Essai sur la Musique ancienne et moderne - National Library of ...

6 S 2 ESSAI
Le Dtfcours dont nous parlons, fut d'abord écrit en latin par Greifet,
qui le mit enfuite en français , tel qu'il exifte dans fes (Euvres.
L'Auteur définit l'harmonie « un art au-delïus des louanges mêmes :
» un art brillant , confacré dans tous les âges , par l'amour de tous les
» peuples- un art fublime , par qui la terre s'entretient toujours avec
m les cieux , Se paie encore aux immortels le tribut de fes hommages ».
Il fait remonter l'origine de la Mulïque jufqu a Eve , qui eflaya d'imiter
avec fa voix le chant des oifeaux. Il vient enfuite à Tubal , fils de Lamech
qui paffe pour avoir inventé les inïtrumens , &c par conséquent la muii-
que inttrumenrale.
Defcendant de liecle en fiecle , il voit marcher la « Mufique de beautés
» en beautés, de nations en nations, de trônes en trônes. Tour à tout
» le peuple Hébreu , l'heureufe Afiyrie , la favante Egypte , la fage Grèce
» font de l'harmonie une de leurs loix fondamentales. Par-tout elle devient
a; la dépositaire des monumens de la patrie » ; c'eft-à-dire que l'art d'é-
crire n'étant pas encore connu , les Peuples ne confervaient leurs chroni-
ques que dans des vers chantés fouvent; & par le fecours de cette tra-
dition, ils rappellaient leur origine, les exploits de leurs conquérans, les
préceptes de leurs arts, les louanges de leurs Dieux, leur morale, leur
mythologie , leur religion, qui n'était appuyée , établie , que fur les fecours
de la Mufique , puifque c'était par elle que les premiers Légillateurs
étaient fîirs d'engager , de perfuader , de foumettre les efprits. Ils favaient :
« qu'il faut prendre l'homme dans des filets dorés j que c'eft un enfant
» malade j que fi , pour le guérir , on veut lui faire prendre quelque li-
» queur amére , il faut que les bords du vafe foient baignés d'une
» liqueur plus flatteufe , afin que trompé par ce falutaire artifice 5 il boive
» à pleine coupe la fanté & la vie ».
Ainfi Hermès, Orphée, Zoroaftre, cVc connahTant le naturel de
l'homme pour la Mufique , donnèrent à l'harmonie une des premières
places dans le fanctuaire , ôc confièrent au chant l'hiftoire de leurs divi-
nités , les loix des fêtes , les coutumes des facrifices , les hymnes de
victoires , des hymenées , des funérailles j perfuadés que la religion placée
fur l'autel à côté de la Mufique , s'y maintiendrait plus long-tems que fî
fon autorité était feulement gravée fur le bronze ou fur le marbre , & que fî
elle ne régnait que par la terreur au milieu des feux , & la foudre à la main.
Greflet