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PARTITIONS URBAINES - Artishoc

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Festival des fanfares, Montpellier, 2005. Photo : David O.<br />

L’ART DES FANFARES<br />

« Du bruit, du mouvement, voilà ce que réclament les populations. »<br />

Revue La France Chorale, 1863<br />

C’est un fait, les fanfares font fureur. Depuis plus de 200 ans<br />

elles défient les règles du bon goût, aiguillonnées par une ferveur<br />

inaltérable. De multiples initiatives témoignent aujourd’hui<br />

de la vivacité de ces traditions populaires qui s’accordent à nos<br />

sensibilités contemporaines.<br />

UN GRAND BRASSAGE D’INFLUENCES<br />

Parlez fanfares, évoquez les orchestres d’harmonie,<br />

prononcez les termes brass band entre gens cultivés et<br />

il vous reviendra une kyrielle d’expressions aussi enthousiastes<br />

que convenues : « liens intergénérationnels exemplaires<br />

», « ambiance bon enfant », « célébration de la joie<br />

de vivre », « comme dans les films de Kusturica », « vous<br />

avez vu Les Virtuoses ? », « l’esprit du carnaval », « j’ai une<br />

nièce majorette »... Autant de formules qui trahiront<br />

quelques approximations concernant les traits définitoires<br />

du genre et un manque de discernement à l’égard des<br />

différentes traditions qui le composent. Il faut dire que l’art<br />

des fanfares a connu, aux quatre coins du monde, une<br />

forte diversification de ses formes et de ses ambitions<br />

esthétiques. Même si les cuivres constituent toujours leur<br />

marque unmistakable, les familles instrumentales mobilisées<br />

font preuve d’une déconcertante flexibilité (voir le<br />

lexique). Autre signe distinctif fort, le costume explore tous<br />

les registres disponibles, de l’uniforme d’inspiration Garde<br />

républicaine, avec médaille et bannière, au patchwork<br />

Grand-Guignol. Les modes d’intervention dans l’espace<br />

public sont quant à eux plus ou moins orthodoxes, qu’il<br />

s’agisse d’un ensemble fixe dans un kiosque, d’une parade<br />

équestre collet monté, d’une retraite aux flambeaux<br />

décatie, d’un marching band survolté, d’un défilé sous un<br />

préau ou d’une bousculade débraillée sur un parquet de<br />

bal. Ce n’est pas non plus l’étude des répertoires musicaux<br />

qui permettra de faire advenir un semblant d’unité, tant le<br />

spectre est large entre les œuvres pour cuivres de compositeurs<br />

prestigieux (Gounod, Berlioz, Milhaud, Roussel,<br />

Koechlin), les pièces de l’époque révolutionnaire (Méhul,<br />

Gossec), les grandes musiques militaires (Saint-Saëns),<br />

les transcriptions d’airs célèbres d’opéra (Verdi) ou de<br />

mouvements symphoniques (Ravel), les musiques de<br />

film (les hymnes de John Williams pour Star Wars), les<br />

détournements de standards funk ou jazzy (big bands de la<br />

Nouvelle-Orléans), les tubes de pop music (de ABBA à<br />

ZZ Top), les trames musicales régionalistes (espagnolades,<br />

viennoiseries, musiques tropicales et autres polkas). Les<br />

musiques du monde contribuent activement à l’étoilement<br />

de ses multiples influences : fanfares du Radjasthan<br />

(Jaipur Kawa Brass Band), des Balkans (Fanfare Ciocarlia),<br />

d’Afrique (Gangbe Brass Band), d’Amérique latine (La<br />

Banda de Santiago de Cuba). Le documentaire Cuivres<br />

débridés à la recherche du swing (1993) de Johan van der<br />

Keuken propose à lui seul un foisonnant tour d’horizon, du<br />

Népal à l’Indonésie en passant par le Surinam et le Ghana.<br />

Ne serait-ce qu’en France, la typologie des sociétés musicales<br />

est également radicalement hétéroclite : formations<br />

officielles (gardiens de la paix, sapeurs-pompiers), fanfares<br />

de chasseurs, fanfares post-universitaires et des beauxarts<br />

(tendance potache), harmonies municipales et<br />

associatives. Nés dans l’euphorie républicaine du XIX e<br />

siècle, les orchestres d’harmonie perpétuent un modèle<br />

historique hérité des « orphéons », terme tombé en désuétude<br />

qui désigne une chorale ou un ensemble instrumental<br />

qui emprunte ses manières musicales à l’élite<br />

(l’orchestre symphonique) en les simplifiant pour les<br />

mettre à la portée de tous dans des espaces autres que<br />

des salles de concerts.<br />

UNE DÉMOCRATISATION<br />

CULTURELLE AVANT L’HEURE<br />

Les dates sont des points de repère indispensables dans<br />

le déroulement de l’histoire de l’art et il est admis de<br />

choisir la Révolution comme point de départ officiel de la<br />

tradition des harmonies et fanfares. L’origine de ces<br />

sociétés instrumentales populaires est éminemment<br />

martiale. Dès 1764, les gardes françaises avaient pris<br />

l’habitude de se déplacer flanquées d’un orchestre dont<br />

le rôle était de mettre en musique les rendez-vous protocolaires<br />

: présentation du drapeau, défilés et autres<br />

convois de dignitaires. La puissance de galvanisation des<br />

musiques régimentaires sur le moral des troupes a rapidement<br />

été mise au service de l’élan révolutionnaire des<br />

citoyens. Dans la rue, les jardins et sur les places<br />

publiques, les orchestres ont scandé à qui mieux mieux<br />

les grandes étapes de la Révolution, fussent-elles funestes<br />

ou festives. « Point de République sans fêtes nationales,<br />

pas de fêtes nationales sans musique », selon le credo<br />

du fondateur, en 1792, de l’Institut national de musique<br />

(ancêtre du Conservatoire).

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