Derniers remords avant l'oubli - Artishoc
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<strong>Derniers</strong> <strong>remords</strong> <strong>avant</strong> l’oubli – collectif In Vitro<br />
21<br />
L’occupant, professeur de collège aigri et intraitable, l’idéaliste<br />
mou, sa nouvelle femme, une «nunuche» à courant alternatif, la<br />
néo-mégère hystérique et son «commercial» de nouveau mari,<br />
flanqué de leur fifille (le portable n’est pas encore inventé au<br />
temps de Lagarce, mais on l’imagine déjà «prothéisé» à l’oreille),<br />
le groupe ineffable, magmas de rescapés du divorce de leurs<br />
soixanthuitards de parents, herbeux et fumigènes, des bobos,<br />
des pré-bobos, prêts à cuire et à roussir, humains, abandonnés,<br />
le repère flou, l’avenir empilé - petite histoire sur petite histoire<br />
- charmants et blessés, puérils et courageux, font ce qu’ils peuvent,<br />
comme depuis le début de l’humanité.<br />
Ils sont incarnés avec un talent insolent par une troupe inspirée<br />
- Julie André, Gwendal Anglade, Eric Charon et Olivier Faliez (en<br />
alternance avec Serge Biavan et David Seigneur), Agnès Ramy<br />
et Annabelle Simon (en alternace avec Julie Jacovella).<br />
Le metteur en scène, Julie Deliquet, révèle un talent inouï pour<br />
rendre vivants ces angoissés en bulle : on croirait les avoir croisés<br />
au bar à vins des Abbesses où l’abominable cheftaine de<br />
groupe nous a empêchés de prendre des entrées…<br />
Pire, on se prend à les aimer ces enfants de la télé qui ont appris<br />
la vie dans des sousfeuilletons où tout le monde se coupe<br />
la parole au nom de la Pâssion («Je t’aime, Kimberley !»). Ce<br />
langage-vérité, cette querelle d’autistes au coeur gros et aux<br />
préjugés non bio-dégradables, ces cassés bouleversants qui<br />
essayent de s’en sortir avec une seule religion, l’autre, qui va<br />
peut-être, incroyable supposition, les aimer pour vingt-quatre<br />
mois, c’est toute la modernité finissante, cette traînée de désespoir,<br />
à observer au microscope, cette tueuse de Lagarce qui ne<br />
verra pas l’après tandis que nous y sommes prêts.<br />
Et ne serait-ce pas le sens caché de ce titre de pièce incroyablement<br />
beau et bouleversant ? Un moment de pur théâtre, de<br />
vérité sur planches, d’incarnation sans tricherie, avec une qualité<br />
de présence qui fait battre le coeur.<br />
Christian-Luc Morel www.froggydelight.com