Modalités de la totalisation isotopique par l'Iode 131.

Modalités de la totalisation isotopique par l’Iode 131.
Martine Guyot
Résumé
Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2003 - vol.27 - n°3
M. Guyot
La totalisation isotopique correspond à la destruction, par une dose ablative d’Iode 131,
des reliquats thyroïdiens restant aprés une thyroïdectomie totale.
Les différentes étapes conduisant à cette totalisation sont passées en revue, depuis la
préparation du patient jusqu’à la scintigraphie "blanche" en passant par l’administration de la
dose ablative, le traitement des effets secondaires et les contraintes règlementaires liées au caractère
radioactif de l’iode131.
Iode131 / Dose ablative / Totalisation isotopique
RAPPELS
ðLa place de l’Iode 131 dans le traitement
des CDT peut se résumer à 2
grandes indications :
1) En complément du traitement chirurgical
(thyroïdectomie totale ou
presque totale), en vue de détruire
Service Médecine Nucléaire - Hôpital Pellegrin
Bordeaux
le(s) reliquat(s) thyroïdiens macroscopiquement
normal (aux) : c’est la
totalisation totalisation totalisation isotopique isotopique au moyen
d’une dose ablative d’I131.
Son indication dépend des facteurs
pronostiques avec un triple objectif
[1] :
- détruire les éventuelles cellules cancéreuses
contenues dans le reliquat
afin de limiter les risques de récidive.
Correspondance : Martine GUYOT - Médecine Nucléaire - Hôpital Pellegrin - Place Amélie Raba Léon
33076 Bordeaux Cedex – France
Tel. 05 56 79 55 40 – Fax : 05 56 79 61 79 – e-mail: martine.guyot@chu-bordeaux.fr
- favoriser la visualisation de la maladie
résiduelle ou de la récidive grâce
à une scintigraphie de haute sensibilité
(aprés destruction du tissu thyroïdien
sain, plus avide d’iode que le
tissu néoplasique).
- augmenter la sensibilité et la spécificité
du dosage de la thyroglobuline
lors du suivi.
2) En cas d’exèrese tumorale incom-
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Modalités de la totalisation isotopique par l'I131
plète ou de métastases à distance, en
vue d’une radiothérapieradiothérapiemétabolimétaboli- que que, que avec répétition des cures d’I131.
MÉTHODOLOGIE
ðNous appuyant sur les données de
la littérature et les récentes recommandations
de la Société de Médecine
Nucléaire [2], nous passons en revue
les principales étapes qui participent
à la prise en charge des patients en
vue d’optimiser le traitement, tout en
intégrant les caractéristiques de
l’Iode131, notamment en matière de
radioprotection.
Vérification de l’indication
ðL’indication de la totalisation isotopique
doit tout d’abord être vérifiée
en s’appuyant sur les facteurs
pronostiques issus du dossier clinique
du patient (âge, compte rendu
opératoire, compte rendu histologique,
examen clinique).
Préparation du patient
- Le patient reçoit une information
orale et écrite sur les objectifs du traitement,
ses contraintes, ses effets se-
condaires. Pour les femmes en âge de
procréer, on vérifie l’absence de contre-indication
que sont la grossesse et
l’allaitement. Si besoin une contraception
est démarrée et un test de grossesse
réalisé systématiquement avant
la prise d’iode.
- Nécessité d’un régime sans iode : afin
d’optimiser la captation de l’iode131,
un document écrit, listant les principaux
médicaments et aliments à éviter,
est remis au patient (Tableau leau I II).
I
Les principales sources de contamination
iodée et les délais à respecter
entre leur arrêt et la prise d’iode sont
résumés dans le Tableau leau II II. II
- - Tableau leau leau II II -
En cas de doute il est conseillé de
vérifier l’iodurie afin de s’assurer de
l’absence de saturation iodée [3].
Nécessité d’un taux de TSH
supérieur à 25-30 mU/mL le jour
de l’administration de l’iode
- Ce taux est généralement obtenu en
attendant 4 semaines aprés la thyroïdectomie
totale, le patient n’étant pas
substitué en hormones thyroïdiennes
(se rappeller que le caractère incomplet
de la thyroïdectomie peut limiter
l’élévation de la TSH).
Si la totalisation a lieu plus tardivement,
un sevrage hormonal est alors
nécessaire (Tableau leau II II). II
- L’utilisation de la TSH humaine recombinante
(rhTSH) n’est actuellement
pas autorisée en France dans
cette indication, même si les
premièrs résultats semblent prometteurs
[4]. En cas de contre-indication
au sevrage hormonal, ou d’hypo-réactivité
hypophysaire, il est possible de
l’utiliser, moyennant une prescription
magistrale mais la méthodologie reste
à préciser [5].
- Quelque soit la méthode utilisée, on
profite de la stimulation par la TSH
pour réaliser un dosage de Thyroglobuline
(dosage de haute sensibilité)
qui renseigne sur l’importance des
reliquats thyroïdiens et la présence
éventuelle de métastases infra cliniques.
QUELLE DOSE D’I131 ?
ðLe choix de la dose ablative n’est
pas univoque et dépend des habitudes
de chaque centre :
- Certains utilisent des activités fixes
(30 à 150 mCi), d’autres modulent l’activité
en fonction d’analyses dosimétriques
individuelles, l’objectif étant
de délivrer une dose absorbée minimum
de 300 Gy au tissu thyroïdien
résiduel [6]. Dans ce cas, et à condition
que la thyroïdectomie ait été totale,
les reliquats thyroïdiens sont
détruits dans plus de 80 % des cas
[7,8].
En cas de dosimétrie individuelle il
est fortement recommandé de ne pas
dépasser 2 mCi d’I131 pour la dose
traceuse, afin d’éviter une sidération
ou "stunning" du tissu thyroïdien
[8,9].
Si des activités aussi faibles que 30
mCi peuvent être suffisantes (avec
pour avantages : un moindre coût,
une hospitalisation plus courte, une
moindre irradiation corporelle totale)
il y a toutefois un risque de méconnaitre
d’éventuelles métastases infracliniques
faiblement fixantes, l’iode
étant captée préférentiellement par le
reliquat thyroïdien normal.
- En France, l’attitude est plutôt d’utiliser
une activité fixe de 3700 MBq
(100 mCi) permettant une scintigraphie
de haute sensibilité [10].
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- - Tableau leau I I I -
Exemple Exemple du du document document remis remis au au CHU CHU de de Bordeaux
Bordeaux
- Chez l’enfant, l’activité administrée
doit être modulée en fonction du
poids : 1 mCi/kg.
- En cas d’altération de la fonction rénale,
plusieurs études ont montré
qu’il était possible de traiter les patients,
même en cas de dialyse,
moyennant toutefois une évaluation
dosimétrique préalable [11,12,13,
14].
Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2003 - vol.27 - n°3
M. Guyot
ADMINISTRATION DE LA DOSE
ABLATIVE D’I131
- L’I131 est généralement administrée
sous forme orale: gélule ou solution.
Chacune de ces formes présente des
avantages et des inconvénients : la
forme gélule est plus facile à administrer
avec une meilleure radioprotection
pour le personnel de soin
mais présente l’inconvénient d’une
activité pré définie non modulable,
et d’une biodispo-nibilité potentiellement
moins bonne. La forme solution
est plus facile à fractionner mais
présente plus de risques en matière
de radioprotection. Dans les 2 cas, un
dégazage préalable de l’iode volatile
est nécessaire dans une enceinte blindée,
ainsi qu’un contrôle spectrométrique
et de l’activité (traçabilité).
- La prise d’iode131 a lieu chez un
patient à jeûn afin de favoriser la
biodisponibilité de l’I131, si possible
le matin [15].
RADIOPROTECTION DU PATIENT,
DE SA FAMILLE ET DE
L’ENVIRONNEMENT
- La radioprotection du patient est
assurée par une hydratation suffisante
encadrant la prise de l’iode (afin de
limiter l’exposition gastrique) et
poursuivie à raison de 2 à 3 litres/24
h afin de favoriser la diurèse. Une vidange
vésicale fréquente est recommandée
au patient (y compris la nuit)
afin de limiter l’irradiation vésicale et
des organes génitaux. La prise de laxatifs
permet de limiter l’irradiation
intestinale et les artéfacts lors de la
scintigraphie. Douche et shampooing
quotidien diminuent les risques de
souillure et d’exposition cutanée. Les
risques de fausse-couches sont prévenus
en demandant aux femmes en
âge de procréer, d’éviter toute grossesse
dans l’année suivante.
- La radioprotection de la famille et
de l’environnement est assurée par
l’isolement du patient en chambre
protégée. En France, cet isolement est
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Modalités de la totalisation isotopique par l'I131
obligatoire au delà de de 740 MBq
[16] . La durée de l’isolement est souvent
fixe (3 à 5 jours) mais peut être
modulée selon le débit de dose. A la
sortie, des recommandations écrites
doivent être conseillées au patient
afin de respecter les nouvelles normes
en terme de radioprotection du
public [17].
146
TRAITEMENT DES EFFETS
SECONDAIRES
- Les effets secondaires précoces
comme les nausées et les réactions
de type "thyroïdite radique" sont traités
symptomatiquement par des antiémétiques,
des antalgiques et si besoin
des corticoïdes.
- Les effets secondaires tardifs comme
la sialadénite radique sont prévenus
par une hypersalivation pendant les
premiers jours (jus de citron,
chewing gum, bonbons). Le patient
doit également être prévenu des risques
d’agueusie secondaire, habituellement
transitoire.
BILAN D’EXTENSION
ðLa dose ablative d’I131 est mise à
profit pour réaliser un bilan d’extension
grâce à une scintigraphie du cou
et du corps entier réalisée 4 à 7 jours
aprés la prise d’iode: cette scintigraphie
de haute sensibilté permet de
voir les reliquats thyroïdiens mais
surtout d’éventuelles adénopathies
ou métastases infra cliniques qui
pourront bénéficier d’une prise en
charge spécifique.
SCINTIGRAPHIE DE CONTRÔLE
ðThéoriquement et par définition,
une scintigraphie à dose traceuse
d’I131, réalisée 6 à 12 mois aprés la
dose ablative, permet de vérifier la disparition
des reliquats thyroïdiens :
une scintigraphie "blanche" avec une
activité cervicale infèrieure à 1 % de
l’activité injectée étant considérée
Modalities for radioiodine remnant ablation
comme synonyme de totalisation isotopique
[18].
L’intérêt de cette scintigraphie est
actuellement discuté, au profit d’un
simple dosage de thyroglobuline
sous rhTSH.
CONCLUSION
ðLa totalisation isotopique a pour objectif
de détruire les reliquats glandulaires
restant aprés une thyroïdectomie
totale ou subtotale. Celle-ci est
réalisée grâce à une dose d’iode131,
dite dose ablative, administrée selon
certaines conditions afin d’optimiser
la captation par le tissu thyroïdien.
Moyennant des mesures spécifiques
pour la prise en compte des problèmes
de radioprotection, ce traitement
a peu d’effets secondaires et permet
d’optimiser la prise en charge des
cancers thyroïdiens différenciés.
We review the different stages of the post chirurgical radioiodine thyroid remnant ablation
: patient preparation, dose selection and administration of Iodide-131, side effects treatment
and safety precautions bound to radiation protection.
Iodine-131 ablation therapy / Remnant ablation
Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2003 - vol.27 - n°3

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