Essai sur la Musique ancienne et moderne - National Library of ...

SUR LA MUSIQUE. 6?$
Le nom de cordes élégantes que les Italiens donnent en général à
certaines notes diéfces , fait voir que nous ne leur prêtons rien ici , &
apprend à tout le monde ce qu'ils penfent fur ces notes diéfées. Et non-
feulement ils dièfent une quatrième note , comme nous venons de le
dire , mais la cinquième du ton prend fouvent chez eux la même élé-
gance , fans ceffer pour cela d'être cinquième note. C'eft , par exemple ,
un fol dans le mode majeur d'ut , qu'ils élèvent d'un demi-ton , dans
les parties fupérieures , pendant que la note de baffe & le chiffre qui
l'accompagne , font voir que l'Auteur ne veut être qu'en C-fol-ut. ( Voyez
l'exemple $ ). La Mufique Italienne , 8c toutes celles qui font faites à
l'imitation de l'Italienne, font remplies de ces fortes de cinquièmes notes
élevées d'un demi-ton, uniquement par goût de chant. Roulîeau lui-même,
relativement à cette cinquième note , n'en était encore qu'à l'ancienne
idée fur les dièfes , dans fon Dictionnaire de Mulîque , article Quinte ,
lorfqu'il obferve ,
fi mal-adroitement que , dans l'harmonie italienne , la
quinte fuperflue ne fe pratique que fur la tonique en mode majeur', lorfqua
par accident fa quinte ejl diéfée [a). Voyez l'exemple 10. Mais ce n'eft
appelle une cadence imparfaite fur fa tonique. C'eft, par exemple, fa-dièfe ut, pour
repréfenter la cadence imparfaite fa ut. Nous ne croyons pourtant pas que ce maître
pratique lui-même le paflage direct de fa-dièfe i ut , l'oreille l'en empêcherait fan*
doute ; mais ce qui eft fynonyme à cette abfurde harmonie , il fait pratiquer fa-dièfe
portant tierce, quinte & fixte , & pafTant à fol, accompagné de quarte & de Cxte. Voyez
les exemples 6 & 7.
Il faut croire que ce prétendu Harmonifte ignore que l'accord fol ut mi , eft un rerr-
verfement de l'accord parfait ut mi fol, ou qu'il penfe qu'un ut tonique , puifTe avoir
arbitrairement fa ou fa-dièfe pour foudominante , ou ce qui eft la même chofe, qu'un»
fa-dièfe eft également la quarte , la foudominante , d'ut-dièfe ou de Vue naturel.
Voilà où conduit l'imitation mal entendue , lorfqu'on n'a pas de principes. Un for»
qu'on élevé d'un demi-ton eft ordinairement la tierce d'un autre fon ; mais un fon fon-
damental & qui forme une cadence quelconque ne fe diefe pas. On ne dit pas arbitrai-
rement fol-dièfe ut pour fol ut, ni fa-dièfe ut pour fa ut; la-dièfe re ou la-dièft miy
pour la re ou la mi , &c. Sec.
(a) Cette exprefïïon , par accident , fait bien voir que Rouffeau , dans l'adion de
placer un dièfe, comptait la volonté de l'homme pour quelque choie, puifqu'ici le di fe
n'a pas la vertu de faire changer de ton, bien que dans le cas dont il s'agit on change
non-feulement de ton, mais de mode; car l'intention de celui qui place un dièfe ne &ir
tien à cela.