Essai sur la Musique ancienne et moderne - National Library of ...

S U R -L A MUSIQUE. y 59
que vous me permettrez de vous communiquer. L'an 1571 , quelques
Muficiens obtinrent du Iloi la permiiïion de former une Académie de
Mufique à Paris. Cette Mufique était compofée de toutes fortes de voix
Se d'inftrumens ; mais quelqu'agréable qu'elle fût , comme elle n'était ni
diatonique ni chromatique ni enharmonique , mais que c'était plutôt un
mélange confus de ces trois genres (a) , Se que d'ailleurs elle of.iit par-
courir plufieurs modes dans un même fujet , le Président Dudrac Se
quelques autres membres du Parlement , députés pour examiner cette
nouveauté , la condamnèrent Se k profanent (/>). Oferais-je hafarder une
réflexion fur une conduite fi finguliere? Ces Magiftrats craignirent fans
doute, pour les mœurs des Français, les fuites dont Platon menaçait celle;
des Grecs , fi jamais ils laiftaient le défordre , la confufion , le fcul
changement même , s'introduire dans leur Mufique. La lecture de Platon
faifait l'occupation Se les délices des favans hommes de ce fiecle , S: les
alarmes du Philofophe durent faire d'autant plus d'imprellion fur l'efprit
des Magiftrats Français , qu'ils auraient pu remarquer dans Plutarque ,
Dion Se Maxime de Tyr (c) , que la décadence de la Mufique des Grecs
entraîna celle de leurs mœurs. Mais je reviens à mon fujet : la Mufique
des Grecs fut d'abord d'une fi grande (implicite, que chaque infiniment
n'avait qu'un modc(d)- y ce qui nous donne une raifon de la quantité pro-
digieufe de leurs inftrumens, Se nous découvre en même tems comment
ils parvinrent à fe faine des propriétés des modes une idée fi diftincte Se
(a) C'eft-à-dire précifément la même que celle d'aujourd'hui.
(b) Genebrard. Chronol. lib. 4,
page 351.
(c) Mufica. .. in théâtres & fceni.i corrumpendœ reipublica: initium fade. Maxim.
Tyr. Serm. n. Cela n'a rien de furprenant pour ceux qui connaifTenr les moeurs des
Grecs, leur fureur pour les fpeiftaclcs , & leur extrême fenfibilité : Si duhetn fonum
qui in theatris efficitur nudiverimus , .lie Ammonius dans Porphyre, ita compltbit
aures noflras ut foluto animo deficiamus.
{d) Selon Hygin , Apollon ne l'emporta fur Marfyas, que pareeque celui-ci, qui
fc fervait d'une flûte, uniquement propre au mode phrygien, ne put jamais fortir de-
ce mode ; au lieu qu'Apollon, fur fa lyre, parcourut plufieurs modulations différentes.
Pronome de Thcbes , félon Paufanias , inventa le premier les fltites propres à plufieurs
modulations. Pollux en donne l'invention à Théodore, & Théopluafte , à AiuigeniJat
tous deux de Tbebes,