28.07.2013 Views

International Journal of Mediterranean Ecology - Ecologia ...

International Journal of Mediterranean Ecology - Ecologia ...

International Journal of Mediterranean Ecology - Ecologia ...

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Hommage<br />

Cette thèse constitue un modèle de recherches pluridisciplinaires<br />

(associant biogéographie, caryologie, morphologie,<br />

anatomie, histologie, écologie, géologie…) qui aborde<br />

de grands problèmes floristiques et n’hésite pas à bousculer<br />

certaines théories. Juliette montre notamment l’influence<br />

des glaciations dans l’endémisme et surtout l’originalité<br />

des montagnes corses : « Pauvres en espèces et<br />

riches en endémiques, aux 2/3 d’origine méditerranéenne,<br />

suite à leur double isolement insulaire et montagnard. »<br />

Dans le chapitre sur l’histoire du peuplement de la Corse,<br />

elle analyse les cinq hypothèses en cours, et opte pour celle<br />

de Braun-Blanquet (1925) « une flore paléogène développée<br />

in situ ». La théorie paléogéographique de l’époque<br />

reste « La Tyrrhénide » (Forsyth-Mayor 1883, cartes de<br />

Furon 1958). Allant de l’Espagne à l’Italie et de la Provence<br />

à l’Afrique du Nord, ce vaste continent ouest-méditerranéen<br />

aurait émergé au début du Tertiaire, puis subi de<br />

dures vicissitudes : effondrements, surrections et transgressions<br />

répétés. Ces hypothèses des plus complexes ne<br />

satisfont pas Juliette, qui ne les enseignera d’ailleurs<br />

jamais. En effet, la présence de la plupart des subendémiques<br />

demeure énigmatique mais, pour elle, chargée de<br />

sens puisque « l’existence simultanée d’une espèce, en<br />

Corse et dans une autre région, témoigne de connexions<br />

anciennes ayant permis l’installation d’une flore commune<br />

». Grâce aux caractères cyto-morphologiques et biogéographiques<br />

de ces taxons, Juliette esquisse une reconstitution<br />

paléogéographique assez visionnaire. Suite à sa<br />

thèse, elle dirigera plusieurs excursions de la Société botanique<br />

de France en Corse.<br />

Après sa thèse, Juliette se lance dans la découverte du<br />

Proche et du Moyen-Orient, car 1962 correspond aussi à<br />

l’arrivée à la faculté des sciences de Marseille du Pr Pierre<br />

Quézel, botaniste et phytosociologue éminent, spécialiste<br />

de la flore et de la végétation d’Afrique du Nord. Ensemble<br />

au début, puis avec plusieurs universitaires français<br />

(M. Barbero, J. Zaffran, J. Gamisans, J.-P. Hébrard, D. Cartier…)<br />

et étrangers, ils vont réaliser de très nombreuses<br />

missions qui donneront lieu à une trentaine de publications<br />

en commun. D’après ses carnets de fixations, on peut<br />

reconstituer les itinéraires et les pays visités : Grèce (1963,<br />

1964, 1965, 1972, 1975, 1976), Yougoslavie (1965, 1972,<br />

1977), Crète (1967), Turquie (1968, 1970, 1973), Syrie<br />

(1973). Puis, avec l’équipe de Neuchâtel (C. Favarger,<br />

P. Kupfer, L. Zeltner, N. Galland…), Juliette va herboriser<br />

en Iran (1977), Algérie (1978), Maroc (1981) et Yémen<br />

(1990). Durant ses missions, elle réalise des milliers de<br />

fixations de boutons floraux et de récoltes de graines destinées<br />

aux travaux, en cours ou futurs, de son équipe et<br />

d’autres chercheurs français ou étrangers. Si son choix se<br />

porte d’abord sur les Campanulaceae (elle leur consacrera<br />

une vingtaine d’articles), avec Pierre Quézel, Juliette va<br />

diversifier son champ d’investigation en étudiant différents<br />

106<br />

groupes (Gesneriaceae, Globulariaceae, Dipsacaceae,<br />

Lamiaceae…). Ces recherches leur permettront de décrire<br />

maints taxons nouveaux : le genre Asyneumopsis (Campanulaceae),<br />

une cinquantaine d’espèces et dix sous-espèces.<br />

Plusieurs espèces lui ont été dédiées, comme Veronica<br />

contandriopouli Quézel, et même un Ostracode<br />

(Centrocythere juliettae par J.-F. Babinot).<br />

Dix ans après sa thèse, Juliette replonge dans l’insularité,<br />

grâce à l’étude sur la flore des Baléares par le Pr Angèles<br />

Cardona de Barcelone. Cette collaboration débute alors que<br />

les géologues révolutionnent la paléogéographie de la<br />

Méditerranée, avec la délimitation du massif protoligure<br />

(Alvarez 1976) et la rotation du bloc corso-sarde (Westphal<br />

et al. 1976). Après plusieurs missions (Espagne, Baléares,<br />

Sardaigne, Corse), de 1977 à 1984, toutes les deux vont<br />

appliquer à l’endémisme insulaire ces découvertes qui<br />

expliquent bien l’origine et l’ancienneté des endémiques<br />

tyrrhéniens. Les nouvelles reconstitutions de la Téthys et<br />

de la crise de salinité du Messinien (Bouillin 1985 ;<br />

Biju-Duval 1984 ; Dercourt et al. 1985) vont inciter Juliette<br />

à compléter (1988 à 1991) son étude, puisqu’elle peut enfin<br />

élucider le problème des subendémiques commun à la<br />

Corse et à une des régions, aujourd’hui éloignées mais voisines<br />

par le passé, du bloc disloqué Calabre-Sicile-Kabylie<br />

et bético-rifain.<br />

Avec l’intégration, en 1985, de son équipe dans le nouvel<br />

Institut méditerranéen d’écologie et paléoécologie (IMEP),<br />

Juliette initie une étude sur la Provence et les relations entre<br />

cytotypes et écologie. Outre l’endémisme et l’histoire des<br />

peuplements insulaires, elle a aussi abordé des problèmes<br />

généraux : polyploïdie, spéciation, vicariance et évolution<br />

caryologique.<br />

Durant toute son activité, Juliette s’est fait un devoir de partager<br />

ses connaissances : cours (DEA), conférences dans<br />

divers pays (Espagne, Grèce, Liban…), colloques internationaux,<br />

et direction de nombreux travaux en France et à<br />

l’étranger (thèses et DEA). Elle fut toujours pour ses étudiants<br />

et collaborateurs d’une grande disponibilité et d’une<br />

aide sans faille. Juliette Contandriopoulos a fait sa carrière<br />

à une époque heureuse où on pouvait acquérir une renommée<br />

internationale en publiant en français dans des revues<br />

nationales. Toute sa vie, elle a su gérer habilement son<br />

temps entre ses multiples activités : scientifique, éditoriale<br />

(Revue de biologie et d’écologie méditerranéenne), associative<br />

(Institut grec Solomos), paroissiale, caritative (maisons<br />

d’enfants et de retraite), artistique, amicale, mais surtout<br />

avec sa très chère famille, ce qui faisait d’elle une<br />

personnalité des plus attachantes et cultivées.<br />

Qu’il me soit permis de lui témoigner ici toute ma reconnaissance<br />

et mon affection.<br />

Régine VERLAQUE<br />

ecologia mediterranea – Vol. 38 (1) – 2012

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!