Les fakirs Khaksars - In the gap between - Free
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3 Performances et rituels<br />
3.1 L’art profane du Naqqali<br />
Le naqqali est art profane du récit épique. Il remonte á la période préislamique, et<br />
l’essentiel de son corpus est en vérité l’épopée du « Shahnameh » par FIRDOUSI. Il a ensuite<br />
été pratiqué par les bateleurs dans les bazars et les maisons de thé (Chaikhuneh). [BATESTI,<br />
1994] souligne que cette performance dans le Chai-khuneh avait lieu de préférence á l’occasion<br />
des nuits de Ramadan ou de commémorations annuelles des deuils imamites.<br />
Etonnamment le naqqali, á présent au bord de l’extinction, demeure souvent l’apanage<br />
de conteurs d’obédience khaksars, et, plus rarement nimatullahi. Teresa BATESTI a consacré<br />
une monographie á ces conteurs – derviches au cours d’un travail de terrain á Mashhad dans les<br />
années 1960 [BATESTI, 1994]. Certes le registre lui-même, si on fait abstraction de ses relents<br />
de chevalerie, est très éloigné de la littérature soufie ou ascètique. Il est la forme spectaculaire<br />
du « Shahnameh-khaneh », l’art populaire de chant intimiste du Shahnameh. [TROTSKAJA,<br />
1975] a approfondi la question de l’origine de cette activité lors de son étude des derniers<br />
Qalandars –Naqshbandi de Tashkent. Elle le situe à la confluence de deux arts : le prèche<br />
panhégyrique (tamat) et l’art lyrique du conte.<br />
- Du prèche public (tamat), GOLZIHER, puis Anna TROTSKAJA ont recherché les<br />
origines chez les prédicateurs islamiques errants anterieurs aux Qalandars.<br />
"La forme artistique des sermons (arabe waz), illustrée par des exemples<br />
et des images pittoresques, est depuis longtemps répandue dans l'orient<br />
musulman, et représente un des genres favoris de l'éloquence. Elle était<br />
pratiquée par divers cercles dans l'Orient médiéval, à commencer par les<br />
poètes écrivains appartenant à des cercles de Cour, jusqu'aux<br />
prédicateurs errants professionnels et aux acteurs du théâtre populaire.<br />
En Asie centrale et au Khurasan, durant le Moyen Age, les prédicateurs<br />
étaient soit des professionnels soit des amateurs. (...) Dans la section<br />
consacrée aux prédicateurs dans le poème d'Ali Shir NAWA'I, on peut du<br />
Shahname semble remonter à l'ancienne tradition des bardes de Cour<br />
préislamiques, qui racontaient les épopées héroïques, comme en<br />
témoignent le Shahnameh ou bien les fresques découvertes par les<br />
archéologues dans les vestiges des villes d'Asie centrale. "(..) On n'a<br />
pratiquement aucune information sur ce type de maddah. En particulier<br />
on ignore si les maddah de rue chantaient le Shahname les romans de<br />
chevalerie ou si c'était seulement les Maddah de Cour qui étaient<br />
spécialisés dans ce domaine."<br />
[TROTSKAJA, 1975]<br />
La tradition de Naqqali profane est donc historiquement ambiguë, dans la<br />
mesure où on ignore si c'est l'attribut de simples maddah errants- chanteurs de rue, ou<br />
bien si, historiquement, cet art était demeuré jusqu'à récemment celui des conteurs de la<br />
Cour. L'apport du Naqqali est bien sûr la synthèse dogmatique qui en est faite, par<br />
l'adoption de la ré-interprétation mystique de l'héroïsme chevaleresque. Cet amalgame<br />
entre Chevalerie spirituelle (Javanmardi) et Mysticisme est bien connu dans le<br />
mysticisme persan. Il faut sans doute plutot chercher la raison de cette persistance<br />
« khaksar » du naqqali davantage dans le caractère social de la profession du conteur<br />
naqqali que dans son contenu littéraire. Le naqqali est en vérité un art de performance<br />
de rue, dans la droite lignée du Tazieh, mais surtout du tamat, l’art lyrico-panhégyrique<br />
des qalandars d’antan.