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PARTITIONS URBAINES - Artishoc

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LE JONGLEUR DE SON<br />

Cyril Hernandez a toujours dressé des ponts entre les autres arts<br />

et sa pratique de musicien pour l’inscrire « à la croisée du corps,<br />

du son et de l’espace ». Il envisage la musique comme un<br />

mouvement de vie nourri par toutes les vibrations du monde.<br />

Après une formation de percussionniste classique, Cyril<br />

Hernandez n’a pas tardé à bifurquer et s’est ouvert à bien<br />

d’autres influences… D’abord en temps qu’interprète.<br />

Les noms qu’il cite pêle-mêle ont, entre eux, comme un air<br />

de famille. Des musiciens bien sûr : « J’ai croisé la route<br />

de Benat Achiary, Bernard Lubat, Martha Argerich, Nicolas<br />

Frize, Jean-Pierre Drouet ». Mais on le trouve également<br />

sur le parcours de danseurs et de chorégraphes comme<br />

Loïc Touzé, Julia Clima, Olivia Grandville, Jean-Claude<br />

Wayak dans le hip-hop. Sa collaboration avec Thierry<br />

Bedard lui permet de s’initier aux conventions théâtrales.<br />

En 2003, il réalise un premier solo, un peu à la manière<br />

d’un danseur, pour définir son aire de jeu. « Soli mobile<br />

s’apparentait à un travail d’étude, au sens musical<br />

du terme. Mon idée motrice était de chercher à voir le son<br />

et à entendre le mouvement. Je voulais expérimenter<br />

cette articulation en jouant et en déjouant les attentes<br />

de la représentation. »<br />

Comme certains dramaturges, il travaille la musique à<br />

partir du plateau : « Je compose ensuite en fonction des<br />

paramètres que j’ai ainsi délimités en situation et par l’expérimentation.<br />

» Le travail de composition déborde donc<br />

très rapidement sur la scénographie, la chorégraphie et la<br />

mise en scène. « Pour Soli in situ, la suite de Soli mobile,<br />

j’ai fait appel à une chorégraphe et à un metteur en scène.<br />

Le travail se développe ainsi, en parallèle et en synergie.<br />

Je ne suis pas seul dans la conception. » Le solo ne<br />

renvoie pas à l’isolement : « C’est un travail collectif sur la<br />

perception individuelle. » L’espace intime et l’espace du<br />

monde deviennent alors consonants. Cyril Hernandez n’a<br />

plus qu’à chercher le rythme qui traduit le mieux cet état<br />

de coprésence : « Quand j’ai voulu mettre en mouvement<br />

le corps, la marche est venue comme une évidence. J’ai<br />

creusé ce rapport au mouvement, au rythme, à la perception.<br />

Le tout premier désir de Soli in situ prenait la forme<br />

d’une marche collective, à l’image des manifestations ou<br />

des processions… Je voulais jongler avec l’intimité qui<br />

se crée quand on chemine ensemble. »<br />

Son arrivée dans l’espace public devient une évidence.<br />

« Initialement, ce n’était pas l’espace public qui m’attirait,<br />

mais l’espace comme possibilité d’écriture. Je cherchais<br />

à proposer une musique où mon corps serait mis en jeu,<br />

et montré comme un des points de la composition, au<br />

même titre que la composition musicale. »<br />

D’autres désirs sont venus se superposer, notamment celui<br />

de « sortir du studio » : « Venu d’une musique qui n’est pas<br />

forcément très accessible au grand public, j’ai eu envie<br />

d’aller au contact de gens qui n’étaient pas familiarisés<br />

avec les codes de ce qu’on appelle la musique savante.<br />

Comment s’est effectué le passage d’un réseau à un<br />

autre ? « J’ai un pied dans plusieurs espaces, la difficulté<br />

consiste à faire le lien en terme de production. J’ai réalisé<br />

Soli mobile, grâce à la Muse en circuit. Ce centre de création<br />

situé à Alfortville m’a permis de tester mes désirs d’hybridation<br />

scénographique et technologique. Sortir ensuite<br />

de ce lieu privilégié correspondait à l’envie de m’ouvrir à<br />

d’autres champs esthétiques, non pas parce que je n’y<br />

étais pas bien, mais pour aller voir ailleurs. J’ai été<br />

extrêmement bien accueilli par les arts de la rue alors que<br />

je ne suis pas issu de ce milieu-là. Le monde de la<br />

musique contemporaine est sans doute moins ouvert. »<br />

Soli mobile a nécessité deux ans de réalisation. « J’ai pu<br />

monter mon projet par étapes. Le travail a commencé à<br />

Lieux publics en décembre 2005. Je me suis ensuite<br />

confronté progressivement au plaisir et aux difficultés de<br />

l’espace public. D’abord à Nice, en avril 2006, dans un<br />

lieu fermé, l’Acropolis. Puis dans les conditions très difficiles<br />

du Off de Chalon, pour voir si ça tenait le choc, même<br />

si le travail ne me satisfaisait pas encore complètement.<br />

La confiance renouvelée de Lieux publics, et le soutien<br />

de Chalon dans la rue m’ont alors permis de retravailler<br />

l’écriture et de rééquilibrer les différents moments. »<br />

Cyril Hernandez, Fusee Leger. Photo : D. R.<br />

Cyril Hernandez. Photo : D.R.<br />

L’UNIVERS À PORTÉE D’OREILLE<br />

Cyril Hernandez entend nous entraîner dans une conquête<br />

de l’espace, et ne propose rien moins qu’un voyage électrocosmique.<br />

Avec quel véhicule ? Le plus puisant de tous :<br />

l’imaginaire. Et de citer Yves Klein : « La réelle manière de<br />

visiter l’espace, plus loin, infiniment plus loin que notre<br />

univers solaire et autre univers, sera non pas des fusées,<br />

rockets, ou des spoutniks mais par imprégnation. »<br />

Cette déambulation comporte ses étapes et ses rites<br />

magiques. Le musicien-marcheur montre la voie. « Grâce<br />

à une interface dissimulée sous mes habits, je capte des<br />

résonances émanant des personnes et des objets que je<br />

croise et je les transforme en matière sonore. » Une fusée<br />

à son le suit de près : « C’est le symbole spatial de Soli<br />

in situ, à mi-chemin entre les chars des processions<br />

religieuses, et les géants des carnavals ». Mais cette fusée<br />

de six mètres de haut est aussi l’antenne de diffusion du<br />

spectacle, avec à son bord un ingénieur du son. « J’essaie<br />

de mettre en jeu et en scène les modes de production<br />

de la musique électroacoustique. Je voudrais rendre<br />

visible cette magie de la fabrication des sons, décaler<br />

ce matériau électroacoustique pour le transformer en<br />

matière dramatique. »<br />

La marche est ponctuée par cinq étapes, cinq stations,<br />

cinq moments concertants, autour d’installations plastiques<br />

et sonores : « Elles ont en commun un caractère<br />

sobrement monumental, fragile et gigantesque à la fois. »<br />

Cyril Hernandez a ainsi fabriqué un larsénophone, un cube<br />

vide de quatre mètres de côté pour faire chanter l’espace :<br />

« Cette installation s’inspire des expériences d’Yves Klein<br />

sur les zones de sensibilité picturale, dans lesquels l’artiste<br />

donne à voir la créativité qui habite le vide. » Dans un clin<br />

d’œil à Calder, il a aussi inventé un caldérophone. En<br />

faisant résonner ce mobile de cymbales, il provoque une<br />

cosmologie sonore et visuelle. Il joue, en outre, du marcellophone,<br />

un porte-bouteilles, réplique du ready-mades de<br />

Marcel Duchamp, mais agrémenté de tubes métalliques,<br />

qui se met à sonner comme les cloches des campaniles :<br />

« Sa rotation et son oscillation nous entraînent dans<br />

l’univers sonore des gamelans indonésiens. » Le dernier<br />

point de ralliement est totémique : une tour formée par<br />

cinq bidons superposés s’élevant à plus de quatre mètres<br />

de haut. Le musicien joue juché sur une balustrade.<br />

Il martèle ce tambour géant pour mettre la rue en transe.<br />

Ce dispositif est bien sûr évolutif et modulable. Cyril<br />

Hernandez peut décliner plusieurs étapes de Soli in situ,<br />

en fonction d’environnements et de contextes différents.<br />

Cet été, à Saint-Cirq-Lapopie, avec le soutien du Centre<br />

d’art contemporain Georges Pompidou de Cajarc, il va<br />

mettre entre les mains des spectateurs un calder de<br />

cymbales et abandonner à la fantaisie du vent un calder de<br />

haut-parleurs. Avec son association, La Truc, il propose<br />

des « Stations ImaginaSon » qui sont autant de performances,<br />

de concerts solos et d’occasion de rencontres<br />

avec d’autres artistes ou d’autres formations. Cyril<br />

Hernandez a également décroché une bourse de la Villa<br />

Médicis hors les murs qui l’emmènera au Brésil : « Je vais<br />

continuer à apprendre et échanger en rencontrant des<br />

artistes cariocas puis nordestins… » Ce mouvement musical<br />

n’est donc pas près de s’épuiser.<br />

Fred Kahn<br />

Soli in situ sera créé au festival Chalon dans la rue<br />

du 19 au 22 juillet. Trois installations sonores de<br />

Cyril Hernandez seront exposées tout l’été au village<br />

de Saint-Cirq-Lapopie.<br />

Renseignements : 05 65 40 78 19<br />

www.latruc.org

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