PARTITIONS URBAINES - Artishoc

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En couverture : Photo : Peter Coffin, (Free Jazz Mobile), 2007. Photo : Anthony Bonnin/Le Confort Moderne. CAHIER SPÉCIAL / mouvement n° 44 (juillet septembre 2007). Réalisé en coédition avec LIEUX PUBLICS, CENTRE NATIONAL DE CREATION DES ARTS DE LA RUE, avec l’aide de la SACEM. Coordination : Jean-Marc Adolphe. Conception graphique : Jean-Michel Diaz, Mytil Ducomet/Chevalvert. Edition : Julie Broudeur, Benoît Laudier, David Sanson. Partenariats/publicité : Cyril Musy. Ont participé : Jean-Marc Adolphe, Julie Bordenave, Julie Broudeur, Camile Guynemer, Fred Kahn, Anne-Laure Lemancel, Stéphane Malfettes, Jean-Philippe Renoult, David Sanson. Mouvement, l’indisciplinaire des arts vivants / 6, rue Desargues / 75011 Paris / Tél. 01 43 14 73 70 / Fax 01 43 14 69 39 : www.mouvement.net Mouvement est édité par les éditions du Mouvement, SARL de presse au capital de 4 200 €, ISSN 12526967 - Directeur de publication : Jean-Marc Adolphe. © mouvement, 2007. Tous droits de reproduction réservés. Cahier spécial Mouvement n° 44. NE PEUT ETRE VENDU. QUAND LES OREILLES PRENNENT L’AIR EDITO Sous nos latitudes, depuis quelques siècles déjà, les affamés de musique ont inventé des espaces vierges de tous bruits extérieurs, des lieux dont l’acoustique est à la fois suffisamment réverbérante pour amplifier le message musical, mais pas trop, afin qu’il reste intelligible. Opéras, auditoriums, salles de concert, tout est fait pour dégager la musique de ses obligations militaires, religieuses ou sociales, et pour la donner à entendre pour elle-même. Et, révolution du siècle dernier, la reproduction mécanique a mis la musique à la portée de toutes les oreilles. Enfin, elle peut accéder au statut d’« art pour l’art ». Mais depuis quelques dizaines d’années, du renouveau actuel des fanfares aux installations sonores en milieu urbain, des concerts déambulatoires aux ingénieux « bricophonistes », certains inventeurs de musique conçoivent des œuvres pour l’espace public. Ils se nourrissent des bruits ambiants, leur répondent ou les embrigadent comme nouveaux instruments. Ils font entendre les couleurs sonores de la ville, en tirent des timbres inexplorés. Ils jouent avec l’espace comme paramètre supplémentaire de l’œuvre. Ils renouent avec les fonctions de lien social qui donnaient aux orphéons d’antan des saveurs singulières. Ils écoutent les musiques mi-savantes mi-populaires jouées dans les rues des pays pauvres de la planète. Peut-être reviennent-ils tout simplement à l’étymologie du mot « composer ». Le compositeur, avant d’être un auteur, un inventeur, c’est celui qui « fait avec », qui se débrouille avec les contraintes, et qui, confronté à un contexte, saura en faire surgir le matériau musical et sonore pertinent. Pour Lieux publics, dirigé par un compositeur, et en partenariat avec la Sacem, le sujet est au cœur même de sa spécificité artistique. Et Mouvement est depuis toujours attentif aux nouveaux courants musicaux qui s’affranchissent des querelles de chapelles. Après avoir exploré les nouvelles écritures urbaines, la question de la gratuité, les repérages urbains et l’échelle européenne, Lieux publics et Mouvement se retrouvent pour donner un coup de projecteur sur ces nouvelles écritures musicales dédiées à la ville, pour explorer un des mouvements artistiques les plus novateurs de cette décennie. Jean-Marc Adolphe / Pierre Sauvageot (Jean-Marc Adolphe est corédacteur en chef de Mouvement. Pierre Sauvageot est compositeur, directeur de Lieux publics, Centre national de création des arts de la rue)

Festival des fanfares, Montpellier, 2005. Photo : David O. L’ART DES FANFARES « Du bruit, du mouvement, voilà ce que réclament les populations. » Revue La France Chorale, 1863 C’est un fait, les fanfares font fureur. Depuis plus de 200 ans elles défient les règles du bon goût, aiguillonnées par une ferveur inaltérable. De multiples initiatives témoignent aujourd’hui de la vivacité de ces traditions populaires qui s’accordent à nos sensibilités contemporaines. UN GRAND BRASSAGE D’INFLUENCES Parlez fanfares, évoquez les orchestres d’harmonie, prononcez les termes brass band entre gens cultivés et il vous reviendra une kyrielle d’expressions aussi enthousiastes que convenues : « liens intergénérationnels exemplaires », « ambiance bon enfant », « célébration de la joie de vivre », « comme dans les films de Kusturica », « vous avez vu Les Virtuoses ? », « l’esprit du carnaval », « j’ai une nièce majorette »... Autant de formules qui trahiront quelques approximations concernant les traits définitoires du genre et un manque de discernement à l’égard des différentes traditions qui le composent. Il faut dire que l’art des fanfares a connu, aux quatre coins du monde, une forte diversification de ses formes et de ses ambitions esthétiques. Même si les cuivres constituent toujours leur marque unmistakable, les familles instrumentales mobilisées font preuve d’une déconcertante flexibilité (voir le lexique). Autre signe distinctif fort, le costume explore tous les registres disponibles, de l’uniforme d’inspiration Garde républicaine, avec médaille et bannière, au patchwork Grand-Guignol. Les modes d’intervention dans l’espace public sont quant à eux plus ou moins orthodoxes, qu’il s’agisse d’un ensemble fixe dans un kiosque, d’une parade équestre collet monté, d’une retraite aux flambeaux décatie, d’un marching band survolté, d’un défilé sous un préau ou d’une bousculade débraillée sur un parquet de bal. Ce n’est pas non plus l’étude des répertoires musicaux qui permettra de faire advenir un semblant d’unité, tant le spectre est large entre les œuvres pour cuivres de compositeurs prestigieux (Gounod, Berlioz, Milhaud, Roussel, Koechlin), les pièces de l’époque révolutionnaire (Méhul, Gossec), les grandes musiques militaires (Saint-Saëns), les transcriptions d’airs célèbres d’opéra (Verdi) ou de mouvements symphoniques (Ravel), les musiques de film (les hymnes de John Williams pour Star Wars), les détournements de standards funk ou jazzy (big bands de la Nouvelle-Orléans), les tubes de pop music (de ABBA à ZZ Top), les trames musicales régionalistes (espagnolades, viennoiseries, musiques tropicales et autres polkas). Les musiques du monde contribuent activement à l’étoilement de ses multiples influences : fanfares du Radjasthan (Jaipur Kawa Brass Band), des Balkans (Fanfare Ciocarlia), d’Afrique (Gangbe Brass Band), d’Amérique latine (La Banda de Santiago de Cuba). Le documentaire Cuivres débridés à la recherche du swing (1993) de Johan van der Keuken propose à lui seul un foisonnant tour d’horizon, du Népal à l’Indonésie en passant par le Surinam et le Ghana. Ne serait-ce qu’en France, la typologie des sociétés musicales est également radicalement hétéroclite : formations officielles (gardiens de la paix, sapeurs-pompiers), fanfares de chasseurs, fanfares post-universitaires et des beauxarts (tendance potache), harmonies municipales et associatives. Nés dans l’euphorie républicaine du XIX e siècle, les orchestres d’harmonie perpétuent un modèle historique hérité des « orphéons », terme tombé en désuétude qui désigne une chorale ou un ensemble instrumental qui emprunte ses manières musicales à l’élite (l’orchestre symphonique) en les simplifiant pour les mettre à la portée de tous dans des espaces autres que des salles de concerts. UNE DÉMOCRATISATION CULTURELLE AVANT L’HEURE Les dates sont des points de repère indispensables dans le déroulement de l’histoire de l’art et il est admis de choisir la Révolution comme point de départ officiel de la tradition des harmonies et fanfares. L’origine de ces sociétés instrumentales populaires est éminemment martiale. Dès 1764, les gardes françaises avaient pris l’habitude de se déplacer flanquées d’un orchestre dont le rôle était de mettre en musique les rendez-vous protocolaires : présentation du drapeau, défilés et autres convois de dignitaires. La puissance de galvanisation des musiques régimentaires sur le moral des troupes a rapidement été mise au service de l’élan révolutionnaire des citoyens. Dans la rue, les jardins et sur les places publiques, les orchestres ont scandé à qui mieux mieux les grandes étapes de la Révolution, fussent-elles funestes ou festives. « Point de République sans fêtes nationales, pas de fêtes nationales sans musique », selon le credo du fondateur, en 1792, de l’Institut national de musique (ancêtre du Conservatoire).

En couverture : Photo : Peter Coffin, (Free Jazz Mobile), 2007. Photo : Anthony Bonnin/Le Confort Moderne.<br />

CAHIER SPÉCIAL / mouvement n° 44 (juillet septembre 2007). Réalisé en coédition avec LIEUX PUBLICS, CENTRE NATIONAL DE CREATION DES ARTS DE LA RUE, avec l’aide de la SACEM. Coordination : Jean-Marc Adolphe. Conception<br />

graphique : Jean-Michel Diaz, Mytil Ducomet/Chevalvert. Edition : Julie Broudeur, Benoît Laudier, David Sanson. Partenariats/publicité : Cyril Musy. Ont participé : Jean-Marc Adolphe, Julie Bordenave, Julie Broudeur, Camile Guynemer, Fred<br />

Kahn, Anne-Laure Lemancel, Stéphane Malfettes, Jean-Philippe Renoult, David Sanson.<br />

Mouvement, l’indisciplinaire des arts vivants / 6, rue Desargues / 75011 Paris / Tél. 01 43 14 73 70 / Fax 01 43 14 69 39 : www.mouvement.net<br />

Mouvement est édité par les éditions du Mouvement, SARL de presse au capital de 4 200 €, ISSN 12526967 - Directeur de publication : Jean-Marc Adolphe. © mouvement, 2007.<br />

Tous droits de reproduction réservés. Cahier spécial Mouvement n° 44. NE PEUT ETRE VENDU.<br />

QUAND LES OREILLES<br />

PRENNENT L’AIR<br />

EDITO Sous nos latitudes, depuis quelques siècles déjà, les affamés de<br />

musique ont inventé des espaces vierges de tous bruits extérieurs, des<br />

lieux dont l’acoustique est à la fois suffisamment réverbérante pour<br />

amplifier le message musical, mais pas trop, afin qu’il reste intelligible.<br />

Opéras, auditoriums, salles de concert, tout est fait pour dégager<br />

la musique de ses obligations militaires, religieuses ou sociales, et<br />

pour la donner à entendre pour elle-même. Et, révolution du siècle<br />

dernier, la reproduction mécanique a mis la musique à la portée de<br />

toutes les oreilles. Enfin, elle peut accéder au statut d’« art pour l’art ».<br />

Mais depuis quelques dizaines d’années, du renouveau actuel des<br />

fanfares aux installations sonores en milieu urbain, des concerts déambulatoires<br />

aux ingénieux « bricophonistes », certains inventeurs de musique<br />

conçoivent des œuvres pour l’espace public. Ils se nourrissent des<br />

bruits ambiants, leur répondent ou les embrigadent comme nouveaux<br />

instruments. Ils font entendre les couleurs sonores de la ville, en tirent<br />

des timbres inexplorés. Ils jouent avec l’espace comme paramètre<br />

supplémentaire de l’œuvre. Ils renouent avec les fonctions de lien<br />

social qui donnaient aux orphéons d’antan des saveurs singulières. Ils<br />

écoutent les musiques mi-savantes mi-populaires jouées dans les rues<br />

des pays pauvres de la planète.<br />

Peut-être reviennent-ils tout simplement à l’étymologie du mot<br />

« composer ». Le compositeur, avant d’être un auteur, un inventeur,<br />

c’est celui qui « fait avec », qui se débrouille avec les contraintes, et<br />

qui, confronté à un contexte, saura en faire surgir le matériau musical<br />

et sonore pertinent.<br />

Pour Lieux publics, dirigé par un compositeur, et en partenariat avec<br />

la Sacem, le sujet est au cœur même de sa spécificité artistique.<br />

Et Mouvement est depuis toujours attentif aux nouveaux courants<br />

musicaux qui s’affranchissent des querelles de chapelles.<br />

Après avoir exploré les nouvelles écritures urbaines, la question de la<br />

gratuité, les repérages urbains et l’échelle européenne, Lieux publics<br />

et Mouvement se retrouvent pour donner un coup de projecteur sur ces<br />

nouvelles écritures musicales dédiées à la ville, pour explorer un des<br />

mouvements artistiques les plus novateurs de cette décennie.<br />

Jean-Marc Adolphe / Pierre Sauvageot<br />

(Jean-Marc Adolphe est corédacteur en chef de Mouvement.<br />

Pierre Sauvageot est compositeur, directeur de Lieux<br />

publics, Centre national de création des arts de la rue)

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