Les fakirs Khaksars - In the gap between - Free
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<strong>Les</strong> <strong>fakirs</strong> <strong>Khaksars</strong> : un revival jalali tardif en Iran<br />
suivi du « Traité du Dénuement »<br />
Pierre D HEROUVILLE<br />
Version 8.0, Décembre 2012<br />
Résumé : le présent article recoupe les rares sources littéraires spécialisées<br />
pour une ébauche historique de l’ordre des <strong>fakirs</strong> <strong>Khaksars</strong> d’Iran (lignage,<br />
histoire et rituels). Ces recoupements spéculatifs évoquent notamment le<br />
mécanisme d’assimilation mal connu des branches orthodoxes<br />
Sohrawardiyyah et Rishiyyah par les hétérodoxes Qalandars, respectivement<br />
en <strong>In</strong>de du nord et au Cachemire.<br />
En annexe 12, l’auteur propose une traduction du Traité anonyme « Resal’-e<br />
Fakriyyah » (litteralement, le « traité du dénuement ») , que les historiens<br />
tiennent pour l’une des rares Règles de l’ordre connue.<br />
Mots clés : derviches, qalandars, hétérodoxie, orthodoxie, malamatisme,<br />
shivaisme<br />
« Le lion d’ Allah est né, et dés lors<br />
toute chose a été voilée à nos yeux »<br />
[ inscription du portail de la loge Khaksar de Mashhad]
1 Du my<strong>the</strong> à la realité<br />
1.1 <strong>In</strong>troduction<br />
1.2 L’imam ALI<br />
1.3 Salman « FARSI » et les sahaba<br />
1.3.1 Salman « FARSI »<br />
1.3.2 Mahmud PATILI, clone et Abdals<br />
1.3.3 Dede ROSHAN, dit « Zazan », « Abu Amir o Farsi »<br />
1.3.4 L’Imam Zeyn Al Abidin « AL-SAJJAD » (« Sirmang Zanjir Pa »)<br />
1.4 <strong>Les</strong> lignages rahi, abu torabi et les premiers malamati<br />
1.4.1 La Rahiyyah<br />
1.4.2 Abu TORAB « NAKSHEBI »<br />
1.4.3 Doost ALI SHAH (Marv)<br />
1.4.4 La Qalaiyyah<br />
1.5 L’ere des Morsheds : la vraie branche soufie?<br />
1.5.1 « Shah Abd’allah AL-KAF »<br />
1.5.2 Ibrahim MORSHED "KAZERUNI" : la Morshediyyah (Fars) et les khatibs<br />
1.5.3 Shah Jamal « Chermineh Push » d’ Hansi (<strong>In</strong>de) : un maillon chishti<br />
1.5.4 La Danyaliyyah<br />
1.6 L’ affiliation à la Sohrawardiyyah<br />
1.6.1 Antécédents de La Sohrawardiyyah en <strong>In</strong>de<br />
1.6.2 De la Bukhariyyah à la Jalaliyyah (<strong>In</strong>de)<br />
1.6.2.1 Fondation de la Bukhariyyah<br />
1.6.2.2 La sa’dat khorasani , épine dorsale du modèle sohrawardi sindhi<br />
1.6.3 L’hypo<strong>the</strong>se Marwandi<br />
1.6.3.1 <strong>Les</strong> « Bodlo Bahar », ou « Taleb » (Sehwan Sharrif) : pure survivance shivaïte ?<br />
1.6.4 La Iraqiyyah (Multan)<br />
1.6.5 <strong>Les</strong> branches de la Jalaliyyah (<strong>In</strong>de): un sohrawardisme perverti par le sadduhisme<br />
1.6.5.1 La Miran Shahiyyah,<br />
1.6.5.2 <strong>Les</strong> Tchihil Tan de Lahore<br />
1.6.5.3 La Murtazaviyyah<br />
1.6.5.3.1 La Rasuliyyah (Uttar Pradesh)<br />
1.6.5.3.2 Des <strong>Khaksars</strong> au Maharashtra ?<br />
1.6.5.3.3 La Jalaliyyah de Muhamad Shah ALAM (d.1475 AD),<br />
1.6.5.3.3.1 <strong>Les</strong> renonçants travestis de la branche Suhagiyyah (<br />
1.6.5.3.3.2 la branche Ismaili Shahiyya:<br />
1.6.5.3.4 La Rasulshahiyyah (<strong>In</strong>de): des saddus sohrawardis ?<br />
1.6.5.4 La Zainiyyah<br />
1.6.5.5 Des saddhus rishi à l'ascése oecuménique de la Khakiyyah (Cachemire).<br />
1.6.5.5.1 Surkh ALISHAH, un chaînon manquant au Sindh<br />
1.6.5.5.2 Genese du rishisme musulman au Cachemire<br />
1.6.5.5.3 Rishis musulmans et sa'dat kubrawi: un conflit inter-religieux & inter-ethnique<br />
1.6.5.5.4 Attraction des sohrawardis cachemiris pour le rishisme musulman?<br />
1.6.5.5.5 Sultaniyyah/ Mahbubiyyah: l’osmose avérée entre jalalisme et rishisme<br />
1.6.5.5.6 La Khakiyyah: humilité et ascése démonstrative<br />
1.6.5.5.7 De la Janiyyah aux <strong>Khaksars</strong> Khakiyyah-Janiyyah (Cachemire): .<br />
1.6.5.5.8 La Khaksariyyah – Mahsumalishahiyyah<br />
1.6.5.5.9 La Khaksariyyah --Gholamalishahiyyah
2 Règles et symboles<br />
2.1 Futuwwatnameh de la Khaksariyyah<br />
2.2 La brûlure-pochoir<br />
2.3 Autres signes distinctifs<br />
3 Performances et rituels<br />
3.1 L’art profane du Naqqali<br />
3.2 La Sama (audition ) et le zekr occasionnel (Mir taheri - gholam alishahiyyah)<br />
3.3 Le rite du « casser de noix » (gholam alishahiyyah)<br />
Conclusions<br />
Lectures citées<br />
Annexes
"La civilisation arabe est, sauf erreur, la seule où l'immense majorité des écrivains qui ont<br />
dit quelque chose est composée d'étrangers, d'hôtes, divinement adoptés, mawali. Et la<br />
tradition religieuse musulmane est la seule, sauf erreur, où l'on croit que les hommes de<br />
sacrifice et de prière, les amis du Dieu d 'ABRAHAM, qui entretiennent la vie spirituelle et<br />
matérielle de la Communauté islamique, sont des étrangers à l'arabisme, des hôtes<br />
encore: ghuraba, des enfants perdus au-delà des frontières visibles. Puissent ils en<br />
rencontrer, en adopter,"Fi Sabil Allah", et beaucoup; parmi nous."<br />
[Louis MASSIGNON]<br />
De nos jours, le derviche errant Khaksar est un personnage haut en couleur dans l’imaginaire<br />
collectif iranien. Débauché, libre penseur, épris de justice, il emprunte en realité ; la quasi – totalité de<br />
l’image d’Epinal du qalandar errant médiéval. Qalandars et <strong>Khaksars</strong> sont ils réellement une seule et<br />
même individu? En quoi ces appellations les distinguent elles ?<br />
Si on se réfère au lignage de la Khaksariyyah , celle-ci serait plutôt, du 18 ème au milieu du 20 ème<br />
siécle, l’avatar majeur de la Jalaliyyah en Iran et en Irak. Elle est une probable descendante directe de<br />
la Jalaliyyah ouzbèke, et son histoire emprunte significativement aux lignages indiens de cette dernière.<br />
Ce lignage et la recherche de ses scories en <strong>In</strong>de et au Pakistan constituent l’essentiel de notre chapitre<br />
1.<br />
1 Du my<strong>the</strong> à la realité<br />
La Khaksariyyah est injustement méconnue de la littérature historique. A l’ouest, il n’y a guére que<br />
la monographie par BATESTI sur les derviches-conteurs de Mashhad [BATESTI 1994] de 1969, qu’on<br />
sait aujourd’hui « khaksars ». Bizarrement, l’auteur ne semble pas y avoir percu la nuance entre<br />
Qalandariyyah et Khaksariyyah, soit par confusion, soit de par l’implantation tardive de la khanqah de<br />
Rahmat ALISHAH á Mashhad (circa 1960 AD). Dans la seconde hypothése, ce document témoignerait<br />
alors que des reliquats de qalandariyyah précédaient de peu l’implantation de la Khaksariyyah<br />
Gholam-alishahiyyah (Motahariyyah) á Mashhad. <strong>Les</strong> principaux ouvrages en persan sont la silsila<br />
de ADHAMI [ADHAMI, 1958] et le florilège des Futuwwatnameh et autres écrits inédits de la<br />
khaksariyyah par AFSHARI [AFSHARI, 2003]. Dans une moindre mesure, Saleh ALISHAH raconte de<br />
façon documentée les querelles houleuses de succession á la tête de l’ordre [ALISHAH, 1956].<br />
1.1 <strong>In</strong>troduction<br />
L’histoire-même de la khaksariyyah est pour le moins contestée. Ce n’est donc pas celle d’un ordre<br />
antérieur en propre, mais plutôt la juxtaposition discontinue de lignages d’errants anti-conformistes, au<br />
gré des affiliations à divers ordres. Certes, elle ne fut créée et denommée telle quelle en tant qu’ordre<br />
que depuis la fin du 18 ème siècle environ.<br />
D’un point de vue strictement hagiographique, la khaksariyyah prétend á un lignage d’errants plus<br />
ou moins prestigieux (FIGURE 1, tel que la rapportent Muhammad Ali SOLTANI & MIR TAHER<br />
ALISHAH) . Evoquant ce lignage, véritable épopée inter-lignage, Christiane TORTEL parle d’une « une<br />
légende rocambolesque » á l’endroit du même récit , attribué aux Tchihil Tan de Lahore.... Par une<br />
recherche hagiographique remarquable, Toraj ADHAMI s’est efforcé de clarifier la realité historique de<br />
ces patronymes énigmatiques dans une monographie contradictoire [ADHAMI, 1958]. Il a recherché tant<br />
les personnalités de la silsila khaksariyyah officielle que les liens informels entre diverses silsila qui y<br />
ont contribuent historiquement. Son travail remarquable est sommairement resumé par les FIGUREs 2, 4<br />
et 6. Nous nous proposons ici de prendre du recul, et de relire cette étude ère par ère dans l ‘histoire de<br />
l’ordre, en les commentant une-á-une, ses anachronismes et son influence. Pou ce faire, nous nous<br />
appuiront, par exemple, sur la cohérence historique avec des sources alternatives , telle que les silsila<br />
« uweisi » similaires des branches actuelles dhahabiyyah et shahmaghsoudiyyah de la kubrawiyyah.
1. Prophete Muhammad<br />
2. Imam Ali 15. Qalander ALISHAH 28. Heidar ALISHAH 41. Karam ALISHAH<br />
3. Salman FARSI dit<br />
Mahmud PATILI »<br />
16. (Kak ALISHAH) 29 Sukht ALISHAH 42. Bahar ALISHAH<br />
4. Dede Roshan ALISHAH 17. (Doost ALISHAH) 30 Serak ALI(SHAH) 43. Talib ALISHAH<br />
5. Refaqat ALISHAH 18. Cheragh ALISHAH 31 Nur Kalan (Sukh ALISHAH) 44. Bahar ALISHAH»<br />
6. Baqr ALISHAH ou Soltan<br />
Goher GAWTH<br />
7. Imam Sajjad dit<br />
"Sirmang Zanjir Pa"<br />
19. Shahebrahim "GARMSIR" 32 (Doud Murad "HAQQANI"<br />
a.k.a.) Nur Nahal<br />
20. Shah Abdallah KAF 33. HAQQANI (« ahl e haqq »)<br />
8. Pak ALISHAH 21. (Shahebrahim) 34 JANI (« ahl e haqq »)<br />
9. Saber ALISHAH 22. Shah Jamal "CHARMINEH<br />
PUSH" dit "MUJARAD"<br />
10. Taj ALISHAH 23. Seyyed Jalal Din Heidar<br />
"BUKHARI"<br />
35. Mia Khaki ALISHAH a.k.a.<br />
"Makhdum JANI" (“ahl e haqq”) et<br />
45. Khoshal ALISHAH<br />
46. Qatr ALISHAH<br />
47. Hajj Bahar<br />
ALISHAH « YAZDI »<br />
36 Mohabat ALISHAH 48. Hajj Mottahar<br />
ALISHAH<br />
11. Bandeh ALISHAH 24 Ganj ALISHAH 37. Angar (Konger?) ALISHAH 50. Nur ALISHAH<br />
49. Hajj Mastur<br />
ALISHAH<br />
12. Kelk ALISHAH 25 Masoud ALISHAH 38. Khoshal ALISHAH 51. Mir Taher<br />
ALISHAH<br />
13 Qadr ALISHAH 26 Dad ALISHAH 39 Mohabat ALISHAH<br />
"NAMANGEH"<br />
14. Asrar ALISHAH 27 Bahar ALISHAH 40. Gholam ALISHAH<br />
FIGURE 1 : silsilah officielle des Jalali-Khaksari de la Gholam-alishahiyyah selon [SOLTANI, 2001]. En rouge<br />
les maillons manifestement bien identifiés par [ADHAMI, 1958]
Nous distinguons les ères suivantes , á travers le modèle de ADHAMI (FIGURE 2)<br />
- l’ère prophètique (parag. 1.3)<br />
- l’ère mythique (rahiyyah, abu torabiyyah, khatibiyyah) (parag 1.4)<br />
- l’ère des afiliations transversales (malamatiyyah, yasaviyyah...) (parag 1.5 a 1.6)<br />
- l’ère de l’affiliation khaki-jani (parag 1.6.5.5)<br />
- la migration vers l’Iran (parag. 1.6.5.5.5)<br />
<strong>Les</strong> trois premières présentent un lignage commun, à quelques détails près, à la silsila de la<br />
kubrawiyyah /shahmaghsoudiyyah. Dans le présent exposé, nous élargissons la 4 ème ère au lignage<br />
avéré des branches rishi et khaki<br />
1.2 L’imam ALI (599-661 AD)<br />
L'Imam ALI [FIGURE 1, maillon nr. 2] est unanimement reconnu comme un compagnon majeur du<br />
Prophète MUHAMMAD. Sa contribution à la transcription du Coran de la bouche du Prophète et son<br />
enseignement sont avérés. De cette coopération avec le prophète MUHAMMAD, s’établit une<br />
compréhension et une confiance privilégiées, qui justifiaient théoriquement sa légitimité à la succession.<br />
En outre, l’Imam ALI s’est forgé une réputation de défenseur de l’Islam sur les champs de bataille du<br />
premier siècle de l’Islam: batailles de Tabuk, Khaybar, Badr, Uhud and Hunayn. Avec son légendaire<br />
cimeterre à deux pointes, baptisé ZOLFOQAR, il s’y illustre par sa vaillance et des exploits personnels<br />
particuliers.<br />
De la succession avortée d’ALI, confisquée par le premier caliphe, Abu BAKR, naitront les germes<br />
légitimistes du chiisme, ou Shiah Alawiyyah, et ce, malgré la courte accession d'ALI au Califat (656-661<br />
AD), à la mort disputée du Calife Othman IBN AFFAN. On recense alors parmi ses hauts faits politiques<br />
l’établissement d’une répartition égale des revenus du Califat entre les serviteurs de l’Islam. En sus de<br />
l’injustice de la succession d Abu BAKR, cette décision politique égalitariste est importante, car elle est le<br />
pilier de son image de combattant pour la justice, plus tard déclinée en Futuwwat. De ses réformes, très<br />
contestées chez les vassaux du Califat, naitra l’enclave levantine du gouverneur insoumis MUAWIYAH.<br />
« Le Prophète (…) déclare ici : « je suis la cité de la Connaissance, ALI en est la<br />
porte ». (…) mais le prophète délègua ALI, à lexclusion de tout autre parce qu’ALI<br />
dépassait tous les autres en sciences et en Futuwwat »<br />
[CORBIN & SARRAF, 1973]<br />
ALI est donc le champion idéalisé de la légitimité, de la fondation de l’Imamat, de la bravoure et de<br />
l’égalitarisme. Le chiisme, l’alévisme, et le yazdanisme sont tous fondés sur cette icône. L’injustice de<br />
son sort trouve une continuité héroïque dans le massacre de sa famille à Kerbala.<br />
1.3 Salman FARSI et les sahaba<br />
[ALISHAH, 1956] et [ADHAMI, 1958] mentionnent notamment « Dede ROSHAN », et Mahmud<br />
PATILI [FIGURE 1, maillon nr. 3], tous deux contemporains légendaires du Prophete MUHAMMAD. via<br />
une interminable chaine d’ascètes kasmiri khakiyyah - rishiyyah, abondamment décrit par [ADHAMI,<br />
1958]. Ces éléments de silsila sont on-ne-peut-plus ambiguës au regard de l’Histoire du Soufisme.<br />
1.3.1 Salman « FARSI »<br />
Salman-dit « le-Perse » [FIGURE 1, maillon nr. 3] est un compagnon d’armes du<br />
prophète MUHAMMAD, originaire de Kazerun, Fars. Il serait en fait issu d’un milieu de<br />
propriétaire terriens zoroastres, proche de la chevalerie asbaran sassanide (pers. Asb,<br />
cheval), d’où son image de stratège et de chevalerie islamique futuwwat. Il se convertit<br />
au christianisme et fréquente de rares ascètes anchorites en Syrie.. MUHAMMAD
l’affranchit plus tard de l’esclavage dans lequel il était tombé au Hijaz. Son hagiographie<br />
cumule ensuite les vertus de stratège militaire, de mystique éclairé et d’ascète. La<br />
référence ascétique aux anchorites, puis sa condition modeste, y compris au service des<br />
hautes fonctions du Caliphat, l’érigent en icône de l’ascèse. Son origine le rend en outre<br />
évidemment très populaire chez les chiites iraniens. Il incarne l’idéal ascétique des<br />
guildes chevaleresques akhis anatoliennes [MELIKOFF, 2005]. Le surnom de<br />
RUZBEHAN est confondant car la littérature de la confrérie Bistamiyyah s’est enrichie<br />
des écrits de RUZBEHAN « SHIRAZI » au 11 ème siècle.<br />
MASSIGNON et [MONCELON, 2006] se sont efforcés de définir la nature de la<br />
force mystique de Salman-« le-Perse ». De par sa conversion et de par sa position<br />
privilegiée, il a été le conseiller personnel de MUHAMMAD, puis de FATIMA et de l<br />
‘Imam Ali en personne. Salman est posé en fait naturellement comme l’icône des<br />
sahaba, ces « sauvés » de lignage païen des premiers temps coraniques. Et on peut<br />
logiquement imaginer en quoi cette icone est alors emblematique pour le salut d’ascètes<br />
persans et indiens.<br />
Un autre élément important de la biographie de Salman "FARSI" fut sa quête<br />
anté-coranique du "Vrai Prophète", laquelle aboutit dans sa rencontre avec le prophète<br />
MUHAMMAD. Salman "FARSI" aurait aussi été le barbier du prophète MUHAMMAD, et<br />
à ce titre il est le patron des barbiers. L'hagiographie populaire précise qu'il aurait à ce<br />
titre circoncis les futurs imams HOSSEIN et HASSAN. Sa tombe à Mada'in (Irak) est un<br />
ziyarat fréquenté par les corporations de barbiers et d'artisans. [MONCELON, 2006]<br />
distingue deux interprétations répandues du rôle mystique de Salman "FARSI":<br />
- Salman-l'intercesseur: Aprés BILAL, Salman "FARSI" est l'un des premiers<br />
"Abdal" ( Ar. Badal, "substitut"), - catégorie de quarante saints intercesseurs<br />
(Tchehel Tan) de premier rang aprés les "Sept" (haft han)- selon l'exégèse<br />
sunnite. Le "Badal" est un saint pieux pur, exemplaire. Chacun d'eux est appelé<br />
à "remplacer" les Prophètes aprés l'ère de Prophétie, laquelle fut close par<br />
MUHAMMAD. Dans le cortège des saints, viennent ensuite les 500 akhiyar (<br />
"frères"). Comme pour tout "Badal", l'engagement 'bayat de Salman "FARSI"<br />
est d'abord celui des actes, et ce, quant bien même son origine ethnique n'est<br />
pas qurayshite. Par l'avénement d'un ghuraba (exilé), Salman consacre donc<br />
en acte la proéminence de la Futuwwat ("beau geste") sur la Muruwwa<br />
(notabilisme). Dans cette notion d'intercession, [MONCELON, 2006] décrit<br />
Salman-l'Abdal, intercesseur de son temps, comme l'ultime recours d'un monde<br />
en déchéance, apocalyptique.<br />
- Salman-l'initiateur: cette interprétation s'appuie sur un autre fait historique<br />
contemporain du Prophète MUHAMMAD. A Médine, Salman aurait circoncis,<br />
voire éduqué spirituellement des futurs imams HASSAN et HOSSEIN. Il fut<br />
également trés proche de FATIMA, la fille de MUHAMMAD, à laquelle on prête<br />
aussi une influence empathique sur Salman. MASSIGNON et MONCELON<br />
évoquent une relation trinitaire ALI - SALMAN - FATIMA tout à fait parallèle à<br />
celle de JESUS , l'apôtre JEAN et MARIE. Ce trés haut rang trinitaire de Salman<br />
existe en outre chez les Druzes.<br />
Un dernier élément important de la biographie de Salman "FARSI" fut sa<br />
quête anté-coranique du "Vrai Prophète", laquelle aboutit á sa rencontre avec le<br />
prophète MUHAMMAD.<br />
1.3.2 Mahmud PATILI, clone et Abdal<br />
Récurrent dans les récits hagiographiques de la khaksariyyah, Mahmud<br />
PATILI [FIGURE 1, maillon nr. 3] est en fait un personnage mythique assez peu<br />
connu. [ADHAMI, 1958] et Mir Taher ALISHAH semblent s’entendre sur le fait que
Mahmud PATILI (« Mahmud – à –la -casserole » ) est en fait un sobriquet de Salman<br />
« FARSI », et que, par conséquent, ces deux personnages ne font qu un seul. On<br />
touche lá á la question des intercessions multiples de Salman «FARSI ».<br />
Spontanément, on peut douter de l’originalité de Mahmud PATILI, dont les rares<br />
éléments biographiques sont troublants :<br />
- [TORTEL, 2009] rapporte qu’il est cité sous le nom de « Mahmud PA’ILI »«<br />
dans la silsila de l’ancienne branche hétérodoxe sohrawardi Tchihil Tan. Cette<br />
remarque accrédite que la rédaction de la silsila rapportée par [ADHAMI, 1958]<br />
remonte au moins aux premiers temps de la Makhdumiyyah (15-16 ème siecle).<br />
- [MOOSA, 1987] rapporte l’intercession mythologique de Mahmud PATILI á la<br />
tête des Abdals, telle qu’elle nous a été racontée dans une hagiographie ahl-ehaqq<br />
des Abdals des premiers temps coraniques. Cet élément tendrait á<br />
croire que ce personnage a été intègré – sans doute tardivement - au panthéon<br />
des Ahl-e Haqq, par exemple à la faveur du rapprochement avec la branche<br />
khaksariyyah –(Mir-Taheri) de Kermanshah – 19 ème siécle -.<br />
1.3.3 Dede ROSHAN, dit « Zazan », « Abu Amir o Farsi »<br />
Toraj ADHAMI a rencontré quelques difficultés á éclaircir l’identité de ce<br />
compagnon mythique de Salman « FARSI » . A vrai dire, l’appellation « Dede<br />
ROSHAN » est tout á fait inconnue des annales. ADHAMI l’a donc rapprochée des<br />
appellations plus communes de « RAZAN », « ZAZAN » et « RASHAN » : il a identifié<br />
les villages Razan (prox. Bagdad), Razan (prox. Borujerd), Raran (prox. Isfahan) et<br />
surtout Zazan (prox. Ardabil).<br />
Certes les annales historiques connaissent un certain Abu Abdallah Muhammad<br />
Al-Hassan AR-RAZANI (b. circa 670 AD), mais la correspondance avec le fameux<br />
ZAZAN, compagnon de l’Imam ALI semble approximative. L’hagiographie de l’Imam<br />
ALI a plutot retenu ZAZAN, comme étant un converti turcophone assez secondaire<br />
dans son entourage. On l’y surnomme egalement « Abu AMRO » ou encore « Abi<br />
ABDALLAH ». Sa particularité était son don pour le chant, et également pour jouer des<br />
instruments de musique, ce qui en fait un profil á la fois inattendu et á la fois<br />
secondaire du lignage. Selon [ADHAMI, 1958], ZAZAN se serait converti à la suite d’<br />
Abdallah IBN MASUD, qui avait relevé sa voix mélodieuse. Il aurait ensuite recu le<br />
Coran, d’un seul souffle de l‘Imam ALI, et aurait ensuite suivi dans ses campagnes<br />
militaires Salman « FARSI », qu’il admirait.<br />
1.3.4 L’Imam Zeyn Al Abidin « AS-SAJJAD » (« Sirmang Zanjir Pa »)<br />
La silsila abu-torabi primitive s’enorgueillit ensuite de l’Imam Ali Ibn Huseyn<br />
« AS-SAJJAD » [FIGURE 1, maillon nr. 7], le quatrième Imam chiite et le propre fils de<br />
l’Imam HUSEYN. Il est donc le frère des regrettés Ali « Ashgar » et Ali « Akbar ». Très<br />
malade lors de l’assaut de Kerbala, il y survécut au massacre de sa famille.<br />
L ‘hagiographie de Kerbala aime à rappeler que son père l’imam HOSEYN lui aurait<br />
alors confié avec prémonition qu’il etait l’unique survivant et le porteur du message<br />
d’injustice du drame qui s’annoncait dés alors. Capturé par les troupes de YAZID au<br />
lendemain d’Ashura, il est enchainé et convoyé vers Damas avec les reliques<br />
ensanglantées de ses parents. Tout son corps fut ainsi marqué d’escars par les<br />
chaînes « Jameea » autour des bras et des jambes. Surveillé et reclus ensuite á<br />
Médine, on lui prête un activisme imamite discret jusqu’a sa mort. Sa principale<br />
contribution, est l’ouvrage apocryphe des priéres « As-Sahifah As-Sayyadiyyah Al-<br />
Kamilah», nous en reparlerons. Il mourut en 712 AD á Médine.
FIGURE 4<br />
Prophete Muhammad<br />
FIGURE 3 Imam Ali<br />
Salman FARSI<br />
RAHIYYAH QALAIYYAH<br />
ABU TORABIYYAH<br />
QALANDARIYYAH KHATIBIYYAH MALAMATIYYAH DANIYALIYYAH AKAFIYYAH divers babas QANIYAN<br />
JALALIYYAH<br />
Seyyeds Jalali MAKHDUMIYYAH Leaders Jalali<br />
JALALIYYAH- KHAKIYYAH<br />
RISHIYYAH HAQQANIYYAH JANI-HAQQANIYYAH Khaksar KHAKI Khaksar JANIYYAH<br />
Khaksar MAHSUM-ALISHAHIYYAH Khaksar GHOLAM-ALISHAHIYYAH<br />
FIGURE 2: Modélisation historique alternative de la silsilah des Jalali-Khaksari par [ADHAMI, 1958].<br />
FIGURE 6
On peut s’interroger sur la réalité et la signification de ce maillon opportun dans la silsila<br />
abu-torabi – khaksar. Certes, le surnom « Sirmang Zanjir Pa » se réfère sans doute à<br />
l’épisode de son enchainement. Sa présence est donc sans doute plus symbolique<br />
qu’historique dans la silsila. Parmi les douze imams, l’Imam AS-SAJJAD incarne sans doute le<br />
plus ascétique et le plus humilié de son vivant. Il est aussi l’imam emblêmatique de la science<br />
semi-esotérique des invocations coraniques (ruqiya), notamment de par l’opuscule<br />
d’invocation "As-Sahifah As-Sayyadiyyah Al-Kamilah” ( “Livre des <strong>In</strong>vocations d’As-Sayyad”),<br />
que la tradition dévôte imamite lui prête.<br />
La silsila abu- torabi – khaksar signale en outre á sa suite un dénommé Barq ALI<br />
[Figure 1, maillon nr. 6], lequel fut peut être en fait l’Imam Muhammad Ali BAQR « Baqir Al<br />
Ulum » (« le révèlateur des Connaissances ») . Le nom de Zanjir Pa fût en suite porté á<br />
nouveau par un rishi tardif au Cachemire.<br />
1.4 <strong>Les</strong> lignages rahi, abu torabi et les premiers malamati<br />
La période qui suit est indéniablement un tournant pour le lignage qui nous intéresse. Sur la FIGURE 1,<br />
on distingue par la dominante de noms en noir que les éléments identifiables (maillons 8 á 16) dans [ADHAMI,<br />
1958] sont inexistants. Essayons de décrire notre vision globale de ce lignage, avec autant de recul que les<br />
annales historiques nous permettent d’en prendre<br />
:<br />
1. ADHAMI a essentiellement relevé une incohérence globale entre les maillons de la silsila officielle<br />
et ceux des silsilas soufies connues pour les membres les plus éminents. La plupart des maillons<br />
prétendus de la FIGURE 1 , [maillons 8 à 16] de cette ère nous sont donc inconnus.<br />
2. [TORTEL, 2009] rapporte que SHIR ALISHAH est cité sous ce nom dans la silsila de l’ancienne<br />
branche hétérodoxe sohrawardi Tchihil Tan. Cette remarque accredite que la rédaction de la silsila<br />
rapportee par [ADHAMI, 1958] remonte au moins aux premiers temps de la Makhdumiyyah (15-16<br />
eme siecle).<br />
3. Dans la FIGURE 4, nous relevons toutefois á cette ére - grosso modo de 800 AD à 1100 AD -, un<br />
nombre important de maillons communs avec des silsila anecdotiques (telles que la Voie soufie<br />
Uweisiyyah- Shahmaghsoudiyyah, une branche actuelle de la Dhahabiyyah [ ANNEXE 1] ou encore<br />
des silsila sohrawardi indiennes anciennes [ANNEXE 2]. Il est probable qu’[ADHAMI, 1958] s’est en<br />
fait inspiré des chaînes initiatiques dhahabi, chishti ou même des silsila chiites officieuses<br />
[MOJAHED, 1997] . Clairement, en l’absence de patronymes explicites, [ADHAMI, 1958] a opté pour<br />
les maillons 8 á 16 pour une explicitation historique, basée sur les connexions historiques avérées<br />
entre les premiers mystiques de Bagdad. <strong>Les</strong> lignages proposés sont effectivement cohérents avec les<br />
ouvrages de référence tels que « le Memorial des saints » d’ATTAR [ARBERRY, 1966], ou encore la<br />
silsila de la Dhahabiyyah Uweisiyyah [ANNEXE 1].<br />
1.4.1 La Rahiyyah<br />
Il est couramment admis que les mystiques de Bagdad au 9 ème siècle se<br />
catégorisaient en deux approches : d’une part, les sahebs avérés, assimilés á des gnostiques<br />
dans la vision initiatique des Chiites , citons parmi eux Uways « QARANI », Rashid HADJARI,<br />
Salman « FARSI », Haytham TAMMAR ...<br />
De l’autre, les grands saints mystiques, trés populaires et légèrement posterieurs aux<br />
premiers. C’est ce groupe qui nous intéresse ici (voir FIGURE 3). Tous brillèrent avant tout par<br />
leur ascèse , tels Tavus « YAMANI » - probablement le saheb connu sous le nom complet de<br />
« Tavus » Bin Keysan AL-HAMDANI « AL-YAMANI » -, Malik IBN DINAR (d. 747 AD), Ibrahim<br />
IBN ADHAM (d. 777 AD) et Shaqiq « BALKHI » (d. 810 AD), Abu Nasr Bashr Ibn Hareth « AL-<br />
HAFI » de Merv (767-841 AD)... <strong>Les</strong> chiites admettent habituellement que l’initiation (rah,<br />
« voie ») de ce dernier courant se voulait soufie, mais, que, de par leurs prédécesseurs, elle
incluait pour nombre d’entre eux une base gnostique dissimulée. Par ailleurs, ce dernier<br />
groupe se divise en deux clivages :<br />
- un groupe plus littéraliste , réunissant Fudayl bin IYAD « MERVI » (d. 803 AD), Abu Nasr<br />
Bashr Ibn Hareth « AL- HAFI » de Merv (767-841 AD), Khair AL-NASSAJ, Sumnun AL-MUHIB,<br />
Abu Hamza « BAGDADI », Muhammad « JURAIRI » traditionnalistes. Tous tiennent l’Iman<br />
coranique pour exhaustive (y compris la pratique, á l’instar des mutazilites) .)<br />
- un autre groupe plus ésotérique, réunissant Ibrahim IBN ADHAM (d. 777 AD), Abu Suleiman<br />
DURANI, Harith « MUHASIBI », Sahl bin ABDULLAH, Shaqiq « BALKHI » (d. 810 AD), Hatim<br />
ASAM (« le sourd »), puis Dhu al-Nun « MISRI », Abu Yazid « BISTAMI », Junayd<br />
« BAGDADI » , Muhammad bin AL-FADL « BALKHI »...Ils tiennent la pratique comme<br />
uniquement « interprètable » de l’Iman coranique (á l’instar des kharijites) . [ADHAMI , 1958]<br />
a effectivement traité des rahi – ou plutôt de cette succession de personnalités fortes -. Nous<br />
pouvons voir sur la FIGURE 3 combien historiquement compact est ce groupe. <strong>Les</strong> liens sont<br />
confirmés par [ARBERRY, 1966] ou [MOJAHED, 1997]. Noter deux lignages dominants :<br />
- le lignage des ascètes extrêmes : Malek IBN DINAR, Ibrahim IBN ADHAM, Shaqiq<br />
« BALKHI ». Ces derniers nous sont tous trois connus et decrits dans l’hagiographie<br />
des grands saints musulmans d’ATTAR [ARBERRY, 1966] et la silsila chishtiyyah.<br />
- le lignage de sang ( initié par Salim RAHI, Habib RAHI, Shiban RAHI). Avec eux se<br />
constitue un courant informel de disciples : la rahiyyah , qui tire sa raison d’être de<br />
la citation du Prophète MUHAMMAD : « Vous êtes tous ceux de la Voie (rahi) et<br />
vous avez donc tous la responsabilité les uns des autres.» . <strong>Les</strong> rahis se définissent<br />
comme un groupe ésoterique exclusif, en charge de garder le Secret mystique de la<br />
Prophétie parmi les Soufis. Il s’agit avant tout de renonçants discrets, batinistes,<br />
souvent reclus dans des lieux isolés. Il n’existe quasiement aucune hagiographie á<br />
leur endroit.<br />
L’ascendance spirituelle de la rahiyyah et la proximité de ses membres<br />
conforte cette « Voie » dans sa légitimité d’initiation « héréditaire ». On considère<br />
que le premier membre historique est Abu AZUD (Ar. Zhud, ascése ), compagnon<br />
de l’Imam ALI, qui le tenait pour « le pilier de la khalifat » (leadership). A la suite des<br />
persanophones Salim et Habib RAHI, s’intégrent aussi des membres arabisants, tels<br />
que les clans AZUDI (Arabie), QARAFI (Egypte) et KHAZA’I ( Arabie). Tout au long<br />
de leur histoire clandestine, Toraj ADHAMI y recense en outre les familles arabes<br />
suivantes : DIAMIRIYAH, MORHASHIYAH, HAMDANI, RABIEH, MEZ HAZI,<br />
SHEBAM, SAMIRIYEH, T(A)I, NADERIYEH, ANJAVIYEH, HAKIRAVIYEH, BANI<br />
SHAKER, BANI KAMUNEH, MUSAVIYEH REZAVIEH et BAKERIYEH. Selon<br />
ADHAMI, les familles QARAFI et KHAZA’I dominent en nombre les autres dans la<br />
rahiyyah.<br />
L’appellation « rahiyyah » ne perdure pas au delà de l’an 1000 AD. A cette<br />
échéance, les appellations de Baba et de Qalandar la relaient. ADHAMI relève<br />
qu’avec cette nouvelle appellation survient en outre leur regroupement en khanqah,<br />
avec tout ce que celá comporte de changements structurels. Cependant, les Jalalis-<br />
<strong>Khaksars</strong> considèrent que le cycle des Rahi ne se termine effectivement qu’avec<br />
Jalaleddin Heidar « BUKHARI » JAHAN JAHANGASHT, En effet, celui-ci, lui même<br />
issu d’une Sa’adat d’obédience sohrawardi émigrée au Sindh, imposera ensuite ce<br />
dernier lignage clanique à la silsila Jalali-khaksars pendant près de 300 ans...
3. Salman FARSI<br />
Abdallah IBN SULTAN Dervish KABL 4. Dede ROSHAN (Zazan) Sheikh Saleh Salim « RAHI »<br />
(fils)<br />
Hasan BASRI<br />
Abdl Rahman Habib ABI Abdlrahman « Tavus » « YAMANI » Malek IBN DINAR « AL SAMI » Habib RAHI (fils)<br />
Fudhayl BIN IYAD<br />
Abdel Wahed bin ZEID ”BASRI” Ibrahim IBN ADHAM<br />
Ali RAZIN Bakr allah MOSALI Abu Nasr Bashir Ibn Hareth AL HAFI Shaqiq BALKHI“ Shiban RAHI<br />
Haytham ASSAF (le sourd“)<br />
Abu Torab NAKHSHABI<br />
FIGURE 3 : La Rahiyyah: de Salman FARSI á Abu Torab « NAKHSHABI » . D apres [ADHAMI, 1958] . En orange le<br />
lignage commun avec la chishtiyyah.
1.4.2 Abu TORAB « NAKHSHABI »<br />
Asgar Bin Muhammad Bin Hasin "NAKHSHABI", dit Abu Torab "NAKHSHABI" est né<br />
en 160 AH c (circa 775 AD) á Nakhshab, l'actuelle ville de Ghorshi, située entre Balkh (Nord<br />
Afghanistan) et Bukhara (Ouzbekistan), selon [NURBAKSH, 2002b]. Il s'y maria et y vécut<br />
jusque vers 860 AD.<br />
Dés son jeune age, son père l'éduque aux sciences religieuses et l'emmène sur les<br />
lieux saints (La Mecque , Medine, Bagdad). C'est presumément à son retour qu'il fonde sa Voie<br />
soufie. Selon [ADHAMI, 1958], Abu Torab s'intéressa á l'esprit de la Futuwwat en Islam et eut<br />
pour maitres Ali Razi MAZBUH, Sheiban "RAHI", Yusef SHEIBANI et Ibn RAZIN et surtout<br />
Shaghigh "BALKHI", incontestablement le plus influent sur lui. Quelques rares biographies citent<br />
aussi Bayazid "BISTAMI". Abu Torab fréquenta significativement des malamati en devenir tels<br />
que Abu Salah Hamdun QASSAR "NISHAPURI" et Abu Hafs HADDAD "NISHAPURI". [ADHAMI,<br />
1958] suggère également que Asgar Bin Muhammad Bin Hasin "NAKHSHEBI"l doit ce<br />
patronyme d'"Abu Torab" (litteralement: 'le père poussière') - habituellement réservé à l'Imam ALI<br />
- pour sa vie exemplaire. Il décèda vers 860 AD.<br />
L'hagiographie populaire a retenu Abu Torab "NAKHSHABI" comme un sage démuni,<br />
trés humble et trés écouté. Le traité « Futuwwah» d’AS-SULAMI cite nombre d’anecdotes où il<br />
refuse toute rétribution, distribue le peu d’argent qu’on lui offre à ceux qui en ont besoin, etc….<br />
« Ta protection des désastres dépend de ta capacité à ne pas répondre aux<br />
désirs de ton ego »<br />
[NAKHSHEBI cité dans la « Futuwwah » d’AS-SULAMI]<br />
Selon [NURBAKSH, 2002b], il préconisait la dissimulation des attributs soufis á ses disciples,<br />
tout comme le firent ensuite les premiers malamati. [ADHAMI, 1958] mentionne plutôt qu'Abu<br />
Torab "NAKHSHABI" était notamment connu pour avoir constamment refusé la charité de ses<br />
pairs. Contemporain d'Abu ADHAM "BASRI" et d'Adham HASSAN, son ami indéfectible, ainsi<br />
que des premiers malamati de Nishapour, Abu Torab "NAKHSHABI" remit notamment en cause<br />
le mode de vie des qalandars : selon [ADHAMI, 1958], il poussa les corporations (fiti han) á<br />
entretenir des hospices (khanqahs) hors des villes, á l'usage des qalandars errants afin de<br />
prévenir les débordements et le racket des qalandars. JAMI aurait recensé, parmi les nombreux<br />
saints qui le consultèrent: Ahmad "KHAZRUYEH", Shah SHODJA, Yusef Bin Hussein "RAZI",<br />
Muhammad Bin Ali "AT-TIRMIDHI", Abu Hamzah "KHORASANI", Ali Ibn Sahleh "ESFAHANI" et<br />
Adham HASAN. Etonnament il n’est pas identifiable dans la silsila « officielle » de la FIGURE 1,<br />
mais il est essentiel à l’interprétation biographique qu’en a fait Toraj ADHAMI (FIGURE 2,3 et 4).<br />
Pir Arat rapporta á l'endroit d'Abu Torab "NAKHSHABI" la parabole suivante: Abu<br />
Torab "NAKHSHABI" s'en alla au désert avec 300 disciples et leur imposa l'existence de<br />
derviche. A force d'epreuves, seuls deux persistèrent dans sa voie au desert: ce furent Abu<br />
Obeid "BASRI" et Abu Abdallah JALAH.<br />
Selon [NURBAKSH, 2002b], Abu Toraj eut en fait environ 120 disciples. Parmi eux,<br />
Abu Obeid "SABRI", Abul Abbas SHAGHI, Abu Nasr SERAJ, Muhammad Ibn Salem<br />
"BADERUSI", Abu Abdullah Muhammad Bin Ali "AT-TIRMIDHI", Shah SHOJAH, Sahleh<br />
"ESFAHANI", ainsi que les éminents précurseurs malamati Abu Jafar « ISBAHANI », Abu Salah<br />
Hamdun QASSAR "NISHAPURI" et Abu Hafs HADDAD "NISHAPURI". <strong>Les</strong> ascètes Shah Ibn<br />
Shuja’al « KERMANI » (d. avant 912 AD) et Muhammad Ibn Yahya « Abu Ibn AL-JALLA » se<br />
réclame aussi de ses disciples directs. <strong>In</strong>struit aussi par Dhun Nunu’l « AL-MISRI », AL-JALLA<br />
devint le maître de Muhammad IBN DAVUD « AL-DUQQI ».
2 Mahmud PATILI<br />
1. Imam ALI<br />
3. Salman FARSI<br />
SALMANIYYAH La Mecque<br />
Abdallah Bin Salman Salim b. RAHI Ca 800 7. Imam ZEIN<br />
Ali RAZIN<br />
RAHIYYAH<br />
Abu Abdallah MAGHREBI Abu TORAB Nakhshebi d.859<br />
ABU TORABIYYAH Nakhsheb<br />
Ibrahim Shiban QARMASINId.959 Shah SHEBAH Abu Hafs HADDAD d.878<br />
QALAIYYAH Kermanshah HADDADIYYAH Nishapur<br />
Muzafer QARMASINI Kermanshah Baba FAREJ d. ???<br />
Zanjan<br />
Baba KUHI d. ???<br />
Turkmenistan<br />
20 Abu Abdallah KAF<br />
Hosein AKAR<br />
21 Ibrahim MORSHED KAZERUNI<br />
MORSHEDIYYAH<br />
Damascus Dede ROSHAN<br />
3<br />
Ahmad YASAVI d. 11xx<br />
YASAVIYAH Turkestan<br />
Khatib Abul Qasim ABL KARIM d. ??? Abu Najib SOHRAWARDI d. 12xx Qutbudin ZAVEHI d. 12xx<br />
(KHATIBIYYAH)<br />
??? SOHRAWARDIYYAH Azerbaijan HEIDARIYYAH Khorasan<br />
Khatib Abul Nasr MO’HD d. ???<br />
Khatib Abul Bakr Ruzban BAQLI<br />
RUZBIHINIYYAH<br />
Khatib Taj AL DIN<br />
Jalal Ad Din AS SAWADJI d. 1218 Qutbuddin KABIRI<br />
Khatib Khalish AL DIN QALANDARIYYAH Damiette<br />
Rukn Ad Din DANYAL d. ???<br />
DANYALIYYAH ???<br />
Shihabdin SOHRAWARDI d. ???<br />
Khatib Al din Ahm’d QalandarR d. ??? Bagdad<br />
Bahauddin Zakariya MULTANI d. ???<br />
Multan<br />
23 Jalal Heidar BUKHARI d. 1281<br />
JALALIYYAH Uchch<br />
vers KHAKIYYAH Kashmir<br />
Fig 3<br />
FIGURE 4 : Lignage salmani « amont » de la silsilah de la Jalaliyyah selon [ADHAMI, 1958].
Imam HOSEIN<br />
7. Imam Zeinabidin<br />
Imam Muhammad BAQIR<br />
Imam Jafar SADEQ<br />
Imam Musa Jafar<br />
Imam REZA<br />
Abu Amru AL ZAJAJI NISHAPURI<br />
Abul Qasim KHAREQANI<br />
Al Mahasin Ali FARMINDI<br />
Abul Safa AL WASITI<br />
Maruf KHARQI<br />
Sari SAQATI<br />
Junayd BAGDADI<br />
Uwain Bin AHMAD<br />
Abu Ishaq TARTAWSI<br />
Abdel Qader JILANI<br />
QADIRIYYAH<br />
Najmuddin KUBRA<br />
KUBRAWIYYAH<br />
Rayzieddin GHAZNAVI<br />
Ahmad Zakr JOZEGANI<br />
Nureddin ESFAREYENI<br />
Allah ud Dawlat AS SEMNANI<br />
Mahmud MAZGHANI<br />
Ali HAMADANI<br />
Ahmad KHATTALANI<br />
IGHTISHAHASHIYYAH<br />
Muh’d « HASIVI »<br />
NURBAKHSH<br />
NURBAKHSHIYYAH<br />
3. Salman FARSI<br />
Hasan BASRI<br />
IBN KHAFIF<br />
KABIRIYYAH<br />
21 Ibrahim MORSHED<br />
MORSHEDIYYAH<br />
KAZERUNI<br />
Khatib Abu Bakr Ib.Muhd<br />
Khatib Abul Qasim Mah’d<br />
KHATIBIYYAH<br />
Ahmad Ibn Al KARIM<br />
Siraj ad Din IBN SALBEH<br />
Ruzbehan BAQLI<br />
RUZBIHINIYYAH<br />
Fakr ad-din AHMAD<br />
Ruzbihan II d. 1286<br />
Abd al wadud KHALUNI farid<br />
Abdul Qadir I TAWUSI<br />
Qiwan Ad Din Muhd KAZERUNI<br />
Nur Ad Din TAWUSI<br />
Ahmad b. Muhd NAHRAWALI d. 1542<br />
Nuruddin b. Ahmad NAHRAWALI d. 1582<br />
Baba Sudani TIMBUKTI d. 1624<br />
Abd al Qadir FASI GHASSANI d. 1624<br />
Abd al Qadir FIHRII FASI<br />
Muhammad SAGHIR d. 1721<br />
Muhammad b. Abdallah TILIMSANI<br />
Murtada ZABID d. 1791<br />
d. 1688<br />
1. Imam ALI<br />
Habib AJAMI<br />
Daud TAI<br />
Imran ISTAKHERI<br />
Abu Muh’d Jafar HADHDA<br />
Abbas NIHAWANDI<br />
Siraj ZANJAANI<br />
Muhd Abdullah SOHRAWARDI<br />
SOHRAWARDIYYAH<br />
Umar AL KHATTAB<br />
Uways QARANI<br />
Musa Yazid AL RAI<br />
Ibrahim Ibn ADHAM<br />
Hathim AL ASAF<br />
Abu Torab NAKHSHABI<br />
Abu Hafs HADDAD<br />
20 .Abdallah KAF<br />
Hosein AKAR<br />
FIGURE 5 : <strong>Les</strong> ascendants de la Morshediyyah-Kazeruniyyah et de<br />
la Ruzbihiniyyah dans la litterature soufie. En rouge, le fragment de la<br />
FIGURE 2 selon [ADHAMI 1958]. <strong>Les</strong> autres sources [BALLANFAT<br />
citant MASSIGNON] sont en bleu, vert. On le voit, le troncon d’ Abu<br />
Torabi NAKHSHABI á Ibn KHAFIF apparait dans d’autres silsila des<br />
Sohrawardi [cf ANNEXE 2] que celles de la seule Khaksariyyah-<br />
Jalaliyyah.<br />
Ce rattachement de Najmuddin KUBRA à toute la silsila de<br />
Salman FARSI est revendiqué par la silsila « Uveysi » de l’actuelle<br />
branche Shahmaghsoudiyyah (« MTO ») de la Kubrawiyyah-<br />
Nurbakhshiyyah (ici en violet).
Abu Ishaq IBRAHIM bin Sheiban "QARMASINI", fondateur de la Qalaiyyah, aurait<br />
fait partie des disciples d’Abu Torab « NAKHSHABI », et il constitua une branche préalable à<br />
la Khaksariyyah [ADHAMI, 1958],. Par ailleurs, Abu Torab « NAKHSHABI » est effectivement<br />
cité dans des silsila historiques des zahabi-uwaysi [ANNEXE 1], et des sohrawardi<br />
[ANNEXE 2]. Toutes ces silsila lui prêtent une ascendence sur le persan Morshed Ibrahim<br />
KAZERUNI , via le malamati Abu Hafs HADDAD "NISHAPURI" [FIGURE 5].<br />
1.4.3 Doost ALISHAH (Marv)<br />
Cet ascète [FIGURE 1 , maillon 17] nommé Doost Aliyyeh « SINEH SUF », ou<br />
encore Abu Ahmed DOOSTAN, peu connu, est né á Marv, au Nord de l’Aghanistan actuel au<br />
10ème siecle. [ADHAMI, 1958] l’a identifié mais n’a pas su établir de lien logique de filiation<br />
spirituelle avec les autres maillons de la silsilah. L’hagiographie de Doost ALI SHAH décrit ce<br />
dernier comme un ascète extrême qui allait nu, depuis qu’il avait donné ses effets personnels<br />
aux pauvres de la ville. [ADHAMI, 1958] rapporte quelques autres anecdotes démonstratives<br />
dans ce sens. Il est decédé vers 360 AHq / 968 AD. Abu Said « MALINI » est son principal<br />
disciple connu.<br />
1.4.4 La Qalaiyyah<br />
Mais [ADHAMI, 1958] s’est plutôt évertué á etablir des liens historiques de succession<br />
entre la rahiyyah et la morshediyyah. Il a notamment identifié le rôle charismatique du<br />
sheikh Ibrahim Shiban « QARMASINI » dans ces lignages [FIGURE 4]. La Qalaiyyah est un<br />
ordre fondé au Kuhestan (region kurde du Zagros occidental autour de Kermanshah<br />
(« Qaramisin » en arabe), de part et d’autres de l’actuelle frontière irano-irakienne ) vers l’’an<br />
1000 AD par sheikh Ibrahim Shiban « QARMASINI », á la suite des maitres de la rahiyyah.<br />
Cette énigmatique rahiyyah comptait une dizaine de zawiya dans cette région [ADHAMI,<br />
1958]. On le voit sur la FIGURE 4, l’influence du sheikh Ibrahim Shiban « QARMASINI » tient<br />
essentiellement un ascendant spirituel sur Hosein SAKAR, le maillon Junaydi qui a précèdé<br />
l’imam KAZERUNI ([FIGURE 1, maillon nr. 21], voie Kazeruniyyah).<br />
1.5 L’ére des Morsheds : la vraie branche soufie?<br />
La silsila officielle des <strong>Khaksars</strong> prend vers l’an 900 AD une bifurcation de lignage contradictoire.<br />
Elle se réclame notamment à la fois de malamati eminents et de soufis contemporains « junaydi »<br />
sunnites de l’Ecole de Shiraz.<br />
En amont d’Abu Abdallah KAF [FIGURE 1, maillon nr. 20], on peut déplorer une incohérence avec<br />
la chaine malamati antérieure des khaksars de la FIGURE 4. En effet, il est couramment admis qu’ Abu<br />
Abdullah Muhammad IBN KHAFIF et « KAZERUNI » suivaient significativement le lignage soufi sunnite de<br />
la Junaydiyyah, une branche bagdadi de la Kharkiyyah-Saqqatiyyah [en bleu sur la FIGURE 5]. Et ce<br />
lien n’est pas anodin.<br />
Omis ou confondu dans la silsila des <strong>Khaksars</strong>-Jalali, le maillon Abu Abdullah Muhammad IBN<br />
KHAFIF « SHIRAZI » (9 ème siècle AD), un érudit contemporain de Mansour HALLAJ, n’est pas oublié à cet<br />
emplacement de la « même » silsila des branches Dhahabiyyah et Shahmaghsoudiyyah . Surnommé<br />
par elles le « sheikh Kabir » ou le « sheikh al-Islam », et se souviennent de sa branche comme la<br />
Khafifiyyah-Uweysiyyah.<br />
A cette époque précise, les commercants Junayd « BAGDADI » et Sari AS-SAQATI de Bagdad<br />
s’opposent par leur mystique « sobre », à l « ’ivresse divine » de leurs contemporains HALLAJ et<br />
« BISTAMI ». Formé par son oncle AS-SAQQATI et par le théologien Harith MUHASIBI (d. 857 AD),<br />
Junayd passe pour le rénovateur rigoureux de la rhétorique soufi. Il épure les annales de shath (discours<br />
extatique) de ses pairs en en donnant des interprétations soufies rigoureuses : il reconnait les indéniables<br />
qualités de « coeur » des soufis du Khorasan, auxquels cette école dialectique « renovée » de Bagdad se<br />
confronte.<br />
Féru de Fiqh shaféite, il consolide l’exégèse soufie en la discutant sur le mode dialectique cher à<br />
son oncle, mais abore rendre la justice coutumière. Il fréquente un temps les juristes contemporains<br />
éminents Abu Muhammad RUWAYAM (d. 915 AD) et Omar Bin Osman « MAKKI » (d.909 AD, un des
deux maitres d ‘ HALLAJ), eux mêmes des soufis notoires. Le discours quasi-puritain de Junayd<br />
« BAGDADI » hiérarchise les états (Nafs) , L’Unité (Tawhid), il décrie les limites des excès et élude<br />
« l’ivresse » si chère à HALLAJ. Junayd fut trés écouté au Bazar de Bagdad et son aura était considérable.<br />
A sa suite, on recense par exemple Abd al Husain NURI (d. 907 AD) , Abul Abbas Bin ATA (d. 922 AD)<br />
ainsi que les illuminationistes Mansour HALLAJ (d.922 AD) et Abu Bakr SHIBLI (d. 945 AD). L’orthodoxie<br />
de Junayd alimentera celle d’Abd el Kader AL-JILANI ( branche Qadiriyyah) et Ahmad AR-RIFAI ( branche<br />
Rifaiyyah).<br />
Par essence, cette sobriété est l’apanage de la seule élite des Junaydi, mais la branche<br />
Kazeruniyyah (« Morshediyyah ») de Shiraz, partagée par les tendances centrifuges de ses compatriotes<br />
malamati contemporains, demeura indécise dans ce débat et préfèra embrasser les deux écoles. La<br />
« Morshediyyah » n’est donc pas , à proprement parler, un ordre extraverti ou populaire. On peut donc<br />
s’étonner de sa quasi-contradiction avec les idéaux khaksars. Par cette juxtaposition du lignage soufi<br />
shirazi avec le lignage malamati [FIGURE 4], c’est toute la descendance spirituelle de la chaine qui<br />
bifurque alors dans celle des branches indiennes de notables de la Kazeruniyyah et de la Morshediyyah.<br />
Cette poursuite généalogique étaie la relative solidité du reste du travail d’ADHAMI. On peut notamment le<br />
rapprocher du lignage dhahabiyyah-uweysiyyah « officiel » [ANNEXE 1]. La présence de MORSHED<br />
IBRAHIM et d’IBN KAFIF dans la silsila Khahsar est en fait incongrue:<br />
- elle dénie les antécédents soufis de Morshed Ibrahim « KAZERUNI » et le rattachent á un lignage<br />
malalamati contre nature. Son lignage Junaydi est purement et simplement nié dans la silsila<br />
(FIGUREs 1 et 4, 5).<br />
- elle fait diverger la silsila dans un rameau soufi et non plus malamati, ni même qalandar<br />
1.5.1 « Shah Abd’allah AL-KAF »<br />
La silsila Khaksariyyah compte encore un autre maillon énigmatique dans le lignage d’<br />
Hamdun AL-QASSAR en « Shah Abd’allah AKAF » [FIGURE 1, maillon nr. 20], parfois appelé<br />
« Palandouz » (« le sellier »). [ADHAMI, 1958] a déduit qu il s agissait en vérité d’un sheikh soufi<br />
peu connu de Noran (Khorasan): le sheikh Abu Nasr Abd’allah Bin Ali AS-SERAJ « AL-TOUSI », un<br />
disciple dAbu Said Abul KHAYR, dit « ABU SAID » (967-1049 AD) et d’Abul Fazl « AS-SALARTHI »<br />
et voici comment. Dans le monde arabe et indien, le patronyme « Seraj » (tanneur) est effectivement<br />
une corruption courante des patronymes des selliers (persan « palandouz », « akaf » ) et des<br />
cordonniers (persan « kafosh », « askaf » ). On sait peu de choses de ce AKAF, lui-même<br />
contemporain d’IBN KHAFIF, si ce n’est qu’il était versé dans les sciences islamiques et qu’il visita<br />
les lieux saints de Bagdad, Antakie, Bastam, Shushtar, Tabriz et Damas. Il est enterré à Noran, pres<br />
de Tous. Il existe un maillon homonyme « PIR PALANDOUZ » dans la silsila d’Or des dhahabiyyahuweysiyyah,<br />
[ANNEXE 1], mais il s’agit en fait du sobriquet d’un autre derviche, Muhammad<br />
Mozareb « KARANDEHI », bien plus tardif (d. 1627 AD).<br />
1.5.2 Ibrahim MORSHED "KAZERUNI" : la Morshediyyah (Fars) et les khatibs<br />
Abu Abd’allah Al-Shirazi Al-Dibbi As-Shafei Al-Sufi « Muhammad » IBN KHAFIF Asfakshad<br />
(d.982 AD), était un éminent intellectuel soufi sunnite de Shiraz, disciple des soufis Abu Muhammad<br />
RUWAYAM (d. 915 AD, juriste notoire de Bagdad, mais d’obédience malamati « zahiri »), Abul<br />
Abbas IBN ATA, IBN SURAYJ, et « AL-JARIRI » . IBN KHAFIF était contemporain d’AL KAF et de<br />
Mansur HALLAJ. Omis ou confondu dans la silsila des <strong>Khaksars</strong>-Jalali, il n’est pas oublié à cet<br />
emplacement de la « même » silsila des branches Dhahabiyyah et Shahmaghsoudiyyah .<br />
Surnommé par elles le « sheikh Kabir » ou le « sheikh al-Islam », , leurs membres se souviennent de<br />
sa branche comme la Khafifiyyah-Uweysiyyah.<br />
Concernant IBN SURAYJ, , les informations sont contradictoires sur la succession ou<br />
l’antécédent spirituel á l’endroit d’IBN KHAFIF. Contemporain de MORSHED IBRAHIM<br />
« KAZERUNI », IBN KHAFIF fit eriger à Shiraz un ribat (fortin – retraite monacale) oú il fonda sa<br />
propre école mystique, universellement reconnue pour son influence sur la Kazeruniyyah puis dans
le lignage de la Sohrawardiyyah [HANIF, 2002]. On le surnomme aussi « sheikh al-kabir » et c’est<br />
peut être cette voie qui est également connue sous le nom de Kabiriyyah.<br />
Pour [HANIF, 2002] : sur fond de rivalité entre ecoles shafé’ites, les soufis de Shiraz<br />
trouvaient un attrait particulier á la futuwwat corporatiste (akhisme, malamatis, bistamiyyah), puis,<br />
dans une seconde phase, la démarche d’IBN KHAFIF devint purement intellectuelle et s’apparenta<br />
davantage á celle de ses maitres Junayd « BAGDADI » et Mansour HALLAJ, dont il ne semble pas<br />
avoir tranché le dilemne. En conclusion HANIF résume la mystique de IBN KAFIF comme suit :<br />
- Le dénuement, imitation du Prophéte, est préfèrable du point de vue au matérialisme<br />
- le fakr ne fait pas de tout démuni un soufi, pas plus qu’il ne fait du soufi un saint (IBN<br />
KAFIF dédit ainsi l’argument central des « voies courtes »)<br />
- le ghalaba (« instant » ) est impropre á résumer l’essence de l’extase (hal), et par<br />
conséquent celle de la sainteté.<br />
- La raison est un état (nafs) indéfini. L’ivresse ou la transe (hal) sont préférables á la<br />
seule sobriété.<br />
L’activité du ribat d’IBN KHAFIF perdura au moins jusqu’au début du 13 ème siècle. Selon<br />
[ADHAMI, 1958], c’est á son disciple Hosein AKAR (d. circa 1006 AD ) que fut confié le jeune<br />
Ibrahim « KAZERUNI » [dit ici « Shahebrahim » FIGURE1, maillon nr. 21], alors qu’il n ‘était qu’un<br />
adolescent lettré. De Kazerun, il l’emmena avec lui á Shiraz. Le sheikh Ibrahim MORSHED<br />
"KAZERUNI" , dit "MORSHED IBRAHIM" est né en 352 AH-c (circa 960 AD) à Arjan, Fars. Formé<br />
par IBN KAFIF et Hosein AKAR, il fonda á son tour un ribat et un lignage soufi homonymes au Fars.<br />
Selon [ADHAMI, 1958], il décèda en 400 AH-c (circa 1008 AD) á Shiraz, Fars. Ce sheikh est<br />
relativement connu des annales historiques, mais quelques détails biographiques divergent. Connu<br />
sous le nom d’Abu Ishaq Ibrahim Bin Shahriyar « KAZERUNI » , il serait en fait décédé á Shiraz vers<br />
1034 AD. Il est surtout connu comme le maitre du fameux soufi Ruzbehan BAQLI « SHIRAZI »<br />
(d.1209 AD), figure emblématique du soufisme de Shiraz.<br />
La silsilah “Morshediyyah” du sheikh Ibrahim MORSHED "KAZERUNI" émergea à Shiraz: il<br />
y fit eriger son ribat, lequel demeura en relation avec celui de son contemporain IBN KAFIF au<br />
moins jusqu’au 13 ème siècle. On trouve effectivement la trace de cet ordre soufi sous les noms de<br />
Kazeruniyyah, d’Ishaqiyyah, ou parfois, sous le nom de sa branche au Fars : la Ruzbihiniyyah.<br />
L’ecrivain HAFEZ « SHIRAZI » fut un membre notoire de la branche anecdotique Ruzbiniyyah. Pas<br />
precisément des errants, donc.<br />
Selon [ADHAMI, 1958], le lignage se répandit pendant pres de 300 ans, essentiellement<br />
parmi les khatibs (precheurs ou chroniqueurs, selon les traductions) persans au Fars, puis migrant<br />
vers l'<strong>In</strong>de du Nord. Il est effectivement connu en <strong>In</strong>de du Nord et en Anatolie sous le nom de<br />
Kazeruniyyah et aurait pénêtré l’Anatolie au 14ème siécle. Selon [HOUTSMA, 1993], "MORSHED<br />
IBRAHIM" (« KAZERUNI ») devint le saint patron des marins – NLDR : musulmans- des mers d’<strong>In</strong>de<br />
et de Chine, et, á ce titre sa zawiyyah de Shiraz fut florissante á la faveur du nombre impressionnant<br />
des ex-voto des marins du Fars meridional . C’est pourquoi on cite parfois la Kazeruniyyah comme<br />
un antécédent notoire de l’assurance maritime !<br />
Etonnamment, [ADHAMI 1958] établit ensuite une filiation spirituelle inattendue entre<br />
Ruzbehan BAQLI et Jamal ad Din AS SAWADJI (fondateur mythique de la Qalandariyyah). Shah<br />
Jamal Din "Chermineh Push", dit "Shah Jamal Al-Mujjarad", un khatib qui embrassa l’ascètisme sur<br />
le tard, contribua á diffuser la Morshediyyah à Hansi (<strong>In</strong>de). Comme illustré sur la FIGURE 4 ,<br />
ADHAMI a tracé au Pakistan un lien avec la lignée clanique de khatib , tous descendants du<br />
célêbre juriste sunnite Nuban Ibn Thabit « Abu » HANIFA « KUFI » (699-767 AD), fondateur du<br />
hanafisme. Abdel Karim fut célêbre dans la silsila dite « morshediyyah » ( litteralement « (la voie)<br />
des Maitres » ). Son fils Taj Al-Din Abdul « Mhossein » fut Khalifeh des khatib pendant de trés<br />
nombreuses années.
Abu Najib SOHRAWARDI d. 12xx<br />
SOHRAWARDIYYAH Azerbaijan<br />
Qutbuddin KABIRI<br />
Shihabdin SOHRAWARDI d. ???<br />
Bagdad<br />
Jalal Ad Din TABRIZI d. ??? Omar Ad Din NAGORI d. 1246 Hurum Din Mubarak GHAZNAVI Bahauddin Zakariya MULTANI d. ???<br />
Bengal Nagore Multan<br />
23 Jalal Ad Din SURKPOSH d. 1291 Sheikh Sadr Ad Din ARIF d. ???<br />
JALALIYYAH Uzbekistan Multan<br />
Amir KABIR<br />
Mubarak GILANI d. 1576 Jalal Ad Din JAHANGASHT d. 1384 Usman SAYYAH d. 1338<br />
HAQQANIYYAHLahore MAKHDUMIYYAH Uchch Punjab<br />
Rukn Ud Din Abul FATEH d. 1334 Amir Husein HUSEYNI d. ???<br />
Multan Multan<br />
Sheikh Hamza SAHIB d. 1384 Kabir ad din ISMAIL Lahore Miran Muh’d Shah Mawji DARYA BUKHARI ILahore) Sheikh Samra Al Din Sh.Sadr Ad Din ”RAJU QATAL” d. 1453<br />
SAHIBIYYAH Uchch TCHIHIL TAN MIRANSHAHIYYAH ca. 1600 MURTAZAVIYYAH Uttar pradesh<br />
Sheikh Jamali” d.1536<br />
JANIYYAH Shah-i-Alam” d. 1475<br />
JALALIYYAH Gujrat<br />
Baba Daud KHAKI d. 1616 Ashgar<br />
ALI (<strong>In</strong>de)<br />
KHAKIYYAH Kashmir<br />
Mulana Khahi RISHI d. 1672<br />
KHAKI-RISHIYAH Kashmir<br />
Shah KHAKSAR” Ca 1650 Shah Abdur RASUL<br />
KHAKSARIYYAH (*) Gujrat RASULIYYAH<br />
40 Mir Makhsum Alishah Khaksar „HINDI“ Hafiz M.Ismail dit Miyan Wa’da Musa Shahi SUHAG Ahmedabad<br />
KHAKSARIYYAH Cachemire<br />
ISMAIL SHAHLIYYAH SUHAGIYYAH d. 1489<br />
FIGURE 6 : Figures sohrawardi de la Jalaliyyah selon [RIZVI, 1978a]..
1.5.3 Shah Jamal « Chermineh Push » d’ Hansi (<strong>In</strong>de) : un maillon chishti<br />
Le dernier maillon explicite, avant Jalal Ad-Din Heidar BUKHARI [FIGURE 1, maillon nr. 23],<br />
dans la silsila jalali-khaksari de [SOLTANI, 2001] est l’énigmatique Shah Jamal « Chermineh Push »<br />
(litteralement « pelisse de cuir ») [FIGURE 1, maillon nr. 22], également surnommé « Mujarad » (<br />
litteralement « le celibataire ») dans ces silsila . Ces deux surnoms contribuent à le présenter comme un<br />
renoncant extrême. [ADHAMI, 1958] a etabli que Shah Jamal « Chermineh Push » etait en fait le fils du<br />
khatib Taj Al-Din Abdul « Mhossein » et que, fort de sa lignée « murshediyyah », il contribua<br />
essentiellement á promouvoir la voie Danyaliyyah dans la localité d’Hansi, état actuel d’Haryana, en<br />
<strong>In</strong>de. Sur la FIGURE 4 , on ne peut que présumer de sa proximité et de l’influence sur Jalal Ad-Din<br />
Heidar BUKHARI...autant dire qu’on reste un peu sur sa faim.<br />
Par recoupements successifs avec l’hagiographie soufie d’Hansi, nous y avons bien identifié un<br />
fameux fakir Shah Jamal HANSAVI , egalement appelé « Qutb JAMAL » au 13ème siècle, lequel<br />
descend effectivement de Nuban Ibn Thabit « Abu » HANIFA « KUFI » (699-767 AD). Il fut d’ailleurs<br />
khatib de cette contrée, mais, selon l’hagiographie populaire, renonca vers l’age de 50 ans, aux tres<br />
nombreux biens de cette charge pour finalement suivre la voie de renoncement de la chishtiyyah, sous<br />
l’égide de l’éminent sheikh chishti Farid ud-din « GANJSHAKAR » dit « Baba Farid » (1173-1266 AD),<br />
lequel l’aurait cotoyé pas moins de 12 ans. Shah Jamal HANSAVI se serait illustré par une ascèse<br />
extrême, au point que le sheikh sohrawardi Bahauddin ZAKARIYYA “MULTANI” (1170-1267 AD), l’ayant<br />
visité, aurait sollicité son afiliation à la Sohrawardiyyah auprès de Fariduddin « GANJSHAKAR » , son<br />
mentor dans la Chishtiyyah.<br />
1.5.4 La Danyaliyyah<br />
Selon [ADHAMI, 1958] l Danyaliyyah est un lignage anecdotique de morsheds issus des<br />
khatibs indiens. La silsila émana de la Morshediyyah du sheikh Ibrahim MORSHED "KAZERUNI". Elle<br />
se répandit á Bukhara, puis au Nord Pakistan et dans l'ouest de l'<strong>In</strong>de. Ses membres intégrèrent<br />
progressivement avec la Qalandariyyah.<br />
1.6 L’ affiliation à la Sohrawardiyyah<br />
Si la khaksariyyah n’est pas une taifa naturelle de la Sohrawardiyyah, sa silsila prétend néanmoins<br />
que la branche centrale jalali de l’ordre a en fait fédere de nombreux qalandars epars, autour de la personne<br />
de Jalaluddin Shah Mir SUHRKOSH « AL BUKHARI » [FIGURE 1, maillon nr. 23], ou éventuellement du<br />
personnage charismatique de Lal Shahbaz QALANDAR [ADHAMI, 1958]. Christiane TORTEL s’est echevelée<br />
á clarifier les connexions entre la Khaksariyyah et les branches intermediaires marwandiyyah et<br />
makdumiyyah. A défaut d’etre certaine, la réponse la plus documentée est sans doute le lignage via les<br />
ascètes cachemiri khakiyyah - rishiyyah, abondamment décrit par [ADHAMI, 1958].<br />
Mais la Sohrawardiyyah avait elle même une histoire complexe, au regard de laquelle nous nous<br />
efforcons ici de comprendre la réalité de cette affiliation. Nous allons le constater ci dessous, la jalaliyyah n<br />
était pas un cas isolé en <strong>In</strong>de du Nord: la Marwandiyyah, la Miran-shahiyyah, la Suhagiyyah... c est tout une<br />
constellation de groupes tres hétérodoxes qui s’affilient spontanément á la même époque au charisme de la<br />
branche de Bahauddin ZAKARIYYA “MULTANI”. Concrètement, l’afiliation á la jalaliyyah est consommée au<br />
plus tard avec Daud « KHAKI » RISHI et les Rishi - jani de la silsila actuelle de la khaksariyyah.<br />
1.6.1 Antécédents de La Sohrawardiyyah en <strong>In</strong>de<br />
Pour mémoire, la sohrawardiyyah est l’ordre mystique orthodoxe fondé dans le sillage du<br />
philosophe 'Abu al Najib As-SOHRAWARDI (d. 1168), disciple d’ AL-GAZALI natif de Sohraward<br />
(Azerbaijan), par son neveu Abu Hafs “Umar” As-SOHRAWARDI (1144-1234 AD). Mais c’est surtout la<br />
pensée brillante de Shahab-ad-Dîn As-SOHRAWARDI (1155-1191 AD) qui l’habite, laquelle fédérait la<br />
philosophie avec le gnosticisme pré-islamique et la sagesse zoroastre. Telle que l’a interprété CORBIN,
sa pensée dépasse le simple contexte du confrérisme, et il est unanimement reconnu comme un<br />
philosophe majeur.<br />
L’organisation se répand rapidement en Iran, en Afghanistan et en <strong>In</strong>de, dans les limites d’un<br />
certain élitisme. On ne peut ignorer que le mysticisme complexe d’As-SOHRAWARDI dédiait a priori cet<br />
ordre aux élites intellectuelles, davantage qu’aux errants.[SYUHUD, 2008] a décrit le fonctionnement de<br />
l’ordre en <strong>In</strong>de comme relativement orthodoxe, confronté au succés des voies hétérodoxes, et<br />
notamment à l’ascétisme. Dans un premier temps, il s’établit solidement au Sindh.<br />
L’orthodoxie sohrawardi se défend à priori de toute déviance malamati. Bien que Bahauddin<br />
Zakariya "MULTANI" aborât en fait les Qalandars dans son entourage, il toléra Fakr Ud Din "IRAQI" et<br />
sheikh Usman "MARWANDI" dit "Lal' Shahbaz Qalandar" parmi ses disciples. L'hagiographie populaire<br />
prétend même que ce dernier devait son patronyme de "Shahbaz" (faucon) à Bahauddin Zakariya<br />
"MULTANI" en personne [SYUHUD, 2008]. L’hagiographie des grands sohrawardi indiens regorge<br />
pourtant d’allusions elliptiques à l’ésotérisme corporatiste persan (javanmardi) et au qalandarisme.<br />
Comme si le sceau des malamati pouvait finalement légitimer les sohrawardi parmi les autres soufis<br />
indiens. : les hospices khanqah de la Sohrawardiyyah de Multan et de Dehli hébergeaient<br />
chroniquement des errants chishti et qalandars [SYUHUD, 2008]; d’autre part, ses sheikhs<br />
promouvaient la retraite khalwat pour ses vertus. Le cumul des khirqa et des obédiences était d’ailleurs<br />
fréquent.<br />
Etrangement, la Sohrawardiyyah a attiré des hétérodoxes tels que les qalandars Fakr Ud-Din<br />
“IRAQI”, l’ascète Usman Sayyah “SUNNAMI” – un disciple charismatique de Rukn Ud-Din Abd Fath<br />
“MULTANI” –, Baba Muthahharudin Awliya « AS-SOHRAWARDI » de Tiruchirappuli , dit « Natthar<br />
VALI » (confrerie « natthariyyah ») et ses qalandars, et Lal Shahbaz QALANDAR, fondateur marginal<br />
de la Chishtiyyah-Marwandiyyah à Sehwan Sharrif.<br />
Comment expliquer historiquement un tel pouvoir d’attraction ? Hormis Michel BOIVIN, personne<br />
ne semble s’etre jamais interrogé de l’adhésion contre nature et pourtant si repandue de qalandars<br />
hétérodoxes à la Sohrawardiyyah, et, dans une moindre mesure à la Naqshbandiyyah indiennes. Ce<br />
fait est admis sans qu’on s’interroge sur sa raison. Une partie de la réponse tient sans doute á la<br />
structure de la Sohrawardiyyah en <strong>In</strong>de au 13ème siècle : dés son introduction, celle-ci se ménage la<br />
faveur des souverains locaux. Elle se fait fort d’islamiser le pays et le prosèlytisme devient sa mission<br />
prioritaire. Le cas de Sehwan Sharif montre bien à quel point les objectifs de sa mission de conversion<br />
l’ouvrent à un débat inter-religieux avec les hindouistes, les ordres mendiants, le clergé shivaite, les<br />
émigrants khorassani chiites, les lignages de seyyeds sunnites locaux, mais aussi avec les basses<br />
castes, les tenanciers des petits sanctuaires d’obédience shiaites, etc...<br />
Une deuxième hypothèse tient à son modèle lui –même : la plupart des membres Sohrawardis<br />
sont des notables élitistes et se réunissent á domicile. <strong>Les</strong> membres « <strong>fakirs</strong> » de l’ordre, trés peu<br />
nombreux, vivent eventuellement dans des khanqahs érigées par des fonds privés. L’activité de<br />
mendicité n’existe virtuellement pas chez les Sohrawardis, et les membres se recentrent clairement sur<br />
le développement personnel. Ce modèle orthodoxe a fréquemment pris le dessus dans les terroirs ou la<br />
survie matérielle-meme des errants n’etait plus pérenne – je pense au Yémen actuel, par exemple - . On<br />
peut donc imaginer que le modèle sohrawardi ait connu un certain succès parmi les qalandars, par<br />
exemple dans un contexte économique particulièrement difficile.<br />
Cette quête syncrétique est précoce, au point que [SUBHAN 1938] catégorise les branches<br />
sohrawardi, selon qu’elles sont effectivement Be-shara (hétérodoxes) ou Ba-shahra (orthodoxes). Si on<br />
prend du recul le sohrawardisme s’est divise en 4 courants :<br />
- le sohrawardisme ancien, perpétue essentiellement en <strong>In</strong>de par des ordres plus ou moins<br />
malamati (iraqiyyah, jalaliyyah) . dans le contexte de la khaksariyyah, c est la principale<br />
mouvance qui nous intéresse.<br />
- le soufisme « safi », n’est pas un sohrawardisme à proprement parler, mais simplement lié<br />
á sa silsila. Il accomodait á son origine le soufisme orthodoxe avec des milieux anatoliens<br />
proches de l’alevisme (bayramiyyah, safiyyah, ) .
- le sohrawardisme zahabi-kubrawi, illuminationniste, qui met la vision mystique au centre<br />
de son discours (Kubrawiyyah, Mevleviyyah) . Nous allons voir une interraction fugitive<br />
de la khaksariyyah avec ce lignage au Cachemire.<br />
- le khalwatisme ; pas vraiment non plus un sohrawardisme...mais plutot une voie semiérémitique<br />
á present trés caricaturale. Trés influencée ensuite par la Mevleviyyah, ses<br />
innombrables avatars ottomans empruntent ensuite leur inspiration á son discours<br />
illuminationniste (ex : RUMI)<br />
1.6.2 De la Bukhariyyah á la Jalaliyyah (<strong>In</strong>de)<br />
1.6.2.1 Fondation de la Bukhariyyah<br />
A ce stade, la Jalaliyyah – FIGURE 2, 4- est le principal avatar orthodoxe de la<br />
Sohrawardiyyah en <strong>In</strong>de. Le soufi Jalal ud-din Shah Mir SUHRKOSH (1192-1291 AD) ,<br />
parfois appelé Jalaluddin Shah Mir SURKHPOSH « AL BUKHARI » [FIGURE 1, maillon nr.<br />
23], fonde la branche Jalaliyyah à Bukhara, puis, devenu veuf vers l’age de 40 ans, la diffuse<br />
dans le Nord de l’<strong>In</strong>de [YASIN, 1958]. Leur silsila historique est donc davantage suhrawardi<br />
que chishti. [ADHAMI, 1958] a rapportéensuite un développement généalogique aussi<br />
développé que méconnu: la Jalaliyyah, et la Khaksariyyah, fascinantes s’il en est par leur<br />
syncrétisme, revendiquent á présent la silsila imamite commune complète, remontant à<br />
Salman FARSI, [FIGURE 1], relèguant ainsi sa composante sohrawardi-mere historique au<br />
second plan. [ALISHAH, 1956] évoque ce lignage de façon un peu elliptique. Nous nous<br />
sommes efforcés de detailler cette généalogie « salmani-abu-torabi » d’ADHAMI [FIGURE 1].<br />
Ce détail participe á notre constat de mutation hétérodoxe radicale de la Jalaliyyah-<br />
Makhdumiyyah, evoque au paragraphe 1.5.2.<br />
Selon [Sah ABIDI, 1992], arrivé au Punjab en 1236 AD, Jalal ad-din « SURKHPOSH »<br />
s’installa à Bhakkhar (Sindh), puis Uchch (Sindh) et fonda une dynastie sohrawardi à travers<br />
le Sindh, le Gujarat et le Punjab. A ce titre il contribue pleinement á la mission prosèlyte de la<br />
Sohrawardiyyah en <strong>In</strong>de : la piété populaire l’associe à ses trois contemporains : le chishti<br />
Baba Farid GANJ SHAKAR (Bombay), le marwandi Lal Shahbaz QALANDAR (Sehwan<br />
Shariff) et le sohrawardi Bahauddin ZAKARIYA « MULTANI » (Multan) comme les « tchahar<br />
yaar » (litt « les quatre compagnons ») soufis ayant islamisé le Nord de l’<strong>In</strong>de. Shah Mir<br />
SUHRKOSH se réclamait du sheikh Bahawal HAQ, dit « SHIR QALANDAR », un saint<br />
sohrawardi de Multan, à present enterré lui aussi à Uchch. <strong>In</strong>teressons nous à cet ordre, afin<br />
de comprendre comment il a pu engendrer la khaksariyyah.<br />
« La nomenclature silsila (...) montre que la branche bukhariote a bien porté le<br />
nom de Jalaliyyah, mais trés tard. Elle est cataloguée jusqu’á cette époque<br />
sous le nom de « bukhariyya- hussayniyya » ou de « bukhariyyamurtazaviyya<br />
» des appellatifs qui exaltent l’origine imamite de la lignée » »<br />
[TORTEL, 2009]<br />
De par des débuts plutôt orthodoxes, essentiellement parmi les seyyeds d’origine<br />
bukhariote du Punjab, l’ordre était donc répertorié ba-shahra (orthodoxe). Jalal Ad-Din KABIR<br />
“Makhdum-i-Jahaniyan” (1308-1384 AD), et vraissemblablement petit-fils de Jalal Ad-din<br />
SURKPOSH, fut ensuite un saint homonyme non moins orthodoxe de cet ordre. Son charisme<br />
vaudra á cette branche de l’ordre le nom de «Makhdumiyyah » .
FIGURE 7.Danse giratoire des <strong>fakirs</strong> Bodlo BAHÂR à Sehwan Shariff, Pakistan.(source: M. BOIVIN)<br />
FIGURE 8. Travestis hijras musulmans dans la dargah Hajji MALANG, Bombay [Firooze SHAKIR. 2006]
Aucun des deux Jalal Ad Din, par son hagiographie, ne peut justifier l’émergence de<br />
Qalandars hétérodoxes et, de surcroit, chiites pour nombre d’entre eux, si ce n’est ,<br />
supposément, à l’arrivée de Jalal Ad-Din KABIR “Makhdum-i-Jahaniyan” à la tête de la<br />
khanqah sohrawardi de la ville de Sehwan (voir parag 1.5.3). Pourtant l’ordre présenta á<br />
partir du 16ème siècle dans certaines branches quelques dérives: similaires aux Madaris par<br />
leur aspects, certains « Jalalis », également appelés “Jahalis” au Punjab. Ce furent des <strong>fakirs</strong><br />
chiites qui s’opposèrent au sunnisme des madaris [KARAMUSTAFA, 1994],. Ils étaient<br />
souvent vétus de rouge , ce qui ramène au sens premier de « Surkh push » (pelisse rouge).<br />
Mais cet indice est confondant car il est surtout l’attribut explicite des fidèles derviches de Lal<br />
Shahbaz « Qalandar ». De déductions en syllogismes, TORTEL s’est peut etre fourvoyée en<br />
recherchant dans l’ordre marvandiyyah un lien de lignage ...<br />
« Beaucoup d’intouchables sont passés au qalandarisme, dont les balayeurs.<br />
<strong>Les</strong> balayeurs ont pour patron Lal Beg, le « prince rouge ». Ce Lal Beg est<br />
l’avatar islamise de Lal Bhik, le « moine rouge ». Le « moine rouge » est SHIVA,<br />
et lal Shahbaz, l’aigle rouge » passe pour en etre une réincarnation. SHIVA est<br />
le dieu qui danse. La danse fait partie des coutumes des qalandars en tout<br />
genre et des mendiants. Difficile de les distinguer des uns des autres sous leurs<br />
vêtements rouges et leurs grelots »<br />
[TORTEL, 2009]<br />
D’autres témoignages les décrivent plutôt comme devêtus, ils ne respectent néanmoins<br />
pas les jeuns orthodoxes, ils ont adopté le rasage (tchahar zarb), les décoctions de hashish<br />
(bhang) et ils mangent les scorpions ou les serpents. D’autre portent l’habit rouge en référence<br />
au nom de leur maître ( Surkh Posh = pelisse rouge). Par ailleurs, nous avons rapporté dans<br />
la deuxième partie du présent article, par quelle anecdote, selon leur propre rhétorique, l’usage<br />
extensif de l’olifant – par exemple pour la mendicité - les lie symboliquement à l’Imam ALI<br />
[SAHEEB, 1996]. SAHEEB et ASSAYAG ont tous deux rapportés des temoignages récents<br />
de dérives fakiristiques spectaculaires (mortifications publiques, ou rathib bazi, trés proches<br />
des dikhr démonstratifs des Rifaiyyah ou des Rifai- Sadiyyah [ASSAYAG, 1992].<br />
La principale branche, la Makhdumiyyah, fut fondée à Uchch, Sindh, par Jalal Ad-Din<br />
Hussain ben Ahmad KABIR, a.k.a. “Makhdum-i-Jahaniyan” ou encore « Makhdum Jahaniyya<br />
Jahangasht » ( « le globe-trotter ») (1308-1384 AD). Il est ainsi nommé car il parcourut les<br />
lieux saints. Reconnu de son vivant, ce disciple orthodoxe sohrawardi de Sadr Al-Din ARIF<br />
(a.k.a « Raju QATTAL » ) se voit confier la Khanqah–e Muhammadi de Sehwan Shariff. Ce<br />
meme Raju QATTAL, assez fameux et présumé orthodoxe, continua sa branche de la<br />
Makhdumiyyah, sous l’appellation de Murtazaviyyah (parag 1.6.5.3.1). Il serait en outre le<br />
père naturel de seyyed Muhammad « GESU DARAZ » ( hind. « longue boucle de cheveux ») ,<br />
dit Khwaja BANDA NAVAZ ( 1321-1422 AD), un fameux disciple du maitre chishti Nasirud Din<br />
CHERAGH « CHISHTI ». Khwaja BANDA NAVAZ, de loin le saint chishti le plus vénéré au<br />
Karnataka (y compris des Jalalis actuels) abhorait les qalandars, qu’il condamna de facon<br />
univoque [ASSAYAG, 1992]. Il leur déniait notamment la supériorité à laquelle ils prétendaient.<br />
Dés avant de développer ces liens eventuels avec Lal Shahbaz QALANDAR,<br />
récapitulons les deux maillons Jalali contemporains de Jalaluddin Shah Mir SUHRKOSH,<br />
avérés dans la silsila khaksar selon [ADHAMI, 1958].<br />
- - Muhammad Bayazid, dit « SAID ED-DIN » ou Dad ALI SHAH<br />
« SARBEHREHNEH » (litteralement « tête nue» ) [FIGURE 1 , maillon 26 ] était le<br />
neuvième fils d’un seyyed nommé Nasreddin BUKHARA’I, présumément á Uchch au<br />
12ème-13ème siècle. Ascète, il passa sa vie en retraite (chilla nashini) et refusa<br />
d’avoir aucun disciple. Trés populaire, il était connu pour exaucer les voeux. Selon
[ADHAMI, 1958], le retour de ses reliques á Uchch (Multan) fut célêbre par le<br />
patronyme « Dad » ( litteralement « rendu » , « offert », etc...). Ce maillon ascétique<br />
semble indiquer que des le 12ème siècle, la khirqa de l’ordre Jalali était<br />
éventuellement déjá portée par un fakir.<br />
- - Seyyed Muhammad HEIDAR, dit Heidar Ali KALAN [FIGURE 1 , maillon 28 ] était<br />
en realité l’arrière petit fils de Jalal Ad-din SURKPOSH, né au Gujarat. En effet, Shah<br />
Muhammad GHAWTH, le propre fils de Jalal Ad-din SURKPOSH, migra d’Uchch au<br />
Punjab, et eut un fils nommé Ahmad BUKHARA’I. Ce dernier n’était autre que le père<br />
de Heidar Ali KALAN. Ce dernier grandit au Gujarat, ou il etait ne. Selon ADHAMI, il ne<br />
passa que peu de temps dans la khanqah jalali d’Uchch. Il s’établit ensuite á nouveau<br />
au Gujarat. Le seyyed Tabib « GUJRATI » fut son fils.<br />
Nous allons le voir, la Jalaliyyah va connaitre une transition historique vers l’heterodoxie. Noter qu’en<br />
revendiquant son appartenance á cet ordre, la Khaksariyyah revendique mieux qu’un simple lignage.<br />
Eut egard á la traduction de ‘jalal (Ar. Gloire, paroxysme), elle adhere à son modèle postilluminationniste.<br />
« Ainsi, par opposition aux Jamalis, qui , eux, s’efforcent de canaliser ou de supprimer<br />
le Nafs, la voie « brulante » des Jalalis s’efforce de les exciter et de les echauffer au<br />
plus haut degre afin d’epuiser ses energies. »<br />
1.6.2.2 La sa’dat khorasani , épine dorsale du modèle Sohrawardi sindhi<br />
[ASSAYAG, 1992]<br />
La communauté khorasani du Sindh résulte de la migration, vers l’an 1000 AD, des<br />
réfugiés des invasions mogholes au Khorasan et en Ferghana. Or, comme nous le<br />
mentionnons dans le paragraphe précédent, la notion de Sa’adat est essentielle dans la<br />
diffusion de ces branches sohrawardi. Michel BOIVIN distingue clairement l’élitisme des<br />
premiers sohrawardis dans les cercles de migrants khorasani (Nishapur, Sabzevar et<br />
Bukhara, pour les plus connus ) de Sehwan Shariff, qu’il oppose á un modèle hétérodoxe, ou<br />
marwandi, enraciné dans les basse castes de shivaites convertis. Dans le monde<br />
persanophone, le lignage de seyyeds bukhariotes dont Jalal ad-din « SURKHPOSH » est issu<br />
s’est répandu abondamment sous le nom de « NAGHAVI » (« AL-BUKHARI ») – ou encore<br />
« NAQVI » en Irak et en Jordanie - . En effet, il revendique un lignage imamite complet á la<br />
suite de l’Imam Ali AL-HADI AN-NAQI, le 10 ème imam du chiisme duopdecimain, ainsi que les<br />
9 imams qui l’ont précédé. Historiquement, il semble que cette Sa’dat se soit divisée en deux :<br />
les NAGHVI et les HUSEINI, ceci dit, la sa’dat étant en soi un groupe endogame,<br />
l’appartenance á ces sous-groupes est néanmoins difficile á établir.<br />
- <strong>Les</strong> lignages NAGHVI Bien sûr, les lignages « NAQVI » declarés en <strong>In</strong>de ont<br />
emprunté de nombreuses voies pour se diffuser. On distingue d’abord les lignages<br />
historiques dit « BUKHARA’I », « SABZEVARI » , la plupart revendiquant ce lignage<br />
« NAQVI » á travers de grands saints migrants de l’an 1000 AD. Par exemple : Abu<br />
Faraj « AL-WASITI », Mahmud MAKKI « TOOSI », Ali Arab « NISHAPOURI »<br />
SHAHID (d. 1236 AD), Jamal ud Din Zaid « WASITI » , Najm ud-Din « SABZEVARI »<br />
etc... Ayant particulierement prospère au Sindh (Multan, Uchch), -<br />
ex :sohrawardiyyah , jalaliyyah, chishtiyyah - mais aussi dans la construction<br />
sociale d’une sa’adat exclusive), les NAQVI se diffusent ensuite spontanément au<br />
reste du Sindh (Bhakkhar), au Gujrat (Ahmadabad), au Punjab et en Uttar Pradesh (<br />
« NAGHVI SIRSI », « NAGHVI AMROHVI » ) dés le 14ème siècle.<br />
-- le lignage « NAGHVI AL-BUKHARI»: est le clan NAGHVI qui revendique le<br />
lignage de Sa’adat de Jalal ud-din Shah Mir SUHRKOSH (1192-1291 AD).
Certains descendants se réclament á present du clan JAHANIYA , d’après le<br />
nom de son petit fils Jalal ud-din JAHANGASHT JAHANIAN.<br />
- - - le lignage NAGHVI « MAHMUD MAKKI »: Arrivant directement<br />
de Mashhad (Iran), Mahmud « MAKKI » Mahmud MAKKI<br />
(« TOOSI ») initia un lignage à Bhakkar (Sindh). <strong>Les</strong> seyyeds NAGHVI<br />
de Mahmud MAKKI « TOOSI » se sont diffusés de Bakkhar vers le<br />
Punjab et même parfois au Chakwal. Pour une raison historique<br />
inconnue, ils se déclarent á present du lignage « NAGHVI AL-<br />
BUKHARI»: .<br />
- - le lignage NAGHVI AMROHVI : C’est á Saraf Ud Din SHAH VELAYAT (18<br />
ème siècle), lui aussi de lignage NAGHVI, qu’on devrait leur diffusion à<br />
Amroha, en Uttar Pradesh.<br />
- - le lignage NAGHVI « GHARBI » SIRSI(VI) á Siri (Uttar Pradesh),: <strong>Les</strong><br />
seyyeds NAGHVI SIRSI descendent de l irakien Zein « AL-WASITI » SHAHID<br />
au 13 ème siècle,et le lignage fut en outre renforcé par des nishapouris de<br />
souche.<br />
- - le lignage NAGHVI « SABZEVARI » , un lignage fondé au Sindh á la suite<br />
de Najm Ud-Din « SABZEVARI » (ca 1025 AD) . Prospère, le clan est<br />
particulièrement connu au Sindh, à Sehwan shariff, Allahabbad, Jais,<br />
Nasirabad...<br />
- <strong>Les</strong> lignages HUSEINI : <strong>Les</strong> clans chiites se sentent l’obligation de préciser qu’ils<br />
sont en outre « HUSEINI » , et l’appellation est indissociable de la plupart des khalifeh<br />
prétendus « SOHRAWARDI » en Uttar Pradesh.<br />
- Plus tardifs , les lignages GONA’I, HAQQANI et ANDALIBI locaux vont se<br />
developper, d’abord au Cachemire, á la faveur du revival soufi kubrawi-rishi des<br />
« HAMEDANI » (paragraphe 1.6.5.5), puis se rediffuser dans le Nord de l’<strong>In</strong>de et vers<br />
l’Iran.<br />
De nos jours, au Pakistan, ces lignages sont structurés en une constellation d’ associations<br />
(Anjuman) « paroissiales » .
1.6.3 L’hypothèse Marwandi<br />
Fondé par Lal Shahbaz QALANDAR (Tabriz, 1178 AD, Sehwan Sharif 1274/1323? AD) , un<br />
qalandar charismatique qui se proclama soudainement être une incarnation du Mahdi. Son lignage<br />
spirituel est discutable : on le présente tantôt comme un qalandar, tantôt comme un sheikh de lignage<br />
sohrawardi, via le sheikh sohrawardi Baha ud-Din Zakariya “MULTANI”. La caste de seyyeds de<br />
Sehwan Shariff qui honorent son sanctuaire se revendique à present d’un lignage qadiri…. Le<br />
personnage, également surnommé Lal’- le rubis - ou le « faucon rouge », était fameux pour son habit de<br />
cette couleur.<br />
Cet ordre trouve sa force dans une dévotion mahdiste originale. <strong>Les</strong> adeptes, ascètes hétérodoxes<br />
extravertis habillés en rouge, se retrouvent annuellement au ziyarat de sa tombe, située à Sehwan<br />
Shariff, Sindh. A son instar, ils s’adonnent notoirement à l’alcool et aux hallucinogenes. Si on en croit<br />
Michel BOIVIN, cet édifice s’est substitué à un lieu de culte hindouiste sectaire de BHARTRARI ( divinité<br />
Shivaite) : les ascètes Pashupata, familiers de la danse et de rituels suicidaires, se réunissaient en effet<br />
sur les lieux-mêmes du ziyarat [BOIVIN, 2005]. Celá explique probablement la transe possessive du<br />
rituel Dhammal qui est toujours observé dans le sanctuaire. L’aura de Lal Shahbaz QALANDAR s’etend<br />
jusqu’a la côte de la mer d’Oman, au point qu’il est une figure puissante de l’intercession auprés des<br />
Jinns dans les cultes balochis adorcistes de possessions suivants : « guati », « qalandar » et « pari ».<br />
Enfin, quel peut etre le rapport entre Lal Shahbaz QALANDAR et le lignage Jalali ? Aucun si l’on<br />
en croit la seule silsila jalali-khaksars-gholam alishahiyyah. Cette silsila souligne en effet autant le<br />
lignage qalandari de Jalal Ad Din BUKHARI – en la personne de Khatib Al din Ahm’d Qalandar - que<br />
ses ascendants sohrawardi eminents (FIGURE 1). On doit surtout s’interroger sur l’influence historique<br />
de la Marwandiyyah sur la Jalaliyyah. <strong>Les</strong> annales décrivent Jalal Ad Din BUKHARI et Jalal Ad-Din<br />
KABIR “Makhdum-i-Jahaniyan” (1308-1384 AD), comme des sohrawardis orthodoxes et trés puritains,<br />
tandis que Lal Shahbaz QALANDAR fut un qalandar tolere à la suite de Baha ud-Din Zakariya<br />
“MULTANI”. Or Jalal Ad-Din KABIR “Makhdum-i-Jahaniyan” (1308-1384 AD), apres tant de voyages<br />
pieux, fut precisémment designé par le sultan Muhammad Ibn TUGHLUQ á la tête de la khanqah<br />
sohrawardi de la ville de Sehwan.<br />
« A notorious puritan, Makhdum Jahaniyan strongly deplored <strong>the</strong> <strong>In</strong>dian Muslim religious<br />
customs and ceremonies which had been borrowed from Hindus and were an <strong>In</strong>dian<br />
accretion. He urged that dervishes, Sufis, and ulama visit rulers and government officials<br />
in order to elicit assistance for <strong>the</strong> downtrodden sections of Muslims. He introduced<br />
among his disciples <strong>the</strong> spirit of <strong>the</strong> akhi and futuwwah (spiritual chivalry) organizations<br />
of Anatolia, Khurasan, and Transoxiana. After his death in 785/1384, he was succeeded<br />
by his bro<strong>the</strong>r, Sadr al-Din [NLDR: le saint connu sous le nom de Raju QATTAL], who<br />
achieved fame under his nicknames Raju and Qattal (slayer) for his militant evangelism.<br />
A grandson of Makhdum Jahaniyan moved to Gujarat and before long came to be known<br />
as Qutob-i Alam (The Pole of <strong>the</strong> Universe). He settled in Ahmadabad, <strong>the</strong> newly<br />
founded capital of an independent provincial ruling dynasty of Gujarat. He died in<br />
857/1453 and was succeeded by his son, who came to be known by <strong>the</strong> illustrious title<br />
Shah-i Alam (The Emperor of <strong>the</strong> World), and was also called Shah Manjhan. Qutob-i<br />
Alam, Shah-i Alam (d. 880/ 1475) and <strong>the</strong>ir disciples made Gujarat a leading Suhrawardi<br />
Sufi center of <strong>In</strong>dia. »<br />
[RIZVI, 1978a]<br />
On le voit, Jalal Ad-Din KABIR “Makhdum-i-Jahaniyan”, entreprit de réformer le marwandisme<br />
ambiant de Sehwan. Curieusement, sa branche Jalaliyyah-Makhdumiyyah , originellement d’obédience<br />
sohrawardi orthodoxe, fut submergée ensuite par le modele « errant », au point que les Jalalis sont<br />
aujourd’hui classés parmi les plus hétérodoxes. Au vu des nombreux cas contemporains d’affiliations<br />
d’errants , on peut se demander si ce changement ne s’est pas tout simplement opéré par l’assimilation<br />
progressive de nombreux errants d’obediance marwandi, qalandar, etc... Par ailleurs, en l’absence de
descente spirituelle légitime pour Lal Shahbaz QALANDAR, des lignages de seyyeds laïcs s’affrontent<br />
encore de nos jours pour le monopole du culte de Sehwan Sharrif, et notamment de la gestion du<br />
sanctuaire (Waqf) de Lal Shahbaz QALANDAR. [BOIVIN, 2005] y a recensé, par ordre décroissant<br />
d’ancienneté, un lignage dit « lakiari » de seyyeds originaires de Laki (20 km au Sud de Sehwan Shariff)<br />
, le lignage dit « bukhari », présumement d’origine ouzhbèke, le lignage dit « mathari », et enfin le<br />
lignage dit « sabzevari » de seyyeds originaires de Sabzevar, au Khorasan.<br />
1.6.3.1 <strong>Les</strong> « Bodlo Bahar », ou « Taleb » (Sehwan Sharrif) : pure survivance shivaïte ?<br />
Bodlo BAHÂR était un compagnon de Lal Shahbaz QALANDAR. Il était sans doute un<br />
habitant de Sehwan Shariff et devint son disciple à son arrivée. A ce titre, il incarne la piété<br />
populaire et les croyances antérieures des habitants du lieu. Autour de sa mémoire s’est<br />
constituée l’une des nombreuses sociétés de <strong>fakirs</strong> au service du sanctuaire de Sehwan<br />
Shariff : les « Bodlo BAHÂR », dit « talebs ». A ce titre, la communauté “Bodlo BAHAR” est<br />
constituée de gardiens ( “sajjâda nashin”), hors de tout lignage de sang de type “seyyeds”,<br />
qui co-gérent le Waqf de Lal Shahbaz QALANDAR. On sait d’ailleurs que cette société à un<br />
rite d’inititation de type “prise d’habit” qui rappelle essentiellement le rite de la Coupe (<br />
ingestion d’eau à la coupe) des corporations javanmard, selon la description qu’en fait Michel<br />
BOIVIN. <strong>Les</strong> taleb de cet ordre sont surtout connus pour le tambour dhammal et la danse<br />
giratoire quotidienne associée, nommée lâl pheri ( “la giration du rouge”), qui n’est pas sans<br />
rappeler vaguement la giration des Semazen de la Mevleviyyah.<br />
En réalité, dans l’affrontement symbôlique à Sehwan Shariff entre ashraf, nobles<br />
d’origine moyen-orientale ou khorasani ( seyyeds pour la plupart) et ajlaf, hindous convertis (<br />
eux mêmes non seyyeds, tels que les sajjada nashin), BOIVIN voit aussi un conflit,<br />
respectivement entre les habitants d’obédiance orthodoxe et ceux d’obédiance hétérodoxe.<br />
<strong>Les</strong> seyyeds tentent d’associer au saint Lal Shahbaz QALANDAR un lignage qadiri<br />
respectable, tandis que les groupuscules de <strong>fakirs</strong> tels que les “Bodlo BAHÂR” tentent de<br />
perpétuer l’héterodoxie du saint. BOIVIN s’est ensuite evertué à rechercher les reliquats<br />
shivaïtes, voire bouddhiques, parmi les Bodlo BAHÂR et leur rites. Pour lui, ce groupuscule<br />
porte non seulement l’héritage malamati du saint, mais le sceau d’un culte shivaïte local plus<br />
ancien, vaguement rémanent chez ces convertis ajlaf.<br />
1.6.4 La Iraqiyyah (Multan)<br />
La Iraqiyyah a été fondée par sheikh Fakr Ud Din “IRAQI”, un qalandar d’Hamadan [SYUHUD,<br />
2008]. Ce dernier migra à Multan (<strong>In</strong>de). Il y rencontra le sheikh sohrawardi Bahauddin Zakariya<br />
“MULTANI”. Converti, il en devint l’un de ses sheikh les plus respectés. Sa branche est classée comme bashahra<br />
(orthodoxe).<br />
1.6.5 <strong>Les</strong> branches de la Jalaliyyah (<strong>In</strong>de): un sohrawardisme perverti par le sadduhisme<br />
<strong>Les</strong> principales branches de la Makhdumiyyah sont:<br />
1.6.5.1 La Miran Shahiyyah, une sous-branche fondée à Lahore vers 1600 par Miran<br />
Muhamad Shah Mawji DARYA BUKHARI (d. 1604).<br />
1.6.5.2 <strong>Les</strong> Tchihil Tan de Lahore est un ordre hétérodoxe fondé á Lahore par Kabir Ad-Din<br />
ISMAEL et son disciple Ashgar ALI. Il est inspire des mythiques Tchehel Tan des premiers<br />
temps islamiques (lire 1ere partie) et perdure jusqu’au 19ème siècle en Uttar Pradesh. On sait<br />
trés peu de choses á propos de ce groupe, mais il marque le principal tournant hétérodoxe de<br />
la Jalaliyyah, jusque lá orthodoxe. Avec les Tchihil Tan, la silsilah Jalali s’arroge du lignage<br />
étrange vers Salman « FARSI ». [TORTEL, 2009] y voit un rameau jalali commun au<br />
khaksars.
Najmuddin KUBRA Turkestan 23 Jalalud Din « BUKHARI » Uzbekistan<br />
KUBRAWIYYAH d. 1221 JALILIYYAH d. 1291<br />
Amir KABIR<br />
JalalaDin Hussain KABIR Uchch<br />
Najmuddin « BAGDADI » d.1210 MAKHDUMIYYAH 1308-1384<br />
Lal Ded Kashmir Shir SHAH<br />
Alaoudowleh « SEMNANI » ISufi abad) (d 1400) d. ??? D D HANIRIIYYAH Mobarak GILANI Lahore ??? Herat<br />
ALAODOULIYYAH d. 1335 HAQQANIYYAH d. 1576 JANIYYAH<br />
Nur Ud Din KHAKI RISHI d.1438 Sheikh Hamza SAHIB Kashmir 33 Shah Qasem HAQQANI d. 1655<br />
RISHIYYAH Kashmir MAHABUBIYYAH / SAHIBIYYAH d. 1576 KHAKSARS HAQQANI-JANIYYAH Iran<br />
Mulana KHAKI RISHI d. 1672<br />
KHAKI-RISHIYYAH<br />
36 Mian KHAKI ALISHAH<br />
Mohabat Alishah“<br />
d. 1672<br />
d.1616 Baba Daud « KANAI » KHAKI<br />
Kashmir KHAKIYYAH<br />
Gholam Alishah Khaksar « HINDI“ 40 Mir Makhsum Alishah Khaksar « HINDI<br />
KHAKSAR GHOLAMALISHAIYYAH KHAKSAR MAHSUMALISHAIYYAH<br />
Kashmir<br />
Mir Makhsum BAQERI « NAHI Rahmat ALISHAH « Dehkardi » Esfahan Sarmat « Tarqi » Mashhad<br />
47 Bahar ALISHAH „YAZDI“ Kufah<br />
48 Hajj Motahar ALISHAH<br />
MOTAHARIYYAH<br />
Tehran Umir<br />
Mir MIZBA ( ALISHAH) Mostagh ALISHAH<br />
51Mir Taher ALISHAH Kermanshah<br />
ALISHAH Seif ALISHAH Mahsum ALISHAH Heshmat ALISHAH 50 Nur ALISHAH<br />
KHAKSARS- NURALISHAHIYYAH<br />
Taher ALISHAH Ghazanfar ALISHAH Ghadham ALISHAH<br />
FIGURE 9 : Silsila cachemiri « aval »de la Jalaliyyah selon [ADHAMI, 1958].
« La dette des <strong>Khaksars</strong> envers les Chihil Tan de Lahore s’illustre que par la<br />
résurgence des mêmes chainons fabriqués (Nur-i Nihal, etc...) et par la<br />
présence dominante de Mahmud PATILI – avatar du Mahmud PA’ILI indien –<br />
raccroche à Salman FARSI par une légende rocambolesque »<br />
[TORTEL, 2009]<br />
1.6.5.3 La Murtazaviyyah (<strong>In</strong>de): des qalandars convertis au Sohrawardisme<br />
Le patronyme « murtazaviyyah » se rapportait, selon [TORTEL, 2009] aux premiers<br />
groupes soufis de la Jalaliyyah-Bukhariyyah. Cette appellation par [SYUHUD, 2008]<br />
pourrait en fait désigner les Jalalis dans le jargon des seyyeds bukhariotes. En effet<br />
l’appellation ne corrobore que partiellement la description qu ‘en fait [SYUHUD, 2008] : selon<br />
elle, l’ordre a été fondé par le seyyed Raju QATAL (Frere et successeur de Jalaluddin<br />
Makhdum « JAHANIAN JAHANGASHT » (1308-1384 AD à la tête de la Jalaliyyah -<br />
Makhdumiyyah , evoque plus haut) qui federa l’intérêt de qalandars de l’Uttar Pradesh,<br />
attirés par le Sohrawardisme. Cet ordre trés localisé, ne dépasse prétenduement pas les<br />
limites géographiques de l’Uttar Pradesh (<strong>In</strong>de), selon elle.<br />
1.6.5.3.1 La Rasuliyyah (Uttar Pradesh) : Sa branche Rasuliyyah est une<br />
sous-branche fondée par le seyyed Shah ABDUR RASUL à Alwar, Uttar<br />
Pradesh.<br />
1.6.5.3.2 Des <strong>Khaksars</strong> au Maharashtra ?<br />
Cette étude est certes incomplète, car elle ne réunit que des éléments<br />
trés fragmentaires sur les khaksars présents en <strong>In</strong>de.<br />
<strong>Les</strong> annales de la ville d’Awrangabad (Maharashtra, province de<br />
Bombay) signalent notamment qu’un SHAH KHAKSAR charismatique, disciple<br />
de Raju QATTAL, visita au 17ème siècle Bijapur et Rauza. SHAH KHAKSAR<br />
fonda une Voie Khaksariyyah á Daulatabad (Maharashtra) et l’ordre erigea<br />
également un tekkieh à Sulibhajan-Khultabad (Maharashtra). Il est à présent<br />
enterré á Khultabad.<br />
1.6.5.3.3 La Jalaliyyah une sous-branche homonyme de la Makhdumiyyah,<br />
dont l’appellation est confondante avec sa branche-mère [ABIDI, 1992]. Fondée<br />
par Muhamad Shah ALAM (d.1475 AD), présumément au Gujarat) [YASIN,<br />
1958]. Elle a suivi Sadr ad Din « RAJU QATAL » et sa murtazaviyyah.<br />
1.6.5.3.3.1 <strong>Les</strong> renonçants travestis de la branche Suhagiyyah<br />
(<strong>In</strong>de): la Suhagiyyah est une sous-branche hétérodoxe (be-shahra)<br />
originale de la Jalaliyyah de Muhammad Shah ALAM fondée par Musa<br />
Shahi SUHAG (d.1499) à Ahmedabad (Pakistan?). Paradoxalement,<br />
L’ordre est Behshara, mais son fondateur passa son existence parmi<br />
les eunuques et les danseurs professionnels [ABIDI, 1992]. Il vécut<br />
travesti en fiancée ( d’où son nom “suhaj”) et ses disciples, également<br />
travesties, se font appeler “sada suhagin”, les mariées.<br />
1.6.5.3.3.2 la branche Ismaili Shahiyya: une sous-branche<br />
sohrawardi, fondée par Hafiz M.Ismail dit Miyan Wa’da (1586-1683<br />
AD)
1.6.5.3.4 La Rasulshahiyyah (<strong>In</strong>de): des saddus sohrawardis ?<br />
La Rasulshahiyyah est une sous-branche hétérodoxe (be-shahra) de la<br />
Jalaliyyah fondée Sayyed Rasul SHAH in Bahardurpur au Punjab. Ce dernier fut<br />
converti par un compatriote dénommé NEMAT’OLLAH, qui prétendit avoir reçu en songe<br />
cette mission au cours d’un séjour en Egypte [SUBHAN, 1938]. En apparence, ce<br />
groupe de <strong>fakirs</strong> imite les qalandars et les saddus :<br />
“They wear a white or red handkerchief on <strong>the</strong> head tied in <strong>the</strong> shape of<br />
a peaked cap; <strong>the</strong>y also keep an handkerchief containing ashes which<br />
<strong>the</strong>y rub on <strong>the</strong>ir bodies and faces ; <strong>the</strong>y shave <strong>the</strong> head, moustaches<br />
and eye brows, wear wooden clogs, and in <strong>the</strong> hot wea<strong>the</strong>r carry hand<br />
fans. They not only see no harm in drinking spirits, but look on it as a<br />
virtue (…) <strong>the</strong>ir chief center in <strong>the</strong> Punjab is a building near Landa Bazar<br />
in Lahore, and <strong>the</strong>y have also a building ine <strong>the</strong> environs of that city<br />
near Khu-i-Miran… ”<br />
1.6.5.4 La Zainiyyah un sous-branche orthodoxe (ba shahra) fondée par Zain Ad Din Abu<br />
Bakr KHWAFI , dit “KHAFAWI” (1356-1435 AD), originaire de Tabriz. Cet ordre aurait en fait<br />
été influencé par la bayramiyyah - Sivasiyyah turque.<br />
1.6.5.5 Des saddhus rishi à l'ascése oecuménique de la Khakiyyah (Cachemire).<br />
1.6.5.5.1 Surkh ALISHAH, un chainon manquant au Sindh<br />
La FIGURE 1 établit un lignage de Jalalis peu connus [maillons 22 à 35], mais<br />
ADHAMI s’est evertué á les identifier avec érudition.<br />
Le principal sheikh jalali identifie dans la silsila khaksariyyah d’ADHAMI est<br />
sheikh Serajedin « SUKH ALI », dit « SUKH ALI SHAH» [FIGURE 1 , maillon 29] . Ce<br />
dernier est né et a grandi à Ucch (Multan), ou il a été en contact avec les leaders Jalalis<br />
des son adolescence. [ADHAMI , 1958] pretend qu’il aurait recu sa kirqah directement<br />
de Jalaluddin Makhdum « JAHANIAN JAHANGASHT » (1308-1384 AD) [FIGURE 1 ,<br />
maillon 22], mais au vu du nombre de maillons qui les sépare, on peut s’interroger si il<br />
ne l‘a pas simplement recu de ses contemporains intermédiaires. Trés pieux, , « SUKH<br />
ALI SHAH» était vraissemblablement trés aimé des gens, et rédouté du Clergé. Il<br />
semble notamment qu’il se soit confronté avec succès á la Cour du souverain QADR<br />
SHAH au Sheikh Badihuddin Zinda Shah « Qutub » MADAR (1364 ?-1495 AD), le<br />
fondateur de la Madariyyah hétérodoxe. L’anecdote rapporte qu’il sut guérir le roi d’un<br />
mal attribué á Shah MADAR. « SUKH ALI SHAH» est décédé en 860 AHq / 1449 AD.<br />
1.6.5.5.2 Genèse du rishisme musulman au Cachemire<br />
La branche rishi-khaki correspond davantage au décryptage du lignage<br />
postérieur de la FIGURE 1 par [ADHAMI, 1958]. On présente parfois le rishisme comme<br />
l’avatar cachemiri de la Kubrawiyyah-hamedaniyyah, introduite à Srinagar<br />
(Cachemire) depuis l'Iran par le seyyed Ali « HAMADANI » [SIKAND, 2006a], mais nous<br />
allons expliquer en quoi le lien entre les deux ordres est en fait distandu historiquement.<br />
La rishiyyah se formalise au Cachemire en tant que Voie sous la houlette du<br />
poète érudit Nur-Ud-Din Nurani RISHI « KASHMIRI » (1377-1438 AD), un ascete,<br />
disciple tardif des deux cousins "HAMEDANI" á Srinagar. L'hagiographie Khaki aime á<br />
rappeler que dés cette époque, un premier lignage sohrawardi-Jalali existe chez les<br />
rishis, en la personne de Lalita « Lala » Ded a.k.a. « Lalleshwari » (1335-1400 AD),<br />
mystique emblêmatique et sheikha influente contemporaine de Nur-Ud-Din Nurani<br />
RISHI, fut elle-même une disciple directe du fameux sohrawardi Jalal Ad-Din KABIR
“Makhdum-i-Jahaniyan” (1308-1384 AD), maitre fondateur de la Makhdumiyyah<br />
[SIKAND, 200x]. « Lala » Ded ouvrit notamment les soufis cachemiri aux techniques et<br />
au dogme tantriques :<br />
- Dans sa monographie sur les rishis musulmans, Ishaq KHAN démontre le<br />
dualisme originel du mouvement au Cachemire [KHAN, 1994]. Peut on<br />
restreindre le rishisme musulman à un avatar local du soufisme kubrawi? Pour<br />
les historiens cachemiri récents, Nur-Ud-Din Nurani RISHI demeura avant tout<br />
un ascète exemplaire d'inspiration shivaïte (ex: Lal Ded). Contemporain du<br />
missionnaire kubrawi seyyed Muhammad "HAMADANI", l'influence secondaire<br />
de la kubrawiyyah sur Nur-Ud-Din Nurani RISHI resta distante, et ses<br />
hommages ecrits aux seyyeds Hosein AS-SEMNANI et Muhammad<br />
"HAMADANI" en sont les uniques témoignages. Nous expliquerons ici en quoi<br />
les historiens locaux Mohan Lal KOUL et Ishaq KHAN ne s'arrêtent plus à<br />
présent à l'amalgame fréquent de ces odes avec la réalité historique et sociale<br />
du rishisme musulman. <strong>Les</strong> rishis s'inscrirent en faux dés l'avénement de<br />
l'Islam d'état au Cachemire, et, à ce titre, dénoncèrent tout d'abord l'élite<br />
hégémonique des notables seyyeds khorasani qui l'installaient. Dans la<br />
troisieme partie de sa vie, Nur-Ud-Din Nurani RISHI, trés entier, ne se renia pas:<br />
il ne renonça que partiellement à l'ascése extrême pour promouvoir son modèle<br />
mystique auprés des premiers rishis musulmans [KHAN, 1994].<br />
"The mullah is happy with gifts and feasts<br />
<strong>the</strong> shaykh is driven by greed and lust<br />
The sufi doesnt stop cheating o<strong>the</strong>rs<br />
Eating three seers of mutton and a maund of rice<br />
The old, infirm Pundit searches for a young virgin wife<br />
Near to his funeral pyres, he refuses for a wife a widow"<br />
[Nund RISHI cité par SIKAND, 2006]<br />
- La forme soufie du rishisme integre donc les formes ascetiques extremes du<br />
rishisme shivaite anterieur, un monisme meditatif impregne d’oecumenisme et<br />
de privations (ex. abstinence sexuelle totale, refus de la viande de l ail et des<br />
oignons). Ce n’est que progressivement qu’il prendra sa qualite soufie definitive.<br />
En cela, leurs contemporains musulmans leur reprochent d’etre hétérodoxes.<br />
[SIKAND, 200x] met neanmoins en avant les caracteres distinctifs des Rishis<br />
soufis, en comparaison de renonçants rishis d’autres obediences.<br />
<strong>Les</strong> rishis musulmans se distinguaient par leur oecumenisme et diffusaient<br />
la paix par leur rhétorique illuminationiste. Contrairement aux rishis shivaïtes,<br />
reclus et tournés sur eux memes dans la pratique de la méditation, ils étaient<br />
relativement séculiers et impliqués. Ce message des rishis musulmans est<br />
socialement proche des gens et trés bien accueilli comme tel. Il conteste<br />
notamment le système des castes en vigueur. Le mouvement rishi devient<br />
bientôt un mouvement repandu de contestation des inegalités et de discrédit<br />
des élites locales (y compris les seyyeds kubrawis). Dans le contexte<br />
cachemiri, les rishis enrichiront ensuite significativement la culture locale :<br />
- - ces poétes prolifiques ont marqué le patrimoine litteraire cachemiri ;<br />
-- malgré son fakirisme manifeste, le dogme soufi rishi tend<br />
progressivement vers une relative orthodoxie ; notamment sous<br />
l’influence des sohrawardis
1.6.5.5.3 Rishis musulmans et sa'dat kubrawi: un conflit inter-religieux & inter-ethnique<br />
Bien que la littérature soufie tende habituellement à présent à considérer les<br />
rishis musulmans comme une branche finalement afiliée à la branche locale de la<br />
kubrawiyyah, il faut bien constater que le clivage local entre ces rishis et les seyyeds<br />
kubrawis fut, pis qu'équivoque dans ses premiers temps, et plus probablement une<br />
compétition féroce pour l'influence religieuse entre notables orthodoxes et errants<br />
hétérodoxes, nostalgiques du rishisme shivaite. Clairement, sohrawardis, kubrawis<br />
puis, plus tard, les rishis vivaient au départ separement dans des khanqahs differentes,<br />
pour la plupart sous le patronage du Sultan SIKANDAR. <strong>Les</strong> sohrawardis hébergeaient<br />
des rishis occasionnellement dans les leurs, selon leur modéle prosélyte répandu en<br />
<strong>In</strong>de à l'époque. En effet, alors que kubrawis et sohrawardis - etablis par Jalaluddin<br />
Makhdum « JAHANIAN JAHANGASHT » (1308-1384 AD) - demeuraient tres<br />
orthodoxes, les rishis musulmans s'attirérent la piété populaire par leur modèle<br />
démonstratif d'ascèse, initialisé par les rishis shivaïtes. Mais le conflit dépassait celui de<br />
la seule règle de vie. Si les premiers eurent à patir de l'hostilité des cachemiris, les<br />
seconds gagnérent rapidement leur coeur et leur piété. Ces seyyeds émigrants furent ils<br />
simplement victimes de discrimination ethnique à leur arrivée au Cachemire?<br />
Dans une série d'articles historiques véhéments, le professeur Mohan Lal KOUL<br />
restitue sa vérité de la confrontation entre rishis et kubrawis aux premiers temps du<br />
kubrawisme cachemiri. - certes, dans le contexte actuel de conflit inter-religieux au<br />
Cachemire, il convient de prendre avec la plus grande prudence son argumentaire<br />
engagé, publié dans le mensuel culturel cachemiri "Kasmiri sentinel" - . Ces précautions<br />
oratoires étant prises, KOUL resitue l'antagonisme rishiyyah / kubrawiyyah dans le<br />
contexte du 14éme siécle au Cachemire. L'islamisation est initialisée par l'arrivée de<br />
missionnaires mythiques, originaires "d'Asie centrale" ou du Khorasan, parmi lesquels<br />
Jalaluddin Makhdum « JAHANIAN JAHANGASHT » (1308-1384 AD ,sohrawardi-jalali)<br />
et Ali "HAMADANI" (kubrawi). Selon [KOUL, 2002a], ces seyyeds emigrés fuyaient le<br />
régime timouride, lequel les aboraient. Avec eux s'établit à Srinagar une nomenklatura<br />
sunnite opulente, qui a les faveurs des sultans SIKANDAR et Seyyed Hasan SHAH.<br />
Guidés par ces nouveaux maîtres à penser, ces derniers souverains furent des rares au<br />
Cachemire à jamais opprimer les autres groupes religieux locaux par prosélytisme<br />
sunnite orthodoxe.<br />
Elite religieuse hégémonique et exclusive, elle s'appuie sur l'enseignement de la<br />
Shariah et une "bigoterie" avérée [KOUL, 2002b]. Cette sa'dat se renforce d'abord par<br />
des mariages endogames et une solidarité interne, non sans rappeler la sa'dat<br />
sohrawardi khorasani endogame au Sindh, décrite au paragraphe 1.6.2.2.. Appréciée<br />
du régime, elle s'allie ensuite à l'élite royale qu'elle convertit et qu'elle fréquente. Pis, les<br />
seyyeds kubrawis de Srinagar, établis en ces clans de sa'dat ( "ANDALIBI", "<br />
HAMEDANI ", "BUKHARI", "HAQQANI" et "GONA'I") – A l'endroit de la Marvandiyyah,<br />
nous avons déjà évoqué en quoi les sa'dat khorasani "BUKHARI" (ou « BUKHARA’I) et<br />
"SABZEVARI" était elles-mêmes influentes sur les taifa jalali de Sehwan Shariff au<br />
Sindh - Ces familles prestigieuses ont occuppé durablement le paysage cachemiri tant<br />
par des mariages que par des affiliations soufies ultérieures au seul rishisme kubrawi.<br />
Au Cachemire, le nom de «GONA’I » , ou « GANA’I » était , quant á lui, originellement<br />
lié aux corporations de bouchers (ar. Qassab), essentiellement parmi les seyyeds<br />
cachemiri. Si ce nom les rattache á un long passe de corporatisme islamique hétérodoxe<br />
de cette profession au Mashrek. Etonnament, de par Sardar GANAI, le pere de Nur-Ud-<br />
Din Nurani RISHI, le nom de GANA’I devient paradoxalement un signe reconnu de<br />
sa’dat [KHAN, 1994] . Nous verrons que ces patronymes ont permis á ADHAMI de<br />
tracer les mystiques du lignage khaksar au Sindh, puis au Cachemire et au Gujarat.<br />
<strong>Les</strong> seyyeds ajoutaient à cette influence politique notable une opression économique<br />
des autres groupes, et ce, au titre de l'islamisation.
Baba Noruz RISHI (988 AH)<br />
Baba Hardi KHAKI (1008 AH)<br />
Baba Anki KHAKI RISHI (1017 AH)<br />
Baba Rubi KHAK (1024 AH)<br />
Molana KHAKI RISHI (1050 AH)<br />
Baba Shawq KHAKI RISHI<br />
Baba Dawlat KHAKI RISHI<br />
FIGURE 10 : Silsila cachemiri de la Sahibiyyah á la Khakiyyah-Rishiyyah selon [ADHAMI, 1958].
"<strong>the</strong> Sayyid proved deft enough to utilise <strong>the</strong> chaotic and turbulent<br />
conditions to <strong>the</strong>ir advantage and missed no opportunity to entrench<br />
<strong>the</strong>mselves in various layers of power structure. (...) They cornered high<br />
positions and lucrative offices for <strong>the</strong>mselves and for <strong>the</strong>ir kinsmen. Rich<br />
and affluent <strong>the</strong>y married in royal and prestigious families. dazzled and<br />
baffled by <strong>the</strong> enormity of <strong>the</strong>ir wealth and assets <strong>the</strong> native converts<br />
see<strong>the</strong>d with anger and burning in <strong>the</strong>ir hearts as <strong>the</strong>y were treated as low<br />
as dust, an expression of SRIVAR, a noted historican in Kashmir. (...)<br />
Under <strong>the</strong> hegemony of Sayyids <strong>the</strong> hindus could not even lodge a<br />
complaint if <strong>the</strong>ir properties were looted or trespassed.<br />
(...) A vaishnavite Brahman, Muni, rose in open revolt against Sayyids<br />
oppressors who were out to decimate <strong>the</strong> whole race of Hindus in<br />
Kashmir. The homes and hhearths of muni were ruthlessly ravaged and<br />
destroyed "<br />
[KOUL, 2002a]<br />
La déconsidération des rishis musulmans par cette élite de seyyeds kubrawi<br />
remontait sans doute à Ali "HAMADANI". En effet, dés alors, le parti pris de ces rishis<br />
pour l'ascèse les confine à la marginalité et à l'hétérodoxie au regard de l'Islam "d'état"<br />
au Cachemire. Mohan Lal KOUL reléve par exemple le dénigrement par le kubrawi<br />
"seyyed Ali" dans son récit navrant de la conversion de Buma RISHI par Nuruddin<br />
RISHI. <strong>Les</strong> rishis prennent aussi le parti des hindous devant la multiplication des<br />
spoliations. Dans un deuxième temps, KOUL y oppose souvent le quietisme et l’ascèse<br />
notoire de ces mêmes rishis ("equity, humanism and justice") [KOUL, 2002b].<br />
Enracinés dans les milieux populaires de natifs hindouistes ou fraichement convertis, ils<br />
se défendent de tout notabilisme. Ils contestent les seyyeds, leur shariah , leur relatif<br />
rigorisme, leurs relations politiques et leurs milieux d'affaire qu'ils ne peuvent même<br />
cotoyer, d'ailleurs. Ils assimilent le Fakr aux us antérieurs des rishis hindouistes. Leur<br />
dogme, alors équivoque, est encore teinté à la fois de bouddhisme et d 'hindouisme<br />
[KOUL, 2002b].<br />
"The native rishis, as model of asceticism and quietism with no interest in<br />
affairs mondane walked not in harmony but total discord with <strong>the</strong> foreign<br />
Sayyid-sufis out to spill blood in <strong>the</strong> name of God. They were holymen of<br />
peace, harmony, piety, non violence and non-injury."<br />
[KOUL, 2002b]<br />
1.6.5.5.4 Attraction des sohrawardis cachemiris pour le rishisme musulman?<br />
La silsila de ADHAMI signale un mystérieux lignage rishi au Cachemire issu du<br />
sohrawardi Jalaluddin Makhdum « JAHANIAN JAHANGASHT » (1308-1384 AD ). En<br />
effet, si Jalaluddin Makhdum « JAHANIAN JAHANGASHT » séjourna bien durablement<br />
à Srinagar, il ne fait aucun doute que la souche avérée qu'il y fit était originellement<br />
sohrawardi orthodoxe. Cette hypothése nous ramène au questionnement de Christiane<br />
TORTEL à l'endroit des Jalalis: comment les Jalalis sunnites orthodoxes de Jalal Ad-<br />
Din KABIR “Makhdum-i-Jahaniyan”devinrent des hétérodoxes chiites? Nous avons<br />
supposé plus haut comment la transition s'était éventuellement opérée au Sindh au<br />
contact du sanctuaire qalandar de Lal Shahbaz QALANDAR (Sehwan Sharif) parmi les<br />
Jalalis aprés l'envoi de Jalaluddin Makhdum « JAHANIAN JAHANGASHT » au<br />
Sewistan, mais celà ne nous éclaire pas sérieusement sur le phénomène de ce lignage<br />
rishi. Ishaq KHAN, quant à lui, déduit des écrits sohrawardi (-jalali) cachemiris<br />
comment cette branche sunnite orthodoxe locale de Srinagar se rapprocha rapidement<br />
du modèle rishi musulman.
Quant bien même les kubrawis, particulièrement imbus de leur sa'dat,<br />
vouaient quelque mépris à ces ascètes rishis hétérodoxes; les sohrawardis locaux,<br />
quant à eux, les tenaient en une certaine considération. KHAN relève notamment une<br />
admiration flagrante dans les récits du leader sohrawardi Makhdum sheikh Hamza<br />
SAHIB (1494-1576 AD), puis, réciproquement, dans la littérature des rishis khwaja<br />
Hasan QARI, khwaja Ishaq QARI, Baba Ali RAINA, Baba Daud KHAKI, Baba Heidar<br />
"TULMULI", les leaders Baba Daud KHAKI, Baba Nasibuddin GHAZI, Baba Daud<br />
"MISHKATI" s'entretiennent de l'estime que leur porte ce même Makhdum sheikh<br />
Hamza SAHIB.<br />
- Cette considération aurait notamment crue sous l'action charismatique et les<br />
nombreux miracles du errant Baba Harde "RISHI" d'Anantnag, parfois assimilé au<br />
plus connu Mole RISHI, voire avec Baba Heidar Vali "BAMOLE" (1504-1568 AD).<br />
Doit on reconnaitre en lui le denomme Heidar ALISHAH [FIGURE 1, maillon 28] de<br />
la silsila?? Baba Harde "RISHI", un disciple de Nuruddin RISHI, fut un ascéte rishi<br />
musulman et, un végétarien strict particuliérement notoire. Il rejoint la Sahibiyyah /<br />
Mahbubiyyah de sheikh Hamza SAHIB (1494-1576 AD)., d’influence á la fois<br />
sohrawardi et rishi . prés lui, et sans doute à l'instar de rishis shivaites antérieurs,<br />
les rishis musulmans s'interdirent en sus de la consommation de la viande, celle de<br />
l'ail et des oignons "afin que la mauvaise haleine ne perturbe leur meditation"<br />
[KHAN, 1994]. <strong>Les</strong> miracles de Baba Harde RISHI sont notamment célébrés par les<br />
sohrawardi(-jalali) cachemiris eux mêmes, tres impressionnes, tels qu'Ali RAINA.<br />
A ce titre, les écrits de KHAN insistent sur le tournant historique que marque Baba<br />
Harde "RISHI" entre rishis et sohrawardis. Ali RAINA lui prêta même un lignage<br />
initiatique uwaysi avec Uways QARANI et le KHIZR.<br />
- Ishaq KHAN décèle dés lors dans la littérature sohrawardi une tendance<br />
persistante à défendre les rishis, notamment au regard de la conformité des leurs<br />
actes avec la shariah. A son tour, Baba Daud KHAKI scella veritablement le lien<br />
entre chiites et sunnites par des ecrits similaires. En outre il resta célibataire ,<br />
supposément pour imiter les rishis. Il commenta avec admiration leur ascetisme:<br />
"1. les rishis sont constamment en meditation. (...)<br />
2. l'abstinence de viande les pousse plus proche de Dieu par le<br />
developpement de valeurs spirituelles. 3. Plus on reçoit les bontées de<br />
Dieu, plus on devient redevable d'obligations sociales. (...) les rishis<br />
doivent s'attendre à un terrible destin dans l'Au delà, parce qu'ils se<br />
dérobent à leurs obligations sociales depuis qu'ils s'abstiennent de<br />
viande.<br />
4. <strong>Les</strong> rishis ne violent pas la shariah en s'abstenant de viande, et en<br />
vérité, ils n'ont pas déclaré la viande comme illégale, mais simplement<br />
l'évite, pour des raisons valables tant psychologiquement que<br />
spirituellement.<br />
5. <strong>Les</strong> facultés ne sont pas altérées par l'abstinence de viande, mais, au<br />
contraire, il semble que les facultés intellectuelles s'en trouvent<br />
renforcées.<br />
6. L'ascétisme (Zuhd) du Calife ALI est également cité en exemple<br />
favorable à l'abstinence de viande des rishis (...)<br />
7. <strong>Les</strong> humains font divers sacrifices. Par exemple, le calife UTHMAN<br />
partagea ses richesses et ses biens avec les gens,<br />
et est cité en exemple à ce titre (...)"<br />
[Baba Daud KHAKI cité par KHAN, 1994]
FIGURE 11. Baba KHAKI , l’actuel sheikh de la Khakiyyah á Chakwal, Pakistan. [source : alkhaki.com]<br />
FIGURE 12. Un jalali sonnant l’oliphant<br />
caractéristique lors de l’Urs de Shah JAMAL á<br />
Lahore .(source: web)<br />
FIGURE 13. Nuruddin RISHI.(source: web)
- Plus concrètement, Ishaq KHAN décrit la facon dont les sohrawardi s imitèrent<br />
progressivement les rishis, notamment dans l’accueil des pauvres et des errants<br />
dans des structures á cet effet. Cette activité semble être une découverte pour eux<br />
et a pour effet de renouveller leur foi.<br />
Le rishisme soufi connait son heure de gloire au Cachemire entre le 15 ème et le<br />
17 ème siècle. Ensuite de quoi il y est littéralement absorbé par la Khakiyyah, un avatar<br />
Jalali paralléle á la Rishiyyah. Il serait également interessant de verifier si cet ordre n'a<br />
jamais été nommé "sahibiyyah", rapport à l'énigmatique ordre homonyme de la région<br />
d'Iranshahr (Balouchistan iranien). A defaut de clarifier la personnalité des quelques<br />
maillons cachemiri de la silsila khaksariyyah, cette hypothèse crédible permet de<br />
comprendre le mécanisme historique du rapprochement des silsilas et du modéle<br />
sohrawardi-jalali avec celui des rishis musulmans au Cachemire.<br />
1.6.5.5.5 Sultaniyyah/ Mahbubiyyah: l’osmose averee entre jalalisme et rishisme<br />
<strong>In</strong>deniablement, les khaki trouvent leur origine dans le saint Makhdum sheikh<br />
Hamza SAHIB (1494-1576 AD). Ce soufi reclus cumulait une certaine orthodoxie avec<br />
l’ascése des rishi- qu'il étudia. Il s'affilia alors à la branche Makhdumiyyah de la<br />
Sohrawardiyyah, ou il a acquis le titre de "sultan ul-awliya" ( littéralement "le sultan de<br />
tous les saints") ou encore celui de "sultan ul-arifin" ( litteralement "le sultan de tous les<br />
mystiques"). Avec ses disciples Baba Daud KHAKI et Baba Nasib ud-Din GHAZI, il<br />
fonda un hospice khanqah sur la montagne Kuh-e-Maran de Srinagar et y observa une<br />
règle austère de jeun et de célibat, rejetant par exemple la consommation de la viande<br />
et du hashish, á l’instar des rishis. Son ordre s'établit ainsi comme la branche locale de<br />
la makhdumiyyah á Srinagar sous les appellations de "sultaniyyah" ou encore<br />
"mahbubiyyah". Il attira d'autres rishi-kubrawi, tel que le prestigieux Sheikh Heidar,<br />
a.k.a. Baba Harde "RISHI" d'Anantnag (Islamabad, sud Cachemire). Ceci dit, l'ordre<br />
connait un tournant rhétorique majeur, dés son successeur Baba Daud KHAKI (1530-<br />
1616 AD ) , au point qu’on parle dés lors de "Khakiyyah" et non plus de « rishiyyah ».<br />
1.6.5.5.6 La Khakiyyah: humilité et ascése démonstrative<br />
Historiquement, la khakiyyah fut le germe dogmatique et sociétal de la<br />
khaksariyyah en gestation [ADHAMI, 1958]. Cet ordre naquit au Cachemire de la<br />
synthèse du rishisme soufi avec les branches Jalali tardives. Voie courte et<br />
démonstrative, elle devint d'ailleurs le nouveau porte-étendard du chiisme au<br />
Cachemire, non sans tensions répétées avec les sunnites. Son rayonnement fut<br />
d'ailleurs tel au Cachemire à la fin du 17ème siécle, qu'elle y fédèra ses contemporaines<br />
jalalis hétéropraxes environnantes (janiyyah, haqqaniyyah).<br />
Baba Daud KHAKI (1530-1616 AD) est le premier "khalifeh" de Makhdum sheikh<br />
Hamza SAHIB (1494-1576 AD). Son lignage "makhdumi" est assumé lorsqu'il ecrit une<br />
qasida en hommage à Jalaluddin Makhdum « JAHANIAN JAHANGASHT » (1308-1384<br />
AD ) [SIKAND, 200x]. Ces informations sont á interprèter avec d’autant plus de<br />
précautions que l’auteur confond successivement Jalaluddin Makhdum et Jalaluddin<br />
Bukhari « SURKH PUSH», comme tant d’autres avant lui.<br />
Lors de son initiation, Baba Daud KHAKI fut en charge de collecter les dhela, les<br />
petit morceaux de boue (persan khâk= poussière) avec lesquels les mourides avaient<br />
l'usage de pratiquer leurs ablutions. L'hagiographie populaire raconte même qu'un jour<br />
ce fut toute la montagne Kuh-e-maran qui fut changée en or, et Baba Daud KHAKI se<br />
trouva dans l'impossibilité de réaliser ses fameux dhela. La même hagiographie<br />
surenchèrit l'humilation des epreuves de son initiation par Makhdum sheikh Hamza<br />
SAHIB, confortant ainsi son surnom de "khâki" ( "le poussiéreux"). L'anecdote est un<br />
my<strong>the</strong> fondateur évident des <strong>Khaksars</strong>. "Torab(i)", "khak(i)", "khaksar": le terme
"poussiere" revient ensuite de facon répétée dans toute la silsila discutable de l'ordre et<br />
traduit une obsession pour l'humilité dans cette Voie de renoncement démonstratif.<br />
Prêchant à travers tout le Cachemire, Baba Daud KHAKI y fonda plusieurs<br />
khanqahs sohrawardi-khaki. Son ordre fédère les jalalismes sohrawardis<br />
environnants. Son successeur Baba Nasib ad Din KHAKI désignera plus tard Mir<br />
Mahsum ALISHAH "KHAKSAR", premier sheikh de l'ordre du même nom, comme<br />
morshed de l'ordre Khaki-Rishiyyah. [ADHAMI, 1958] trace ses premières branches au<br />
19éme siécle comme suit:<br />
- les "khaksars khakiyyah" de Baba Daud KHAKI (1530-1616 AD), aussi<br />
connus comme "khakiyyah-rishiyyah", fusionnant le lignage Jalali de la<br />
Sultaniyyah avec la kubrawiyyah acculturée de Nur ud-Din "RISHI".<br />
-- la sous-branche des "khaksars Nuriyyah", aboutissement tardif un lignage<br />
de seyyeds suivant le sheikh Abdel Wahab Nuri "GANA'I" KHAKI (d. 1806 AD)<br />
-- la sous-branche de "khaksars haqqaniyyah" issue de la haqqaniyyah, un<br />
lignage mystique remontant à Jalal ud Din SURKPUSH lui même, et longtemps<br />
resté informel à sa suite. A partir du seyyed Mubarak "GILANI" (d. 1576 AD??)<br />
l'ordre s'organise en groupes itinérants qui s'implantent dans une grande partie<br />
du sous-continent indien et même en Iran. Le sheikh Fath'allah HAQQANI () en<br />
forma la plupart, parmi lesquels Makhdum sheikh Hamza SAHIB.<br />
- - - sa sous-sous-branche de "khaksars janiyyah", dits "khaki-jani", issus du<br />
seyyed Shams al-Din Muhammad "JANI" (820/1442 AD-898/1520 AD). Celle-ci<br />
est en fait la fusion tardive du lignage haqqani en une branche khaksariyyah<br />
khaki-Jani. L'ordre est réintroduit en Iran par Shah Qasem HAQQANI (d. 1655<br />
AD).<br />
1.6.5.5.7 De la Janiyyah aux <strong>Khaksars</strong> Khakiyyah-Janiyyah (Cachemire): .<br />
Comme illustré sur la FIGURE 8, La Janiyyah naquit d'abord de la<br />
Makhdumiyyah , dont elle constituait une branche de derviches regroupés à Hérat<br />
[ADHAMI, 1958]. On sait peu de choses de sa fondation, si ce n'est qu'elle rassembla<br />
originellement à Herat des sohrawardis affiliés directement au lignage de Jalaluddin<br />
Makhdum « JAHANIAN JAHANGASHT » (1308-1384 AD), d’ou son nom. Elle recense<br />
quelques maillons identifiables de la silsila des khasars (FIGURE 1), mais, il faut bien le<br />
dire, cette dernière, fractionnée, n’ a retenu que des épisodes trés isolés les uns des<br />
autres. Soulignons le travail de reconstitution d’ADHAMI pour restituer les lignages<br />
historiques entre eux.<br />
Pour ADHAMI, c’est en fait Shah Qassem HAQQANI (1530-1615 AD) [FIGURE<br />
1, maillon 33 présumé] le maillon manquant entre la janiyyah et la Khakiyyah<br />
(Haqqaniyyah) Janiyyah. Ce sheikh, né d’un disciple de la Hamadaniyyah (branche<br />
kubrawi d’Ali HAMADANI au Cachemire), en 945 AHq / 1530 AD, y étudia les sciences<br />
religieuses. Erudit, brillant orateur, il aimait á se confronter aux religieux de sa région.<br />
C’est ainsi qu’il rencontra à Panppur le sheikh MUHAMMAD, un disciple du sheikh<br />
kubrawi Yakub « SARFI » (d. 1594 AD) et qu’il devint son disciple. Le sheikh<br />
MUHAMMAD apprecia son esprit et l’aurait alors surnommé « Haqqani » (« celui de la<br />
Verite » ). Ce patronyme est dés lors répandu parmi les seyyeds du Cachemire. Shah<br />
Qassem HAQQANI suivit ensuite successivement les maitres sheikh Hamza SAHIB,<br />
Baba Daud KHAKI et Jalaleddin BUKHARI. Ce dernier l’aurait envoyé en Hajj sur les<br />
lieux saints, et c’est lá qu’en songe, lui et ses disciples auraient entendu le Prophète<br />
MUHAMMAD le consacrer « roi de la Fin des Temps ».
A l’époque de Baba Daoud KHAKI, la Janiyyah fusionne partiellement avec la<br />
Khakiyyah . Apres sa révêlation sur les lieux saints, Shah Qasem HAQQANI la<br />
reintroduit en Iran, et y met á sa tête son lignage Haqqani. On parle alors de silsila<br />
Jalali-Khaki-Jani-Haqqani , en Iran comme au Cachemire. Shah QASSEM HAQQANI<br />
decede en 1033 AHq / 1615 AD. De ce khalifah, le lignage de l'ordre "Khaksariyyahkhakiyyah-Janiyyah"<br />
est ensuite convenablement tracé en Iran [ADHAMI, 1958] : la<br />
khaksariyyah eut donc une (ré)implantation en Iran au tout debut du 17ème siècle.<br />
La silsilah cite ensuite deux « Mohabat ALI SHAH » [FIGURE 1, maillon 36 et<br />
39]. L’appellation est équivoque et ADHAMI pense avoir identifié l’un d’eux au Pakistan,<br />
quoiqu’il semble avoir eu des difficultés á trancher entre deux mystiques pakistanais<br />
contemporains possibles [FIGURE 1, maillon 36]: Mohab Ali « KONGAR(I) » et Mohab<br />
ALI SHAH « SINDHI ».<br />
Selon Toraj ADHAMI, Mohab Ali « KONGAR(I) » était le fils de Mir Makhsum<br />
« KANDAHARI » , et le petit fils de « SHIR QALANDAR », le grand saint sohrawardi<br />
Bahawal HAQ de Multan, deja évoqué au paragraphe 1.5. Cette famille a notamment<br />
donné des personnalités locales telles que Shah HASAN, Shah BAHAB et Shah<br />
HEIDAR. Mohab Ali « KONGAR(I) » a grandi á Kongar, dans le voisinage de Bakkhar<br />
(Sindh) . Mohab Ali « KONGAR(I) » suivit le lignage de son père Mir Makhsum<br />
« KANDAHARI », puis celui de Muhammad Shah-e NORANG « BUKHARA’I »<br />
(presumement aujourd’hui connu comme Pir Norang « JAHANIAN » d’ Ahmadpur Sial,<br />
au Punjab pakistanais) . Mohab Ali « KONGAR(I) » vecut au Sindh, à Lahore, puis au<br />
Gujarat. Il décèda á la fin du 17ème siècle.<br />
Son homonyme Mohab ALISHAH « SINDHI » était un poète, son contemporain,<br />
fils de Heidar Ali « SAMARQANDI », lequel avait emigré au Sevestan - ancien nom de<br />
la region de Sehwan, dans l’ actuel district de Jamshoro au Pakistan -. Il grandit á<br />
Tattha (Sindh). C‘est dans cette région qu’il fut instruit aux sciences religieuses et qu’il<br />
adopta la voie . Sa biographie ressemble ensuite curieusement á celle de Mohab Ali<br />
« KONGAR(I) » : il fut un ascète reclu en perpetuelle prière. ADHAMI entretient<br />
l’ambiguite entre les deux personnages, en mantionnant que Mir Makhsum « NAHI »<br />
(s’agit il bien de Mir Makhsum « KANDAHARI » , le père de Mohab Ali « KONGAR ?)<br />
vecut egalement au Sevestan et qu’il y fut connu sous le sobriquet respecteux de « MIR<br />
BOZORG », laissant entendre qu’il aurait pu aussi y avoir fait souche. Par ailleurs, ce<br />
dernier sobriquet est confondant avec celui de Mir Qavam ed-Din-AL-MAR'ASHI, un<br />
souverain d’Amol ( Mazandaran) du 14 ème siècle.<br />
Au paragraphe 1.6.5.5, on retrouvera dans la silsila des <strong>Khaksars</strong> d’Iran un<br />
autre membre éminent de la silsila khaki-Jani. Il s’agit du Karam ALI SHAH (d. 1776<br />
AD)[FIGURE 1, maillon 41] également surnommé « HARES QURAYSHI ». Il était le fils<br />
de Abdul Jalil SANI « LAHORI » QURAYSHI, un descendant lahori direct du sheikh<br />
sohrawardi Zakariya « MULTANI » . Karam ALI SHAH frequenta les maitres et<br />
adopta la Voie de la khaki-janiyyah, présumement á Lahore. Il voyagea pour etudier au<br />
Punjab, y rencontra de nombreux maitres soufis egalement, et notamment Gholam<br />
ALISHAH [FIGURE 1, maillon 40], fondateur de la khaksariyyah gholam-alishahiyyah.<br />
Nous le mentionnons plus bas comme le maillon « officiel » après Gholam ALISHAH,<br />
bien que sa biographie n’indique ni qu’il le suivit jamais en Iran, ni même si il avait<br />
effectivement (re)pris sa khirqa de khaksar gholam-alishahiyyah. Malheureusement, il<br />
fut tué alors qu ‘il se rendait à Lakhno (Lucknow ?) vers 1201 AHq / 1776 AD. Son<br />
second fils, Murat SHAH (d.1215 AHq / 1791 AD, Lucknow ? ) laissa deux ouvrages<br />
mystiques en urdu et en persan.<br />
Au cours de nos recherches nous avons laborieusement retrouvé la trace d'une<br />
branche actuelle de qalandars "khakiyyah" contemporaine de langue urdu, concentrée<br />
autour de la dargah "Darbar" de Rasul KHAKI SHAH à Makhdum Pir Shariff dans le<br />
district de Chakwal (Punjab pakistanais). Sa silsila cite quelques sheikhs Jani, ce qui<br />
semblerait indiquer qu'ils s'agit d'un avatar des "khaksars janiyyah". Tous coiffés de<br />
turbans rouges distinctifs, leurs deux sheikhs récents (2007 AD) à Chakwal furent Baba<br />
"KHAKI" et Mastawar Qalandar Seyyed Mahmud Al-Hosein SHAH "KHAKI".
FIGURE 14. Bahar ALISHAH et Mir Taher ALISHAH dans la khanqah Khaksariyyah- de Kufah [source :<br />
SOLTANI, 2010]<br />
FIGURE 15. Derviches de la Khaksariyyah-Motahariyyah avec leurs accessoires : Taj, rostres de requin<br />
scie, khirqa , gurj, tabarzine, mutteka au nom de l’Imam ALI. Khanqah de Tehran, vers<br />
1974 AD. Au centre : Haj Motahar ALISHAH [ALISHAH, 1965 ed. 2008]
1.6.5.5.8 La Khaksariyyah - Mahsumalishahiyyah est une branche de la Jalaliyyah<br />
en Iran. La silsila de Mahsum ALISHAH « HINDI » émane à la suite Mian « Khaki »<br />
ALISHAH (Cachemire) : selon [SOLTANI, 2001a]. Il semble que cette branche ait été<br />
implantée á Isfahan et á Mashhad. Noter que le patronyme de Mahsum ALISHAH<br />
« HINDI » est doublement confondant au 18 ème siècle. En effet, il existe un autre sheikh<br />
homonyme important dans la silsila des soufis Nimatullahi à la même période, et<br />
aucune annale ne suggère que ces deux-là aient jamais pû être une et même personne<br />
(le cumul de ces deux khirqa, quasiement contradictoires sur la question de l’orthodoxie,<br />
est peu probable). Qui plus est, ce Mahsum ALISHAH-là (d. 1797-98 AD), lui aussi<br />
envoyé par son sheikh indien, est le réimplanteur de son ordre en Iran à partir de 1777<br />
AD [DE MIRAS, 1973]. Très persécuté par les rigoristes et par les souverains ZAND, il<br />
réintroduit des khanqah de la Nimatullahiyyah à Shiraz, puis à Isfahan, avant de<br />
passer le relais à Nur ALISHAH « ESFAHANI » (d 1797-98 AD).<br />
SOLTANI prétend que les branches respectives de Rahmat ALISHAH<br />
« DEHKARDI » (Mashhad) et Sarmat « TARQI » (Isfahan) des khaksars<br />
Mahsumalishahiyyah se sont éteintes á leur mort respective. Leur lien avec la<br />
Mahsumalishahiyyah est lui-même discutable : la khanqah « khaksar Motahari » de<br />
(feu ) Rahmat ALISHAH (Mashhad) se réclame á présent de Hajj Motahar ALISHAH<br />
[FIGURE 1, maillon 48], (lire paragraphe 1.5.5.4.5) .<br />
1.6.5.5.9 La Khaksariyyah - Gholamalishahiyyah est l’avatar tardif majeur de la<br />
Jalaliyyah en Iran et en Irak. Si on fait abstraction du mouvement homonyme tardif en<br />
<strong>In</strong>de du Nord, la khaksariyyah revendique une probable descendance directe de la<br />
Jalaliyyah ouzbèke, et son histoire est éventuellement liee aux lignages indiens de cette<br />
dernière. Plus precisémment, elle revendique la meme double silsilah que la Tchihil<br />
Tan de Lahore, respectivement à travers Jalal Ed Din « BUKHARI » [FIGURE 1, maillon<br />
22], et Salman « FARSI » [FIGURE 1, maillon 3],, via le 4 ème imam, Zeinal Abedin<br />
« AS-SAJJAD » [FIGURE 1, maillon 7]. <strong>Les</strong> deux lignages sont aussi incertains<br />
qu’incomplets.<br />
Shah Gholam Muhammad Sedigh, dit "Gholam ALISHAH HINDI" [FIGURE 1,<br />
maillon 40], était un descendant cachemiri direct de Baba Daud "KHAKI" de la 4ème<br />
génération. Son pére, Qutbuddin GONA'I (d. 1150 AHK / 1729 AD env. ) était lui même<br />
un soufi éminent de la Jalaliyyah-khakiyyah-haqqaniyyah-Janiyyah. Ce n'est<br />
qu'aprés une révélation mystique extatique que Gholam ALISHAH HINDI s'interessa à la<br />
Jalaliyyah-khakiyyah-haqqaniyyah-Janiyyah de Khoshal ALISHAH [ADHAMI, 1958]<br />
[FIGURE 1, maillon 39] .<br />
Apres de nombreux voyages au Cachemire et dans le Nord de l'<strong>In</strong>de, Gholam<br />
ALISHAH HINDI se convainc du bien-fondé d'un nouvel ordre errant de lignage "khaki";<br />
ce sera la Khaksariyyah Gholam-Alishahiyyah. Il poursuit ses voyages, et se lie avec<br />
force publicité à la sa'adat bukhariote éminente du Gujarat en les personnes de seyyed<br />
Abdallah "BUKHARA'I" et seyyed Dowlat Shah "BUKHARA'I". Comparé au cas de la<br />
Marvandiyyah du 14 ème siècle, cette option semble un peu anachronique, mais confirme<br />
que tous les maillons Jalali revendiquent perpétuellement cette « légitimité » des clans<br />
bukhariotes du Nord de l ‘<strong>In</strong>de.<br />
Suite à l'occupation momentannée du Cachemire et de Dehli (vers 1151 AHk /<br />
1730 AD ), par les troupes du shah qajar Nader SHAH, le jeune Gholam ALISHAH<br />
HINDI entreprit entre 1157 AHq / 1736 AD et 1160AHq / 1739 AD, un voyage<br />
prosélyte en Iran et sur les lieux saints d'Irak. C'est trés présumément à cette occasion<br />
que l'ordre essaima pour la première fois à Kufah et à Kermanshah. Apres Gholam<br />
ALISHAH HINDI, et jusque vers 1300 AHk / 1878 AD , plusieurs sheikhs homonymes<br />
("Shah Gholam", "Gholam Shah"...) de la Jalaliyyah-Khaksariyyah firent le même
voyage, non sans semer la confusion et les anachronismes dans la chronique<br />
hagiographique de l'ordre.<br />
A ce stade, nous n’avons que peu d’éléments historiques. L’Iran est sous le règne<br />
de Karim Khan Zand jusqu’au décès de celui-ci vers 1779 AD. Cet évènement va<br />
permettre l’alternance momentanée avec des souverains Qajars. <strong>Les</strong> chroniques de<br />
cette époque ont retenu par exemple que, précisément, les derviches Jalali d’Isfahan<br />
accompagnèrent la déroute d’Ali Murad KHAN ZAND et son départ de la ville de leurs<br />
trompes nafir en liesse [DE MIRAS, 1973]. Le jeune souverain ambitieux, de retour au<br />
pouvoir, en gardera une animosité considérable à l’endroit des <strong>Khaksars</strong>, et des<br />
derviches en général. Appuyé par les rigoristes, il persécutera successivement les<br />
sheikhs nimatullahiyyahi successifs : Mahsum ALISHAH (d. 1797-98 AD) puis Nur-Ali<br />
ALISHAH (d.1797-98 AD) de Shiraz.<br />
C’est á nouveau avec de nombreuses difficultés qu’ADHAMI s’est efforcé d’identifier<br />
Khoshal ALI SHAH , [FIGURE 1 , maillon 45], l’ordre Khaksariyyah Gholam-<br />
Alishahiyyah. ayant en fait compte de nombreux membres homonymes. <strong>Les</strong> annales<br />
de la Khaksariyyah Gholam-Alishahiyyah ont effectivement retenu un leader<br />
« Khoshal QALANDAR » basé au Cachemire au début du 19 ème siècle, et parfois<br />
surnommé « KHOSHAL ALISHAH SANI » (littéralement « le second KHOSHAL<br />
ALISHAH » dans les annales indiennes. Ce dernier surnom le distingue probablement<br />
du maillon 39 homonyme de la FIGURE 1. Il est simplement connu pour avoir rencontré<br />
Muhammad Nur-e HAQQANI KHAKI dés son jeune age. Il vécut au Cachemire, puis se<br />
rendit en Iran et en Irak, á l’instar de son maître Gholam ALISHAH « HINDI » [FIGURE<br />
1, maillon 40] . Il revint au Cachemire , et y décéda vers l’age de 100 ans vers 1280 AHq<br />
/ 1852 AD env. On lui connait un autre maitre khaksar homonyme, en la personne de<br />
Khoshal ALISHAH « LAHIJANI » qui ne vécut et n’eut de disciples qu’au Gilan.<br />
Apres Gholam ALISHAH, on trouve dans la silsila des <strong>Khaksars</strong> d’Iran, Karam ALI<br />
SHAH (d. 1776 AD) [FIGURE 1, maillon 41] également surnommé « HARES<br />
QURAYSHI ». Son nom trahit sa sa’adat par le lignage Mohammedien. Nous avons<br />
decrit celui-ci ci dessus comme un khaki-jani de Lahore, descendant par le sang du<br />
sheikh sohrawardi Zakariya « MULTANI » . Comme mentionné précédemment, il<br />
voyagea pour étudier au Punjab, y rencontra aussi Gholam ALISHAH [FIGURE 1 ,<br />
maillon 40]. Parmi les maigres éléments glanés par ADHAMI, sa biographie n’indique<br />
pas si il suivit jamais ce dernier en Iran, ni même si il avait effectivement pris sa khirqa<br />
de khaksar gholam-alishahiyyah, comme le prétendent à present les <strong>Khaksars</strong>.<br />
Ensuite, ADHAMI a réussi á identifier Hajj Abu Talib, dit Talib ALI SHAH<br />
« HAMADANI » (d. 1814 AD env.), [FIGURE 1, maillon 43]. Né á Hamedan (Iran), il est<br />
également connu en <strong>In</strong>de du Nord sous le nom de plume de « GOLSHAN ». Ce dernier<br />
fut d’abord un disciple de l’Adhamiyyah - cette afiliation est pour le moins rarissime, qui<br />
plus est au 19 ème siècle, il pourrait plus précisémment s’agir d’un chishti-. Sa légende<br />
est grandiloquente : comme nombre de mystiques sohrawardi persans vénérés en <strong>In</strong>de,<br />
il aurait abandonné ses biens considérables á Hamedan pour se rendre en solitaire à<br />
dos d’âne en <strong>In</strong>de. Eduqué, il suivait son père en religion, puis adopta Gholam ALISHAH<br />
et ses khaksars. Il décéda á Kerbala vers 1240 AHq / 1814 AD . ses oeuvres poètiques<br />
ont été collectées, non pas par son fils Dervish ALI SHAH, mais par son petit fils Hajj<br />
Abdul BAQI, un commercant prospère et éduqué.<br />
Malgré son lignage ancien, l’ordre khasariyyah n’était apparu en Iran donc,<br />
logiquement, qu’á partir du 18 ème siècle. Par sa visibilité tardive dans le tissus urbain à<br />
Mashhad, Kermanshah et Téhéran, cet ordre peut se vanter d’être le dernier á incarner<br />
encore de nos jours le qalandarisme anti-conformiste et moniste en Iran. Il se distingue<br />
par un malamatisme exubérant : les khaksars sont indiscutablement des néo-qalandars<br />
démonstratifs, arborant les attributs martiaux des javanmardi : kashkul, tabarzine, …<br />
Ils érigent des khanqahs dans les centres urbains et les novices pratiquent la mendicité<br />
dans leur kashkul au bénéfice de leur sheikh [ALISHAH,1956]. Sur le plan rituel : leur
FIGURE 16. Armoiries de la khanqah Khaksariyyah- de la branche de Motahar ALISHAH á Mashhad.<br />
[source : auteur, 2010]<br />
FIGURE 17. Mir Taher ALISHAH entourés de ses <strong>Khaksars</strong> dans sa Khanqah de Kermanshah [SOLTANI,<br />
2001]
initiation kisvat perpétue les brûlures au fer des Qalandars et des Torlaks. L’ordre<br />
est donc semi-érémitique et structuré. La mendicité est faite par les novices au<br />
profit du khalifeh. Au 20 ème siècle, l’art vocal profane du naqqali – recit epique<br />
lyrique donne dans les Chaikhuneh ou au bazar – est l’une de leurs spécialités á<br />
Mashhad et Téhéran, au point que la quasi totalité des derniers Naqqali est<br />
constituée de vétérans de l’ordre. <strong>Les</strong> khaksars furent sans doute fréquemment<br />
pris pour des Qalandars, car la littérature historique est pauvre à leur endroit. Leur<br />
visibilité s’érode rapidement à partir de 1850 AD, tant de par là précarité de leur<br />
mode de vie errante dans l’économie Qajar, que par leur déchéance, après s’être<br />
compromis dans le soulèvement de l’hérésie shaykiste / babiste (1844-1850 AD).<br />
Sans doute Hajj Motahar ALISHAH [FIGURE 1, maillon 48] fut leur dernier<br />
grand sheikh. Jusque dans les années 1910, l’ordre était encore mené par Hajj ali<br />
« YAZDI » [FIGURE 1, maillon 47], également appelé Bahar ALISHAH, depuis la<br />
khanqah de Kufah (Irak) [ALISHAH, 1956]. A son décès, Hajj Motahar ALISHAH<br />
doit sa victoire sur les nouveaux prétendants à la désignation écrite par Hajj Mastur<br />
ALISHAH [FIGURE 1, maillon 49]. Hajj Motahar ALISHAH s’installa à Téhéran, à la<br />
porte Darvazdeh Dowlat ( à l’époque l’extrémité Nord du Bazar) et c’est lui qui<br />
déplaça les reliques du respecté Bodolleh dans le district téhéranais de Hajebiyeh<br />
[ALISHAH,1956]. Shahto Sultani « BAKHTIYARI » et d’autres sujets du regretté<br />
Bahar ALISHAH transformérent plus tard l’endroit en ce qui devint la khanqah,<br />
nommée « Motahariyyeh » pour cette raison. Elle subsiste aujourd’hui dans la ruelle<br />
Khanqah Mottahariyeh, atenante á la rue Naderi, à quelques centaines de mètres<br />
de l’ancienne porte Darvazeh Dowlat de Téhéran. Noter aussi que dans sa<br />
monographie sur les khaksars conteurs de Mashhad [BATESTI, 1994], Teresa<br />
BATESTI y a interviewe dans les annees 1960 un conteur khaksar homonyme<br />
nommé « morshed Motahar ALISHAH » . La branche de Rahmat ALISHAH de<br />
Mashhad s’étant alors explicitementt reclamée du sheikh Hajj Motahar ALISHAH,<br />
nous nous garderons bien de confondre ces deux khaksars homonymes<br />
contemporains.<br />
De son vivant, Hajj Motahar ALISHAH avait sélectionné quarante-deux<br />
successeurs, mais sa longévité exceptionnelle le fit plus que centenaire et aucun<br />
d’eux ne lui survécut [ALISHAH,1956]. Au début du 20 ème siècle, son contemporain<br />
Mir Taher ALISHAH [FIGURE 1, maillon 51], le sheikh de la khanqah<br />
Khaksariyyah de Kufah, briguait en vain ses faveurs pour la succession. On dit que<br />
c’est par dépit de ne pouvoir obtenir sa khirqah, que ce dernier s’adonnait aux<br />
drogues hallucinogènes. Débouté, il entrepris d’implanter sa propre branche de la<br />
Khaksariyyah : quittant Kufah (Irak), il installa sa khanqah à Kermanshah (Iran).<br />
Compte tenu du faible nombre de ses disciples, il y fonda neanmoins un tekkieh<br />
relativement visible dans le quartier excentré de la rue Sard Cheshmeh<br />
(vraissemblablement un ancien cimetière), et y désigna quelques sheikhs locaux<br />
sous lui [ALISHAH,1956]. On ne peut que supposer que c’est à cette epoque de la<br />
migration á Kermanshah que la khaksariyyah intégra le rite du « casser de noix »,<br />
un rituel de renoncement aux piliers de l’Islam orthodoxe, qui assimile<br />
ponctuellement les participants aux Ahl-e-Haqq.<br />
Hajj Motahar ALISHAH prétendit notamment un temps que la succession<br />
légitime de Bahar ALISHAH [FIGURE 1, maillon 47] revenait á Hajj Mastur<br />
ALI(SHAH) [FIGURE 1, maillon 49], un vétéran de la khanqah de Kufah. Mais ce<br />
dernier, á son tour, prêta finalement allégeance á Mir Taher ALISHAH [FIGURE 1,<br />
maillon 51] deux ans plus tard. Hormis la loge de Darvazeh Dowlat à Téhéran, qui<br />
était acquise á Hajj Motahar ALISHAH, les deux principales loges qui lui firent<br />
allégeance furent celles de Mustagh ALISHAH (dans le Nord-Est actuel de Téhéran)<br />
et celle de Rahmat ALISHAH (khanqah attenante á la mosquée Momeniyyeh á<br />
Mashhad) Curieusement, la succession de Hajj Motahar ALISHAH á Téhéran fut<br />
finalement emportée par Mir MIZBAH, un ancien rival de celui-ci. <strong>Les</strong> autres
2 Règles et symboles<br />
prétendants furent les éminents khaksars seyyed Hasan Safavi MIR AFZAL<br />
(Ahvaz), seyyed Ghafar MIR BAGHI (Dezful), Hosein Mojemi Khoshal ALISHAH<br />
(Tehran), Amir Azizi Mast ALISHAH (Karaj) et Rahmat ALISHAH « TOROGHI »<br />
(Mashhad). Le consensus temporaire autour de Mir MIZBAH ALISHAH ne survécut<br />
pas longtemps, il fut bientôt critiqué, tant par les membres que par son rival Mir<br />
Taher ALISHAH [ALISHAH, 1956].<br />
A l’heure oú nous ecrivons, l’organisation réunit hebdomadairement une<br />
cinquantaine d’errants dans chacune des khanqahs restantes ( Kermanshah,<br />
Téhéran, Téhéran Est et Mashhad). La situation actuelle des centres d’Isfahan,<br />
Shiraz, Dezful et Ahvaz n’est pas claire. Forte de son image d’Epinal de<br />
« Qalandar », la confrérie jouit en fait d’un capital de sympathisants plus large,<br />
notamment dans le voisinage immédiat de ces centres actifs: les riverains, les<br />
commercants, les artisans proches et le zurkhaneh du quartier Mommeniyyeh<br />
(Mashhad) constituent ce que BATESTI baptisaient « les membres lais », c’est-ádire<br />
des membres seculiers de ces communautés. Sur les images de la cérémonie<br />
annuelle de la branche de Mir Taher (Kermanshah), on distingue clairement<br />
plusieurs centaines de participants dans l’enclos de la khanqah khaksar du quartier<br />
Sard Cheshmeh.<br />
« à coté des membres des confréries menant la vie spécifique des<br />
derviches, voyageant, mendiant vivant dans les khanehkahs, ermitages ,<br />
il y a les membres lais »<br />
SOLTANI prétend que la branche de Rahmat ALISHAH « DEHKARDI »<br />
(Mashhad) s’est éteinte á sa mort. Reprise par son fils, la khanqah « khaksar<br />
Motahari » de Rahmat ALISHAH, fondée vers 1960 á proximité de la mosquée<br />
Mommeniyyeh (Mashhad), se réclame á present de Hajj Motahar ALISHAH. Elle est<br />
toujours en activité de nos jours, et compterait environ 70 membres, essentiellement<br />
des laics riverains et des « javanmard » du zurkhaneh du quartier.<br />
On le constate, la khaksariyyah se présente avant tout comme le résultat d’un procédé<br />
syncrétique trés long et trés discontinu. Son corpus littéraire apparait tout aussi décousu. A l’image des<br />
autres voies courtes traditionnalistes, l’ordre a adopté un règlement corporatiste type «<br />
futuwwatnameh » [AFSHARI, 2003], réminiscent de l’enracinement corporatiste . Or la khaksariyyah<br />
ne brille pas spécialement non plus par un corpus littéraire propre, mais tout au plus par la recollection<br />
récente de plusieurs futuwwatnameh anciennes. Toutes sont á présent étudiées par les sheikhs<br />
khaksars, mais sous leur appellation d’origine. AFSHARI a documenté cette règle et compilé les<br />
nombreux écrits apocryphes detenus par Mir Taher ALISHAH á Kermanshah [AFSHARI, 2003].<br />
2.1 Futuwwatnameh de la Khaksariyyah<br />
Le « Traité du Dénuement » (« resal-e fakriyyeh », re-publié par [AFSHARI, 2003] , voir<br />
traduction en [ANNEXE 12]) figure la plus probable Règle de l’ordre khaksariyyah. Il s’agit clairement<br />
d’un document syncrétique tardif. Le document inclue les mêmes éléments orthodoxes, et on ne peut<br />
vraiment pas qualifier le document d’iconoclaste. Il est intéressant d’y constater les caractéristiques<br />
structurelles suivants :<br />
- une initiation marquée par des rites corporatistes (ceinture, coupe,) . la prise de<br />
ceinture est manifestement la première etape. Le traite parle de deux types<br />
differents de ceintures : la ceinture d’étoffe (pers. maras) et la ceinture de corde<br />
(pers. palhang). Cette dernière est capitale pour suivre la progression de l’initié. La<br />
rédaction de la règle emprunte en outre des éléments de futuwwatnameh<br />
anciennes.
-<br />
FIGURE 18. Zekr occasionnel des <strong>Khaksars</strong> kurdes, Kermanshah ( source : tekkieh Kermanshah )<br />
FIGURE 19. Khaksar mendiant à proximite de l imamzadeh Saleh, Tajrish, Tehran ( auteur )
-Dans le « Traité du Dénuement » (« resal-e fakriyyeh »), la rhétorique soufi est<br />
certes quelque peu galvaudée [ANNEXE 12], mais l’esprit orthodoxe est largement<br />
ménagé. La Règle de l’ordre met clairement le Fakr au centre de la définition de sa<br />
Voie. Elle définit les autres vertus comme des étapes initiatiques vers ce but ultime.<br />
Le discernement manichéen Bien / Mal, l’engagement, l’humilité et l’autorité du<br />
sheikh sont soulignés tout comme dans les ordres orthodoxes. Clairement, la Règle<br />
ne préconise pas un Malamatisme radical ou aveugle.<br />
- une progression initiatique en sept étapes, suivant la victoire progressive sur sept<br />
catégories de péchés capitaux. Chaque victoire est materialisée par la suppression<br />
d’un des sept noeuds de la ceinture de corde (pers. Palhang) [AFSHARI, 2003].<br />
Pour le nouvel initié, les péchés á surmonter sont, dans l’ordre chronologique :<br />
1. l’avarice (le traité y oppose la générosité ), voir rituel ci dessous parag 2.2,<br />
2. la gourmandise,<br />
3. la cupidité (le traité y oppose la Sobriété ) ,<br />
4. la Violence (le traité y oppose la Patience ),<br />
5. la Passion / le désir (le traité y oppose la Mortification ),<br />
6. l’Ignorance (le traité y oppose la Connaissance),<br />
7. l’acte satanique (le traité y oppose la Miséricorde).<br />
La victoire initiale sur l’avarice (voir rituel ci dessous parag 2.2,), également scarifiée par le<br />
tatouage-pochoir, est sans doute particulièrement symbôlique du Renoncement (zuhd). De plus elle<br />
projette le disciple (salik) au coeur du fakr. A la fois marqué dans son corps et dans son âme.<br />
Cette référence aux péchés capitaux n’est pas sans suggérer que les influences hétéroclites de<br />
l’ordre sont éventullement contradictoires du seul rejet misanthropique (blâme, malamat). Logiquement,<br />
la plupart des Fakirs de la Khaksariyyah vouent donc leur vocation á une existence de renoncement<br />
(fakr) et de developpement personnel altruiste, selon les règles dévoyées de la Malamatiyyah. Certes,<br />
le malamatisme pronait l’excès jusqu’á la simulation du vice, mais les khaksars ont subi l’influence<br />
ulterieure bénéfique des errants rishis et khakis du Cachemire, puis des sohrawardis charitables qui les<br />
suivaient, d’oú leur relative discipline, si on les compare aux Qalandars d’antan.<br />
On peut aussi rechercher des éléments de disciplines dans d’autres futuwatnameh, liées<br />
indirectement aux sous-catégories naturelles de l’ordre, telles que les conteurs Naqqali : [BATESTI,<br />
1994] a traduit partiellement les clauses étonnantes de la Futuwwatnameh de Hosein KASHEFI, qui,<br />
dés le 15 ème siècle, établissaient la règle spécifique aux conteurs du Naqqali . Celui ci insiste<br />
notamment, d’une part sur les vertus de l’art du conteur (lire plus bas) d’autre part sur les qualités de<br />
perfection du conteur (KASHEFI traduit par [BATESTI, 1994]) :<br />
‘ Avoir une foi totale,<br />
l’amour de la justice et de la verite,<br />
se garder de l’envie,<br />
avoir totale confiance en Dieu,<br />
desarmer les eventuels mauvais esprits<br />
et les mettre sur les chemins du bien et du vrai »<br />
(KASHEFI traduit par [BATESTI, 1994])<br />
KASHEFI a requalifié en outre la profession et les accessoires du Naqqali dans un vocabulaire<br />
illuminationniste typique des corporations et des dogmes gnostiques syncrétiques médiévaux.<br />
« Si on te demande quel est l’accessoire primordial du conteur, dis que c’est une chaise .<br />
Si on te demande quelle est l’invention de la chaise, dis que c’est au jour ou le Tres-Haut<br />
crea l’homme et ou il lui demanda de nommer les choses creees devant l’assemblee des<br />
anges. Apres qu’ADAM eut nomme les choses, l’archange GABRIEL envoya l’ange
DJALIL chercher un siege au paradis et il le mit en bonne place, puis invita ADAM à s’y<br />
asseoir. Si on te demande le sens cache de l’expression ruye sandali nahadan, se placer<br />
sur un siege, tu repondras que cela signifie que quiconque est doué de quelque talent doit<br />
dominer l’assistance afin que chacun ait le privilege de le voir...»<br />
[KASHEFI cite par BATESTI, 1994]<br />
La référence au lignage gnostique d’ADAM et de Salman « FARSI » , chères aux hérésies<br />
gnostiques pré-soufies et aux ophites est explicite. Cette Futuwwatnameh de KASHEFI est donc<br />
insuffisante á caractériser la règle des <strong>Khaksars</strong>. Dans cette optique, on se penchera de préférence sur<br />
une vingtaine de petits traités originaux, de la main de sheikhs récents de l’ordre, tous compilés et<br />
commentés par Mehrdad AFSHARI.<br />
2.2 La brûlure-pochoir<br />
Selon [ALISHAH, 1956], la brûlure traditionnelle est un signe d’appartenance toujours repandu<br />
chez les <strong>Khaksars</strong>. [HEROUVILLE, 2009] et [TORTEL, 2009] ont detaillé en quoi ce signe distinctif était<br />
déja signalé chez les qalandars du Moyen Age et les hétérodoxes dits Torlaks.<br />
Chez les khaksars, il s’agit en fait de pochoirs realisés au moyen de pièces de monnaie<br />
incandescentes á l’occasion du premier rite d’initiation. Ce tatouage est conventionnellement appelé<br />
« marque de la lucre » . [ALISHAH, 1956] décrit clairement que la piece est chauffée á blanc puis<br />
apposee, telle un pochoir sur le bras. Au cours de cette étape de l’initiation, d’une quarantaine de jours<br />
(Chilla) , le sheikh appuie quotidiennement sur le tatouage ainsi créé, le brûle éventuellement davantage<br />
ou le presse avec de la chair de cervelle de mouton. Aprés 40 jours, la marque est lavée et garde la<br />
seule forme de la pièce de monnaie. <strong>Les</strong> peaux brulées sont remises au sheikh, qui les dévoue à l’Imam<br />
ALI.<br />
2.3 Autres signes distinctifs<br />
<strong>Les</strong> Fakirs de la Khaksariyyah assument l’héritage d’une longue lignée de Qalandars dans leur<br />
silsilah. En outre ils imitent les voies courtes antérieures, notamment par une nostalgie prononcée pour<br />
les accessoires symboliques. [BATESTI, 1994] inventoriée leur accoutrement : le rasage des sourcils, la<br />
sébille Kashkul, le bonnet Taj, le gousset, la pelisse (push, abusivement appelé khirqah dans le traité)<br />
la ceinture d’étoffe (maras), le gilet (sine pusht), le bâton á pommeau (‘asah), l’anneau á l’oreille (algh<br />
dar gush), la tunique blanche (cf FIGURE 14 á 17)... La plupart sont décrits avec leur sens symbolique<br />
spécifique chez les khaksars dans l’[ANNEXE 12]. L’ANNEXE 12 indique également l’anneau autour du<br />
cou (Togh dar gardan) se refère sans doute davantage aux Heidari, dans la mesure oú il n’a pas été<br />
pas observé chez les khaksars.<br />
<strong>In</strong>déniablement, l’accessoire le plus distinctif des khaksars en Iran est la trompe Nafir,<br />
généralement en corne de vache ou de mouflon. Il apparait non seulement comme accessoire, mais<br />
également dans les armoiries de l’ordre. L’accessoire fait en fait partie de l’image d’Epinal du qalandar,<br />
(on peut en observer par exemple dans la dargah d’Hajji BEKTASH en Anatolie. Il sans doute été<br />
réintroduit par les Jalalis. A son endroit , [SAHEEB, 1996] rapporte toutefois une anecdote répandue au<br />
sein des ascètes Jalalis :<br />
« The Jallali <strong>fakirs</strong> trace <strong>the</strong>ir origin to ALI, <strong>the</strong> prophet’s son-in-law. The tradition<br />
relates that during <strong>the</strong> holy war <strong>between</strong> <strong>the</strong> non-believers (yahudi) and <strong>the</strong> believers<br />
(muslims), ALI, <strong>the</strong>ir leader, became helpless and called for help. But no body heard<br />
him. Finally he went to forrest and <strong>the</strong>re he got <strong>the</strong> horn of a goat. Through it, he blew<br />
and got <strong>the</strong> help from his bro<strong>the</strong>r Hyder, who heard him The Fakir of this Jama relate<br />
<strong>the</strong>ir descent to that particular incident and telle that <strong>the</strong> horn is <strong>the</strong> symbol of ALI, <strong>the</strong>ir<br />
leader .When <strong>the</strong>y go for collecting alms, <strong>the</strong>y blow a goat’s horn to alert <strong>the</strong>ir devotees<br />
»<br />
[SAHEEB, 1996]
Nous avons vu en outre , parmi tant d’autres, la persistance de la vision symbolique<br />
systématique dans la rhetorique simili –soufie (tamat) des <strong>Khaksars</strong>. Adopté par l’ordre khaksar après<br />
Baba Daud KHAKI, le symbôle de la poussière (pers. khak) est evidemment omniprésent dans ce<br />
discours, qu’il s’agisse de l’humilite d’Abu Torabi « NAKSHBI » ou qu’il s’agisse des galettes de boues<br />
(dhella) pétries par Baba Baud « KHAKI » au Cachemire.<br />
L’image de la poussière est en fait d’un lieu commun dans la litterature gnostique persane : les<br />
soufis eux-mêmes aiment á rappeler que la poussière est, selon la Genèse, la Matrice originelle de la<br />
Création de l’Homme. En sus de son acception apologique de l’humilité, la terre est donc notre origine ,<br />
celle d’oú nous venons et celle ou nous retournerons, une fois défunts. A la suite d’AS-SAWADJI, les<br />
premiers Qalandars entretenaient l’obsession de l’éphémèrité de l’existence, qu’on la considère d’un<br />
moint de vue métaphysique ou social. Ils fréquentaient donc les cimetières assiduement. « SALOMON<br />
chercha un jour une cruche (…) une cruche qui ne fut pas faite de l’argile d’un cadavre ». Faute de<br />
parvenir à cette fin, la fable d’ATTAR « SALOMON cherche une cruche » conclut que tout argile provient<br />
en fait d’une tombe, et que, par conséquent, la fréquentation des cimetières nous prépare à la Sagesse.<br />
<strong>Les</strong> Zoroastres, par exemple, peu avant l’Islam, considéraient que les corps des défunts<br />
souillaient la terre, et recouraient aux « tours du Silence », plutôt qu’à l’unhumation, pour cette raison. De<br />
nos jours, les iraniens entretiennent une conception très radicale de la poussière qu’ils considérent<br />
comme hautement souillée et impure. Notre corps n’est que poussière et retournera à la poussière, toute<br />
poussière est souillée par les corps. Moralement, le postulat de la terre perpétuellement souillée<br />
relativise toute prétention, toute fierté personnelle, fut elle pieuse. Chez les renonçants, l’argument ne<br />
vaut pas forcément pour forcer la pièté, mais plutôt pour perpétuellement dénigrer les hommes – les<br />
Fidèles y compris – tant qu’ils se tiennent éloignés, qui du Renoncement, qui de la Futuwwat.<br />
« Tu es fais d’une motte de terre ; d’où te vient donc toute la vanité ? Lorsque tu fus<br />
détaché de ta mère, tu étais destiné à la Poussière.<br />
Sois certain de celà: plus tu te fais poussière ici bas, plus tu deviendras pur là haut. C’est<br />
en se faisant poussière que les Saints se purifièrent corps et âme. »<br />
[Abu SAID, rapporté par ATTAR, « Elahinameh »]<br />
[PAPAS, 2010] de citer par exemple les provocations faites par le « qalandar-naqshbandi »<br />
ouzbèke Baba RAHIM dit « MASHRAB » (b. 1640 AD) á ces hôtes ou aux clerge á ce titre. Urinant sur le<br />
brocart de son hôte, il justifie cette offense evidente á sa richesse en arguant que cela est préfèrable que<br />
de souiller la Terre, origine et destination de l’existence. L’offense d’uriner est par ailleurs relevée dans<br />
nombre d’hagiographies mediévales d’errants rind et autres heterodoxes. [PAPAS, 2010] relève dans<br />
ses justifications allegoriques la recherche systèmatique de l’inversion du système de valeurs convenues<br />
– le pur apparent devient l’impur et vice-versa-, un mécanisme batiniste fréquent dans la rhetorique et<br />
dans la prédication prophetique de l’Antiquité. <strong>Les</strong> Qalandars n’echappaient pas á cette règle et en<br />
faisaient grand usage au motif de la recherche de la sagesse ou encore du malamatisme . Une autre<br />
fois, urinant dans un canal d’irrigation, MASHRAB pretend, aux mollahs qui l’invectivent : « vous lavez<br />
l’eau avec votre science, avec ma pisse, je reunis l’enfant et la mère ». Et lorsqu’ils demandent « Et<br />
pourquoi n’as tu pas pissé par terre ? », il leur repond que les grands saints attendent sous terre le<br />
jugement dernier, et qu’il ne saurait les troubler par la souillure de la terre par l’urine.<br />
Nous avons vu que la métaphore de la poussière était prise au sens propre par les premiers<br />
ascètes du lignage khaki –khaksar de Baba KHAKI (Cachemire), lesquels confectionnaient d’ailleurs<br />
des galettes de boue (dhella). Lire infra, 3 ème partie.
FIGURE 20. Zekr occasionnel des <strong>Khaksars</strong> kurdes, Kermanshah. En arriere plan, á<br />
gauche, la percussion Siyafi ( source : tekkieh Kermanshah )<br />
FIGURE 21. Zekr occasionnel á Kermanshah : le luth tanbur empruntés aux Ahl e Haqq<br />
( source : tekkieh Kermanshah )
3 Performances et rituels<br />
3.1 L’art profane du Naqqali<br />
Le naqqali est art profane du récit épique. Il remonte á la période préislamique, et<br />
l’essentiel de son corpus est en vérité l’épopée du « Shahnameh » par FIRDOUSI. Il a ensuite<br />
été pratiqué par les bateleurs dans les bazars et les maisons de thé (Chaikhuneh). [BATESTI,<br />
1994] souligne que cette performance dans le Chai-khuneh avait lieu de préférence á l’occasion<br />
des nuits de Ramadan ou de commémorations annuelles des deuils imamites.<br />
Etonnamment le naqqali, á présent au bord de l’extinction, demeure souvent l’apanage<br />
de conteurs d’obédience khaksars, et, plus rarement nimatullahi. Teresa BATESTI a consacré<br />
une monographie á ces conteurs – derviches au cours d’un travail de terrain á Mashhad dans les<br />
années 1960 [BATESTI, 1994]. Certes le registre lui-même, si on fait abstraction de ses relents<br />
de chevalerie, est très éloigné de la littérature soufie ou ascètique. Il est la forme spectaculaire<br />
du « Shahnameh-khaneh », l’art populaire de chant intimiste du Shahnameh. [TROTSKAJA,<br />
1975] a approfondi la question de l’origine de cette activité lors de son étude des derniers<br />
Qalandars –Naqshbandi de Tashkent. Elle le situe à la confluence de deux arts : le prèche<br />
panhégyrique (tamat) et l’art lyrique du conte.<br />
- Du prèche public (tamat), GOLZIHER, puis Anna TROTSKAJA ont recherché les<br />
origines chez les prédicateurs islamiques errants anterieurs aux Qalandars.<br />
"La forme artistique des sermons (arabe waz), illustrée par des exemples<br />
et des images pittoresques, est depuis longtemps répandue dans l'orient<br />
musulman, et représente un des genres favoris de l'éloquence. Elle était<br />
pratiquée par divers cercles dans l'Orient médiéval, à commencer par les<br />
poètes écrivains appartenant à des cercles de Cour, jusqu'aux<br />
prédicateurs errants professionnels et aux acteurs du théâtre populaire.<br />
En Asie centrale et au Khurasan, durant le Moyen Age, les prédicateurs<br />
étaient soit des professionnels soit des amateurs. (...) Dans la section<br />
consacrée aux prédicateurs dans le poème d'Ali Shir NAWA'I, on peut du<br />
Shahname semble remonter à l'ancienne tradition des bardes de Cour<br />
préislamiques, qui racontaient les épopées héroïques, comme en<br />
témoignent le Shahnameh ou bien les fresques découvertes par les<br />
archéologues dans les vestiges des villes d'Asie centrale. "(..) On n'a<br />
pratiquement aucune information sur ce type de maddah. En particulier<br />
on ignore si les maddah de rue chantaient le Shahname les romans de<br />
chevalerie ou si c'était seulement les Maddah de Cour qui étaient<br />
spécialisés dans ce domaine."<br />
[TROTSKAJA, 1975]<br />
La tradition de Naqqali profane est donc historiquement ambiguë, dans la<br />
mesure où on ignore si c'est l'attribut de simples maddah errants- chanteurs de rue, ou<br />
bien si, historiquement, cet art était demeuré jusqu'à récemment celui des conteurs de la<br />
Cour. L'apport du Naqqali est bien sûr la synthèse dogmatique qui en est faite, par<br />
l'adoption de la ré-interprétation mystique de l'héroïsme chevaleresque. Cet amalgame<br />
entre Chevalerie spirituelle (Javanmardi) et Mysticisme est bien connu dans le<br />
mysticisme persan. Il faut sans doute plutot chercher la raison de cette persistance<br />
« khaksar » du naqqali davantage dans le caractère social de la profession du conteur<br />
naqqali que dans son contenu littéraire. Le naqqali est en vérité un art de performance<br />
de rue, dans la droite lignée du Tazieh, mais surtout du tamat, l’art lyrico-panhégyrique<br />
des qalandars d’antan.
« les derviches qui suivent l’enseignement pour devenir conteurs le font<br />
dans un esprit d’humilité. Ils s’efforcent de traduire par leurs gestes, le ton<br />
et le débit de leur voix le message que leur elevation d’esprit, leur vie<br />
placée sous le signe du renoncement leur ont fait comprendre de l’esprit<br />
des textes. Ils sont alles jusqu’au noyau, jusqu’au sens caché , ils ont<br />
soulevé les voiles successifs qui masquent le sens profond, pour arriver à<br />
une connaissance esotérique des sujets. »<br />
[BATESTI, 1994].<br />
La Futuwwatnameh de Hosein KASHEFI, des le 15 ème siècle, établissait les vertus de<br />
l’art du conteur (KASHEFI traduit par [BATESTI, 1994]<br />
« s’appuyer sur son prochain,<br />
faire appel aux coeur pour accomplir son ideal spirituel,<br />
on doit parler en etant persuadé de sa démarche,<br />
être mû par une force intérieure,<br />
etre généreux et protecteur,<br />
etre résigné de ce que Dieu lui accorde en partage.»<br />
KASHEFI traduit par [BATESTI, 1994]<br />
Contre toute attente, cette performance désuète des khaksars, dont BATESTI notait qu’elle était<br />
interdite au public féminin dans les années 1960, semble évoluer favorablement, á la faveur de son<br />
extinction annoncée. Depuis le début du 21 ème siècle, les rares maîtres du Naqqali tolèrent un nombre<br />
croissant de femmes á leur suite, telles que les naqqali profanes Farahnaz KARIMKHANI (Sanandaj) et<br />
Fatemeh HABIBIZAD, dite « GORDAFARID » (Tehran).
3.2 La Sama (audition ) et le zekr occasionnel (Mir taheri - gholam alishahiyyah)<br />
Notre témoignage se base ici sur un enregistrement video « officiel » recueilli á la khanqah de la<br />
khaksariyyah – jalaliyyah de Kermanshah, c’est á dire dans la branche de Mir Taher ALISHAH de la<br />
gholam-alishahiyyah. Il est probable que cette branche a particulièrement subi l’influence des ordres<br />
qui l’ont précédé au Kurdistan : notamment les formes folkloriques des rituels de la Qadiriyyah<br />
Kasnazaniyyah et des Ahl-e Haqq. Le même type de zekr trés occasionnel nous a également été<br />
signalé dans la khanqah des khaksars -motaheri de Rahmat ALISHAH du quartier Mommeniyyeh<br />
Mashhad.<br />
A posteriori, cet enregistrement est d’autant plus intéressant, qu’il illustre un rite complexe, tout<br />
à fait inédit, combinant hymnes, ôdes, Zekr et oraisons diverses. Il fait indeniablement echo à l’analyse<br />
de [TROTKAJA, 1975] du rite quotidien de prière collective des Qalandar-Naqshbandis de Tashkent, un<br />
rassemblement matinal qui précède les quêtes organisées du groupe. Ce rite des Qalandar-<br />
Naqshbandis est dirigé par le sheikh ("Baba", "Tura"). A Tashkent, il débute par l'entonnement de vers<br />
d'Ahmad YASAVI ou de Baba RAHIM, dit "MASHRAB", puis des talqin (récitations) par le peshtalqin,<br />
un qalandar consacré. Le rite suit une séquence hétérogène mais établie, au cours de laquelle les<br />
litanies, les zekr et les invocations se suivent. TROTSKAJA a établi une séquence de quelques 34<br />
talqin différents consécutifs.<br />
" le Pishtalqin doit bien connaitre les vers soufis, l'ordre de leur exécution pendant les<br />
prières collectives, de même pour les refrains. Le choeur rassemble tous les qalandars, y<br />
compris les débutants. <strong>Les</strong> refrains sont des exclamations, des invocations à Allah, à<br />
Muhammad et aux sheikhs soufis. Durant les prières, certains chants sont accompagnés<br />
de danses rituelles, le Sama (...) et de psalmodies, le dhikr. A la fin de la prière, un orant<br />
qalandar, le Salatgir (...) prononce la prière finale. Dans celle-ci, il prie pour la prospèrité<br />
de la foi et l'abondance biens dans le pays, pour des bonnes récoltes, ... <strong>Les</strong> derniers<br />
mots de la prière sont "les esprits sont arrivés dans la nuit de jeudi. Amen! Protègez les<br />
esprits de ces ancêtres! Amen!" Ensuite, le doyen des qalandar reçoit les dons et l'argent<br />
recueilli est transmis au Tura, qui lui en laisse une partie."<br />
[TROTSKAJA, 1975]<br />
A plusieurs reprises, TROTSKAJA insiste egalement sur la répétition de rites d’offrandes en<br />
nature (Nazr), et surtout sur les incantations propiatoires aux ancêtres, présumement héritées de la<br />
culture ouzbeke pré-islamique.<br />
L’enregistrement de la khaksariyyah – jalaliyyah de Kermanshah filmé illustre en une<br />
soixantaine de minutes les performances interpretées actuellement á l’occasion de la commémoration<br />
annuelle de la naissance de l’Imam ALI. Cet évènement annuel, habituellement peu célêbré par les<br />
duodécimains contemporains d’Iran, revêt neanmoins une importance particulière dans le microcosme<br />
des cercles Ahl-e Haqq, alevis, khaksars ou sarli. L’assemblée congrégationnelles se tient<br />
annuellement dans la cour de la khanqah. Elle est menée par une quarantaine de khaksars, une<br />
poignée de nohekhaneh en présence de trés nombreux riverains reccueillis. La cérémonie a lieu comme<br />
suit :
- des poèmes á la gloire de l Imam ALI [HASAN, 200x] sont scandés dans un style proche du<br />
Nohe.<br />
- des Zekr collectifs sont interpretés dans un style typiquement kurde-d’Iran. Certes les paroles<br />
sont explicitement devouées á l ‘imam ALI et à ALLAH – ce qui n’est pas le cas du zekr qadiris-,<br />
en revanche la chorégraphie, le style et l’emploi du tambourin Daf sont tout á fait empruntés au<br />
zekr de la Qadiriyyah Kasnazaniyyah . Certaines performances recourent également á l’emploi<br />
rythmique supplémentaire des luths Tanbur , clair emprunt aux Ahl-e Haqq, dans le pur style<br />
rythmique de Sahneh. Ils s’accompagnent en outre d’une percussion Siyafi, en forme de<br />
tisonnier egalement rapportée chez les qalandars au Turkestan et en Turquie, respectivement<br />
par [JARRING,1987] et [ATASOY, 2009]. « Le Siyafi est constitué de deux pièces de bois de 30<br />
cm de long, auquel est fixé un anneau de fer. A cet anneau, des petits anneaux de fer sont<br />
attachés. Quand les qalandars chantent, ils frappent leur siyafi contre leurs épaules et<br />
produisent ainsi un bruit qui prelude aux chants. Ils l'appellent siyafi. » [JARRING,1987] Une<br />
percussion similaire est observée de nos jours chez les <strong>fakirs</strong>-Qawwali de l’<strong>In</strong>dus : le Chimtra. Il<br />
s’apparente aussi vaguement à une percussion sur deux cadres de la région de Kerman : le<br />
Ghorog.<br />
Le zekr n’est pas á proprement parler une performance ordinaire dans les voies<br />
malamati ou aucune autre « voie courte » . En effet, celles-ci discutent habituellement des<br />
rituels soufis, qu’elles denoncent souvent avec l’ensemble des efforts liturgiques des musulmans<br />
orthodoxes.<br />
3.3 Le rite du « casser de noix » (gholam alishahiyyah)<br />
Il s’agit d’un rituel d’origine ancienne, rapporté chez les khaksars par [ALISHAH, 1956].<br />
Cependant, connaissant les rites en vigueur dans de nombreuses corporations du Khorassan, on peut<br />
s’interroger sur sa similitude avec cette tradition ancienne. Anna TROTSKAJA raconte en effet que, de<br />
retour à la Qalandarnamah de Tashkent aprés la quête (djilo), les qalandars-naqshbandis tenaient<br />
aussi quotidiennemement des repas collectifs (degjushi mavlon) issus des dons en nature des fidèles.<br />
L’auteur souligne que ce type d'a<strong>gap</strong>e est typiquement une pratique corporatiste, laquelle existait<br />
notamment parmi les guildes d'artistes, de musiciens, de mendiants pieux (Diwana, ishrikchi ou<br />
shirinkari ) [TROTSKAJA, 1975].<br />
Concernant le rite spécifique des <strong>Khaksars</strong> d’Iran, le rite « Shekastan jowz » (« casser de<br />
noix ») présente la particularité d’etre commun aux Ahl-e Haqq et aux khaksars de Kermanshah, car il<br />
commémore un usage ancien de fraternisation entre les deux groupes. A une période indéterminée, les<br />
sheikhs khaksars, accompagnés des Pirs Pir DOHA, Pir SHUHUD et Pir DAHIL rendaient annuellement<br />
visite aux leaders Ahl-e Haqq, vraissemblablement de Kermanshah. Ils leur apportaient du mouton, du<br />
miel et du sucre en signe de fraternité, et les participants partageaient des noix [ALISHAH, 1956].<br />
Le rite est désormais un cérémonie rituelle des <strong>Khaksars</strong>, á l’issue de laquelle ceux-ci renoncent<br />
aux cinq piliers de l’Islam, ce qui, par essence est une adhésion á la seule « voie courte » hétérodoxe. Le<br />
sens votif de cet acte trouve un écho dans la superstition rurale iranienne, puisque les noix sont<br />
habituellement des talismans : le mandant selectionne une noix lorsqu il fait un voeux et celle-ci se brise<br />
lorsque le voeux se réalise. On peut donc imaginer que le symbôle du « casser de noix » consiste á<br />
exaucer le voeux d’abandon des piliers de l ‘Islam.
Conclusions<br />
On le voit , de par les distorsions et ses approximations chronologiques, l’histoire inédite des<br />
<strong>Khaksars</strong>-Jalali demeure encore un terrain considérable d’investigation spéculative.<br />
Globalement, l’histoire de son « ère mythique » reste á éclaircir. En effet, la rahiyyah constitue<br />
sans doute le noyau opaque de cette silsila á cette ère. Il serait intéressant également d’inventorier<br />
paralèllement les emprunts hagiographiques de cette ère par les Ahl-e Haqq. Pour l’ére suivante, Toraj<br />
ADHAMI a opté pour une explicitation quasi–dhahabi de l’histoire du lignage, et ce jusqu’á sa bifurcation<br />
historique (Makhdumiyyah) . De cette facon, il n’a fait qu’éluder l’absence de correspondance avec les<br />
patronymes de la silsila officielle. A l’ère rishi, son travail d’érudit est commenté fort à propos par la<br />
monographie d’Ishaq KHAN [KHAN, 1994]. Réunis ensemble, ces deux documents permettent de<br />
comprendre á la fois historiquement et chronologiquement le rapprochement entre rishis et<br />
sohrawardis. Pour un eclaircissement de certains maillons isolés, il parait indispensable de réaliser<br />
désormais une analyse comparée avec les silsilas jalalis d’<strong>In</strong>de du Nord (Chihil Tan).<br />
On note, tout au long de cette épopée, un conflit récurrent entre les sa’dat locales (incarnant<br />
souvent l’orthodoxie) et les ascètes extrêmes. Ce débat, trés ancien dans le confrérisme, est<br />
littéralement compilé dans cette silsila. On peut caractériser la khaksariyyah comme la persistance<br />
historique de ce seul débat contradictoire. On parle aussi souvent de neo-traditionnalisme á l’endroit du<br />
revivalisme contemporain de la Javanmardi (chevalerie spirituelle), y compris dans les ordres soufis<br />
duodécimains orthodoxes d Iran – Dhahbiyyah, Nimatullahiyyah, Gonabadiyyah, Safi Alishaiyyah -.<br />
Il est evidemment surprenant de constater á quel point les khaksars d’Iran ont, quant á eux, perpetué<br />
des pratiques hyper-anachroniques des errants hétérodoxes (ex : tamat, talqin, siyafi, a<strong>gap</strong>e degjushi<br />
mavlon, naqqali, rites corporatistes, etc....), possiblement moins par tradition que par goût du<br />
revivalisme. Ce, y compris des traditions des Qalandars depuis longtemps oubliées, si on en croit Anna<br />
TROTSKAJA. Dans un ordre dont les sources et les archives sont aussi obscures, ce sens du détail est<br />
troublant, et peu laisser croire qu’ils héritèrent effectivement cette tradition superficielle comme telle.<br />
Enfin, une autre étape importante á franchir est l’analyse comparée des traités et de la Futuwwatnameh<br />
des <strong>Khaksars</strong>-Jalalis [AFSHARI, 2003], ouvrage clé pour notre comprehension.
LECTURES CITEES<br />
Abidi, Sah<br />
1992 "Sufism in <strong>In</strong>dia", Wishwa Prakashan div. of Wiley Eastern Ltd Publ, ISBN 81-224-0418-9, Bombay, <strong>In</strong>dia.<br />
Adhami, Toraj (update by Adhami, Talifat, a.k.a. Mahu Alishah),<br />
1958 « Az Khaki ta Khaksar Silsileh Salmani-Abu Torabi-Jalali-Khaksar (Gholam Alishahi)», entesharat Shaivar,<br />
ISBN 978 600 5465 006, Tehran, Iran, mise à jour 2010.<br />
Afshari, Mehran<br />
200x "Javanmardi ( Chivalry )", Iran Culture Studies Publ., nr 54, What di I know about Iran? ISBN 964 379 063<br />
0, Tehran, Iran.<br />
2003 "Futuwwat nameh va rasa Khaksariyyah risalah", Pizhuhishgah-i ulum-i insani Publ., , ISBN 978-<br />
9644261855, Tehran, Iran<br />
Afshari, Mehran, Abidini, Seyed Abu Taleb Mir<br />
2005 "Ayin Qalandari 4 resalah / Qalandari, khaksari, furqah ajam va sakhouri ", Entesharat Fradovan Publ., ,<br />
ISBN 964 90011 3 1, Tehran, Iran.<br />
Algar, Hamid,<br />
1998 «Elements de provenance malamati dans la tradition primitive Naqshbandi», in : Popovic, Alexandre,<br />
Zarcone, Thierry, Clayer, Nathalie & al. « Melamis-Bayramis », ISBN 975-428-114-9, ISIS Publ. Istambul,<br />
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1. Prophete Muhammad<br />
2. Imam Ali Ali Ibn Hasan BASRI dervish Ali SODEYRI Salaheddin Ali Nader Shah ANGHA<br />
. Uweys QARANI Serajedin Abolfath Mammud Ibn<br />
Mahmudi SABOUNI BEYZAVI<br />
3. Salman FARSI Ruzbehan BAQLI dervish Muhammad Mozaheb<br />
KARANDEHI « Pir Palandouz »<br />
Habib Ibn Salim RAI Najm ud Din KUBRA Mir Muhammad Momen SODEYRI<br />
SABZEVARI<br />
Sultan Ebrahim ADHAM Ali Lala GHAZNAVI" Mir Muhammad Taghi Shahi MASHHADI<br />
Abu Ali Shaqiq BALKHI" Ahmad Zaker JOWZEGHANI Mir Mozafar ALI<br />
Abu Torab NAKHSHABI Nureddin Abdul Rahman ESFAREYNI seyyed Shamseddin MUHAMMAD<br />
Sheikh Abi Amro Istakhri Alaudaulaleh AS-SEMNANI Abdulvahab « NAINI »<br />
Abu Jaffar HAZZA Seyyed Ali HAMEDANI Hajj Muhammad Hazan KOUZEKANANI<br />
Abu Abdullah IBN KHAFIF<br />
« SHIRAZI »<br />
Muh’d Abdullah Khatifi AL<br />
HASAVI NURBAKHSH<br />
dervish Kamaleddin SODEYRI seyyed Galip Hassan KUSCUOGLU<br />
Agha Abdukqader « JAHROMI »<br />
sheikh Hosein AKKAR Shah Qasem FEYZBAKHSH Jalaled Din Ali Mir Abolfazl ANGHA<br />
21. Morshed KAZERUNI I Hosein Abarghoui JANBAKHSH Mir Qutbuddin Muhammad ANGHA"<br />
Khatib abul fath Abdulkarim dervish Malek Ali JOVEYNI Shah Maghsud Muham-mad Sadegh<br />
ANGHA<br />
ANNEXE 1 : silsilah officielle de la branche uwaysi des kubrawi . En rouge les maillons cités par ADHAMI dans son analyse<br />
historique de la khaksariyyah [FIGURE 4], en gras ceux qui figurent également dans la silsila officielle des khaksars [FIGURE 1]
1. Prophete Muhammad<br />
2. Imam Ali Bahauddin Zakariya « MULTANI» Kaleemullah « SHAHJANABADI » CHISHTI<br />
Hasan BASRI . Sadaruddin AARIF Nizamuddin « AURAGABADI » CHISHTI<br />
Abdul Wahi Bin ZAYD Rukn Ud Din ABUL FATAH Fakharuddin « DEHLAVI » CHISHTI<br />
Fuzail Ibn AYAZ Bahauddin Zakariya « MULTANI» ( 2 ) Nur Muh’d « MAHARAVI » CHISHTI<br />
(Sultan) Ebrahim ADHAM<br />
« BALKHI »<br />
23. Seyyed Jalal Din Heidar<br />
"BUKHARI"<br />
Pir Pathan « TAUNSVI » CHISHTI<br />
Sheikh Haytham AL ASAM Saruddin Raju QATAL Haji Muh’d Najmuddeen Sulaimani CHISHTI<br />
Abu Torab NAKHSHABI Qazi Ilmuddin Ghulam Sarwar Najmi Sulaimani CHISHTI<br />
Abu Abbas « NIHAVANDI » Qadin e Millat WA DIN Nur ul Hassan Najmi Sulaimani CHISHTI<br />
Akhi Siraj « ZANJAANI » Mahmud Urf Raja CHISHTI Ghulam Naseer Najmi Sulaimani CHISHTI Al<br />
Faruqi Madda Zillahun Nurani<br />
Muhd Bin Abdullah<br />
« SUHRAWARDI »<br />
Wajeehuddin « SUHRAWARDI » Muhd Hasan CHISHTI<br />
Zyauddin Najib « SUHRAWARDI » Muhammad CHISHTI<br />
Shahab Ud Din<br />
« SUHRAWARDI »<br />
Jamaluddin Jaman Shah CHISHTI »<br />
Muhd Yahya « MADANI » CHISHTI<br />
ANNEXE 2 : silsilah sohrawardi officielle des branches Pir Pathan et Najmi-Suleimaiyyah des Chishti . En rouge les maillons cités par<br />
ADHAMI dans son analyse historique de la khaksariyyah [FIGURE 4], en gras ceux qui figurent également dans la silsila officielle des khaksars<br />
[FIGURE 1]. La présence d’Abu TORABI montre clairement que l’analyse d’ADHAMI s’est inspirée de généalogies sohrawardi anecdotiques<br />
anciennes, répandues en <strong>In</strong>de .
ANNEXE 3. Le mausolée du chishti Shah Jamal HANSAVI à Hansi. Il est le présumé<br />
« Chermineh Push » de la silsila Jalaliyyah – Khaksariyyah [source : wikipedia]<br />
ANNEXE 4. La tombe de Jalaed Din SURKHPOSH , á Uchh (Sindh)
ANNEXE 5. La khanqah situee sur la tombe Nuruddin RISHI après sa rénovation à Charar-e-Sharrif,<br />
proche de Srinagar, au Cachemire. [source : flick.fr]<br />
ANNEXE 6. La tombe de Baba Heidar RISHI á Anantag, (Cachemire) A<br />
présent, il est fréquemment assimilé á Baba Harde RISHI
ANNEXE 7 La khanqah de la Khaksariyyah-Motahariyyah, Téhéran, janvier 2010 [source : auteur]<br />
ANNEXE 8. La khanqah « Khaksariyyah-Motahariyyah » à Mashhad en mai 2010 [source : auteur]
ANNEXE 9. La khanqah Khaksariyyah- de la branche de Mir Taher ALISHAH à<br />
Kermanshah. Vue depuis la rue Sard Cheshmeh. Au centre, la face de la Sema<br />
khaneh. A gauche en contrebas des derviches : l’hospice [source : auteur]<br />
ANNEXE 10. La khanqah Khaksariyyah- de la branche de Mir Taher ALISHAH à Kermanshah.<br />
Ici, la Sema khaneh vue depuis la tombe de Mir Taher. [source : auteur]
ANNEXE 11. Armoiries présumées de la khanqah Khaksariyyah- de la branche de Hajj Motahar<br />
Taher ALISHAH à Téhéran. [source : auteur]
ANNEXE 12 : Ce traité khaksar « Du dénuement » (Ar. Fakr) de la Bibliothéque de l’Université de Frankfort<br />
à été publié par [AFSHARI, 2003]. Traduction et assistance de F. SOUFIPOUR.<br />
Le document, par endroit influencé par les Futuwwatnameh médiévales dans sa<br />
rédaction, met en avant les éléments initiatiques les plus importants tels que le palhang.<br />
<strong>Les</strong> termes fakr (Ar dénuement, pauvreté à vocation spirituelle) et tajjrid (Ar célibat) sont<br />
sans doute répètés en dépit du sens recherché, souvent á la défaveur du terme de zuhd<br />
(Ar ascèse).<br />
On peut egalement être surpris par l’utilisation du terme khirqah á l’endroit du<br />
manteau des mourides. En effet, dans le jargon soufi « orthodoxe », la khirqah est un<br />
manteau rare réservé au seul khalifeh, qui l’hérite de son sheikh, d’une valeur spirituelle<br />
particulièrement appuyée. Depuis le manteau du Prophète MUHAMMAD, la khirqah fut le<br />
signe personnel d’une succession spirituelle légitime, voire parfois exclusive. Ici, le terme<br />
noble de khirqah remplace sans doute abusivement la pelisse pusht, probablement parce<br />
que le terme s’est galvaudé dans le vocable des ordres d’errants hétérodoxes...<br />
***********************************************************************************<br />
« Traité du Dénuement » (Ar. Fakiriyyeh),<br />
« Au nom d’Allah le Clément et le Miséricordieux,<br />
Je rend grâce á Dieu d’avoir allumé la Lumière et l’Obscurité<br />
Grâces infinies de la Terre vers le Ciel,<br />
Au Créateur des sept ciels, des étoiles,<br />
des deux mondes (le Visible et l’<strong>In</strong>visible),<br />
Pourvoyeur de toute sorte de nourriture á toute créature ,<br />
Et protecteur du Soleil contre l’Obscurité,<br />
Pour couvrir [nos actes] de sa Nuit »<br />
***********************************************************************************<br />
« Aprés avoir remercié Dieu et salué Hazrat MUHAMMAD, voici l’anecdote suivante : Hazrat ALI rapporte<br />
qu’Hazrat MUHAMMAD a dit:<br />
« Lorsque je suis parvenu au septième Ciel, une voix divine m’a salué et m’a prié de<br />
saluer. Je l’ai donc salué. La voix m’a ensuite indiqué « Regarde en l’air », je me suis<br />
exécuté, et alors j’ai vu une effigie que je ne saurais décrire, car il n’existe aucun mot pour<br />
la décrire. Je fus notamment trés etonné par son visage ( Ar. Surat). J’ai ensuite perdu<br />
connaissance de stupéfaction. Je me retrouvais alors dans un lieu hors du temps. Je pus<br />
boire une goutte de la Mer de la Vie. Bien qu’évanoui, je pus voir. Je regardais [á nouveau]<br />
en l’air, mais ne pouvais rien y voir dorénavant.<br />
Je suppliais Dieu « Je t’en prie, montre moi encore cette effigie.»<br />
La réponse fut qu’Allah dit « Tajarod, c’est á dire que ce visage que tu as vu est celui du<br />
dénuement (Ar. Fakr). Si tu veux la revoir, tu dois suivre le « célibat » (Ar Tajrid) : la<br />
retraite (Ar. Khalwat), la séclusion assise (pers. gusheh neshini), la solitude, l’état d’éveil<br />
jusqu’á atteindre la Vérité éblouissante.»
Hazrat MUHAMMAD dit alors: « Ce dénuement (Ar. Fakr) est ma Gloire et mon<br />
dénuement (Ar. Fakr) est la satisfaction d’Allah. »<br />
« Pour cette dernière raison, nous disons que les hommes choisis par le dénuement (Ar Fakr) se disent être<br />
les « gens de la visite [du dénuement]» (Ar / pers. Ahl-e Didar).<br />
Hazrat MUHAMMAD dit ensuite: « En dénuement (Ar. Fakr), la première étape est<br />
l’anéantissement (Ar. fana), et c’est en même temps une étape [de rejet] de l’animalité et<br />
du désir .» Alors seulement vous pouvez être derviche.<br />
Hazrat MUHAMMAD dit également: « En dénuement (Ar. Fakr), d’abord vient l’apparence.<br />
en second vient votre <strong>In</strong>térieur (pers. darun), en troisième vient le sens, en quatrième<br />
vient la noblesse d’âme (pers. javanmardi), en cinquième vient l’etat de Prophète. »<br />
<strong>Les</strong> gens en quête de la Voie (ar. tariqat) nomme le présent ouvrage « Du Dénuement » (Ar.<br />
Fakriyyah) car il les mène á la suite de MUHAMMAD. Il les guide [précisement] jusqu’á ce qu’ils<br />
oublient l’Obscurité.»<br />
***********************************************************************************<br />
« Qu’est ce que porter le Manteau (Ar. khirqah) ?<br />
Quelle est la signification de porter le Manteau (Ar. khirqah) ?<br />
Qu’est ce que la Ceinture d’etoffe ( pers. Tanureh) ?<br />
Quelle est la signification de la Ceinture d’etoffe ( pers. Tanureh) ?<br />
Quelle est la signification de la canne ( pers. ‘asah) ?<br />
Quelle est la signification de la nudité ?<br />
Quelle est la signification de l’anneau [autour du cou] (pers. togh)? »<br />
« Vous devez donc savoir qu’il existe de nombreuses significations et de nombreuses raisons de les porter.<br />
Mais la signification [précise] en est que le port du Manteau (pers. khirqah pushidan) est [en fait] comme<br />
mourir. Et c’est ainsi l’apparence du dénuement (Ar. Fakr), puisque cela montre le détachement pour les<br />
choses de ce Monde. Et [c’est] alors [que] les gens le blâment. [Ainsi] il prend ensuite la Voie de<br />
l’anéantissement (Ar. fana) jusqu’á ce qu’il voit le visage du dénuement (Ar. Fakr). Comme il a accepté tout ce<br />
que ses amis et ses ennemis lui ont fait, sa poitrine est comme un bouclier pour les piques des deux Mondes.<br />
Pour cette raison, il peut légitimement porter le Manteau (Ar. khirqah) . »<br />
« De la toque (ar. Taj ): si le derviche porte la toque sur sa tête, et si il ne lève pas<br />
les yeux, ni ne s’inquiète lorsque les pierres tombent du ciel. Alors, il peut<br />
légitimement porter la toque (ar. Taj ):»<br />
«De la sébille (pers. Kashkul ): Quiconque ne pouvant s’affranchir de ses désirs<br />
pour se préoccupper des désirs des autres, ne peut légitimement porter la sébille»<br />
«De la canne [á pommeau] ( Ar. ‘asah ): Quiconque pouvant expliquer les secrets<br />
du dénuement (Ar. Fakr), en ayant des raisons pour celá, peut légitimement porter<br />
la canne [á pommeau].»<br />
«Du gilet (pers. sine Push): Quiconque pouvant discerner la signification des<br />
details, peut légitimement porter le gilet . »<br />
«De la ceinture de corde (pers. maras): Quiconque étant trés persévérant dans la<br />
Voie, peut légitimement porter la ceinture de corde (pers. maras). S’il ne l’est pas,<br />
le port de la ceinture de corde (pers. maras) équivaut au port d’une ceinture<br />
ordinaire par un non-musulman. »
«De la boucle d’oreille (pers. algheh dar gush): Quiconque écoutant simplement<br />
Allah, et n’y entendant que les mots de sa Parole, peut légitimement porter la<br />
boucle d’oreille. »<br />
«De l’anneau autour du cou (pers. togh dar gardan): Quiconque pouvant briser<br />
son coeur, choisir l’aneantissement (Ar. fana) et seulement prier Allah, peut<br />
légitimement porter l’anneau autour du cou . »<br />
«De la ceinture d’etoffe (pers. tanoureh): Quiconque pouvant brûler toute chose<br />
de ce bas-monde, peut légitimement porter la ceinture d’etoffe. »<br />
« Quiconque ignorant cette signification ne peut comprendre [ce qu’est ] le dénuement (Ar. Fakr). Si un<br />
derviche porte tous ces objets, mais ne les connais pas : alors il n’est pas derviche et il est un ennemi de la<br />
Voie (pers. rah) »<br />
Dés lors, si on vous demande :<br />
« Qu’est ce qu’un derviche ?»<br />
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« <strong>Les</strong> disciples de la Voie [pers. rah] disent du dénuement (Ar. Fakr)<br />
qu’il est l’arbre du jardin d’Allah.<br />
<strong>Les</strong> racines de l’arbre sont l’autorité [spirituelle].<br />
Le terreau de cet arbre est l’Amour.<br />
L’arrosage de cet arbre est la Connaissance (Ar. ilm).<br />
<strong>Les</strong> branches de cet arbre sont la Sagesse.<br />
<strong>Les</strong> feuilles de cet arbre sont les bonnes actions,<br />
L’ombre de cet arbre est la Joie.<br />
Quiconque recevrait une feuille de cet arbre<br />
Serait un Ami d’Allah. »<br />
Répondez simplement que c’est celui qui sort [parmi] les autres pour [se] joindre [á] la Confiance.<br />
Dés lors, si on vous demande :<br />
« Combien y a-t-il d’étapes dans la Voie (Ar. Tariqat) ?»<br />
Répondez simplement :<br />
- [Il y a ] quarante-quatre étapes, que les gens doivent monter jusqu’á l état de « derviche » .
Du Manteau (ar. khirqah): si on vous demande :<br />
« Combien de Règles incluent la Voie (Ar tariqat) et le Manteau (Ar khirqa) ?<br />
Répondez simplement :<br />
- [Il y a ] douze [règles] »<br />
Si on vous [les] demande , répondez simplement :<br />
« Un, le repentir (pers. tobeh),<br />
Deux, la suggestion (ar. talqin),<br />
Trois, la sincèrité (ar. sadegheh ),<br />
Quatre, la confiance (pers. tavakul),<br />
Cinq, le célibat (ar. tajrid),<br />
Six, la soumission (ar. taslim),<br />
Sept, la vertu (pers. taghvah)<br />
Huit, [ - phrase manquante dans le document - ]<br />
Neuf, la sobriété (pers. rahanat),<br />
Dix, la solitude (pers. ozlat),<br />
Onze, la Mortification (pers. riazat),<br />
Douze, la générosité (pers. seghavat) »<br />
Si on vous demande :<br />
« Combien y a t il de maîtres (pers. Pir ) dans la Voie (Ar. tariqat) ?<br />
Répondez simplement :<br />
- [Il y a ] quatre [maîtres] »<br />
Si on vous [les] demande , répondez simplement :<br />
« Un, le Maître de l’Allocation (pers. tarash),<br />
Deux, le Maître de l’Eloquence (pers. khotbeh),<br />
Trois, le Maître du Manteau (ar. khirqah),<br />
Quatre, le Maître de l’Autorité (pers. arshad) »<br />
Si on vous demande :<br />
« De quelle longueur [combien de temps] est la ceinture de corde (pers. Pal hang ) ?<br />
Répondez simplement :<br />
- La longueur de la ceinture de corde est de sept noeuds (pers. gaz) »<br />
Si on vous demande :<br />
« Pourquoi sept noeuds ?<br />
Répondez simplement :<br />
- [Parce que] le nombre des membres du corps est de sept »
Si on vous demande :<br />
« Pourquoi prie-t-on pour [chacun des] sept membres ?<br />
Répondez simplement :<br />
- [Parce que] chaque prière [dediée] est suivi d’effets sur l’un d’eux . C’est un fait que<br />
la première entrave (pers. band) les dons, et ainsi vient la Générosité,<br />
la seconde entrave l’Appétit, et ainsi vient la Faim,<br />
la troisième entrave la Cupidité, et ainsi vient la Sobriété,<br />
la quatrième entrave la Violence, et ainsi vient la Patience,<br />
la cinquième entrave la Passion, et ainsi vient la Mortification (pers. riazat),<br />
la sixième entrave l’Ignorance, et ainsi vient la Science (pers. ilm),<br />
la septième entrave Satan, et ainsi vient la Miséricorde (Ar. rahman)<br />
Alors ils peuvent porter l’<strong>In</strong>itiation (pers. mian bastan).»<br />
Si on vous demande au moment de l’<strong>In</strong>itiation ou de ceindre la ceinture d’étoffe (pers. Maras) :<br />
« Quels sont ces douze mots ?<br />
Répondez simplement :<br />
- En premier, rechercher l’assistance des fils du Prophète MUHAMMAD,<br />
en second : être [se tenir] éloigné des ennemis du Saint (Ar. Hazrat) Prophète,<br />
en troisième : recommander á quiconque de faire de bonnes actions,<br />
en quatrième : déconseiller á quiconque de faire de mauvaises actions,<br />
en cinquième : [faire la] Justice,<br />
en sixième : n’opprimer [quiconque],<br />
en septième : avoir de la noblesse d’âme (pers. Javanmardi),<br />
en huitième : suivre la noblesse d’âme (pers. Javanmardi),<br />
en neuvième : suivre le Maitre (pers. Pir),<br />
en dixième: , [ - phrase manquante dans le document - ]<br />
en onzième : si tu es le vainqueur, sois le défait<br />
en douzième : si tu es défait, sois le vainqueur »<br />
Si quiconque peut les suivre, il peut etre appelé « Maître de la Voie » (pers. Pir-e tariqat), autrement, il ne<br />
peut être « Maître de la Voie ».<br />
Ensuite, lorsque le Maître (pers. Pir) veut ceindre les mourides de la ceinture d’étoffe (pers. Maras) et de<br />
l’initiation (pers. mian bastan), il s’en approche et leur dit la phrase suivante á l’oreille :<br />
« Sois stable dans la Loi (ar. Shariat),<br />
Sois constant dans la Voie (ar. tariqat),<br />
Reste éveillé dans la Vérité (ar. haqqiqat),<br />
Alors tu peux etre un disciple (Ar murid) »<br />
Alors seulement [le Maitre] le ceint de l’<strong>In</strong>itiation (pers. mian bastan).<br />
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« Hazrat ALI est le qualificatif de la déclaration d’Allah unique<br />
Hazrat ALI est , en termes de Connaissance (Ar. marifat) , le Roi des rois<br />
Hazrat ALI est , la lumière dont il illumine la Création<br />
[Je ] jure á Dieu qu’[ainsi] est ALI,<br />
[Je ] jure á Dieu qu’[ainsi] est ALI, »<br />
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