Chapitre 1 : Le choix d'une structure d'entreprise - Académie d ...
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Management 2<br />
<strong>Chapitre</strong> 1 : <strong>Le</strong> <strong>choix</strong> d’une <strong>structure</strong> d’entreprise<br />
1. <strong>Le</strong>s modalités de structuration de l’entreprise<br />
1.1 Comment concevoir une <strong>structure</strong> d’entreprise ?<br />
La conception d’une <strong>structure</strong> d’entreprise impose des <strong>choix</strong> en matière de spécialisation du<br />
travail et de centralisation/décentralisation des décisions.<br />
A. <strong>Le</strong> degré de spécialisation du travail<br />
Lorsque les tâches se répètent et qu’une seule personne ne suffit pas à les assumer toutes, il<br />
est nécessaire d’effectuer une spécialisation du travail. Celle-ci s’opère entre les individus<br />
membres d’un même service ou entre les services de l’entreprise. Cette spécialisation des<br />
tâches, plus ou moins importante selon les entreprises, prend deux formes :<br />
– la spécialisation verticale, qui correspond au nombre de niveaux hiérarchiques dans<br />
l’entreprise ;<br />
– la spécialisation horizontale, qui correspond au découpage fonctionnel de l’entreprise.<br />
B. <strong>Le</strong> degré de (dé)centralisation des décisions<br />
Dans une entreprise centralisée, les décisions sont prises à des niveaux élevés et généralement<br />
situés au sommet de la hiérarchie. À l’opposé, la décentralisation des décisions correspond à<br />
une division du travail de direction où le pouvoir de décision est réparti. La décentralisation<br />
est dite verticale lorsque le pouvoir décisionnel est transféré vers le bas de la ligne<br />
hiérarchique ; elle est dite horizontale lorsque le pouvoir est transféré à des experts situés en<br />
dehors de la ligne hiérarchique.<br />
La centralisation présente des avantages (cohérence des décisions prises dans une optique<br />
globale, meilleure uniformisation des pratiques de gestion, meilleure coordination entre les<br />
services, contrôle facilité, valorisation des cadres disposant du pouvoir de décision…) mais<br />
aussi des inconvénients (lenteur dans la prise de décision, manque de réactivité, connaissance<br />
insuffisante des particularités locales…). De même, la décentralisation offre des avantages<br />
(qualité des décisions adaptées au contexte local, réactivité importante – car le circuit<br />
d’information est plutôt court –, meilleure motivation du personnel, concentration de la<br />
direction générale sur des décisions stratégiques…) mais aussi des difficultés (manque de<br />
perspective globale de la décision, risque de manque de cohérence entre les décisions, perte<br />
d’autorité de la direction générale…).<br />
Compte tenu des avantages et des limites de la centralisation et de la décentralisation, il s’agit<br />
de trouver un équilibre entre centralisation totale et décentralisation totale des décisions. La<br />
<strong>structure</strong> exprime en fait les <strong>choix</strong> faits dans ce domaine par la direction de l’entreprise.<br />
1.2 Comment assurer la cohérence d’ensemble de l’entreprise ?<br />
La spécialisation du travail et la décentralisation des décisions imposent la mise en place de<br />
mécanismes de coordination afin d’instaurer une cohérence de l’ensemble des actions menées<br />
dans l’entreprise pour que les objectifs fixés puissent être atteints. H. Mintzberg définit six<br />
mécanismes de coordination :<br />
1<br />
Thème 1 : Adapter la <strong>structure</strong><br />
<strong>Chapitre</strong> 1 : <strong>Le</strong> <strong>choix</strong> d’une <strong>structure</strong> d’entreprise
Management 2<br />
– l’ajustement mutuel : la coordination se fait par interactions indirectes entre les individus<br />
et généralement par une communication informelle ;<br />
– la supervision directe : une personne donne des instructions à des subordonnés et contrôle<br />
leur travail ;<br />
– la standardisation des procédés de travail : les procédés de travail, c’est-à-dire la façon<br />
dont les tâches doivent être effectuées, sont déterminés pour tous les intervenants ;<br />
– la standardisation des résultats : les résultats à atteindre sont spécifiés précisément ;<br />
– la standardisation des qualifications et du savoir : la formation et les qualifications<br />
nécessaires pour effectuer un travail sont précisément déterminées ;<br />
– la standardisation des normes : les normes dictent le travail et permettent à chacun de<br />
travailler à partir d’un ensemble commun de croyances.<br />
Ces modes de coordination ne sont pas exclusifs les uns des autres et sont complémentaires,<br />
même si, selon Mintzberg, les entreprises ont tendance à favoriser un mécanisme plutôt qu’un<br />
autre à un moment donné de leur existence.<br />
1.3 Quelles sont les modalités de structuration de la firme japonaise ?<br />
M. Aoki étudie les formes <strong>structure</strong>lles adoptées par les entreprises japonaises (J) et<br />
américaines (A) dans les années 1970 et précise leurs caractéristiques et leurs différences. Il<br />
définit la firme J en opposition à la firme A, en comparant dans chacune ce qu’il appelle « la<br />
<strong>structure</strong> des échanges d’information », qui correspond à l’étude de la division des tâches et<br />
du mode de coordination des tâches. Il en ressort que la firme J, à la différence de la firme A,<br />
a adopté une division du travail souple, une coordination non hiérarchique et par ajustement<br />
mutuel ; elle passe aussi par des mécanismes spécifiques et souples tels que les cercles de<br />
qualité, qui ont une dimension transfonctionnelle. Selon Aoki, ces modalités de structuration<br />
de la firme J sont adaptées à un environnement incertain ; elles font place à une coordination<br />
et à une <strong>structure</strong> d’information horizontales et présentent une particularité avec la définition<br />
de la hiérarchie de grades.<br />
Par ailleurs, d’après Mintzberg, la firme J présente des caractéristiques cohérentes avec son<br />
approche des effets de l’idéologie, c’est-à-dire de l’ensemble des traditions et croyances<br />
partagées qui guident les actions des membres de l’entreprise (cf. chapitre 1) : relations<br />
personnelles entre les individus, nature plutôt collective des <strong>choix</strong> et de la responsabilité,<br />
contrôle implicite plutôt que formalisé…<br />
2. <strong>Le</strong>s déterminants de la <strong>structure</strong> de l’entreprise<br />
Plusieurs éléments internes ou externes à l’entreprise influencent et déterminent la <strong>structure</strong><br />
adoptée. Ces éléments appelés « facteurs de contingence de la <strong>structure</strong> » montrent qu’il<br />
n’existe pas de <strong>structure</strong> déterminée et idéale.<br />
2.1 Dans quelle mesure la stratégie influe-t-elle sur la <strong>structure</strong> ?<br />
L’historien des affaires A. Chandler met en évidence le lien entre stratégie et <strong>structure</strong> à<br />
partir d’une étude chronologique des stratégies et des <strong>structure</strong>s de quatre entreprises<br />
américaines. Selon lui, la stratégie influence la <strong>structure</strong> (d’où l’adage « la <strong>structure</strong> suit la<br />
stratégie ») et le succès de la stratégie dépend du <strong>choix</strong> adéquat de la <strong>structure</strong>. <strong>Le</strong>s<br />
changements de stratégies décidées par les entreprises en réponse aux évolutions de leur<br />
environnement nécessitent une modification des dispositifs de répartition, de coordination et<br />
Thème 1 : Adapter la <strong>structure</strong><br />
<strong>Chapitre</strong> 1 : <strong>Le</strong> <strong>choix</strong> d’une <strong>structure</strong> d’entreprise<br />
2
Management 2<br />
de contrôle du travail, c’est-à-dire de la <strong>structure</strong> elle-même. Ainsi, l’entreprise spécialisée<br />
choisit une <strong>structure</strong> fonctionnelle (forme U), mais, lorsqu’elle diversifie ses activités, elle est<br />
conduite à modifier sa <strong>structure</strong> en adoptant une <strong>structure</strong> divisionnelle (forme M).<br />
Cependant, comme le souligne Chandler, ce lien entre stratégie et <strong>structure</strong> n’est pas<br />
automatique (le changement de <strong>structure</strong> intervient seulement lorsque l’ancienne <strong>structure</strong> se<br />
révèle incapable de permettre la mise en œuvre de la nouvelle stratégie et que les dirigeants<br />
sont remplacés). De plus, ce lien peut être inversé, démontrant alors à l’inverse que la<br />
<strong>structure</strong> influence la stratégie.<br />
2.2 Quelle est l’influence de l’environnement sur la <strong>structure</strong> ?<br />
T.K. Burns et G.M. Stalker ont montré que l’entreprise adaptait sa <strong>structure</strong> à son<br />
environnement, défini en termes de rythme d’évolution des marchés et de l’innovation<br />
technologique. Ils mettent ainsi en évidence deux types de <strong>structure</strong>s :<br />
– la <strong>structure</strong> mécaniste, adaptée à un environnement stable dont l’évolution est prévisible et<br />
caractérisée par une forte spécialisation du travail, une centralisation des décisions, une<br />
formalisation des procédures et une ligne hiérarchique développée ;<br />
– la <strong>structure</strong> organique, adaptée à un environnement instable et caractérisée par une<br />
définition souple des tâches, une décentralisation des décisions, une faible formalisation des<br />
procédures de travail, une hiérarchie peu importante et une coordination qui se fait plutôt par<br />
ajustement mutuel pour faciliter l’adaptation de l’entreprise aux évolutions, peu prévisibles,<br />
de son environnement.<br />
P. Lawrence et J. Lorsch, qui ont eux aussi étudié l’influence de l’environnement sur la<br />
<strong>structure</strong>, montrent que l’entreprise fait face à un dilemme entre différenciation et intégration :<br />
différenciation <strong>structure</strong>lle des diverses unités de l’entreprise, qui mettent en place une<br />
<strong>structure</strong> adaptée à leur sous-environnement spécifique (par exemple, le service production<br />
sera structuré différemment du service R&D) et intégration pour assurer la coordination et<br />
la cohérence de l’ensemble et éviter les dysfonctionnements et conflits entre unités<br />
différentes. Il s’agit pour les auteurs de désigner « la qualité de la collaboration qui existe<br />
entre des départements qui doivent unir leurs efforts pour satisfaire aux demandes de<br />
l’environnement ».<br />
2.3 Quels sont les autres critères de <strong>choix</strong> d’une <strong>structure</strong> ?<br />
a) <strong>Le</strong> système technique<br />
<strong>Le</strong> système technique est un autre élément déterminant le <strong>choix</strong> d’une <strong>structure</strong> d’entreprise,<br />
comme l’a montré J. Woodward après avoir analysé la <strong>structure</strong> d’une centaine d’entreprises<br />
anglaises dans divers secteurs, montrant que les entreprises adaptent leur <strong>structure</strong> au type de<br />
technique de production mise en œuvre (tableau ci-dessous).<br />
Type de technique<br />
de production<br />
Production unitaire ou<br />
en petites séries<br />
Caractéristiques de la<br />
technique de production<br />
Production unique ou de<br />
petit nombre répondant aux<br />
demandes des utilisateurs<br />
3<br />
Caractéristiques des <strong>structure</strong>s observées<br />
Faible spécialisation verticale et horizontale,<br />
standardisation et formalisation des méthodes<br />
peu poussées, communication directe et<br />
plutôt informelle (ajustement mutuel) : la<br />
<strong>structure</strong> est de type organique (flexible).<br />
Thème 1 : Adapter la <strong>structure</strong><br />
<strong>Chapitre</strong> 1 : <strong>Le</strong> <strong>choix</strong> d’une <strong>structure</strong> d’entreprise
Management 2<br />
Type de technique<br />
de production<br />
Production en grandes<br />
séries<br />
Processus continu de<br />
production<br />
Caractéristiques de la<br />
technique de production<br />
Production à grande échelle<br />
de produits standardisés<br />
(production de masse<br />
fordiste)<br />
Production automatisée et en<br />
continu d’un produit unique<br />
(ex. : raffinerie de pétrole,<br />
usine chimique)<br />
b) La taille et l’âge de l’entreprise<br />
Thème 1 : Adapter la <strong>structure</strong><br />
<strong>Chapitre</strong> 1 : <strong>Le</strong> <strong>choix</strong> d’une <strong>structure</strong> d’entreprise<br />
4<br />
Caractéristiques des <strong>structure</strong>s observées<br />
Forte spécialisation horizontale et verticale<br />
du travail, standardisation des procédures de<br />
travail : la <strong>structure</strong> est de type mécaniste.<br />
Forte spécialisation verticale du travail<br />
(compte tenu de la complexité technique de<br />
l’activité) mais aussi décentralisation ;<br />
coordination selon la standardisation des<br />
procédés de travail mais aussi nécessité d’un<br />
ajustement mutuel : la <strong>structure</strong> est plutôt de<br />
type organique.<br />
La taille et l’âge de l’entreprise sont aussi des facteurs de contingence <strong>structure</strong>lle. <strong>Le</strong>s<br />
travaux du groupe d’Aston ont mis en évidence l’influence de la taille sur la <strong>structure</strong>. Une<br />
entreprise de grande taille (mesurée par son effectif ou par son chiffre d’affaires) a une<br />
<strong>structure</strong> dans laquelle les tâches sont spécialisées tant horizontalement que verticalement, où<br />
les procédures sont formalisées et les unités différenciées, ce qui génère un fort besoin de<br />
coordination. De même, avec le temps, une entreprise a tendance à se formaliser davantage.<br />
c) <strong>Le</strong>s facteurs culturels<br />
Enfin, la culture est également un facteur qui détermine le <strong>choix</strong> d’une <strong>structure</strong>. <strong>Le</strong> terme<br />
doit être entendu au sens de culture de l’entreprise (c’est-à-dire en référence aux valeurs<br />
propres à chaque entreprise et à son histoire), mais aussi au sens large, en référence au<br />
système de valeurs partagées dans un pays. Ainsi, les études montrent qu’en France, où la<br />
hiérarchie est forte et valorisée de même que l’aversion à l’instabilité et au risque, les<br />
<strong>structure</strong>s d’entreprise, à la différence des <strong>structure</strong>s américaines, sont marquées par certaines<br />
caractéristiques : centralisation des décisions, importance des niveaux hiérarchiques,<br />
formalisation des règles et des procédures.