International Journal of Mediterranean Ecology - Ecologia ...
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Résumés de thèses<br />
Une meilleure compréhension de l’origine et de l’évolution<br />
de la diversité du vivant nécessite de développer<br />
des approches biogéographiques basées sur la phylogéographie.<br />
En effet, la phylogéographie étudie les<br />
principes et les phénomènes gouvernant la distribution géographique<br />
des lignées génétiques d’une même espèce ou<br />
entre espèces apparentées. D’une part, les généticiens et<br />
biogéographes étudient la répartition actuelle des lignées<br />
d’espèces végétales, témoignage d’une mise en place passée,<br />
mais dont ils ont des difficultés pour déterminer la<br />
dynamique dans l’espace et au cours des temps géologiques.<br />
D’autre part, l’approche paléobotanique ne possède<br />
qu’un faible pouvoir de résolution taxonomique et ne peut<br />
appréhender les flux migratoires que dans leur globalité.<br />
La phylogéographie est alors appliquée à différentes<br />
échelles spatiales, en intégrant à la biogéographie, la phylogénétique<br />
mais aussi la paléoécologie, pour examiner la<br />
généalogie du vivant à travers un cadre spatio-temporel<br />
précis.<br />
La région méditerranéenne représente l’un des trentequatre<br />
points chauds de biodiversité de notre planète, tant<br />
par la richesse des communautés végétales que par son<br />
niveau élevé d’endémisme. Cette biodiversité est associée<br />
à une grande diversité d’écosystèmes et de paysages, forgée<br />
par un relief tourmenté, des climats contrastés et une<br />
histoire biogéographique complexe (persistance sur le long<br />
terme, multiples zones refuges…). Le rôle de carrefour biogéographique<br />
du bassin méditerranéen a souvent été avancé<br />
pour expliquer la biodiversité remarquable qu’il abrite.<br />
Toutefois, la majorité des approches phylogéographiques<br />
menées jusqu’à présent se sont limitées à l’étude d’espèces<br />
végétales endémiques, spatialement restreintes, sans intégrer<br />
des taxons distribués en Méditerranée mais aussi dans<br />
des régions biogéographiques adjacentes. Ce travail de<br />
thèse considère ainsi la structure phylogéographique du<br />
Myrte commun (Myrtus communis L., Myrtaceae), plante<br />
caractéristique et commune des matorrals de l’ensemble de<br />
la Méditerranée, et ses liens de parenté avec le Myrte de<br />
Nivelle (Myrtus nivellei Batt. & Trab.), endémique des<br />
montagnes du Sahara central. Un des objectifs consiste à<br />
examiner plus particulièrement l’influence de la paléogéographie<br />
et des changements climatiques sur la diversité<br />
génétique de ces deux taxons.<br />
La démarche choisie se veut intégrative, en combinant données<br />
génétiques (séquençage et génotypage multiloci) et<br />
paléobotaniques, modélisation de l’évolution moléculaire,<br />
modélisation de la niche bioclimatique, polymorphisme et<br />
héritabilité de la croissance en conditions contrôlées.<br />
L’analyse de 173 populations de Myrte commun et de<br />
23 populations de Myrte de Nivelle a révélé un fort signal<br />
phylogéographique. Le cadre spatio-temporel provient de<br />
la datation des divergences et de la reconstruction des aires<br />
ancestrales au sein des phylogénies moléculaires (ADN<br />
chloroplastique et nucléaire), à partir des méthodes bayésiennes<br />
d’analyse phylogénétique.<br />
Trois résultats principaux peuvent être présentés.<br />
1) À partir d’une origine remontant au début du Miocène,<br />
l’histoire du genre Myrtus se résume à deux périodes de<br />
98<br />
diversification associées aux changements environnementaux<br />
survenus à la transition Miocène/Pliocène, et au cours<br />
du Pléistocène. Le rôle de la mise en place progressive du<br />
climat méditerranéen, de la crise de salinité du Messinien<br />
et des oscillations climatiques du Pléistocène est alors discuté<br />
pour interpréter les patrons phylogéographiques obtenus.<br />
Si un phénomène de vicariance ancien a conduit à<br />
l’isolement d’une lignée est-méditerranéenne, des phénomènes<br />
récents de diversification ont été détectés à l’ouest<br />
avec migration en retour vers l’est de la Méditerranée, mais<br />
aussi vers la Macaronésie et vers le Sahara.<br />
2) Au cœur des montagnes-refuges du Sahara central, l’alternance<br />
des périodes humides et arides serait à l’origine<br />
de l’isolement des populations de Myrte de Nivelle par<br />
massif et d’une forte érosion génétique. Cette forte différenciation<br />
régionale s’accompagne de flux de gènes au sein<br />
des massifs, et de multiplication végétative. Retracer les<br />
trajectoires évolutives des populations de Myrte implique<br />
donc à la fois de mieux comprendre l’empreinte laissée par<br />
la succession des changements environnementaux, mais<br />
aussi l’écologie et les capacités de dispersion des taxons<br />
analysés, avec pour le Myrte le rôle non négligeable de<br />
l’ornitochorie.<br />
3) Enfin, l’absence de divergence des populations insulaires<br />
méditerranéennes comme la Corse contraste avec la persistance<br />
sur le long terme de lignées aux Açores et à<br />
Madère, et avec la spéciation au Sahara du Myrte de<br />
Nivelle. Trois types d’insularité (îles continentales, océaniques<br />
et montagneuses), trois histoires évolutives distinctes,<br />
qui peuvent être analysées à la lumière du degré<br />
d’isolement de ces îles, mais aussi de leur stabilité au cours<br />
des temps géologiques et de l’impact des activités anthropiques.<br />
En parallèle, les scénarios évolutifs mis en évidence précédemment<br />
ont été confrontés à des modélisations bioclimatiques<br />
dans l’actuel et au dernier maximum glaciaire de<br />
l’aire de distribution du Myrte commun. Suivant une<br />
approche plus mécaniste, nous avons également examiné<br />
l’héritabilité des paramètres morphologiques de croissance<br />
des populations de Myrte commun collectées de part et<br />
d’autre d’un gradient climatique régional en Provence-<br />
Alpes-Côte d’Azur et soumises à un stress hydrique sous<br />
conditions contrôlées.<br />
La discussion de ces résultats s’ouvre sur de nouvelles<br />
perspectives en phylogéographie comparative, en génomique<br />
et en biogéographie de la conservation.<br />
ecologia mediterranea – Vol. 38 (1) – 2012