des Orientaux - Notes du mont Royal

Notes du mont Royal
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Royal » dans le cadre d’un exposé
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Source des images
Canadiana

vn
(_ i
LES PAROLES
REMARQUABLES,
LES BONS MOTS,
ET
LES MAXIMES
DES
ORIENTAUX.
Traduftion de leurs Ouvrages en
Arabe i enPerfan^ Çr en Turc,
Avec des Remarques;
Suivant U Copie imprimée h Paris.
A LA HAYE,
Chez LOUIS & HENRY VAN DOLE,
Marchands Libraires, dans le Poocen,
à l'Enfeigne du Port-Royal.
M. D C. XCï V,
HECA

PA/, ::

yiwJiwiMMJWM^ffi^
twivtrmttvmtttVttttvrê
A
MONSEIGNEUR
P I G N O N5
Premier Prefident aa
Grand Confeil.
MONSEIGNEUR,
Si je prens la liberté de vous
prefenter ce petit Ouvrage, ce
n'ejl point parce que vous êtes à
la tête d'une Compagnie Sou*
ver aine des plus auguftes du
Royaume _, ni parce que vous
avez hérité du mérite j de la
*
doffri-

EPISTRB.
doBrine & de Vamour pour les
belles Lettres de feu M. Bignon
votre illujire Père j & que
vous êtes di flingue dans la Robe
& dans le monde par tant
à? autres belles qualités. Je fuis
eu cela F exemple desOrientaax
qui de toute anciennetéjufques
à nosjour s chacunfuivant leur
pouvoir j ont fait &font encore
des préfens à ceux de qui ils ont
reçu des faveurs. Les bontés
que vous avez* pour moi) parmi
Ufquelle s je compte comme
une grâce toute particulière celle
de m?avoir donné Ventrée à
la doffe AjJ'emblée à laquelle
vous préjidés fi dignement y
m'obligent d'avoir cette reconnoffance.
Si parmi vos occupations
pour le bien du Public v.ou**vés

E P I S T R E.
vés le iems de far courir ce Recueil
jfejpere qu'il ne vous déplaira
point ; parce qu'il contient
des chofes qu'on peut regarder
comme nouvelles, pnifque
très-peu de perfonncs ont
'l'intelligence des Originaux
d'où elles font tirées. Néanmoins
quelquej'ahsfaB ion qu'il
puijjè vous donner 3 je rfojepœs
le regarder comme un préjent
il n'enferoit pas digne y je vous
Jùpplie j MONSEIGNEUR ,
de ne pas le confiderer par cet
endroit-là ; mats > par le -zcle
& par la paffion avec laquelle
je Jitis très-rejpeëfueufement-j
MONSEIGNEUR,
Vôtre très-humble 5c
très-obéi liant Serviteur,
A. GALLAND.

xAVE R TIS SE ME NT.
•Et Ouvrage renferme
deux parties 3 Tune
des Paroles remarquables
& des bons Mots des
Orientaux, Se l'autre de
leu r$ Maximes. Le Lefteu r
qui aura quelque connoiffancedes
Ouvrages des Anr
xv.ab ) ruinai qut-ia *au«y jpvine
que le premier titre eft
l'interptetation ou l'explication
de celui d'Apophthegmes
fous lequel Plutarque
nous a lailTé les Paroles remarquables
& les bons Mots
des anciens Rois, des Capitaines
Grecs Se Romains &
des Lacedemoniens. Le titre
de, Diffa memoratu digna y
c'eft-

lyfvertijfetnmt.
c'eft-à-dire, de paroles dignes
de mémoire, que Valere
Maxime a donné en partie
au Recueil que nous avons
de lui , n'en eft pas aufli
beaucoup différent.
Le deffein de Plutarque
dans fes Apophthegmes >
comme il le marque en les
addreffant à PEmpereur
Trajan^fut de faire voir quel
était l'cfprit de ces grands
hommes. Mon deffein eft
auffi de faire connoître quel
eft PefpritSc le génie desOrientaux.
Et comme les Paroles
remarquables reprefentent
la droiture & Péquité
de Pâme , & que les bons
Mots marquent la vivacité,
la fubtilité, ou même la naïveté
de Pefprit, on aura lieu
* 4 fous

Avmiffement.
fous ce double titre, decon*
noître que les Orientaux
n'ont pas l'efprit ni moins
droit, ni moins vif que les
peuples du Couchant.
Sous le nom des Orientaux,
je ne comprenspasïeuîement
les Arabes & les Per*
fans^mais encore les Turcs &
les Tartares, & prefque tous
les peuples de PAfie jufques
à la Chine * Mahométansdç
Païens ou Idolâtres. Les Paroles
remarquables de Ginghiz
Khan 6c d'Ogtaï Khan
«que j'ai rapportées, font foi
que les Tartares & les Turcs
qui font les mêmes que les
.Scythes, confervent encore
aujourd'hui le même génie
& à peu prés les mêmes coutumes
que celles dontJQuur-
; • ; te

•Avertijjement.
te Curce Se d'autres Auteurs
anciens ont fait mention.
Mais , c'eft ce qui arrive à
toutes les Nations qui ne
changent pas le principal ca*
raftere, fuivant lequel elles
penfent & elles agiflent.
J'attribue aufli aux mêmes
Orientaux les Maximes qui
font la féconde Partie 3 parce
qu'elles ne font pas feulement
tirées des Livres ÀtabeSj
mais encore, des Ouvrages
des Perfans & des Turcs,
dont les Auteurs ont fuivi
chacun le génie de leur Nation.
Valere Maxime, comme
il le dit, ne s'étoit pas proposé
de ramafler toutes les paroles
remarquables des Ro*
mains & des autres Nations.,
* 5 par-

Avertiffement.
parce que c'étoituneentreprife
d'une trop vafte étendue.
Pour la même raifon, je
n'ai pas eu auffi en veuë de
recueillir toutes les paroles
remarquables, ni tous les
bons Mots des Orientaux.
Néanmoins j fi le Recueil
que j'en donne prefentement
aie bonheur déplaire , fuivant
l'intention que j'ai de
contribuer quelque chofe à
la curiofité du public, je travaillerai
avec plaifir à en
donner un fécond Volume a
& pour cela je confulterai
d'autres Originaux que
ceux que j'ai confultes pour
recueillir celui-ci.
J'ai puifé des mêmes Originaux
ou des connoiflTances
que j'ai acquifes dans mes
voya-

Averti]} r entent.
voyages au Levant, les Remarques
que j'ai crû neceffaires
pour l'intelligence entière
des paroles remarquables
& des bons Mots qui
m'ont paru en avoir befoin.
Ainfi, elles ne contiennent
rien que je n'aye lu dans les
Livres Arabes , Perfans oc
Turcs, ou que je n'aye vu Se
connu par moi-même. Je les
31 mifï* *»~~*->1r»vppç o marniier
le tems auquel vivoient les
Califes, les Sultans, les Princes
& les autres perfonnes
dont il y eft fait mention, Se
je Pai fixé précifément en réduifant
les années de P Hégire
aux années de la naiffance
de Jefus-Chrift.
J'ai extrait tout cet Ouvrage
en partie de Livres impri-

Avertiflement.
primés & en partie de Ma^
nufcrits. Les Livres impriprimés
font, PHiftoire de$
Califes par Elmacin., l'Hiftoire
des Dynafties par Abou-lfarage,
l'une & l'autre
en Arabe, & le Guliftan Ouvrage
de Sadi en Perfan.
Les Manufcrits font., le
Bahariftan de Giami en Perfan
compofé fur le modèle
duGuliftaiu L-îsftruêfeion
d'un Roi de Mazanderan
pour fon fils auffien Perfan.
Je parle amplement de cet
Ouvrage & de fon Auteur
dans les Remarques. L'Abrégé
de PHiftoire Mahometane
en Perfan fous le titre
d'Hiftoire choifie dont il y a
une Verfion en Turc que j'ai
confultée. Un autçe Abrégé
de

'Avertijjement.
de la même Hiftoireauflî en
Perfan par Ommiajahiade
Cazbin. L/Hiftoire de Ginghiz
Khan en Perfan par
Mirkhond faifânt partie de
fon Hiftoire générale comprife
en fix Volumes in folio.
I/Hiftoire en Perfan de
Schahroch fils de Tamerlan
& de (es fucceffeurs par AbdurrizzacEfendi.
L'Hiftoire
Univerfelle de Mehemmed
Lari ou de la Ville de Lar
dans la Perfe écrite en Perfan,dont
il y a une traduftion
en Turc qui fe trouve à la
Bibliothèque du Roi.L'Hiftoire
Ottomane depuis Sultan
Ofmanjufques à Sultan
Selim Premier inclufivement,
par Cogia Ef endi autrement
nommé Saad-eddin*
' ... L filS

A-tertijJement.
fils d'un favori du même
Sultan Selim. L'Hiftoire des
Poètes Turcs par Letifi qui
vivoit du tems de Sultan Soliman.
Deux Recueils de bons
Mots en Turc dont j'ai choiû
ceux qui meritoient d'être
publiez. J'ai négligé les
autres, parce qu'ils étoient
trop vulgaires ou trop libres
& indignes de la curiofité
des honnêtes gens-
Les Maximes font recueillies
de celles qu'Erpenius&
Golius ont* fait imprimer
confufément & fans diftinction
avec les Proverbes Arabes,
de deux Recueils Manufcrits,l'un
que j'ai rapporté
de Conftantinople j &
Pautre qui fe trouve dans la
Bibliothèque de feu M.
The.

Avertijjement.
Thevenot, des Tables Indiennes
de Bidpai tant en
Perfan qu'en Turc , & de
quelques autres Livres de
Morale Arabes, Perfans Se
Turcs tant en Vers qu'en
Profe. Ceux qui auroient pu
fouhaiter que les Maximes
fuflent difpofées par ordre
des matières pourront fefatisfaireen
consultant la Table
qu'ils trouveront à la fin
du Livre.
Je pourrois m'étendrefur
les qualités de l'efprit des Orientaux.
Mais, ce feroit
peut-être diminuer le plaifir
du Lefteur que de lui expofer
par avance ce qu'il aimera
mieux fentir par lui-même.
C'eft pourquoi y je lui laifle
ce plaifir tout entier, afin
qu'il

Avertiffemenu
qu'il juge par le témoignage
même des Orientâux^plûtôt
que par ce quej'en potirrois
dire, s'ils ont raifon de croire
qu'ils ne font pas moins partagés
d'efprit & dé bon fêns
que les autres Nations qui
nous font plus connues à
caufe de leur voifinage*
^aï
; !
LES

LES
PAROLES
. REMARQUABLES
ET
LES BONS MOTS
DES ORIENTAUX.
iN Mahometan confultoit
Aïfcheh une des
femmes de Mahomet,
& lui demandoit confeil
fur la conduite de fa vie. Aïfcheh
lui dit : Reconnoifles un
Pieu, retenés vôtre langue, repri -
A niés

i Les bons Mots
mis voue çoleie, faites açqmfîrioji
delà fcience, demeurés Ferme dans
r vôtre Religion, abftenés-vous de
faire le mal, freqrkntésllei bônsl
chain, foulages les pauvres de vos
aumônes > & attendes l'éternité
pourrécompenfe.^ t
" REMARQUE. Suivant les Hiftoires
des Mahometaas > Mahomet a eu quatorze
femmes., Àïfch^ i cjiii ; fôt de ce
nombre e'roit fille d'Aboubekir qui fut le
premier fucceiTeuç dfifCa£
me Maavia-agée àt 6 5. ah*. l '* " " '
Hormouian Gouverneur de, la
Ville de Schoufchter capitale du
Khouziftait pour lé R& àe Pecfeï
combattit foixatite & dix Fois dontre
les Arabes dânfrle tèn$dinâ^ohquête
qu'ils firent dit RcfoOine de
Perfe; mais enfin les Arabes le fi- :
rent prifôtiflier^d le èonduifiremà;
Omar fecond fu&Jèfléat de Ma&o^
met,

dis Orientaux. 5
met, qui commanda qu'on le fît
mourir. Avant l'exécution de cet
arrêt Hormouzan demanda à boire ;
mais la frayeur de la mort l'avoir tellement
faifi qu'il n'eut pas la force
de boire l'eau qu'on lui apporta.
Omar lui dit de reprendre les efprits,
& qu'il n'avoit rien à craindre
qu'il n'ût bu. Mais, voyant qu'il
ne beuvoit pas, il ordonna qu'on
lui coupât la tête. Hormouzan s'écria
: Quoi ! vous m'avés donné ma
grâce 8c vous ne tenés pas vôtre parole
? Omar étonné demanda comment
il Pentendoit? Hormouzau
répondit: Vous m'avés dit que je
n'a vois rien à craindre que je n'eufîe
bu, je n'ai pas bu. Ceux qui étoienc
prefens dirent qu'Hormouzan avoit
railon, & Omar lui donna la vie.
REM^RQlJES. On a remarque'avant
moi que Schoufchter eft l'ancienne Sufe
où les Rois de Perle alloienrpafTer l'hiver
, parce qu'elleeft dans un climat fort
«haud, comme tout le Khouziftan, qui
A x eft

4 Les bons Mots.
eft encore aujourd'hui une des Provinces
du Roîaume de Perfe, borne'e au couchant
parle Golphe Perfique.
Hormouzan oublia la grâce qu'Omar
lui avoic faite, & fut un de Ces aflàflîns.
Taher Fondateur de la puiflânee
des Taheriens dans le'Khoralïan
avoit tué le Calife Emin, & par cet
afîaflinat il avoit été caufequeMamoun
frère d'Emin avoit été élevé à
la même dignité de Calife. Mais,
Mamoun qui nefcfioitpasàTaher
nonobftant l'obligation qu'il lui
avoit l'envoya au Khorafian en qualité
de Gouverneur pour l'éloigner
de fà Cour. Pendant qu'il étoit
dans ce Gouvernement Mamoun
déclara pour être Calife après lui Ali
Riza le huitième des douze Imams
fùcceflcurs d'Ali, & l'envoya an
Khoraflan, où Taher fît la cérémonie
de le mettre fur le Thrône dans
la ville de Merou, & en lui preftant
ferment» il lui dit: Ma main droite
a élevé Mamoun & ma main gauche

dès Orientaux. 5
che vous rend le même office. Ali
Riza repartit : La main gauche qui
cleve un Imam fur le Thrône, peut
s*appeller la main droite.
REMARQUES. Cette atfion tle Taher
& raffaflînat du Calife Emin firent
dire de lui qu'il étoit à deux mains. Il
mourut Pan del'Hegire no. c'eftà dire
Kàn de J. C. 815. après avoir pris le titre
de Roi quelque tems avant fa mort.
Le mot d'Ali Riza eft fondé fur ce
qu'e'tant de la race d'Ali & par confequent
de la race de Mahomet à caufe de
Fatime fille de Mahomet qu'Ali avoic
c'poufée, il croïoit être plus digne fuccedeur
du Califat que Mamoun & que les
predecefieurs de Mamoun , que lui &
tous ceux qui étoient dans les intérêts de
la race d'Ali regardoient comme des ufurpateurs.
Son autorité' en qualité' de Calife
fut reconnue', & l'on frappa monnoïe
àfbn nom. Mais cette autorité ou cette
pui(Tance égale à la pui(Tance de Mamoun
ne dura qu'environ deux ans ; car Mamoun
fe repentit de la lui avoir donnée,
& lefitempoifonner à Tous dans le Khoraflan
où il mourut. Après fa mort fon
. corps fut porte' & enterré dans un lieu du
territoire delà même Ville qu'on appel-
Ioic Senabad, où on lui drella un tom-
A 5 beau.

$ Les bons Mots
beau. Depuis, la devotion y.a attiré qft
fi grand nombre de Mahômètans qu'il
s'y eft formé une Ville qur porte le nom
de Melched > & le mot de Melched fîgnU
fie un tombeau , mais un tom}>eau d'une
perfor.ne morte d'une mort violente »
ou plutôt d'un Martyr ; parce que les
Mahometans regardent Ali Riza comme
911 Martyr : car chez eux ,ceu* qui mçuientde
mort violente par ordre du Prince*
çu à la guerre font appeliez & crfcs Marryrs.
La dévotion pour le Tombeau d'Ail
Riza continue toujours j & les Mahomeçans^y
vont encore aujourd'hui en pèlerinage
, particulièrement cea* du Khoraf-
(an &c des Provinces voifines.
Le KhoraiTan dont il fera* ncorc patté
dans ret outrage eft une graade Proviflco
ou plutôt un Royaume con&df rablc et*
deçà de l'Oxus qui comprend l'Ariane»
la Ba&riane & les Paropamifadc* des Aon
ciens. Les Uzbees font aujourd'hui le*
Maures de ce Royaume » de même que
du Maverannahar , c'eft-à-dire delà
Traufojiane ou de la Sogdian* dont Samarcande
qui étoit la Macacaade dont il
eft fait mention dans QXua* • eft la capital^.
Jacoub fils de Lei ts qui s'éroit fait
reconnokre Souverain après s'être
cm-

dès Orientaux. 7
emparé de la ville de Siftan & de
l'Etat de même nom, entra dans le
Khorailan pour le fubjuguer, & alla
attaquer Mehemmcd fils de Taher
le cinquième des Taheriens,
dans la ville de Nifàbor dont il avoit
fait la capitale de fbn Royaume,
Mehemmed ayant appris qu'il approchoit,
envoya lui témoigner
qu'il étoit prêt de fè (bûmettre s'il
avoit des Lettres avec le Sceau du
Calife; mais, qu'il s'étonnoit de fà
venue s'il tfavoit pas d'ordre. Jaçoub
qui ne reconnoiflbit pas Tau*
torité du Calife tira fon fibre dut
fourreau Se dit: Voici l'ordre que je
pot te : & entra dans Nifabor où il
fit Mehemmed prifbnnier avec cent
foixante personnes de fà famille, 6c
les envoya tous à la ville de Siftan
(bus bonne efeorce./
DEMARQUE. Lcitspered'Jacoub de
qui il cft ici parlé, s'appeïloit Leics Saffar,
c'eft-à-dire, le Marchand de cuivre
à caufe de fa profeifion, & de ce nom de
A 4 Saj>

8 Les btms Afefc
Safxàr , Jacoub fur appelle SafFàrien de
même que fon Frère Amrou & Mehem^
rrrçd fils de Tahet qui iegnefeht après lui.
Jacoub dès fa jeundfle 1 eût Une pailion fi
forte pour les armes, que fon père qui fit
tout ce qu'il pouvoir pour l'engager dans
ù. profcfîîon , fut contraint de l'abandonnera
faconduire; & alors,'comme
il fe vit libre de fes adions, jMe fit vo*
leur degt,aods chemins -, mais ilavoit la
modération de laiiler toujours quelque
dv>fôa ceux qu'il voloit." un jour il enfonça
le Th refor de Di rh€rh Gouverneur
du Siftan pour le Calife & y entra. Dans
l'obfcùrite', il mit d'abord.la main fur
quelque chofe qui avpit unpeu-d'ecla:,
croïant que c'étaient des pWfeïies, &
porta ce qu'il prit à la tëoitëhfcifïriaîsil
trouva quec'étoit du M., En marne, tems
0ns toucher à autre chofe » il fortitdu
Threfor par l'ouverture qu'il avoit faite
& fe retira. Le lendemain, fe'Gbùvér-neur
aïant fu ce qui s'étok parte & que
rien n'avok été enlevé du, Threfor, fît
nublief. qu'il pardonnoit au yolèur,. qu'il)
pouvoir fe déclarer en toute furète, &
que non feulement 1 il rrc'fc ma 1 rtraîteriMt
pas ; mais encore > qu'il feroit ce qu'il
pou rr oit pour l'obliger. Sur la parole du
Gouverneur, Jacoub parut & fe prefenta
à lui. Le Gouverneur lui demanda quelle
raifon il ayoit eue pour ne rien emportée
du

des Orientaux* 9
da Threfor. Jacoub lui raconta \s choie
comme elle s'étoit paflée & ajouta: J'ai
cru que j'étois devenu vôtre ami en mangeant
de vôtre fel, & que par les loix de
cette amitié 7 il ne m'étoit pas permis de
toucher à rien dece qui vous appartenoit.
Dirhem lui donna de l'emploi dont il
s'acquita avec tant de conduite & de valeur
qu'à la fin par degrésilJefît Général
de fon Arme'e. Mais, apre's la mort de
Dirhem» Jacoubfe pre'valant de l'autorité
qu'il avoit en main , chafla les Fiîs
de Dirhem & s'empara du Siftan » &
après le Siftan, du Khoraflàn i de la Per-
£è, & de pluileurs autres Etats dont il en
forma un d'une grande étendue & rréspuiflant.
Il mourut l'an 161. de l'Hegire,
dej. C. l'an 875.
Amrou Leits fucceda à fon frère
Jacoub & augmenta confiderablemen
le Royaume qu'il lui avoit laiffé5
& pour s aggrandir encore davantage,
il conçut le deflein de détruire
le Calife & lui déclara la guerre.
Mais, le Calife lui oppofa ICmaïl
premier Roi de la race des Samaniens,
&Ifmaïl le fit prifonnier
& t'envoya au Calife. Amrou étoit
- A 5 un

io L*és boni Mais
uti Prince très-magnifique & três'fplendide,
& il ne fallok pas moins
de trois ceht chameaux pour porter
feulement l'attirail de la cuifirie lor£-
• qu'il étoit en campagne, iç jour
qu'il fut vaincue arrêté prifbnnier
par Ifm'aïl, il vit près de lui le Chef
de fa cuifine qui ne l'avoit pas abandonné,
& lui demanda s'il n'avoit
rien à lui donner pour manger. Lç
Cuifinier qui avoir un peu de viande
la mit aum tôt furie feu dans une
marmite , & alla chercher quelqu'autre
chofe pour régaler fbn Maître
dans fa difgrace le mieux qu'il lui
feroît poffible. Cependant, un
Chien qui vint là par hazard mit la
têce dans la marmite pour prendre la
viande ; mais, il ne put le faire auffi
promptément qu'il ralloitàcaufêdë
l'ardeur du feu qui le contraignit
d'abandonner Ton entreprit. En relevant
latête, l'anfè delà marmite
lui tomba fur le cou, & il fit ce qu'il
put pour fe dégager 5 'mais ne pou*
vant

des Orientaux. xi
vaut en venir à bouc, il prît la fuite
& emportai marmite. A ce fpectacle,
Amrou ne put s'empêcher de
feire un grand éclat de rire nonob*
ûantJadifgrace > & un des Officiers
qui le gaïdoiént * fur/pris de ce qu'un
Roi prifonnierpouvoir rire, lui en
demanda le fîijet; Il répondit.: Ce
matin trois cent chameaux ne fuffifoient
pas pour le tranfport de ma
cuifînè, & cet aprèfdînéyous voyés
qai'iui.çhien n'a pas de peine à l'emportée..
REAIARQIJES^ Le Calife de qui il eft
parle' ci-de(ïus e'toit Mutadad qui retint
Amrou prifonnier pendant deux ans.
Mais à la mort dé ce Calife Amrou fut néglige-
$ç mpuruE de foi m dans fa p rifon.
Mutadad mourut l'an de l'Hegire 18 9 .de
J.C,l'ari 961.
lïn Efclave d'Amrou Leîts prit la
fuite; mais des gens envoyez après
lui le ramenerenr, & le grand Vizic
àt ce Roi qui lui vouloit du mal*
follicità'Amrou avec chaleur de le
A 6 faire

il Les bon f Mus
feirc mourir ^ lai infpiàtoto qtie" c»
feroit un exemple pomUes autres,
& quecelajleur apprendrait a ne-pas
fmti, A ce# -patdles » à'jsfdâvé fe
profterna fë vi£àgâ coacrçitbï3eîd^
vant Amrou & lui âiit Tom ce
qu'il plaitaà vâtreMàjéftéd'oidon*
âer de 1 ma deftiuee fqrtf bien '-ordonné,
unEfèlave n'a rien appliquer
contre le Jugement de for* Seigneur
& Maître: mais parce-qae.jîa£jété
élevé & nounfr dans rvôcrc Palais:,
par reconnoiiïance je nevoadïôi$
pas que yqus enffiés à répondreau
jour du Jugement d'avoir fait rerfer
mon (ang. Si elle veut me ^ire
mourir, qu'elle le fafle au moins
afvec quelque prétekté dé jaftice.
Àrrirou fui demarîda avec qùd prétexte
il pourroit le faire ? L'Efclàve
répondit:. Permettes - moi de tuer
le Vizir, & faites-moi perdre la vie
pour vanger la mort vous fe fêtés
avec raifbn. Amrou rit 4e laplaiiàr*-
Kric. iç TEfclavc & dcajaRcUau Vizir

des Orientaux. 13
zk ce qu'il en penfoit : Le Vizir ré -
pondit: Je fùpplie vôtre Majefté
cje pardonner à ce malheureux, il
pourroit me jéttér moi - rç'ême dans
quelque malheur. Te mê fuis attiré
celajâar ma faute ,. parce que je n ai
pas confîderé que quand on veut
tuer quefqu!uri 5 on n'eft pas moins
expoié à être tué que celui que l'on
veut tuer-
Dans un des premiers fîecles de la
Religion dé Mahomet, un Mahometan
difoit qu'il étoit Dieu. Oh
lui dit : Il y a unan que l'on fit mourir
un tel qui fe dûoit Prophète, ne
craignes - vous pas qu'on vous falle
le même traitement? Il répondit:
On a bien fait de le faire mourir,
parcequejenel'âvois pas envoyé.
REMARQUE. Touchant ce faux Prophète
puni de mort> il eft à remarquer
que les Mahometans tiennent que Mahomet
eft le dernier des Prophètes » que
Dieu ne doit pas en envoïer d'autres, &
qu'ainfî ils font perfuadez qu'ils peuvent
aire mourir ceux qui, fe donnent cette
. ,'* À 7 qua-

14 Lesiw&SMtÈs
qualité j parce qu'ils Içs*regardent comme
desperturbateurs durepQSfpublic. . ,
XXn Calender n'obfërvoiï pas le
jeune du Ramaz^n ot fe^pnnoitjen-'
core avec cela lalicencëâé Boire du
vin. On lui dit: Puis quèvoiis ne
jeûnes pas, au mcrins vous hé dè-J
vriés pas boire devin, 'ïïrépandit:
J'ai renoncé à la pratique d'un précepte
, voulés-vous que j'àbandonencpre
la. pratique de^çette. tràfUtion?
: '•'•
» : v.. ii r r » : •....•!
comme on le voit par l'exemple de celui
ci. .-.;.. ; " '- _
On appelle encore Calender !é Chef
d'une Nation, d'une Tribu, d'unPenple,
&c. Par exemple, dans l'Hiftoire
de Scharoch, & des aurres Ris & de&endans
de Tamerlan-, lés Chefs de vingt à
treote-millc Turcomans qui avoientpaf.
fede

dés Orientaux. î{
fe de la Perfe au Khoraflan pour s'y établir
font nommés Calenders. Les Arméniens
d'Ifpahan qui demeurent dans le
quartier de Julfa, ont aufli un Chef qui
porte le nom de Calender> & en cette
qualité c'eft lui qui rcprefente lesbefoins
de fa Nation au Roi de Perfe ou à Cçs Mjniftres,
& qui fait exécuter les intention^
de la Cour par fa même Nation.
On prefenta un jour au Calife
Haroun Errefchid un de fes Sujets
qui fè difoit Prophète. Le Calife
qui ne douta pas que le prétendu
Prophète n'eût la cervelle renverfée,
aflèmbla fes Médecins pour
une confultation touchant leremer
de qu'on pourroit lui faire. Les
Médecins convinrent que les méchantes
nourritures avoient caufë ce
bouleverfèment d'efprit, & dirent
au Calife que de bons alimens pourroient
lui procuter la gueriforu Le
Calife ordonna qu'on prît le foin de
le bien nourrir pendant quarante
jours, & pour cela qu'on le conduiiit
à la cuifine de Ton Palais. Les quarante

i6 Lfsfapflftfofj
ranre jours expirés leGaUfelefk venir,
&lui demanda s*il étoit encore
Prohete, & fi l'Ange Gabriel
yenoir toujours lui ajanônçer les ordres
de Dieu ? Le fauxProphète répondit
: L'Ange Gabriel me marque
que Dieu y parce ijue je lui fuis
agréable, m'a fait une grâce toute
iînguliere en me procurant la bonne
cuifineoùjefuis> & me commande
de n'en pas fbrtir*
REMARÇUES. Haroun Errefchià Bit
îe cinquième Calife de la race des Àbbaflidest
& mourut l'an de l'Hegirei 93. de
-}.Cl'an 808.
Les Mahomecans tiennent que Dieu
fait faire tous fes Meflages par l'Ange Gabriel,
& c'cft de là qu'ils veulent que ce
loit lui qui ait dicté l'Alcoran à Mahomet
, & qu'ils appellent les rêveries qui y
font contenuës> la parole de Dieu.
Un bon homme de Sivri-Hiflàr
difoit à un de fes voifins qu'il avoir
jgrand mal à un œil & lui demandoit
s'il ne fâvoit pas quelque remède. 2
Xc

des Orientaux. 171
Le voifin répondit : J'avois Tan paf-:
fé un grand mal à une dent y je la Rs
arracher & j'en fus guéri, je vous
confeille de vous lèrvir du même remède.
REMARQUE. Sivri-HifTareft une petite
ville de l'AnatoKe dont les Habicans
ont la réputation d'être fimples.
. Dans la même ville de Sivri-Hi£
iâr un homme enfèrmoit tous ks.
jours (à hache a la clef dans un co£
fie. Un jour fa femme lui en demandant
la raifon, il répondit: Je
crains que le chat ne la mange. La
femme repartit: Vous vous mocquez,
les chats ne mangent point
de haches. Le mari répliqua: Le
bourreau 1 il nous a mangé un foie
qui nous coûtoit un afpre & demi,
pourquoi voulés-vous qu'il ne mange
pas une hache qui en coûte vingt*
[ REMJRÇIJE. Un Afpre eft une pe.
tite monnoye d'argent de la valeur d'environ
deux liards, qui a cours dans l'Empire

18 Les htm* Mets
pire Ottoman que les Xtrcçs appellent
Akgeh, c'eft - à - dire; un blanc, & les
Grecs ont traduit ce mot dans leur langue
par celui ciritfi qui figmfié aufli un
blanc Delà, nt>î» Marchaûs François qui
font à Conftantinople & en d'autres Echelles
du Levant, & même nos Voyageurs,
ont fait celui d'af^re > que l'ufa-
*ge femble avoir au torifé plutôt que notre
mot de blanc, qui cependant en fcrpit la
véritable interprétation.
Une Mahometane d'une grande
laideur, demandoit à [on mari : A
qui de vos parens voulez-vous que
je me faile voira LemariijéponcUt :
Ma femme, fajtesvoijs vpir^qm
vous voudœs^ j^5ri fajai cpntçru>
pourvu que je puilTe, pCyçûs^p^s
voir. .', . ;
REMARQUE. Puifqaé'cette femme
c'toit fî laide on, poujcrott demander pour^
quoi le mari l'avoir éfâ\iÇéfir> *oa^, il,
ejft aifé de repeindre que"parmi les Ma ho- 1
meta ils de même qde*pif rriï'hôuV, >on'
prent des femmes, par intercède famille,
& parce que le père & îa mère lé' veulent.
De plus, c'eft aufà parce qu'on les prent
prefque toujours fans les avoir veuesaupara-

des Orientaux. 19
paravant le vif âge découvert, & quand
oh lésa éponfées elles ne peuvent fe découvrir
le vifage devant perfonhe qu'avec
la pçrmiflion du mari •, parce que
c'eft un péché à une femme Mahometanede
fe faire voir à un autre Mahome-*
tan qu'à (on mari. Mais j'ai lu dans un
de leurs Livres que ce n'eftpas un péché
pour elles de fe faire voir à d'autres qu'à
desMahometans. En raifonnant fuivant
leurs principes en voici la raifon * fi je ne
me trompe. Ceft cm'ils croyent que leurs
femmes en fe faiiant voir à des Chrétiens»
par exemple > ou à des Juifs, ne
feront pas faciles à fe laitier corrompre»
premièrement à caufede l'averfîon contre
les uns & contre les autres dans laquelle
ils ont foin de les élever, & ea
fécond lieu àcaufe du rude châtiment de
lapidation ou de fubmerfion auquel elles
font condamnées lorfqu'elles font convaincues
de ce cri me. Ils regardent auffi
le grand bien qui peut en revenir à leur
Religion , en ce que les Chrétiens ou les
Juifs retenus d'entreprendre de corrompre
des Mahomeranes de la crainte du
feu, peuvent par ce moyen en devenir
amoureux & abandonner leur Religion
pour en époufer quelqu'une. Il eft certain
qu'ils ont cette veuë & qu'elle ne
leur a réiiffi & ne leur réùflit encore que
tfop-
Un

20 Les bons mctr
Un Cadis interrogèôit en prefençe
d'un Sultan, un Mahbmetan
qui k difbit Prophète, ÔC lefbmmoit
de prouver fà Mrffion par mi
Miracle. Le Prophète prétendu dit
que ià Million étoit évidente en
ce qu'il reflufcitoit les morts. Le
Cadis aïant répliqué que c'étoit ce
qu'il falloit voir & qu'il ne fuffilbit
pas de le dire, il dit au Cadis: Si
vous ne me croies pas, faites - moi
donner un fàbre que je vous coupe
la tefte, & je m'engage de vous
refîuïciter. Le Sultan demanda au
Cadis ce qu'iîavoità cfiïetà-deffus?
Il répondit: Il n'eft plus.befoinde
miracle, je l'en tiens quitte, &je
croi qu'il eft Prophète.
REMJRÇïXJE. Sur ce principe que tes
Prophètes doivent prouver leur Mtfîion
par un miracle, les Mahometans qui
croyentque Mahomet cft le dernier des
Prophètes & que Dieu s*eft fait une toi
de n'en pins envoyer aprèstui, tiennent
pour confiant qu'il a partagé la Lune en
deux du bouc de Ton doigt » & fur ce faux
miracle,

des Orientaux 21
miraele> ils ont l'aveuglement de le tenir
pour Prophète & d'ajouter foi à tout
ce qu'il leur enîèigne dans r Alcoran.
Dans la ville de Samarcande, un
Savantprit place dans une afîembléc
au demis d'un Mahometan qui favoit
l'Alcoran par cœur. Celui-ci
offenfé de la hardiefle du Savant,
demanda à la Compagnie: D'un
Alcoran & d'un autre Livre, fi c'étoit
le Livre ou 1 J Alcoran qu'onmet'tok
deflus ? Le Savant qui comprit
fbn intention dit} C'eftl'Alco
ran qu'on metdeiïus, mais non pas
FétuideFAcoran.
REM4RQXJE. Les Mahometans ont

s 2 Les bons Mois
Comme î* Alcoran elt d'un grand ufage
On le met ordinairement dans un étui de
drap* pour le cônferver ; & tt drap eft
prelque toujours vcrd. Ou le merauflî
dans dés étuis de cuir ou de carton. On
Faitde même des étuis de cuir ou de carton
pour d'autres livres, particulièrement
lors que la relieure n'eft pas commune, &
qu'on veut la cônferver.
Un Chrcftien fe fit Mutfulman.
Six mois après, les voifins quiTa>
voient ôbfèrvé(& qui avoient remarqué
qu'il fè difperifbit de faire
par jour les cinq prières auxquelles
il étoit obligé comme tous les autres
Mahometans, ils le menèrent au
Cadis afin qu'il en fit le châtiment,
& le Cadis lui demanda la raifon de
là conduite. Il répondit: Seigneur,
lors que je me fis MtuTulman ne me
dîtes-vous pas en propres termes que
j'eftois pur & net comme G je venois
de lortir du ventre de ma mère ? Le
Cadis en étant tombé d'accord, il
ajouta: Sicelaeft, puifqu'il n'y a
que fix mois que je fuis'Mttiïulrnan,
Je

du Orientaux. 2$
je vovfs demande (î vous obligés les
cnfans de fix mois de faire la prière?
KEM*4RQTJË. Ceci fait voit que chez
les Mahometans > les eau Tes qui regardent
la Religion font jugées par les Cadis
de même que les càufes civiles.
Un autre Mahometan qui ne faifoit
pas la Prière fut mené de même
en Juftice. Sur la demande que le
Cadis lui fit de la canfe de cette négligence,
il répondit: Seigneur9
j'ai une femme & de£ eufans à nour*
rir, je fuis pauvre, & je ne puis gagner
dequoi nous nourrir ma famille
& moi que par un travail qui
ne demande pas de relâche, c'eft
ce qui m'empêche de faire la Prie*
te. Le Gadis lui dit : On vous donnera
deux afpres par jour, faites la
prière comme les autres. Qiielqae
tems après on amena le même au
CadiS} &on lui expofà.qu'à la vérité
il railoit la prière, mais qu'ilne
iè layoit pas auparavant. Le Cadis
lui

24 Les è
lui en Et une grande réprimande,
& lui demanda pourquoi il ne fe la*?
voit pas? Il répondit: Seigneur, fï
vous voulés que jcrne lave avant
que de faire la prière foitè#mbi u donner
quatre alprés'âu lieu de deux,
C'eft pour perdre moins de tems
que je ne me lave pas.
REMARQUÉ. Quoique chacune des
Prières que tes Mahometans font obligés
de faire chaque jour foie COUECç ; néanmoins,
en y comprenant) le tems qu'il
faut qu'ils emploient à fe laver, ce du'ils
font avec circônfpe&ion&âveemeftire,
ils ne-peuvent pas y en mettre moins
qu'une demie heure : Les cinq tems preferits
pour cela font à la pointe du jour,
à midi) à deux heures & demie avant te
coucher du foleil, au coucher du foleil *
& à une heure & demie après 1er couchée
du foleil. Ainfi dans totis les pais où l'on,
faitprofeflïondu Mahometifme on fe levé
généralement de grand matin en quelque
tems que ce foie s car il n'y a point
d'exception, Princes, Seigneurs, nobles
& roturiers, tout le monde y eft obligé
quand on èft en âge de la faire.
UnCalender quiavoituriegrari-
' i l de

des Orientaux. 2 c
de faim prefènta (on bras à un Médecin
afin qu'il lui tâtât le poulx &
lui dit qu'il étoit malade. Le Médecin
qui connut que le Calender n^aviot
pas d'autre maladie que la faim,
le mena chez lui & lui fit apporter
un grand plat de Pilau. Quand
le Calender eut achevé de manger ,
il dit au Médecin : Monfieur le Docteur
, vingt autres Calenders ont la
même maladie que moi dans nôtre
Couvent.
REMARIE. Le Pilau eft du ris
cuit & prépare' avec du beurre ou avec de
la grailTe ou de bon jus de viande. Mais >
par cette manière de préparer le ris, les
grains font dans leur ènrier & non pas
écachés comme quand nous en préparons
av ec du lait ou en potage.
On loixoit dans une aflemblée un
Savant qui paroifïoit avoir l'efprit
tui peu égaré, & qui marchoit toujours
la tête levée, & entre autres
feiences, on difbit qu'il ctoit bon
Aitronorne. Baffiri qui étoic delà
B con-

2 6 Les bons Màtt
converfation, dit : Je ne m'en étonne
pas , ii regarde toujours aux
aftres.
REMARQUE. BafOri était tin'Poeré
Turc des confins de te Perfe ^ qui vfnt à
la CourdeConftantinopIelbus le règne
de Sulcan Bajazid fils & fucceflèur de
Sultan Mehemmed Second , où il fe fit
diftinguer par fes Pôëfies en tangue Tur*.
que & en langue Perfane. Letifi qut parlé
de kiidans fou ouvrage touchant lés Portes
Turcs, remarque qu'il était agréable
dans la converfation & qu'il avoit toujours
le mot pour rire. Baffiri eftunmot
tire' de l'Arabe > & lignifie le voyant ,
l'intelligent. Peut-être que Toccafion Ce
présentera ailleurs de parlée des noms des
Poètes Orientaux. <
Un Cali fe avare receroit les Poe*
fies faites a fa louange qu'on lui prefentoit;
mais poifr retonrpenfe, il
ne donnoitqu âtrtantt^uefe livrebtr
l'écrit pefoir. Un Poptfc

des Orientaux. ij
lorfcjue la gravure fut achevée il fit
charger le marbre fur un chameau de
le fit porter juiques à la porte du
Calife, avec ordre d'attendre. Ce*
pendant, il alla faire fà cour, & en
•parlant' de (on travail au Calife, il
lui demanda s'il auroit pour agréable
qu'ilfïft apporter le marbre. Le Calife
répondit : Non , ne le faites
pas apporter, mais compofons.
- HEMARQUES. La compofîrion fut de
cinq mille afpres, c'eft-à-dire, de cent
vingt-cinq livres que le Calife fît compter
à l'Auteur ; mais ce n'e'roit pas une
re'compenfè ni pour fa peine ni pour la
igravure, C'eft pourquoi, il y a apparence
que c'etoieqt des drachmes , monnoïe
a argent au coin de Califes, &qu'ain(i
la {omme fut un peu plus confîdexafck.
Cette pièce de Poëfie ctoit une de celles
que -les Orientaux appellent Caçideh,
dont la plus courte eftau moins decintjuante
diftiques , & la plus longue de
cent plus ou moins. Les deux premiers
vers riment enfemble & les autres feulement
alternativement ; tous fur une même
rime 5 de forte que les plus longues
B 4 iont

28 Les bons Mots
font celles qui font fur une lettre on fur
une terminai fon qui fournit plus de rimes
qu'une autre. Elle eft principalement
confacre'e à la louange dçs Princes & des
grands hommes.
Schahroch 1îls de Timour, c'e/là-dire
deTamerlan, étoit un Prince
naturellement avare & d'un grand
ménage. Un vendeur de pots de terre
fè préfenta à lui & lui demanda ^
s'ii ne tenoit pas pour véritable la
doctrine de la religion Mahometane
, qui enfèigne que tous les
Mufïîiimans font Frères ; Schahroch
répondit qu'il la tenoit pour véritable.
Le vendeur de pots repartit:
Puifque nous fommes tous frères,
n'eft-ce pas une injuftice que vous
aies un fi grand thtefbr & que je (bis
dans le befoin d'une pauvre maille?
Donnés-moi au moins la portion
qui me touche en qualité dé frère.
Schahroch lui fit donner une pièce
de monnoie d'argent de la valeur
d'environ trois fols j mais il n'en
fut

dès Orientaux. 29
fat pas content, & il dit: Quoi!
d'un fî grand threfor il ne m'en
revient que cette petite portion?
Schahroch le renvdia, & lui dit:
Retire-toi Se nedis mot à perfonne
de ce que je t'ai donné. Ta portion
ne feroit pas fi confiderable, fi tous
pps autres frères le favoient»
r REMARIE. C'eft un Ecrivain Turc
qui taxe ici Schahroch d'avarice & de ménage.
Neanmoms, c'e'roit un grand &
puinaht Monarque , comme on pourra le
connoïtre par fon-hiftoireque j'ai traduite
du Per£àn en nôtre langue. Ce qui peut
faire-croire qu'il eft quelque chofe du vice
qu'on lui reproche , eft, qu'il paroit que
les gens de lettres s'attachoient plutôt aux
Princes lès fils qu'à lui. Maispourl'excuferdece
défaut, on peut dire qu'il paroifCoit
l'avoir, parce qu'il fe donnoit
tout entier au foin du gouvernement de
fes Etats, qui s'e'tendoient depuis la Perle
jufques à la Chine, & qu'il ne fe donnoit
pas l'application qu'il fallok pour
connoïtre dans le de'tail ceux qui meritoienc
d'être re'compenfe's.
Avant que de manger, un Ma-
B 3 homecaii

30 Les bons Mets
hpmetan avare diibit toujoursdeuS
fois Bifmi-llak) c'eft-à-dire, a*
nom de Dieu. Sa femme lui en demanda
un jour la raiibn. Jl dit : i^çt
première fois, c'eft pour chafler le
Démon, & la féconde, pour chaffer
les efcornifleurs.
REMARIE* Les Mahometaiis ne
prononcent pas > Btfmi-ltah, feulement
avant que de manger ; mais encore en
commençant de marcher » de travailler
& de faire quelque ouvrage que ce
foit.
Dans une aflcmblée en préfencC
de Sultan Mehemmed fecorid Empereur
de Conftanrinople, quelqu'un
avança que Mirza Khan avoit
promis mille pièces de monnoïe
d or à celui qui lui feroit voir une
feule faute dans les ouvrages des
Poètes de fa Cour. Sultan Mehemmed
dit: J'épuiferoismestréfbrsfi
je voulôis imiter Mirza Khan.
REMARQUES. Sultan Mehemmed efi:
celui qui prit Conuancinoplc, Quéf «ju'il
eût

des Orientaux. 3 r
eût (îpea bonne opinion des Poètes de fà
Cour; néanmoins il y avoit déjà de bons
Poëres Turcs de Ton tems, comme Letifî.
Fa remarque'.
Le mot de Mirza dans la Perfe & dans
les Indes (îgnifie le fils ou le parent d'un
Souverain, & il fe dit par abbreviation au
lieu d'Emir Zadeh, qui fignifie en Perfan
né d'un Emir. Je croi qu'il y a faute
dans le nom du Prince de qui il eft ici parlé
, & que c'étoit un Prince de la famille
de Tamerlan , qui portoit encore un
autre nom avec celui de Mirza & de
Khan. Le mot de Khan chez les Tattares
fignifie un grand Monarque. Les Empereurs
Turcs qui prennent leur origine du
Turqueftan qui fait partie de la grande
Tarcarie , le prennent avec le nom de
Sultan. Ainiî on dit & on écrit chez les
Turcs : Sultan Mehemmed Khan, Sultan
Ahmed Khan > Sultan Muxad Khan ,
&c.
Un Imam avoic û maifôn fore
éloignée de la Mofquée dont il étoit
Imam. Les Mahomennsquiendependoient
lui dirent un jour : Vôtre
mauon eft trop éloignée, & vous ne
pouvez vous rendre chaque foira la
Moiquée pour faire la Prière à une
B 4 heure

j2 Les bohs^foh
heure & demie de nuit. G'eft pourquoi
nous vous en exemptons ;
Nous la ferons entre nous, fans
qu'il (bit necéflaire que vous preniés
la peine de venir. L'Imam répondit i
Mufîulmans 5 Dieu vous fafle mifericorde
> vous m'exemptes de cette
Prière, ôc moi je vous exempte de
la Prière du matin.. -: . »
XEM^RQUES. te mot d*Trriam eft
Arabe, & (îgnifîc proprement la même,
chofe que le mot latin , Antiftes , c'eftà-dire
, celui qui eft à la tête dès autres y
& en cette lignification chez le^Mahomctans
, c'eft celui qui fait la Prière public
que, non feulement d'ans, là Mofquèe *_
mais encore en quelque endroit que ce.
foie & ceux qui font derrière lui» font,
en même tems les mêmes génuflexions ,
les mêmes profternations contre terre,
& tous les geftes qu'ils lui voyent faire.
Les Turcs appellent en leur langue,
Jat(intima,*., cette Prière qui fe fait à une >
heure & demie de nuit , c'eft-à dire >
Prière du coucher , Prière qui fe faic
avant que fe coucher.
Un Mahometan qni feifo«pear
avoir

des Orientaux. 33
à Voir tant il étoit laid, trouva un
miroir en (on chemin, & Païant
ramafle il s'y regarda-, mais, comme
il fe vit fi difforme, il le jetta de
dépit, & dit : On ne t'auroit pas
jette, fi tu écois quelque chofe de
bon.
Un Galife étoit à table 8c on venoit
de lui fcrvir un agneau rofti,.
lors qu'un Arabe du defert fe préfènta.
Le Calife lui dit d'approcher
&de prendre place a fa table. L'Arabe
obéit & fe mit à manger avec
avidité, & morceaux fur morceaux.
Le Calife à qui cette manière déplur,
lui dit : Qui êtes-vous donc qui dépecés
ce pauvre agneau avec tant de
furie ? Il femble que fa mère vous
ait donné quelque coup de cornes.
Il répondit : Ce n'eft pas cela ; mais,
vous avés autant de dépit de voir
que j'en mange que fiiamereavok
été vôtre nourrifle.
FEM4RÇXJE. Les Arabes â\i defert
»c fout pas fi polis que les Arabes u:de-
B 5 noient

54 Les bons Moth
ipeurent dans les villes, matsitenefeif-fc
fenc pas d'avoir de l'efprit & du bon fens• .
& de vivre entre eux avec plus de bonne
foi qae ne vivant les autres Arabes.
On prioîr Behlôiil de coopter lè&>
fous de la ville de Bâfra d'oà il étbit * ;
il répondit: Vous me demandée
une chofè qui n'eft pas polîible,
paflè, (i vous me parliés des Sa*
vans, ils ne font.pas enfi grandnombre.
: ;»-. ':•':...'• • . .:,".-.:
REMARQUES. Bâfra eft fuivantnos
Géographes la ville de Balfora fur le Golfe
Perfiquc.
Behloul e'toit un Savant delarCour du
Calife Haroun erreiiehid, quiavoiç l'esprit
arable. Le mot de fèehloul en Arabe
lignifienii mocqurury uiïtaiheuTy&
particulièrement un homme qui a l'efprit
gai, d'où vient le Proverbe Arabe r,
Qui a l'efprit gai, danfe fans tambour
de bafque i ou le mot de Behloul efl: employé'
en cette fïgnificarion. Gè BehlouF
apparemment avoit un autre nom , & ?
celui -ci e'toit un fobriquet qui lui cft de-.
meure'.
Behloul arrivant pour faire iâ
cour

des Orientaux. 35
cour au Calife, le grand Vizir lui
dit: Behloul, bonne nouvelle, le
Calife te fait l'Intendant desfïnges
& des pourceaux de (es Etats. Behloul
repartit au Vizir: Préparésvous
donc à faire ce que je vous
commanderai : car, vous êtes un
demesfujets.
Un Savant écri voit à un ami, 8c
un importun étoit à côté de lui qui
regardoit par deffus l'épaule ce qu'il
écrivok. Le Savant qui s'enapperçut,
interrompit le fil de fa lettre &
écrivit ceci à la place : Si un impertinent
qui eft à mon côté ne regardoit
pas ce que j'écris , je vous écrirois
encore plufîeurs chofes qui ne
doivent être (uës que de vous de de
moi. L'Importun qui lifoit toujours
prit la parole, ôedit: Je vous
jure que je n ai regardé m lu ce que
vous écrives. Le Sivanr repartit :
Ignorant que vous êtes, pourquoi
doncmecÛtes-Yousceque vous dites?
B

$& Les bons; Mots
Un Tifleran qui avoir donné im
dépôt en garde à un Maître d'Ecole,
vint le redemander , ôc trouva le
Maître d'Ecole à fà porte, affis Ôc
appuyé contre, un couffin,fai(àrit la
leçon à fès Ecoliers qui étoient affis
autour de lui. Il dit au Maître d'Ecole:
J'ai befoin du dépôt que vous
fàvés, je vous prie de me le rendre.
Le Maître d'Ecolelui dif dçs'aflèoir
& d'avoirJa patience d'attendre qu'il
eûf achevé de faire, la leçon. Mais
le Tifleran avoit hâte & la leçon durpit
trop long-tems. Comme il vit
que le Maître d'Ecole remuoit la ter
te par une coutume; qui lui éroit otr
dinaire en faifànt la leçon à les Ecoliers
, il crut que faire la leçon n'étoit
autre chofe que de remuer la ter
te.,, & il lui dit: De.grâce, levésvous
5 ÔC laifles-moi à vôtre place,
je remuerai la tête pqndajit; que vous
ires prendre ce que je vous demande
, parce que je n'ai pas le tems
d'attendre. Cela fit rire le Maure
{J'Ecole & lesJEçpUers. XE-

des Orientaux. 57
. 8EMAKQUES. U faut entendre que
ce Maître d'Ecole e'toit aflls les jambes
croife'es ou fur les talous , fur un tapis ou
fur une natte fuivaat la coutume du Levant.
Les Mahon-ietans ont cette coutume
dans tout le Levant de branler la tête en
devant & en arrière lors qu'ils lifeiit > &
comme les enfans qui 1 if oient (bus ce
Maître d Ecole branloient la têre , le
Maîrre d'Ecole branloit auiTî la fienne>
quoi qu'il eût pu s'en abftenir » maiî> c'étoit
fa coutume. Les Juifs branlent aufït
la tête dans leurs Synagogues en priant
Pieu, mais d'une épaule à l'autre, &
non pas en devant & en arrière comme les
Mahometans. Les uns & les autres prétendent
que cette agitation les rent plus
attentifs à leurs Prières.
Dans une nuit obfcureun aveu.»
gle niarchoit dans les rues avec une
lumière à la main ÔC une cruche
d'eau fur le dos. Un coureur de pavé
le rencontra, & lui dit :.. Simple
que vous êtes à quoi vous fert cette
lumière? La nuit & le jour ne fontils
pas la même chofe pour vous ?
I/ayeugle lui répandit en riant : Ce,
B 7 n'çft

5 8 Les bons Mots
n'eft pas pour moi que je porte cette
lumière, c'eft pour les têtes folles
qui te reflemblent , afin qu'ils ne
viennent pas heurter contre moi ÔC
me faire rompre ma cruche.
Un Savant qui étoit d'une laideur
extraordinaire s'entretenant dans la
rue avec un ami, une Dame afles
bien faite qui paflbit s'arrêta & le
regarda fixement pendant quelque
teins, après quoi elle continua ion
chemin. Quand elle fut partie, le
Savant envoya fon valet après elle
pour favoir ce qu'elle fouhaittoit.
Elle dit au valet afin qu il le redît à
fon Maître : J'ai commis un péché
énorme par les- yeux , & jé'cherchois
à les punir par un châtiment
conforme à l'énorraité du péché.
J'ai crû que je ne pouvois leur caufèr
un plus grand fupplice, que de les
employer à regarder la vilaine face
de ton Maître.
Le même Savant racontoit que
Jamais on ne pouvoit avoir une mortifia

des Orientaux. 39
tification plus grande que celle qu'il
avoit eue un jour. Il diloit: Une
Dame me prit un jour par la main
dans la rue & me mena devant la
boutique d'un Fondeur, à qui elle
dit: Comme cela, entendés-vous ?
& après ces paroles elle me laifTa. Je
fus d'autant plus furpris de l'avanture
que je ne favois pas ce que cela
vouloit dire. Je priai le Fondeur de
me dire ce que c'étoit, & il me dit :
Cette Dame étoit venue pour me
faire fondre la figure d'un Diable,
ôc je lui avois répondu que je n'avois
pas de modèle pour lui rendre le fervice
quelle foiihaittoit. Elle vous a
rencontré & vous a amené poar me
dire que j'en prenne le modèle fur
vous.
. Un Mahometan âgé de cinquante
ans qui avoir un grand nez, fai-
(bit Pamour à une Dame & lui diloit
qu'il h'étbit pas léger &inconftant
comme les jeunes gens & fur toute
choie qu'il avoit de la patience,
quelque

4 Les bon$

des Orientaux. 41
mon ennemi, pendant que la religion
vous oblige de dire dans vos
Prières: Mon Dieu, benifles Mahomet
& ceux qui font de fa race.
L'autre répondit: la Prière porte,
pour ceux de fa race qui font bons
& purs; mais vous nèfles pas de
ce nombre- là*
REM.4RQXJE, Les defcendans d'Ali
fèfct confédérés dans la Perfë , tant à laconfédération
d'Ali que de Fatime fille de
Mahomet & femme d'Ali, parce qu'ils.
font ceufe's defcendre de Mahomet par
Fatime. Les Scherifs chez les Turcs font
les mêmes que les deicendans d*Ali chez
lçs Pedaiis. Mais. les Turcs ne croient
pas avec. Les Çerfans que les delcendaiis
d'Ali fuflerit les véritables fuccefTeurs de
Mahomet à la dignité de Calife, & ne
regardent-pas la noble (Te de leurs Scherifs
par cet endroit-là s mais par Fatime de
qui ils descendent.
Un Arabe du defert étoit à la table
d'un Calife, & le Calife le regardant
manger, apperçut un poil
fur un morceau quilalloitmettreà
k bouche , & lui dit: Arabe,
prenés

4,2 Les bons Mots*
prenés garde, ôtés le poil que voila
fur vôtre viande. L'Arabe lui dit :
On ne peut pas manger à une table
dont le maître prent gaïde aux
morceaux de Ci prés qu'il j âpperçoit
un poil5 & en diiàntcela, il
fe leva & jura que jamais il ne mangeroit
à la table du Calife.
Un Mahometan fort riche étant
mort fous le règne d'un Tyran, le
Vizir du Tyran fit venir le fils du
deffunt & lui demanda compte des
biens que Ton père lui avoit lailles.
Le fils lui rendit un compte exacT:
de tout, & à la fin il ajouta: mon
père vous a fait héritier de tout cela
par portion égale avec moi. Le
Vizir rit en lui-même de l'addrefle
du fils, & fe contenta de prendre
la moitié des biens polir le Tyran.
On demandoit à un Turc ce
qu'il aimoit le mieux, ou de piller
aujourd'hui, ou d'entrer demain
dans le Paradis? Il répondit} Je;
{ftrens, je pille & je vole arijéur- •
d'hui

des Orientaux. &
d'hui tout ce qui m'accommode,
&je fuis prêt d'entrer demain dans
le feu d'enfer pour tenir compagnie
à Pharaon.
REMARQUE. Le Turc de qui il eft
ici parle' n'étoit pas un Turc de Conftantlnople
ni de l'Empire qui en dépent ;
mais, un Turc du Turqaeftan dans la
grande Tatrarie de ceux qui e'toient accoutumés
à piller, & qui fortoient de
tems en tems de leur païs pour faire des
courfes en deçà de l'Oxus, ou pour Ce
Jouer & (è mettre à la folde des Princes
qui les prenoient à leur fervice. Quoique
les Turcs de Conftantinople tirent leur o-.
riginc d'une inondation faite dans une de
ces courtes ; néanmoins ils ne fe donnent
pas ce nom-là. Ils le donnent feulemenc.
aux païfans Mahometans d'Anatolie &
de Romelie. De forte que chez eux un
Turc eft un homme groiTier * ruftique,
incivile mal appris.
Un pauvre demandoit l'aumône
à la porte d'une maifon. Le Concierge
lui dit: Dieu vous ailifte, il
n'y a*per(bnneala maifbn. Lepauvre
repatit; Je demande un morceau

4% Les bohs*Mùt$
eeau de pain, j e n'a? tien à démêler
avec les gens de la manon.
Le fils d'un Mahbînéràn étant a
l'agonie, le Mahometan dofiria or- j>
dre de faire venir le laveur pour le
laver. Ses gens lui dirent qu'il n'ëtoit
pas encore mort & qu'il failoit
attendre. Le père repartit: Iln'im*
porte, qu'on lé faflfe venir, 41 fèraî
mort avant qu'on air accède le
laver»
S EMARGE. Les MaKomctans font
fxaâs à laver les cor j« de leurs morts*
avant que de les enfevefit, 8t c*éït une'
cérémonie de leur Rdigion dont ils ne fc
f&fpeufeiit pas.
On demandoit à un artifin qui*
étoit l'aîné lui ou fon frère?-Il ré^
pondit: Je fuis l'aîné; mais quand
mon frère aura encore un an > nous,
ferons lui & moi dé même âgé.
Un Mahometan étoital'aggnie.,
& un de fesvoifins qui âvoit l'haleine
puante l'exhortoic àfarntjfrr, &
- •'• le

des Orientaux. 4Ç
le prefloit fortement de prononcer
la profeffion de foi de fâ Religion en
lui fbufïlant fous le nés, & plus lagonifànt
tournoit la tête de 1 autre
coté , plus il s'avançoit & plus il
Pimportunoit. A la fin i'agonifànc
ne fâchant plus comment fe délivrer
de lui, dit : Eh de grâce, pourquoi
ne me laiflés-vous pas mourir purement?
Voulés-vous continuer de
m'infe&er de vôtre haleine que je
trouve plus odieufe que la mort.
KEMsïRQgE. Tout le monde fait que
cette profeffion de foi confifte en ces paroles:
La- //ah itla-llah , Mehemmed rè~
-çoul-ulUh. C'eft-à- dire. Il n'y a pas d'astre
Dieu que Dieu, Mahomet eft fon
Envoyé. Les Mahometans, autant qu'ils
le peuvent , la font prononcer par les
agonifans; parce qu'ils croient que cela
cft necefïaire pour entrer dans le Paradis
qu'ils attendent.
On demandoit à un bofîu ce qu'il
aimoit mieux , ou que Dieu le rendu
droi^comme les autres hommes,
ou

46 Lèslùèè &ks.
bu qu'il fendît; ies^sititfe$ fiommeîs
bonus comme lui i 11 répondit :
J'aimerois mrcux qu'il rendît les autres
hommes bofTus comme moi,
afin que j'ehflejëpfeifirdelfesregàrr
der du même œil dorrt As me regardent.
De 5 amis allèrent fe promener en
campagne avec de bonnes provi-
-fions, & s'étaht arrêtés à jfyiïbrè
dans un endroirextrêmement agréable
, ils fe mirent à manger ce qu'ils
avoient porté. Un chien s'approcha
d'eux, & un de la compagnie
lui jetta une pierre, de la même manière
que s'il lui eûrfctté un morceau
de painottdevîânder Lechten
flaira la pierre & fe retira. On l'appella,
mais jamais il ne voulut retourner.
Cela fit. direàutt autre de
la compagnie: Savés^TOUi ce que
ce chien dit en lui-même ? Il dit :
Ce font des chiches & des Viïaïns,
îl ne mangent que des pierres. Il
n 7 a rien à foire pour moi auprès
tpeux. On

des "Orientaux. 47
On démandoit à un fils s'il ne
fbuhaitoit pas la mort de ion père ,
afin d'hériter de fes biens. Il répondit
: Non 9 mais je (buhaiterois
qu'on le tuât, afin qu'avec l'héritage
qui me vicndroit j'heritafle en*
core du prix de ion fàng.
REMARQUE. On païe toujours cliez
iesMahomotans le (àngde celui qui a été
tué, foit aux dépens de l'aflatiin ou des
voiïïns du quartier où raiïaifinat s'eft
commis , ou d'autre manière.
Un Poète Perfan lifbit de médians
vers de fà façon à une perfbnne
d'efprit & de bon goût, & en
achevant de les lire, il dit qu'il les
avoit faits étant aux lieux. La perfônnerepric:
Je n'en doute pas, ils
en portent l'odeur atiec eux.
" Un Poète s'addrefïa à un Médecin
, & lui dit qu'H avoit quelque
choie furie cœur qui lui caufbit des
défaillances de tems en tems avec
des friflonnemens, & que cela lui
fai-

48 Les bons Mots
faifoit drefïèr le .poil par tout le
corps. ^ Le Médecin qui avoit l'ek
prit agréable & qui connoifloit le
perfbnnage, lui dernancla^ N'ayésypuspas
fait quelques vers que
vous n'aies encore recité à perfbnne.
Le Poète lui ayant avoué la choie,
il l'obligea de reciter lès vers ; &
quand il eut achevé, il lui dit : Allés,
vous voila guert, cetoiéntces
vçrs retenus qui vous caufoiént le
irial de cœur qui vous tourmeritoir. .
Un Prédicateur qui faifoit de médians
vers, affe&oit de les citer
dans Tes Prédications, & quelquefois
il difoit : J'ai fait ceux- ci en fàifànt
ma prière. Un des auditeurs indigné
de (à vanité & de fa préemption,
l'interrompit & dit: Des
vers faits pendant la prière valent
auffi peu que la prière pendant laqnelle
ils ont été faits.
UnPo'ctePerfanlhoitau fameux
Poète Giami un Gazel de (à façon
qui ne valoûiien, 6c lui faifoit remar-

des Orientaux. 49
mifciuer qu'il ctoit fingulier en ce
que la lettre Elif ne fe trouvoit dans
aucun des mots de la pièce. Giami
lui dit: Vous fériés une bien plus
belle chofe Ci vous en ôtiés toutes
les Lettres.
REMARQUES. Un Gazel eft une piece
de Poëfic extte'mement enufage parmi
les Perfans & parmi les Turcs. Les
deux premiers vers riment enfemble, &
le premier vers des diftiques qui fuivent
rime avec la première rime ; mais , le
fécond vers des mêmes diftiques ne rime
pas. Cette pièce eft au moins de cinq diftiques,
& j'en ai vu d'onze, de douze &
de treize diftiques. Ordinairement le
Poëtcfait entrer fon nom dans ledernier
diftique ou dans le pénultième, lorfque
Je Gazel eft long. Tous les Poètes un pea
diftingués parmi eux font une fuite de
Gazels rimes par ordre Alphabétique, &
cette fuite réduite en un corps s'appelle
Divan. Ce même mot de Divan fïgmfie
auffi un corps de perfonnes qui compofent
un Confeil & le lieu où le Confeil
s'afTemble. Ainfi, on dit à la Porte : Le
Grand Vizir pre'fide au Divan , & , lc
Grand Vizir, les autres Vizirs, lesdeur
Cadileskers, le Reis Kitteb , & le Nif-
C changa

y o Les bons Mets
changa s'afTemblent trois fois lafemayfè
dans le Divan où ils ont tous feance.
L'amour eft le fujet le plus ordinaire des
Gazels. Néanmoins, Hafiz, Gismi &
d'autres Poètes Perlans traittent des matières
les plus fublimes de la Théologie
affective dans ceux qu'ils ont compotes
(bus les termes allégoriques d'amour Se
de débauche.
Giami eft un Poëte Perfan des plus fameux
, qui fait connoître lui-même daris
fon Bahariftan qu'il étoit dans le plus fore
de fa réputation fous le règne deMirza
Sultan Hufïèin » le dernier des fuccefleurs
de Tamèrlan dans les Roïaumes du Khorà(Tan
: & de la Perfe. Il mourut 1 an 8 9 8.
de l'Hegire, deJefus-Chrift Tan 1485.
âgé de 81. ans fuivant l'Hiftoire des Poètes
! Perfans de Sàmi Prince de la famille
des Sofîs de Perle d'aujourd'hui. 11 a
compofé un grand nombre d'ouvrages
tant en Vers qu'en Proie, &l'on compte
cinq Divans parmi fesPoëfies, c'efta-dire»
cinq recueils complets de Gazels
par ordre Alphabétique. Il s'appelle
communc'ment Mevlana Giami, & Me-
-vlana ëft un mot Arabe qui lignifie, Notre
Maître. Ce titre Ce donne aux Savans,
'ioit dans la Religion » foit dans les Loix,
ibic dans les autres Sciences, Se Ce joint
aux noms de ceux qui fe font distinguez
par deflns les autres. NosDofteurs le
r don-

des Orientaux. :^t
donnent de Jiiême le titre de, Magtfler
nofier.
CeGazel où il n'y a voit pas d'El if me
donne occafïon de remarquer que les
Grecs ont eu le même rafinemenc dans
ieuiî Poeiîe de faire ;des Poëmes entiers
opl'on ne trouYoit pas une certaine lettre
derAIpKabec.
Meflihi &Schemi Poètes Turcs
& amis qui vivoient à Conftantinople,
allèrent un jour enfemble à une
EglifèdeGalata, exprès pour y voir
le$ belles de Galata. Cela fit dire à
un autre Poète que Meflihi avoit
porté un cierge à TEglifè.
REMARQUE. La pointe confïfle en
ce que Meflihi eft un mor Arabe qui lignifie
un Chrétien, & que Schemi en eft
un autre qui fignifie un cierge, une chandelle
ou une bougie. Meflïhi .& Schemi
vivoient fous le règne de Sultan Sol i m an,
au rapport de Letifi dans fon Hifloire des
Peê'res Turcs.
Le Médecin Mehemmed fils de
Zekeria, accompagné de quelquesuns
de fes difciples , rencontra un
Ç i fou

52 Les boni'Mots
fou qtù le regarda long-tems fixement,
& qui enfin fe mita rire. Eh
rentrant chez lui Mehemmed fit
d'abord préparer de fEpi thym & le
prit; Ses difcipîes lui demandèrent
pourquoi ilprenoit ce remède dans
un tems où il fembîoît qu'il n'en
avoit pas bçfbin ? Il répondit : C'eft
parce que ce fou de tantôt a ri en me
voyant. Il ne Pauroit pas fait s'il n'avoit
vu en moi quelque chofè. de h
bile qui l'accable. Chaque oiféau
vole ay ec les oifcaux de fon efpece.,
. • * • • «
XEM.4KQUES. Meh'emmed fils

des Orientaux. 5 3
rhym eftcequi croie fur le Thym par filamens,
dont les Médecins fe fervent en-
:ore aujourd'hui pour purger la bile.
Cette particularité de la vie de Razis
eft tirée de Plnftruction en Perfan d'Emir
Onfor el Maali Kikiaous Roi du Mazanderan
pour Ton fils GhilanSchah fous
le Titre de Kabous-nameh Ce Roi vivoit
dans le cinquième fîecle de 1* Hégire ,
puis qu'il marque dans cet ouvrage qu'il
fit le pèlerinage delà Mecque fous le règne
du Calife Caïm-billah qui commença
de régner l'an 410. de l'Hegire , c'eftà-direl'ande
J.C. 1019.
Une femme confaltoit BOUZOIH^^^^
gemhir Vizir de Khofrou Roi de
Perfe fur une affaire, & Bouzourgemhir
n'eut pas de réponfe à lui
donner. La femme lui dit : Puisque
vous n'avés pas de réponfe à me
donner , pourquoi êtes-vous dans
la charge que vous occupés ? Les
appointemens & les bien - faits du
Roiquevousrecevés (ont fort mal
employés. Bouzourgemhir repartit
: Je fuis payé pour ce que je fai &
non pas pour ce que je ne fai point.
C 3 RE-

54 Les bon* Mott
REM^R

des Orientaux. $

56 Les bons Mots
porte le conte qui fuit , ÔC dir en
ces termes: Camiluii des Chiaoux
de mon père > âgé de plus de 70.
ans, voulant acheter un cheval, un
maquignon lui en amena un d'un
beau poil & vigoureux en apparence.
Il lui plut & il l'acheta. Quelque
tems après il s avifa de le regarder
a la bouche , & trouva que c'étoit
un vieux cheval. Il chercha au£
fi-tôt à s'en défaire & le vendit à un
autre. Je lui demandai pourquoi il
s en étoit défait, & pourquoi l'autre
s'en étoi raccommodé. Il répondit
: C'eft un jeune homme qui n'a
pas connoillance des incommodités
de la vieillefïè. Il eft excufable de
s'être laifle tromper à l'apparence ;
mais, je ne leferoispas uje l'avois
gardé, moi qui fais ce que c'eft que
la vieillefîe.
Un Roi de Perfè en colère, dépoli
Con Grand Vizir & en mit un
autre h fa place. Néanmoins, parce
que d'ailleurs il étoit content des
fer-

des Orientaux. 5 7-
(èrvices du dépofé , il lui dît de
choifîr dans (esEtats un endroit tel
qu'il lui plairoit, pour y jouir le
refte defes jours avec ù. famille des
bien-faits qu'il lui avoir faits jufques
alors. Le Vizir lui répondit : Je n'ai
pas befbin de tous les biens dont V.
M. m'a comblé, je la fupplie de les
reprendre-, &fi elle a encore quelque
bonté pour moi, je ne lui demande
pas un lieu qui fbit habité ; je
lui demande avec inftancede m'aecorder
quelque village defert, que
je puiflè repeupler & rétablir avec
mes gens , par mon travail, par
mes foins & par mon induftrie. Le
Roi donna ordre qu'on cherchât
quelques villages tels qu'il les demandoit}
mais, après une grande
recherche ceux qui en avoient eu la
commiffion vinrent lui rapporter
qu'ils n'en avoient pas trouvé un
feul. Le Roi le dit au Vizir dépoié,
qui lui dit : Je fàvois fort bien qu'il
n'y avoit pas un feui endroit ruiné
C 5 dans

58 LesbmtMoH
dans tous les Pais dont le foin m'avoit
été confié. Ce que j'en ai fait »
a été afin que V.M. lût elle-même
en quel état j e les lui rends, & qu'elle
en charge'tin autre qui pttifîelui
en rendre un auffi bon comte;
REMAB^JE. Le Roi Kikiaous remarque
que le Roi fut fi fotisfaic de l'addreflede
ce Vizir, qu'ilfe pria d'oublier
ce qui s'croit pafTé, Se qu'if le rétablit dantf
(à même dignité'. Ce Roi de qoi il parla
éroit un de:> Rois de Perfe, qui,ont regi^ç:
avant la naiilancc de Mahomet.. Cela,
Joint avec d'autres te'moigi>ages;,£aîtcon-
Boure qu'il y avoir des Riftoires de ces!
Rois - là qui pouvoient être perdues du
rems de Kikiaous ; mais, dont OD fa voie
encore beaucoup de ebofes par tradition*
Sous le règne de Sultan Mahrncfad
Sebe&eghin le Gouvemerir
de la Ville de Nifà dans le Khoraffan,
ruina un Marchand fort riche
êc le renferma dans une prifbn. Le
Marchand s'échapaôcalla àGaznin
Ia : Capitale du Suîrati, où il fè jetta
îles pieds & lut dtmâhia jùftice.
- - < - Sul.

des Orientaux. Ç$
Sultan Mahmoud fit expédier une
lettre addreflee au Gouverneur ,
par laquelle il enjoignoit au Gouverneur
de rendre au Marchand ce
qu'il lui avoit pris. Le Gouverneur
reçût la lettre; mais, dans lapenfée
que le Marchand ne prendroic
pas la peine de retourner une autre
fois à la Cour, il fecontenta delà
lire, & ne fit rien de ce qui lui
étoit commande. Le Marchand ne
fe rebuta pas, il retourna une autre
fois à Gaznin , & prenant le
tems que le Sultan fbrtoit de fon
Palais , il demanda encore juftice
contre le Gouverneur, les larmes
aux yeux, & en des termes accompagnés
de gémiflèmens & de fanglots.
Le Sultan commanda qu'on
lui expédiât une autre lettre. Le
Marchand lui reprefenta : Je lui ai
déjà porté une lettre de la part de
V. M. à laquelle il n'a pas obéi",
il n'obéira pas encore à celle- ci.
Sultan Ivlahmoud qui avoit i'efpri*
C 6 occupé

6o Les bons Mots
occupé ailleurs, repartit: Je ne
puis faire autre cho(è que de lui
écrire; mais • s'il n obéît pas, mets
(à tête fous tes pieds. Le Marchand
répliqua : Je demande pardon à V-
M. Ce fera lui qui me mettra les
pieds fur la tête en recevant cette féconde
lettre. Le Sultan rentra en
lui-même, & dit: J'ai mal parlé,
c'eft à moi à le perdre Ôc non pas a
toi. En même tems il dépêcha des
Officiers au Prevoft de la Ville de
Nifa, avec ordre de faire rendre
au Marchand ce qui lui appartenoit y
Ôc de faire pendre le Gouverneur.
Le Prévôt exécuta ces ordres, Ôc
en faifànt pendre le Gouverneur
avec la lettre du Sultan; il fir crier
à haute voix que c'étoit-la le châtiment
que meritoient ceux qui n'obéïflbient
pas aux lettres du Prince
leur Maître.
REMARQUES. SurcanMahmou4,Sebekteghin
écoit fîlsde Sebekceghin > & Sebcktegbin
fut d'abord efclave a iaCour des
Sama.-

des Orientaux. 61
Samaniens, qui l'avancèrent fi avantageusement
aux premières Charges de
leurs Etats > qu'il fucceda enfin à leur
puiflance dans le Khoraflan. Après fà
mort Sultan Mahmoud lui fucceda & augmenta
fes Etats par de grandes conquêtes
dans les Indes. 11 regnoit dans le quatrième
(îecle de P Hégire , c'eft- à-dire dans le
dixie'me fiecle de nôtre Epoque, & fa Capitale
e'toit la Vrlle de Gaznin aux confins
des Indes, qu'il avoit préfere'e à Bokhara
où les Samaniens avoienr fait leur refidence,
afin d'être plus Yoifin des conquêtes
qu'il avoit faites, & plus en e'tat de le*
fou tenir.
Ni fa eft une Ville considérable du Khoraflan
, fameufe par l'excellence de fes
pafturages & par fes bons chevaux.
Sultan Mafoud fils de Sultan
Mahmoud Sebe&eghin > étoit brave
& vaillant ; mais > ils ne favoit
pas lare de gouverner comme fbn
père le favoit. Pendant qu'il étoit
dans les divertiflemens, au milieu
des concerts avec les Dames de fou
Palais, les Gouverneurs de fes Provinces
& fes troupes vivoient dans
la dernière licence & commettoient
C 7 de

6% Les bons Mnts
de grandes violences. Une femme
maltraittée lui fit des plaintes, & il
lui fit cirefTer une Lettre en fa faveur
pour le Gouverneur de qui elle fè
plaignoit. Mais, le Gouverneur ne
fit rien de ce qui lui étoit ordonné.
Elle retourna au Sultan, & s'étant
méfiée parmi la foule de ceux qui
demandoient juftice, elle lui pré*
fenta un fécond placet. Sultan Mafoud
ordonna qu'on lui expédiât
une féconde lettre -y & fur ce qu'elle
reprefènta que le Gouverneur nV
voit pas obéi à la première, le Sultan
ayant dit qu'il ne pouvoit qu'y
faire j elle repartit avec hardieîîe :
Donnés vos Provinces à gouverner
à des gens qui fâchent obéir à vos
lettres, & ne perdes pas le tems
dans les divertiflèmens , pendant
que vos peuples, qui font les créatures
de Dieu, gemiflent fous la
tyrannie de vos Gouverneurs.,
Le Médecin Hareth difoit : Quoique
la vie foit toujours trop courte ^
ncan-

des Orientaux. 6$
néanmoins pour vivre long-temps y
il faut manger du matin, il faut être
léger d'habit & ufer de femmes
fbbrement. Par la légèreté d'habit,
il entendoit qu'il ne falloit pas avoir
dedebte.
REMARQUE. Ce Medecien étoit
Arabe de la ville de Taïef, qui exerça
premièrement la Médecine en Perfe, &
depuis en fbn Païs dans le temps que Mahomet
vivoit. Néanmoins » il n'eft pas
certain qrç'il ait été Mahometan •> mais %
il eft confiant qu'il e'toit ne' Païen.
Le Calife Manfour avoît pouf
Médecin George fils de Bachtjet
choua, qui étoit Chreftien, qu'il
cherifloit, parce qu'il l'avoir guéri
d'une maladie très - dangereufè.
George qui étoit dans un âge avancé
étant tombé malade , le Calife
voulut le voir , & commanda qu'on
l'apportaft le plus commodément
qu'on pourrait. On l'apporta, 6c
le Calife lui demanda l'eftat de fà
iànté. Le Médecin le fàtisfit, & le
iupplia

64* Les bons Mots
fnpplia de lui accorder lapermiffion
de retourner en Ton Pais, difànt
qu'il fouhaitoit. de voir là famille
avant que de mourir, .& particulièrement
un fils unique qu'il avoit, &
d'être enterré avec les anceftres
après fà mort. Le Calife lui dit :
Médecin, crains Dieu, & fais-toi
Muflulman, je te promets le Paradis.
Le Médecin répondit: En
Paradis ou en Enfer, je ièrai content
d'être où font mes pères.
REMARQUES. Abou-Ifarage , qui
rapporte cette Hiftoire, ajoufte que le
Calife après avoir ri de la re'ponfe du
Médecin , fit ce qu'il put pour le retenir j
mais à la fin , qu'il lui accorda ce qu'il
demandoit, & le renyoïa avec un préfent
de dix mille pièces de monnoïc
d'or, & cette monnoïe ctoitàpeuprès
de la valeur de Pe'cu d'or de France -y
de forte qu'il eftaife' de juger que la libéralité
étoit confideràble. Ce Médecin
ctoic de Giondi Sabor ville de Perfe, ou
il fut conduit &efcorte' par un Eunuque,
qui avoit ordre de taire tranfporter fon
corps chez lui, au cas qu'il mouruft en
chemin, afin qu'il y fuft enterré comme
il

des Orientaux. 6?
il le defîroit, mais il y arriva étant encore
en vie.
Le Calife Manfour s'appelloic Abougiafar
Manfour. C'eioit le deuxie'me de
la race des Abbaflîdes. Il mourut à peu
de diftance de la Mecque, il e'toir allé
en pèlerinage, l'an de l'Hegire 158. de
J. C. 774.
Jean fils de Mefué connu fous le
nom de Mefué, Médecin du Calife
Haroun-errefchid , étoit un railleur
; mais, il ne put empêcher
qu'un autre Médecin ne lui fermaft
la bouche dans une converfàuon en
préfènce d'Ibrahim frère d'Harounerrefchid;
car ce Médecin qui s'appelloit
Gabriel, lui dit: Vous êtes
mon frère, fils de mon père. Aces
mots Mefué dit au frère du Calife :
Seigneur, je vous prens à témoin
lur ce qu'il vient de dire 5 parce que
je prétens partager l'héritage de Ion
père avec lui. Gabriel repartit : Cela
ne fe peut, les baftards n'héritent
pas.
RE-

66 Les bons Mats
REMAR QJJEs. Mcfué étoit de
Syrie & Haroun-errefchid qui l'avoit fait
venir , lui fie traduire en Arabe les
anciens Médecins & d'autres ouvrages
Grecs. Comme d'ailleurs il e'toit trèsfavant,
il a voit établi une école à Bagdad
où il enfeignoit toutes les feiences.
Gabriel étoit petit fils de George fils de
Bacht-Iefchoua de qui il eft fait mention
ci-defTus> & Médecin à la Cour d'Haroun»errefchid,
auprès de qui il fe mit
dans un grand crédit, à l'occafion d'une
Dame de fan Palais. Cette Dame s'étoit
étendue', & en s'écendant fon bras e'toit
demeuré roide à ne pouvoir s'en fervir.
Après toutes les onctions & toutes les fomentations
dont les Médecins-purent s'avifer,
le mai continuant toujours Gabriel
fut appelle, & on lui dit de quelle manière
il étoit arrivé à la Dame. Sur ce rapport
il dit au Calife qu'il fàvoit un moyen
infaillible pour la guérir, & il Je pria de
ne pas trouver mauvais ce qu'il feroic
pour cela enfapréfence&enlapréfence
de la compagnie -t s'il avoir pour agréable
de faire venir l'a malade. Elle vint par ordre
du Calife, & lors qu'elle parut, Gabriel
courut à elle en fe baifïant, & lui
prit le bas de la vefte, comme s'il eût voulu
lever la vefte. La Dame furpriiè de cette
a&ion , changea de couleur, & porta
la main du bras dont elle étoit incommodée

des Orientaux. 6?
dee jufqu'au bas de fa vefte pour empêcher
que le Médecin ne la levât. En même
tems le Médecin dit au Calife qu'elle e'toic
guérie. En effet, dès ce moment la Dame
remua Ton bras de tous les cotez, comme
fî jamais elle n'yavoit eu de mal, & le
Calife fut fi fatisfait qu'il fit donner cinq
cent mille Drachmes au Médecin. Les
Drachmes étoient monno'fe d'argent, $C
cette forarae faifoit environ trois cent
cinquante mille livres.
Le Calife Vathek Billa pefchoit
à la ligne fur le Tigre , & Mefué
fon, Médecin écoit près de lui. Le
Calife chagrin.de ce qu'il ne prenôit
tien , dit à Jrçeûié : Retire-toi ,
malheureux y tu me portes malheur.
Mefué piqué de cette rebufade, dit
au Calife: Empereur des croyans,
ne m'aceufés point de ce qui n'eft
pas. Il eft vrai que mon père étoit
un Ample Bourgeois de Khouz, 8c
que ma mère Rcçala avoit été efclave.
Mais avec cela, jen'aipaslaiffë
que d'arriver au bonheur d'être
favori de plufieurs Califes , dç
manger, de boire avec eux, &
être

68 Les bons Mots
d'être de leurs divertiflemeris ; Se
par leurs bien-faits, fai des biens
& des richefTesaudeJàderefperance
que je pouvois concevoir. Cela
ne peut pas s'appeiler être malheureux.
Mais, fi vous voulés bien me
le permettre, je vous dirai qui eft
celui qu'on peut véritablement appeller
malheureux. Le Calife ayant
témoigné qu'il pouvoit s'expliquer,
il reprit : C'eft un Seigneur dépendit
de quatre Califes, que Dieu a
fait Calife comme eux r lequel laiffànti
part dignité, .grandeur, Se Palais,
eft affis dans une Cabane de
vingt coudées en toutes fes dimenfions,
expofé à un coup de vent qui
peut le fùbmerger, ôc qui fait ce
que font les plus pauvres & les plus
difgtatiés de. tous les hommes.
&£M^RQ$JES. Abou*lforage remariuc
que le Calife fut outré dcja hardiefle
1
je Mefue' -, mais, que ra préfencc de Mu-
teyekkel ala-Ilah fon frère, qui fut Calife
après lui» l'empêcha d'éclater.

des Orientaux. 69
Le Calife Vaihek Billah mourut Tan
131. del'Hegire, c'eit-à-dire Tan 846.
de J. C.
Le Médecin Bacht Iefchonaalia
un jour faire fa cour au Calife Mutevekkel-ala-llah
& le trouva fèul. Il
s'aflit près de lui, comme il avok
coutume de le faire ; &c comme fa
vefte étoit un peu découfuë par le
bas, le Calife endifeourantacheva
infenfiblement de la découdre jufques
à la ceinture; & dans ce moment
, fuivant le fujet dont ils s'entretenoient,
il demanda au Médecin
à quoi l'on connoiflbit qu'il étoit
temps de lier un fou ? Bacht Iefchoua
répondit : Nous le lions lors
qu'il eft venu au point de découdre
i la yefte. de ion Médecin jufques à la
ceinture. .
REM^RQJJES. AU raport d'Aboulfarage
le Calife rit fi fort de la re'ponfe du
Médecin, qu'il fe laifla aller à la renverfc
fur le tapis où il étoit affis. En mefme
temps il lui fit apporter une autre vefte
fore

70 Lts bons Mws
fort riche avec une fomme • d'argent trcsxonfîderable
qu'il lui donna.
Ce Bacht lefchoua e'tot fils de Gabriel
dcquiileftparle'ci-delTus. Mais, nonobftanc
cette grande fabniiliarite'v il lui arriva
mal d'avoir fait IUî grand feftip au rapme
Calife, qui fut çhoqu6de fa magnificence
& de la grande opulence avec'laquelle
il L'a voit régale' •'< car, ^>eo ètf terris
après ji ledilgraeia, & exigea de lui des
fommes très-confiderables. Ileift remarqué
que de la vente feule da bqis >, du vin >
du charbon & d'autres proviïïdhs de fa
maifon , on fit une fomme ^'environ
trente-fix mille livres. . r. -. •"
Mehemmed fils de Zekeria ou
plutôt Razis y de qui il la a&éja été
parlé, devint aveugle dans & vieillefle,
& un Empirique s'offrit de
lui rendre la veue en fàifaitt l'opération.
Razis lui demanda combien
l'œil avoit de tuniques. IrîBïnpirique
répondit qu'il n'en iavoit rien ;
mais, que cela n'empêcheroit pas
qu'il ne le guérit. Razis repartit :
Qui ne fait pas combien l'œil a de
tuniques ne touchera, pas à mes
yeux»

des Orientaux. ji
yeux. Ses parens & Ces amis le
preflérent, en lui reprefentant qu'il
n'hazardoit rien quand l'Operateur
ne réufiiroit pas, & qu'il pouvoît
recouvrer la veiie s'il réiïiïiilbit.
Mais, ils'en exeufa, de dit; J'ai
vu le monde fi long-tems, que je
n'ai point de regret de ne le pas voir
davantage.
Le Caliphe Caher Billah avoic
chargé Sinan fils de Thabet fbn Médecin
de faire fubir l'examen, à
ceux qui voudroient faire proleffion
de la Médecine. Un jour, un
Vieillard de belle taille , grave &
vénérable, étant venufe prefenter
a lui, il le reçut avec tous les honneurs
que meritoit un homme de
cette apparence j & après lui avoir
fait prendre place > & avoir témoigné
qu'il écouteroit avec plailir les
bonnes choies qu'il attendoit de &
capacité ; il lui demanda de qui il
avoit appris la Médecine? A cette
demajide, le Vieillard tira de fa
man-

ji Les bons Mots
manche un papier plein de pièces
de monnoye d'or qu'il mit fur le
tapis devant Sinan en leluiprefèntant,
& répondit: Je vous avoue
franchement que je ne fài ni lire ni
écrire. Mais, j'ai une famille-, il
faut que je trouve tous les jours de
quoi la faire (ubfifter. Cela m'oblige
de vous (iipplier de ne me pas faire
interrompre le train de vie auquel je
fuis engagé. Sinan fburit & dit : Je
le veux bien; mais, à la charge que
vous ne verres point de malades de
qui vous ne connoîtrez pas la maladie,
& que vous n'ordonnerez
ni fàignéeni purgation que dans les
maladies qui vous feront trés-connue's.
Le Vieillard répondit que
c'étoit fa méthode, & qu'il navoit
jamais ordonné que de POxymel
& desjuleps. Le lendemain, un
jeune homme proprement vêtu,
bien fait & d'un air dégagé, vint
le trouver pour le même ïijet, &
Sinan lui demanda de qui il avoit
pris

des Orientaux. 73
pris des leçons de Médecine. Il
répondit qu'il les avoic priiès de (on
père, & que Ton père étoit le Vieillard
à qui il avoic donné le pouvoir
d'exercer la Médecine le jour précèdent.
Sinan reprit: C'eft un brave
homme , vous fèrvez - vous de la
même méthode dont il fefert? Le
jeune homme dit qu'oui, & Sinan
lui recommanda de la bien obfer^
ver , & le renvoya avec le même
pouvoir d'exercer la Médecine que
Con père,
REMARQUES. Le Calife Caher Billah.
s*appelloit Abou Manfour avant que d'être
Calife. Il fucceda à Mu&feder Billa
l'an 3 ï o. de l'Hegire & de J. C. l'an 9 31.
& régna un an & ièpt mois.
Le premier Médecin du Grand Seigneur
a de même que le Médecin de ce Calife lé
pouvoir d'examiner & d'éprouver la capacité
de ceux qui entreprennent d'exercer
la Médecine à Conftantinople.
Un Médecin Grec d'Antioche
étoit convenu pour une fommc
d'argent de guérir un malade de la
" D fièvre

jftf» Les bons Mots
fièvre tierce ; mais» au lieu de le
guérir, les remèdes qu'il lui donna
ifteftt channger k fièvre tierce en deinirUerce,
de forte que les pacens le
fenvoyèrent, Se ne Voulurent pas
qu'il approchât davantagedù rnala*
de; ftkur dit:. Payés-moi donck
«fokié de la fornmequi m'aété promue,;
puiiqiïe j'ai châtie la moitié
de. la maladie. Il était fi. ignorant,
qu'il &'àrrê(SGit mr.nom, & qu'il
çmyoit que la. fièvre: demi*tierce,
écoit moins que k fièvre tierce^
quoi qu'elle foit double de la tierce j
ëcquôi quori put lui due > il demandoir
toûjoutsk moitié du payement.
Une Dame Egyrrtienht fit.tenir
tetfemeux AfcotçgjBe^ &.fc,pria
de lui dire ce fuilwi^Ébit.peine
dans. 1'cfprit. L'Affrotegu* 1 dr*flâ
une figtrtiede-kiffl^tftm-ÀrCfct
tel qu'il, était alorsiSc fit UIï bng
d&ours fin daanneiMaifoiî», à*&2
d'aatant piuj de dngrjttji

Dattiev A ht fin îffê taft; Sfh Damé
lui jetta.une Drachme. Sur le peu
ÉJit'èflé. hti ' donhbit, rAftrologue
rè ^eWiï*ë^i^ai f dè^iusau1ës
mz-titifnfïM tfcne; ; Etléïiii ait
qilë : ceti: -MA^itk :ÙMt6lp£ié
rcg^3airit toujours là figûïè, lui dénuda:
Watiriés Vous rïeri perdu î
Elle répondit: J'ai perdii l'argent
^jèyafasaï%n l nè. , ;
!
yjïèMiitiQbE. Mtiùïàvoiiî défi ai
qu'une Drachme edoitutte nîoarioïe d*ar*
fient. Elle éwitdeJa valeur de huit à dir
lofs.
! LeySa^rrs des Inde'stdmbbient
d?àttoWcfë

f 6 L^s^opsjMç^
fc ce queje doisjjir^ jque

dès Orientaux. JJ
a proferé des chofes indignes contre
S; j M. te Roi en colère de ce difcoursj
dit; Le menfonge de ton
Collègue m'eft 1 beaucoup plus agreable
que la vérité que tu viens de
médire. ' : * '--'-
' ^REiïÀR^tJEÏ te premier Chapitre
dji ôùlïftao commence par cette petite
Hîftoirevmais , je remarquerai enpaffanc
queGèntiùs qui l'a traduite en Latin
n'a pas bien entendu l'endroit, qu'il
a traduit en ces termes: Ltngua quant
c^llehat conyttiis regeyn profc/nderereptt.
II fil loi t * traduire : Lingu* cjuam hahebat,
ou grjociilt fupererM-y & i^entendre
de la manière que je l'ai rendu en nôtre
langue.
Un Roi avoit peu d'amour & de
tendrefTepour un de Tes fils , parce
qu'il étoit petit & d'une mine peu
tvâHrjagêiiffè' [ r cri l comparai fbn des
Princes- &s- frères y qui" étôient
grj»*fc, Éien? faf# &• ,dt belle taille.
Un jour * ce Prih ce vôyaht que Ton
Père le regardoit avec mépris, lui
dit: Mon perè, un petit homme
••"•' : - D $ fage

7% JtototâtiQL
fîge&.ayifé eft^eftmable^u^
grand, hpmme^ gfpfl^ &fa)£>cfc
prit, Towtçequieft^ros^. çand»
n'eft pas ^ûjoursi lç p^$ pretieux.
La brebis: eft Wanchç.éçrjaettç, 5c
féléphant iàle"i& vilain. 4 .,-. , •
ce Pnnçc a^oit pl^sVdjçc^gapfcsftçr,
rcs\ car f .11'j& Çgçajà aJa^^tçMr^f
beaux expjpitî» » fwfaty qu£ fçs irere$
n'eurent pas le çour,3g£ dç paiôijredçyanc
rennemi.' "'..'"'. l'\\,
• T • - -••---.•.'
tin Roi^s'em^arqu^^ans ^ idff
4ès iPorts pour faire un trajet ^ < & urt
de tes Pages ne' ftit fis jtffttèt(& îè
vaifleau que tout le corps lui'trembla
de ftâkur,, & qu'il-jq B^t à çjier
d'une manière çj^pyab^..; On fil
tout ce qu'on pu$p9^rj'9J$|ei: de
plusfort, ^Ieiloi^iê^péipit-inié
portuné défes: cri*. UftSrçpt^pii
accompagnoit le Roi, $liç: Si vô-î
tre Majefté me Je permet* je, trpuverai
le moyen deje faire taire.. I>e
'. f Roi

des Orientaux. f§
Roi lui ayant témoigné qu'il lui feroit
plaifir, il fit jetter le Page à la
mer. Mais, ceux qui l'y jetterçnt
avertis de ce qu'ils dévoient faire >
eurent l'addrefle de le plonger feulement
deux ou trois fois ôc de le re-.
tirer pgr les cheveux dans le tems
qu'il s'étoit pris au timon, croyant
qu'on vouloitle fairenoïer tout de
bon. Quand il fut dans le navire il
fè retira dans un coin & ne dit plus
mot. Le Roi très-fàtisfait du fuccés,
en demanda la raifbn au Savant,
qui dit: Le Page n'avoit jamais
fû ce que c'etoiî que detre
pbugé dans la mer, ni ce que c'étoit
que d'être délivré du danger
d être noyé, & le mal qu'il a fbuffèrt
fait qu'il goûte mieux le plaiûV
d'en être échapé.
Hormouz Roi de Perfe, peu, de
tems après fbn élévation fur le Thrônè
fit emprifonncr les Yizîrs qui
avoient été au fervice du Roi fbn
père. On kii demanda quel crime
D 4 ils

8o Les bonsMois
ils avoient commis"pbftt l^bligér à
leur faire ce traitfement? Il repondit:
Je n'ai rien remarqué & je ne :
foi en eux rien de criminel. Mais,
malgré les alliirances que je leur
avois données de ma bonté & de ma
démence, j'ai connu qu'ils aVôienr
toujours le cœur faifi de frayeur, &
qu'ils n'avoiem pa£ de confiance 1 à
mes paroles ; cela m'a fait craindre
qu'ils ne fe portaient à me faire périr,
& en ce que j'ai fait, jaifuivi
le coniêil des Politiques , qtti di*
fent, qu'il raut craindre celui qui'
nous craint,
PEMARQUE.'De quatre anciens Rois
dePérfe nommés Hormouz, comme il
eft encore marque' plus bas, celui ci e'toic
le premier ou le fécond du nom, parce
que l'un& l'autre onc e'te'dp bousPrin-,
ces. Le troisième étoit un Tyran & le
quatrième ne régna qu'un an.
- . 1 . *
Un Roi des Arabes cafledcvieillefle,
étoit malade à la mort, lors
qu'un Courier vint lui annoncer que
iès

1 ' *
des Orientaux. Si
fes Troupes avoîent pris une Place
qu'il nomma, qu'elles avoientfak
prifbnniers de guerre ceux qui
ayoient fait, refiftance 9 £c que le
refte &Ies peuples s'étoient fournis
à fbn obéïfîànce. A ce difcours il
s'écria avec un grand fbupir : Cetre
nouvelle ne me regarde plus , elle
regarde mes ennemis.
REMARQUE. !1 entend oit parler de
/es héritiers >

Si Les ùons^ts,
gronda le Derviche, Mais, le derviche
repartit: Elle eft bonne pour
vous & pour cous|è&î^u(fii^ariv. ;
: : :
• ' < :
' ' • > * * . • - ' - ^ l ^ - * J - ' - ' J . " - V : -- '•' ;
REM4RÇ!pA- Abou-lfara^ fymÇo®
Hiftôire appelé'cétSbùvërnéni HagiâgÇ
fils d'Ioufouf& RAuiwréu Guliftan Hagiage
loufquf. ït faut auflâ ronaoquei
qu'Abd'ulmelec fils de Merxan %t foi*
Calife l'an 6o»de THcgire, &qû« l'Auteur
du GuliftanVeft trotnpé en écrivant
que te Derviche étoit de Bagdad i car, la
ville -de Bagdad, né fut-bâtte^ufciVta 1/45.
del'Hegirè, de J, C. i ? a*>7*t. •
Un Prince en fûcçedant au Roi
fon père, fè trouva Maître cTurç
thréfbr eonfîderable, donr jl fit de
grandes ïajgefles a fe Trompes, £c a
l'esfujçts. Ûn^eiés favori^ yçulujc
Tjuj doprier çonfe^l^dejCru^ $ïvu'
(fKt ina'pruclerniTiet>t# ; STos ancêtres
ontamaflë ces ricliefles âyeç.beaul
coiip dé peine Sf $f fi>ins. Vous ne
devriés:pas les d$ipëç avec tam de
profufion comité vous 1-e raitèi.
V0us ne fâyés pas.c£ gù^pe^t vous

des Orientaux. 83
arriver dans l'avenir, & vous avés
des ennemis qui vous obfèrvenc.
Prenez garde que tout ne vous manque
dans le befoin. Le Roi indigné
de cette remontrance, repartit :
Dieu m'a donné ce Roïaume pour
en jouir & pour faire des liberaiitez
&non pas pour en être fimplement
le gardien.
On avoit fait roftir de la chaflè
pour Noufchirvan Roi de Perfe,
de celle qu'il avoit prife fur le même
lieu où la chafte s'étoit faite. Quand
il fallut fè mettre à table il ne fe trouva
pas. de fêl, & on envoya un Page
en chercher au prochain village.
Mais y Noufchirvan dit au Page £
Payés kfel que vous apporterés, de
crainte que cela ne paîlè en médiante
coutume j & que le village ne
fouïfre. Un Favori dit que cela ne
yajoit pas la peine d'en parler , êc
qu'il ne voyoit point le mal que cela
pouvoir, cauler. Noufchirvan repartit:
Les vexations dans le moi>
I) 6 ai

84 Les bmni Mm
de ont eu leur commencement de
très-peu de choifè, ôcdans la fuite
elles ont tellement augmenté qu'elles
font arrivées au comble t>fr on les
voit. '
San s conteftation, le Lion eft le
Roi des animaux , & l'Ame le dernier
de tous. Cependant, les Sages
iie'laùTent pas que de dire : tï$ A£
né qui porté fà charge vaut .mieux
n niarché dés 1 pauvres Paifans qui
le lui apportoient & Je vendoit cheremeAt
aux riches, tîne nuit le feu
prit à là cuifine, fè communiqua au
inagazin de bois fiçledorifûma entièrement.
Quelque tems 'après il
dïïoit : Je ne (ai comment le feu prit
chez moi. Uri de la compagnie lui
repartit : Il y prit de la fumée qui
çtoit fôrtie du cœur déS pauvres que
vous avés rançonnés parVôtre avance.
' Un

des Orientaux. 85
Un Maître Luiteur, de trois cent
fbixante tours d'addrefTedefbnart,
en avoit enfeigne trois cent cinquante-neuf
à un de fès difciples, &ne
s'en étoitrefervé qu'un feul. Le dit
ciple jeune & difpos, qui avoit bien
profité des leçons qu'il avoit prifes,
eut la hardiefTe de défier fbn Maître
à luiter contre lui. Le Maître accepta
le défi, & ils parurent l'un & l'autre
devant le Sultan qui n'approuvoit
pas la témérité du difciple & en
préfence d une grande foule de peuple.
Le Maîrre qui n'ignoroit pas
que (on difciple avoit plus de force
que lui, ne lui donna pas le tems
cie s en prévaloir. D'abord, il t enleva
de terre adroitement avec les
deux mains, & l'ayant élevé jufques
far (a tête, il le jetta contre terre
aux acclamations de toute l'afTemblée.
Le Suitan-técompenfa le Maître
& blâma le difciple, qui dit qu'il
n'avoit pas été vaincu par la force 5
mais feulement par un tour de 1 art
D y qui

86 Les bans Mots
qui lui avoit été caché. Le Maître
repartit : Il eft vrai ; mais je me l'étois
refervé pour un tel jour qu'aujourd'hui
; parce que je favois la maxime
des Sages, qui dit, quelque
affection qu'on ait pour un ami,
que jamais il ne faut lui donner un
avantage à pouvoir s'en prévaloir s'il
devenoit ennemi.
REMARQUE. Il y â encôie de? Lutteurs
che2 les Orteiwaox , qui luirent
cooritïie autrefois chezhs anciens. lis font
nuds» excepté qu'ils ont un caleçon de
cuir depuis le defTus des genoux jufqu'au
defîus des reins, & il fe Frottent le corps
d'huile pour faire cet exercice.
Un Roi pafloit devant un Dervir
çhe, & le Derviche ne leva, pas (eut
lement la tête pour le regarder, I^e
Roi qui étoit du .nombre dçl ce$
Rois qui ne favent pas fepoïleder ,
& que la moindre choie oftenfe, fut
piqué de cette irrévérence, &dkf
Ces fortes de gens vêtus de najllor$
font comme o^sb&es/^e Vizir 4^f
au

S8 Lesiùns^êè]
portance ; & les Vfzirsproji)b(bient
chacun leur fèntimenr. Noufèhirvaiï
avança auffi (on a¥is. ôç_ Bbuzouri
gemhir lefuivitVOn; detërâttM:à^pui
zôtirgetïihir pourquoi iïàyoitpréfeS
te l'avis du Roi à ï v avïs de^riifs'? il
répondir : Le fùctèi de l'affaire dont
il s'agit eft très incertain, & fai crû
qu'il valoit mieux fuivre le confèil
du Roi afin 4*être à couvert de fa co«*
1ère ail cas" hue la chofencreufluTe
Uii vagabond dégtùYé fous Thabit
d'un defcendant d'Ali", entra
dans une Ville Capitale avec la Caravane
des Pèlerins de la Mecque,
publiant par tout qu'il vencntdece
Pèlerinage^ S*étant introduit â la
Cour, il lut devant le Roi une picce
de Poëfîe dont ilie difpit 1 aijteurl
Un des principaux Officiers nouvellement
arrivé déformée, ditaii
Roi : Je l'ai vu à. Bâfra lejpurdela
fête du fàcrifice , comment peut-il
clire qu'il a fait le pèlerinage de ht
Mec-

des Orientaux. 89
Mecque ? De plus fon père eft un
Chrétien de Ja Ville de Malaria.
Quel rapport d'un defcendant d'Ali
avec un Chrétien? Avec cela, il le
trouva que le Poème qu'il avoit re­
cité étoit du Poète Enveri. Le Roi
> »
qui connut que c etoit un trompeur,
commanda qu'on lui donnât quelques
coups èc qu'on le chailât. A
ce commandement le vagabond fe
jettant aux pieds du Roi , dit : Je
fnpplie V. M. de me permettre de
dire encore un mot, je me foumets
à tel châtiment qu'il lui plaira d'ordonner,!}
ce que je dirai n'eft pas veritable.Le
Roi le luipermir,& il dit :
Ce que j'ai à dire, eft que ks voyageurs
diient beaucoup de menfonges.
XEM4RQJJES.Les Pèlerins de la Mecque
célèbrent la fête du facrifice à la Montagne
d'Arafat, où ils Sacrifient chacun
un mouton. Ainfï, puifque ce jour-là,
l'impofteur étoit à Bâfra fur le Golfe Perfîque
qui eft fort éloigne' de la Montagne
d'Arafat, c'éroit une marque qu'il n'étoit
pas Pekrin de la Mecque. Malatia

9 o L t s t m
Malaria cft une Ville 4"Ai^toIie datui*
Capadoce des anciens. ! ' ' ~
Enverieft un ancien Poète Perfàn.
1 "î: r- '. ')
Deux frères étoient chacun dans
un état fore oppofé l'un V l'autre*
L'un étoit au fërvice d ? un Sultan y
& l'autre gagooit (à vie du travail
de Tes mains, de forte que l'un étoic
à Top aife & que l'autre avoir delà
peine à fnbfifter. Le riche dit au panvre
: Pourquoi ne VQUS mettez*;
vous pas au fervice du Sultan corn-*
me moi, vous vous cLélivreriés des
maux que vous fouifrés. Le pauvre
repartit : Et vous, » pourquoi né
travaillés-vous pas pour vous déli-
V::: d'«« cfuavage li méprifab|er
Un Courrier arriva à Noufchirvan,
& lui annonça que Dieu l*â»
voit délivre d'un de fe$ ennemi?... U
lui demanda:.Navez voust^saufô
à m'annoncer que je vivrai toujours
& que je ne mourrai jamais ? !
Dans le confeii de Moufchirvan
©ù Noufchirvan étoit prçfent, on.
,; déln

âèlsfrçffaiîfor une affoire, & chaque
Yriziif j fa fpn avis, e*çepté Bovh
^urge/hhir. L

$2 Ltsb&ns^îoï^
ttance fuir une ihoMtâ&n 1 «éfcWiîi
contre terris qui a^të^ft^eiffr ié
Coton qu'ils avoièril? feitiéV' &jffiïb
leûrdk: Il Moii-fcmtW&mihè
die n'auroic pas été "pe&lufej ;: - f - :
- On demandait r à"Ale&ndré lé
Grand «onim^ht i^vëit^â fâbjtiguei?
l^OrrenD^r^teftt^^tHôfe
qtiê ; d*àCKre^oi^^^erit(Fïu 4 i
très finances, d'autre^EÎ&ts^ plus :
d'âge&plus dé troupes^(jjtièiûî, jaifcaisn'avoient
pâfeîrev ïlfëjîbndit :
Je n?à* tW fait de J t^< a^^èfetfpîei
des Royaiirries^uë j ? ài ébnquis aVfe
]?aide d£ -Didu ; &-jâhi^iSjé^'a|i &
que du bien des HiÀi aveèqui )'&

desjOrientaux. 95
vcrite'-, difent qu'il écoit fils de Philippe.
Mais, les uns & les autres tombent d'accord
de l'étendue de (es conquêtes) &c
lui attribuent une grande fagefle qui avoic
été cultivée par Anftbte fon Précepteur,
ils diïcnç auflî que dans le cours de Tes
Viftpirès il.ch'ercha la fontaine de vie*
maisV[qâ'cIle ne fut trouvée que par
Hizirfon; General d armée» & £UJL varie
leur penfe'e Hizir efl le même qu'£Iie>;
qui n'eft pas mort parce qu'il but de cette
eau. Ils l'appellent aufli le Cornu à
caufe de fa grande puiflance dans l'Orient
& dans l'Occident. Touchant çete'e appeHatipnV
je dirai que je fuis comme
£erfuadé que lés Orientaux 11 lui ont dohhee
; à'Tôecàfibiï des-MedaiHé^Grecques
de Xyninach'us, Se particulièrement de
celles, qui font d'argent où tyfîraaehus
eft repreiençe' aveçdes cornes i & que ces
Médailles étant tombées etnere leurs
mains, ils ks ont' prifes pour des Me- ;
diailies d'Alexandre ; parce* qu'ils ne faypient
pas lire Je Grec, & qu'ainfî ils ne
pouvaient pasdistinguer l'un d'arec l'autre
,' outre ; qu£ des Médailles étant plus
grandesque celles4'Àexandre, il femble
qu'ils ont été* bien fonde's par leur grandeur
, & mefme par leur beauté, de
croire qu'elles e'toient plutôt d'Alexandre
que d'un autre.
Un

part
mangea beaucoup inoitfgqafftlt'a*
trf j &apr€$)k ïtfp^iil-jfir&priefc
pluslo^^e

êtes Orientàh&. 9?
mènent anc-vie auftere, qui potfrroit faire
croire qu'ils ont du rapport, avec nos
Religieux -, néanmoins, excepte les Calenders,
qu'ils fc marient prefque tous..
Les Mahdmetattf n ? y trouvent rien à dire
i parce qu'ils ont pour maxinïê, qu'il
n'y a pas de Mokierie dans la Religion
Muflulmanne : La ruhban$ct fi'/Jlam ,
&pâr-là ils entendent que le vœu dé Chafteté
n'y eft pas reçu.
t ! , . . . " '
• < i
UÀuteuf duGulrftan en pariant
dé lui-même, écrit en ces termes:-
Etëntfôrtjétme, j'àvois coutume de
me lever la nuk, pour prier Dieu,
pour veiller & pour lire l'Alcoran,
Une nuit que j'ëtois dans cçs exercices,
& que toute la famille dormoit,
excepté mon père, prés de
quft j*ëtôis, je dis à mon peré :
Vôyés* pas un ne levé feulement la
tête pou* pi ie* Diieu ^ & ?ls dortfieftt
tojirs cfei fommeil E profond,
Iqâ'il fêmble qtrtfe foierit morts.
Mon pKré me rerma la bouche, en
rtte difânt : Mon fils , il vaudroit
i&i-eXix qyg votisdormiffiez comme
ils-

9$ LesboftsIMoU
ils dorment , que dîohferver leurs
défauts. ' ,;
On loîiôît dans une aftemblëe
unejperibane de. recnarque qui étoic
pr.çientej & Ion en partait très*
avantageusement. La pèrfbrine le*
va x la tête & dit : Je? fiiïs'tçl que je
lé fài. " ; .
Un Roi demandoit à un Derviche
Ci quelque foisSi ne Ce fbuvenpic
pa,s de lui > Le Derviche .répondit :
Je m'en ibu viens j mais^c'^ft lorfr
que je ne penfe pas à Dieu. ... j ^ . :
tin Dévot vit en içnge un Roi
dans le Paradis & un Derviche en
Enfer. Celai étonna, &Us'infpr^
ma d'où veiioit que l'un & l'autre*
etpient chacun dans un\lieu dppq-,
Ce à celui dans lequel on s'imagine
ordinairement qu'ils doivient, etrfc
après leur mort? On lui «bondit ;r
Le Roi eft en Paradis àcautedel'a->
rnour qu'il a toujours eue pour les
Derviches , & le Derviche Jeft en
Enfer à caufe de l'attache qu'il aeuëi
auprès des Rois. Un

des Orientaux, 97
Un Derviche mangeoit dix livres
de pain par jour & paiïoit route la
nuit en Prières jufques au matin.
Un homme de bon fens lui dit:
Vous fériés beaucoup mieux de ne
manger que la moitié d'autant de
pain & dormir.
L'Auteur duGuliftan dit encore
en parlant de lui-même: J'étois eC
clave à Tripoli chez les Francs, lors
qu'un ami d'Halep qui me reconnut
en pafîant ,, me racheta pour dix
pièces de monnoye d'or & m'emmena
avec lui à Halep , où il me
donna (à fille en mariage ÔC cent pieces
de monnoye d'or pour fà dot.
Mais , c'étoit une méchante langue
, & elle étoit d'une humeur
trés-facheuiè. Quelque tems après
nôtre, mariage , elle me reprocha
ma pauvreté, & me dit: Mon père
ne vous a-t-il pas délivré des chaînes
des Francs pour dix pièces de monnoyed'or
l Je répondis : Il eft vrai,
il m'a procuré la liberté pour le prix
t -,. •» E que

98 Lts bms Mm
que vous dites, mais itrtî(*a fait vôtre
e&lav e pouf cent.
Dafis une affaire cte grande importance
j un Roi fit vtëft, s'il en
venok à bout, dt d*tërïBùcrune
iomme

des Orient aux. 9$
pain fondée pour les Derviches ?
Il répondit : Si les Derviches le mangent
dans l'intention d'avoir plus
de forces pour fervirDieu, il leur
eft permis d'en manger; mais, s'ils
font feulement Derviches pour le
manger, ils le mangent à leur dam.
Un Derviche quitta Cou Couvent
& alla prendre des leçons d'un Profelfeur
dans un Collège. Je lui demandai
(c'eft l'Auteur duGuliftan
qui parle ) puis qu'il avoit changé
de profeffion, quelle différence il
fàifoit entre un Savant & un Derviche?
Il me répondit : Le Derviche
fê tire lui-même hors des vagues
i mais, le Savant en tire encoure
les autres.
REMARQUES. Les Derviches chez
les Mahomerans ne font'pas des vœux qui
obligent auffi étroitement que nos Reli»
gieùx* font obligés par leurs vœux. C'eft
pourquoi ils quittent librement l'habit,
lare'g!e & la clofture pour embrafïer telle
autre profeffion qu'il leurplàif.
Les Mahometans ont un grand nom-
- Ei bre

ioo Les bons Mets
bre de Collèges fondes par des Sultans &.
par des particuliers, eu des Profefieurs
gagés enfeignent ce qu'ils cjoivent favoir
pour acquérir le titré de Savant. -Ils y arrivent
par degrés, de même qu'on arrive
au titre de Dc&eùr dans lejsTîîn verHte's

des Orientaux. 101
Un Vieillard de Bagdad avait
donné fa fille en mariage à nu Cordonnier
y & lé Cordonnier en la
baifant la mordit a la lèvre juiqu'au
fang. Le Vieillard lui dit : Les lèvres
de ma fille ne (ont pas du cuir.
Un Savant ne fâchant à qui donner
fa fille en mariage à caufedefà
laideur , quoique la dot qu'il lui
donnait fût três-confiderable , la
maria enfin avec un aveugle. La
mefme année, un Empirique qui
rendoit la veuë aux aveugles, arriva
de Plfle de Serendib, & l'on demanda
au Savant pourquoi il nô
mettoit pas Ton gendre entre les
mains du Médecin? Il répondit:
Je crains, s'il voïoir, qu'il ne répudiât
ma fille. Etant auffi laide
qu'elle eft, il vaut mieux qu'il demeure
aveugle.
» *
RJEMASQJJE. L'ifle de Serendib eft
la mefme que l'Ill; de Ccï'.an, & que
celle quç les .anciens ap^diolen: Taprobxnz.
j'e'^iîrc qde j'aurai !:eu d'en parler
£ ; ailleurs

ip2 Les bons Mats
pilleurs plus amplement, ;fu,w$ant ,fe^radiriçn
des Orientaux/ ' i ~
'' i { : •
Un Derviche partait à uti&ofrqtii
ne faifojt pas beaucoup d'efftimê-âés
gens de faiort-e, & lui d rioit : Nous
n'avons ni les forces ni la puifîaHeé
que vous avisai œ mon de*j mais,
nous vivons plus contens que vous
ne vives. Avec cela, la mort nous
rendra 'totts égaux, & au joù* du
Jugemenc nous aurons l'avantage
d'être au dciïus de Vous,
. REMs4RQ[JE.> Les Majiometans»
comme les Chrétiens, attendent un Jur
gement univerfel pour le châtiment des
mc'chans & pour là récompenfe dts bon?.
Dans la ville d'Halep, un pauvre
d'Afrique difok à des Marchands
aflêmblis: Seigneurs qui. êtes ci*
ches, Ci vous faifiés ce que lequife
voudroit que vous fiffiés, & fi nous
autres pauvres étions des gens à nous
contenter, on ne verroit plus dt
mendians dans le monde.
Deux

des Orientaux. 103
Deux Princes fils d'un Roi d'Egypte
, s'appliquèrent l'un aux (cienr
ces & l'aurre à amaflèr des richefles.
JLe dernier devint Roi & reprocha
au Prince fbn frère le peu de bien
qu'il avoir en partage. Le Prince
repartit; Mon frère, je loué Dieu
^d'avoir l'héritage des Prophètes en
partage , c'eft-à-dire > la fàgefle.
Mais, vôtre partage neft que l'héritage
de Pharaon & d'Haman,
c'efoà-dire le Royaume d'Egypte.
REMARQUE. Ce Pharaon eft «loi
que Dieu, fui van t l'ancien Teftament>
fit fubmerger dans la Mer rouge » & Ha*man,
fuivant les Traditions des Mahometatis
s e'roit fon premier Miniftre &
l'exécuteur de fes me'chantes intentions.
Suivant les mêmes Mahometans, ce-Phaxaon
fut le premier des Rois d'Egypte qui
portèrent le nom de Pharaon -, car , fi
nous les en croyons , il n'e'toit point ck
«ce Royale, mais de fort bafle naiflance.
Voici ce qu'ils en difent. Son père qui
s'appelloit MafFab, & qui gardoic les vaches
e'tant mort dans le tems qu'il étoit
encore en bas âge , fa mère lui fit apprendre
le métier de Menuiner ; mais > cette
E 4 j>ro-

104 Les bons Mots
profédion ne lui ayant pas plu, il abandonna
fa mère & fon pais & ferait chez
sn vendeur de fruits, chez lequel il ne
demeura pas long tems. S'étaut mis dans
le négoce, il alla à une Foire $ mais» il
en fut dégoûté, fur ce-.qu'on exigea de
lui à un pafïage un droit dont la fomme
égaloit le prix de fa marchandise > & de
dépit il fe fit voleur de grands chemins.
Enfuite, il trouva le moyen de s'établir
à une des portes de la Capitale de l'Egypte
, & quoique ce fût fans aveu » d'exiger
aunorô du Roi un droit ïur tout* ce qui
parfoit , mais , ayant été découvert en
voulant exiger le même droit fur le corps
d'une fille du Roi d'Egypte que l'on porjEoit
pour être enterrée, il fe délivra de la
rnorc par le« grandes fommes d'argent
qu'il avoit amalFées. La fortune ne l'abandonna
pas pour cefa , il eut encore affez
d'incrigue pour devenir Capiraine du
Guet, & dans cet emploi il eut un ordre
exprès du Roi d'Egypre de faire mourir
tous ceux qui marcheroient pendant la
nuit. Le Roi d 1 Egypte, fans lui donner
avis de fon defîcin , fortit lui-même une
nuit pour aller communiquer quelque affaire
fecrece.à un de lès Minières. La
Garde l'ayant rencontré > il fut arrêté &
conduit à Pharaon.r qui ne voulut pas
croire qu'il fût le Roi, quoi qu'il Veàt
déjà dit aux gens du Guet, qui a'av.oieiu
pas

f
des Orientaux. 10?
ïasauflî voulu le croire. Au contraire, il
e fît descendre de cheval & lui fit couper
la tête. Après cette action , ayant connu
cjue 1 c'e'toit véritablement le Roi, il fut
aflez puiiîanr pour aller forcer le Palais,
s'en rendre maître, & fe faire déclarer
Roi. Il introduifît le culte dts Idoles * &
voulut qu'on le reconnût lui-même pour
-Dieu. Enfin, il pourfuivit lesIfraëlites
dans leur retraite ; mais > il fut fubmergé
dans la Mer rouge. Toutes ces particularité^
fe trouvent dans I'Hiftoire des Prophètes
de Kefani.
Un Roi de Perfe avoir envoyé un
Médecin à Mahomet, & le Médecin
demeura quelques années en
Arabie;, mais,, fans aucune pratique
de fa profeilion, parce que perionne
ne rappelloit.pour le faire
médkamenter. Ennuyé de ne pas
exercer Ton art, il fe prélenta à Mahomet
, & lui dit en fe plaignant :
Ceux qui avoient droit de me commander
m'ont envoyé ici pour faire
profeffion delà Médecine; mais,
depuis que je fuis venu, perïbnne
n'a eu béfbin de moi & ne m'a don-
: E 5 ne.

ïO6 Les bons^M&s
né occafion de faire voir dequoi je
fuis capable. Mahomet lui dit: La
coutume de nôtre pais eft de manger
feulement lors qu'on eftprefle
par la faim 9 & de ceflçr de manger
lors qu'on peut encore manger. Le
Médecin repartit : Ceft-là le moyen
d'être toujours en famé, & de n'avoir
pas befbin de Médecin. En
difàntcéla, il prit fôn coegç & retourna
en Perfe d'où il étoit venu.
Ardefchir BabekanRoide Perfe
demanda à un Médecin Arabe corn»
bien iliùfiùoic de prendre de nourriture
par jour ? Le Médecin répondit
qu'il iuftîfoic d'en prendre cent
drachmes, & le Roi dit que ce n'étok
pas ailés pour donner de la force.
Le Médecin repartit : Ocft ak
fés pour vous porter; mais, vous
k porterés vous-même , fi TOUS en
prenés davantage.
fij£M4XQ$JE» Ar chafles

des Orientaux, IOJ
chartes par les Mahometans. Son pere
s'appellent Safan , d'où vient que lui &
les Rois qui lui fuccederent furent appelles
Salàniens, fuivant l'Htftoire ancienne
desPerfans dans ce qui nous en refte pac
les écrits des Arabes.
Deux Sofis de la ville de Vafère
prirent de la viande à crédit d'un
Boucher & ne la lui payèrent pas.
Le Boucher les preflbit tous les
jours pour en être payé, avec des
paroles injurieufes, qui les mettoient
dans une grande confuflon ;
mais, ils prenoient le parti d'avoir
patience, parce qu'ils n'avoient pas
d'argent. Un homme d'efprit qui
les vit dans cet embarras, leur dit:
Il étoit plus aifé d'entretenir vôtre
appétit dans l'efperance de la bonne
chère, que d'entretenir le Boucher
dans Tempérance de le payer.
REMJFÇVES. Les Sofis (ont tes Religieux
les plusdiftingue's chez les Mahometans,
tant par la droiture de leurs fentimens
touchant leur Religion que par le
Règlement dt leùtvie & par la pureté de
E 6 leurs

io& Les bons Mots
leurs mœurs, iuivant l'origine de lectr
nom, qui âgnifie les purs, les choifis.
Les Rois de Perfe , dont la race règne encore
aujourd'hui, ont auffi pris le nom
de Sofïs. , à çaufe. qu'ils font defeendre
leur origine deMouça CafTem le feptie'me
des douze Imams, qui mourut enviion
l'an de THegire 135. de J. C. 799.
pre'tendan.t que la fe/metané.
LaYii'ede Vafere e'toit autrefois une
Vïlte considérable dans la partie de l'Arabiequi
porte le norad'Eraki
Un Mahomeran officieux encrer
tenoit un Derviche d'uahomme
fort riche, & lui difbit qu'il étoir
perfuadé que cet homme lui feroit
de grandes largefTes, s*il étoit bien
informé de fa pauvreté. Il fe donna
même la peine d'aller jufques à
la parte de là maifbnde cet homme,
& de lui faire donner entrée. Le
Derviche entrai mais, comme il
vit un homme méL «colique, avec
les

des Orientaux. 109
les lèvres pendantes , il fortit d'abord
fans avoir leulement ouverr la
bouche pour lui parler. Le conducteur
, qui L'attend oit, lui demanda
pourquoi il étoit forti Ç\
promptemenr. Il répondit i Sa mine
ne me plait pas, je le tiens quitte
de la libéralité qu'il pourroit ms
faire.
Hatemtaï de fon tems étoit le
plusbien-faifant& le plus libéral de
tons les Arabes. On lui demanda
s'il avoir vu quelqu'un ou entendu
parler d'un feul homme qui eût Le
cœur plus noble que lui ? Il répondit:
Un jour, après avoir fait un fàcrifice
de quarante chameaux , je
ibrtis à la campagne avec d^s Seigneurs
Arabes, ÔC je vis un homme
qui avoir amailé une charge
d'épines feiches pour brûler. Je lui
demandai pourquoi il n'alloir pas
chez Hatemtaï 9 ou il y avoir un
grand concours de peuple , pour
avoir part du régal qu'il failbit ? Il
E 7 me

i io Les bons Mets
me répondit : Qui peut manger Ton
pain du travail de fes mains, ne veut
pas avoir obligation à Hatémtaï.
Cet homme avoit l'aine plus noble
que moi.
Un Roi avoitbcfbin d'une fbm*
me d'argent pour donner aux Tartares,
afin d'empêcher qu'ils ne fit
fènt des courfes fur fes Etats, & apv
prit qu'un pauvre quigueufoitavoit
une fomme trés-confiderable. Il le
fit Tenir & lui en demanda une partie
par emprunt , avec promefîê
qu'elle lui feroit rendue d'abord que
les revenus ordinaires fèrôient apportés
au threfor. Le pauvre répondit
: Il feroit indigne que V. M.
fouillât fes mains en maniant l'argent
d'un mendiant tel que je fuis,
qui 1 ai amafle en gueulant. Le Roi
repartir: Que cela ne te rafle pas de
peine, il n*importe, c'eft pour
lèonner aux Tarcares; Telles gens >
tel argent.
J?£Af^/?gt7£. Ces Tartaresfi>m cent
«Je

dts Orientaux. 111
de la grande Tartane , qui ont été de tout
teins de grands faifeurs de courfes fur
leurs voifins-, & c'eft d'eux que lesTartares
de la Crimée, nonobftaut le longtems
qu'il y a qu'ils(é font fepare's d'avec
eux, retiennent cette coutume qui coûte
tant de milliers d'hommes à l'Allemagne
& à la Pologne depuis le commencement
de cette dernière guerre.
L'Auteur duGuliftandequifont
quelques-uns des articles précedens,
parle de lui-même en ces termes;
J'ai connu un Marchand qui voyageoit
avec cent chameaux chargés de
marchandifès, & qui avoir quarante
tant efclaves que domeftiques à (on
ièrvice.Un jour, ce Marchand m'entraîna
chez lui dans fbn magazin »
& m'entretint toute la nuit de dit
cours qui n aboutiilbient à rien. Il
me dit: J'ai un tel afîbciédans le
Turqueftan, tant de fonds dans les
Indes > voici une obligation pour
tant d'argent qui m'eftdûdans une
telle Province; j'ai un tel pour caution
d'une teile fbmnie. Puis ,
chau-

in Les bons,Mtâs
changeant de matière , il contfnuoit:
Mon delïèin eft d'aller m'établir
en Alexandrie ,. parçç que
l'air y eft excellent. Il le reprenoit 9
& dhoi t : Non, je n'irai pas à Alexandrie,
la Mer d'Afrique eft trop
dangereulè. J'ai intention de faire
encore un voyage\ après cela, je
me retirerai dans un coin du monde,
& je 4aiilerai-lkle négoce. Je lui demandai
quel .voyage c'étoitî 11 ré%
pondit t Je veux porter du (bufre de
Perfe à la Chine, où l'on dit qu'il (è
vend chèrement. De la Chine j'apporterai
de la Porcelaine & je la?
viendrai vendre en Grèce. De la
Grèce je porterai des «toifes • d'oc
aux Indes, des Indes j'apporterai
de l'acier à Halcp, & d'Halep je
porterai du verre en Arabie heureufe,
& de l'Arabie heureufè je tran£
porterai des toiles peintes en.Perfè;
Cela fait, je

des Orientaux. ITJ
dans une boutique. Il en dit tant fur
ce fujet qu a la fin il le lafla de parler,
& en finillant il rn addretla ces paroles:
Je vous prie, dites-nous aufîï
quelque chofe de ce que vous aves
vu ÔC entendu dans vos voyages. Je
pris la parole^ 6c je lui dis : iVvésvous
oui dire ce que difbit un voyageur
qui étoit tombé de Ton chameau
dans le deiert de Gour \ Il difoit
: Deux choies feules font capables
de remplir les yeux d'un avare ,
la fobrieté ou la terre qu'on jette fur
% lui après fà mort.
REMARQUES Outre que cette narration
eft très belle par le porcraic qu'elle
donne d'un Marchand qui ne met pa^ de
bornes à fou avarice ; elle eft encore trèscurieufe,
en ce qu'elle fait cou noir re de
quelle manière & avec quelLes marchandifes
le négoce fe fait dans le Levant. On
fait encore aujourd'hui toutes ces routes
parterre, & Couvent la même perfonne
les fait toutes , & quelquefois davantage.
LeTurquefhn eft une Province d'une
•afte e'cenJië dans la grande Tartane,
^omla Ville de Cafchgar eft la Capitale.
r '«

ii4 Les bmt Mâts
•Elle a pris Ton nom des Turcs qui.r

des Orientaux. i15
Je répondis : Il en eftde mime que
d'une vilaine écriture écrite en ca*»
râ#€r£s

if6 Les bons Mots
couper pour avoir volé un foîou,
deuxliards. ... :i , '
Un Marchand fit une perce conilderable,
& recommanda à fon
fils de n'en dire mot à perionne. Le
fils promit d'obéir ; mais r il pria
fon père de lui dire quel avantage
ce filence produiroit. Le père répondit
: C'ëft afin qufau lieu 4*unt
malheur, nous n'en ayons pas deux
àfupponer, l'un, d'avoir fait cet-»
te perte , & l'autre, de voir nos
voifins s'en réjouir.
Un fits. qui ^avoit fait, mais, naturellement
timide &refervt , Te
rrouvoit avec d'autres perfonnés d'é*
tude & ne difoit mot. Son père
lui dit : Mon fils, pourquoi ne faites-vous
pas au fli paraître ce que
vousfàvés? .Le fils répondis C'eft
que je crains qu'oaneïnejderaande
aufficequeje ne (ai pas. -
. Galien vit un homme de la lie du
peuple qui maltraitoit un homme de
La-

des Orientaux. 117
Lettres d'une manière indigne. Il
dit/del'homme de Lettres : Il n'auro(r
pas ety de priiè avec l'autre slil
étoit véritablement homme de Lettres.
REM.4RÇXJE. Galien n'eroit pas feulement
Médecin , c'e'toit encore un grand
Philofophe. C'efr. pourquoi il ne faut pas
s'étonner que Saadi rapporre de lui ce bon
mot qu'il pouvoir avoir appris dans quelque
livre traduit de Grec en Arabe , ou
entendu dire à quelque favant Chrétien
dans Tes voïages.
Des Courtifans de Sultan Mahmoud
Sebekteghin demandoient à
Halïan de Meïmend Grand Vizir de
ce Prince, ce que le Sultan lui avoir
dit touchant une certaine affaire.
Le Grand Vizir- s'excula, en dilant
qu'il fe garderoit bien de. rien apprendre
à des perfbnnes à qui rien
n étoit caché & qui favoient toutes
chofès. Ils repartirent : Vous êtes
le Miniftre de l'Etat, & le Sultan ne
daigne pas communiquer à des gens
com-

ïI8 Les bms Afots
comme nous ce. qu'il vous cotïîmu*
nique. Le Vizir rbprk: G'ë& qu'il
Éit que je nele-diiai-à perfbr&ie, &
vous avés toredeme faire l&dernan-<
de que vous faites.
$EMAR$tJE. Meïmend cft une ville
duKhoraflan d'où étôit ce Grand Vizir
de Sultan Mahmoud Sebekteghin.
* Saadi dit encore en parlant de luimême
: Jevoulois acheter une mak
fonde jen'étoispas encore-bien re»
fblu de le faire, lors qu'un Juif me
dit: Je fuis un des anciens dfrqaar.
tier , vous ne pouvés mieux vous
addreflèr qu'à moi pour fàvoir ce
que ceftque cette maifon. Achetés
-là fur ma parole , je vous fois
caution qu elle n'ff point de défaut,
J^ lui répondis; Elle eii a-un grand
d'avoir un voifîn comme toi.
REMJRQ$JE. Qaoique 4e* Mahôta
tans aient uiie grandeatferfion ' pourront
ceux qui ne font pas de leur Religion:
fcearnnoirft iteat otitfltâ ferurfés Jui
- - que

des Orientaux. r 19
que pour les Chrétiens. C'eft pourquoi
Saadi avoit de la peine à prendre une maifon
dans un quartier où il y avoit des
Juifs.
Un Poète alla voir un chef de voleurs
, & lui recita des vers qu'il
avoit faits à fa louange ; mais, au
lieu d'agréer fès vers, le chef des
voleurs le fit dépouiller & chafler
hors du village, ôcavec cela, il fie
encore lâcher les chiens après lui.
Le Poète voulut prendre une pierre
pourfe deffendrecontre les chiens;
mais, il avoit gelé & la pierre tenoit
fi fort qu'il ne put l'arracher.
Gela lui fit dire, en parlant des voleurs
: Voila de méchantes gens,
ils lâchent les chiens & attachent les
pierres.
REMARQUE. L'Auteur du Gaîiftan
ajoute que ce bon mot fit rire le chef des
voleurs qui l'entendit d'une feneftre, Se
qtfil cria auPoète de demander ce qu'il
voudrait 5eq»^il le Ini âecendroit. Le
Çbc'te lui dit : Si vous ave> enviede me
étire du bien, je ne vous demande que la
vefte

i2 o Les boni'Mats
vefte dont vous m'avés fait dépouiller.
Le chef des voleurs eut compafTion de lui >
& avec fa vefte, il lui fit encore donner
Une vefte foarre'e.
lin mariayoit perdujfà femme,
qui écoit d une grande beauté ; mais,
la mère de la défunte qui lui éroit
fort odieufe demeuroit chez lui par
une daufèdu contrat de mariage,
au cas qu'elle furvéquît à fa fille. Un
ami lui demanda comment il fup-,
portoit la perte delà femme. Ilré-j
pondit : Il ne m'efipas (i étrange de
ne pi us voir ma femme, que de voir
la mère.
Je logeois chez un Vieillard de.
Diarbekir qui avoir du bien ; >( ce
font les termes de l'Auteur duGuliftan
) & ce Vieillard me difoit que
jamais il n'avoir eu qu'un fils qui
étoit préfent, que Dieu avoit accordé
à les Prières plufîeurs fois réitérées
dans une Vallée peu éloignée de
la ville, où il y avc»it grande devo^tion
prés d'un certain arbre. Le fils
* qui

des Orientaux. 121
qui entendit ces paroles dit tout bas
à Tes camarades: Jevoudrois (avoir
oùeft cet arbre, j'iroisy demander
à Dieu la mort de mon père.
REMARQUE. Diarbekir eft une grande
ville de la Mefopotamie , que nos
Géographes appellent du nom de la même
Ville. Comme elle eft fur la frontière
des Erats du Grand Seigneur vers la
Perle, il y a un Pacha qui a plusieurs Sangiacs
au dellbus de lui.
Le même Auteur dit encore en
parlant de lui-même: Par un excès
&par un emportement de jeunefle,
je maltraittois un jour ma mère de
paroles. Sur les chofes facheufes
que je lui dis, elle fè retira dans un
coin les larmes aux yeux 3 & me dit :
Prelentementque vous avés la force
d'un Lion , avés - vous oublié que
vous avés été petit pour avoir Tinfcnhbiliré
que vous avés pour moi?
Vous ne memaltraitteriés pas comme
vous le faites, Ci vous v ous fou-
F ve-

122 Les bons Mots,
veniés de vôtre enfance & dutems
que je vous tenois dans mon fein.
Le fils d'un avare étoit dangereufement
malade , Scdesarnis CQèfeilloientau
père de faire lire l'Alcoran
ou de faire un facrifice, difànt
que cela ferok peut-être que Diea
rendroit lafànté àfon fils. Leperc
y penfà un moment, & die : Il en;
plus à propos de faire lire 1* Alcoran ,
parce que le troupeau eft trop loin.
Un de ceux qui entendirent cette
iéponiè, dit : Il a préféré la lecture
de l'Alcoran,. parce que l'Alcoran
eft fur le bord de la langue; mais,
l'or qu'il lui en aurait coûté pour
acheter une victime, eft au fond de
(on ame.
REMARQUE. LesMahometanslifent
ou font lire l'Alcoran entier ou par parties
en plufïeurs rencontres > comme ,
pour l'amed'un défunt» pour un malade
, avant qu'une bataille fe donne, dans
des calamite's publiques & en d'autres necefîice's
pre/Tantes, dans la croïance que
c'eft un moïen propre pour appaifer la
colère

des Orientaux, 123
celere de Dieu. Ils égorgent aufïï des
moutons pour le même fujet. Schahroch
fils de Tamerlan e'tant fur le point de
donner mie grande bataille à Emir Caia
Joufouf , cjui s'e'toit fait reconnoîcre
Roi de Perfe, & qui avoit établi fon fiege
àTauriz, fit lire douze mille fois le
Chapitre de la Conquête, qui eftle48.
de l'Alcoran, par les Hafîz, c'eft à-dire,
par ceux qui favoient l'Alcoran par
coeur, lefquels e'toient à la fuite de fon
Arfne'c. Ce Chapitre eft de 19. Verfets.
On demandoit à un Vieillard
pourquoi il ne fe marioitpas ? Il répondit
qu'il n'avoit point d'inclination
pour de vieilles femmes. On
lui repartit, étant riche comme il
l'étoit, qu'il lui fèroit aife d'en
trouver une jeune. Il reprit : Je
n'ai pas d'inclination pour les vieilles,
parce que je fuis vieux, comment
voulés-vous qu'une jeune femme
puifïe avoir de l'inclination pour
moi&m'aimer?
Un Sage difbit à un Indien qui
apprenoit à jetter le feu Grégeois :
F 2 Ce

124 Les bons Mots
Ce métier-là ne vous eft pas propre,
vous de qui la maifon eft bâtie de
cannes.
REM,4RQ$JE. Les Orientaux parlent
Couvent du feu Grégeois, & par ce qu'ils
eu ditent, il paroîc que le bitume entrok
dans fa compofinon.
UnMahometan de peu d'efprit,
qui avoit mal aux yeux, s'addreua
à un Maréchal > & le pria de lui don*
ner quelque remède. Le Maréchal
lui appliqua une emplaftre dont ii fe
fèrvoitpour les chevaux; mais, le
malacte en devint aveugle , & fut
faire fes plaintes à laJuftice. LeCadis
informé du fait, le chafla , &
lui dit: Retire-toi, tu n'as pas d'action
contre celui quetuaceufes. Tu
naurois pas cherché un Maréchal
au lieu d'an Médecin û* tu nétois un
afiie»
Un fils étoit dans du Cimetière
affis fur le tombeau de fbn père,
qui lui avoit laiffedc grands biens,
& te-

des Orientaux. 125
& tenok ce difcours au fils d'un
pauvre homme : Le tombeau de
mon père eft de marbre, TEpitaphe
eft écrit en lettres d'or, & le pavé
à Pentour eft de marqueterie & à
compartimens. Mais toi, en quoi
conufte le tombeau de ton père}
En deux briques , Tune à la tête*
l'autre aux pieds, avec deux poignées
de terre fur (on corps. Le fils
du pauvre répondit : Taifés-vous,
avant que vôtre père ait feulement
fait mouvoir au jour du Jugement la
pierre dont il eft couvert 5 mon père
fera arrivé au Paradis.
REMARQUE. Ceft une coutume
chez les Mahometans de mettre une pierre
aux pieds & à la tête ries fepulturesde
leurs morts. Plus le mort eft riche, Se
plus cette pierre eft polie & ornée , &
fouveut on y met de beau marbre blanc
au lieu de pierre dans les lieux où l'on ea
peut avoir , & alors le marbre ou la pierre
eft en forme de colonne, & allés fréquemment
avec un Turban en fculpture
au haut de la colonne , conforme à la profei&on
ou à l'emploi du deffum pendant
F j qu'il

126 Les bons Mots
qu'il vivoit, ou avec un bonnet de femme
, fi c'eft une fepulture de femme.
De plus, pour peu que îaperfonne foit
de confideration, on voit fur la colonne
un Epitaphe en fculpture ou en caractères
grave's en relief 5 car , je ne me fou viens
pas d'en avoir vus de grave's en creux >
comme on grave ordinairement lcsEpitaphes
en Europe, & l'Epitaphe contient
-prcfque toujours laProfeflïon de Foi de
la Religion Mahometane, le nom & la
qualité du deffunt, avec une invitation au
pafîant de reciter le premier Chapitre de
l'Alcor2n pour le repos de foname, &
il y en a dont les caractères font dotés.
Les plus riches font de groiTes de'penfes
en repre'fenrations, en édifices voifins.*
comme Mofquées, Hoipkaux, Fontaines,
Ecoles, avec des revenus pour leur
entretien. Les Cimetières publics font
toujours hors des portes des Villes , &
l'on n'enterre dans les Villes que les Princes
& les perfonnes de grande diftindtion
avec leur famille près des Mofque'esdont
ils font les Fondateurs. Cet ordre eft même
obfervé dans les Bourgs &dans les
Villages où les Cimetières Font toujours
hors de l'enceinte des maifons le long des
grands chemins, afin que les pafiansen
les coftoïant foient excite's de prier pour
ceux qui y font enterre's. Outre la pierre
& le marbre, il y a des endroits où les
paréos

des Orientante. 127
parens planrencà la tète & aux pieds du
rofmatin ouquelqu'awre plante. En de
certains lieux les femmes vont le Vendredi
pleurer fur la(epulmre de leurs maris
ou de ieursparervs & amis.
• Le Grand Iskendef, ou Alexandre
lé Grand, car c'eft la même chofè,
venoit de prendre une Place, ôc
on lui dit que dans cette Place il y
avoir un Philofophe de confédération.
Il commanda qu'on le fîtveair;
mais, ilrutfortfurprisdevoir
un homme fort laid , & il ne put
s'empêcher de lâcher quelques paroles
qui marquoient Ion étonnement*
Le Philofophe l'entendit,
& quoi qu'il fût dans un grand defôrdre
à caufe du faccagement de fà
patrie; néanmoinsy il ne laifïa pas
que de lui dire en fourimt : Il efl
vrai que je fuis difforme; mais, il
faut confiderer mon corps comme
un fourreau dont l'ame eft le fàbre.
C'eft le labre qui tranche & non pas
le fourreau.
F 4 RE.-

128 Les bons Mois
REMARQIJE. Je ne me fou viens pas
d'avoir lu ce traie de l'Hiftoirc d'Alexandre
le Grand dans aucun Auteur Grec ou
Latin, ni enrendu dire qu'il s'y trouvât,
& je ne fâche pas aufli qu'aucun des Philosophes
que nous connoiilîons ait dit ce
mot. En effet, il retient plutôt la fageffe
des Orientaux que des Grecs. Quoi
qu'il en foit, il eft jufte & digne d'être
«marqué, -& ks Orientaux n'en fâchant
pas le véritable Aureux » ont pu l'attribuer
à Alexandre le Grand, qu'Us ont fait
un Hbros de leur Paxs.
Un Philofophe diioit : J'ai écrit
cinquante volumes de Philofophie j
mais, je rîcn Fus pas FatisFait. J'en
rirai foixante maximes qui ne me
iàtisfirent pas davantage. A la fin ^
de ces Foixante maximes j'en choifis
quatre, dans lesquelles je trouvai ce
que je cher chois. Les voici :
N ayes pas la même confideration
ni ks mêmes égards pour les Femmes
que pour les hommes. Une
femme eft toujours Femme, de fi
bonne tnaifon & de telle qualité
qu'elle puiiïè être.
Si

des Orientaux. 129
Si grandes que puiflent être vos
richeiies, n'y ayés point d'attache,
parce que les révolutions des tems
les difïipent.
Ne découvres vos fecrets à pcrfonne
, non pas même à vos amis
les plus intimes ; parce que iouvent
il arrive qu'on rompt avec un ami »
& que l'ami devient ennemi.
Que rien dans le monde ne vous
tienne attaché que la icience accompagnée
de bonnes œuvres j parce
que vous fériés criminel à l'heure de
YÔtre mort fi vous la méprilîés.
Les Philolbphes des Indes avoient
une Bibliothèque fi ample, qu'il ne
falloit pas moins de mille chameaux
pour la tranfporter. Leur Roi fouhaita
qu'ils en fillentun abrégé, &
ils la reduifirent à la charge de cent
chameaux ; & après plufieurs autres
retranchemens, enfin tout cet abrégé
fut réduit à quatre Maximes. La
première regardoit les Rois qui dévoient
£cre juftes. La féconde pre-
F 5 icïi-

i jo Les bons Mots
fer i voit aux peuples d'être fbuplcs &
obéiflàns. La troifiéme avoit la fànté
en vue, êc ordonnoit de ne pas
manger qu'on n'eût farm , & h
quatrième recommandoit aux femmes
de détourner leurs yeux dede£
fus les étrangers, & de cacher leur
vifage à ceux a qui il ne leur étoit pas
permis de le faire voir.
REM^RQlJE. A pr&pos de Biblîorïie-
«jue portée par des chameaux, Saheb fils
d'Ibad Grand Vizk de deux Rois de Perfe
de la race desBoiens, qui aimoit les
Lettres, &qui mourut l'an de l'Hegire
3 8 5. de J. C. l'an 9^5. en avoit une que
quatre cent chameaux portèrent à fa fui»te
» même dans les campagnes qu'il e'tok
obligé de faire. Le Grand Vizir Kupruli
tué à la bataille de Salankemen , qui avoit
une Bibliothèque très-fournie , n'allofc
auffi en aucun endroit qu'il ne fie portée
avec lui plufîeurs coffres remplis de Livres-,
car» toutletems qu'il ne donnoit
pas aux affai rcs, il le donnoit à là lecture
ou à enfeigner, ce qu'il : pratiqua particulièrement
au commencement de cette
dernière guerre contre l'Empereur.,
qu'il n'eut £as d'emploi jufqucs à la mort
du.

des Orientaux. 131
iû Grand Vizir Cara Muftapha Pacha >
qui l'enavoit éloigné, parce que dans le
confeil il s'e'toit oppole' lui feul à la déclaration
de cette guerre. Dans cet intervale
ilfaifoir tous les jours leçon à foixante
écoliers» qu'il nourrifloit aulïi & qu'il
habilloit. Bien des gens peut-être auront
de la peine à le croire, parce qu'ils ne font
pas accoutumés à voir de fembiables
exemples devant leurs yeux. Cependant »
cela s'eft fait & vu fur un Théâtre allez
grand , puifque c'etoit au milieu de Çonftantinople.
Quatre puifïans Monarques de
difterens endroits de la terre ont
prononcé chacun une parole remarquable,
à peu près furie même fujet.
UnRoidePerfe a dit: Jamais
je ne me fuis repentide m'être tu,
mais y j'ai dit beaucoup de chofes
dont je me fuis cruellement repenti.
Un Empereur de la Grèce a die
de même : Mon pouvoir éclate bien
davantage fur ce que je n'ai pas dit >
que fur ce que j'ai dit ; mais, je ne
puis plus cacher ce que j ai une fois,
pr ononcé. Un Empereur de la Chu
E 6 »e

ij2 Les fans Mot?
ne a dit : il eft beaucoup plus fâcheux
de dire ce qu'on ne doit pas
dire, qu'il n'eft aife de cacher le repentir
de l'avoir dit. Enfin, un Roi
des Indes seft expliqué en ces termes
fur le même fujet. Je ne fuis
plus rnaîrre de ce que j'ai une fois
prononce; mais, jednpofè de tout
ce que je n'ai pas avancé par mes
parotes. Je puis le dire & ne le pas
dire, fuivant ma volonté.
REMARQUE. Au lieu de l'Empereur
delà Grèce, le rextede l'Auteur du Guliflan
porte, 1 *Em pereur de Roum , ce qui
tfgnifie iameTmechofe > parce qu'en gefîeral
Fous oenom de Roum , les Orientaux
comprennent tous les Païs qui ont
été occupés par les Romains. Et quoique
des Romains etrs Pais aient paiTé aux
Grecs ; néanmoins, ils ont roûjours retenu
re nom 4e Roum pair rapport à &
première origine* de quoi il ne faut pas
s'eftonner., puifque depuis les Romains
' les Grecs fè font -appelles & s'appellent
encore aujourd'hui fWp*?*/, c'eft-à-dire,
Romains. Lemotde K-ouna-enparticulier

tles Orientaux. 133
natolie, aïanc fait leur Capitale de la V ille
d'Iconiurn , ce qui leur fit prendre le
titre de R is deRoum. Cela vient de ce
que les Empereurs de Conftantinoplc
aïant defFendu long-temps ces Païs là
contre les Mahometans, qui lesconnoifc
foient fous le nom d'Empereurs de
Roum > les premiers qui s'en emparèrent
& qui s'en rendirent Souverains afre&exenc
de fe donner le même nom.
Trois Sages, l'un de la Grèce,
un autre des Indes & Bouzourgemhir,
s'entretenoient enpréfèncedu
Roi de Perfe, & la converfation
tomba fur la queftion, fàvoir, quelle
écoit la choie de toutes la plus facheu(è.
Le S^ge de la Grèce dit que
cétoit la vieillefle accablée d'infirmités,
avec l'indigence & la pauvreté.
Le Sage des Indes dit que
c'étoit d'être malade & de fournir
ïàmaladie avec impatience. Mais,
JBouzourgemhir dit que c'étoit le
voifinage de la mort deftitué de bonnes
œnvres, & toute PadlFcmblée fut
du même ièntiment.
F 7 On

134 Les bons Mots
On demandoit à un Medecîti
quand il falloft manger ? Il répondit:
Le riche doit manger quand il
a faim, & le pauvre quand il trouve
de quoi manger.
Un Philofophe difoit à fon fils.:
Mon fils, jamais, ne fortes de la
maifôn le matin qu'après avoir mangé
, on a l'efprit plus raffis en cet
état, & au cas que Pon ïbit offenfë
par quelqu'un, on eft plus difs
pofé à fouffrir patiemment. Car,
ia faim deflèche &. renvcrfè la cervelle-
2?EMARQUE. Je ne fat fi lès Orientaux
font fondesfur cette maxime qui eft
de très-bon fens & véritable j mais généralement
, ils mangent tous de grand
marin, & ordinairement après la Prière
du marin , qu'ils font avant le lever du
Soleil > & ce qu'ils mangent font des
lai cage s, des confitures liquides, & autres
chofes femblables & froides î mars
pas de viande, après quoi ils prennent le
. Café. U eft certain que l'air fombre >
ferieux & mélancolique que l'on remarque
le matin dans ceux qui font à jeun,
nef

des Orientaux. 13?
»e prouve que trop la ncceiïité demcccrc
cette maxime en pratique.
On demandoit à Bouzourgemhir
qui étoit leRoileplusjufte} Il
répondit : C'eft le Roi fous le règne
de qui les gens de bien font enafc
furance, & que les méchaiis redoutent
Les Arabes difoient à Hagiaçc
leur Gouverneur qui les maltraittoit
: Craignes Dieu Ôc n'affligés pas
les MufTiilmans- par vos vexations.
Hagiage qui étoit éloquent monta
à la tribune, & en les haranguant
il leur dit : Dieu m'a établi pour
vous gouverner; mais, quand je
mourrois vous n'en fériés pas plus
heureux; cary Dieu a beaucoup
d'autres ferviteurs qui me reiîenxblent,
ÔC quand je ferai mort 9
peut-être que je ferai fuividun autre
Gouverneur qui fera plus méchant
que moi.
Alexandre le Grand priva un Officiel
de fonemploi & lui en donna
un

IJ6 Les bons Mots
un autre de moindre considération ,
& rOfHcier s'en contenta. Quelque
tems après Alexandre le Grand
vit cet Officier & lui demanda comment
il fè trouvoit dans la nouvelle
charge qu'il exerçoit ? L'Officier répondit
avec refpeft : Ccn'eftpasla
charge qui rent celui qui l'exerce
plus noble & plus confiderable;
mais*, la charge devient noble &
confiderable par la bonne conduite
de celui qui l'exerce.
REMARQUE. Alexandre le Grand fut
très-farisfair de cette réponfe, & il rétablit
cet Officier dans & première charge.
Dans les Cours du Levant, qui font orageufes,
les Courtifans ont befoin de ces
fortes d'exemples, pour ne pas fedefefperer
lors qu'ils font contrainrs de reculer
après y avoir avancé dans le fervice.
Un Derviche voyait un Sultan
fort familièrement j mais , il obferva
un jour que le Sultan ne le regardoit
pas de bon œil, comme il
avoit coutume de le regarder. Il en
chercha

des Orientaux. 137
chercha la caufe , & croyant que
cela venoit de ce qu'il fe preientoit
trop fouvent devant lui, îls'abltint
de le voir & de lui faire fa cour.
Quelque rems après le Sultan le rencontra
, & lui demanda pourquoi il
avoit cefle de venir le voir. Le Derviche
répondit : Je favois qu'il valoit
mieux que V. M. me fît la demande
qu'elle me fait, que de me
témoigner du chagrin de ce que je la
voyois trop fbuvent.
Un Favori faifoit cortège à Cobad
Roi de Perle, & avoit beaucoup
de peine à retenir Ion cheval, pour
ae pas marcher à côté du Roi. Cobad
s'en appcrçut, & lui demanda
quel égard les Sujets dévoient avoir
pour leur Roi, quand ils lui faifoient
cortège} Le Favori répondit :
Laprincipale maxime qu'ils doivent
obferver eft de ne pas faire manger
à leur cheval tant d'orge que de coutume
la nuit qui précède le jour auquel
ils doivent avoir cet honneur.,
afin

138 Les bons Mots
afin de n'avoir pas laconfufion que
j'ai prefèntement,
REMARQUES. Cobad Roi de Perfe

des Orientaux. i39
ce mot fignifîe le nouveau jour , parce
^uc chez les Perfans c'eft le premier jour
de l'anne'e Solaire qui étoic fui vie fous le
règne des anciens Rois de Perfe % à laquelle
les Mahometans ont fait fuivre l'anne'e
Lunaire. Néanmoins, depuis ce tems-là
les Perfans continuent de célébrer ee jourlà
la fête folemnelle qui s'y celebroit. Le
Roi de Perfe la célèbre lui même par un
grand régal qu'il fait à toute fa Cour,
dans lequel le vin que l'on boit eftaulïi
fervi dans des talles d'or, comme on
peut le remarquer dans les relations des
voyageurs de nôtre tems.
Hormouz Roi de Perfe fils de Sapor,
avoit acheté une parti e d e perles
, qui lui avoit coûté cent mille
pièces de monnoye d'or; mais if ne
s'en accommodoit pas. Un jour,
fon Grand Vizir lui reprefenta qu'un
Marchand enorîroitdeux cent mille,
& que le gain étant ficonfiderable,
il feroit bonde hs vendre,
puis qu'elles ne pïaifbient pas à S,
M. Honnouz répondit: C'eft: peu
de chofè pour nous que cent mille
pièces de monnoye d'or que nous
avons

140 Les bons Mats
avons débondées, & un gain trop
petit pour un Roi qoecenttnilie autres
que vous me propofés. De
plus, fi nous fanons le Marchand,
qui fera le Roi, & que feront les
Marchands 2
REMARQXJE. On compte quatre Rois
de Perfe qui ont porté le nom d'Hormouz,
fui vant la lifte que nous en avons
dans* les Hiftoires des Orientaux. Celuici
cft le premier de ce nom & le trotâéme
de la quatrième & dernière race des anciens
Rois de Perfe, que les mêmes Hiftoriens
appellent Safaniens de Safanpere
d'Ardefcnir Babecan premier Roi de cette
race. Sapor fon père a voit fait bâtir
Tchendi Sapor dans le Khoaziftan, d'où
étoit le Médecin Bacbt-lefchoua, de qui
nous avons parlé ci devant. Avant celuici,
il y avoit eu un autre Sapor Roi de
Perfe ; mais il étoit de la race des Afcaniens,
comme les apellent les Orientaux •
& ce font les mefmes que ceoxque nous
appelions Arfàcides. Il fut fuccefleur
d'Ask, qui donna le nom à toute la race,
& ce fut celui qui fe rendit fi redoutable
aux Romains. D'Ask Jes Grecs & les
Romaius ont fait Afak, & d* Afak Arfak,
d'où eft venu le nom des Ariacides.
Peu-

des Orientaux. 141
Pendant la minorité de Sapor fils
d'Hormouz Roi de Perfe, Taïr
Chef des Arabes fit une cruelle
guerre aux Perfans, dans laquelle
il pilla la Capitale du Royaume, &
fit la (œur de Sapor efclave. Mais ,
quand Sapor eut atteint l'âge de
gouverner par lui-même , il attaqua
Tair &le prit dans une Forterefle
par la trahifon de Melaca (à
propre fille, qui ouvrit h porte de
la Forterefle. Après qu'il fe fut défait
de Taïr, il fit un grand carnage
des Arabes, & à la fin laflé de cette
tuerie, afin de rendre fà cruauté
plus grande par une mort lente, il
ordonna qu'on rompît feulement les
épaules à tous ceux qu'on rencontreroir.
Melikun des anceftees de
Mahomet lui demanda quelle animofité
il pouvoir avoir pour exercer
une fi grande cruauté contre les
Arabes. Sapor répondit: Les Aftrologues
m'ont prédit que le de[tru&eur
des Rois de Perle doit naître

142 Les bons Mets
trechez les Arabes, c'eft en haine
de ce deftru&eur que j'exerce la
cruauté dont vous vous plaignes.
Melik repartit : Peut-être que les
Aftrologues fè trompent, & fi la
chofè doit arriver, il vaut beaucoup
mieux que vous faffiés ceiTer cette
tuerie, afin qu'il-aie moins de haine
contre les Perfans quand il fera
vçnu.
REMARQUE. Sapordequiileflparlé
en cet aride efl le fécond du nom de laj ace
des Safaniens, & (on pereHormouz
de rnefme efl le fécond du nom de la
mefme race. A caufe de cette cruauté' de
caffer les e'pdules, les Arabes lui donnèrent
le nom de Sapor Zou l'ectaf >
comme qui diroit, le brifèur d'épaules ,
avec lequel ils le diftinguent toujours des
autres, lors qu'ils parlent de lui dans
leurs Livres.
On préfènta un voleur fort jeune
à un Calife, & le Calife commanda
qu'on lui coupât la main droite, en
difànt que c'étoit afin que lesMuffulmans
ne fuflent plus expofe's à fès
vole-

des Orientaux. 143
voleries. Le voleur implora la clémence
du Calife, & lui dit : Dieu
m'a créé avec l'une & l'autre main,
je vous fuppliedene pas permettre
qu'on me faflè gaucher. Le Calife
reprit: qu'on lui coupe la main,
Dieu ne veut pas qu'on fouffre les
voleurs. Lamerequiéto^t préiènte
repartit ; Empereur des Croyans,
c'eft mon fils, il me fait vivre du
travail de fes mains, je vous en fiipplie
pour l'amour de moi ne fouffrés
pas qu'il (oit eftropié. Le Calife
perfifta dans ce qu'il avoit ordonné
, & dit : Je ne veux pas me
charger de (on crime. La mère infifta,
& dit : Confiderés ion crime
comme un des crimes dont vous demandés
tous les jours pardon à
Dieu. Le Calife agréa ce détour ôc
accorda au voleur la grâce qu'elle demandoit.
REMARQJJE. Empereur des Croïans
cft la traduction fideîle du titre d'Lmirclmoumenin
que les Califes fe font attribues
y

144* Les bons Mots
bues , & après eux les Rois Arabes ea
Efpagne & d'autres Princes Mahorretans.
Omar fécond fuecefleur de Mahomet le
prit le premier, au lieu du titre de Succefieur
de Dieu, qu'on lui avoit donné
d'abord, & qui Fut trouvé trop long»
comme Abou Ifarage l'a remarqué.
On amena un criminel à un Calife
, & le Calife le condamna au
fùpplice qu'il meritoit* Le criminel
*dit au Calife : Empereur des
Croyans, il eft delà juftice de prendre
vangeance d'un crime ; mais ,
c'eft une vertu dene pas fe vanger,
Sicx'lacil, il n'eftpas de la dignité
d'un Calife de préférer la vangeance
à une vertu. Le Calife trouva ce
trait ingénieux à ion goûc, & lui
donna là grâce.
Un jeune homme de là femilfe
çTHafchem , famille confidérable
parmi les Arabes, avoit offenïé une
perfônnè de considération, & l'on
en avoit fait des plaintes à un oncle
(bus-la direction dequiilétoit. Lç
neveu voyant que (on oncle (è met 7
toit

des Orientaux. 14s
toit en état de le châtier , lui dit :
Mon oncle, je n'étois pas en mon
bon fèns lorfque je fis ce que j'ai
fait; mais, fouvenez vous défaire
en vôtre bon fèns ce que vous allez
faire.
Hagiage interrogeoit une Dame
Arabe qui nvoit été prifè avec des
rebelles, & la Dame tenoit les yeux
baillés ck: ne regardoit pas Hagiagq.
Un des affiltans dit à la Dame : Hagiage
vous parle & vous ne le regardés
pas ? Elle répondit : Je croirois
offenfer Dieu fi je regardois un
homme tel que lui que Dieu ne regarde
pas.
REMARQUE. Nous avons déjà remarqué
qu'H a giage étoic un Gouverneur
de l'Arabie, & qu'il y avoit exeicé de
grandes cruaute's.
On derriandoit à Alexandre le
Grand par quelles voyes il étoit arrivé
au degré de gloire & de grandeur
où il étoit. Il répondit : Par
G les

tï$6 Les bmS M&ts
iesvbons traitement que j'ai faits< à
imes ennemis, &par les 1 fbdns qfcte
.j'ai pris de faire en forte «que -mes
amis fuiîent conftans dans l'amitié
qu'ils avoient pour moi. ...
Alexandre le Grand étant mec
lies Généraux , un d'eux '$ai dit :
Seigneur^ Dieu vous a donne un
:grand & puifîant Empire; prenez
«pjuûeurs femmes , afin que vous
-aydz.plurieurs fils* & que par «uk
vôtre nom demeure à la pofterité.
. Alexandre répondit : Ce ne font
pas ks fils qui perpétuent ia mémoire
des pères, oe font les bonnes
aâions & les bonnes moeurs j U
ne fèroit pas auffi de la grandeur
d'un Conquérant coniïlStfmoi de fe
laiflTer vaincre par des fèmme$ après
avoir vaincu toutHIniveis.
Sous le règne de Sultan MahihoudrSeb^teghinJjddni^edddrVlet
iloid'ifpahan y de Rjejt, de Kofîa^
-de Kafchan & de taitotince

iks Xkùntmix. r^j
ïttfM&rflaiila pour fueceu'eur JVkgedcçdcieyjet
ion fils en bagage. Pen?
4ant;A minorité, Seideh fa mère
Princefle d'une fageflè, extraordinaire,
gouverna avec l'approbation
generaile, .de tous les peuples ; du
Royaume. Lorsqu'il e&t atteint Tige,
de régner par lui-même, comme
il ne fe trouva pas avoir la capacité
neceflaire pour Ibûtenir un
fardeauii pefànt, on lui lailïa feulement
le titre de Roi , pendant que
Seïdeh continua d'en faire les fondions.
Sultan Mahmoud Roi du
Maverannahar, du Turqueflan *
de la plus grande partie du Khoraffan
&;des Indes, enflé de la poffef?
fion de ces puiffans Etats, envoya
un Ambafladeur à cette Reine 9
pour lui lignifier qu'elle eût à le reçonnoître
pour Roi , à faire prier
à ion nom flans ; les, MQufqu.ées du
Royaume quidépendoit d'elle, •&
de faire frapper la monnaye, à fbn
Coin. Si elle refufoit de fe foumet-
G % trc

148 Les bons Mots
tre à ces ccmdkfc>i*5 ,* r Jéféf il vién&dft
eh - "pe rlbnrrô Vem pàfer -dé* J feei ifë
d'Ifpahan $ &' qu'il la pdniroit.
L'ÂmbarTadeur étant arrivé préfcntala
Lettre remplie de ces menaces
dont il éroip chargé. La Lettre fut
ME',' &Sé'}

des Orientaux. 14,9
ie bonheur de remporter la vidtoire }
je ferai coiinoître 3 tout l'Univers
que j'aurai fournis le grand Sultan
Mahmoud > & ce fera pour moi une
gloire immortelle d'avoir vaincu le
Vainqueur de cent Rois. Si je (uccombe,,
Sultan Mahmoud ne pourra
fè vanter que d'avoit vaincu une
femme,-':'. .•':. '•:-..
REMARQUES. Seïdeh e'toit fille d'un
oncle de la mère de Kikiaoas Roi du iMa-
2ander3n, comme il 4e marque lui-même
en rapportant cetraird'Hiftbiiedans
J'Inftruction poùt Ion fils, ; doi>t il a déjà
été parle'. Le même trait eft aufîi rapporté
dans l'Hiftoirechoifie, qui eft un
abbregé de l'Hiftoire Mahometanc eu
Perfan.
Fakhr-eddevlet e'roit Roi de Perfe, le
feptierae de la race de Boieh, qui commença
à y régner l'an del'Hegire 3 2.1.
deJ.C. 9 j 3.par Ali fils de Boieh, & Boieh
fe difoit defeendre de Bdieram Gour
ancien Roi de Perfe, delaracedesSalaniens.
Fakbr eJdevlet régna onze ans &
mourut l'an 3.87. de J. C. 997. Saheb
Ifmail fils d'Ibad, qui faifôit porter fa
Bibliothèque en campagne par quatre
G j cent

150 LesbwiÊZMàU
cent chameaux, cotnine nous l'ôfoaS
p^anju^ ci-deffii5, éto^fpji GranxLVizir.
Sçidçtj defàrma^alimoi^cl Seoeî^ëghiii
{fâr fa fermeté & jteffaT^ohieV tyais",
â'âbotd* iqfc'ette fut- ni^rte ; il âéttvtià
Meged^eddevlet, & Iç Éicmpi^ii sn pri?
fon.
On démandoit à un 'Arabe ce
qu'il lui.fsmbloit^des^icheÉfitsV *

des Orientaux. 151
avoir fait mourir trop peu ; car, je
ne ferois pas ici aujourd'hui, fi je
n'en avois pas épargné un fèul de
vous tous.
REMARQTJE. Schems-elmaali s'appelloit
Schems - elmaali Cabous > Se
ç'coit grand père de Kikiaous Auteur de
rinftrnition dont nous avons déjà parle
plus d'unefbis, qu'il a intitulée Cabousnameh
pour lui faire honneur. Il mourut
de froid dans cette prifon l'an 403. de
l'Hegire , parce qu'on l'y mit en defhabillé
, dans le même état qu'on l'avoic
furpris> & on l'y laifla fans lui donruec
feulement ce qu'on donne aux chevaux
pour litière, quoi qu'il le demandât en
grâce, & ce qu'on donne aux chevaux
pour litière dans le Levant eft de la fiente
de cheval feche. Schems elmaali étoit
favant en Aftronomie & en plufieurs autres
feiences, & il a lailTé des ouvrages
Ferfàns en Profe & en Vers.
Noufchirvan Roi de Perfè demanda
à un Empereur des Grecs par
un AmbaiTadeur, par quels moyens
il étoit (i ferme êc fi ftaole dans fou
Empire ? L'Empereur lui fit réponse:
Noufrn'empk^onsejuedesper-
G 4 ion-

X5£- Les bons Mots
faunes expérimentées dans l'adminiltration
de nos affaires. Nous ne
proinétions rien que nous, ne le tenions.
Nous ne châtions pas fuivam
la grandeur, de nôtre colère;
mais feulement fuivant l'énormité
des crimes. Nous ne donnons les
charges qu'aux perfonnes de naifîance,
& nous ne prenons confeiï
que des perfonnes de bon fens.
Le même Noufchirvan voulut
qu'on gravât ce mot fur Ton tombeau
: Tout ce que nous avons envoyé
avant nous, eft notre Threfôr;
celui qui récompenfe plutôt le
mal que le bien, eft indigne de vivre
tranquillement,
"REMARIE* Par cette expreffion :
Tout ce que nous ayons envoie avant
nous, Noufchirvan a voulu dire: Toutes
nos bonnes œuvres.
Platon difbit : La Faim eft uii
nuage d où il tombe une pluye de
fcienceoc d'éloquence. La Satiété

«des Orientaux. 155
fcft an autre nuage qui fait pleuvoir
unepluye d'ignorance & de groffiereté.
, H difoit encore ; Quand le
ventre eft vuide, le corps devient
efprit, & quand il eft rempli, l'e£
prit devient corps. Il difoit auflî:
I/ame trouve fbn repos en dormant
peu, le cœur dans le peu d'inquiétudes
& la langue dans le fiience.
REMARQUE. Je ne fâche pas que ces
paroles remarquables de Platon fe lifen-t
dans fes ouvrages, ou fe trouvent dans
aucun de nos Auteurs anciens. Je les
ai trouvées dans un recueil de différentes
matières en Arabe, en Perfan & en
Turc , que j'ai apporte de Conftantinople.
A chaque article le Collecteu*
cite l'Auteur d'où il l'a tiré , excepté eu
quelques endroits, comme en celui ci
cjui m'a paru digne d'avoir ici fa place.
Un Poète liioit à un Emir des
Vers qu'il avoit faits a fà louange,
& à mefure qu'il lifoit,, l'Emir lui
difoit : Cela eft bien, cela eftbiea.
Le Poète acheva de lire, mais il ne
lui dit autre chofe. A ce ûlence le
G 5 Poète

Poète lui dit: Vous citas ; Cetaeft
feien, cek eft bien $ mais, la farî-,
ne ne s'achète pas aVéc-cek
REM4KQ&P\ Parle nonv^'Emi^ ^ jl
faut entendre un Général d'arrnee ou uri
Gouverneur de Province. ' ' ' !
On difoit à Àfexan-dre le Grand
qu'un Prince qti ? il ayoità -vaincre
étoit. habile & experim£ût,é\ fi je vainquois en voleur.
On demanda à un Sage ce que
e étoit qu'un ami ? Il répondit; €'eft
tin mot qui n'a point de fignifkartion.
Le Sage Locman étant au lit de
la mort fit venir fon fils-â & en lui
donnant ià bénédiction, HîuicHt:
Mon fils > ce que j'ai de plus partecnlier
à vous recommander en ces
derniers movnens , eft d'obfèrver
fix maximes qui rerferftient to«e
la

4es Orientaux. îff
la morale des anciens & des modernes.
N'ayez de l'attache pour le monde
qu à proportion du peu de durée
de vôtre vie.
Servez le Seigneur vôtre Dieu
avec tout le zèle que demandent les
befbins que vous avez de lui.
Travaillés pour Pautre vie qui
vous attent, & confiderés le tems
qu'elle doit durer.
Efforcés-vous de vous exempter
du feu, d'où jamais on ne fort quand
une fois on y a été précipité.
Si vous avez la témérité de pécher
, mefurés auparavant les forces
que vous aurez pour fupporter le feu
de FEnfer & les châtimens de Dieu.
Quand vous voudrés pécher
cherchés un lieu où Dieu ne vous
voye pas.
REMARQUE. Les Orientaux ont un
recueil de Fables fous le nom de Locman,
qu'ils appellent le Sage, &ce qu'ils en
difent a beaucoup de conformité avec ce
G 6 que

i f 6 Lès bons jMbts
que les Grecs, difent d'Efope. Ilsneeonviennent
ni du tems auquel il vivoit ni du)
païs d'où il étoic. Il y en a qui avancent
que c'écoit un Patriarche , & qu'il étoic
fils d'une fœurdejob, & d'autres écrivent
qu'il e'toit contemporain de David»
& qu'il a demeuré trente ans à Ta Cour.
La plus grande partie aflurent que c'étoiç
an Abimn , & par conféquent qu'il étoit
Noir Efctave d'un Marchand. Mais ,
tous ceux qui en parlent conviennent qu'il
étoit^d'une grande, prudence & d'une fa,-,
geffe 'confonimee, accompagnée d'une
vivacité' d'efprit extraordinaire. Son torabeau
, à ce qu'ils difent ^ eft à Remleh ,
qui eft ce que nous appelions Rama dans,
la Terre Sainte, entre Hicrufalem & Japha.
Mahomet a parlé de lui dans te
rrente-unième Chapitre, ou autrement ,
dans la trente unième Sourate de l'AIcoran,
qu'on appelle la Sonrare de Locmari.
On demandent an mêmeLocman
de qui il avoit appris la venu.
Il répondit: Je l'ai apprifede ceux
qui n'en avoient pas ; car, je me
fois abftenu de tout ce que j'ai remarqué
de vicieux dans leurs, aç-
AU

des Orientaux, i? f
Ali recommandoit à fes fils Hat
fan & Huflèin de pratiquer ce qui
ftit , & il leur difoit : Mes enfans,
ne méprifés jamais perfonne. Regardés
celui qui eft au deflus de vous
comme vôtre perej vôtre femblable,
comme vôtre frère \ & vôtre
inférieur comme vôtre fils.
Hagiage qui fut depuis Gouverneur
de Y Arabie, aflieçeoit la Ville
de la Mecque, & Abd-ullah fils de
Zebir la deffendoit. Abd-ullah réduit
à l'extrémité, & voyant qu'il
alloit être forcé fe retira chez lui.
Sa mère lui dit: Mon fils, (i c'eft
pour le bon droit que vous combattes,
il ne peut fe maintenir que
par vôtre bras., Retournés donc au
combat , & confiderés que vous fèrés
un Martyr Ci vous fuccombés.
Abd-ullah répondit : Ma meré ,. je
ne crains pas la mort \ mais, je
crains d'avoir la tête coupée après
ma mort. La mère reprit : Mon
fiîs, le mouton égorgé ne fent pas
G 7 de

*58 L es hmst/hH
de douleur quand oa fécorche.
REMARQUES. Apres la mort du Calife
Mâavia fîïs

dés Orientaux. 159
REMARQUE. Suivant la tradition
des Mahometans, le Temple de la Mecque
eft le premier Temple confacré à
Dieu, & ils veulent qu'il ait été'bâti par
Adam & rebâti enfuitc par Abraham &
parlfmaël. C'eftpour cela qu'ils y.vont
en pèlerinage par un des cinq préceptes
de leur Religion.
Le Calife Haroun- errefchid voulant
récompenfer Bakht - Ielchoua
qui Tavoit guéri d'une apoplexie >
le fit fon Médecin, & lui donna
le s mêmes appointemens qua fon
Capitaine des Gardes du Corps, en
difànt : Mon Capitaine des Gardes
dp Corps, garde mon corps ; mais %
Bakht-Iefehoua garde mon arae.
FEMAPQUI. Eakht-Iefchoua eft le
même que George fils de Bakht-Iefchoua
de qui il eft parlé ci-devant. Ilétoitfort
jeune lors qu'il guérit Haroun errefchid
de cette apoplexie, & ce foc le commencement
de fa fortune à la Cour des Califes.
Le Calife Mamoun fils d'Harounerrefchid
prenoit un grand plaifir à
par-

i6o Les bortsMei*
pardonner, &il difoit: "Si.Pourvoit
le plaifir que je me fais de pardonner
, tous les criminels viendroient
à moi pour fcntir l'effet de
ma clémence.
REMARQUE. Mamoun nVtort pas
feulement un Prince doux, bon & cle'ment,
comme il parole par ce traie de
fon Hiftoire-, mais, encore, il étoic
libéral & très habile dans l'an de gouverner.
Avec cela, il a encore été* le plus
docte de tous les Cahfes. 8C comme il
aimoit laPbilofophie & les Mathématiques,
il fit traduire du Grec & du Syriaque
en Arabe pluficurs Livres de ces feiences.
Il étoit même bon Aftronomé, & il
drefla ou fit clreffer d?s Tables Aftronomiques,
qui furent appellées les Tables
de Mamoun.
Le Caîife Vathik Bilîah étant à
l'article de la mort, dit: Tous les
homi^es font égaux & compagnons
au moment de la mort. Sujets,
Rois, perfonne n'eneftexempt. Il
ajouta en s'addreflà»ràDieur. Vous
de qui le Royaume n'eft point periflablej

des Orientaux. 161
riflable , faites mileri corde à celai
de qui le Royaume eft periiTable.
REMARQUE. LeCaîifeVathikBîilan.
ctoir petit fils du Caîife Haroun - errefchid
& neveu de Maraoun. Sou père auquel
il avoit fuccedés'appelloit MutafTem
Êillah. Ile'toit vaillant & libérai, & comme
il étpit amateur de la Poëûe, les Poètes
e'toient bien venus à fa Cour, & il
leur faifoit du bien. Il ne régna que cinq
ans & quelques mois & mourut l'an de
l'Hegire 131.de J C. 845.
Le Calife Mutezid Billah avoit
befbin d'argent pour les préparatifs
d'une campagne, & on lui dit qu'un
Mage qui demenroit à Bagdad avoit
de grofles fbmmes en argent comptant.
L'ayant fait appeller il lui en
demanda à emprunter, ôc le Mage
lui répondit que le tout étoit à fon
fervice. Sur cette bonne foi le Calife
lui demanda s'il fe fioit bien à lui,
& s'il ne craignoit point que fon argent
ne lui fût pas rendu. Il répondit:
Dieu vous a confié le commandement
de iès ferviteurs & les Pais
qui

ié x Les bons Mon
qui reconnoiffent vôtre puiflancè ;
il eft public auffi qu'on pieut fefier
à vôtre parole, & vous gouvernés
avec ju$ice. Après cela, puis-je
craindre de vous confier mon bien ?
REM^RglJE. Ce Calife mourut à
Bagdad Tan de l'Hegire z&c>. deJ.C
l'an 901.
Gelai-eddevlet MelecSchah un
âcs premiers Sultans de la famille
desSelgiucidés, qui ont régné dans
la Perfè,: fit un jour fà prière à Me£
ehed dans le Khoraflan au Tfambeaii
d'Ali Riza, dans le tems qu'un de
fcs frères s'étoit rebellé contre lui.
En fortantde la prière»: il demanda
à ion grand Vizir s'il dcvineroit
bien ce qu'il avoir, demandé à Dieu?
Le grand Vizir répondit : Vous lui
avez demandé qu'il vous donne la
victoire contre vôtre frère. Le Sultan
repartit : Je n'ai pas ràit cette;
demande \ mais, voici: ma prière:
Seigneur, fi raonàere eft plus propre

des Orientaux. 165
pre que moi pour le bien des Muk.
fulmans , donnés - lui la victoire
contre moi ; fi ;je fois plus propre
que hii » donnés- moi la victoire
contre lui.
. HEM4RQ17E. Ces Sultans ou ces Rois
Selgiucides prennent leur nom de Selgipuçchef
«f^'une puifîahte inondation de
Turcs ^ qui pàfferçnt en deçà del'Oxus
dans lé KhorafTan fous le règne de Mahmoud
Sebedeghin de qui il eft fait mention
ci-défias. Dogrulbeg petit fils de
Selgiouc commença leur Empire, qui
fût partagé eh plufieurs branches, l'an
41?. dél'BÉègire , de J. C. l'an 1057.
Quelques-uns de nos Auteurs, par une
grande corruption , l'ont appelle 7**»grolipix)
& Mr.Befpicr dans fes Notes
fur l'Etat de l'Empire Ottoman de Mr.
Ricaut , s'eft donné beaucoup de peine
pour en trouver la correction. Celle qu'il
âdormeedeTogrulbeg eft la meilleure.,
& il aoroit trouve' auffi Dogrulbeg s'il
avoit fu que les Turcs prononcent le Ti
des Arabes comme un D. mais, il ne pouvoir
pas le fàvoir , puisqu'il n'avoit appris
le peu de Turc qu'il favoit qu'en
Normandie* Ce mot ne vient pas aufli de
Tanari qui fîgnifie Dieu en Turc > comme
il le prêtent i mais, de ârogu qui fîgnifU

164 Les bons Mots
£nifie droit , Se Dogruibeg figaific i le
Seigneur droit. G^ol^îr^l^evJcc ^M^ljck-
Schah , qu'un autre'Auteur a^pëlfe Gelai
eddin , fut le trdiiîe'irè i &!rari àprci
Dogrulbcg, & TOQBicrc l'an de lTB^ire
485.deJ. C. 1091.
Le Calife Soliman, qui étoit
bien fait de là perfonne, fe regardoit
dam un miroir ëti préfèrtec crurie
de les Dames, & dubic : je fuis
le-Roi des jeunes gens. La Dame
repartit : Vous fériés la marchandise
du monde la plus belle Çcïàplus
recherchée , fi youir^^ vjyre
toujours^ mais, l'hommeai'eftpas
éternel, & je ne fâcheras d'autre
défaut en vous que celui d'être peruTahle.
REMARQUE. Le Calife Sohman étoit
le feptie'me de la race des Ommiades qui
regnerenr avant les Abaflîdes. Il mourut
Van 99.del'Hegire, dej. C.l'an 717.
Au retour dufiege deMouflbul,
qui ne lui réuffit pas > Sâlabh-ddin
Roi d'Egypte & de Syrie tombardans
une

des Orientaux. i6f
lme : tàakdie très-dangereufè, donc
peu s'en-fallut qu'if ne mourir.
Naffir eddin Mehemmed Ton coufin
en ayant eu la nouvelle, écrivit
tuiïï-tôtàDamas delaVilled'Hims
ou il étoit, pour folliciter ceux qu'il
croyoit lui être favorables de fonger
à le déclarer Sultan, au cas que Salahh-ddin
vint a mourir. Salahhddin
ne mourut pas ; mais, peu de
tems après Naiïir-eddin Mehemmed
tomba malade & mourut luimême.
Salahh-ddin qui avoit é[é
informé de la démarche qu'il avoit
faite , s'empara de fes richefles &
de tous fes biens, 6c quelque tems
après il voulut voir un fils âgé de dix
ans qu'il avoit lanîé en mourant.
On le lui amena, & comme il iavoit
qu'on avoit foin defon éducation,
il lui demanda où il en étoit
delale&uredel'Alcoran. Il répondit
avec eiprit & avec une hardielîe
qui (îirprit tous ceux qui étoient préfens,
& dit : J'en fuis au verfet qui
dit:

oit; Ceux j^i 3^
pfpheiins font des Tyçpfnç. f _/? r_, T,.
'. ' .' ! .
REMARQUAS. Saiahh-ddin eft le fameux
Saladin de nos HiftoÏDCs des Croifàdes,
qui reprit; Hier u fa le ni Tàù $85.
*ie l'Hégire, dé J.G. faH ii^-qiiair*
arts après le fiegc de Moafloul, dont U
eftici parle', la (eulede pouces les entreprîtes
qu'il avoit faites julques alors, qui
ne lui re'uffit pas. Lors qu'il fut arrivé
devant la Place, Sultan Atabek Azz-ed-
^inMafoud lui den&n^Jagaix;, xnlxâ
faifant. propofer.la.cçiïIpnd^fW 6 l*$¥< m
lie. Mais, Salahh -Hain pe/iuadé par
fon confèil, s'obftinâ à vouloir faire le
iîegequ'Azz-eddin foûtint fi vigoureufement,
qu'il fut contraint de le lever avec
j*onre, & de fe retirer apre's ayoir fait
imePaix qui lui fut bien moins, avantageai*
quecèlle qui lui avôit ézé offerte.,
. Hims eft le nom que les Arabes donnent
à la Ville d'Emefle en Syrie-
Dans une bataille que Ginghiz*
khan gâgna^ de^.OlSbiefs de.'ÏAfT
mée ennemie ^îicHeuc 4cs:4

des Orientaux. 167
khan les vit, & dit en les admirant :
Un Monarque qui a de fi braves
gens à fbn fer vice peut vivre en feureté.
XEMu4RQ]JES. Il n'y a prefque que
le petit nombre de ceux qui ont quelque
intelligence des Livres Orientaux à qui
Cinghizkhan foie bien connu. Néanmoins
, le public peut efperer d'avoir
bien tôt le même avantage par l'Hiftoire
que M. de la Croix le père en a recueillie
: de drfferens Auteurs Arabes, Perfans &
Turcs qu'il doit faire imprimer. Cependant
, aïant à rapporter en cet endroit
quelques-unes de fes paroles remarquables
tire'esdeMirkhond un de fesHiftoriens,
afin de donner des marques défi
grandeur, je dirai enpaftantque parfès
conquêtes il fut Empereur de la grande
Tartarie, de la Chine» des Indes, delà
£erfe & de tous IesPaïs qui font au Sud
de la Mofcovie, audeffusdela MerCaf*
pienie & de la Mer Noire. Il régna vingtcinq
ans avec grand e'clat, & mourut 1 an
dcrHegirerf14.de T. C.l'an ix%6.
) 11 gagna la bataille dont il eft ici parlé
contre Taïank Khan Roi d'une bonne
partie de la grande Tartarie > dans laquelle
ce Roi fut blefle fi dangereufement que
peu de jours après il mourut de fes bleiliires.

i68 Les bons Mots
tes, Cette Yi&oire lui guvrit k chemin à
toutes les autres çonquêzes qui relevèrent
au point de grandeur qui a e'te marque.
-
Giougikhan prioit Ginghizkhan
fon pêré de'donner la vie à un Prince
de Mecrit fort jeune & très adroit
à tirer de lare , de qui le père &
deux frères venoient d'être tués dans
un fanglant combat. Ginghizkhan
le refufa, & lui dit: te peuple du
Mecrit eftde tout le monde le peuple
à qui il faut le moins fè fier. Le
Prince pour qui vous me parlés n'eft
préfentement qu'une fourmi j mais ,
cette fourmi peut devenir un fèrpent.
De plus , un Prince n a jamais
moins à craindre d'un ennemi
que lors qu'il l'a mis au fond d'un
tombeau.
REMAR QUE S.

des Orientaux. 169
de la Mofcôvie y étortcomprife. Il mourut
quelque tems avantla mortdeGinghizkhan.
Le Pais de Mecric eft une Province du
"Mogoîiilan dans la grande Tarcarie,
dont le Roi & le-peupk avoicnt caufé de
grandes traverfes dGiuiihtzkhan daus fa
jeunefîe, & qui e'to:cnc entrés dans toutes
les.ligues qui s'eioient formées contre
lui C'eft pourquoi, il ne faut pas
s'étonner qu'il n'ait pas voulu écouter les
prières de Ion rils Giougi pour làcnfier ce
jeune Prince à ion relfcntiment.
• Un jourGinghizkhan voyant Tes
fils & fes parens les plus proches afc
femblés autour de lui, tira une flèche
de fon Carquois & la rompit.
Il en tira deux autres qu'il rompit de
même tout à la fois. Il fie la même
chofe de trois & de quatre. Mais
enfin il en prit un fi grand nombre
qu'il lui fut impoflibie de les rompre.
Alors, illeurtintcedifcours,
& dit : Mes enfans, la même chofe
fera de vous que de ces flèches.
Vôtre perte fera inévitable, fi vous
tombés un a un ou deux a deux en-
H ue

'J.JO Les bons Mots
tre les mains de vos enoeniis. Mais,
fi vous êtes bien unis enfêmble, jamais
perfbnne ne pourra vous vaincre
ni vous détruire. Pour leur persuader
davantage qu'ils dévoient vivre
dans cette union, il leur difoit
encore: Un jour qu'il faifoit grand
froid , un ferpent à plùfieufs têtes
voulut entrer dans un trou pour fe
mettre à couvert & s'empêcher d'être
gelé. Mais, à chaque trou qu'il
rencontroit, les têtes s'embarraffoient
tellement l'une avec l'autre,
qu'il lui fut impoffible d'entrer dans
aucun , & qu a la fiiî, ayant été
contraint de demeurer à l'air , le
froid lefaifit & le fît mourir. Dans
le même tems, un autre qui n'avoir,
qu'une tête & plufieurs queu'és fè
fourra d'abord ayee toutes.,. fès
queues dans le premier trou qu'il
rencontra & fàuva fà vie.
KEMJIRÇTJE. Ginghizklian téu'fTit
dans le deflein qu'il*avoii-ctfrtçâ d'établir
une bonne union dans la famille , 8c
après

- dès Oriènîdihc. 11.71
. -après lui , elle dura une i longue iuite
d'armces dans fi -poîterité , qui -cou fer va
long'térhs lé grand ( '&t le pui {Tant Empire
qu'il avoirforme' Tons -le Commandement
. abfolu d'un feul. Mais, celui quiavoit
'Ce00mmandement ne. gouvernoit point
., ;.p^T|drqit de kieceuio'n ni d'anielîç ; - mais y
' par reîe^ri'Ôn qui s'en 'raifôitdu cohfén-
'• -téikèûi de [toxxi dans-une' aflemblife ge'né-
• raie pour jouir de la même 'autoritéiavec
laquelle Ginghizkhan avoir régné. C'eft
ce que Pon verra plus amplement dans
l'Hiftoîre de Gin'ghilzkhan & de Ççs fuc.
ceiîèûrs, lors qu'elle feraiiîife au jour.
Gingjhiizkhàn avoitprisà fonfêr-
' vice le Secrétaire d'un Roi Maho-
< metân qu'il avoit vaincu pour l'employer
dans fes expedinons. Un
jour 3 il eur à écrire au Roi de Mou£
'foui pour lui mander de donner paffage
a mv détachement de fes Trou-
L jpès qu'ilavoit envoyé de ce 'côté-là,
(& il fatvenir ee Secrétaire à qui il dï t
en termes fort précis ce qu'il vouloir
. que la Lettre contint. Le Secrétaire
: accoutumé au ftiie pompeux & rcrni
pli de titres emphatiques, ique-.tous
H 2 les

xji LêibûHÎMts
les Princes Mahometans dé ce cems-
" là feâonnoïentj dfejïa.uné Lente
en Arabe titfuë de belles penfées &
de mots recherchés, & la préfenta
£ Ginghizkhan pour âïojtf fàti àp-
[ r'£rbbatiôn. Çinghîzkrian : fe ^la* tic
. înrerpreterV en Mogoï qui etoit ià
langue ; mais, il là trbuya d'un ftile'oppofé
à (on 1 intention; &il die
au Secrétaire que ce n'étoit pas ce
qu'il lui avoit dit d'écrire. Le Secrétaire
voulut fè deffendre, & dit
. que ç'étoit- k manière ôr#ttaiFJ& d'écrire
aux îtpj& jQjjiagJîi^jc^n qui
. ne vouloit pas qu'on lui répliquât,
repartit en colère : Tu as, l'efprit
rebelle, ôc tu as écrit en des termes
qui rendroient Bedr-eaVlin (c'était,
le nom du R^i de^lyfeuflo^)
plus orgueilleux en, lii^nt ma J-ettre
&C mpins diipofé àja^ çfjquçje
lui demande. •; ~
REMARQUÉS. Gingluzkhàii ne Ye
contenta pasdexeirc re(>rinien

des Orientaux. 175
euiaihardielTede ne pas faire pre'cife'meuc
ce qu'il lui avoir commande.
' Bedf'eddin Roi de Mouflbul n'avoic
été premièrement que Miniftre'de ce
Royaume^là fous Azz-eddin Mafoud de
la race des, >kabeks :, auquel il fucceda
apre'sr fa tnort. Il régna long tems &
râpufut l'àh de l'Hegire 659. de J. C.
Le Lecteur ne fera pas fâche' de trouver
ici le contenu de la Lettre que Ginghizkhan
écrivoit au Roi de MoufToul en
fon propre ftile. Le voici tel qu'il eft
rapporté par Mirkhond : Le grand Dieu
nous a donne l'Empire de la furface de la
terre à mot tf à ma Nation, Tous ceux
cfui fe faumettent fans je faire contrains,
dre ont leur vie y leurs biens, leurs Etats*
f$ leurs enfansÇaufs, Dieu qui eft éternel
fait ce (fut doit leur arriver. Si Bedreddin
fe foumet (jf donne pajptge à nos
troupes, il lui en arrivera bten. S" il fait
le contraire j Que deviendront fes Etats ,
fes riche(fes 0~:. ù Vtlle de Moujfoul ,
Iprfyuenousjl ferons arrivés avec toutes
nos trotipes rajfemblèes ? Ginghizkhan 8c
fes fuccefleurs ne prenoient pas d^aucres
titres que celui de Khan,
, Ginghizkhan s'etant rendu maître
de la Ville de Bokhara, fit af-
,.• H 3 fem-

j 74; Les bm& Mats,
ieîtïbîer leshabkârtsv & en les la*ranguant;,
if kûr dit lënfic autres"
chofès : Peuple 5 il fouj que, y os, pe- \
chés ibienc bien énormefc y puiique
c T{F la colère dé Djeu J fôurffofflànr
qui m'a énvoy.é contre, vous ï liioi"
qui luis un des neàux de fonT^rc-.
1 *• •• :-..- - .> :.i.-;v,: ;! ••..:• ,-
F.EM.4RVUE. Bokhara -éft une Ville
du Mavcrannahar où de la Tranfoxiacie,
qui éroît très grande.trè$ peujtfe'é & très-'
opulente. Mais, Gihgfii^hànâprèss'eiv
être"rendu naître y fit mettra îefeu), & v
pa'fct'qu'elle n'ëtoit prefq&Vbâftie qtifc*
de'boîs, elle fuit toute*coâtojtëi'è'e* è'ifûri*
(cal jour i teiln'y relkïut ^ied'qhé fa*
grande Mcfquëe & quelques? inaifons ;
bafties de briques. Ogtaïkhaii fils&Tucceiîeur
de Ginglïirkhaiî là' x él icbâtirv
Elle e'toir encore illuttrè duterûs-d'e Ta-*
ifcerlan&defes fuccefleui^ ^eifëfub^
fifte eriebré aujourd'hui fbuîlè'tegnë'des-
Uzbëc-'s..' ; • J ^ V . . T X V . - . - . -
1 .,
' M
Après la deftru&ion de, la Ville
de BokharaparGinghizkhan on demanda
dans le Khoraflan à un des
habitans- qui s'y étoit -réfugié ,• - fi le-
• " • ' : . ll defor*

des Orientaux. 175
defbrdre que les Mogols y avoient
commis écoit auffi grand qu'on le
publioit. Il répondu £c en exprima
Ja dcfblation en fa langue qui éroic
Perfàne, en ce peu de mots: Ils
font venus, ils ont détrui, ils ont
bruflé, ils ont tue, ils ont emporté.
PEMs4RQl7E. Après avoir parle de
l'incendie de Bokhara dans la Remarque
précédente , pour dire un mot de 1 Vrîaîîon
de fangquel'arme'e de Ginghizkhan
y fit j le jour qu'elle arriva devant la Place
vingt mille hommes en forment à
l'entrée de la nuit pour la furprendre.
Mais , les Mogols les apperçurenc, & ils
en firent une h" grande tuerie , qu'il n'en
rentra dans la Ville qu'un très petit nombre.
Le lendemain au lever du Soleil, les
habitans aïant obferve' de deflus leurs
remparts que la campagne paroilloit
comme un grand lac delang (c'eftl'expreffion
de Mirkhond ) ils capitulèrent Se
ouvrirent leurs portes.
Un Scheich d'une grande réputation
& d'un profond lavoir demeuroit
dans la Ville de Kharezem Capi-
H 4 taie

176 Les bons Mois
taie du Rriiaume du même nom,
lorfque Ginghizkhan fortit de la
grande Tartarie pour étendre fès
conquêtes du côté du Couchant.Les
JMahomctans qui étoient. auprès de
lui ayan: su qu'il a voit. réfolu d'envoyer
ailie^er cecrt Ville-là par trois
Princes lès fils, le fupplierent d'avoir
la bonté de faire avenir le
Scheich. de (e retirer ailleurs. Ginghizkhan
leur accorda cette grâce,
& on donna avis à ce Scheich de (a
part qu'il feroit fagement de fortir de
la Ville pour ne pas être enveloppé
dans le malheur de fès concitoyens,
s'il arrivoir que la Ville fût forcée
comme elle le fut, parce qu'alors
on feroit mainballè fur tous les habitai!
s. Le Scheich refufa de fortir,
& fit cette réponfe : J'ai des parens,
des alliés, des amis & des difciples,
je ferois criminel non feulement devant
Dieu, mais encore devant les
hommes, fijelesabandonnois.
REMARQUES. Ce Scheich qui s'appelloïc

des Orientaux. 177
pelLoitNegem-eddinKebri, fut tue dans
le fac.de Kharezem ; mais auparavant,
quoi qu'il Fût dans unegrande vieillefle,
néanmoins, il ne laifla pas que de tuer
plufiéurs Mogols de ceux qui le forcèrent
dans fa mai (on.
Sans parler des Kharezemiens qui furent
tue's dans le dernier allaut, par lequel
ils furent force's après un fîege de près de
fîx mois, Mirkhond rapporte que les
Mogols quand ils furent maîcres de la
Ville, en firent lortir tous les habitans ,
fuivant leur coutume lors qu'ils prenoient
une Place , qu'ils firent efclaves, favoir>
les Marchands & les Artifans avec les
femmes & les enfans qui croient au deffous
de quatorze ans, & que lereftefuc
diftribué aux foldats pour les égorger. 11
ajoute que les foldats e'toient au nombre
de plus de cent mille, 8c quedesHifroriensafluroient
que chaque foîdat en avoù
eu vingr-quatre en partage. Si cela e'toit •
plus de deux millions quatre centtniile
âmes auroient péri dans ce feul carnage.
On pourrait douter qu'une Ville eût pQ
contenir tant de monde, mais, il faut
confiderer que la Ville étoit grande ,
puHque c'e'toit une Capitale, & que les
habitans des Villes yoiiïnes& les peuples
d'alentout s'y e'toient réfugiés avant le
fieçe.
H 5 Ginginz-

17S Les bons?Mtà$
Ginçhizkhan étant à Bokhàra,
âpres les grandes conqueftés, en xleçâ:
de l'Ox us, fur le poijpit: jde retourne?;
en foB Pays dansJagittrideTartarie
où il mourut peu de temps après &m
arrivée, eut lin entretien avec deux
Docteurs Mahomerans touchant
leur Religion i dont il fut curieux
d'avoir la cônii^lfâncè 1 } & à cette
occkfion il dïtptuiîélifeHârofesf'rêsr
remarquables & de bon kns5J qui
méritent d'avoir ici leur place. ' "
Le Docteur Mahometan qui portoit
la parole, lui dit : Les Musulmans
reconnoiiîent un ieul Dieu
Créât eitr de toutes chofes* &qui
n'a pas Ton ièmblablc.'A celaGinghizkhan
dit: Je n'ai pas de répugnance
à croire la même chofe. Le
Dodenr pourfuivit : Dieu toutpuifïant&trés-faint
a envoyé à Ces
ferviteurs tin £nvoyé» afiu de leur
enfèigner par (on eritremtfe ce qu'il
fatloit qu'ils obfervafTént pour faire
le bien & pour éviter le mal. Ce difcours

des Orientaux, T 79
cours ne déplut pas à Ginghizkhan
plus que le premier, & il y répondit
en ce,s termes : Moi qui fuis ferviteur
de Dieu, j'expédie tous les
jours des Envoyés pour faire fàvoir
à mes fùjets ce que je veux qu'ils
fafîent ou qu'ils ne raflent pas, 6c
je fais des Ordonnances pour la discipline
de mes armées. Le Docteur
reprit la parole, & dit: Cet Envoyé
a fixé de certains tems pour
faire la Prière, & en ces tems-là, il
a commandé d'abandonner tout
travail & toute occupation pour
adorer Dieu. Voyant que Ginghizkhan
agréoit cet article, il dit encore:
Il a aulîî preferit de jeûner
une Lune entière chaque année.
Ginghinzkhan repartit: Il eftjufte
de manger avec mefùre l'elpace
d'une Lune pour reconnoître les
faveurs du Seigneur après en avoir
employé onze à manger fans règle
&fans ménagement. LeMahometan
continua , & dit : Le même
H 6 En-

180 Les bons Mots
Envoyé a aufîi enjoint aux riches,
par exemple , de vingt pièces de
mon noyé d or d'en donner la moitié
d'une chaque année pour le (bulagcment
des pauvres. Ginghizkhan
loua fort ce 'Statut, & dit : Dieu
éternel a créé toutes chofes indif-
"teremment pour tons les hommes ;
c'eft pourquoi il eft ra i Tonnable que
ceux qui en (ont partagés avàntageufement
en fallent part àcetfx qui
n'en ont pas. Le Docteur ajouta
que les Mahometansavoient encore
un commandement exprès d'aller
en pèlerinage au Temple de
Dieu qui étoit à la Mecque pour l'y
adorer. Ginghizkhan réponditàcet
article: Tout l'Univers eftlaMaifon.de
Dieu. On peut arriver à lui
de tous les endroits du monde, &
Dieu peut m'écouter de l'endroit où
je fui s prefèntement, de même que
du Temple que vous dites,
t KEM^FQUES. Le Do&eur qui avait
pAjIc dans cet entretien prétendoit conclure

des Orientaux. 181
dure que Ginghizkan (ur les réponfes
qu'il avoir faites c'toir Mahometan.Mais,
fon Collègue foûtint le contraire; parce
queGinghi2khan n'avoit pas reconnu la
neceflite' de faire le pèlerinage de la Mecque.
Il avoic raifon : Car, comme
Mirkhond l'a remarque', ilefr confiant
que Ginehizkhan n'a été attache' à auj
p • i • i i
cune Religion particulière des peuples
qu'il avoir fubjugue's , qu'il laiiïbit à chacun
la liberté de profefier celle qu'il vouloir
» & qu'il ne coinraignoit perfbnne
d'embralfer celle donc il faifoit profeffion.
Au contraire, il avoitde la confédération
pour tous ceux qui avoient de la
vertu , du favoir & du mérite , fans
avoir égard à leur Religion, comme il
paroitpar fon Hiftoiie. Et, comme le
remarque encore Mirkhond, c'efl une
des grandes qualire's qui le rendirent recommandable.
A considérer fa Religion
en particulier de l'entretien qu'il eut
avec ces Docteurs , des autres circonftancésde
fon Hiftoire&de l'Hirtoirede
les fucceflèurs , il fèmble qu'on pourroit
dire qu'elle n'avoit pas beaucoup de'genelé
de celle que Japhct ou fa pofterite 2 voit
porte'e dans la Tartarie.
Soit que ce fût une opinion reçue" par
les Arabes du tems de Mahomet, qu'Abraham
& Ifmaè'l avoient bâti un Temple
à Dieu à la Mecque, ou que Maho-
K 7 met

182 Les bons Mots
met ait inventé le fait, c'eftce qui fat
adonne lieu de faire un article de fa Religion
, par lequel il enjoint à tous Ces
Sectateurs d'y aller en pèlerinage au
moins une fois en leur vie. llsl'obfccvent
encore aujourd'hui » & il y en a peu
de ceux qui en ont les moyens qui ne le
fa-flent > ou s'ils ne le font 5 qui ne croyent
qu'ils y font obligés & qui u'ayeuc deffcin
de le faire.
On rapporta àOgtaïkhan fils de
•GinghizKhan &fon fuccefleur aux
grands & puifïàns Etats qu'il avoir
kiflés , comme une nouvelle qu'on
croyoit devoir lui faire plaifir, qu'on
avoit trouvé dans un Livre que le
threfor d'Afrafiab ancien Roi du
Turqueltan étoit dans un cerrain
endroit qui n'étoit pas éloigné de
j£ Capitale. Mais, il ne voulut pais
en entendre parler, & il dit : Nous
n'avons pas befbin du trefor dts autres
, puifqne nous diftribùons ce
que nous avons aux fèrvitèurs de
-Dieu & à nos fujets.
REMARIES. Ogtaï étost k trotfîeme

des Orientaux. 183
me fils de Ginghrzkhan, qui le déclara
fon fuccefleur par fonTeftament préferàblement
à Giagatai fcn fécond fils , qut
(t fournit à la volonté' de fon père, &
qui reconnut lui-même Ogtaï en cette
qualité'dans l'aiTèmblée générale de tous
les Etats , lors qu'il fut confirme' deux
ans aprèsla mort deGinghizkhan. Cette
Diète ou cette Aflêmble'e n'avoit pu (e
tenir plutôt, parce qu'il ne falloit pas
moins de tems à tous ceux qui dévoient
lacompofer pour s'y rendre desextremite's
de l'Empire deGinghizkhan. Ogtaïkhan
mourut Tan de l'Hegire 639. de
J. G. Tan 1141. C'e'toitun Prince clément
& pacifique > & fur toutes chofes
tre's libéral, comme on peut le remarquer
par les articles qui fuivent.
Ogtaï fut particulièrement appelle
Kaan au lieu de Khan-, mais, ce fut par
corruption & fuivant la manière plus
grorTiere des Mogoîs de prononcer ce
mot au rapport de Mirkhond.
Un Marchand préfenta h Ogtaîkhan
un bonnet à la mode du Khorafîan,
& alors Ogtaïkan étoit un
peu échauffé de vin. Le bonnet
lui plut, & il fit expédier au Marchand
un billet pour recevoir deux
ceiit

184 Les bons Mots
cent balifclies. Le billet fut dreffé
& livré ; mais, les Officiers qui dévoient
compter la ïbmme ne. la
payèrent pas, croyant qu elle étoic
excefîive pour un bonnet, & que
le Khan dans l'état' où il érpit n'y
avoit pas fait reflexion. Le Marchand
parut le lendemain , &. les
Officiers préfenterent le billet au
Khan*, qui k. fouyint fort, bien de
l'avoir fait expédier j mais,, au lieu
d'un billet de deux cent balifehes»
il en fit expédier un autre de trois
cent. Les Officiers en différèrent le
payement de. même qu'ils a voient
différé le payement du premier; Le
Marchand en fit fes plamtèsf, Çcle
Khan lui en fit faire un troifiémé
de fix cent balifches, que les Officiers
furent contraints de payer.
Ogtaï, le Princejju monde le plus
modéré , ne s'emporta pas contre
•eux j fur : le retardement, qu'ils
avoient apporté à l'exécution de fà
volonté. Mais> il leur demanda
s'il

des Orientaux. 185
s'il y avoit au monde quelque chofè
qui fût éternel ? Les Officiers
répondirent qu'il n'y en avoit aucune.
Il reprit : Ce que vous dites
n'eiï pas véritable; car, la bonne
renommée & le iouvtnir des
bonnes actions doivent durer écerriellemcnr.
Cependant, par vos
longueurs à distribuer les îargefles
que je fais , parce que vous vous
imaginés que c'eft le vin qui me les
fait faire, vous faites voir que vous
êtes mes ennemis; puifquevousne
voulés pas qu'on parle de moi dans
le monde.
REMARIE. Une balifche chez les
Mogols valoir environ cinq cent livres
de nôtre monnoye. Ainfi, delafomme
cju'Ogtaïkhan fit donner au Marchand
pour le bonnet qu'il lui avoit pre'fenté,
on peut juger de fa libéralité. En voici
un autre exemple qui n'eit pas moins furprenant.
Un Perfan de la Ville de Schiraz
fe préfeiita devant Ogtaikhan , ôc
lui

iE6 Les bons Mots
lui dit que fur le bruit' cfe fes largeffes
ilvenoic du milieu de la Perfe
implorerIbn fecours pour s^acquitter
d'une debte dé cinq cent balifches.
Ogtaîle reçut fort bien, &
ordonna qu'on lui comptât mille
balifchès. Ses Miniftres lui rcpréfentèrent
quecen'étoit pas unelargefle,
mais une prodigalité, de
donner plus qu'on ne demandoir.
Ogtaï repartit: Le pauvre homme
a paflé les montagnes & lesdeferts
fur le bruit de nôtre libéralité, &
ce qu'il demande ne fùffit pas pour
s'acquitter de ce qu'il doit, ni pour
la dépenfe du voyage qu'il a fait 6c
de celui qu'il a encore à faire pour
retourner chez lui.
PEM^RQUE. Schirazéft la Capitale
de la partie de tout le Royaume de Perfe
, qui porte proprement le nom de
Perfe. Delà le Perlan de qui il eft ici
parle e'toit aile' prefque à l'extrémité'de
la grande Tartarie vers la Chine à la
Cour d'Ograïkhan , & Ogtaïkhan eut
égard à la confiance en fa libéralité avec
b la-

dès Orientaux. 187
laquelle il avoit entrepris un fi grand
VQfXgti
En parlant par le Marché de Caracoroum
fa Capitale , Ogtaïkhan
vit des Jujubes, & commanda à un,
Qfficier de lui en acheter. L'Ofricier
obéïc & retourna avec unc;
charge de Jujubes. Ogtaï lui dit : ••
A la.quantité qu'en voila, apparemment
qu'elles coûtent plusd'u-,
njebalifcheî L'Officier crut faire (à
CDUCJ. cV dit quelles ne coutoientt
que le cjuart d'une balifche 5 ex que,
détoit même plus que le double de'
ce quelles, yalpient. Ogtaï lui dk,
en colère : Jamais acheteur de ma
qualité n'a pafl e devant la boutique
de qe Marchand, ôc lui commanda
eurpême îems de lui porter dix baiifches.
' REMARQUE. Caracoroum dans h
grande Tartane e'toit le lieu de la naiffance
de Ginghizkli2n , & le patrimoine
qui lui e'toit échu après Tes ancêtres , donc
il avoit fait la Capitale de fon Empire,
Sous le règne de fes fucceilçursdle devint
une

i88; Les bonsMofs,
une très grande Ville par-l'ariBuft ne? ilos. '
peuples qui y aboraoiem de tous les en- .
droits du monde..
Un Marchand avoir perdu uh€
bourfè remplie d'une fëfrirrié ton- '
fïderable & d'un bon nêinbrè de
pierreries^ & pour lar trouverplus
facilement il fit publier qu'il èri

"dés 'Orientaux. 189
cher ailleurs ce qu'il a. petdù ; ,cai,
de fôn. propre aveu la bourfe n'eft
pas à lui.
Timour maître de l'Anatolie
après la dé&ire de Sultan Bajaset Ij-
• dirinvYoulutvoir le Sçheiçhkqutb-
- cddin de Niçée, (ur la réputatiçui
de fà doctrine & de la vie retirée
dont il faifoitprofèffionXe Scheich
prit la liberté de lui dire : Ç'eft une
indignité à un Conquérant de maffàcrer
les ferviteurs de Dieu & de
facçager les Provinces comme vous
le faites. Ceux qui afpirent à la gloire
doivent s'abftenir de verfer le
fàiisr innocent. La Religion Mufliil-
/Y»
mane dont vous faites profemon
, .demande que vous proregîés les
Pais où elle efl fleuriflante. Timoqr
répondit : Scheich, chaque campement
que je fais, l'entrée de mon
pavillon çft ouverte le fbir du côté
du Levant, & le lendemain matin
je la trouve ouverte du côté du Couchant.
Déplus, quand je fuis mon-
........... té

cjo Le? bon£Mais
te 3a chevaj, - ùner cinquaiifciiiie^e
Cavaliers viables à 4Tiai fenlJmjfschent
devant moi & me ièivéntcje
guidesv Le Scheich. reprit î; Je
'

des Orientaux. 191
Timour étoit un jour au bajn
avec plufieurs de fèsEmirs, parmi
lesquels fe trouvoit aufïi Ahmedi
Poète Turc, qu'il avoit attiré auprès
de lui comme un homme de
Lettres & comme bel efprit. Il demanda
à Ahmedi : Si mes Emirs
que voilà étoient à vendre, à quel
prix ks mettriés - vous ? Ahmedi
les mit chacun à tel prix qu'il lui
plut, & quand il eut achevé, Timour
lui demanda : Et moi, que
puis-je valoir ? Il répondit ? Je vous
mets à quatre-vingt afpres. Timour
reprit: Vôtre eftimation n'eu: pas
jufte ? Le linge feul dont je luis
ceint en vaut autant. Ahmedi répartit:
Je parle suffi de ce linge;
car, pour vôtre perfbnne vous ne
valés pas une maille.
EÊAL4JRQpES. 11 étoit aifé que ia
converfation tombât fur ce fujet parmi
des perfonnes chez qui les hommes fe
vendoient & s'achetoient tous les jours,
comme il fe pratique encore aujourd'hui
dans tout le Levant, & particulièrement
dans

içp Les bom^Muts
dans un bain où il étoit facile de juger de
^embonpoint & des défauts du corps
d'un chacun. \ " : w.v. Tmiour ne 1 fe feéHâ pas défo hardie fie
. & il ne fe cont£nta,pas eje tire de là
plaisanterie ^ il lui fît encore pre'ïent de
tout f attirail de bien dtint il fe fervoit eh
cette,, occafîoii, lequel confiftoit en des
ballîns & etide grandes tafTe&dJor & d'argent
& des vaîes de même matière propres
a verfer de l'eau.
Les Mahomerans horitmès'*&. femmes
par bien - (eancefe ceignent'dansle baia au
deflous des cfpaules d'un linge qui efl:
ordinairement de toile bleue, dont ils
fôntenveloppe's prefque jufquesàùx pieds
par devant & par derrière, de manière
que rien ne bielle la modeftie. Us appellent
ce linge Fota, duquel, mot Coma
Efendi s'éft fervi en rapportant cette plaifanterie.
On fe baigne dans l'eau froide
avec la même referve; mais,plutôt avec le
caleçon qu'avec le Fota. Si la même chofe
fe pratiquoit en France » on ne reprocheroi
c pas aux Dames la promenade en Eté
le long de la rivière hors de la porte de
Saint Bernard.
Ahmedi étoit dé la Opur de Sultan
• ' •. •- < •••'••'--• ''Bajaïec

des Orientaux. 195
3*jazet Ildirimc Après que Timour le
fut retire de l'Anatolic • il fe donna à
Émir Soliman fils du même Bajazet, &
lui de'dia l'Hiftoire d'Alexandre le
Grand en Vers, qu'il avoi* compofée
fous le titre d'Iskender nameh.
. Un jour Timour expédia un Courier
pour une affaire de confequence,
& afin qu'il fît plus de diligence,
il lui donna le pouvoir, quand
il en auroit befbin, de prendre tous
les chevaux qu'il rencontreroit en
chemin, fans regarder à qui ils appartiendraient
de tel rang que ce pût
être. En paflant par une Prairie ,
le Courier vit de très-beaux chevaux,
& voulut en prendre un à la
place de celui fur lequel il couroit.
Mais , les Palefreniers s'oppoferent
à l'exécution de fon defTein, & lui
cafferent la tête quand ils virent qu'il
vouloit ufèr de violence. Contraint
de fè retirer en cet état, il montra fà
tête enfànglantée à Timour, & fe
plaignit du mauvais traittement
I qu'on

,ï94 Les bons Mots
qu'on lui avoitfait. /Timburéricçh
1ère , commanda qu'on s'informait
qui étoit le maître des chevaux &
qu'on le fît mourir lui 6c les Palefreniers.
Ceux qui eurent cette
corn mi (lion ayant appris qu'ils appartenoient
au Mouphri Saàd-édd
in, ne voulurent pas exécuter l'ordre
qu'ils avoient à caufe f délâ dignité
âe la perfonne, qu'ils n'en cu£
fent donné avis à Timoùr, & qu'il
ne leur eût donné un autre ordre.
La colère de Timoùr s'appailà quand
il fût que les chevaux âjtàa^hoicnt
au Mouphti. Ilfit venir léGourier,
&ïui dit: Si une fèmbîàble chofe
étoit arrivée à mon fils Sehahroch',
rien ne m'auroit empefché de le faire
mourir. Mais, comment puis-'
je m'attàquer à un hôrfiméqui n'a
pas (on pareil aumonde, : â?ûn honime
de qui la plumé ne corfimandc
•'pas feulement dans* les Pays de ma
domination; mais encore au dehors
& dans les climats où mon ft-
5 br£*ic peut arriver * RE-

des Orientaux. 19^
REMARQUE. Ce Mouplri croit d'un
ieu aux environs d'Herat, qi-i s'sppelloit
Taftazan. A caufe de (on habileté on le
:onfultoic de rous les endroits où l'on faioit
profeffion de la Religion Mahome-
:anej c'eft pourquoi Timour eut pour
ui le relpect qu'il s'étoit acquis par fa
grande autorité.
o
Mirza Orner petit fils de Timour
, chaflé des Eftats que ion
grand père lui auoit donné conjointement
avec Mirza Miranfchah Con
pcre & Mirza Ababckir (on frère
aifné, fe réfugia au Khorafîan auprès
de Schahroch Con oncle. Schahroch
non content de l'avoir bien
reçu^ le fit encore Souverain du
Mazanderan, qu'il conquit peu de
temps après fon arrivée. Mais ,
Mirza Orner ne fut pas plutôt eilabli
dans ce Royaume qu'il fe revoira &
qu'il déclara la guerre a Schahroch
fon oncle & Con bienfaiteur. Lorsque
Schahroch reçut la nouvelle de
fà rébellion , un de fes Officiers en
qui il avoit beaucoup de confiance,
I 2 &

i$6 Les bons Mots
& qui avoit été d'avis de ne pas faire
à ce Prince le bon traittementqu'il
lui avoit fait, le fit fbuvenir de ce
qu'il avoit eu l'honneur de lui dire
fur ce fujet, qu'il n'y avoit pas d'apparence
qu'il dût vivre en meilleure
intelligence avec un oncle qu'il n'avoit
vécu avec fbn père & avec (on
frère, & remarquer en même temps
que l'événement faifbit voir qu'il ne
• s'étoit pas trompé. Schahroch lui
dit: Nous ne lui avons pas fait de
mal, & le Royaume que nous lui
avons donné n'étoit pas à nous.
Sachez que les Royaumes font à
Dieu; il les donne & il les ôte à qui
bon lui fembie.
FEMARÇ^JE. Mirza Orner ne profita
pas long temps de fon ingratitude; car»
Schahroch le vainquit daus une bataille
prefque fans coup ferir. Comme il avoit
pris la fuite au travers des Etats de Schahroch
, il y fut arrêté & amené au vainqueur
avec une grande bleflure qu'il avoit
reçue en fe deffendant contre ceux qui
l'avoient arrêté. Schahroch eut encore la
bonté*

des Orientaux. 197
bonté de lui donner un Médecin & un
Chirurgien, & de l'envoyer à fa Capitale
pjuryétre craitce'. Mais, il mouruc
eu chemin.
Schahroch donnoit les Royaumes
qui dépendoient de lui à fes fils,
à Ces parens ou a (es Emirs ; mais
ordinairement , à la charge d'un
tribut & de fraper la monnoye a fbn
Coin. Alors , il donnoit à chacun
les avis dont il croyoit qu'ils
avoient befoin pour bien gouverner
, & la plupart de ces avis ont
été recueillis par Abdurrizz^c Efendi
fon Hiftorien. Il dit à fon fils
Mirza Uluç Bwg en le Enfant Roi du
Maverannahar ou de la Tranfoxiane
& du Turqueftan : Le Toutpuilîant
nous a tait le prélent relevé
dont nous joiiitfons-, ÔCnous a gratifié
de l'autorité abfoluë que nous
avons en main, (ans avoir égard à
nos foibleflesni a nos défauts. Le
Souverain pénétré de quel prix eft
un Empire , doit premièrement
I 3 lui

198 Les bons Mots,
hii rendre gracesdeiès bien-faits;
Enfùitc, il faut qu'il ait de la tendrefîe
& de la cômpaffion pour tous
ceux qui font dans la necefïùé, de
qu'il le fbuvienne que Dieu a dit
au Prophète David qu'il l'avoit éta^
bli Cou Lieutenant fur la terre afin
qu'il rendit la jufticeaux hommes.
Ayés de la vénération & du reipect
po,ur les Savans, & ne vous écartés
pas des préceptes de la Loi ni
des dédiions de ceux qui l'ont expliquée.
Maintenés toujours ceux
qui en font les Interprètes dans leurs
honneurs & dans leurs dignités.
Appliqués-vous fortement à faire
en forte que les Juges faflent leur
devoir fuivant les Loix. Prencs
fous vôtre particulière protection
les peuples de la campagne , afin
qu'on ne leur faflè aucune vexation
; mais au contraire, afin qu'on
leur fafle toute forte de jufticc. Car ,
ce font eux qui contribuent au
maintien & à l'augmentation des
Finan-»

des Orientaux, tçy
Finances de l'Etat. Gouvernés vos
fbldats avec un vifàge ouvert & de
douces paroles ; parce qu'ils font la
force & le foutien d'un Royaume.
Prenésauffilefoin que la paye leur
fôit faite dans le tems, & augmentés
le fàlaire de ceux qui font des
actions de diftinction, & qui expolentleur
vie pour la confèrvation
publique. Mais, châtiés ceux qui
manquent à leur devoir. Enfin,
en quelque rencontre que ce (oit,
ne vous écartés pas de la droiture,
& commettes la garde de vos confins
à des Gouverneurs d'une expérience
confbmmée, êc qui jiyent
foin de bien entretenir les Places
fortes.
REMARQUES. Ulug Beg aîné des fils
Je Schahroch régna long-tems dans le
Royaume du Maverannahar & du Turqueftan
pendant le règne de Ton père.
Après fa mort, il eut quelques guerres à
foûtenir pour la fucceilîon des Etats

200 Les bons Mots
radions qui fe formèrent contre loi;
mais , particulièrement parla révolte de
fonpropre fils Mirza-Àbd-ulletif. Car,
ce fils dénaturé lui fit la guerre, le vainquit
& commit en fà perfonne en le faisant
mourir un parricide d'autant plus
déteftable, qu'il s'étoit acquis non-feulement
par fa valeur , mais encore par
£à bonté, par fafagelTe, & fur tout par
(à doctrine & par l'amour qu'il avoit
pour les Lettres & pour les Savans, une
réputation qui l'avoit diftingue' par deffus
tous les autres Princes de fon tems. En
effet, parmi les Mahometans & parmi
les Chrétiens on parlera toujours de
l'Obier yatoire qu'il fie baftir à Samarcande,
des Mathématiciens & cTes Aftronomes
qu'il y avoit attirés & qu'il y entretenoit
, & des Obfervations dont les Tables
Agronomiques qu'ils mirent au jour
fous fon nom furent le fruit.
Comme l'Alcoran eft le fondement de
la Religion & des Loix Civiles des Mahometans
> les Interprètes de ce Livre fe
font acquis une grande autorité parmi
eux. C eft pourquoi, Schahroch qui ne
l'ignoroit pas , & qui étoit lui-même
très- religieux obfervateur de ce qu'il contient,
recommande à (on fils d'avoir de
la vénération pour eux & de les maintenir
dans leurs honneurs & dans leurs dignités,
comme un des principaux moyens
pour

des Orientanx. 201
pour fc faire aimer des peuples. Car les
peuples ont de la peine à fouffrir patiemment
au'onméprife & qu'on mihraite
les chefs & les adminiitrateurs de leur Religion.
Le même Schahroch dit à Mîr>
2a Mehemmed Gehançhir un de
fes petits neveux en lui donnant un
Etat confiderable fous les conditions
marquées ci-devant : Afin que
vous vous comportés comme vous
le dc\és9 confiderés que Dieu ne
prive jamais ceux qui font le bien
de la récompenfè qu'ils méritent.
Soyés clément ÔC bon envers ceux
qui dépendent de vous, parce que
ce font des créatures de Dieu. Commandés
à vos Officiers de ne les
pas maltraitter, de foulager les pauvres
& d'obferver les Loix ôc les
Ordonnances, Pour ce qui vous
regarde en particulier, ne faites
rien qu'avec prudence & avec fà~.
geffe , & ayés toujours devant les
yeux les bons avis que je vous donne.
I ; il

5b 2 Les bons Mots
Il dit auflï à Mirza Kidou autre
de Tes petits neveux en lui donnant
le Royaume de Candahar & fes dépendances.*
Exercés la juftice, ne
faites pas de vexations, nid'injuftices,
ni de tyrannies ; parce que
c eft un chemin par où vous vous
perdriés. N'oubliés pas que les
Royaumes gouvernés par des Princes
juftes & équitables, quoi qu'infidellês,
ne laiffênt pas que d'être
de longue durée; mais, que le règne
des Tyrans ne fubiifte pas longtems.
Comportés-vous en toutes
chofes avec modération 6c avec figelle.
Ayés foin de vôtre réputation
& attirés-vous la benedideion de vos
fiijetspar vos libéralités & par vos
bien-faits. C'eft par-là que vous regnerés
long-tems.
• REMARQUES. Mirza Kidou e'toit
fîls rîe Mirza Pir Mchemmed fils de Mirza
Gehangbij l'a me' des fils deTirnour»
^Mirza Geha^ghir e'toit mortcîans îe,
tems^uc ion père vi voit encore. Après
i^/AVbf?, 'Tïmour avoir donné le Royaux
-

des Orientaux. io%
me de Candahar à Mirza Pir Mehemmed
, qui avoit fait fa Capitale de la
Ville de Balkh. Mais, fon règne ne fut
pas de longue durée apre's la mort de Tiniour-,
car> il fut afïaffine' par Pir Ali
Taz fut lequel il s'étoit remis du Gouvernement
de fes Etats. Schahroch châtia
ce rebelle , & donna premièrement
-Balkh & (es dépendances à Mirza Kidou,
& quelque tems apre's le Royaume de
Candahar. Mais, ce Prince ne profita
pas des avis de Scahroch comme il le de-
•voit. Il fe rebella quelques années apre's ;
mais> il fut pris & arrête' > & Schahroch
fc contenta de le renfermer dans une.
prifon.
Les Mahometans, quoique fauflemenr,
fomperfuadc's qu'ils font dans la bonne
Religion, & favent que les Rois juftes
des autres Relimons, comme des Pavcns
êedes Chrétiens, ont règne'& régnent
long-tems. C'eft pour cela qu'ils ont fait
la maxime dont Schahroch fe fert ici
pour perfuader à Mirza Kidou qu'étant
dans la bonne Religion , comme il- le
croyoit, fon règne, à plus forte rai fon ,
feroit d'une longue durée par une bonne
adminiftration de la jultice.
Il dit de même a Mirza Baïkra
autre de fes païens en lui donnant
16 les

204 Les bons Mots
les Etats d'Hamadan & du Loriftan r
Exercés la juftice envers les peuples
que je vous confie, gouvernés-les
paifiblement & doucement, & prenés
garde que perfonne n'entreprenne
de les maltraittçr. Ayés les
mêmes égards pour les pauvres &
pour les foibles que pour les riches
& pour les grands. Protégés les
Marchands & les Negotians. Ce
font les oifeaux des Etats. Ils y portent
l'abondance par le trafic qu'ils y
fonr.
REMARQUES. Mirza Baïkra n'eut
|>as plus d'exactitude que Mirza Kidou à
profiter des leçons de S chah roc h. Il fut
rebelle comme lui. Mais > Schahroch
eue pour lui la même indulgence qu'il
avoir eue ponr Mirza Kidou.
En appellanc les Marchands les oi féaux
des Etats, Schahroch entent parler de
ceux qui tranfportent des Marchandées
de Royaumes en Royaumes, comme il
fe pratique encore aujourd'hui par tout le
Levant.
Il dit encore à Mirza Ibrahim Suttan

des Orientaux. 20f
tan fon fils en l'établiflant Roi de
Perfe dans la Ville de Schiraz : La
fplendeur la plus brillante d'un
Royaume confifte à avoir des troupes
nombreufes & un grand attirail
de train , de fuite 8t d'équipage,
mais, fa force principale eft d'avoir
un bon Confeil, de- tenir les frontieresjortifiées
& les paflages bien
.gardés, de ne pas fouler les fujets&
de maintenir la Religion. Grâces
à Dieu, mon fils, je (ai que vous
n'avés pas befbin de confeils. Néanmoins,
la tendreflè paternelle m'oblige
de vous dire que vous devés
faire enforte que vos fiijets vous beniflent
fous l'ombre de vôtre clémence
& de vôtre bonté, ÔC qu'ils
goûtent parfaitement les plaifirs d'une
vie fûre & tranquille & d'un bon
gouvernement. Pour cela3 ayes
loin que vos Ofriciers n'exigent
rien d'eux qu'avec juftice > & qu'ils
n'excèdent pas les reglemens établis
dans l'exaction des revenus du
I 7 Royau-

2o6 Les bons Mots
Royaume. Par cette conduite y on
nous eftimera vous & moi, on nous
louera, on nous bénira, on nous
fouhaitera toutes fortes de bonheurs
, & ces puiflans motifs feront
que jamais nous ne méfierons de
faire nôtre devoir. J'eipere que
Vous pratiquerés toutes ces chofesy
car, je fuis periiiadé que vous afpires
à la gloire des Monarques les
plus puiflans de la terre.
REMARQUE. Mrrza Ibrahim Sultan
fit un bon ufage de la bonne éducation

des Orientaux. 207
au public l'Hiftoire la plus accomplie de
ce Conquérant, toutes celles qui ont été
publie'esjufques à prefent e'tant tre's-défs&ueufesen
plufieurs manières.
Avant que de donner le Royaume
de Perfe a Mirza Ibrahim Sultan
, Schahroch en avoit difpofé en
faveur de Mirza Iskender un de (es
neveux. Mais, MirzaIskenderne
garda pas long-tems la fidélité qu'il
devoir. Schahroch ne voulut pas
ajouter foi à la première nouvelle
qui vint de fa révolte , ôc fur ce
que les Mmiflres lui reprefenterent
que jamais fon Empire ne feroit
tranquille pendant que ce Prince
vivroit, il leur dit: Vous avésraifbn,
ÔC vous parlés en (âges Politiques.
Mais, (i par ignorance ou
par un emportement de jeunefîe ,
mon fils Mirza Iskender s'eft porté
à cette folle entrepriie, peut-être
qu'un bon conièil l'obligera de revenir
à lui &de reconnoître fâ faute.
S'il ne le fait pas, ce fera à nous
de

208 Les bons Mots
de faire enforte qu'il ne trouble pas
le repos de nos peuples.
REMARQUES. Mirzalskender e'toit
fils de Mirza Orner Scheich un des fils de
Timour, & Schahroch lui a voit donne'
le Royaume de Perfe aprè> la mort de
Mirza Pir Mehemmed autre fils de Mirza
Orner Scheich. Sur la nouvelle certaine
de fa revolte} Schahroch tâcha de le ramener
par une lettre remplie de bonté
qu'il lui écrivit. Mais, fur ce qu'il apprit
qu'il perfiftoit > il marcha contre lui &
alla le forcer dans la Ville d'ifpahan qu'il
avoir enlevée à Mirza Ruftem. Mirza
Iskender prit la fuite ; mais, des Cavaliers
qui le pourfuivirent l'a/rêterent &
l'amenèrent à Schahroch , qui le remit
entre les mains de Mirza Ruftem fon frère,
en lui recommandant d en prendre
foin & de leconfolcr. Mais, Mirza Ruftem
lui fit crever les yeux, afin de lui
©ter par là l'envie de remuer & d'entreprendre
de régner une autre fois.
De ces paroles remarquables de Schahroch
& des autres particularité'* de fa vie >
que nous avons rapporte'es pour fuivre le
deflein de cet ouvrage, on peut juger que
fon Hiftoire mérite d'être mifeaujour.
Elle ett d'autant plus confiderable qu'elle
renferme un règne de 41. ans rempli d'é-
•cnemens très - finguliers. Car > Schahroch

des Orientaux. 209
roch commença à régner l'an 1404. &
mourut en 1446. de J. C. Déplus, Abdurrizzak
Efendi qui en eft l'Auteur a c'tc
fon Imam & Juge de fon arme'e lors qu'il
étoit en campagne , & fon père avoir
exerce' les mêmes emplois avant lui : avec
cela, Schahroch l'employa en plufïeurs
AmbafTades, de forte qu'elle eft e'erite
fur de bons Mémoires. La Traduction
en François de cette Hiftoire & de l'Hiftoire
des fils, de Schahroch & de fes fucceflèurs
prefque jufques au commencement
des Sofis de Perfc qui régnent aujourd'hui
e'erite en Perfan par le même
Auteur, eft eu e'tat de pouvoir être imprime'e.
Sous le règne d'UlugBeg Roi du
Mavcrannahar Ôt du Turqueftan,
Kadi-zadeh Roumi iàvant dans les
Mathématiques étoit ProfeiTeur à
Samarcande dans un Collège avec
trois autres ProfelTeurs, où il enfeignoit
avec tant de réputation que ces
ProfelTeurs entendoient fès leçons
avec leurs Ecoliers, après quoi ils
faifbient leur leçon chacun dans leur
Clafle. Ulug Beg dépofa un de ces
ProfelTeurs & en mit autre à fa place.
Cette

2 io Les bons Mon
Cette dépofition fut caulc que Kadizadeh
Roumi demeura chez lui &
ne fit plus de leçons. lUugBegqui
en eut avisa crut qu'il étoit malade;.
& comme il avoit beaucoup de vénération
pourluiàcaufe de ia Doctrine,
il alla le voir & trouva qu'il,
croit en bonne fànté. Il lui demanda
quel fujet pouvoit l'avoir obligé de
difeontinuerfes leçons. Kadi-zadeh
répondit : Un Schcich m'avoit donne
avis de ne pas m'engager dans
aucune charge de la Cour, parce
qu'on-étoit U7jet k en être depofé y
Se je m'étois engagé dans la charge
de ProfefTeur, croyant qu'il n'en
ctoit pas de même. J'ai appris le contraire
par l'exemple de mon Colle-*
gue. C'eft pour cela, que je me
Fuis retiré pour ne pas étre^xpofe au
même affront.
REMARQUES. Ulug Beg prit cette
réponxè en très-bonne part, & il nefe
contenta pas feulement de re'tablir le Profelïeur
qu'il avoic depofe j mais encore»

des Orientaux. ut
il fît ferment que jamais il ne luiarriveroit
d'en dépofer aucun.
Kadi-zadeh Roumi s'appeiloit autrement
Mouça Pacha , & avoir eu pour père
un Cadis deBroufîe fous le règne de
Sultan Murad I. fils de Sultan Orkhan.
C'eft pour cela qu'on lui avoit donne' le
nom de Kadizadeh Roumi, c'eft-à-dire
fils de Cadis- du Païs deRoum , dans le
K-horafîan, où il etoir aile'lur la réputation
des favans Mahomerans de ce
Royaume-là qui fleu ri (ToieiH alors. Il favoic
les Mathématiques, & il fut un de
ceux qui travaillèrent aux Tables Agronomiques
d'Ulug Beg 5 mais, il mourut
avant qu'elles fuilenr achevées & mifes
au jour. Ces particularités font rapportées
par Cogîa Efendi dans fonHiftoire
Ottomane à la fin du règne de Sultan
Murad I. où il fait mention desSavans
qui furent célèbres en ce tems-là.
Un Mahometan voyoit un Livre
Arabe, qui contenoit un texte en
lettres routes avec des Notes fort
courtes en lettres noires, de manière
qu'il y avoit plus de rouge que de
noir. Il dit : Il femble que ee (ont
des mouches fur de la chair de bœuf.
Schems - eddin Mehemmed Fanari

212 Les bons Mots
nari Cadis de Broufle fôuslercgne
de Sultan Bajazet Ildirim , éroit
riche de cent cinquante mille ièquins,
& avoir grand tram & grand
équipage. Cependant, il afre&oit
la pauvreté par un habit fort (impie
& par un petit Turban, quoique
les Cadis de fbn rang le porraflent
forr ample. Comme il achetoit cet
habillement de l'argent qui lui venoir
de* la foye qu'il recueilloir des
vers à foye qu'il nourriflbir lui-même
, pour excufer les richefles qu'il
avoir d'ailleurs & la fplendeurdefà
maifon, ildifok: Je ne puis pas en
gagner davantage par le travail de
mes mains.
REMARQUES. Cent cinquante mille
fequins font environ la fomme d un million
délivres.
Ce Cadis qui e'coit très favant ,a conapofe
plufieurs givres dont les Turcs font
grande eftime. Il portoit le nom de Fanari,
parce qu'il étoit d'un village qui
s'appelloïc Fanar.
Le

des Orientaux. 213
Le Poète Scheichi étoit pauvre de
vendoit un remède pour le mal des
yeux afin de gagner de quoi pouvoir
vivre. Mais, il a voit lui-même
mal aux yeux, & il ne s'étoit pas
avife de fe fervir du remède qu'il
vendoit aux autres. Un jour, une
perfbnne qui avoit befoin de ion remède
lui en acheta pour un afpre,
& en le payant, au lieu d'il n afpre il
lui en donna deux. Scheichi voulut
lui en rendre un i mais, l'acheteur
lui dit: L'un eft pour le remède que
je vous ai acheté pour mon ufage ;
& l'autre, je vous le donne afin que
vous en preniés autant pour vous en
frotter les yeux vous même, puifc
que je voi que vous y avés mal.
REMARQUE. CePoëtevivoitdu
tems de Sultan Murad II. qui gagna la
bataille de Varna. Par l'avis qui lui fut
donne' en cette occafion , il comprit fi
fortement le ridicule qu'il y avoit de vendre
aux autres un remède dont il ne le
fervoit pas lui- même quoi qu'il en eût
befoin , que iamais il n'y penfoic qu'il
n'en rit bien fort. Sultan

ii4 Les bons Mots
Sultan Murad II. après avoir ga*gné
la bataille de Varna j pafîoit par
le champ de bataille & confideroit
les corps morts des Chrétiens. Il dit
à Azab Beg un de fes Favoris qui
étoit prés de fa perlbnne: Je fuis
étonné que parmi tous ces Chrétiens
il n'y en a pas un feul qui n'ait la barbe
noire. Azab Bcg répondit : Si
une feule barbe blanche Te fut rencontrée
parmi eux 5 jamais un def.
fein Ç\ mal conçu ne leur fèroit venu
dans la penfée, ils ne s'y font engagé
que par un emportement de jeunefle.
REMARQUE. La bataille de Varna
fut gagnée par Sultan Murad II. l'an de
l'Hegire848- & de J. C. l'an 1444. Il
mourut l'an 855. de l'Hcgire, dej. C.
l'an 1451.
Un Pacha qui toutes les fois qu'il
fe retiroit à l'appartement de fes
femmes après avoir paru en public
pour donner audience, avoitcoûtu-
* > • -•' '•* - me

des Orientaux, 2tf
me de faire jouer les Tymbales,
voulut railler un Poète qui lui faiibic
(a cour ordinairement, & lui demanda
: Quand vous retournes chez
vous, ne touffes»vous, pas pour
avertir que c eil vous ? Le Poète
qui railioit lui-même finement comprit
ce que cela vouloit dire , 6c repartit
: Je fuis un trop petit Seigneur
pour imiter un Pacha comme vous
qui faites jouer les Tymbales.
REMARQUES. Les Gouférneurs des
Provinces chez les Turcs font appelles Pachas.
Suivant quelques uns, le mot de
Pacha eft Pcrfan & fc dit au liêudePaï
Schah , c'eft-à dire, le pied du Roi -, parce
que les Pachas Font valoir & reprefentenc
l'autorité'Royale dans les lieux où
les Rois ne peuvent pas aller en perfbnne.
Les Tymbales dont il eft ici parlé font
de petits Tymbales d'environ un demi
•'- pied de diamètre > de la même forme que
les plus grands- Les Pachas onr auffi de
.grands Tymbales , des Trompettes & des
Hautbois qni Tonnent devant eux dans les
marches & dans les ceiemonies, tous à
cheval.
AU

216 Les,bons Mois
* AH difîbit qu'il a'vôit entendu dite
à Mahomet: Quand l'aumône
fort de la main de celui qui la fait,
avant que de tombée dans la main
de celui qui la demande , elle dit
cinq belles parolèçà celui de là main
de qui elle part : J'étois petite &
vous m'avés fait grande. J'étois en
peu de quantité & vous m'avés multipliée.
J'étois ennemie 8c vous
m'avés rendue aimable. J'étois paffagere
& vous m'avés rendue permanente.
Vous êtiés mon Gardien
& je fuis préfènternenr vôtre
Garde.
REMARQUES. L'aumône fc prent
ici dans une lignification paffive, c'eftà
dire, pour ce quife donne par aumône.
Ali eft le gendre de Mahomet & le
quatrième de Tes fuccefleurs de qui il a
été parle' ci-devant.
Un Cadisen arrivant-au lieu où
il de voit exercer fa charge, logea
chez le Commandant qui fit de Ion
mieux
I

des Orientaux. 217
mieux pour le bien régaler. Dans
la converfation le Commandant dit
au Cadis: Peut-on, fans vous offenfèr
, vous demander comment
vous vous appelles ? Le Cadis répondit
: On m'a trouvé d'une £èverité
fi grande dans les lieux oh
j'ai été Cadis avant que de venir ici,
qu'on ne m'y appelle pas autrement
qu'Azraïl qui eft le nom de l'Ange
de la mort. Le Commandant fè mit
à rire, en difànt : Et moi, Seigneur,
je fuis connu fous le nom de Cara
Scheitan, c'eft-à-dire, de Diable
noir. Nous ne pouvions pas mieux
nous rencontrer pour mettre à la
raifon le peuple à qui nous avons
à faire vous & moi. Car, je vous
donne avis que ce (ont des gens
trés-facheux & fujets à rébellion ,
& qu'il n'y a pas moyen de les
dompter. C'eft pourquoi agifîbns
de concert. Pendant que vous leur
ôterésla vie j'aurai foin de les obliger
à renier leur Religion. Autre-
K ment 5

2i 8 Les hont Mets
ment, jamais ils ne fléchiront.
REMjtRÇ&Èsi Les clergés de Cadis
chez les Màhomëtans, particulièrement
chez les Turcs, né'fônt ni J Venalcs r ni à
vie , ni héréditaires. Elles 4e donnent
dû mérite & à la capacité pat les Cadilefkers
qui les distribuent , & elles font
changées de deux ans en deux ans. De
forte qu'au bout de deux ans un Cadis eft
obligé de retourner à Conftantinople
pour,folliciter d'être emploie ailleurs, à
moins qu'il n'ait un Agent ou un ami qui
ibilicite pour lui Se qui obtienne qu'on
l'envoie en un autre endroit immédiatement
après le terme de deux ans achevé.
11 ne leur en coûte qu'un droit, pour l'expédition
des Patentes enverra defquelles
ils exercent leur charge, & -ce droit eft
au profit des Cadileskers qui lesexpedient
au nom du Grand Seigneur, II y aauffi
quelques frais dont Jes Officiers des Cadileskers
profitent.
Les Mahometans croïent qu'il y a un
Ange qu'ils appel lent Azraïl, c'eft à-dire
Azriel, de qui la fonction eft de ravie
l'ame de ceux qui meurent. Us ont emprunté
cette croïance des Juifs, ou même
ils l'ont communiquée aux Juifs ,
qui en ont un qu'ils appellent auffii'Aojge
de la mort & l'Ange dfftnJ&cur fous
le nom de Samael, & qu'ils repréfe'ntent
les

des Orientaux. 219
tes uns avec une épée & les autres avec un
arc & des flèches. M. Gaulmin dans Ces
Notes fur la Vie de MoïTe qu'il a traduite
de l'Hébreu en-Latin , en fait mention
à Toccafioade l'entretien deSamael avec
Moïfe avant qu'il mourrïr. Il remarque
auflî qu'encore aujourd'hui en Allemagne,
les Juifs quand quelqu'un eftmorc
-chez eux , jettent l'eau de tous les pots
& autres vaies qui fout dans la maifon ,
par une fuperftition qu'ils ont de croire
que l'Ange de la mort y a lavé l'epée
dont il s'eft fervi pour ravir l'ame du défont,
J
Sjur tomes les autresNations, les Turcs
font ingénieux à donner dés noms aux
gens fui vaut qu'on leur plaît ou qu'on
leur déplaît, & n'épargnent perfonne Iàdeflus.
Ainfi ils avoient nommé Scheitanle
brave Pacha qui foûtintfi bien le
premier fîege de Bude contre les Impériaux
, lequel étoit Pacha de Candie,
parce qu'il ne laifloit pas fes foldats en
repos & qu'il les terioit toujours en haleine.
Mais, dans ces derniers tems on
avûunCaplanPacha, c'eft à-dire, Pacha
Léopard , & fouveiu ils ont des PachasSchahin,
c'eft-à-dire, Pachas Faucon.
Ils ontaufll des noms fatyriques >
8c ils appelloient un Favori de Sultan
Mehemmcd IV. Coul-o2,lou, à caufe de
fé nailTance , c'eft-à-dire, fils de Janif-
K 1 iaiie

220 Les bons Mots
faire. Les défauts du corps leur donnent
aufli matière d'en impoier ; c'eft pour>
quoi, ils ont une. infinité de Topais, • de
Ki ors &L de Kufehs. Topai. C g m fie un
boiteux ,. JCioj; ; un borgne & Jtufèh, un
homme qu; a peu de barbeau memonil
Un bëgijè r matcHândQit une
fourrure a Confïantinople & chagrinoic
fort le Marchand Pelletier
par fa longueur à s'expliquer. Lé
Marchand ajanx'dem^nd^ ce qu^
vouloir faire de cette fourrure,; &
répondit en bégayait toujours ibrtement
: Je vet$' mWfërvir èà
hiver. Le Marchand repfiqpa : L'r4ver
pâlie pendant que vous pro*
nonces le mot qui 'le fignifie î
Quand prétendes-Voil^ vjotis^rifèt*
vir? ',;-. ' :r . 'Y-i# ( , ', ".-y^
Un deicendânt. dlAli ayant be*
foin de bois, fortitde grand matiii
& alla attendre au pafTâge les Paï-5
fans qui en apportoient, à la Ville
pour le-.vendre; mais, avec Pin*
tendon d'en acheter feulement àiurï
vendeur qui s'appellent Ali. Cha-J
que
ma
loi
on

des Orientaux, 2 21
que Païfàn qui arrivent > il lui demandoit
ion nom, & l'un s'appelloit
Aboubekir, un autre Orner,
ùh autre Ofman, & un autre d'un
autre nom différent de celui d'Ali;
de forte qu'il les lahToit tous palier
& qu'il n'achetoit pas de bois. Après
avoir attendu presque juiquçs à la
nuit y pour >£uîcroi de peine, il ie
mit encore à pleuvoir & le defcfpoir
allpif} Je .prendre, lors qu'il vit paroître
un boiteux qui marchoit devant
un aine chargé d'ailés méchant
bpisSc malçhpiii» U s'approche de
lui & lnî d£TOAhde; commentiL s'ap*
pçfio&ë h< boiteux répondit qia'il
s'appellôit Aii..:L ? autte lui demanda
: Combien la charge de ton afne>
1} répondit: Donnés-vdus,patien-
QÏ4 fefim fte compagnie avec un
au^feq^irrieiseddçtrijere inoi, voui
^tdbanderês aréeduij Ledeicend.antid
? Aa;repao:itî -JPôltEon que; ttt
es, tu vens du bojd :ap r rès ardir été;
Calife, Se tu dis que tu as un ailo-
K \ ciéï

2 21 Les bons Mois
cié? Nçpep^tupasfeirçtonaffaii»
iànsaflodéf?! v. i;,-./ •.-•..,:
../.':•.. , . / ,. • .- -t
REMARQUE. Coinme'jéraid'ejarc-'
marque, Àltfiitlequatrrëmc Calice aprèk
Mahomet} mais, le Calife qui devoit paCfer
à Tes fucceileurs après lui, paiTa aux
Ommiades & enfuice aux Abbaffides*
Ainfï, îa réprimande du defeendant d'A-
Jiairvétid^ttf4e bôis-^ui^pbrcoitïé merric
oprrt qu'Ali eu £ond

des Orientaux. 225
Poè'te Baiïïri ci-devant, & J'ai déjà remarque'
que Kufeh fignifie uu homme
qui a peu de barbe: ' ,
Tchelebi eft un titre d'honneur qui fc
donne aux perfonues dé quelque naiflarjce.
Ce mot peut venir du mot Peifari
Geleb ou Tchèleb qui fignifie les premières
fleurs, les premiers fruits, & tout.
ce qui vient à fa maturité ayant le terris
ordinaire. Cette origine me plairoit fbrtJ
parce que les Turcs donnent ce nom particulièrement
aux jeunes gens propres ,
honnêtes, agréables, bien élevés ,-' qui
marquent plus d'efprit que leur âge ne
porte. D'autres veulent qu'il vienne de
Tcheteb ancien mot Turc qui fignifie
Dieu ; mais, cette étymologie me paroit
tfop éloignée.
Des Juifs à ConftanrinopJe eurent
conteftation avec des Turcs
touchant le Paradis, & foûtinrent
qu'ils feroient les feuls qui y auroient
entrée. Les Turcs leur demandèrent:
Puifque cela eft ainû, fuivant
vôtre fèntiment , où voulésvous
donc que nous foyons placés ?
Les Juifs n'eurent pas la hardiefle de
dire que les Turcs en lèroient exclus
K 4 en-

3*4 Les'hm'Mtàs
entièrement, ils répondirent fèuîe^
fnent : Vous ferés hpr^es murailles
& YPtts nous cegtfderés* Cette
difpute alla 1 jufquaux oreilles du-
Grand Vizir, qui dit; Puilqué les;
Juifs nous placent hors dé l'enceinte
du Paradis, il eft jufte qu'ils nous
fâatëriiiïèht des pavillons, afin que
ïiiuus r hé (oyons pas expofésaux injures
de I air.
< XÉM4RQIJÈS. Eo mcmexemps., le
Grand Vizir taxa le corps desjuifs outre
le. tribut ordinaire à une certaine fommepour
la de'penfe des papillons du Grand
Seigneur, qu'ils paient encore aujour-
4'huidepuisceremps-U. ' -^
Je n ai pas lu ceci dans aucun livre y
tnzis ; on le dit communément à CohôâatinopJe
où je l'ai entendu dire.
Le Monde apparut à I(à fils de
Marie déçuifé fous la forme d'une
vieille décrépite. Ifa lui demanda
combien avés-vons eu de maris?
La vieille répondit î J'en ai eu un û
grand nombre, qu'il n'eftpaspofiible

• dt$ Orientaux. 2 2 j
-Cible 'de le dire; Ifô reprit : Ils (ont
morts apparemment, & ils vous
ont abandonnée en mourant. Elle
repartit: Au contraire, c'eft moi
xjui les ai tué & qui leur ai ôté la vie.
Ifà répliqua: Ptufqûecelaeft, ileft
étonnant que les autces- après avoir
vu de quelle manière vous les aves
rraittés tous, ont encore de l'amour
•pour vous & ne prennent pas exemple-for
eux.
-lu-: ji: : -- .-'. '..',.
- . -BfcMrfRgiJE. Ifa %niiïe Jefus-Chrift
jpjicz. les Àjafces, qui lui attribuent plu-
'fiete "aiftres paroles qui ne fe trouvent
-pas ^aiîs^ le Nouveau Teftament ; mais >

ne b i iande. afin qu'ils meurent en
là mangeant^ & que je jouifle du
thréfor mot fcitl. Iljexej&tafeacML
6iii-.& mie dwlpoHb^lcto&çeiqu'il
£mpqrta> put iTiàioger.; -fy&is, Jes
deux auxcesqai'a^QiçncconQVile même
MQ&tvcQmeifoltysndmî (on
sbfendè, raflâfiinerent àfbn retour
& demeurèrent les maîtres ' . • ' j f . > " ' j : . ) . . : • ' . r / i r f ; ? r ; o n
i I
i i.. J
l ; b : ; . J ' J î ; J

LES
MAXIME S
DES
ORIENTAUX.

LES
22 9
MAXIMES
DES
ORIENTAUX.
A crainte de Dieu eft la plus
grande des perfections , &
le vice la plus grande des
imperfections.
La crainte de Dieu purifie le coeur.
Je crains Dieu, & après Dieu, je
ne crains que celui qui ne le craint
pas.
Il n'y a point d'afyle d'une furetc
plus grande que la crainte de Dieu.
de
La pieté eft la fageffe la plus gran*
, & l'impiété eft la plus grande
*&s folies. K7 Lt

*39 Les Maximes
Le Culte de Dieu mortifie la coa-
• cupifcerree, ir ~- y ••.'.'•„-;•.•.i .v>~\-r-\

des Orientaux. t$t
•' Layertu, la fcience & les belles
eonnoiflances font les feules chofeS
qui nous rendent eftimables.
L'orphelin n'eft pas-celui qui a perdufonperei
mais, celui qui n'a ni
fcience ni bonne éducation.
Le défaut de boa fens «ft le pire de
tous les degrés de pauvreté*
Rien ne cache mieux ce que Ton eft
que le (îlence.
L'elpriteft la plus riche de toutes
les poffeffions*
On fe fait beaucoup d'amis par la
4douceur du difeours.
f Moins on a d'efprit y & plus on a
de vanité. ';•.....-....
Il n'y a pas de grandeur d'ame à fc
^vanger-*
La fciencedans un enfant eft pour
lui un diadème, & la fagefTeun collier
d'dr.
..'• C'eft êtreentîerement malheureux
que de fe laifTcr abbattre dans les dif-
-graçes* .
. Ceux qui airrrent lavertu ne la prajdquehtpas
çoû jours, & ceux qui la
pratiquent, ne le font pas dans tou-
,.te la perfection neceffaire*
La grofliereté & l'incivilité ea«
sgendrenL la difeordp a même eocre le s
pareps. i , - , . J^g

Le cœur de Vinfenfe efr déni fa
bouche, SçlalanguediiSàgeWdark
fon coeur. ; ; : i * ,
- Qui court bride abbaftië guidé par
i'efperance ,= rencontre le dfcr&ftfr'mot
mentdefa:vîe8f'tè«ibè; ; -' j •"• --*;-*• >
'- L'Envie n'a pote de reposa *~
Lorfque vous à^ez reçu un' î>îenifaitfle^vôos
en rendez pas indigne par
le défaut de reconnoifTaricé. -"'.-'
Le defir de Vangéafcce eft un empêchement
invincible pour vivre hèu*
téux &côntént. ' ; r j '
Lorfque vous àv.éfrde : fovàiîfagè
for votre ennemi^ paitiôàrieVtài 1 en
a&ion de grâce envers Dieu-de'cet
'-avantage.- - -bnr^sj^q L~OIA
C'eft fe priver de l'honneur tqu*on>
reçoit de la vifite dynamique de lui
•faire mauvais vifage. " ' '•
On ne doit pas compter fur la papale
d'un homme ehâgrifVtfe'de mâuvaife
humeur. - r; " :: - '-*-* ''* -' y ' ••>
Lorfque vous êtes en joïe, Vous rit
"devez pas chercher dTiuiïe veftgeahce
•contre celui qui yotis er/ p&rtfc envie
'que la mortification qu'il en àl
Que la feiehceeft avaritageufe à ! ce-

des Orientaux. 23$
Trois chofestôt ou tard caufentla
perte de l'homme 5 fa femme lors
qu'elle a donné fon cœur à un autre >
unferpentdansla mêmemaifonoùîl
demeure, & un ami qui manque de
conduite.
Rien n'obtient le pardon plus
promptement que le repentir.
- C'eft-une folie defe prefenter devant
quelqu'un fans être appelle ; c'en
eft une plus grande de parler fans être
interrogé , & c'en eft une doublement
plus grande defe vanter d'ètre ;
favant.
Il n'y a point de maladies plus dangereufes
que le défaut de bon fens.
De tous les vices, la vanité &Va±
mour des Procès font ceux dont on fe
corrige le moins.
Les difcours attirent le bien ouïe
mal qui nous arrive.
Ce n'eft pas mal fait de rendre vifîte
5 mais, il ne faut pas que cela arrive
fi fouvent, que celui que l'on vifîte
foit contraint de dire , c'eft aifez*
C'eft infulter , que de reprendre
devant le monde.
Le peu de paroles eft la marque d'une
fagefle parfaite.
C'eft

i^ I*t* Maximes
Ç'eftun puiflant moïen pour obtenir
ce qu'on akne;q«e de s'humilier.
. Le véritable.cuke aVJE)ieji ;dan$ ui*
Prince eft de demeurer dans; fç&lùriites,
de mai nteiiiF les Traitez, ' de fe
contenter de ce qu'il a, & de fouffrk
jMtiemment la privation de ce. qu'il
n'a pas.
.• C'eft fefouvenir 4Vvoiréçé offenieque
d'obliger de demander pardon
iroe féconde fois. •-.;. i :ii
. Oaa plus befoin d'un. Chef qui
agkfeque d'un Çhet qui parle* -
Rien nereffemble davantage à des
fleurs plantées fur un fumier que le
bien qu'on fait à un ignorant ou à un
homme de rien.
En quelque communauté, compagnie
ou focieté que ce foita ne voua
engagez à rien de ce qui regarde les
affaires communes, parce que fivous;
réuffiflèz , h. compagnie s'en attribuera
le fuccez, & fi vous ne réuflîffez
pas, chacun vous en attribuera la
faute.
Lorfque l'on fouffre avec impatien?
ce y les chagrins & les inquiétudes
caufent des tourmens beaucoup plus,
grands que û Ton fouflfroit avec patience.
Lor£

des Orientaux. 2 jf
Lorfque Pâme eft prête à partir a
qu'importe de mourir fur le Thrônç
ou de mourirfur la pouflîere ?
- Plus la malice des ennemis eftca-»
chée plus on doit s'en méfier.
Prenez exemple de ceux qui vous
ont précédé & efforcez-vous de faire
le bien.
Ne foiez pas négligent 3 parce
qu'on ne fera pas négligent à vôtre
égard.
. Prenez & donnez avec équité.
Il né faut pas s'étonner que ceui
qui demandent & qui recherchent des
chofes qui ne leur font pas convenables
> • tombent en des malheurs qu'ils
n'attendent pas»
Lesnchefles nef ont paspîus de (&•
jour dans la main des perfonnes libéral
es que la patience dans le cœur d'ua
amant & que l'eau dans un crible»
D'abord que l'on prent phifir à en*
tendre médire on eft du nombre des
médifans.
.; Ce que l'onfoufFre pour ce monde
couvre le cœur de tenebres e > mais,
ce que l'on foufFrepour l'autre monde,
le remplit de lumière.
La fortune & la gloire ont enfemîxle
une liaifon fi étroite 3 que celui
qui

%l& Les Maxfami*
qui. n'a pas de foraine < n'a pas ïde
gtpîfÇk J, . -ri-.; :.#ïu ' !:• :-IV^ï :"'.r:>
Le plus grand repos dont on puîné
jouir eft celui dont on )bûiû loreqiftm
nedefirerien.- :r.v:' • ^:!.-^. I.
On obtient rarement ee que ;Ron
fouhaite s lors qu'on le recherche avec
trop d'empreflfemc nt. • r.
«_• ^. n
..L'état d?«hhommeqiéobéit àfefc
paffions eft pire que l'état tfuamiTér*»
bie éfclave. 1 MI: :o: rj
Le vainqueur doit être»icontent
de

des Orientaux. 237
4e fa vicloire , & pardonner au
vaincu.
-Souvent onfe donne beaucoup de
peine pour réuffir dans une affaire
dont on ne tire que du chagrin dans
la fuite.
La conduite d'un Officier dépofé
de fa charge, doit être la même que
s'il étoit en charge.
C'eftêtre libre que de ne rien délirer,
&c'eft être efclave que de s'at>
ten.dre à ce que Ton fouhaite.
Apprenez les feiences .avant que de
vous marier.
L'avis du fage tient lieu de prédiction.
Qui fait attention fur ce qui fe paffedans
le monde, en prend exemple
pour faire le-bien-.ou pour e'viterles
défauts qu'il y remarque,
i; Qya,nd vous auriez deux cent belles
qualitez à la pointe.de vos cheveux,
#}le6 ne vousferviront de rien fi la fortune
vous eft contraire.
L'affaire la plus embarrafîante eft
celle d'avoir de l'inimitié.
Efforcez-vous d'avoir des amis finceres
pour vivre à l'ombre de leur protection
9 YOUS en aurez de la joie dans
la profperité j & ce vous fera un préfemtif
contre i'adverfite'. On

238 Les Maximes
On ne fait plus ^ce que l'on fait
«juand on a le cœur bleffé. •• ''
• Soïés fincerè, quand même vôtre
iincerité

des Orientaux. 23^
que au tronc & aux branches ce qu'elle
a de mauvais.
Qui a -de la confédération & de
l'honnêteté pour tout le monde réufik
dans ce qu'il entreprent.
L'avidité amené la pauvreté; mais,
on eft riche lors qu'on ne defire rien.
Trop de familiarité engendre la
médifance, & l'on n'eft pas loin de
l'inimitié entre amis lorsqu'on cenfure
toutes chofes.
Qui vient vous faire rapport des
défauts d'autrui , a deffein de faire
rapport de vos défauts à d'autres.
Plus on efpere y moins on obtient 5
parce que l'efperance eft fouvent un
moïenpoHr ne pas obtenir ce qu'on
attent.
Qui pardonne à fes inférieurs trouve
de la protection auprès de ceux qui
fontaudeffusdelui.
Interprétez toujours la conduite de
vos amis par l'endroitle plus favorable
, jr.fqu'à ce que vous en appreniez
quelque chofe qui laffe vôtre patience.
Obfervez vos amis, excepté ceux
de qui vous êtes lûr ; mais, on ne peut
être fur que d'un ami quia la crainte
de Dieu.
Ai-

2 4o Les Mtàim^
\ Aimés vos amis avec précaution.
Les plaifirs du monde les plus.par*
faits font toujours méfiés de quelque
amertume.
Qui confidere les fuites avec trop
d'attention 3 n'eft pas ordinairement
un homme de courage» .' :
Le monde eft un enfer pour les
bons & un Paradis pour les méchans.
Les décrets de Dieu rendent inutiles
tous les plus beaux projets du mon?
de. . . .!•/-..
Les précautions nèfervént de rien
où Pieu commande. ^ { * i :. i
Ne vous informés point des chofes
qui ne font pas arrivées s le point eft
de s'informer de celles qui font arrivées
, afin d'en profiter.
Les bien-faits ferment la bouche à
ceux qui ont de mauyaifes intentions
contre nous.
Le vin, quelque violent qu'il foit,
n'ofte pas plus 1 efprit qu'une paffion
déréglée.
La véritable noblefle-confifte dans
la vertu & dans le nombre des aïeuls. >
La meilleure éducation eft d'avoir
des inclinations louables.
. Il vaut mieux battre le ; fer fur une
enclume, que d'être debout.devant
un
.- !

âes Orientaux. 241
ton Prince les mains croife'es fur le
fein.
Prenés confeil dans vos affaires de
ceux qui craignent Dieu.
-Rien n'eft pîus fâcheux que la pauvreté.
Néanmoins, lamauvaifeconduite
eft encore plus facheufe, & c'eft
pour cela que la fageffe eft un tréTor
ineftîmable.
Jamais on n'a de mauvais fuccés
quand on connoît bien de quoi Ton
eft capable.
Rien n'éloigne davantage toutes
fortes de perfonnes d'auprès de foi
que la trop bonne opinion de foi-même.
L'avare a le chagrin de voir une
grande folitude chez lui.
Plus on aime à railler, & plus on
s'attire de méchantes affaires.
Qui a perdu la pudeur* a le cœur
mort.
C'eft une imprudence de rejettér
les bien-faits qu'on nous offre. Il y a
danger qu'on ne nous les ref ufe, Iorfque
nous voudrons les demander.
Les pauvres doivent apprendre les
fciences pour devenir riches , Se
les riches, afin qu'elles leur fervent
d'ornement.
L II

242 Les Maximes
Il faut s'accommodera lafoiblefle
de fes inférieurs pour en tirer le fervice
dont on a befoin.
Tout profpere à celui qui fe préferve
de l'avarice, de la colère & de la
co.icupifcence.
L'infenfé fe fait connoitre par fes
difeours.
Qui a abandonné toutes chofes
pour embraflèr la vie retirée, ne doit
avoir de la complaifance pour perfonrie.
La langue du fagefe règle fuivant
les mouvemens de Ton cœur.
Ne paies pas d'ingratitude le bien
que Ton vous fait.
En toute autre chofe le mari doit
paroître un enfant à l'égard de fa femme
; mais, il doit paroître homme
lors qu'elle demande ce qu'il a.
Les penféesles plus cachées redécouvrent
au difeours ou à la contenance.
Il vaut mieux pofTederun art dont
on puifle gagner fa vie, que de tendre
la main pour la demander. , *
L'avare court droit à la pauvreté.
Il mené une vie de pauvre ici bas ;
mais3 on exigera de lui un compte de
riche au jour du Jugement.
7 On

des Orientaux. 245
On reconnoît les richeflès heureu-
{çs au foin que ceux qui les pofledenc
ont d'en remercier Dieu.
La bonne foi fepaïe parla bonne
foi.
Le plus grand avantage qu'on puiffe
procurer à des enfans 3 eft de les
bien élever.
Qui peut guérir l'entêtement d'un
homme qui fait le vaillant, & qui cependant
ne ait mal à perfonne ?
Faites du bien à celui qui vous fait
du mal, vous remporterez la victoire
fur lui.
Nous devons tenir pour frère celui
qui nous fecourt de fes biens & non
pas celui qui nous touche par le fang
& qui nousabandonne.
Les amis de ce tems font les efpions
de nos actions.
Les hommes ont l'avantage de la
parole par deflus les bêtes j mais, les
bêtes font préférables aux hommes,
û les paroles ne font de bon fens.
Les difgraces doivent fe tenir cachées
fous le voile d'un dehors gai Sg
honnête envers tout le monde.
On vient à bout de fes defleins avec
la patience.
La douceur la plus agréable à Dieu
L i eit

144 ^ ês Maximes
eft la douceur d'un Chefjufte & defacile
accès s mais, la barbarie qui lui
cft la plus odieufe, eft celle d'un Chef
violent & emporté.
Le plus grand ennemi de l'homme
cft fa concupifcence.
Les bonnes actions font la bénédiction
de nôtre vie.
Les plus grands malheurs fontcaufëz
par la langue.
Pe quelque nation que l'on foit*
en ri'eft eftimable qu'autant qu'on a
d'induftrie à fe faire valoir.
Il faut acquérir à la fin de fa vie ce
qu'on a négligé au commencement.
Celui qui s'eft retiré du monde, &
qui a de l'attache auprès des riches,
cft encore du monde.
Une marque d'abondance eft d'a^
voir beaucoup de monde à fa table.
Ne contraignez pas vos filles de
prendre un mari difforme 5 • parce
qu'elles aiment ce que vous aimez.
Dieu Me mifencorde à celui qui
nous découvre nos vices.
Trois chofes perdent l'homme : la
vanité, l'avarice & la concupifcence.
Le plusfage des. hommes eft celui
qui a le plus de complaifance pour les
autres. Qn

des Orientaux. 245
On peutfe délivrer des châtimens
de Dieu par la pénitence ; mais, on
ne peut fe délivrer de la langue des
hommes.
Le corps eft foûtenu par les alimens
, & l'ame fe foûtient par les
bonnes actions.
Ne remertezpas à demain la bonne
action que vous pouvez faire aujourd'hui.
Qui ne connoît pas le mal, tombe
dans le mal.
La bonté d'un difcours confifte
dans la brièveté.
La compagnie des honncftes gens,
eft un tréfor.
La véritable gloire vient de Dieu.
Deux chofes font infeparables du
menfonge , beaucoup de promeflès
& beaucoup d'excufes.
Un homme doux & affable n'a be«
foin du fecours de perfonne.
Recommandez aux parens & aux
alliez de fe voir & de fe rendre vifae j
mais, ne leur recommandez pas d'être
voifins.
Les vilains difcours 8c deshonnêtes
font moins tolerables que la mal
propreté.dansle manger.
Les trompeurs , les menteurs &.
L j tau-

246 Les Maximes
toutes fortes de perfonnes de qui la
vie eft déréglée, font enyvrezde la
profperité qui leur rit en toutes chofesi
mais , cette yvreflè eft la jufte
récompenfe de leurs méchantes actions.
On ne meurt pas pour n*aY0Îr le
ventre qu'à moitié rempli.
C'eftpofïèderun treforquedepof*
federunart.
Lifez les Poè'fïe$ > c'eft une marque
de bonnes inclinations.
Le moien le plus fur pour vivre en
repos, eft détenir la bride àfes paf-
{10ns.
L'ami le plus fidèle eft celui qui
jious met dans le bon chemin.
L'efprit feconnoîtdans laconverfation.
Le bon ami fe connoît à la fermeté
qu'il a de tenir {a. parole.
La meilleure femme eft celle qui
aime (on mari & qui fait beaucoup
d'enfans.
Augmentez vos en fans & votre famille
> vous ne favez pas que c*eft à
leur confîderation que vous trouvez
de quoi fubfifter.
Le meilleur remède dans les afflictions
eft de fe remettre à la volonté
de Dieu. L'eC-

des Orientaux. 247
L'efprit de l'homme fe connoit à
fes paroles; & fa naiflance àfes actions.
Il nefert de rien de dire la vérité
où elle ne fait pas d'effet.
Le moien d'être toujours joïeux &
content , eft d'avoir beaucoup d'amis.
Gardez-vous de l'amitié de l'infenfé.
Quoi qu'il ait in:ention de vous
rendre fervice 5 néanmoins, il ne laifiera
pas de vous caufer du tort.
L'avare ne tire pas plus d'avantage
de fon argent que s'il avoitdes pierres
dans fes coffres.
Toute la félicité des Rois confifte à
bien rendre la juftice.
On dit : Le fiecle eft corrompu.
Cette faconde parler n'eft pasjufte.
Ce n'eft pas le fiecle 3 ce font les hommes
du fiecle qui font corrompus.
C'eft trop de commettre une feule
faute, & ce n'eft pas aflez de faire
toujours fon devoir.
Qui eft dans la neceflîté, refîemble
à Un infenféquî n'a pas d'autre route
à fuivre que celle de fon malheureux
fort.
Le fouvenir d'avoir été jeune ne
produit que du regret.
L 4 L'y-

248 Les Maxypçs^
L'yvrognerie eft Ja portée parv (pu
Ton fe fait encrée aux efcofes défendues.
' ' " : ;
Rien ne confok^us.que la: vj^ë
d'un ami/înceret . ,, ; . ; ,
La tranquillité & le répQsfppç toute
la fatisfa&ion de la vie»
Nous nous affligeons lorfquenqus;
n'avons pas de richefïes 3 & nous nous
e m barra (Ton s dans leur amour lorsque
nous en avons. . .T; ;, 1
La'fcienceelt au^eflus debout ce*
qu'on peut s'imagizier de plus éley^
On a de la peine dans l'occupation^
d'un autre côté > l'oifivetf eft perjpi- <
cietife.
La naifTanceeft l'avantcouisijr {te ]
la mort.. • l : : : l ::-J
Le bon choix d'un ami^li mar^ >
que du boa efprit de celui qui 4'* >
fa-ir. , •
L'amitié fe renouvelle avec les
amis chaque fois qu'on les voir. r t •., .
La comprehenfionde Dieiixx)pèfe.
dans la difficulté de ^comprendre* >
Il faut plutôt s'attacher à embellir
î'arne que le corps.
La mauvaife conduite doit fe confïderer
comme un précipice 4'oft U £ft
difficile de fe tirer*- < v -,_., . . WL-^: ;
* Aïe»

des Orientaux. i 4^
Aiez le cœur pur & net devant
Dieu. Soiez généralement civil envers
tout le monde. Maîtrifez vos
paflions , foïez fournis à vos fuperieurs
, & fupportez leurs défauts.
Prenez confeil desfages. Soiezdoux
envers vos. ennemis, refpe&ueux envers
les Savans j & dans le fîlence devant
les ignorans.
Par la mauvaife conduite des hommes
ileftaïféde juger de ce qu'ils cachent
le plus.
Les nouvelles affaires font toujours
les plus facheufes.
Les plaintes font les armes des foiblés.
Ou n'a pas de fâcheux accidens à
craindreavec la patience 5 mais, on
n'a rien d'avantageux à efperer avec
l'impatience.
Les difcours inutiles deshonorenE
lafagefle.
La mort eft une coupe que tous les
hommes doivent boire ., & le tombeau
eft une porte par où ils doivent
tous pafler.
Ce qui précède la mort eft plus fâcheux
que la mort mêmes mais, la
mort eft plus tolerable que ce qui la
jUUr
L 5 Les

250 Les Maximes
Les affaires vont mal, lorfque les
ïichefles font pofTedées par des perfonnes
qui n'en favent pas faire un
bon ufàge, que les armes font entre
les mains de ceux qui ne peuvent pas
s'enfervir, &que ceux qui ont la fagefTeen
panagene faventpas en profiter.
L'avarice eft le châtiment du riche.
Un riche qui eft avare , eft plus
pauvre qu'un pauvre qui eft libéral.
Trois chofes retombent fiir celui
qui les pratique : l'injtiftice, le manquement
de foi & la tromperie.
Une des loix de l'amitié > eft de
lai&r les cérémonies à part.
Qui va le droit chemin ne peut jamais
s'égarer.
Qui écrit & ne fait pas reflexion fur
ce qu'il écrit > pert la moitié de fa vie ,
de même que celui qui lit & qui n'entent
pas ce qu'il lit. .
Le fîlence épargne & détourne de
facheufes affaires.
Il eft furprenant que les hommes
veuillent demeurer dans des Palais
magnifiques > fâchant que le tombeau
eft leur véritable demeure-.
On ne craint rien des entreprifes
des

des Orientaux. 251
des mal imentionnez lors qu'on a de
bons amis.
L'ignorant fe cache & ne fe fait
pas connoître en gardant le fîlence.
Soit que vous pardonniez, foitque
vous châtiez , que vos paroles ne
foient pas vaines , de crainte qu'on
ne vous croie pas lorfque vous pardonnez
, & qu'on ne vous craigne
pas lorfque vous menacez.
L'orTenfe la plus facheufe eft d'être
ofFenféparunami.
Ne menacez pas de châtier plus rigoureufement
que le crime ne le mérite.
Si vous le faites, vous ferez injuftej
& fi vous ne le faites pas, vous
aurez dit un menfonge.
La méchanceté la plus grande efr>
d'abandonner la Religion pour fui vre
la vanité du monde.
Vous ne ferez pas expofés à être repris
des autres 3 u vous YOUS reprenez
vous-même.
Heureux celui qui a des richeiïes &
qui en ufe bien.
N'affectez pas de faire beaucoup de
bruit toutes les fois que vous promettez.
On peut dire que la vieeft longue
lors qu'elle eft exempte de chagrins &
d'afflictions. L 6 Lorf-

2? t kuMas&mt;
Lorfque le bienfe^fehte à *ous>
cmbraffez-le > mais, rejette* le mal
d'abord qu'il paroit pour vous furprendre.
Qui fe foumet à la voîdare de fon
ennemi s*expoie à un pélfà inévitable.
' '• ''•••• :• '.. ; ' '"''] :•':.• i'-'l
La tyrannie des Rois efrpïustôléL
rabîe que lefoulevement des peuples.
Les* gémifTemens des opprimez ne
font pas inutiles.
La vie d'un tyrarl*f î 6ft'pàsdek>n^
gue durée. »' ; 7 .'".'.'-.-wuïi :/i/
La longueur dui àiicdârseniÛHt ôttr
biier une bonne parties cependant*
c'efr. concre l'intention que £ëa doit
avoir quand on parle.
La mémoire eft ^-éTexafclè ^ un
grand amas de Uv'reèl f -î - *>« »' '^ ; -• »• '
Soïez doux & c

ées Orientante. 2 5 5
Ne cachez aucune circonftance à
celui de qui vous prenez confeil, le
mal qui vous enarriveroit feroit par
vôtre faute.
La gloire qui s'acquiert par la vertu,
cft plusirelevée que la gloire qui vient
de la nobleffe.
La bonne naiffancefe fait connoître
par l'éleyation des penfées.
Les ingrats ne profitent jamais des
bienfaits qu'ils reçoivent.
Les ignorins prennent facilement
les premières places >. mais , les favans
qui font perfuadez des devoirs de
Fhonnêreté ne le font pas.
Daos l'efpace de tems dont vous
joiïiffez en ce monde, vous êtes en
décade vôtre dernière heure. Avant
que cette heure arrive, emploïezles
momens que vous avez à vous, à prévenir
ce qui doit vous arriver lors
qu'ils feront expirez, & n'attendez
pas qu'on vous ôte toute efperance &
qu'on vous renvoie à YOS méchantes
actions.
, C'eft aflez à un vieillard de l'infirmité
de fon âge, il ne doit pas s'embarrafler
d'autres chagrins.
Suivant le cours du monde, la vie
cil miferable fans richefiez , & la
L 7 feien-

2Ç4 Les Maximes
icience fans dignité n'eft qu'un atnas
de discours bien fui vis > qui né fervent
à rien.
Ce qui doit donner de laconfolation
quand on a reçu quelque fanglant
affront 3 eft qu'on n'a pas à vivre une
éternité.
Il ne fe commet point de méchancetez
dans une nation que Dieu ne les
fafle fuivre d'une affliction générale.
Rien n'attire davantage les cœurs
que la douceur des paroles.
Lavieilleflenedoit pas fe compter
pour une partie de la vie.
Ne vous glorifiez pas. Quelle gloire
eft-ce que celle d'être créé déterre
pour y retourner fervir de paftureaux
vers ? De vivre aujourd'hui & de
mourir demain?
Redoutez les prières que ceux que
vous affligez addreffent à Dieu.
Aïez patience. Rien ne fe fait
qu'avec la patience.
Un Monarque favant. nefe repent
jamais de l'être.
Prenez garde à ce que vous dites,
&enqueltems.
C'eftune réputation très-méchante
que celle qu'on prêtent acquérir par
une infefcfibilité pour toutes chpfes.
Lorf-

des Orientaux* 255
Lorfque vous prenez confeil, dites
la vérité, afin que le confeil qu'on
vous donnera (bit auffi véritable.
Afin que vous aïez des avis , donnez
entrée à tout le monde dans votre
armée.
L'inimitié la plus grande peut fe
diffiper par un accommodement, ex*
ccpté l'inimitié de l'envieux.
Jamais on ne fe repent de s'être
tu. On fe fait un tréfor de toutes fortes
de belles perfections dans la compagnie
des honnêtes gens.
Ne foïez pas rigoureux dans le châtiment.
Il eft rude , quelque léger
qu'il foit. Ne vous en fervez pas auffi
trop fréquemment, vous pouvez arriver
à vôtre but par d'autres voies
que par celle-là.
Le principal point pour acquérir
delà réputation confifte à bien pefer
& à bien régler fes paroles.
Qui n'a pas de richefles n'a pas
d'honneur dans le monde, & qui n'a
pas d'honneur fuivant le monde n'a
pas de richefles.
Combattez vaillamment dans le
combat, & ne perdez pas courage,
vos foldats le perdroient auffi.

1^6 Les-'Mûiïiœb
• Le véritable emploi des lichettes
eft d'en faire des largèfTes*
Le monde & le Paradis peuvent
être comparez à deux femmes qui
n'ont qu'un mari y- lequel aimé plus
Tune que l'autre. /•;•*'*
Un amitié contractée avec «riinfenfé
jette promptement dans des
malheurs.
Il vaut mieux être feu! que d'être
dans la compagnie des médians. -
Correfpondez à l'amitié

dt$ Orientaux ± 25 7
Le fage ne peut être pauvre.
Le menfongene tire après lui que
dju déshonneur*
Un menfonge qui rent à la .paix eft
préférable à une vérité qui caufe une
1 édition.
Qui vit dans un entier abandonneraient
du monde n'eft traverfé d'aucunchagrin.
Perfonne ne fait paroître davanta*
ge fabeftife que celui qui commence
de parler avant que celui qui parle ait
achevé.
II n'y a pas de véritables richelTes
fans la vertu.
Qui commet une affaire de confequence
aune perfonne qui n'a pas la
capacité pour en venir à bout, ferepent
de l'avoir fait, & fait connoître
en même tems la légèreté de fbn
efprit aux perfonnes de bon fens.
Un ennemi peut devenir ami par
les bien-faits .j mais 3 plus on flatte.
les paffions, plus elles fe rebellent
:.Ofl acquiert la bien-veillancc de
fon prochain en lui procurant du
bien.
: Ce n'eft pas la conduite du fage de
donner del'efpcrance &del ï ôter en
Ceu*

158 Les Maximes
Ceux qui feroient des liberalirez
n'ont pas de quoi les faire, &ceux
qui ont de quoi les faire, ne font pas
libéraux.
Qui veut lui-même fe faire connoître
pour favant, pafle pour un ignorant
devant Dieu & devant les hommes.
Qui veut approfondir les belles
fciences ne doit pasfe laifler gouverner
ni maîtrifer par les femmes.
Les richefTes font pour vivre plus
commodément s mais on ne vit pas
pour amafler des richefTes.
C'eft affliger les pauvres que de pardonner
à ceux qui les foulent par leurs
cxtorfïons.
Il faut fe garder de ceux que l'on ne
connoîtpas.
Qui felaifiè conduire par fesdèfîrs
cft ordinairement pauvre.
On vient à bout de ce que l'on a
projette en cachant fon fecret.
Deux fortes de peribnnes travail*
lent inutilement, celui qui gagne &
qui ne jouit pas de ce qu'il gagne, *&
celui qui apprent d'un Maître de qui
les actions nefontpas conformes à ce
qu'il fait ni à ce qu'il enfeigne.
Lie favant de qui les moeurs font de-

des Orientaux. i^
réglées , reffemble à un aveugle qui
tient un flambeau dont 'il fait lumière
aux autres s mais , dont il n'eft pas
éclairé.
On recueille du fruit d'un arbre
qu'on a planté > mais, les hommes
détruifent ceux qui les ont établi dans
le monde.
Il vaut mieux garder fon fecret foimême
, que de le confier à la garde
d'un autre.
Qui vous fait des rapports de la
conduite des autres , fait de même
aux autres des rapports de vôtre conduite.
Un favant connoît un ignorant
parce qu'il a été ignorant 5 mais, un
ignorant ne peut pas juger d'un favant
, parce qu'il n'a jamais été favant.
Le m ême qui vous flatte, vous dételle
dans l'ame.
Les Rois ont plus befôin du confeil
des (âges, que les fages n'ont befoin
de la faveur des Rois.
Comment pourroit-on faire fondement
fur l'amitié d'un ignorant y puis
qu'il eft ennemi de lui-même >
Trois chofes ne font pas {tables
dans la nature : Les richeffes fans
com*^

?6x> LesMàtfbnefa
commerce, la fcience &ns difpute*
& un Royaume fans feverîté.
L'efperance mal fondée ne fe pert
qu'avec ia mort. . y >
• G'eft foire tort au* bons ,que ;de
pardonner aux médians* : s. ;y r ro :
Plus on fait d'expérience, plus o»
fe forme refprit.
Le mon de pe riroit fi tous les homfliesétoientfavans..
.. . .-.
La pareffe & le trop dorn*içnerdé-*
tournent pas feulen>etf t du fervicef ide
Pieu, ils amènent encore la pauvreté.
Le luxe diflipe tous les biens qui
font à fa difpofition.
Il faut faire du bien fi l'on veut enrecevoir.
II.faut chercher un bon y^iÇn avantque
de prendre unemaifon., &
un bon camarade avant que d'entreprendre
un voïage.
T
Ne découvres pas à vôtre ami tdut .
ce que vous avés de feçreti, parce
qu'il peut devenir vôtre ennemi; Ne<
faites pas auffi a vôtre ennemi tourle
mal que vous pourries lui faire, parce
qu'il peut devenir vôtre ami.
* Il faut avoir autant de;foin ;de le
blâmer foi-même que d&blaracr les
autres. La

des Orientaux. 16 î
La colère commence par la folie
& finit par le repentir.
Il ne peut arriver que du malheur à
celui qui laifle gouverner fa raifon par
fes paffions.
Un fage ennemi eftplus eftimable
qu'un ami infenfé.
- Il n'y a point de vertu femblable à
la prudence, point de mortification
égale à la fuite du vice , point de
bonté pareille à la bonté des mœurs>
& point de richefîes égales au plaifïr
d'être content de ce que l'on a.
Qui fait amitié avec les ennemis de
ïesamis, cherche à offenfer fes amis.
Iln'eft pas necefîaire de rifquerfa
vie dans les affaires qui peuvent fe terminer
pas argent.
Il vaut mieux être pauvre que d'avoir
des richeffes mal acquifes.
Ilefl d'une confequence trop grandede
fuivre le confeil d'un ennemi:
Néanmoins, il eft permis de l'écouter
pour faire le contraire de ce qu'il
dit, & le bon fens demande qu'on le
fàffe.<
Rien n'eft pire qu'un favant de qui
la fcience eft inutile.
La colère exceffive chaflè d'auprès
de vous ceux qui en approchent ^ &
les

262 Les Maximes
les careffes à contretems leur font
perdre le refpeâ. C'eft pourquoi, il
ne faut pas avoir trop de feverité pour
ne point s'attirer du mépris, ni trop
de bonté, pour n'être pas infulté.
Deux fortes de perfonnes ne fe contentent
jamais ; ceux qui cherchentJa
fcience & ceux qui amaûent des richeflès.
Frappés la tête du ferpent de la
main de vôtre ennemi> de deux bons
effets que cela peut produire, un ne
peut pas manquer de vous arriver. Si
l'ennemi eft le vainqueur 3 le ferpent
fera tué, & fi le ferpent à l'avantage,
vôtre ennemi ne fera plus au
monde.
N'annoncez pas vous-même une
méchante nouvelle à celui qui peut
en être troublé, laines-là annoncer
par un autre.
Qui n'a pas d'éducation reflemble
à un corps fans ame.
N'accufés perfonne de rébellion
auprès du Princea que vous ne foïez
(arque le Prince vous écoutera» autrement
vous vous perdrés vous-même.
Le fage privé des chofes les plus
neceflàires, eft préférable à l'ignorant
à qui rien ne manque. Le

des Orientaux. 26j
Le ftupide, ou l'ignorant eft rempli
de lui-même.
Qui parie trop eftfujet à mentir ou
à dire des chofes inutiles.
Le trop de précipitation eft fuivi
du repentir, & les bons fuccés ne
viennent qu'après la patience.
C'eft être riche, que d'être content
de peu de chofes.
Ecoute pour apprendre , & garde
le filence pour ta propre confervation.
Les hommes font partagés en deux
clafles: Les uns trouvent ee qu'ils
cherchent & ne font pas contens, les
autres cherchent & ne trouvent pas.
Qui donne confeil à un homme
rempli de lui-même, a lui-même befoin
de confeil.
Chacun croit avoir de l'efprit au
fouverain degré, & chaque père s'imagine
que fon fils furpaiïe tous les
antres en beauté.
Des Sujets bien gouvernés valent
mieux que de grandes armées.
C'eft le rendre coupable de fc juftifjer
lors qu'on n'eft pasaccufé.
Les Rois ne veulent pas d'égaux,
les envieux n'ont pas de repos , &
les menteurs n'ont pas de retenue*.
Gar-

364* Les x MMièniè&
Gardez-vous des Nantis-, quand
vous vous ferez mocqué d'eux, d'un
fou quand vous l'aurés raillé, d'un
fage quand vous l'aurez offenfé, &
d ? un médiant quand vons/afatez" fait
r :
amitié avec lui'. .-- • ' ^'
Tout le monde ne fuffit pas à un
avare, mais, le fobre ne veut que
du pain pour feraflafier.
L; Démon n'a pas de pouvoir fur
les fcjons, ni le Prince far lèspauvres.
Trois fortes de pejfonnes ne rirent
rien de bon de trois autres ; le noble
du roturier, le bon du méchant, ni
le fage de l'ignorant.
Les affaires qui fe font peu à peu
s'achèvent promptement.
L'homme fe connut par fa langue,
de même qu'une méchante noix par
fâ légèreté.
Qui difpute avec un plus favant que
lui pour paroîtte favant, paffe à la
fin pour un ignorant.
On doit ponedër la feience fTûne
manièrequ'ôhpuiflèîa^lrê ^arbitre
quand on veut. ' "c ' ! '.
Il eft de la bonne prudence de bien
confiderer la fin de toutes chdfes.
Le fervice des Rois a" deux racés,
Fefperance d ? avôir'du : pain 6t 1a*
*•-- > craiu-

des Orientaux. 265
crainte de perdre la vie : mais, il
n'eftpasdela prudence du fage de fe
jetter dans une femblable crainte pour
une telle efperance.
Trois chofes ne fe connoiffent
qu'en trois occafïons. Onneconnoît
la valeur qu'à la guerre, le fage que
dans fa colère, & l'ami que dans la
neceflité.
Si quelqu'un a pris la parole avant
vous, ne l'interrompez pas, quoi
que vous fâchiez la chofe mieux que
lui.
. Ne publiez pas les vices de vôtre
prochain, parce que vous le diffamez
& que vous diminuez votre bonne réputation.
On ne peut mettre qu'au nombre
des belles celui qui ne fait pas distinguer
le bien d'avec le mal.
Qui apprent la fcience & ne pratique
pas ce qu'elle enfeigne, reiïèmble
à celui qui laboure ÔV qui ne fe me
pas.
On peut connoître en un jour ce
qu'un homme a d'acquis ; mais, ne
vous fiez pas à lui en ce qui regarde
fon intérieur ; parce que la méchanceté
de fon amené peut fe connoître
en plufieurs années.
M Le

i66 Les Maximes
Le foible qui entreprenc de fe battre
contre un plus fort que lui, aide
lui-même fon ennemi à le faire périr.
Qui n'écoute pas lesconfeils cherche
à être repris.
On augemente la fcience par l'expérience
3 & Ton augmente le menibnge
en croïant trop facilement.
Le ûge qui fe tait dit plus que l'infenfé
qui parle.
La fagerTe ne paraît que parl'oppofition
de la folie&r de la ftupîdité.
Nous fommes efclaves du fecret publié*
mais, le fecret eftnotre efëiarve
tant que nous le te«onscaêhé.
Appliquez-vous- à ta-reçkerchede*
la fcience, depuis le berceau jtrfqties
à la mort.
Le fage qui fe trouve parmi- tes*
ignorans ne doit s'attendre- st atietm:
honneur.
Rien n'eft ptow difficile que de fè
con no ttte foi - même*.
Il ne faut pas s'étonner que quelquefois
l'ignorant pa-rfon Bafefl remporte:
fur le favanr. L'émerH' ufë-les
pierres prétieufes*
Il eft de l'entendement eflSrfquéflar
la. concupifcence comme (Plm-marf
gouverné par fa femme*.
Le

dit OtieMdîéx. 2&f
Le fage ne" doitpàs facilement excufef
les légèretés du menu peuple;
parce qu'il en arrive du mal à l'un & à
l'autre. L'autorité du fage en diminue,
& le menu peuple le confirme
dànsledéfordie.
Qui loue lés triauvaifes actions eft
fujet à les commettre.
L'attache pour le monde &pour
les richefles eft la fource de tous les
maux.
Le Ciel a accordé de quoi vivre à
tout le monde ; mais} à condition dei
travaille* pour l'avoir.
La honte empefche qu'on n'obtienne
ce que Fori fouhaite.
On oublie le nom de celui de qui
l'on n'a pas mangé le pain pendant
qu'il vivoit.
Dans une méchante année il nef
faut pas demander au pauvre en quel
état font fes affaires, à moins qu'on
rieveuilleie foulage*.
La meillctire corrduite dans les
grandes affemblées eft de ne rien direj
contrer le fentiment de perfonne.
Les bons font joïeux dans leur pau-
Vteté, & les médians font triftes au
milieu del'abondance.
Un hotflmefâns efprit feccmnoît àV
M 2 fi*

lécl Les Maxiws\
iîx fortes de marques; en ce qu'il fe
fâche fan s fujet, en ce qu*il dit des paroles
qui ne fervent de rien, en ce
qu'il fe fie à toutes fortes de perfonnes,
en ce qu'il change lors qu'il n'a
pas lieu de changer , en ce qu'il s'embarrafTe
de ce qui ne'le regarde pas,
& en ce qu'il ne fauroit faire le difcernement
d'un ami d'avec un ennemi.
L'Ecolier qui apprent malgré lui,
reffémble à un amant qui n'a pas d'argent
j le voïageur qui'manque de bon
fens, à un oifeau fans ailles j un fa-
\ant qui ne pratique pas ce qu'il fait,
à un arbre fans fruit, & un Derviche
fans fcience, à une maifon fans porte.
Il n'eft pas du bon fens de prendre
un remède douteux, ni de voïager
fans caravane par un chemin qu'on ne
cpnnoitpas.
Les richefTes les plus complètes confirment
à fe contenter de ce quel'on a,
& le plus fâcheux de la pauvreté eft de
ne la pas fupporter avec patience.
On attent inutilement cinq chofes
de cinq perfonnes différentes : Un
préfent du pauvre, dufervice du négligent,
du fecours de l'ennemi, jdu
cbn-

des Orientaux. 269
confeil de l'envieux, &un véritable
amour d'une femme.
On fe perc par deux fortes c^e
moïenss par les richeffes exceflives,
& par la grande demangeaifon de
parler.
Ne vous preflez pas de vous informer
de ce que vous pouvez favoir un
jour par vous-même, parce que cela
feroit préjudice à la bonne opinion
que l'on a de vous.
On n'eft pas homme tant qu'on fe
laifle dominer parla colère.
Mefurez vos paroles à la capacité
de ceux à qui vous parlez.
On eftriche lorsqu'on eft content
de ce que Dieu donne.
Un peu de beauté eft préférable à
beaucoup de richefles.
Qui fréquente les méchans ne laiffe
pas que de faire tort à fa réputation ,
quoi que leur compagnie ne l'ait pas
encore corrompu. Il en eft de même
que de celui qui fréquente les cabarets
3 on ne dit pas qu'il y prie Dieu ;
' mais, qu'il y boit du vin.
La modération doit être confiderée
comme un arbre dont la racine eft
d'être content & le fruit d'être en repos.
M 3 Le

jj? lt* M

des Orientaux. 271
prendre , demeure long-tems dans
l'obfcurité de l'ignorance.
L'homme eft la plus noble des créatures
& le chien la plus méprifable.
Cependant, il faut tomber d'accord
qu'un chien reconnoiflant eft plus eftimable
qu'un ingrat.
Les nobles qui fe rendent d'un facile
accès en tirent deux avantages 5
l'un, en ce que cela relevé leur nobleffe,
& l'autre, en ce qu'ils en font
confiderez davantage.
Qui obéît à fes panions n'eft capable
de rien, & c'eft aufîi pour cela
qu'il n'eft pas propre à commander.
La perfection confifte en trois chofes
: à obferver fa Religion , à être
patient dans les difgraces , & à fe
conduire avec fageffe.
Puifque le monde n'eft qu'un partage,
nous devons au moins nous étudier
à faire en forte qu'on y dife du
bien de nous;
La douceur du chameau eft fi grande
, qu'un enfant peut le conduire
cent lieues loin par le licou. Néanmoins,
fi l'enfant le conduit par un
chemin dangereux , il refifte & ne
lui obéit plus. Cela fait voir qu'il
faut rejetter la douceur lorfque la feveinéeftneceflaire.
M 4 Un

272 Les Maximes
Un Prince qui n'a pas la juftice,
reflemble à une rivière fans eau.
- De même que les viandes font inutiles
au malade -3 de même auffi tous
lesavertifTernens 3 tous lesconfeils &
toutes les Prédications ne fervent de
rien à celui qui eft aveuglé de l'amour
du monde.
Trois fortes de perfonnes font connoîrre
en trois différentes rencontres
Ce qu'ils font & ce qu'ils favent faire.
JLes'gens de cœur dans le combat, les
gens de bonne foi en rendant le dépôt
qu'on leur a confié , & les amis dans
le tems du maïkeur Se de la mauvaife
fortune.
Il eft du menfonge comme d'une
plaie quilaiflè une cicatrice après elle.
On ne croit plus le menteur, même
quand il dit la vérité, & cela arriva
aux frères de Jofeph.
Un favant qui ne pratique pas ce
qu'il fait, reffemble à un nuage qui ne
donne pas de pluie.
Ce n'eft pas avoir affez d'amis que
d'en avoir mille s mais , c'eft trop
d'ennemis que d'en avoir un feul.
La feience chafle l'ignorance ;
mais, elle ne chafle pas un efprit mal
tourné.
Plus

des Orientaux. ij%
Plus un ennemi paroit fournis, rlateur
& complaifant, & plus un bon
politique doit fe méfier de lui.
Deux chofes font embarafiantes ;
fe taire quand il faut parler, & parler
quand il faut fe taire.
Un feul homme au plus, peut tuer
cent autres hommes de fon fabre;
mais 3 il peut par fa prudence détruire
une armée entière.
Le riche qui n'eft pas libéral reffemble
à un arbre fans fruit.
Pourvu que vous ne vous laffiez pas
de chercher, vous trouverez ce que
vous cherchez.
Vous ne pouvez pas garder vôtre
fecret 5 quelle raifon avez-vous de
vous plaindre qu'un autre à qui vous
Pavez déclaré le publie ?
Le pauvre qui n'a pas de patience ,
reflèmble à une lampe fans huile.
Quoique la patience foit amere,
néanmoins le fruit en eft doux.
Celui à qui dans l'intention feulement
défaire paroîtrefon éloquence
& fon bel efprit > il échape de dire
plus qu'il n'eft capable défaire, n'eft
pas long-tems à fe repentir de fon imprudence.
Il eft de Padminiftration des affai-
M 5 rçs

*74 l^s Mt#îmt
res des Rois comme 4es VQÏages fur
mer; on y gagne, cm y pertj on y
amafïe tles tréfors > on y- perE la vie.
Une femaaé fans pudeur rejflgmble
à des viandes qui ne font pasaifèjfoanées.
. .-•.:•:?
Le pauvre vakwtfawemeM pauvre
ne pofTederien &? rien ne lgpojfede.
Le frerc oui ehtieiiç tes_ç£immodi
tez au préjudice d'un frère, n'eftni
frère ni parent.
Un feul jour d'un fevant vaut mieux
que toute.la vie d'un ignorant.
Ii eft moins fâcheux de mourir dans
le befoin que de déclare* fâ pauvreté.
- Il eft plus foiihaitable 4e mourir
glorieufement que de vivre tniferableinent.
Le méchant doit être réputé pour
mort lors même qu'il eft vivant ; mais,
l'honnête homme vit même parmi les
morts.
Un Roi cruel ne doit! pas efpere*
que fan règne foît de longue durée,
un orgueilleux qu'on le lotie, un méchant
d'avoir beaucoup d'amis , un
avare de parler pour humain & pour
un honnête" hocpme, &un înterclïé
d'être eftimé jufte & équitable.
Jamais il ne faut découvrir fon>
ayer-

des Orientaux. ij%
averfîon ni à Tes envieux ni à Tes ennemis.
L'amitié des grands, le tems chaud
en hiver, les douces paroles des Dames
& la joie des ennemis font quatre
chofes auxquelles il ne faut pas fe fier.
Jamais on ne doit rien entreprendre
qu'après l'avoir bien examiné.
Le cœur d'une perfonnequinedépent
de perfonne , doit être le tombeau
d'un fecret quand on le lui a
confié.
Il ne faut ni s'entretenir ni avoir
aucun commerce avec les fous i parce
que rien ne leur fait honte.
Qui poffede un art peut dire qu'il
eft grand Seigneur.
L'envie eft autant infeparable de
l'envie, que le feu & la fumée font
infeparables.
Si un confeil ne réuffit pas une fois,
il réuffit en un autre tems.
Le pais où l'on n'a pas d'amis, eft
un méchant pais.
L'envie eft un feu qui prent flamme
d'abord, & qui brûle également
le vert & le fec C'eft un torrent qui
emporte chaumières & Palais.
Grands & petits foût chaflfez de
chez eux. pour une faute qu'un feul
M t komr

276 Les Maximes
homme aura commife en toute une
nation.
Les honneurs , les charges & les
dignitez ne recompenfent pas de* la
peine qu'on fe donne pour y arriver.
Souvent un efclave mérite plus
d'eftime qu'un noble.
En de certains tems un livre tient
lieu d'une agréable compagnie.
Souvent la vie folitaire eft une vie
de gçns qui ne peuvent & qui ne veulent
rien faire.
Le jour auquel on ne fait pas quel,
que bonne action , ne doit pas ccre
mis au nombre des jours de la vie,
non plus que le jour auquel on n'apprent
pas quelque chofe.
La médiocrité eft la règle de toutes
les affaires & de toutes les entreprifes.
Il eft impoffible quand on n'a pas
de cpmplaifance qu'il ne naifle, du
trouble, même entre les pâreris & les
alliez.
-•" Un grand Monarque doit avoir la
bonne réputation pour objet; parce
que de toutes les grandeurs & de tout
1 e fracas du monde, c'eft la feule choie
qui refte après lui.
Ne différez pas à demain ce que vous
avez à faire aujourd'hui» La

des Orientaux. 277
La marque d'une grande ame, eft
d'avoir pitié de fon ennemi lorsqu'il
eftdanslamifere.
La libéralité eft Ç\ agréable à Dieu ,
que c'eft par elle qu'il fe laifle appaifer
èc qu'il fait mifericorde.
Peu de richefîes bien ménagées durent
long-tems s mais, de grands tréfors
ne font pas de durée lors qu'on les
prodigue.
Une faut pas fe détacher d'un vieil
ami pour fc donner au premier venu,
parce que jamais on ne fe trouve bien
de ce changement.
Qui fait du bien ne pert pas fa rccompenfe.
Jamais un bien-fait ne
périt ni devant Dieu ni devant les
hommes.
Qui fe porte bien, &: qui a du pain
& un lieu de retraite, ne femet au
fervice de perfonne ni ne voïage.
Si vous avez du refpect pour les
braves & pour les perfonnes de courage,
ils font tout à vous : mais, fi
vous avez le même égard pour les lâches
, ils vous haïflent & en deviennent
plus infolens.
L'avidité mené à l'infini, le plus
fur eft de fe fixer. Ceux qui ne fe fixent
pas, ne font jamais riches.
M 7 Un

2j$ Les Maxim*
Un peu de bonne amitié bien placée,
vaut mieux qu'une grande amitié
contractée avec légèreté.
On ne peut fe démêler des grands
embarras qu'en deux manières , ou
par une fermeté confiante > ou parla
fuite.
Un Monarque qui s'abandonne entierçmeru:
aux divertifTemens, rent fa
vie la première vie du monde en fait
de piaifirs s mais, pour s'acquitter
4e icfn devoir, il doit être dans fon
Roïaume comme la rofë au milieu
d'un jardin où elle couche fur les épines.
II ne faut pas méprifer les hommes
à les voir rampans& mal vêtus. La
mouche à miel eft un infecle défogreable
ik vue, cependant fa ruche, ne
laifle pas que de donner une grande
abondance de miel.
Les grands honneurs élèvent un
homme bien né j mais* ilsabbaùTenc
un mal habile homme.
Les peuples joûiflènt du. repos fors
qu'ils font gouvernez par des Priqces
qui ne mettent pas la tête fur le çheYet
pour en prendre. Le Monarque qui
.&

des Orientaux. 279
le fentiment d'un fécond; parce que
deux trouvent plutôt la vérité qu'un
feul.
On ne doit pas fe réjouir de la mort
d*un ennemi. Nôtre vie ne fera pas
éternelle.
Il faut agir pour ne pas tomber dans
la parefTe 3 il faut aufli rapporter à
Pieu tout ce que l'on acquiert par le
travail , autrement on eft dans uno
oifîveté continuelle &? condamnable.
J_.es fautes de la langue caufent plu§
de mal qu'un faux pas. Latefte paiç
les fautes delà langue; mais3 on ne
chope plus en marchant moins vite.
Le meilleur des hommes eu: celui
qui fait du bien aux hommes.
La difficulté eft grande de rendre
favant celui qui ne fait rien s parce
quefon ignorance lui fait croire qu'il
en fait plus, que celui qui entreprend
c|e l'inftruire.
La plupart de vos amis s'appro*
chentde vous pour avoir part à vôtre
table j & d'abord que vos biens diminuent
, ils vous abandonnent.
C'eft allez d'un habit, d'une maifon
8c de la nourriture d'un jour. Si
Ton meurt à midi, on a la moitié de
fa gouiiituiç

280 Les Maximes
L ? avare eft un objet de malédiction
, tant à l'égard du monde qu'à
l'égard de la Religion, & l'ennemi
de tous les pauvres.
Il vaut mieux que votas faffiez ; le
bien Se qu'on parle mal de vous j "que
iîvous étiez méchant & qu'on enîiit
du bien. ;
Patientez contre les entreprifesde
vos envieux , votre modération les
jettera dans ledefefpoir, & vous arriverez
au tems que vous les verrez
tous périr.
Les amis intereflez refTëmblent
aux chiens des places publiques, qui
aiment mieux les os que ceufriqui les
leur jettent.
Quand vous ferez dans laprofperité,
aiez foin de vous y bien maintenir
j parce que vous pourriez vous en
priver vous-même par vôtre faute.
Il ne s'agit pas de la nauTarice ni de
la valeur pour arriver aux grandes
charges, mais de la vivacité-& de là
force de l'efprit. Il n'y a rien à quoi
on ne puiffe afpirer quand on a de l'efprit.
L'avantage auquel un honnête
homme doit afpirer à la Cour , eft
d'arriver3s'il le peut,à une dignité plus
re-

des Orientaux. 281
relevée que celle qu'il poffede , afin
d'être en état de faire du bien à Tes
amis , & d'empêcher par l'autorité
dont il eft revêtu, que fes ennemis ne
puiflentlui nuire.
Pour bien vivre, il faut mourir aux
affe&ions des fens & de tout ce qui en
dépent.
Mille années de délices ne méritent
pas qu'on hazardefa vie un feul
moment pour en jouir.
La paffion de vivre à fon aife &
fans rien hazarder , eft: l'avantcoureur
d'une vie méprifable & ignominieufe.
On propofe de fe bien gouverner
lors qu'on eft malade , & l'on n'eft
pas plutôt en fanté qu'on retombe en
de nouvelles débauches. On met fon
efperance en Dieu dans fes craintes,
& on l'offenfe d'abord qu'on eft en
fanté. Cela montre bien qu'il n'y a
point d'adionspures & finceres.
En quelque entreprife que cefoït,
il ne faut pas moins favoir comment
on en fortira, que l'endroit par où on
doit la commencer.
Vous ne recevez rien qu'à proportion
de ce que vous donnez.
Qui veut s'avancer à la Cour, doit
obfer-

2S2 Les Maximes
obferver cinq chofes. La première
cft de corriger le penchant qu'il peut
avoir aux emportemens par la douceur
& par la complaifance s la féconde,
de n e pas fe laiffer feduire par
Je Démon de l'orgueil 5 la troifiéme ,
.de ne pasfe laiflèr vaincre par Tintetêt
-, la quatrième, d'être fïncere &
droit dans Fadminiftration des affaires
dont il fera chargé j & la cinquième
3 de ne pas s'ébranler pour tous
les contre-tcms qui lui arriveront.
Le fervice des Rois eft une mer
vafte où navigent des Marchands ; les
uns y font naufrage & les autres en
rapportent de grandes richefles.
Eloignez-vous de celui qui ne conçoit
pas de quoi il eft capable , qui
s'obftine dans les entrepnfesqui font
au deflus de fes forces > &quifelaiflè
conduire par fes paffions. Il aura de
4a fatisfadhon pour un jour & pluueurs
années à fe repentir.
Les affaires font conduites par les
-fages tant qu'elles vont bien 5 mais,
les méchans s'en chargent d'abord que
les fages les abandonnent.
Craignez celui qui vous craint.
Il ne faut rien faire fans deflèin. -
La prudence fait la moitié de la vie.
11

des Orientaux. 283
Il faut s'abbaitfer en demandant,
afin d'être élevé en obtenant fa demande.
La familiarité des Grands eft perilleufe
, c'eft un feu auquel on fe
brûle.
Gardez-vous de la familiarité des
Kois avec le mime foin que le bois fec
doit s'éloigner du feu.
Une méchante femme dans la maifon
d'un homme de bien eft un enfer
pour lui dans ce monde.
Le commencement de la joïe fuit
immédiatement après la patience.
Qui ne combat point craint le danger
& n'arrive jamais à la gloire.
On acquiert des richefles avec la
patience > & Ton eft à couvert des
dangers par ie fiience.
Il eft de l'intérêt des Rois de cultiver
& de favorifer les perfonnes de
mérite, parce qu'ils en reçoivent des
fervices proportionnez aux bien-faits
par lefquels ils ont foin de les ménager.
On ne peut pas dire de l'avare,
tout attaché qu'il eft à fes richefles,
qu'il en foit le pofleiTeur.
La penféc au mal tire fon origine
deToinveté.
Faî-

2 84 Lts- Maximes
Fakes parade de vôtre propre vertu,
& ne vous Fondez J>as fur l'antiquité
de vôtre origine. ( Ne produirez
pas un vivanr par un mort, 3c ne donnez
pas un mort pour un vivant.
Ne dites point de mal des morts,
afin que le bien que vous aurez fait
demeure dans la mémoire des hommes.
Lt bon emploi des richefles vaut
mieux que la recherche qu'on en fait.
Les Rois & les fujets font également
malheureux 3 où les perfonnes
de mérite Ton méprifées , & où les
ignorans occupent les premières charge-
: ','
Les richeffes qui né font pas employées
à fuftentér la vie, ne font
utiles à rien.
Afin de n'être pas înfulté par les
méchans, il faut avoir de la complaifance
pour eux.
Le maleft plus grand de rendre le
mal qu'on a reçu que de commencer à
faire le mal.
On n'obtient pas tout ce que l'on
fouhaite.
Refpondez à ceux qui vous font des
demandes d'une manière qu'ils ne
puiflent pas fe fâcher.
Le

des Orientaux. 28?:
. Le moïen de punir les envieux, eft
de les combler de bien-faits.
Vos frères & vos amis font ceux
qui vous afliftent dans la neceflité.
La prudence fouffre entre Timpoflîbilité
&l'irrefolution.
, C'eft rendre grâces à Dieu des richefles
qu'il donne que d'en faire des
largefles.
Ne faites amitié avec perfonnequi
ne foit exempt de colère.
. Quand vous parlez, faites en forte
que vos paroles n'aient pas beloin
d'explication.
L'acquifition la pi us précieufe, eft
celle d'un ami fidelle.
Il ne faut pas fe fier aux apparences,
le tambour avec tout le bruit qu'il
fait, n'eft rempli de rien.
N'aïez pas une méchante confcience
5 mais, aïezde la méfiance, afin
que YOUS foïez fur de n'être ni furpris
ni trompé.
Soit que l'on fafle le mal ou que
l'on fafle le bien , rien ne demeure
impuni, oufansrécompenfe.
Le bon fuccés dans les affaires,
même dans les occafions les plus perilleufes,
nedépentnidelaforce, ni
du fecoursque l'on reçoit d'ailleurs -,
mais,

2 8& Les Maximes*
maîsy de lai prudence & de la bonne
conduite.
La fagefôef* préférable à la force ,
parce qu'elle exécute des cliofes dont
la'force ne'peut venir â'bbut.
Le fage par fesparoies-fàit des chofes
que cent arméesjomtesenfemble
ife peuvent pas-executer.
Heureux celui qui corrige fes defeuts
fur les défauts des antres.
Les grâces ne font pas la récom*
pente des baffeflesqu'ïl'fkut fàîxepôur
les obtenir.
Il ne faut point parler qn , âupa*â*
vanr on n'ait penfé à ce &à 3 oû veut
dire, ni rien fairefansraifon.
Ceux qui crdietirtrouver leur'avantage
dan s les troubles & dâflslesfêdrtions,
ne manquent; pas de les-e*cirer;
Les meilleurs amisdtrceJfietïefènt
les cfpions de*nos défauts.
Jamais cm n'aura d'àfflis' iî Fotfetf
veut avoir fans défaut.
Qoand'un Miniftre 4 avec le pouvoir
abfota en main-, eft également arbitre
des affaires fètretes & des affaires
gerreralés de l'Effet, c^èft* un g«nd
xrriïade s'il n'afpirepas"àlàpttifBncêf
fouveraine-, & s'il TIC? fait "point périr
celai ourlai fâifobfteciev
u Le

des Orientaux. i%f
Le repos de i'ame confîfte à ne rien
efperer.
Il ne faut pas craindre du côté dont
on fe gardes mais3 du côté dont on
s'imagine qu'on eft en fureté.
Le favant indifcret eft à charge à
tout le monde.
Une méchante conftitution ne
peut fe changer en une parfaite fanté 5
jamais auffi des mœurs corrompues
ne peuvent fe changer en des moeurs
louables & irréprochables.
On eft confédéré & refpccté en
tout lieu quand on a de la vertu i
marsj l'ignorant eft étranger en fon
propre Pais.
Qui metfon application à acquérir
les fciencesfe mer en état depofteder
toutes fortes de biens.
Donnés une bonne éducation à vos
cnfans3 vous leur ferez plaifïr.
Qui ne réuflît pas dans l'exécution
des ordres qu'on lui a donnez 3 parce
qu'on Ten a crû capable, mérite d'être
excufé 3 car, il eft à croire qu'il'n'a
rren oublié de fes foins pour en venir
à bout.
Avoir de l'honnêteté & de la confîderarion
pour les méchans & pour de
maL-honnêtes gens, c'eft cultiver une
épine

2&8 Les Maximes
épine & nourrir unferpent dansfon
fein.
Faites du bien au méchant, vous
le ferez devenir homme de bien.
Les véritables richefles confident
dans la vertu & non pas dans la poflèffîon
des grands biens, & la fagefle fe
trouve dans l'entendement & non pas
dans les années.
Un ferviteur enclin à mal faire,
ne fort jamais du monde qu'il n'ait
païefon maître d'ingratitude.
Les Rois ne font Rois que parce
qu'ils ont des hommeSj& les hommes
ne peuvent vivre heureux fans Roi.
Vous qui êtes dans les charges &
dans les dignitez, pourquoi vous déchargez-vous
fur un autre d'un foin
qui vous regarde ? Pourquoi remettez-vous
fur d'autres la faute que vous
faites vous-même ?
Chaque adion demande un génie
particulier.
Les richefTes augmentent à mefure
qu'on les diftribuë aux pauvres.
La trop grande réputation eft fouvent
un embarras.
GIï n'eft pas méprifable pour être
pauvre. Le Lion à la chaîne,, n'en
eft pas moins vaillant.
Un

des Orientaux. 289
Un feul homme ne peut pas•relïfbr
à pîufieurs autres hommes. Un moucheron
renverfe un Eléphant avec fa
groiîeur épouvantable & avec toute
fa force, & plufîeurs fourmis énfemble
mettent un Lion dans un grand
embarras, lors qu'elles fe jettent fur
fa peau.
Les bonnes actions rendent la vie
heureufe.
Qui donne confeil n'a que Ton confeil
à donner, c'eft à celui qui le reçoit
de'Pexecuter.
Les richefTes & les erifans ne causent
que du malheur.
Un Souverain doit être réduit à de
grandes extremitez avant que de def«
truire l'ouvrage de fes mains en privant
un Miniftre de Ces bonnes grâces.
Un jeune homme qui a la fagefîe
d'un vieillard, eft confideré comme
un vieillard parmi lesfages.
Un Prince jufte eft l'image 3c
l'ombre de Dieu fur la terre.
Lefervice des Grands relïèir.ble à
la mer. Plus on y eft engagé, & plus
on y court de rifque.
La vericé eft amere & dure à entendre.
N On

2 90 Les Maximes
On ne peut arriver àlapoiïcflîon
de tout que par un abandonnement
entier de toutes chofes.^
La vertu ne commence pas plutôt
d'éclater que le viceTinfulte avec infolence.
L'homme n'a pas un plus grand ennemi
que Ton ventre.
La vie de ce monde eft un jeu d'enfans.
. ^
Qn ne peut pas dire qu'on ait penfé
meurement à ce que Ton fait, Iorfque
la fin ne correfpont pas à ce qu'on
s'étoitpropofé.
L'ami de qui on doit faire le moins
d'eftat , eft celui pour qui il faut avoir
des égards.
Afin que ce que vous fouhaitez
vous Toit avantageux, ne fouhaitez
rien au delà de ce qui vous eft convenable.
C'eft une efpece de bien:féance
parmi les perfonnés de débauche de,
dire le mot pour rire ;. mais,, la même
liberté n'eft pas bieri^ante à ceux
qui font ptofeffion d'êtrefagés.
L'avidité eft une maladiebien dan

des Orientaux. 291
Les plus médians des hommes font
ceux qui ne veulent point pardonner.
Comme on le prêtent, on ne peut
pas éviter le deftin. Mais3 ileiTbon
de ne rien faire qu'avec précaution.
C'eft faire un fécond préfent que de
le faire avec un vifage ouvert.
La noblefle n'eft point parfaite
qu'elle ne foit fouftenuë par les bonnes
actions.
La médifance & la calomnie ne
quittent jamais prife, qu'elles n'aient
anéanti l'innocent qu'elles ont une
fois attaqué.
A la fin de vôtre vie, mettez ordre
aux chofes que vous avez négligées
au commencement.
On doit faire plus de fondemenr
fur la promette des honnêtes gens que
fur les dettes des méchans paieurs.
C'eft un crime & une rébellion à.
un Miniftre de porter un Roi à ne pas
tenir fa parole.
La juftïce caufe plus de bien que
les grandes armées, & defFent plu*
furement que les citadelles les mieux
fortifiées.
Les amis intereffez reffemblent à -
de méchans chiens, qui n'ont pas
Ni d'au-

292 La Mœtàmis
d'autre inclination que d'être toujours
autour d'une table. .
Ne fréquentez pas ceux qui ne connoifTent
pas ce que vous valez.
Le refpeâ eft. le lien de l'amitié.
Confiderez votre état & laiflez les
>eux & les mots pour rire aux jeunes
gens.
La colère veut être appaifée par des
addoucifTemens plutôt que par des
voies «d'aigreur. Pour éteindre un incendie,
il ^vaut mieux y jetter.de
l'eau que du feu. Le feu ne ferviroit
qu'à l'augmenter.
Cinq chofes font les plus inutiles
du monde : Un .flambeau en plein
midi , un beau viûge devant 4»i
aveugle, une-pluie abomdante ;dans
un defert & fur une campagne ftçrile,
un bon feftin devant des gens raïïaiîez,
& la vérité avec la feiencepropofée
à un ignorant.
Les fages n'ont que leur confeil à
donner. Ils ne font pas garants de Te-,
xecurion," elle déport de eéiix qui les
confultent s'ils ont du bon fens.
On fe rent vénérable & refpeâable
en s'abftenanc des détours & des
tromperies.
Quatre chofes réjouïffent;partietflie-

des Orientaux. 295
fièrement la vue. Une prairie emaillée
de fleurs, une eau coulante, un
vin pur, & la préfence des amis.
11 en;de la feience & âe c - belles connoifîanccs
fans la pratique , comme
de la cire oui n'a plus de miel, cornme
de la parole que l'eftet ne fir.r pas,
& comme d'un arbre fans branches
qui n'eft bon qu'à être jette au feu.
Ne fréquentez pas l'ignorant qui
croit être (avant.
Qui a la faveur d'im Prince,fait tout
le mal qu'il lui plaît, & on lui applaudit.
Ne laiiïez pas de dire la vérité,'
quoi que vous fâchiez qu'elle ehV
odieufè.
Le nombre d'hofiesàrable, eftl*
bénédiction de la maifon.
Cinq chofes font inutiles quand elles
ne font pas accompagnées chacune
d'une autre chofe : La parole fans effet,
lés richefTes fans œconomie, la
feience fans les bonnes moeurs, l'aumône
fans intention & hors de propos,
& la vie fans la fanté.
Si vous voulez que votre ennemi ne
fâche pas votre fecret, ne le révélez
pas à votre ami.
L'avarice, la concupifcence & IV
N 3 mour

294 L* s Maximes
mour de foi-même font trois choies
qui abbregent la vie.
Le noble qui vit fans dignité ne
doit pas être cenfc au nombre des
vivans.
Si vous vouiez vivre fans inquiétude
dans lesdignitez, faites des avions
dignes de vôtre caractère.
Quand des fujets maltraitez par
des Officiers fubalternes, ne peuvent
pas faire de remontrances au Prince *
parce que la trop grande autorité du
Miniltreleuren pte les.moïensî leur
fort eft: femblable à celui d'un hommepreflé
delà foif, qui s*approche
du Nil pour boire & qui y apperçoit
un- Crocodile, do+u la vue. lui Qte. la
X.-.3-. rr j . j ._ i,tJ«..i
jttaruzcxic ucprcimrcuci eau.
Le tombeau feul peut étouffer la
côncupifcencê.
Il vaut mieux fe laitier mourir de
faim que d'arracher le pain des pauvres.
.:••-. '--•[ . •
Les, viandes font la nourriture du
corps, mais, les bons entretiensfonc
la nourriture de rame.
Ceux qui commettent les crimes
les plus énormes font en quelque fa*
çon plus toi érables qu'un pauyre rem» •
pli d'orgueil. S
La

des Orientaux. 29c
La durée d'un menfonge n'eft que
d'un moment j mais 3 la vérité fubfîfte
jufqu'au jour du Jugement.
Il eft des Princes comme desbeautez.
Plus une beauté a d'amans, 6c
plus fa gloire eft grande. De même,
plus la Cour d'un Prince eft nombreum
fe& remplie de Courtifans3 & plus
le Prince eft eftimé & confïderé.
Le plus grand des affronts eft celui
qu'on reçoit lorfque ce qu'on a avancé
eft connu publiquement pour faux.
La plus grande des lachetez eft d'avoir
le pouvoir de faire du bien à qui
en a befoin & de ne vouloir pas le
faire*
Les bonnes mœurs doivent être
l'ornement des hommes, & l'or l'ornement
des femmes.
Si quelqu'un vous reprent de vos
défauts > ne vous chagrinez pas contre
lui, mais chagrinez-YOus des chofes
qu'il vous dit.
Lafcience eft dommageable à celui
qui la poffede 3 lors qu'elle n'eft pas
accompagnée de fageiTe & de bonne
conduite.
Les viandes empoifonnées font
préférables à des difeours dangereux,
N 4 Si

296 Les Maxim*
Si vous voulez ne pas être unr méchant
ami, ne foïez pas vindicatif.
II va fïxchofes fur lefquelles il ne
faut pas fonder fonefperance: L'ombre
d'un (impie nuage, parce qu'il ne
fait que parler. L?amitié des maL-iiuten
: ion n ez 5 pa rce qu'elle, paflè comme
un éclair. L'amour des femmes s.
parce qu'il s'éteint pour le moindre.
îujet. La beauté , parce qu'à la fin
elle fe ternit quelque accomplie qu'eU
Jefoir. Les ratifies louanges, parce
qu'elles n'aboutifîenc à rien..; & enen..,,
les richelTes & les biens de ce
monde , parce qu'ils fe diffipent &,
qu'ils fe confument.
Si vous d efirez vivre fans déplaifir >.
n'aïez point d'attache pour tout c^.
qui fe palTe dans le monde.
Four ne pas recevoir un affront,
n'otez. pas de fa place, ce que vous.
n'avez point placé.
Un méchant homme heureux eft
indigne de fon bonheur..
Afin qu'on ne découvre pas-yosdeiàutso
ne découvrez pas. les défauts
des autres.
Combattez contre vous-même,
vous acquerrez la tranquillité, de Ta-

dès Orientaux. 297
Ne faites rien par paffion 3 vous
vous exempterez d'un long repentir.
Si vous voulez vous acquérir de
t'eirime, aïezder.eitime pour les autres.
Four être agréable à tout le monde
, accommodez vôtre difcours fui-^
vant l'inclination de chacun.
Ne riez pas fans fujct , c'eft une'
double folie de rire de cette manière.
La belle raillerie eft dans le difcours
ce que le Tel eil dans les viandes.
Raillez avec vos égaux> afin que
vous ne vous fâchiez par s'ils vous'
rendent raillerie pour raillerie.
On reflemble à ceux que l'on fréquente.
N'aiez jamais querelle avec perfonne.
La querelle eft indigne d'un honnête
homme. Il n'appartient qu'aux
femmes & aux enfans de quereller.
Les richeflès les mieux emploies
- font celles qu'on emploie pour l'amour
de Dieu.
Leremede d'un cœur affligé eft de
fe remettre à la volonté de Dieu.
Si l'occafioa vous oblige de quereller,
nedites pas tout ce que vous favez
de. celui contre qui YOUS aurez
N 5 que*

29& Les Maxime* >
querelle ; faites-le d'une manière
qu'il y ait lieu de venir à un accommodement.
La concupifcence eft la maladie de
Tarne.
La parole eft la marque del'efprit
de l'homme , & Tes adtions font la
marque du fond de fon cœur.
II eft plus difficile de bien ménager
les richefles que de les acquérir.
La préfençe des amis caufe une
véritable joïe-& une jojie de durée.
Peu de richefles ménagées avec œconomie
vaknt mieux que de grands.
tréfors mal employez.
' L élévation des perfonnes qui n'ont
pas de mérite y eft un fujec de chagrin*
"pour les hommesdebienv
La grande dépenfe ameine la pauvreté.
La grandeur des Rois éclate dans
Fadminiftration de la Juftice^
Le repos & lafanté du corps:$'ae*
qui erent par le travail» ' .'.

des Orientaux* 299
& ne le, redemandez pas, mais, attendez
qu'il vous le rende.
Modérez-vous envers celui qui
vous caufe du mal, vous le confondrez.
La confolation des affligez eft de
voir leurs amis.
Un ami devient facilement ennemi
, & quand une fois il eft ennemi,
il eft difficile qu'il devienne ami une
autre fois.
C'eft un défaut dommageable aux
entreprifes que de s'y appliquer avee
trop d'attache & trop d'empreflement.
Les plaifirs que Ton goûte auprès
des Princes brûlent les lèvres.
L'éloquence eft la fource des richefles.
Faites part de ce que vous avez à
ceux qui le méritent i mais, gardezvous
de convoiter ce que les autres
pofTedent, fi vous voulez paiïèr pour
un parfaitement honnête homme.
Si vous voulez que vôtre femme
foit fàge> ne la prenez pas au defius
de vôtre e'tat.
Un père doit être grave & ferieux
avec fes enfans, afin qu'ils ne le méprirent
pas 3 & qu'ils le craignent toujours.
N 6 Ho-

joo. Les Maxime?
Honorez vôtre Perc?., vôtre fils),
vous honorera de même.'
Gardez-- YOUS d'un ami qui aime vôtre
ennemi.
Le degré de la fçience efl: le plus
îiaut de tous les degrez d'élévation.
Il faut rompre entièrement avec
lesamis qui rompent fans fujet..
Perfonnen'eft fans défauts 5 mais*
faites en forte que vous n'en aïez pas.
Il faut fe faire ami des méchans
de même que des bons; parce que,,
quelquefois on a befoin dufecoursdes
premiers comme du fecours des derniers.
La joïe de. la. vie procède d'une
confcience pure & nette.
Une drachme d'or donnée à un
pauvre de tes. proches, vaut phis que
cent drachmesdonnées. à un autre qui
ne te touche pas.^
Mefurez chacun faivant fa mefure.
Il faut de fon côté être fidclle &
fîncere en amitié3 & vivre avec fes
amis comme s'ils dévoient rompre un
Jour. O n ne fait fi à la fin ils fie pouf -
roient pas devenir ennemis.
Il eft plus aiié que lafcietice periffe,
qu'iln'eftajféque.lesfeYarismeu-
'ren.r..
• Fr«-

dès Orientaux. 30*
Fréquentez le monde 3 chacun à
proportion defonmerite.
La dévotion du peuple eft une fu*
perftition.
Le pauvre ne doit pas faire amitié
avec un plus puiflànt que lui s parce
que, ceux qui font au deflus de nous
ne nous aiment jamais parfaitement.
A confîderer d'où l'homme eft forti,
il eft-étrange qu'il puiflefe glorifier.
€hacun fait pour-foi le bien ou le:
mal qu'il fait.
Ne faites pas amitié avec des amis
intereffez 5 parce qu'ils n'ont pour
but que leur intérêt, & point d'amitié.
Méfiez-vous toujours de deux fortes
de perfonnes, d'un puiflànt ennemi
& d'un ami diflimulé.
En quelque coin du monde que ce
foit, onatoûjoursàfoufFrir.
Ne vous faitespas ennemi d'un plus
puiflànt que vous.
Ne raillez perfonne qui foit d'un
efprit inégal ou étourdi.
Il vaut mieux orner le dedans que
le dehors.
Qui n'a point d'ami eft étranger en
quelque endroit qu'il aille.
-N 7 La.

go2 Les Maxime*,
/ La méfiance eft une marque dçfagefle
& de prudence.
« Les plaifîrs que vous prenez en ce
monde ne font que tromperie.
Si l'on vous a imputé quelque mauvaise
action, aïez grand foin de vous
en purger.
Si vous avez quelque ordre à exécuter
, executez-le fcul & fans compagnon
, afin que vous ne manquiez
pas cjans l'exécution, & que vous aïez
4'approbation de celui qui vous aura
commandé*
Si l'on vous demande pardon d'une
©ftènfe qu'on vous aura faite , pardonnez
d'abord & perfuadez-vous
qu'on ne vous a offenfé que pour
^prouver vôtre clémence*
Les fa vans font les véritables no*
blés & les véritables Seigneurs dans
-chaque Nation.
N'ofFenfez perfonne pour n'être pas
;dans l'obligation de demander pardon.
î:: Les rnceursdéréglées font l'y vrefle
des mortels.
* SUe malheur vouloir que vousfuffiéz
obligé de demander pardon j faî-
;tes-le promptement, afin d'éviter le
blâme d'être opiniâtre-
L'éïe-

des Orientaux. 30^
L'élévation de l'homme confifte
dans l'humilité.
Ne cherchez pas de dignitez que
vous ne les méritiez.
Il n'y a pas d'offenfe fi grande qui
oe mérite d'être pardonnée.
L'opprobre de la fcience 3 eft d'être
pourvu de peu de fcience.
L'avarice eft le châtiment du riche.
Un peu de difcernement dans les
adions vaut beaucoup mieux qu'une
multitude d'adions faites fans choix
&avecinconfîderation.
Vos cheveux blancs font les avantcoureurs
de votre mort.
Une des loix de L'amitié eft de n'être
pas importun.
• Qni eft au fervice des Princes &
des Grands doit obfervercinq chofes
pour ne pas donner prile àfes ennemis.
Jamais il ne doit être furpris ea
menfonge par fon Maître, jamais il
ne parlera mal de perfonne devant
lui, il ne lui conteftera rien, il ne
ferarien de contraire aux ordres qu'il
aura reçus, & il ne révélera à perfonne
le fecret qui lui aura été confié.
On pert le crédit que donnent les
richef-

$a4 Les Maxïtm*
riche/Tes , à proportion qu'elles diminuent.
L'honnêteté confifte principalement
en trois chofes; à faire les chofes
auxquelles on eft engagé, à ne rien
faire contre la vérité, & à fe modérer
dans fes avions. •
La patience vous fera-venir à bout
de toutes-chofes.
C'efl être plus que tyran dé foi-même
que de s'humilier devant ceux qui
n'en-fa vent pas: de gré, &de s'attacher
ceuxnie qui on, n'a aucun avantage
à efperer..
? Qiiand on eft envieux-, on n'a plusd'égard
ni pour lés devoirs de la Reli*
gion, ni pour ltfs loixde l'équité &
delà juftice.
: Les voïages forment l'esprit , &
outre que par-îà l'onàppreattâ vertu*
c'cft auffi une voie pour acquérir des
richeffes.
On a du penchant à devenir ennemi
lors qu'on ne YCUI pas-écouter le
cônfeil d'un ami. ; , .
Leshommes rôntparoîtré dé : là folie
en cinq occafions différentes s lors
qu'ils établirent leur bonheur fur le
malheur d'autrui, lors qu'ils entreprennent
de fe faire aimer des Dames
par

des Orientaux. i,of
par la rigueur , & en leur donnant
plutôt des marques de haine que des
marques d'amour 3 lors qu'ils veulent
devenir favans au milieu du repos &
des plaifîrs, lors qu'ils cherchent des
amis fans faire dss avances, & lors
qu'étant amis ils ne veulent rien faire
pour'fecourir.le.ur amis dans iebe*
loin.
L'homme fe maintient & fe tire
des méchantes affaires par la finceri
té...
Le fîlence eft un voile fous lequel
l'ignorant fe cache.
Le plus cuifaat'de tous les

306 Les Maximes
n'a pas la vertu de blanchir du drap
teint en noir ; de même, rien n'eft
capable de faire changer un méchant
naturel.
Lorfque vous vous approchez des
Grands, que votre compliment foit
court, parlez peu, & retirez-YOUS
promptement»
Le monde eft trop étroit pour deux
ignorans qui ont querelle enfemble.
On peut bien tromper la créature 5
mais*, on ne trompe pas le Créateur.
Trois fortes de perfonnes inclinent
à la rébellion. Le fujet qui ne rent
pas à fon Prince ce qu'il lui doit, le
malade qui cache fa maladie à fon médecin,
& celui mn ne découvre nos
fa pauvreté à fon ami.
Pères, vos enfans & vos ncheflês
font caufe de vôtre perte;-
Qui n'a pas la main ojaverte a toujours
le cœur fermé.
Qui n'a pas d'amis devroitfe retr-
«rer dans un defert plutôt quede-vivre
parmi les hommes.
- Tous ceux qui pareiffèht être amis *
ne le font pas, Srfouvent lors qu'on
croit en avoir rencontré un bon> il
^arrive qu'on s'eft trompé*

des Orientaux. 307
r Qui ne fe donne pas un peu de patience
dans Tacquificion des fciences 3
foupire long-temps dans les ténèbres
de l'ignorance.
Ne fréquentez pas les médians*
parce qu'il (uffit de les fréquenter pour
être eftimé criminel, quoique l'on
foit innocent.
N'empruntez rien de vôtre amia
fî vous fouhaitez que fon amitié continue.
Heureux celui qui jouit de la fanté.
La fageiïe eft une folie auprès des
fols, de même que la folie eft folie
auprès desfages.
Qui fouffre moins, vit davantage.
eft un demie folie.
Plus on a d'efperance , plus orç
fpufFre.
Les hommes peuvent fe confîderer
comme partagez en quatre clalfes :
Les premiers, manquent de tout en
ce monde, Se ont toutes chofes en
abondance dans l'autre : Les féconds
ont toutes chofes en ce monde, &
manquent de tout dans l'autre; Les
troifîémes ne manquent de rien &
font heureux en ce monde & dans l'autre,

$68 Les Màxïïtâï
re, & les quatrièmes n ? ont rien en cemonde
ni dans l'autre.
Evitez les procès. Ils reflembîent
à un feu qu'on a de la peine à éteindre,
quand une fois il eft allumé.
- La tyrannie renverfe le Tyran en
peu de temps.
Le gouvernement tyrannique des
Rois eft plus tolerable que le gouvernement
populaire.
La bonne réputation eft la chofe du
monde la plus fouhai table.
Les grands font la.cour à ceux quï :
font plus grands qu'eux.
Si YOUS faites du bien, on vous
rent bien pour bien j mais, fî vous
faites du mal, on vous rent unplu*
grand mah
Lapafliondesricheffeseft quelque
chofe de plus violent que là foir.
On eit efclaye des préfens quand"
on en-reçoit-.
Plus on fe donne de peine dans
une entreprife-, plutôt «on en vient à*
bout.
Les grandes âmes tiennent leurs
promefles & excufent ceux qui ne
tiennent pas ce qu'ils ont promis.
Le mieux eft que chacun faffè Ces
propres affaires pour-en être content.
Uni

des Orientaux. 309
Un homme de Lettres fait plus
d'état d'une ligne des compofîtions
d'un favant que d'un tréfor.
Le iîlence eft la fagefTe même j
mais, peu de gens le gardent.
Vivez content , vous vivrez en
Roi.
Qui eft libre & qui veut vivre libre
Zc content, doit obferver deux chofes
j l'une , de ne pas fe marier,
quand on lui donneroit la fille de
l'Empereur de la Grèce pour femme ,
5c l'autre de ne pas contracter de dettes,
quand on lui feroit crédit jufqu'au
jour du Jugement.
Ne faites pas eftime d'un homme
fans vertu , quand il leroic le plus
grand & le plus puifïant du monde.
Le repentir le plus grand eft celui
d'avoir fait du bien à un ingrat.
Toutes chofes font difficiles avant
que d'être faciles.
Ne. vous travaillez pas refprit pour
les biens de ce monde. Quand le jour

310 Les Maxim*
Plus on eft avancé dans le fervice
& dans la faveur des Princes y & plus
le danger auquel on eft expofé eft
grand.
L'attache pour le mondé eft l'origine
de tout vice*. : J : T
La compagnie de ceux pour qui orï
à de Paverfion, eft quelque chofe de
pire que la mort.
La vérité eft fi eflentifelte à rhôntfiïfe,
qu'il lui eft beaucoup pltisavanS
tageux de ne point parler, que de 1
rien dire qui lui foit contraire.
Là marque d'une méchante càufé
cft de dire des injures contre fa partie.
„ " •••
La langue du fagé eft derrière fôrr
cœur, & le cœur de l'infenfé derrière
falàngue.
La diligence n'eft bonne que dan*
les affaires qui font aifées.
La réputation que l'on acquiert par
la vertu eft préférable à l'éclat de la,
naiflànce. ' ~' [ ' '' ' ''
La véritable prudetitié eft devoir
dès le commencement d'une affaire*
quelle en doit être la fin.
Jamais ce qu'on entreprent par
ignorance n'a bonne ifluë'.
Le rapport de quelque'défaut aù;^
de« :

des Orientaux. 31 r
defavantage d'un honnête homme ,
eft un témoignage de fa vertu.
Il vaut mieux mourir avec honneurque
de vivre dans l'infamie.
Moins on a d'argent, & moins on
a de crédit dans le monde.
Le fage véritablement fage n'a
point d'attache pour les richcfïcs.
Chaque cœur a Ton foin particulier.
Ne vous affligez pas d'être privé des
biensdu monde , ils ne font rien. La
même raifon ne veut pas aulïi que
leur pofîefTion vous fait un fujet d'orgueil.
Qui nie d'avoir reçu un bien fait,
détruit le mérite de l'avoir reçu.
L'honnête homme ne meurt, jamais,
mais l'on peut compter pour
mort celui qui ne l'eft pas.
Qui ne combat point, ne remporte
pas la victoire.
Perfeverez dans vôtre entreprife,:
vous enfurmonterezlesdifficultcz. *
. On vit avec plaifir lors qu'on a des
amis -, mais, la vie eft plei ne d'inquiétudes
lors qu'on a des ennemis.
Les bonnes a&ions retombent fur
ceux qui les font, mais, le mal que'
font les méchans eft contre eux-mêmes.
Les

312 Les Maximes
Les vieillards n'ont pas befoin d'une
plus grande maladie que la vieil*
îefle. • • •- - ••
Le malheur desméchans, eft que
le fouvenirde leur méchanceté ne fc
pert pas 3 quoi qu'i4$-fe corrigent.
Il faut s'entretenir avec chacun&i-
Vant la portée de fonefprit.
- La vieilleflè ne fait point partie de
la vie.
La fcience n'eft pas nuifible à un
Monarque»
La feule inimitié deTenvieuxt:ft irréconciliable.
Il y a de grands profits à faire dans
les voiages de mer 3 mais pour éviter
le danger 3 le plus fur èfl de ne pas
s'embarquer & de demeurer flir le rivage.
: '
Le vifage ouvert en parlant > marque
qu'on dit la vérité.
Les richenes doivent fervirpoiirle
repos de la vie; mais, laYienedoit
pas.être emploïée pour les amâffcr.
C'eft un dérèglement quinVft pas
excufable, de placer un bien -fait ailleurs
que là où il eft neceûaire.
Il eft plus important dé fuir de
vous-même , que de fuir devant un
lion. - c
On

des Orientaux. 313
On ne peut pas faire de fondement
fur l'amitié des Grands ; parce qu'ils
changent à la moindre occafïon.
Qui n'a pas la vertu n'eft pas riche.
On recherche vos richefles de la
même manière que vous recherchez
les richefles des autres.
Ménagez-vous entre deux ennemis
de manière qu'ils n'aient pas fujetde
fe plaindre de vous, s'il arrive qu'ils
deviennent amis.
Lors qu'une affaire ne vous réuflît
pas d'un côté ; tournez-vous d'un autre
qui vousfoit plus avantageux.
On s'acquiert de l'autorité fur fa
nation par la libéralité.
Il ne faut pas rifquer fa vie pour une
affaire; qui peut s'accommoder pour de
l'argent.
On devient heureux par l'amitié
d'un ami heureux.
RafTurez-vous, lorfque vos ennemis
font en divifion ; mais, fuïez lorfque
vous verrez qu'ils feront d'accord
& unis enfemble.
Qui prent confeil de lui-même, a
befoin d'un autre confeil.
On eft eftimé dans le monde à proportion
qu'on a de bonnes qualitez,
O de

514 Les Màximi;
de perfe&ions & de belles connoifTances.
Ne vous fiez pas aux careffcs de
vos ennemis, & ne vous enflez pas
des louanges que les fiateurs voua
donnent. Les uns vous tendent des
pièges & les autres afpircnt après vos
biens.
Ceux qui parlent ne difent jamais
rien de bon -, qu'on ne leur ait fait
connoître qu'ils ne parlent pas bien.
Ne vous applaudirez pas ni dans
vos dHcours ,' ni dans vos penféës,
n'applaudififez pas auffi au difcourS
d'un ignorant.
L'impatience dans l'affliction, eft
le comble de l'affliction.
Qui ne fait pas le bien dans k'profperité,
fouflre davantage dànsladifgrâce.
^ • - '
Le malheur de cefaiqiii maltraite
tout le monde, eft de ne pis trouver
un ami dans fa mifereé
La fanté ne s'accorde pas avec là
débauche.
Ce que l'on acquiert avec facilite'
ne dore pas long-tems.
Le filence eft la phté belle' qualité
d€ l'ignorant , de ee ïl*eft pâi être
ignorant que dô l'avoir. ; v
Lorf-

des Orientaux. 315
Lorfque quelqu'un fait un recic
mieux que vous ne le feriez, ne l'interrompez
pas j quoique vous croiez
bien (avoir la chofe.
La fortune ne vous eft pas favorable
? Que cela ne vous embarraffe pas,
accommodez-vous à fes caprices.
Ne publiez pas les défauts de vôtre
prochain , vous vous rendez méprifable
en le blâmant.
Il n'eftpas étonnant que le favant
garde le filence parmi les guerriers.
Le bruit des tambours étouffe l'harmonie
du lut.
Il n'eftpas fur de fefierà uneperfonne
de qui l'humeur eft changeante.
Il ne faut pas avoir honte de demander
ce qu'on ne fait pas.
Cen'eft pas un malheur d'être privé
de tréfors remplis d'or & d'argent.
On^a toujours à choifîr le tréfor de la
pauvreté, contente de ce qu'elle poffede.
Qui a donné les premiers aux
Monarques, a donné celui-ci aux
pauvres.
De toutes les maladies, l'ignorance
eft la plus dangereufe. Il n'y a pas
de remède qui puifTe la guérir , pas de
flambeau qui puifTe diffiper fes tene*
O 2 bres,

316 Les Maximes
bres, & pas de confortatif qui puifïc
la faire revenir de feségaremens.
Ileftrude d'être fujet au commandement
après avoir commandé , &
d'être exppfé aux mauvais traitemens
après avoir été élevé dans la délicateflè
& dans les plaifîrs.
On ne regarde pas à mille crimes
d'un homme du commun s mais ,
pour une feule faute, on pourfuit un
Prince d'un Pais dans un autre.
C'eft faire fouvenir que l'on a manqué
3 que de s'excufër plus d'une
fois.'
Ne maltraitez pas vos domeftiques
mal à propos, vous ne les avez pas
créés. Quittez vôtre humeur facheufc
contre eux, & fouvenez-vous qu'ils
ont un plus grand Maître que vous.
Il eft contre la bien-feance de reprendre
en public.
Un bon intercefïeurfert d'aiflesau
demandeur.
Les Rois font pour maintenir &
pour faire obferver les Loix, &les
Loix bien obfervées augmentent la
gloire des Rois.
Les largeflès d'un ignorant reflèmblentà
de belles fleurs plantées fur un
fumier.
Le

des Orientaux. 317
Lé découragement eft beaucoup
plus douloureux que la patience.
Il n'y a pas de Rois fans fujets;
mais, fi les fujets ne font riches, les
Rois doivent les compter pour
rien.
Celui à qui Ton demande eft libre
jufqu'à ce qu'il ait promis.
La raifon qui fait qu'on préfère fon
Pais à tout autre, eft qu'on croit y
être plus en fureté qu'ailleurs.
L'ennemi le plus dangereux eft celui
qui cache fes defteins.
Qui demande & qui obtient ce qui
ne lui convient pas, ne peut en tirer
aucun fe cours.
Qui écoute médire eft lui-même du
nombre des médifans.
Ledefir d'avoir le bien d'autrui eft
de la dernière baflefte.
La prudence dans les Héros doic
précéder la valeur.
Les Traitez , les Contrats & les
PromefTes n'ont lieu qu'autant qu'on
a de bonne foi à les obferver.
Le defir déréglé n'arrive jamais où
il afpire.
On connoît les perfonnes de courage
dans les occafîons perilleufes, un
homme de confcience lors qu'il s'agit
O 3 de

3'i8 Les Maxim*
de rendre le dépôt qu'on lui a confié,
& les amis dans la neceflîté.
L'efclave defespaflïonseft plus digne
de mépris qu'un efclave acheté à
prix d'argent.
L'envieux eft toujours en colère
contre celui qui ne l'a pas offenfé.
Soïez toujours humble en quelque
état que vous YOUS trouviez.
On travaille fouvent à ce qui eft
nuifible.
En quelque maifon que vous entriez
foïez Maître de vos yeux & de
vôtre langue.
Avant que de parler, fongez à ce
qu'on pourra vous dire.
On eft libre fans efperance, &Pefperance
eft efclave.
Il faut fetnoderer en deux fortes de
rencontres, dans le manger & dans
le parler.
J^'ami de qui l'amitié eft intereffée
, reflfembîe au chafTeur qui jette
du grain pour fon propre intérêt, &
non pas pour nourrir les oifeaux.
Ne procurez pas aux autres ce que
vous necroïez pas vous être avantageux.
Ne communiquez vôtre fecret ni
aux femmes ni aux jeunes gens.
MaK

des Orientaux* 319
Malheureux & maudits ceux qui
n'ont pas d'autre penfée que d'amaffer
des ri ch elfes! Ilsmeurent à la fin,
& ils les abandonnent avec regret.
Ne vous mêlez pas d'enfeigner ce
que vous n'avez pas appris.
Ne tenez pas de longs difeours
avec les perfonnes qui font au demis
de vous.
Qui n'eft pas fecouru par fes inférieurs
, eft vaincu par ceux qui font au
deflusdelui.
La mort eft le repos des pauvres.
Gardez-vous envoïagede prendre
le devant fans être en compagnie.
Une action méchante dans le fond
& bonne feulement en apparence,
n'eft eftimée que pour un tems j mais,
l'eftime que Ton a pour une a&ion
véritablement bonne , ne ceffe jamais.
Souvent les Rois parlent en public
de leurs ennemis avec mépris, dans
le tems que fous main ilstraittent de
la Paix avec eux.
Il vaut mieux marcher & ferepofer
de tems en tems, que de courir
& manquer de forces à force de courir.
Pourquoi ferepent-on une féconde
O 4 fois

$2o Les Maximes
fois d'une action dont on s'eft déjà repenti
?
Pourquoi s'imagine-t'on que l'on
vit s lors qu'on ne vit pas indépendamment
de peribn ne ?
Pourquoi faites-vous amitié avec
des perfonnes qui n'ont pas de mérite
? Telles gens ne méritent pas qu'on
ait ni amitié ni inimitié pour eux.
_ Faites j uftice aux autres, afin qu'on
vous la fafle à vous même.
Si vous voulez vous acquérir de
l'autprité fans peine > foïez complaiianr.
Si vous fouhaitezque votre mérite
/oit connu, connoiûez le mente des
autres.
,s Pour être accompli 5 n'approuvez
pas dans les autres ce que vous n'approuvez
pas en vous-même.^
La raillerie agréable fait dans la
converfation le même effet que le fei
dans les viandes 5 mais, la raillerie
piquante engendre l'averfîon.
Ne raillez pas avec vos inférieurs*
afiu de ne pas commettre le refpecî
qu'ils vous doivent > mais avec YOS
égaux , afin que vous n'aïez pas de
confufion s'ils vous rendent raillerie
pour raillerie.
Xa

des Orientaux. 3 2 r
La plus excel lente des vertus morales
eft le peu d'ertime de foi-même.
Elle a cet avantage, qu'elle ne s'attire
l'envie de perfonne.
Ne donnez jamais confeil qu'on ne
vous le demande , particulièrement
à ceux qui ne font pas capables d'en
écouter.
Dites de bonnes chofes, vous en
entendrez de bonnes.
Ne prodiguez pas vos bien-faits à
ceux qui ne font recommandables par
aucune bonne qualité, vous feriez la
même chofe que fi vous femiez dans
des campagnes fallées.
Quand vous n'avez pas des favans
près de vous de qui vous puiffiez apprendre
, apprenez des ignorans en
obfervant leurs défauts pour éviter
d'y tomber.
L'ignorant n'eft pas homme, & le
favant fans la vertu n'eft pas favant.
Rendez-vous eftimable par la réputation
de dire la vérité > afin que fi la
neceffité vous oblige de dire un menfonge,
on croïeque vousaïez dit la
.vérité.
Un menfonge agréable eft préférable
à une vérité qu'on ne peut goûter.
O 5 L'hom-

3 M: Les Maximes
L'homme doit parler, parce que
c'eft la parole qui le diftingue des bêtes
j mais en parlant, ildoitfavoir
ce qu'il dit, afin qu'on connouTe qu'il
cft homme d'efprit.
Dites ce que vous favez en tems &
lieu s mais, ne le dites pas à contre*
tems, pour ne pas deshonorer la
fcience.
Ne parlez à perfonne en particulier
dans les compagnies , quand même
vous diriez de bonnes chofes 5 parce
que,naturellement les hommes fe méfient
les uns-des autres.
Quoique vous fofezfavants néanmoins
croïez que vous êtes ignorant 3
afin que vous ne vous priviez pas de
l'avantage de pouvoir apprendre.
Quoique celui qui -parle beaucoup
foit fage d'ailleurs 5 néanmoins 3 il
pane dans le monde pour un indkcret
& pour un brouillon i
Quelques perfections que vous aïez
«e vous en vantez point 3 parce qu'on
Tit vous en croira pas fur votre parole.
; ' :
Ne vous JafTez pas d'écouter 5 parce
qu'on apprent à parler en écoutant
les autres.
Comment ceux qui font dans la
i fa-

des Orientaux. 323
faveur des Kois dorment-ils en fureté
?
Pourquoi n'appelle-t'on pas ennemi
celui qui voit & qui laiffe maltraiter
fon bienfaiteur.
On peut bien vivre fans frère, mais
on ne peut pas vivre fans ami.
Quelques amis que vous aiez, ne
vous négligez pas vous-même. Quand
vous en auriez mille, pas un ne vous
aime plus que vous devez vous aimer
vous-même.
Gomme les Rois font au defîusde
tous, il faut auffi que leurs paroles &
leurs actions furpaflTent les paroles &
les actions de tous, afin qu'ils puifTent
avoir la réputation de grandeur à jufte
titre.
Le cara&ere d'un homme fage confîfte
en trois chofes, à faire lui-même
ce qu'il dit aux autres qu'il faut
faire, â ne rien faire contre l'équité ,
& à fupporter les défauts de fon prochain.
La plus grande des obligations eft
celle du difciple envers le Maître.
La force ne confîfte pas à renverfer
un ennemi par terre5 mais, à dompter
fa colère.
Ne YOUS réjouiflez pas 4e la mort
O 6 de

324 Les Maximes
de perfonne, parce que vous ne vivrez
pas toujours &que vous mourrez
comme les autres.
Qui eft ami des bons* n'a rien à
craindre des méchans.
, Deux chofes caufent de l'affliction,
un ami trifte, & un ennemi joïeux.
NVïez point de liaifon avec huit
fortes de perfonnes, avec un envieux,
avec celui qui n'aura pas d'égard pour
vous, avec un ignorant, avec un infenfé,
avec un avare, avec un mente
ur , avec un homme du vulgaire,
ni avec un calomniateur.
La vie eft un fommeil &Ia more
eft le tems du réveil , & l'homme
marche entre l'un & l'autre comme
unphantôme.
• Le libéral eft vôifin de Dieu, voifîn
des hommes , voifin du Paradis
& éloigné du feu de l'enfer.
Quelque bien que vous aïez fait à
une femme, quelque long-tems qu'elle
ait mangé du pain & du fel avec
vous, vôtre cadavre après vôtre mort
n'eft pas encore dans la terre qu'elle
fcnge à prendre un autre mari.
- La haine entre les parens eft pire
que la piqueure d'un fcorpion. La
douleur que caufe la piqueure d'un
: - fcor-

des Orientaux. 325:
fcorpiôn eft de peu de durée j mais,
la haine entre les parens dure toujours.
Le moïen de ne pas s'ennuierdans
les bonnes compagnies, eft d'y dire
de bonnes ch'ofes , ou de fe taire &:
d'écouter les autres.
Un bon confeil fait beaucoup plus
d'effet qu'un fabre 5 il peut ruiner une
armée entière} & c'eft beaucoup fî un
fabre peut ôter la vie à cent des ennemis.
Le Corbeau deviendra plutôt blanc,
que celui qui cherche la fciencefans
application ne deviendra favant.
Qui veut fe marier fans argent, reffemble
à un chaffeur qui veut prendre
un Cerf fans chiens s & qui fe met
dans la dévotion fansfcience, reflemble
à un papier fur lequel rien n'efl
écrit.
En été on fouhaite l'hiver 3 &
quand l'hiver eft venu on le maudit,
tant il eft vrai que l'homme ne peut
vivre content dans un même état.
On eftime dans le monde ceux qui
ne meritenr pas d'être eftimez a &
l'on y méprife les perfonnes de meri^
te: Mais, le monde refTemble à la
mer, la perle eft au fond, & la ci a*
rogaefurnage. O 7 K'eft-

326 Les Mtxims
N*eft-ce pas une ,chofe acfmiraMç
que le vin > qui fait un homme libéra)
d'un avare ?
On excufe les y vrognes ; maïs, les
amans ne font pas moins excufables
dans leurs emporçemens.
Le monde eft comme une hoftel?
lerie, où le voïageur couche aujourd'hui,
& d'où il part le lendemain. ,
Qui n'a pas d'argent eft comme un
oifeau fans ailles, & comme un navire
fans voiles.
La raillerie eft bonne, mais il ne
faut pas qu'elle paÛè les bornes de
l'honnêteté.
Ne fermez pas votre porte à ceux
qui veulent entrer, &ne refufezpas
vôtre pain à ceux qui veulent manger.
• • ••.,.-.*.-..:.••
La volonté de Dieu détruit la volonté
des hommes.
Vous faites à Dieu le bien que vous
faites à vôtre prochain.
Prenez exemple des malheurs des
autres , afin que les autres ne prennent
pas exemple des vôtres. .
Les chofes qui nuifent, font des
fenfeignemens.
Les paroles font pour les femmes *
l« avions pour ks hommes.

des Orientaux. $2%
Quoique vôtre ennemi ne paroifîc
pas plus qu'une fourmi > néanmoins»
regardez-le comme un éléphant.
Mangez , beuvez avec vos amis 5
mais, ne leur vendez rien ni n'achetez
rien d'eux.
C'eft parler à l'infenfé que de ne
Jui point parler. Plus vous lui parlerez
plus vous vous cauferez de chagrin.
Chacun doi t parler de ce qui regarde
fa profeiîîon, & non pas de ce qui
regarde Japrof effion des autres.
Le meilleur eft de ne point parler
des chofes dont on ne peut fe ibuvenir
fans douleur.
Ne demandez ni ne defîrez Timpoffible.
Apprenez à fupporter conftammenr
les changemens de la fortune.
Chaque nuit produit toujours quelque
nouveauté, & l'on ne fait pas ce
qui doit éclorre avant que le Soleil fc
levé.
Une belle femme & le vin, font
dedouxpoifons.
fin quelque lieu que le pauvre arrive
le foir, il y trouve fon Palais.
Cent voleurs ne peuvent pas dépouiller
un pauvre homme nud.
L'honv

jift; Les Maximes
Innomme s'en retourne delà même
manière qu'il eft venu.
Plus les chofes font dépendues ,
plus on y eft porté.
Qui veut un ami fans défauts 3 demeure
fans ami.
Ne communidùez à perfomie ce
que vous devez faire, parce qu'on fe
mocquera de vous fi vous ne réunifiez
pas.
Le repos dans l'un & dans l'autre
monde confifte en deux chofes ; à vivre
de bonne intelligence: avec fes
amis'& à diffimuler avec {es ennemis.
Qui ne fe foucie plus de vivre, die
tout ce qu'il a fur le cœur.
Le refpeft & la civilité entre les
amis doivent être de l'un & de l'autre
côté. "' '.'•.'•• : r.
Le ftupideavéc faflupidité fait ce
que le fage fait avec fon efprit.
Le defir de vivre détourne des grandes
& belles entreprifes, & fait pren*
rire l'habitude de l'oifiveté & de lapareffe.
.-- • .;•' •'*:> -...
: Combien la vie fcroit courte fi
l'efperance ne lui donnoit de l'éten-
-dûë >
Homme aumondenepeut véritable-

des Orientaux. 329
blement être appelle homme que celui
qui ne fe fie à perfonne.
Lemoïen de ne pas faire de fautes
ea parlant,. eft de. garder le fîlcnce.
Gardez-vous une fois de vôtre ennemi
y mais , prenez garde à deux
fois à vôtre ami.
L'efperance eft une compagne admirable,
fi elle ne conduit pas toujours
où l'on fouhaite d'arriver , au
moins fa compagnie eft agréable.
Qui pêche les perles fe plonge dans
la mer, & qui afpire à la grandeur
paflfe les nuits dans les veilles.
Qui connoît bien ce qu'il cherche >
ne regarde pas aux dangers qu'il doit
rencontrer avant que de le trouver.
La facilité à donner eft autant condamnable
dans les femmes, que l'avarice
dans les hommes.
Les grandes âmes parohTent en pu.
blic, lors qu'ils ont de quoi faire du
bien ; mais , ils fe cachent dans la
pauvreté, & n'importunent perfonne
en demandant.
Quand vous voïez le pauvre à la
porte du riche , plaignez le fort du
pauvre d'avoir befoin du riche , 8c
plaignez le fore du riche de l'attache
qu'il a pour les richeffes. Mais, quand
vous

3 30 Les Maximes
quand vous voïez le riche à la porte
du pauvre, beniflez le pauvre de ce
qn'il n'a befoinde rien, & beniflez
le riche de l'honneur qu'il faic au pauvre,
i .
Les longs difcours ennuient &• endorment
les plus patiens & les plus
fages.
Plus un livre eft gros, & plus il pefe
dans les mains; mais, il n'en eft
pas meilleur.
Confiderez-vous que ce que vous
aimez eft une peau qui couvre du fang
& des os ?
Qui veut devenir puiflant Seigneur,
obtient ce qu'il fouhaite à la Cour des
Rois.
Trois chofes donnent accès auprès
des Rois, les beaux arts, lesricheffes
& l'éloquence.
Il n'eft pas du bon fens de marcher
par un chemin que Ton ne connoïc
pas.
Trois chofes rendent le règne des
Rois agréable i la facilité à fe lahTer
approcher, la juftice, & la libéralité.
L'ignorance eft injufte envers tout
le monde.
Un conte eft vieux dès la première
fois qu'il a été raconte.
Dans

des Orientaux. 331
Dans le tems où nous fommes, faire
paroître ce que Ton fait & de quoi
Ton eft capable, eft la même cnofe
que de jetter des perles exprès pour les
perdre.
Ne vous plaignez pas du monde s
car, quel bien peut-on en attendre ?
Les Rois eux-mêmes y fouffrent,
quel repos le pauvre y trouvera-t'il >
Si vous fouhaitez le repos vous le
trouverez dans la retraite.
Qui a de la vertu protège & maintient
la vertu de même que le diamant
polit le diamant , & celui-là
protège la vertu qui la loue & qui cache
les défauts.
La vertu n'eft plus au monde, le
miel en eft ôté, les guefpes y font refîmes.
Le moins eftimable des amis eft celui
qui fait des cérémonies.
On pourroit vivre heureufement û
les cérémonies n'y mettoientpas obftacle.
C'eft avec les étrangers qu'il faut
faire des cei'emonies > mais 3 elles
doivent être bannies entre les amis.
Il eft moins fâcheux d'être malade >
que d'avoir foin d'un malade.
Chacun fui vaut fon rang a fes maux
à fup-

332 Les Maxime
a îiïpporter , & perfonne pour cela
n'a point de lettres d'exemption.
L'homme doit être ferme & fiable,
comme un rocher, &nôn pas
léger & mobile, comme le vent.
La douceur eft le ïel des bonnes
mœurs & des belles qualitez.
La patience eft la colomne qui
foutient la prudence.
L'honnête femme aime fon mari,
& quoique laide , elle ne laifïe
pas que de faire l'ornement de fa maiion.
Si pauvre que foit un mari, il eft
heureux comme un Roi lorfque fa
femme eft fage & foumife.
Au jugement des fages, il faut éviter
de prendre en mariage cinq fortes
de femmes : Une femme qui a des
enfans d'un autre mari, une femme
plus riche que foi, une femme qui regrette
fon premier mari, une femme
qui médit de fon mari en fon abfence 5
enfin, une femme qui a de la beauté >
mais qui eft de baffe naiflànce.
Ce font les menteurs qui font des
fermens.
Lss perfonnes de naiflànce & de
probité font amis au fouverain degré »
mais, l'amitié des perfonnes qui font
nées

des Orientaux. 333
nées & qui vivent dans la bafleile,
n'eft pas folide.
Les innocens parlent avec hardiefle.
Qui n'a point d'envieux n'a point
de belles qualitez.
N'approuvez pas dans les autres ce
que vous n'approuvez pas en vousmême.
Evitez la compagnie de ceux qui affligent
les autres. Il y a lieu de craindre
defe brûler quand oneft près du
feu.
Qui fait du bien aux médians, fait
la memechofe qui s'il faifoitdu mal
aux bons.
. La patience eft le meilleur bouclier
du monde pour fe deffendre d'un affront.
De la manière dont le monde eft affligeant
, on ne peut pas y trouver de
fatisfa&ion.
Il faut travailler à faire des provisions
pendant l'été, pour vivre en repos
pendant l'hiver.
Vous êtes efclave des plaifîrs de vôtre
corps 5 cependant, il n'y a pas de
plaifîrs que vous ne puiffiez goûter
dans la pofleffion de vous-même.
La querelle entre les amis redrefle
l'amitié. En-

334 Les Maxtinef
Enfeigner un méchant, c'e&mettre
le fabre à la main d'un afiaffin.
Une méchante ame eft capable de
faire tout le mal qu'on en peut pen-
Ter.
La raifon pourquoi les Courtifâns
font la cour aux Rois avec tant de zèle
& avec tant de paffion, eft qu'ils
favent que par.- là ils arriveront à la
grandeur à laquelle ils afpireht.
Un Monarque qui cherche fes plaifîrs
& fa fatisfadtion particulière, &
quifouffre que fes fu jets foi en t dans la
mifére , voit bien-tôt l'éclat de fa
grandeur obfcurci.
L'efperance vient après le defefpoir
, de-même que la clarté vient
après une nuit obfcure.
L'ignorant eft affis à la place d'honneur
, & l'égarement eft fi grand,
qu'on ne laifte pasapprocher le favant
de la fale où il préfide.
En quelque état de mifére que ce
foit, labeauté a cela de particulier,
qu'elle attire les yeux de tout le
monde.
Qui a parfaitement de Pefprit fera
prendre de la terre pour des pierreries
s'iU'entreprent.
La fcience a cet avantage/qu'elle
« l: .j iàit

des Orientaux. $$f
Fait que ceux qui la poffedent commandent
à ceux aûfquels ils font fournis.
Ce n'eft ni de nos richefTes ni de
nos connoiflànces que nous devons
faire gloire 5 mais y d'être favans,
vertueux & de bonnes mœurs.
C'eft une grande ignominie qu'un
favant vitieux ; mais, un Derviche
ignorant eft encore quelque chofe de
pire s & l'un & l'autre enfeignent la
Religion qu'ils ignorent & qu'ils méprifent-.
L'homme qui a de Fefprît & qui
confulte les autres, n'eft qu'un demihomme,
celui qui n'en a point & qui
néprent point confeil, n'eft pas homme.
' Ne vous informez pas de celui avec
qui vou.sYOulez faire amitiés mais,
informez - vous de celui qui eft fon
ami , parce que facilement chacun
fuit les mêmes traces que fon ami.
S'il eft' méchant ne feignez pas de
vous en élbjgmsr $ mais, s'il eft bon,
attachez^ vous à lui, vous deviendrez
bon.
N'aïezpoint de familiarité avec le
parefleux, le méchant corrompt aifément
le bon. Ne voïez-vous pas que
* : le

$jÇ LesMkwwt
lefeii rechange en cendre par le voifinage
de la cendre ? ;
La plus grande dette eft celle dont
on efl redevable à un Maigre- qui enfeigne,
&c'eû la premierequ'il faut
païer , même largement -s, non pas
tant pour s'en acquitter que .par refpeft
pour fa perfpnne.
Il eftde la fcience à l'égard des préfomptueux,
comme de l'eau à l'égard
des lieux élevez s car, de même qu'il
éft contre la nature de l'eau de s'élever,,
de même auffi il efi: contreJa nature
de la fcience d'arriver jufques aux
préfomptueux.
Vous defirez d'être favant fans travail.
C'eft une de mille efpecesde folies
qu'il y a au monde.
Qui veille la nuit, fe réjouit la
matin. .
Que de honte l* Que d*aâronts !
Que de chagrins caufeà l'homme la
feule & damnable oifîvete !
' Qui enfeigne & ne pratique pas ce
cju'il enfeigne, reffembfe a Ja poule
qui a des ailles & qui ne ybje pas.
Les richefles après lefquelles vous
courez avec tant d'ardeur , reflemblent
à l'ombre qui marche avec vous*
Sî vous courez après elle, elle vous
fiiitj

dis Orientaux. 337
fiiit , fi vous la fuiez , elle vous
fuit.
. Vous qui êtes favant, foïez content
de vôtre fortune, de crainte que
l'abondance n'accable & ne trouble
votre efprit. Un ruiMeau tire des eaux
pures de fa fource ; mais, il eft troublé
d ? abord qu'il pafle par deflus les
bords de fon canal.
Quelle autre chofe eft le tems qu'une
route précipitée qui nous conduit
continuellement à la mort malgré
nous? Et ce qui donne de Féronnement
aux fages, eft que le roïageur
fait ce chemin même dans le tems
qu'il eft en repos.
Vous qui pleuriez au moment de
vôtre naiflance pendant que les amis
de la maifon fe réjouifToient &
rioient, efforcez-vous de faire en forte
que vous vous réjoiiiffiez, & que
vous riez dans le tems qu'ils pleureront
à l'heure de vôtre mort.
. Souffrez patiemment toures les attaques
de vosenvieux, vousles-acca-
J>lerez tous par vôtre patience. C'eft
de cettemaniere que le feufe confumequand
il netrouve rien qu'il puific
confumer.
P Vou-

338 Les Maxime*
Voulez-vous abbattre vôtre ennemi
fans armes 3 l'accabler de chagrin
& le faire enrager ? Méprifez-le y pratiquez
la vertu, ce font des moiens
qui le feront mourir plus cruellement
que le fer.
Quelque foin qu'on prenne d'éloî*
gner tous les fujets de médifance,
perfonne n'eft à l'abri de la langue des
hommes. Ils appellent muet celui qui
garde le fîlence , avare celui qui ne
prodigue pas ce qu'il a -, prodigue celui
qui fait largefTe de fes richeflès;
c'eft pourquoi laiflez-les dire & ne
craignez que le jugement de Dieu.
Ne méprifez perfonne en quelque
état de baffefle qxiHlfoit. La fortune
peut l'élever & vous abbaifler.
Pendant que la fortune vous rit 8c
que vous commandez aux autres,
comportez -vous fagement 5 parce
que vous abandonnerez bien-tôt toutes
chofes. Confiderez ceux qui font
venus avant vous > confiderez les Empires,
tout efl paffé, & de tout ce
qui a été, rien nerefie que les traces
de la vertu.
La mémoire fe pert y mais, l'écriture
demeure.

des Orientaux. 339
N'abrégez pas les longues nuits par
le fommeil, & ne prolongez pas I
jour qui eft fi court , par des cri
mes.
. Nous voïons mourir de faim ceux
qui ont les plus belles qualitez, & les
plus indignes au milieu des riche/Tes 3
& desefpritsles plus élevez qui n'en
ont pas fu la taule fefont rangez du
parti des derniers.
Quel bouleverfement caufe le tems!
Les mœurs font corrompues , Tinconftance
règne en toutes chofes. I!
en eft de même que de l'ombre far If
bord des étangs, où la tète qui eft 1.
partie la plus noble tent vers le bas
&" les pieds quoique la partie la plu
vile, tiennent le deffus.
Le monde a perdu l'efprit, il favo
rife ceux qui lui reflèmblcnt. Mal
heur à eux fi un jour le monde devien
fage!
Si la fcience fans la Religion étoit
eftimable, rien ne feroit plus eftima-
Weque le Démon.
Eloignez-vous des Rois & de leur
colère, & ne faites pas la cour à ceux
dequi les paroles (ont aufli-tôt exécutées
que prononcées.
P 2, Pour

140 Les MatiirnH
Pour arriver au comble de la fa£effe,
il ne faut ni trop manger , nitror*
dormir, nitrqp.parler;; .
Rien n'exprime mieux un grandi
parleur, qu'une nuit longue & froide
de l'hiver, r ; -i •-.. : : • • _• •; p
Tous les^rimes prennent leur od*;
sine de la vu ë, de même qu'un grand*
feu s'allum^d'una éjj&ceUe.
Un bon livre eft le meilleur àes[
amis. Vbus vous encretenoz agréablement
avec lui lojrfiiijeiwu&afave»
pas un* ami à quj v^us puifôez. vous>
fier. Il ne révèle pa^ vos.fccrjeis, &>
il vousenfe4gnela£a£e$§.
Le corps s'engrajfik» à fa&Kp4eudnrmirj
maisv lV^it-ai)jgpi«lnw«àfbi>>
cédé veiller. . •-.:..[.- .. v. :r ': c T'.T
Qui s'atiftoh^ àideasquialkoa, fiirt '
C£. qui lui (iwQÎJEritl^ie-.'
Plus v&&l$$%ffi&*. &' œoiftStona
de paroles $ c'eft pourquoi , il jejJki
commerc^taitt

des Orientaux. $41
vertu que peu de perfonnes pratiquent
& rarement.
La grande force paroît en une heure
de patience.
: Perfonne n'eft fi favant que perfonne
ne puifle être plus favant que lui.
Méditez & vous comprendrez.
Les paroles reiTemblent aux flèches
qu'on dirige vers un but, avant que
de les lâcher pour les y faire arriver.
•Lafcience eft l'héritage de l'homme,
il doit la prendre par tout où il
kùrouvîe 3 & làiffer toute autre chofe
comme n'y aïant aucun droit.
-L'amour dés ficheiTes eft une maladie
5 c*eft être à l'agonie que de demander
'Pàumène s & c'eft la mort
même que d'être refufé.
On cherche dés richeiTes c\: on ne
les trouve pas ; cependant , chofe
étrange 1 on ne cherche pas la fin de
fes jours & on là trouve.
11 ne Teroït pas fi fâcheux à un favant
d'èmplôter fes ongles à polir le
lïferbre , de mordre 'urte enclume
avec les 'dën

34* LesM%tâm&
au Mont Caucafe & d'en rapporter
une pierre de centlivres.pçfant» qo6
çie voir feulement de loin le vifage
d'un ignorant. .,•...;
Qui ne fe contente, pas de-ce qjiljl a
fufmamment pour vivre, rîéçonn.oJtt
pas Dieu ni ne l'honore.
La fagefie & le courage ne fervent
de rien Jorfquela fortune nous abandonne.
La fortune vient les chaînes, aux
pieds s maïs, lors qu'elle fe retire^
ejlelesrompt toutes parl ? eflorrqu'eir
îe fait pour fuir.
Lors qu'un Roi pafle les jours & les
nuits dans le jeu, dites que (on Roïaume
fera rempli de malheurs & de
guerres. ' ...., :;
Rien n'eft plus amer parmi les hommes
que la perte des amis.
Où font les Rois? Où font les autres
hommes ? Ils ont fait le même
chemin que tu tiens. Toi qu.i as préféré
le monde periflàble à touçe autre
çhofe, & qui eftiroes, heurçux ceuxi
qui ont fait le même choix que tuas,
fait, prensdeçemonde ce que la ne-.
ceflité veut que tu en. prennes , fa-,
voir,, que la mort eo. dt te dernier
moment, -\ Ne

• des Orientaux. 343
î)e prononcez point de paroles deshonnêtes
3 fi vous en entendez prononcer
, fongez à autre chofe, & faites
comme ii vous ne les entendiez
pas.
Le monde refTemble à un loge*
ment, où l*on reçoit les voïageurs :
Celui qui néglige de faire les proviens
dont il a befoinpour pafferplus
outre eft un infenfé.
Ne vous laifiez pas feduire par la
multitude 3 parce que vous ferez feul
quand vous mourrez & quand vous
rendrez vôtre compte.
Penfez-tToù Vous êtes 1 venu , où
vous devçz aller & où vous devez demeurer
éternellement.
Les richefles confiftent dans ce qui
fuffit Se no» pas dans ce qui eft de fuperflu.
De même que le feu s'allume avec
le bois, demêmeauffi la guerre s'excite
par les paroles.
Le blâme dont la médifance ne peut
s'exeufer, eft de ternir la vérité.
Ne vous étonnez pas de voir les
perfonnes de vertu dans les difgraces
& dans le mépris, ni de voir les dignitez
occupées par ceux qui ne les
P 4 meri;

£44 Lis Maximefj&c.
mentent pas : Ouvrez les yeux &
confîderez que les étoiles qui font innombrables
ne perdent jamais rien dé
leur lumière, & que le Ciel tourne
feulement afin de faire voir tantôrune
éclipfe de Lune , tantôt une éclipfc
deSoleîl.
Vin des Maximes»,
TA-

T A B L E
DES PAROLES
• REMARQUABLES
ET DES
B O N S MOTS.
A.
«
ABd-ullahfilsdeZebir. Pag. 157.
158.
Abd- urrizzak Efeodi. 197.
Aboubekir. 2.
Afrafiab. 182.
Ahrriedi. Ï9ï.192.
Aiftfïeh j femîne de Mahomet. 1.2.
Alçoran. 16. 21. 22.122.
Alexandre le Grand. 92.127.135.
Ali.'* I57. 215.220.221.
AhRiza. i

Àmrou Leits. 7. ïfi
L'Ange Gabriel.
T !eddînJVÇifoi)d. f ^Id*.
Avare qui veuf faire lireTÀÎcorah
pour fon fils mala.de. 122.
Aveugle qui porte" une cruche. 37.
Aumône» 21 tf.
Azraïl. 217.21$.
B.
B Abekan. ïl

des bons Mots.
BedNeddin Roi de MoiuToul. 17Ù
Bègue qui marchande une Fourrure»
220.
Behlouî. 54«
JVÏ. Befpier. 1^5.
Bibliothèque. 129.130.
Bokhara. 173.. 174-17 5^
Boflu. V. Refponfe.
Bouzourgemhir. 5 3.54. S S. 13 3.134.
C.
C Açideh, fortede Poëfie- 27J
Cadilcsker. 115.
Cadis. 20. 22. 23.'
CaherBillah^ 71.73*
Caïm Billah» 53.
Calender. 14» 24*
Calife avare. 16. A table. 33*
Calife. V. Chiaoux.
Candahar. 20 jj
Caplan Pacha* 219.
Çaracoroum. IS 7.
Cara Muftapha Pacha. 131»
Cara Scheïtan.. 217.
Ceïlan, Me. V. Serendib,
Chiaoux. Çtf.
Chrétien fait Mufïulman, 22.
Clémence d'un Roi envers ua crimi-
. ûd» 79. ?o-
*.. T V € Cubai

Côfcad Roi de Pcrfe. - I J?. i $£.
Côgia-Efendi. an.
Collège. 92. lo.
Côfaïb. •' 91.
Cofnu, nom d'Alexandre, Sfpour-
*- quoi» * • . 93.
CoulogtoW - '219.
Courtifans de Mahmoud Sébekte-
•: tghin. 117..
Criminel qui obtient fa gracê .d'un
Calife. 144.
D.
D A'me.-V. Refponfe.
•Dame, comment guérie. 66.
•Dame Egyptienne qui refpond à ua
• Aftfologue. •" 74.
©ârab Roi-de Perfc. • 92*.
Darius. • #**rf.
Derviche. V. Refponfe. Invité* à la
table d'un Sultan. 94. Qui «iangeoit
dix livres de pain. 97. Quî
* fort de fon Couvent; 99. CJui pané
• hardiment à un Roi* *ot» • Qui né
f arle pas à un mbknchoUqHe. loS.
am i 1 ier avec un Sultan. rçc. Le$
\* Derviches' fe&ateaw de Dibgette.
87. Ds fennfarjetft. 95% Vslie*©*
; coivent pas d'argent. « *8.
* .; 1 / r à * Def-

des bons Mots.
Defccndant d'Ali. 40. 41*220.
Diarbekir. 120. 121.
Pifference entre un lavant & un Derviche.
99.
Dirhem. 8«
Dogrulbeg. 163.
Drachme 3 monnaie d'argent. 27.
E.
"C Min. 4. j.
-•"-•Emir. 154.
Emir-elrnoiimenin. 143.
Empereur des Croïans. ibii,
Enveri. 149.
F.
TJ AJthr-eddevleï Roi de Ferfe. 14&
* • 149.
Fanar. ai 2.
Ffctime. 5.
Favori qui fait cortège à Cobad Roi
-dePcrfe. 137.
Femme. Lesiêmtnes Mahometanes
. *iefelaifTent pas voir. 1 S. Femme
• 4fUi coniulec Bouzourgemhir. 55.
• . JVlaltraittée & fejrepartie. 61»
Fils. V. Refponfe.
Fils d'un pauvre. V. Refponfç.
^ •'••• •:; ? 7 m

TMè
Fils héritier d'un riche Mahbmetarr*
Fils qui garde le filence. n&
Fota. i^j.
G.
G Abriel. V. Ange.
Gabriel, Mecëcin. 6Ç.66.
Galien. 11$.
JYÏ.Gaulmin. 21.9.
Gazel, forte de Poè'fîe. 49.^0.51.
Gaznîn, Ville. 58.61.
Gelai- eddevlet MelekSchah. 16%,
Geleb. V. Tcheleb.
Gentius, traducteur du Guliftan. 77.
George fils de Bacht Iefchoua. 63.
Giami. 49.50.
jGinghiz.Kbaru 166.167. itf8.16f.
170.171.172.173-174.17s» 17^
.- XSl. 182.17Ç.
GiondiSabor, Ville, 64»
.Giongikhan. Itf8»
Gouverneur chaftie. Ç>8i 59.
Gour, defertdeGouf. < l~i . à Hskfiz*

des bons Motï.
• • r •_ - '•
H.
HAfiz. 21:
Hagiage; 8f.13f.145.157.
Hamadan. 22.
Haman. IOJ.
Hareth, ^ Médecin. 6%. 6\.
Haroun-eirefchid. If. 16. 91.159.
Hafchem.
HaiTan de Meïmend*
Haflan fils d'Ali.
Hatemtaï.
Hirris, Ville.
Hizir.
Hormouz. 79»
Hormouzati.
r.
144*
117. us.
IS7-
109.
Itff. 166.
n*
80.139.140.
2.4>
J Acoub fils de Leïts. ^ 6. fl.
latfî namaz ,; explication de ce
* mot. '• 32.
Ibrahim, frère d'Haroim errefchid*
£5. ,
Ibrahim fïVîirzaIbrahim. 205.2otf„
Jean fils de Mefué. • • - - . e^\
jeune homme railleur. 55^
Imam éloigné de fa Mofquée. 51. Éx«
.plicaûon du mot d'Imam» 32»
8 •"* Ifa,

Ka. 224.215-. ibii.
Iskender. V. Alex^dre le Grand.
Iskender, Mirza Iskender. 204. 20tf.
Ifoiaïl i Roi Samanien. - *• ' " 9r
Jugement univerfel attendu par ïe$
Mahometa'n*. ' • ' 102.
JuiFs en conteftation avec cïesï urcs,
223., Taxez à pai^lea^ Pavillons
du Grand-S. ' 224.
K
K.
' » ;
Aan.: .

Y Erifî.
«*- / Locman.
Loriftan.
Luiteur.
des bons Mots.
L.
M.
i 54.
26.
15$.
204-
*5-
M Aavia. 2.15 S.
Mage. itfi.
Mahmoud Sebe&eghin. 58. do. 117.
14

s
Mahomëtàhc: difforme. 18.
Malatia, Ville., ; 90.
Mamoun. 4»Ç.*S£.
Manfour. 6$. 67.158.
.Marchand perfecuté ç8.*T>ebais. 84.
. Cïrand voïageur. 111. QuîrâîtunjB
. perte confiderable. il 6. Qui avoir
perdu une bourfef
188.
Mari qui avoir perdu fa femme. 120.
Mafoud. • -6i.
Maracande. ~ d.
Martyrs chez lesMahometans. 157,
Maverannahar. 6.
La Mecque aflîegée & forcée. 157.
• 158. Son Temple. 159.
Mecrit. Ï68. 1

des bmsMots.
Merou. 4.
Mefchcd. C. icz.
Meffihi. 51.
Aîefué. V. Jean.
Mevla^a:* explication de ce mor. ?

.-.••:£ T « * l ••::•
o.
OFficier. V. Refponfe.
Ogtaï Khan. 182. i Sgsriç.-ïtt;
Omar. 2.
Onfor el Maali Kikiaôus. : • • • î' ^ 3. 5 <
P.
^pAcha qui faifoit jouer tffestymba-
•*• les. 214. Explicàtibn dû-mot de
• Pacha. .^215.
PàcfeaSchahin. 219.
Page jetré dans la Mer. 78. 79,
Pain. Diftribution de pain. Ï99.
Pàrôpamifades. 6.
Pâàvre qui demande l'aumoné/. * 43,
Pèlerins de la Meeque. 89.
Pharaon. 1 103.
Philofophe d'une grande laideur. 127.
Qiii avoit écrit ço. volumes. 128.
Qui donne confeil à fou fils. 134.
PttaS. •'- \ :: --•'•'£*[
PîrMehemmed. "262/
Platèn. 152.
Poète Perfan qui lit des vétfsfc* Poète
Giami. 48. Qui lit de médiane
?ôrs, qfyi X5wile ifefc fctoit&Wflàde.^S
_Qui recite des vers à la loôlrfge
iiige
d'un

des bons jMots.
d'un voleur. 119. Qui lifoit des
. vers à un Emir. 153*
Prédicateur qui faifoit de méchans
vers. 48.
Prière des Mahometans. 24. I22.
Prince, Repartie d'un Prince. Szi
• De petite taille. V. Refponfe.
Prophète, faux Prophète* 15.
R.
TVÂzis. fi. 70.
4N Repartie d'un frère pauvre à urt
. frère riche, 90. D'un Prince àfon
frère Roi d'Egypte. 103.
Refjjonfe d'une Dame interrogée par
>Hûgiage. ; &ûn artifan. 44. D'un
hoflu. 45-. D'un fils. 47. D'un
grince de petite taille. 77. Hardie
. xFuïa Derviche. 87. D'un Dervi-
. cheà un Roi. 96. D'un fils pauvre
au fils d'un riche. 124. D'un Me*
xtecifh 134- D'un Arabe. 150.
D'un mendiant. 110. D'un Offi-
* ctorà Alexandre le Grand. 136.
M.'Ricaut* 153.
Rpi de Perfe en colère. 57. Un Roi
fait vœu de faire une aumône à des
Derviches. 9S. Emprunte de ^argent
d'un pauvre. - IIOV
Roi

Roi des Arabes carié de vieille/ïe.'So.
Roum, Empereur de Rqum. 132,
.i
S.
S Aad-eddin. 194.195V
Sadi Poète Perfan * Auteur du GIN
Jiftan repris par fon père. ?$. Se
marie à Haleb. 97. Ne veut pas
acheter une maifqn dans le voifinage
d'un Juif. 118. Repris par fa
mère. . ; 11&"
SafFar. Saffariens. ~ ' 7.-^:-
Sage 3 mot d'un fage à un Indien. 123.
Sages, lesfages. 84.
Saneb, filsd'Ibad. ïgo.
Saladin, ou, Salahh-ddin. 164.166.
Sama^el, nom4'unAnge.. ^ 2tS.
Samanjens. . —

des bons Mots.
Scheich, explication de ce mot. 5?.
Scheikhî. 220.221.
Schemi. 51.
Schems-eddin Mehemmed Fanari.
211.
SchemselMaali. 150.151.
Schiraz. 185-iStf. 205.
Schoufchter. 2.3.
Seïdeh Reine de Perte. 147.149.
Selguicides, Selgioax. ï6$.
Senadab. 5.
Sepuhure^des Mahomerans. 125.
Serendib, Ifle. 101.
SinanfilsdeThabet. 71.
Siftan. 7.
Sivri-hiflar. i

Table df$ fofà Mets.
Taogrolipix. .. ; JQ."
Taprobane. V. Serendib.
Tàrtares» uo.
Tchelebi & Tchelebr. ; ', - 223.
Tcheridi Sapor. . ; 140.
Temple 4e la Mecque. iSi. V.; la
Mecque.
Timour. V r . Tamerlan.
TifTeran. 3 6*
Topai, explication de ce mot* 220. :
Tranfoxiane. 6*\
Turban, gros Turban. 114.11 %.
Turc, explication de ce mot. 43. Re-
* fponfe d'un Turc. 42.
V,
TT Agabond déguifé. 88.
"V Varna, Bataille.deKTarno; 214.
Varhîk Billah. . dp.rxrfOiitfl.
Vieillard âgé de 100. ans. Sarefpon-,
~fe $ . Qui exerce la Médecine fans
favoir lire. 72./De Bagdad. loi.
De Diarbekir. 120. Qui ne fe ma-
.rioitpas. ': Vzp
tllùgBeg. ,. I$7; x-99.o?o9»
\Coleur jeune condamné à avoir la
main coupée* 142*
Uzbecs. - .•'>.'••• ^ •
.s.

TABLE
DE S
MAXIMES.
A.
A Bandonnement. 290. Du mon.
de. 257.
.Abondance* 244.
Accompli. 306.320.
Acquifîtion. 2S5. 307.
A&ion, bonne, méchante. 244. 245.
246.276.281.288. ibid, 298. 302.
211. 319.326.
Araires. 234.249.250.257. 261.
264.282.310.
Affliction. 246.314.324.
Affront. 254.295.296.
Aimer. 240.330.
Alliance. 23 S.
Amans. 326.
Ame. 235.29*.
Ami, amitié. 237. 239. ibid* ibid.
243.24$. ibid. 247. ibid. 248. ibid.

• • * a *•
--272. 27Ç. 277. 27?.-2'79 fc .' tSP;2t5.
ibii^x S

des Maximes.
Biens da monde. 309*311.
Biens d'autrui. 327.
Bien-fait. 234. 240. 241. 243.277.
311. 312. 321.
Bienveillance. 257.
Blâme. 2tfo.
Bon, bons. 264. ibtd.z6~.ibid.
Bonnes chofes. 333.
C.
^ Apable. 282.
V-*Cérémonies. 2Ç0. 331. ibid.
Chagrin, homme chagrin. 232.
Charge. V. Dignité'.
Châtiment. 251. ztf.
Chef. 234.
Chemin. 330.
Chercher. 27$.
Civilité. 249.
Cœur; 232.305. 30^.
Colère. 2^.269.285.292.
Combat. 2S3.
Commandement. 238. 316.
Compagnie. 3 2 5«333-
Complaifance. 242. 244. 252. 275*
284.320.
Composition, g 09.
Comprehenfïon de Dieu. 248.
Concupifcences. 230. ibid, 244. Z66,
295.294.298.
ÇLz Con-

TaOe
Conduite. .241.248.249.
Cqnnoître, fe connoître foi-même.
230.266.
Confcience. 285. Homme de confcience.
517.
Confeil. 238.249.25 3.255. Z6%.z66.
270.272.27$. 289.292. 313.321.
325.340.
Confolation. 299*
Conte. 330.
Content, fe contenter. %6%, 2*3*
309.342.
Converfation. 24 6.
Convoiter. 299.
Cour. 2S0.281. V. Service des Rois.
Courage. 240.255. 272.317.
Courtifan. 334-
Craindre, crainte.282.287. Crainte
de Dieu, ziy.ibià.ibià.ibià.
Crime. 339.340.
Cruauté. 274.
Culte de Dieu. 230. iùid. ibià. 23 4.
Curiofitéfuperfiuè. 240.
D
D.
anger. 329.
Débauche. 314.
Découragement. 317.
Décret de Dieu. 240. V. Volonté de
Dieu.
Défaut.

des Maximes.
Défaut. 239.295. 29*. $1$
Deflêndus, chofedeflfenduë. 328.
Demande, demander. 283.317.
Dépenfe. 298. 30 f.
Derviche. 2«8.
Dcfïr, délirer, fouhaït, fouhaiter.
1% 6. 237. 258. 284. 290. 317r
ibid. 327.
Deflèin. aSiJ
Deftin. 291.
Dette. 33

E
E.
Coller. 268.
Ecouter. 322.
Ecriture. ., 338.
Education. 231.23S. 34©. && 243.
, 262.287.
Eloquence. 299.330.
Embarras. 278.
Emprunt. 307.
Èntans. 246.289.306.
Ennemi. 25*2. 260.261. ikid* 262.
268. 277. ibid. 279.290.301.304,
3iI.3i3.1W.3i7.323.327.329.
3(38. V. Inimitié.
Enfeignement, enfeigner.. 319.326.
334.336.
Entreprife. 275*. 2&|. 299.308.310.
311.
Entretenir, entretien. 312.
Envie > envieux. 232.263.269.275*.
éid. 285*. 304.312.218.333.
Equité. 23^.
Efclave. 276.318.
Efperance. 232.239.260.287.296.
307.318.334.328. 329.
Efprit. 231. ibid. 246. 263.280.334.
dans efprit. 267.
Eftime, eftimer. 244.297.313.321.
Exe-

des Maximes,
Exécuter. 302.
Exemple. ±$f. 237. 326. 344.
Expérience. 260»
F.
TjAmiliarite'. 239.
•^Faveur. 2,93.32.3.
Faute. 275-. 316.
Femme. 246.2^8. 269. 274. 283.
299.324.327.332.
Filles. 244.
Fier, fefier. V. Foi.
Fin. 230.244. 264.291»
Fiaterie, flateur. 2

5T4& v\
G.
GArder, fe garder. 263.264.
Gloire, fe glorifier. 235-. 24?.
25-3.25-4.301.335-.
Gouvernement tyrannique. r 308.
Grâce. 280V
Grand , grandeur. 283. 289. 308.
Guerre. 365*.
; H/' •••-..
HAîné. . ••:/ :- 324.
Heureux. i ; -"i 294,
Homme. 233,. 236. 243. 244* 247.
263.268.271.304.307.309.328.
3*9-33 2 "33f-
Honnête, honnêteté. 239.245*. iff.
, 087.304.311.
Honneur. 25^ 276.2.78.^31ï.
Honte. 267*315'.
Humilité > s'humilier, : 303. 3Q4.
319. l c .
r ,
Jeune;

des Maximes*
i.
JEune, jeuneflè. 247.289;
Ignorant. 2^1.2^9. ibid. 262.264.
266.271.274.279.284.287.307.
314.316. 321.330.
Impatience. 234.249.314.334.33^
34*-
Impieté. 229.
Imprudence. 273.
Incivilité. 231.
Ingrat, ingratitude. 242.25*3.271.
288.309.
Inimitié, 237. îff.
Injure, 310.
Injuftice.. 2^0.
Innocent. 233*
Intercefleur. 316.
Interelïé. 274.
Interrompre. 16f. 31 f.
Inutile, inutilité. 292. 293.340.
Joïe, fe réjouir. 292.300.323.336.
,337.
Jurer. 23a
Juftice. 247.272.289.291. 320.
Juftifier, fejuftificr. 263.
C^ 5 Lan^

T Angue. 232.242.244.245'. 27$.
«**-* 310.318*
Large/Te. iSf. 316. V. Libéral*
Libéral, libéralité. 23$*. 2^8. 277.
Liberté. 238.
Libre. 36p. 318.
Livre. 276.3W 340.
Louange. ^2,67.
«- . , • ' • „ - +
M. . - ; :v; .
MAL 5 rendre le mal , maux. 045*.
2^2. 26y. 284. 331. *vï;i i
Malade. 33**
Malheureux. 231.
Maltraiter. . 314.
Marcher. 319c
Mari, mariage, fe marier. 23s. 242.
• 3*l-33*- . - ; " '' '• "- :
Méchanceté, méchant.25^2 jtfcrotfj'.
267. 269.274. ibii. 291. 307.3IQ,
3 11 - 333-
Médiocrité. 274
Médifance, médire. 23^.239.291.
3*7-33 8 -343-
Méditer. 341.
- : Mé-
!

des Maximes.
Méfiance , fe méfier. 235*. 275-. 28?.
301.302.
Mémoire. 2f2.338.
Ménage. 277.
Menfonge, menreur. 24?. 257. ibid.
263.266.272.29?. 321.
Mépris, méprifer. 271.278.338. Mépris
de la Cour. 240.241.
Mérite. 270.298. 32c.
Mefûre. 300.
Modération. 269.299.318.
JVfœurs, bonnes, corrompues. 261.
287.295-. 302.339.
Monarque. V. Roi.
Monde, le monde. 240. ifi.iff.
2f6. ifj. 267. 270.271.290.310.
x S 2 *^ 1 -333-339-343-
Mort, la mort, mourir. 23^.249.
ibid.zs6.ibid* 303. 311. 319. 342.
Multitude. 343.
N.
NAiflance. ^ 247.248.2^3.
Naturel, méchant naturel. 30e.
Neceflaire, le neceflaire. 270.
Neceflité. 247.
Négligence, négligent. 23^. 244.268.
Netteté de cœur. 249.
Noble, noblefle. 240.264.271.
276.291.294.302.

Table
Nourriture. 294»
Nouveauté. 327.
Nouvelle. 262.
Nuifible. 318.
O.
Bligation. 302.323.
OOffenfe, oficnfer. ifi. 302.303.
Oifiveté. 248.279.283.336. V. Pa­
reffe.
Opirçion.
Opprimez.
Ordre.
Orgueil.
Ornement.
Oubli.
241.269.
252.
274.
301»
267.
P .
317.
A Paradis.
2f0.
Pardon. 232.234.25*1.258. 260.
302.303*
Pareffe, pareffeux. 26o.33$\V.0ifiveté.
Parler, parole. 233.243.2fi. 2fA.
2^5'. 263.269.273.285. 286.390.
314. 318.322. tbid.ibiâ. ibid» 326.
* • 327. ibid. ibid. 339. 340. 341. 343
éid.
Paf-

des Maximes.
Pâffions. 236.240.246.249.25-7.
261.271.
Patience. 243.249. 25*4. 263.270.
273. ibid. 280. 283. ibid. 304. 307.
33 2 -333-34°;
Pauvre,pauvreté. 231. 242.25*8. ibid.
261.264. 267. ibid. 268. 270.273.
ibid. 274.280.288. 294. ibid. 30^.
3if.31j.ibid.
Péché. 238.
Penfer, penfées. 242.343.
Père. 299.300.
Perfection. 271.
Perfeyerance. 311.
Pitié. 277.
Pieté. 229.
Plainte. 249.
Plaifirs 3 délices. 238.240. 281.299.
3° 2 - 333-
Précaution. 240.291.
Précipitation. 263.
Prédiction. 237.
Préfent, don. 291.308.
Préfomption. 336.
Prêter. 398.
Prières. 2^4.
Princes. V. Roi.
Procès. 233.308.
Prochain. i~6f. 326.
Proche, parent» 300.
Pro-

Tatk
Profeflîon. 3©f»
Promeflè, promettre. 2jf. 291.308.
Profpcrite. 242.280.314. f
Prudence. 261.273.2&2.2%f. 510. .
Pudeur. 241.
Ptmitioir. 2&f. V. Châtiment. I
Qa JJerelle. 397.*ftwJ.
R.
R Ailler, raillerie. 236.241.292.
297. iW. 301.320. /&& 326.
Rapport. 239.
Rébellion. 262. 306. '
Recevoir. zSl.
Re'compenfe. 2%.
Reflexion. 2fO.
Religion. 230.25*1.
Remife. 276.
Repentir. 233.319.
Repos. 236.248.278.29S.32S.
Reprendre, fereprendre. 233.2^1.
316.
Reproche. 256
Réputation. 2^4.iff. 275. 28ff. y&

des Maximes.
fUfifler. *£ç>
Refpeô. ifd. 277,292. ibid. 328.
Refpondre. 284.
Révolte* 256*
Rire. 297.
Richeflès. 243.248. 25-1. 2^3, xff.
. JLfô.zfj. 25-8.25-9*261.2Ô&. 205.
ibid. 277.283. 284.288. ibid. 2%k
297. 298. 299. 304.306. 308.311.
312.313. 319.330.336. 339. 341.
ibid. 343.
Roi, Prince, Monarque, Souverain.
25*4.25*9.263. 274. 278.283. ibid*
18S. 2,89. ibid. 295% 298.299. 316».
317. 319.32.3.330. ibid. 331. 334.
339-34*-
Roïaume. 26c.
S.
OAge, fageiTe. 238. ifj. ibid. 279.
«3 262. 264. 26f. ibid. 266. ibid.
ibid. 267. 27a 2&6. ibid. 307, 323.
~ 34°-
Santé. 25-2. 298.307. 314.
Satisfaction. 248.
Savant, fcience. 231. ibid. ibid. 237.
241.248. 2f3. 25-4.25*8. ibid. 25*9.
ibid. 261. 264. 266. ibid. 268. 272,
ibid. 274.287.1'^. 293. 295-. 300.
ibid.

. TabU •:-,
ibid. 302. 312. 315'. 321. 322.'32£
„ 334- 33 6 - 337- 339- 34 1 - ^^*
Secours. 3 IO ~
Secret. 2p. 25*8. 25-9.260.266.273.
275-. 293.318.328.
Sédition. : . : .; 286.
Sens, bon feus. 2.33.268.
Serment. ; 332.
Service. . 277.
Service des Rois, des Princes. 264.
282.303.310.
Sévérité. 271.
Siècle. 247.
Silence. 231.249.îfo.25'L 263.266.
283.305-. 309.314.329. -
Sincérité. 238.305-.
Sobre, fobrieté. 264.340.
Soin. 311.
Solitude, vie foliraire. 276.307.
Sommeil. 340.
Souffrance, foùfrrir. 23?. 25*2.301.
307.337. . . *^
Souhait. 325-. V.Defir.
Soulèvement. • . 25*2.
Soumifllon. 249.270.
Souverain V. Roi.
Succès. 263.285*. 287.
Sujets. 263.294.
Superflu. 279.343.
Tems.

T17.
Kms.
des Maximes.
T.
2 53-337
Tombeau. 2) a.
Travail, travailler. 2)~S. 267. 333.
Tromper, tromperie. 2)*o. 306. 309.
Tyrans, Tyrannie. 24)". 2) - 2. ibid.
308.309.
V
V.
Aleur. 244. 265

Table des Maximes.
Voifin. 260.
Voleur. 327.
Volonté de Dieu. 297. 326. V. Décret
de Dieu.
Y Eux.
Yvrognerie»
Y.
318.
248»
Fin do la Table dts Maximes.
v-/
C A-
?•

CATALOGUE
Des Livres qui fe trouvent chez,
LOUIS & HENRY
VAN DOLE.
ANtibaillet, ou Critique du Livre de
Mr. Baillée, intitule jugement cîes
Savans, par Mr.Ménage, n.i vo!l.
Académie Françoife , dernière Edition ,
augmentée de divers ouvrages, par
Mr. Pellifon, u.
Art de jetter les Bombes, par Blondel,
il. avec figures.
Architecture de Vitruvc, n. avec fig.
Aminte du Tafle , Italien & François,
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contre le Juifs & les Nouveaux
Chronologies, n.
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Latine par Mrs.de Port-Royal, 8.
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Amours des grands hommes, par Mad.
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L'Art de Vivre heureux, 11.
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Ame des Bêtes, iz.
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zeray ,'fx r ._7 volt* *: ; " "î 1
Artsdel'HommeM'Epêe'rri. - • *
Bibliothèque des Aijtjieur* Jclejtîâftigues,
4. 6 voll.
Eurnet Reformacion d'Angleterre , IJ^;
4 voll. . • »
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Bibliothèque Uaiverfelle > i.i. 1.5 voll. :
Brebeufi Entretiens Solitaires > n.
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Bonheur & Malheur du Mariage» j z. «
Brantôme Vie des Hommes Iiluftres, 1 i.
4 voll.
—. Vie des Dames Galantes, iz.zvoll.
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j: II. , • .,
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Langue Françoife, iz.
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vragesd'Efpric, iz.
— Entretiens d'Eugène & d'Arifte, 124
— Recevil des Vers Choifis» iz.
BoiTu Poème Pique y iz. »
Bor delon Cara&eresNat urels desHon? m es
Reprefenre'enxentDialogues> u

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u.
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& les Principes de Defcartes par Mr.
Régis, 4.3 voll.
Comédies dcTerence Traduit en François
avec des Remarques & le Latin à
côté par Mad. Dacier , 11. 3 voll.
— de Plaute Latin & François ayec les
Notes par Mad. Dacier, 11.5 voll.
— deMoliere, 12. 6 voll.
'— & Tragédies de T. & P. Corneille 11.
9 voll.
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Comparai Ton des Grands Hommes de
l'Antiquité & des Modernes par Mr.
Perrault, 12.1 voll.
Dictionaire Univerfel par Furetiere, 3.
voll. folio.
— Hiftorique deMorery augmente' par
Mr. le Clerc, folio 4 voll.
— deRichclet, quarto.
.— François & Italien par Duez, 8. 2 vol.
— de Pomey Latin François & Allemand
, quarto.
— François & Flamand de Halma , 4.
— de Mathématique par Ozanam , 4.
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quarto 2 voll.
— Géographique, 12.
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différents Sy (ternes du inonde , 4, {
5 vol!, avec figures.
Devoirs de la Vie Civile,. 11. x voll.
Délices de la Hollande , 1 i. avec figures.
Defcription de Paris » 12.2 voll.
Dialogues Satyriques & Moraux, 11.
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Placette, 12.2 voll.
Emmery ReceuïldeCuriofitez. 12.2 vol.
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grave'en cuivre, 8.
Fables de Mr. delà Fontaine, 12.
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Pagan, 12.
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Mofcovie & la Hongrie, 12.
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d'Audi fret, 12. 2 voll.
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Hiftoire de Philippe de Valois & du Roi
Jeau » 11.
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— du Monde par Chevreau, 11.4 voll.
de l'Académie Françoifc, 12.
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& Lepidus , 12. 2. voll.
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__ d'Emeric Comte de Tekeli ou Mémoires
pour fervir à fa Vie, 12.
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—. de Guftave Adolphe, 11.
Lettres de Patin / 12. 2 voll.
L'Uni-

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L'Uni vers en Abrégé par Pomey, 11. ' *
Lettres de Richelet, il. *
Méthode facile pour aprendre l'Hiftoire
de France, n.
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Mémoires de Pontis, 11. i voll.
Malheurs de l'Amour, première Nouvelle
> ix.
Nouvelle Traduction des Satires , des
Epiftres, & de i*art Poétique d'Horace,
ii.
Oeuvres du Père Maimbourg, n.
— de Corneille, i it 9 voll.
,— de Molière, ir. £voll.
Poë'fies Paftorales par Mr. Fontenelle, 11.
Relation du Voyage d'Efpagne, ix. 1 volk
Traité deMignaturepour aprendre aifément
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Teftameut Politique du Cardinal de Richelieu,
11.
— deColbert, ii.
TacitcavecdesNotes, par Amdot delà
Kouflaye, iz. 2. voll.
Voyage de Wheler, n. z voll. avec fig»
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