un<br />

rabat blanc signifiant le lieu <strong>de</strong> l’arrêt <strong>de</strong> la symbolique <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong>. Le <strong>de</strong>venir est mis en retrait au<br />

profit <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong>s choses dans lequel le réel doit toujours se trouver, là où, a priori, il a été défini qu’il<br />

doit se tenir. C’est au moment où, dans le mon<strong>de</strong> profane, l’historique cherche à s’exprimer en occi<strong>de</strong>nt<br />

qu’il se trouve symboliquement supprimé dans l’Église.<br />

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<strong>La</strong> caractéristique <strong>de</strong> cette symbolique présente dans la <strong>soutane</strong> est sa violence. <strong>La</strong> négation <strong>de</strong> la<br />

négation est une entrée en guerre, une lutte acharnée pour détruire l’ennemi qui nous nie, pour<br />

supprimer le maître <strong>de</strong>s esclaves, pour repousser l’engeance diabolique. Celui qui s’y livre court sans<br />

cesse le risque <strong>de</strong> faillir. <strong>La</strong> <strong>soutane</strong> exprime une volonté <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction investie dans l’attente confiante<br />

d’une victoire certaine dont la symbolique est signifiée <strong>de</strong> son côté dans le vêtement liturgique.<br />

On comprend dès lors pourquoi la <strong>soutane</strong> a été vécue d’une manière extrêmement négative par les<br />

opposants <strong>de</strong> l’Église. Elle signifie la lutte contre eux, les a<strong>de</strong>ptes du mon<strong>de</strong>, ceux qui cherchent le<br />

bonheur et les plaisirs <strong>de</strong> l’existence. Ce combat a pu prendre parfois <strong>de</strong>s formes extrêmes <strong>de</strong> violence.<br />

On a même voulu en interdire le port au nom <strong>de</strong> la laïcité <strong>de</strong> la voie publique 33 . <strong>La</strong> couleur noire a été<br />

directement tournée en dérision lorsque certains imitaient le croassement <strong>de</strong>s corbeaux au passage <strong>de</strong>s<br />

clercs en <strong>soutane</strong>.<br />

Que <strong>l'Église</strong> en ait été consciente ou non la <strong>soutane</strong> a été dans la société occi<strong>de</strong>ntale mais surtout en<br />

France un instrument <strong>de</strong> lutte contre toute réalité i<strong>de</strong>ntifiable au péché dans ses moindres recoins. Dès<br />

son apparition, il est <strong>de</strong>s paroissiens qui, en raison <strong>de</strong> leur comportement, se sont sentis directement mis<br />

en cause et ceux-ci, au lieu <strong>de</strong> se rallier, sont entrés en opposition 34 .<br />

CONCLUSION<br />

<strong>La</strong> <strong>soutane</strong> est le <strong>symbole</strong> <strong>de</strong> la puissance autonome d’une Église séparée du mon<strong>de</strong>, mais qui lutte<br />

contre cette séparation et l’ensemble <strong>de</strong> ses agents qui sont la sexualité, les sens, le temps et son<br />

corollaire l’histoire au profit <strong>de</strong> l’altérité, <strong>de</strong> la transcendance, <strong>de</strong> la joie céleste et angélique et <strong>de</strong><br />

l’émotion spirituelle exprimée dans la piété. Les victimes <strong>de</strong> cette lutte, ou les oubliés <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong>, sont<br />

les joies terrestres, les vertus relationnelles et affectives, l’esprit d’entreprise et le sentiment<br />

d’appartenance à une humanité en marche ou un groupe constituant ses bases sociales, la créativité, le<br />

bonheur et d’une certaine manière la vie telle qu’elle peut s’éprouver ici-bas. Entre le ciel et la terre, le<br />

seul point <strong>de</strong> contact effectif et non nié, tel qu’il s’exprime dans la symbolique <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong>, est la mort<br />

sous le signe <strong>de</strong> la noirceur.<br />

<strong>La</strong> mort fut familière <strong>de</strong>s hommes en noir parce qu’ils en étaient d’une part les témoins et d’autre part<br />

parce que le XIX° siècle, la gran<strong>de</strong> époque <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong> fut la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> l’Église où le<br />

nombre <strong>de</strong> prêtres morts en partance pour les pays <strong>de</strong> mission, ou peu <strong>de</strong> temps après leur arrivée, fut si<br />

nombreux qu’il est impossible d’en connaître le nombre. <strong>La</strong> rumeur veut qu’il fasse partie <strong>de</strong>s secrets les<br />

mieux gardés <strong>de</strong> l’institution.<br />

<strong>La</strong> <strong>soutane</strong> fut le <strong>symbole</strong> du temps très éphémère d’une puissance indépendante <strong>de</strong> l’Église au milieu<br />

d’un mon<strong>de</strong> qui acceptait mal <strong>de</strong> la voir autonome par rapport à ses propres catégories. Ce temps fut très<br />

court au regard <strong>de</strong>s siècles écoulés et d’ors et déjà il fait partie <strong>de</strong> l’histoire.<br />

Nous pouvons terminer en indiquant quelques traits concernant l’enseignement <strong>de</strong> la symbolique <strong>de</strong> ce<br />

vêtement pour la pério<strong>de</strong> contemporaine.<br />

Notre mon<strong>de</strong> est très différent <strong>de</strong> celui du XIX°s, les groupes sont, dans la société, bien plus petits que<br />

les classes sociales traditionnelles. Elles sont traversées et subdivisées par <strong>de</strong>s sous-groupes qui ne<br />

sont pas, à proprement parler, <strong>de</strong>s classes pour lesquelles la composante économique, et ses<br />

caractéristiques dans les échanges marchands, était déterminante. Il y a <strong>de</strong>s groupes religieux<br />

aujourd’hui bien plus diversifiés que jadis, mais il y a aussi <strong>de</strong>s groupes se distinguant par leur sexualité,<br />

leur origine ethnique, leurs lieux d’habitation, et bien d’autres encore qui tous peuvent se différentier<br />

dans leurs habitu<strong>de</strong>s vestimentaires. L’Église est à nouveau inscrite à l’intérieur <strong>de</strong> cette diversité et non<br />

en opposition à elle. Elle retrouve ainsi une situation qui fut la sienne dans toute son histoire sauf<br />

pendant la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong>.<br />

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Il est désormais pratiquement impossible <strong>de</strong> se différentier en face <strong>de</strong> tous les autres groupes en ayant<br />

la prétention <strong>de</strong> transcen<strong>de</strong>r les différences sociales. On est forcément, et d’emblée, ramené à l’état <strong>de</strong><br />

sous-groupe au milieu <strong>de</strong>s autres. Faire jouer par leur vêtement aux clercs un rôle <strong>de</strong> prophètes <strong>de</strong><br />

l’ailleurs n’a en réalité plus d’intérêt car dès lors où tous revendiquent un tel titre son efficacité et sa<br />

pertinence ten<strong>de</strong>nt à disparaître.<br />

C’est d’autant plus vrai que <strong>de</strong>s sous-groupes apparaissent sans cesse au gré <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s, surtout chez<br />

les jeunes, mais pas seulement. Chaque sous-groupe n’a très souvent <strong>de</strong> reconnaissance que dans le<br />

groupe dont il est issu <strong>de</strong> sorte qu’il n’est pas même perçu par les autres. Un signe <strong>de</strong> cette réalité est<br />

l’incapacité <strong>de</strong>s adultes à suivre et comprendre l’émergence <strong>de</strong>s courants et tendances dans le mon<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>s jeunes. Si notre mon<strong>de</strong> est parcouru par un tribalisme grandissant, ainsi que le pensent certains<br />

sociologues 35 , la sphère d’interprétation où parlent les signes tend sans cesse à se restreindre. Les<br />

jeunes prêtres en <strong>soutane</strong> ne peuvent être compris dans leurs positions que par les autres prêtres ou<br />

Chrétiens engagés, les autres ne voient sans doute en eux pas tellement <strong>de</strong> différence avec les a<strong>de</strong>ptes<br />

<strong>de</strong>s sectes qui <strong>de</strong> temps en temps apparaissent vêtus <strong>de</strong> safran ou <strong>de</strong> tout autre costume exotique.<br />

C’est que l’Église n’est plus <strong>triomphante</strong> et pas plus indépendante <strong>de</strong>s milieux sociaux auxquels<br />

appartiennent ses membres et parmi ces <strong>de</strong>rniers, <strong>de</strong> manière privilégiée, les membres du clergé. De ce<br />

point <strong>de</strong> vue, la Révolution française a fini d’exercer son influence <strong>de</strong> séparation entre l’Église catholique<br />

et le mon<strong>de</strong>.<br />

1<br />

Maguelonne TOUSSAINT-SAMAT, Histoire technique et morale du vêtement, Bordas, Paris, 1990, la robe est<br />

féminine à partir du XII°s.<br />

2 Sous l'empire romain les gens portaient <strong>de</strong>s tuniques dont la longueur a varié suivant les époques, suivant<br />

les conditions sociales et sans doute aussi les mo<strong>de</strong>s quand ce n'était pas les obligations <strong>de</strong> la fonction.<br />

Par exemple au VI°s, cette tunique est longue chez les gens <strong>de</strong> condition aisée et courte (aux genoux) chez<br />

les plus pauvres. Ses formes précises et ses appellations sont très variables.<br />

3 1 Tim 2,9.<br />

4 Il est notable que l’on n’ait jamais avant le XVI° siècle cherché à justifier d'un vêtement spécifique <strong>de</strong>s<br />

prêtres par l'Écriture. Louis TRICHET, Le costume du clergé, Ses origines et son évolution en France d'après<br />

les règlements <strong>de</strong> <strong>l'Église</strong>, Cerf, 1986, p. 107-108. Le XVI° siècle est la pério<strong>de</strong> où apparaît la <strong>soutane</strong>.<br />

5 Umberto ECO parle à propos du vêtement d'une syntaxe: « "Les structures syntaxiques du langage<br />

vestimentaire influencent la vision du mon<strong>de</strong> et <strong>de</strong> façon plus physique que la consecutio temporum* ou<br />

que l'existence du subjonctif." * concordance <strong>de</strong>s temps. D'après une article du “Corriere <strong>de</strong>lla sera“ repris<br />

dans son ouvrage: <strong>La</strong> guerre du faux, Paris, éd. Grasset, 1985.<br />

6 Frédéric MONNEYRON, <strong>La</strong> frivolité essentielle, PUF, Paris, 2001: « Il me semble possible <strong>de</strong> reconsidérer le<br />

proverbe à la suite <strong>de</strong> <strong>La</strong>can mais aussi <strong>de</strong> Carlyle, pour voir dans le vêtement, non pas une apparence<br />

accessoire et souvent trompeuse, mais un modèle social déterminant <strong>de</strong>s comportements et <strong>de</strong>s manières<br />

d'être et, d'une manière générale, dans la mo<strong>de</strong> ou les mo<strong>de</strong>s, avec Patrice BOLLON, (Morale du masque,<br />

Merveilleux, Zazous, Dandys, Punks, etc., Paris, Seuil, 1990 page 184) "comme une sorte <strong>de</strong> pensée<br />

sauvage" du social. ».<br />

7 Quentin BELL, Mo<strong>de</strong> et société, essai sur la sociologie du vêtement, PUF, Paris, 1992.<br />

8 Ibi<strong>de</strong>m p. 100.<br />

9 Louis TRICHET, Le costume du clergé, Ses origines et son évolution en France d'après les règlements <strong>de</strong><br />

<strong>l'Église</strong>, Cerf, 1986.<br />

10 "Vêtus d'un manteau et une ceinture autour <strong>de</strong>s reins, ils croient obéir à l'écriture, non pas selon l'esprit,<br />

mais selon la lettre." Lettre Cuperemus qui<strong>de</strong>m N°1 PL 50 429-430.<br />

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11 C'est à cette époque, nous l'avons vu, que les autorités ecclésiales réclament un vêtement spécifique pour<br />

les prêtres afin <strong>de</strong> ne point les confondre avec <strong>de</strong>s barbares.<br />

12 Cf. Bernard DE CLAIRVAUX, Œuvres mystiques, Sermon 33 sur le Cantique <strong>de</strong>s cantiques, Seuil 1953, p 409-<br />

410. Mais également De consi<strong>de</strong>ratione, 1, III, c. 20.<br />

13 D'après Mgr. BARBIER DE MONTAULT, Le costume et les usages ecclésiastiques selon la tradition romaine,<br />

Paris, Letouzey et Ané, Paris ; Louis THOMASSIN, oratorien né à Aix en Provence le 28 août 1619, décédé in<br />

Paris le 24 Décembre 1695, dans son ouvrage De veteri et nova Ecclesiae disciplina, Ancienne et nouvelle<br />

discipline <strong>de</strong> <strong>l'Église</strong> touchant les bénéfices et les bénéficiers 93 vols. in fol., Paris, 1678-79 », signale que<br />

le vêtement long est <strong>de</strong>venu spécifique <strong>de</strong>s ecclésiastiques quand vers 1300 les laïques ont pris le<br />

vêtement court.<br />

14 L'exception du haut clergé est notable pour ai<strong>de</strong>r à comprendre le refus <strong>de</strong> l'aristocratie ecclésiale <strong>de</strong> perdre<br />

ses caractères distinctifs <strong>de</strong> classe, même si elle impose l'uniformité sociale aux autres.<br />

15 Talaire désigne le caractère d'un vêtement qui va jusqu'au talon.<br />

16 Louis TRICHET, Le costume du clergé, op. cit. P 108.<br />

17 Jacques LE GOFF dans <strong>La</strong> Civilisation <strong>de</strong> l'Occi<strong>de</strong>nt médiéval, Champ Flammarion, 1997, p 441.<br />

18 Ceci correspond à l'avènement <strong>de</strong> l'action catholique dont la structuration s'est faite par « milieu », la J.O.C.<br />

est fondée en 1924, l'A.C.I. en 1938, la J.I.C.F. en 1935, l'A.C.O. en 1950.<br />

19 Je fais ici allusion à <strong>de</strong>s récits <strong>de</strong> prêtres ayant vécu l’épiso<strong>de</strong>.<br />

20 <strong>La</strong> proposition était faite <strong>de</strong>puis très longtemps avec relativement peu <strong>de</strong> succès au moins jusqu'au XII°s,<br />

mais le célibat n'est vraiment universel dans <strong>l'Église</strong> catholique qu'après le concile <strong>de</strong> Trente et en comptant<br />

les délais <strong>de</strong> son application.<br />

21 Marc Alain DESCAMPS, Psychosociologie <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>, PUF, Paris, 1984. Le vêtement cylindrique "est une<br />

réaction <strong>de</strong> défense contre un fantasme très répandu: la peur <strong>de</strong> la fente, <strong>de</strong> la scission, du dédoublement,<br />

<strong>de</strong> la coupure en <strong>de</strong>ux.".<br />

22 Ibi<strong>de</strong>m p 126.<br />

23 C'est d'autant plus vrai qu'une fente laissant voir ce qui est sous le vêtement désigne une ascension<br />

charnelle plus que spirituelle. <strong>La</strong> fente strictement supprimée désigne donc un refus du charnel comme<br />

moyen d'accès à la félicité.<br />

24 Du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la théologie il s'agit d'une négation <strong>de</strong> l'incarnation.<br />

25<br />

De ce même point <strong>de</strong> vue il s'agit non <strong>de</strong> l'affirmation <strong>de</strong> l'incarnation mais du refus <strong>de</strong> sa négation ce qui<br />

ne veut pas dire la même chose.<br />

26 Nous ne parlons pas ici <strong>de</strong>s rayures dans les vêtements liturgiques, ce dont nous aurons à parler plus loin.<br />

27 Gilbert DURANT, Les structures anthropologiques <strong>de</strong> l'imaginaire, p. 99-100.<br />

28 Marc Alain DESCAMPS, Psychosociologie <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>, op. Cité, p 102.<br />

29 <strong>Jean</strong> DELUMEAU, Le péché et la peur, <strong>La</strong> culpabilisation en Occi<strong>de</strong>nt, XIII°-XVIII° siècles, Fayard, Paris,<br />

1983. Tout le livre souligne l'importance du péché dans le discours <strong>de</strong> <strong>l'Église</strong> auprès du peuple dans la<br />

pério<strong>de</strong> concernée mais cela reste encore très vrai pour le XIX° et même les débuts du XX°. Par contre,<br />

c'est à partir du XVIII° siècle que les paroissiens commencent à avoir du mal à accepter ce genre <strong>de</strong><br />

discours et qu'une forme <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> distance par rapport à lui se met en place. On peut consulter sur ces<br />

points l'ouvrage publié sous la direction <strong>de</strong> <strong>Jean</strong> DELUMEAU, Histoire vécue du peuple chrétien, Privat,<br />

Toulouse, 1979 et en particulier l'article <strong>de</strong> Alain MOLINIER, Curés et paroissiens <strong>de</strong> la Contre-Réforme.<br />

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30<br />

On pourrait ajouter bien d'autres détails concernant les bro<strong>de</strong>ries, les décors, dorures et autres expressions<br />

qui toutes disent la glorification.<br />

31<br />

L’abandon du noir pour le violet, couleur très différente, est pratiquement contemporaine <strong>de</strong> l’abandon <strong>de</strong> la<br />

<strong>soutane</strong>.<br />

32 <strong>Jean</strong> DELUMEAU, Le péché et la peur, op. cité, p.406.<br />

33 <strong>Jean</strong> BAUBEROT, conférence - débat « Droits humains et laïcité » du 22 juin 2002, site d'Amnesty<br />

international http://www.amnesty.asso.fr/05_amnesty/55_france/554/554_commi_philo.htm «Le Conseil<br />

d’État casse <strong>de</strong>s mesures prises par les maires pour interdire le port <strong>de</strong> la <strong>soutane</strong> pour les prêtres, les<br />

maires prétendant que ce déguisement féminin était contraire à la dignité. »<br />

34 Alain MOLINIER, op. cit. p 90 souligne que dès le début du XVIII°s, quand la <strong>soutane</strong> est sur le point <strong>de</strong> se<br />

généraliser, le curé commence à perdre <strong>de</strong> son autorité sur certains qui passent outre ses invectives en<br />

matière <strong>de</strong> morale.<br />

35 Nous pensons ici particulièrement au sociologue Michel MAFFESOLI. Pour un résumé <strong>de</strong> ses idées<br />

concernant le tribalisme mo<strong>de</strong>rne on peut consulter : http://www.la-science-politique.com/revue<br />

/revue2/papier5.htm, son ouvrage : Le temps <strong>de</strong>s tribus, Le déclin <strong>de</strong> l'individualisme dans les sociétés<br />

postmo<strong>de</strong>rnes, Table ron<strong>de</strong>, 2000, Paris.<br />

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