La police et les jeux de hasard

L A POLICE ET LES JEUX DE HASARD
“De l’argent honnêtement
30 - Mars 2006 - Inforevue
gagné au jeu...”
Texte: Stefan Debroux - Photos: Lavinia Wouters
Pour gagner de l’argent, il faut travailler. Ou tenter sa chance au jeu,
par exemple dans les casinos. Il convient alors de respecter les règles
du jeu visées par la loi sur les jeux de hasard. Trois policiers fédéraux
se sont spécialisés dans ce domaine et veillent au respect de la législation.
Ils ont été détachés, en tant qu’experts, auprès de la Commission
des jeux de hasard du Service public fédéral Justice. Une équipe
d’Inforevue leur a rendu une petite visite

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“Les jeux de hasard
brassent des sommes
considérables, ce qui
ouvre grand la porte au
blanchiment d’argent”
Marc Callu
BRUXELLES – Comment trois agents
fédéraux peuvent-ils être détachés
auprès d’une commission du Service
public fédéral Justice? Marc Callu,
Rik Dupont et Christophe Widar
s’étaient déjà spécialisés dans les
jeux de hasard avant la réforme des
polices. Dans la structure actuelle de
la police fédérale, le pilier judiciaire
ne comporte aucun service central
dont les membres s’occupent à temps
plein de cette matière.
Il existe en revanche la cellule de
contrôle de la Commission des jeux
de hasard (voir encadré), le seul
organe ayant une vue d’ensemble
du phénomène. Marc Callu en fait
partie: “Nous ne sommes ni un
service de police parallèle, ni des
fonctionnaires de liaison auprès de
la Justice. Nous organisons des formations
au profit de fonctionnaires et de
policiers, par exemple à l’Ecole de
recherche. A cette fin, nous avons
également rédigé un vade-mecum,
une sorte de manuel qui explique
comment procéder dans une situation
déterminée dans un casino ou dans
une salle de jeux. Nous prêtons également
notre assistance aux services
de police sur le terrain qui le demandent
car c’est là que le bât blesse
généralement. La loi sur les jeux de
hasard du 7 mai 1999 est une
matière complexe, sans parler des
nombreux arrêtés d’exécution! Un
arbre cache souvent une épaisse
forêt. Et parfois, un agent de la police
locale ne sait tout simplement pas,
lorsqu’il procède à des constatations
dans une salle de jeux ou dans un
café, qu’un jeu déterminé est illégal
ou comment une machine à sous est
trafiquée. Nous ne demandons pas
mieux que de mettre nos connaissances
et notre expertise à la disposition
des autres. Les parquets ont également
de plus en plus souvent recours
à nos services.”
La cellule de contrôle tente de dresser,
par arrondissement, un aperçu aussi
détaillé que possible de ce qui se
passe dans le domaine des jeux de
hasard. “Ce n’est pas toujours facile
parce qu’ici, nous sommes isolés et
que nous ne sommes pas encore bien
connus des services de police.
Toutefois, les informations découlant
des enquêtes pénales peuvent se révéler
très instructives pour nous. Notamment,
eu égard à notre fonction de
surveillance ou au fait que cela peut
avoir une incidence sur le système
d’octroi de licences aux salles de jeux,
casinos...”, affirme Marc Callu.
Al Capone et les Chinois
Au fond, pour la police, les jeux de
hasard constituent un sujet d’enquête
intéressant. Il s’agit souvent de carrefours
où se croisent toutes sortes de
formes de criminalité. Des personnages
notoires tels qu’Al Capone ont
gagné des sommes considérables
aux jeux de hasard. Il y a également
l’histoire plus récente du conducteur de
poids lourds qui avait des dettes de
jeu envers la mafia chinoise. Selon
Marc Callu: “Avoir des dettes de jeu,
c’est être vulnérable. Pour s’acquitter
de son dû, ce conducteur a accepté
de faire passer en fraude 68 Chinois
en Grande-Bretagne. Entassés dans ce
conteneur, ces malheureux n’avaient
toutefois pas la moindre chance...”
“Les jeux de hasard brassent des
sommes considérables, ce qui ouvre
grand la porte au blanchiment. Ce
n’est pas le fruit du hasard si les casinos
sont contraints de signaler à la
Cellule de traitement des informations
financières (CTIF) les joueurs qui mettent
en jeu plus de 10 000 euros.
Mais on ne doit pas nécessairement
entrer dans un casino pour blanchir
de l’argent. Il y a également une
méthode simple et rapide: échanger
un billet de loterie gagnant contre
115 % de sa valeur, par exemple.”
Lorsqu’il s’agit de criminalité et de
jeux, la question fondamentale est la
suivante: quelle est la part du hasard
dans le jeu? Marc Callu répond:
“Ma foi, trafiquer des machines ou
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tricher... ce risque existe. Récemment,
nous avons découvert un appareil
bingo dans lequel des trous avaient été
percés. Les escrocs parvenaient ainsi à
orienter les petites boules et donc leur
chance. Mais ils se sont fait prendre.”
Bingo
Nombreuses sont les histoires concernant
des personnes dépendantes du
jeu qui sont prêtes à tout, même au
meurtre, pour obtenir de l’argent, qui
tombent finalement bien bas et finissent
démunies, dans la misère ou en prison.
La loi sur les jeux de hasard du 7 mai
1999 tend à protéger les joueurs. La
cellule de contrôle veille à son respect.
D’après Marc Callu: “La loi prévoit un
éventail de restrictions. Par exemple,
dans les cafés, les bingos sont interdits
aux mineurs (les autres jeux de hasard
électroniques sont de toute façon interdits).
Afin d’éviter qu’un joueur subisse
en un tour de main une saignée financière,
la loi prévoit qu’un joueur ne
peut perdre en moyenne que 12,5
euros par heure. En outre, les jeux de
hasard électroniques sont interdits dans
les snack-bars et les publicités ne peuvent
pas inciter au jeu... À cela sont
venus s’ajouter les jeux téléphoniques.
Le seuil que les joueurs devaient franchir
pour y participer était bas: il fallait
simplement envoyer et recevoir des
SMS. Toutefois, la facture portait un
coup dur aux finances du participant.
L’impact financier a été réduit grâce à
une modification de la loi proposée
par la Commission des jeux de
hasard.”
En ce qui concerne les casinos et les
salles de jeux automatiques, des
mesures ont également été prises afin
de protéger les personnes dépendantes
du jeu. L’une d’entre elles prévoit
que les joueurs qui souhaitent ne
plus ‘se laisser aller’ peuvent se faire
enregistrer de sorte que l’accès aux
casinos leur soit refusé. Les fonctionnaires
de police figurent, bon gré mal
gré, sur la liste des interdits: leur statut
les empêche de tenter leur chance
dans un casino. Dura lex, sed lex?✓
La police et les jeux de hasard
La Commission des jeux de hasard
La Commission des jeux de hasard
est un organe autonome qui est installé
dans les locaux du Service
public fédéral Justice. La commission
a été créée par la loi du 7 mai
1999 et doit s’acquitter des missions
suivantes:
❚ donner des avis au Gouvernement
et au Parlement;
❚ prendre des décisions concernant
l’octroi de licences à des casinos
(9 en tout), des salles de jeux automatiques
(180), des cafés (7 600),
au personnel de casinos et de
salles de jeux automatiques (2500)
et aux fournisseurs et réparateurs de
jeux automatiques (300);
❚ contrôler les jeux de hasard;
❚ contrôler les titulaires d’une licence
et leur infliger éventuellement des
sanctions;
❚ assurer la protection des joueurs.
D’un point de vue policier, le contrôle
des jeux de hasard incombe à la
police locale. Celle-ci peut demander
l’appui de la cellule de contrôle de
la Commission des jeux de hasard.
La cellule de contrôle se compose de
trois policiers fédéraux détachés:
Christophe Widar, Rik Dupont et
Marc Callu (photo ci-dessus). Ils sont
assistés par 6 attachés revêtus de la
qualité d’officier de police judiciaire.
La loi permet à la Commission des
jeux de hasard, outre de recourir à la
répression pénale, d’imposer ellemême
des sanctions administratives
telles que le retrait d’une licence. Il
s’agit d’un système souple destiné à
punir rapidement l’auteur d’une infraction.
Parfois, les jeux de hasard relèvent
de la compétence de la police fédérale,
par exemple en cas de délin-
quance financière, d’infractions sur
l’ensemble du territoire belge ou
lorsque des méthodes particulières
sont nécessaires. Dans ce cas, la cellule
de contrôle peut collaborer avec
l’Office central de lutte contre la délinquance
économique et financière
organisée.
Le Service de métrologie du SPF Économie,
qui veille à la conformité technique
des jeux de hasard électroniques, est un
autre partenaire de la cellule.
À titre d’information: les loteries et les
paris ne relèvent pas du champ d’application
de la loi sur les jeux de
hasard. Pas encore du moins, car eu
égard aux accusations actuelles et
aux fraudes possibles concernant les
résultats de football, la Commission
des jeux de hasard pourrait également
à l’avenir contrôler les paris sur
les compétitions sportives, les courses
hippiques et les jeux de hasard sur
internet.
Saisissez votre chance!
Les policiers qui souhaitent en savoir
davantage sur la loi relative aux jeux
de hasard ou qui rencontrent des difficultés
quant à son application peuvent
recourir au savoir-faire et à l’expertise
des experts de la Commission des jeux
de hasard. Ces derniers sont toujours
disposés à donner des avis ou à prêter
leur appui sur le terrain.
Si vous voulez vraiment saisir cette
chance, vous pouvez contacter par
téléphone la Commission des jeux de
hasard:
❚ 02 504 00 59 pour les
francophones;
❚ 02 504 00 57 pour les
néerlandophones.
@ www.gamingcommission.fgov.be ✓
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