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La saga de la Bible-Noé-2,2 L'alliance - Nouvelle Cité

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© Revue <strong>Nouvelle</strong> <strong>Cité</strong><br />

Reproduction interdite sans autorisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> rédaction<br />

<strong>La</strong> <strong>saga</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Bible</strong><br />

RCF<br />

Bénédicte Marie (Drail<strong>la</strong>rd)<br />

/ /2010<br />

Invité : Pasteur Anne Faisandier<br />

<strong>Noé</strong> – l’alliance (2/2)<br />

B. M. – Souvenez-vous : <strong>la</strong> fois <strong>de</strong>rnière, nous avons évoqué le fameux déluge et l’arche <strong>de</strong><br />

<strong>Noé</strong>, récit bien connu <strong>de</strong> tous. Je pense à ce magnifique tableau <strong>de</strong> Chagall, où l’artiste décrit<br />

l’intérieur <strong>de</strong> l’arche ; les eaux diluviennes semblent avoir envahi <strong>la</strong> toile. Ou bien encore,<br />

« Le déluge » <strong>de</strong> Michel-Ange, fresque <strong>de</strong> <strong>la</strong> Chapelle Sixtine. Au premier p<strong>la</strong>n, une<br />

multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> personnes gagnent <strong>la</strong> terre, courbées sous le poids <strong>de</strong> ce qu’ils essaient <strong>de</strong> sauver<br />

<strong>de</strong>s eaux. D’autres se pressent sur un îlot et ten<strong>de</strong>nt leurs mains pour prêter secours à ceux qui<br />

sont en danger. Au centre, une barque sur le point <strong>de</strong> couler et, tout au fond, l’arche <strong>de</strong> <strong>Noé</strong>.<br />

Pasteur Anne Faisandier, qui va survivre ? Ce déluge va-t-il un jour s’arrêter ? Qu’est-ce qui<br />

maintient en vie les occupants <strong>de</strong> l’arche ?<br />

A. F. – On ne sait pas exactement ce qui maintient en vie les occupants <strong>de</strong> l’arche, si ce n’est<br />

<strong>la</strong> promesse <strong>de</strong> Dieu, <strong>la</strong> Parole <strong>de</strong> Dieu qui a été donné à <strong>Noé</strong> et qui lui dit : « Construis-toi<br />

une arche », et « je vous sauverai ». Tous ceux que tu vas prendre avec toi seront sauvés. Il<br />

lui en donne <strong>la</strong> liste, ce que nous avons vu <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière fois. Je crois que, là, il y a quelque<br />

chose <strong>de</strong> très important : c’est que, dans ce déluge infernal qui a installé une espèce <strong>de</strong> silence<br />

– dans le texte, on a l’impression que Dieu lui-même retient son souffle, que tout le mon<strong>de</strong> est<br />

mort, à part les habitants <strong>de</strong> l’arche ; on ne sait pas ce qui se passe à l’intérieur <strong>de</strong> l’arche,<br />

mais on peut imaginer qu’ils sont complètement suspendus à <strong>la</strong> confiance qu’ils ont faite à <strong>la</strong><br />

Parole <strong>de</strong> Dieu et que c’est <strong>la</strong> seule chose qui les maintient en vie dans l’arche : c’est<br />

l’espérance qu’un jour, le déluge va s’arrêter ; qu’un jour, l’arche va se poser quelque part ;<br />

qu’un jour, <strong>la</strong> vie reviendra. Quand tout a disparu, quand on est dans une espèce <strong>de</strong> chaos –<br />

puisque le déluge, c’est <strong>de</strong> cet ordre-là : un chaos complet où <strong>la</strong> mort semble prendre le <strong>de</strong>ssus<br />

–, il reste <strong>la</strong> fidélité, <strong>la</strong> confiance dans une parole donnée, qui nous a précédés.<br />

B. M. – Selon le verset 22, « tous ceux qui respiraient l’air par une haleine <strong>de</strong> vie, tous ceux<br />

qui vivaient sur <strong>la</strong> terre ferme moururent. Ainsi le Seigneur effaça tous les êtres <strong>de</strong> <strong>la</strong> surface<br />

du sol : hommes, bestiaux, petites bêtes et même les oiseaux du ciel. Ils furent effacés. Il ne<br />

resta que <strong>Noé</strong> et ceux qui étaient avec lui dans l’arche. »<br />

A. F. – Et on nous dit, à ce moment-là : « <strong>La</strong> crue <strong>de</strong>s eaux dura cent cinquante jours sur <strong>la</strong><br />

terre. » Donc, ça installe du temps. Il va falloir vraiment non seulement faire confiance, mais<br />

durer, donc être fidèles, être dans <strong>la</strong> fidélité. Et c’est à ce moment-là qu’on a <strong>la</strong> réponse <strong>de</strong><br />

Dieu. Et c’est, je trouve, vraiment pour moi le cœur <strong>de</strong> cette histoire ; c’est le tout début du


chapitre 8 : « Dieu se souvint <strong>de</strong> <strong>Noé</strong>, <strong>de</strong> toutes les bêtes, <strong>de</strong> tous les bestiaux qui étaient avec<br />

lui dans l’arche. Il fit alors passer un souffle sur <strong>la</strong> terre, et les eaux se calmèrent. » On a<br />

l’impression que cette espérance têtue <strong>de</strong> ceux qui sont dans l’arche, cette confiance dans <strong>la</strong><br />

Parole <strong>de</strong> Dieu qui a été donnée et qui les a fait se mettre en marche, fait que, du coup, ils ont<br />

une p<strong>la</strong>ce dans <strong>la</strong> mémoire <strong>de</strong> Dieu et qu’ils sont restés vivants, là. Et, comme ils sont restés<br />

vivants dans cette mémoire <strong>de</strong> Dieu, à ce moment-là Dieu recommence à respirer – parce que<br />

c’est vraiment l’haleine <strong>de</strong> vie – et c’est ce<strong>la</strong> qui va assécher <strong>la</strong> terre et permettre au déluge <strong>de</strong><br />

s’arrêter, et à l’arche <strong>de</strong> se poser et à <strong>la</strong> Vie <strong>de</strong> recommencer.<br />

B. M. – Où va se poser l’arche ?<br />

A. F. – Le texte nous dit qu’elle va se poser sur le mont Ararat ; c’est le verset 3 : « Au bout<br />

<strong>de</strong> cent cinquante jours, les eaux diminuèrent, et au septième mois, le dixième jour du mois,<br />

l’arche reposa sur le mont Ararat. » Un mont qui se trouve quelque part aux confins <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Turquie et <strong>de</strong> l’Arménie.<br />

B. M. – En fait, c’est au nord <strong>de</strong> Ninive, parce que c’est une pério<strong>de</strong>… Ninive est un lieu<br />

important dans le paysage biblique. Donc, au mont Ararat elle va s’arrêter, mais comment<br />

savoir ?<br />

A. F. – Comment savoir si on peut <strong>de</strong>scendre… Ce n’est pas parce qu’elle est arrêtée… parce<br />

que le mont Ararat est assez haut ; donc s’ils sont posés en haut…<br />

B. M. – Cinq mille mètres d’altitu<strong>de</strong>.<br />

A. F. – Il y a encore beaucoup <strong>de</strong>ssous ; donc le temps continue à durer. Là, je crois que c’est<br />

aussi quelque chose d’important par rapport à <strong>la</strong> première création, celle <strong>de</strong> Genèse 1, où les<br />

choses avaient été très vite. Dieu dit, et les choses s’assèchent et <strong>la</strong> terre apparaît. Là, on a<br />

encore une fois un motif <strong>de</strong> durée et <strong>de</strong> patience, qui est très résumé avec les <strong>de</strong>ux oiseaux : le<br />

corbeau qui est envoyé, puis <strong>la</strong> colombe, <strong>la</strong> fameuse colombe qui va être envoyée par <strong>Noé</strong> qui<br />

se dit : si elle trouve un endroit où elle peut se poser, elle ne reviendra pas. Et il faut qu’elle<br />

parte trois fois. <strong>La</strong> première fois, elle revient. <strong>La</strong> <strong>de</strong>uxième fois, elle revient avec un rameau<br />

d’olivier, et puis <strong>la</strong> troisième fois, enfin, elle ne revient pas. Et c’est le fait qu’elle ne revienne<br />

pas qui fait que <strong>Noé</strong> se dit : ça y est, <strong>la</strong> terre est sèche, on va pouvoir sortir. Je crois que cette<br />

colombe est vraiment le motif <strong>de</strong> cette espérance têtue et tenace. Ce<strong>la</strong> n’a pas marché <strong>la</strong><br />

première fois, ce n’est pas grave : on recommence.<br />

B. M. – Pourquoi cette colombe est-elle aujourd’hui si connue ? elle symbolise <strong>la</strong> paix, elle<br />

symbolise l’Esprit-Saint aussi.<br />

A. F. – Je crois que c’est justement parce qu’elle est en lien avec ce moment-là. L’Esprit-<br />

Saint, c’est le souffle <strong>de</strong> Dieu, cette respiration <strong>de</strong> Dieu qui redonne vie, et c’est ce qui se<br />

passe à ce moment-là dans l’histoire <strong>de</strong> l’arche. Et puis, c’est <strong>la</strong> paix parce que c’est le début<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> réconciliation <strong>de</strong> Dieu avec sa création, puisqu’on a vu que le déluge était une espèce <strong>de</strong><br />

déferlement qui répondait au déferlement du mal dans l’humanité ; et, là, les choses se posent<br />

et une nouvelle re<strong>la</strong>tion va commencer.<br />

B. M. – Une nouvelle re<strong>la</strong>tion, car tout <strong>de</strong> suite, quand <strong>Noé</strong> va arriver sur <strong>la</strong> terre, il va faire<br />

un sacrifice. Nous sommes au verset 20 : « <strong>Noé</strong> éleva un autel pour le Seigneur, il prit <strong>de</strong> tout<br />

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étail pur, <strong>de</strong> tout oiseau pur, et il offrit <strong>de</strong>s holocaustes sur l’autel. » Donc, c’est à<br />

l’initiative <strong>de</strong> <strong>Noé</strong>, en action <strong>de</strong> grâce ?<br />

A. F. – Je crois, en action <strong>de</strong> grâce ; et puis, c’est une façon pour <strong>Noé</strong> <strong>de</strong> bien marquer que<br />

toute cette aventure a été conduite par Dieu et qu’il le sait, et qu’il accepte, lui, cette gran<strong>de</strong><br />

règle du jeu, que toute l’histoire <strong>de</strong> l’humanité et <strong>de</strong> <strong>la</strong> création se fasse sous le regard <strong>de</strong> Dieu<br />

et n’aie pas <strong>de</strong> sens en <strong>de</strong>hors du regard <strong>de</strong> Dieu. Pour moi, c’est vraiment ce que veut dire cet<br />

acte <strong>de</strong> prière <strong>de</strong> <strong>Noé</strong>, puisque, dès qu’il peut, il s’adresse à Dieu et il prie. Et d’ailleurs, Dieu<br />

l’entend, puisque le texte continue en disant : « Le Seigneur respira le parfum apaisant et se<br />

dit en lui-même » – Dieu se parle à lui-même – « je ne maudirai plus jamais le sol à cause d’<br />

l’homme. Certes, le cœur <strong>de</strong> l’homme est porté au mal dès sa jeunesse, mais plus jamais je ne<br />

frapperai tous les vivants comme je l’ai fait. »<br />

B. M. – Qu’est-ce que ce<strong>la</strong> veut dire ?<br />

A. F. – C’est quelque chose d’assez étonnant dans <strong>la</strong> <strong>Bible</strong>. D’abord, un monologue <strong>de</strong> Dieu<br />

pour lui-même, c’est assez rare. C’est comme si on entrait à l’intérieur <strong>de</strong> <strong>la</strong> tête <strong>de</strong> Dieu.<br />

C’est quelque chose d’assez exceptionnel. Et on a l’impression que, grâce à <strong>Noé</strong>, au juste qui<br />

a assumé sa responsabilité, qui a tenu bon, qui a été fidèle dans l’espérance, c’est Dieu qui va<br />

changer <strong>de</strong> regard sur <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion qu’il veut établir avec l’humanité. Et ce qu’il nous dit là,<br />

c’est que l’homme, finalement, n’a pas changé : l’homme est porté au mal, ce n’est pas au<br />

passé, c’est toujours ce<strong>la</strong>, l’homme est porté au mal. Par contre moi, Dieu, je ne<br />

recommencerai pas à anéantir l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> création à cause <strong>de</strong> l’homme.<br />

B. M. – Écoutons <strong>la</strong> belle voix <strong>de</strong> <strong>la</strong> cantatrice Nathalie Dessay, dans <strong>la</strong> troisième partie <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

cantate biblique du Déluge <strong>de</strong> Camille Saint-Saëns. « Or, Dieu se rappe<strong>la</strong> sa promesse, un<br />

souffle s’éleva, doux comme une caresse, et <strong>Noé</strong> put ouvrir <strong>la</strong> fenêtre <strong>de</strong> l’arche. »<br />

*<br />

* * *<br />

B. M. – Continuons ensemble, Pasteur Anne Faisandier, l’histoire pleine <strong>de</strong> rebondissements<br />

du patriarche <strong>Noé</strong>. Le déluge a cessé, <strong>Noé</strong> a rendu grâce à Dieu. Nous sommes au chapitre 9<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> Genèse : « Dieu bénit <strong>Noé</strong> et ses fils. Il leur dit : Soyez féconds et prolifiques,<br />

remplissez <strong>la</strong> terre.” » Ce<strong>la</strong> rappelle le chapitre 1 <strong>de</strong> <strong>la</strong> Genèse, lorsque Dieu s’adresse au<br />

premier homme et à <strong>la</strong> première femme.<br />

A. F. – Tout à fait : on est vraiment encore dans ce parallèle avec le chapitre 1, dans un<br />

nouveau récit <strong>de</strong> création. <strong>La</strong> vie recommence mais, cette fois, l’homme est p<strong>la</strong>cé vraiment<br />

comme col<strong>la</strong>borateur ; déjà, dans le récit <strong>de</strong> <strong>la</strong> Genèse au chapitre 1, mais, là, ce<strong>la</strong> apparaît <strong>de</strong><br />

façon encore plus évi<strong>de</strong>nte, puisque c’est tout <strong>de</strong> suite à l’homme qu’il dit : « Soyez féconds et<br />

prolifiques » ; faites votre travail, <strong>de</strong>venez créateurs, co-créateurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie autour <strong>de</strong> vous. Et<br />

puis cette bénédiction – puisqu’il s’agit d’une bénédiction – se répand autour <strong>de</strong> l’homme,<br />

presque par contagion, jusqu’aux animaux, etc. Et il continue en leur donnant une<br />

responsabilité une peu plus précise ; c’est le verset 6 : « Qui verse le sang <strong>de</strong> l’homme par<br />

l’homme verra son sang versé, car à l’image <strong>de</strong> Dieu, Dieu a fait l’homme. » Au sein <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

création, Dieu pose une parole qui est un point <strong>de</strong> repère <strong>de</strong> justice, comme s’il déléguait à<br />

l’homme <strong>la</strong> capacité <strong>de</strong> déterminer ce qui est juste et ce qui ne l’est pas, et aussi <strong>de</strong> punir ; ce<br />

qui, dans le début <strong>de</strong> <strong>la</strong> Genèse, n’est pas le cas. C’et Dieu qui punit, ou pas. Donc, il y a<br />

vraiment quelque chose <strong>de</strong> l’ordre d’une loi fondamentale qui est donnée, là, à l’humanité et<br />

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au mon<strong>de</strong>, dans cette nouvelle création, alors que, dans <strong>la</strong> première, Dieu avait gardé ce<strong>la</strong><br />

pour lui. Je crois que, là, il y a une évolution. On est vraiment dans le contenu <strong>de</strong> cette<br />

nouvelle alliance qui est à <strong>la</strong> fois complètement <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> ce qui s’est passé avec <strong>la</strong> création<br />

et qui était déjà ce lien très fort entre l’homme et Dieu, mais on va un pas <strong>de</strong> plus avec cette<br />

notion <strong>de</strong> loi qui est donnée pour permettre <strong>de</strong> continuer à vivre, et une loi dans <strong>la</strong>quelle<br />

l’humanité a une responsabilité dans son application.<br />

B. M. – Continuons à lire, au verset 9 : « Je vais établir mon alliance avec vous ». C’est le<br />

premier récit <strong>de</strong> l’alliance ?<br />

A. F. – Oui. Le mot est employé tel quel. Vraiment une sorte, une sorte <strong>de</strong> contrat. <strong>La</strong> re<strong>la</strong>tion<br />

avec Dieu n’est plus quelque chose d’uni<strong>la</strong>téral, mais assumée comme un contrat entre <strong>de</strong>ux<br />

parties.<br />

B. M. – « avec votre <strong>de</strong>scendance après vous, et avec tous les êtres vivants qui sont avec<br />

vous : oiseaux, bestiaux, toutes les bêtes sauvages qui sont avec vous ; bref, tout ce qui est<br />

sorti <strong>de</strong> l’arche avec vous, même les bêtes sauvages. » Alors, dans l’arche il y avait comme<br />

une création en miniature ?<br />

A. F. – Oui, ou en tout cas les germes <strong>de</strong> <strong>la</strong> création. <strong>La</strong> création ne redémarre que quand<br />

l’arche se pose et qu’on peut sortir <strong>de</strong> l’arche. C’est un peu comme une naissance, c’est le<br />

motif d’une naissance : on ne peut vivre que quand on sort du ventre <strong>de</strong> <strong>la</strong> mère. On ne peut<br />

vivre que quand on sort <strong>de</strong> l’arche. Dans l’arche, c’est l’espérance ; mais ce n’est pas encore<br />

vraiment <strong>la</strong> vie.<br />

B. M. – « J’établirai mon alliance avec vous. Aucune chair ne sera plus exterminée par les<br />

eaux du déluge. Il n’y aura plus <strong>de</strong> déluge pour ravager <strong>la</strong> terre. » « Dieu dit : voici le signe<br />

<strong>de</strong> l’alliance que je mets entre moi, vous et tout être vivant avec vous, pour toutes les<br />

générations futures.” » Quel est ce fameux signe <strong>de</strong> l’alliance ?<br />

A. F. – C’est le très connu arc-en-ciel, qui est un symbole très fort, parce que, d’abord, le mot<br />

qui est employé c’est vraiment le mot ‘arc’ au sens <strong>de</strong> l’arc, l’arme avec les flèches. Donc,<br />

c’est un peu comme si Dieu raccrochait son arc, son arme <strong>de</strong> guerre au clou, en disant : voilà,<br />

je renonce, mon arc ne servira plus à tuer. Il y a cette idée-là. Et puis, il y a aussi le rappel <strong>de</strong><br />

ce dont on par<strong>la</strong>it l’autre jour, c’est-à-dire cet arc qui sépare les eaux d’en bas et les eaux d’en<br />

haut et qui, du coup, <strong>de</strong>ssine un espace possible pour vivre. Donc, cette voûte céleste est aussi<br />

<strong>de</strong>ssinée dans cette image d’arc-en-ciel. Et puis, l’arc-en-ciel, c’est <strong>la</strong> rencontre <strong>de</strong> <strong>la</strong> pluie et<br />

du soleil, et c’est peut-être là, je crois, quelque chose <strong>de</strong> fondamental dans cette alliance entre<br />

Dieu et l’homme : Dieu connaît l’humanité, y compris avec <strong>la</strong> violence et le mal qu’il porte en<br />

lui, mais aussi avec tout ce qu’il porte <strong>de</strong> potentialité <strong>de</strong> justice et <strong>de</strong> création – <strong>la</strong> face sombre<br />

et <strong>la</strong> face lumineuse – et il fait l’alliance avec l’humanité avec ses <strong>de</strong>ux parties, avec ses <strong>de</strong>ux<br />

côtés ; et c’est un peu comme toutes ces couleurs <strong>de</strong> l’arc-en-ciel qui s’éc<strong>la</strong>irent les unes les<br />

autres. J’ai envie <strong>de</strong> dire qu’on découvre là, dans ce récit, un Dieu qui n’est peut-être plus le<br />

Dieu très lumineux <strong>de</strong> <strong>la</strong> lumière b<strong>la</strong>nche <strong>de</strong>s récits initiaux. On est dans une lumière<br />

indirecte, diffractée en sept couleurs, mais qui n’en est pas moins riche et peut-être plus<br />

proche <strong>de</strong> l’humanité et <strong>de</strong> ses différentes facettes.<br />

B. M. – Vous parlez <strong>de</strong> l’alliance <strong>de</strong> Dieu avec l’humanité, car <strong>Noé</strong> n’est pas un hébreu<br />

spécialement. Un <strong>de</strong> ses fils, Sem, va être le père <strong>de</strong>s Sémites. Mais, là, c’est encore – disons<br />

– vraiment une alliance entre Dieu et toute l’humanité ?<br />

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A. F. – Oui. On est vraiment dans <strong>de</strong>s récits qui sont <strong>de</strong>s récits <strong>de</strong>s origines, qui se réfèrent à<br />

un temps avant le temps et qui concernent l’ensemble <strong>de</strong> l’humanité. Je crois que c’est<br />

d’ailleurs une <strong>de</strong>s raisons du succès <strong>de</strong> ce motif <strong>de</strong> l’arche et <strong>de</strong> <strong>Noé</strong>, un peu dans toutes les<br />

cultures : c’est qu’on sent bien que ce<strong>la</strong> nous concerne tous, et que cette alliance est un appel<br />

qui concerne l’ensemble <strong>de</strong> l’humanité, cet appel à <strong>la</strong> vie, à <strong>la</strong> création, à aller vers ce qui fait<br />

vivre plutôt que vers ce qui fait mourir.<br />

B. M. – Et qu’est-ce que ça veut dire que Dieu dépose ses armes ?<br />

A. F. – Il le dit, c’est c<strong>la</strong>irement dans le texte : qu’il renonce, lui, à <strong>la</strong> violence. L’être humain,<br />

a priori, ne sera pas encore capable – s’il en est un jour capable – <strong>de</strong> renoncer à <strong>la</strong> violence,<br />

par contre Dieu, lui, renonce à ce moyen-là <strong>de</strong> se faire comprendre. Il renonce au fait<br />

d’exterminer, <strong>de</strong> supprimer sa création. Il déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> faire avec, <strong>de</strong> l’accompagner. Je dirais<br />

qu’on passe d’une logique <strong>de</strong> « on efface tout et on recommence », d’un Dieu supra-puissant,<br />

capable <strong>de</strong> tout effacer d’un coup d’éponge, à un Dieu qui déci<strong>de</strong> d’accompagner et, donc, <strong>de</strong><br />

commencer à <strong>de</strong>scendre un peu <strong>de</strong> son ciel.<br />

B. M. – Continuons à écouter <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> l’oratorio du Déluge <strong>de</strong> Camille Saint-Saëns, <strong>la</strong><br />

bénédiction <strong>de</strong> Dieu : « Je ne maudirai plus <strong>la</strong> terre, vous et moi, nous sommes liés. »<br />

*<br />

* * *<br />

B. M. – Pasteur Anne Faisandier, comment se termine le récit <strong>de</strong> <strong>Noé</strong> ? On aimerait s’arrêter<br />

sur l’arc-en-ciel, signe <strong>de</strong> <strong>la</strong> première alliance entre Dieu et l’humanité. Mais, très vite, <strong>la</strong><br />

violence va <strong>de</strong> nouveau faire son apparition.<br />

A. F. – Tout à fait. Quand <strong>Noé</strong> sort <strong>de</strong> l’arche avec ses enfants, on nous dit, certes, d’un côté,<br />

que <strong>de</strong>s trois fils <strong>de</strong> <strong>Noé</strong> doit partir toute <strong>la</strong> <strong>de</strong>scendance qui va peupler <strong>la</strong> terre. On dit que<br />

<strong>Noé</strong> fut le premier agriculteur et qu’il a p<strong>la</strong>nté une vigne, et qu’il a bu du vin <strong>de</strong> sa vigne et<br />

qu’il s’est enivré et que, du coup, il s’est retrouvé tout nu à l’intérieur <strong>de</strong> sa tente et que –<br />

horreur <strong>de</strong> toutes les horreurs –, son fils Cham l’a vu nu. Et – encore plus horrible – il est allé<br />

le raconter à ses autres frères. Donc on est à peine sorti <strong>de</strong>s problèmes – et on a eu cette<br />

alliance mise en p<strong>la</strong>ce – qu’on voit vraiment ce qui était annoncé, c’est-à-dire que l’être<br />

humain le plus juste, comme <strong>Noé</strong> qui s’est révélé vraiment exemp<strong>la</strong>ire,<br />

B. M. – le patriarche<br />

A. F. – le patriarche, le juste, celui qui a tenu bon pendant tout le déluge, même lui, à un<br />

moment, faillit, tombe, sombre dans l’ivresse. Cette histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> nudité est importante, parce<br />

que c’est, encore une fois, les limites qui <strong>de</strong>viennent floues – les limites <strong>de</strong> lien entre les<br />

générations, l’i<strong>de</strong>ntité qui n’est pas c<strong>la</strong>ire. Cham a accès à une part <strong>de</strong> son père à <strong>la</strong>quelle il ne<br />

<strong>de</strong>vrait pas avoir accès et, en plus, il se repaît <strong>de</strong> ce<strong>la</strong>. On est à l’inverse <strong>de</strong> ce comman<strong>de</strong>ment<br />

qui dit : « Honore ton père et ta mère ». Là, on est dans le grand mé<strong>la</strong>nge <strong>de</strong>s générations<br />

B. M. – un manque <strong>de</strong> respect<br />

A. F. – un manque <strong>de</strong> respect généralisé, d’autant plus qu’il va le raconter. Et là, on voit le<br />

contraste <strong>de</strong> <strong>la</strong> réaction <strong>de</strong> Cham avec celle <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>ux frères qui, eux, malgré <strong>la</strong> faute <strong>de</strong> leur<br />

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père, veulent continuer à le respecter et ne le regar<strong>de</strong>nt pas – ne veulent pas voir ce<strong>la</strong>, refusent<br />

<strong>de</strong> voir ce<strong>la</strong> –, et mettent le manteau <strong>de</strong> <strong>Noé</strong> sur leurs épaules pour, à reculons, sans le<br />

regar<strong>de</strong>r, le lui apporter pour qu’il puisse s’en vêtir.<br />

B. M. – Image splendi<strong>de</strong>.<br />

A. F. – Oui, parce que ses <strong>de</strong>ux fils lui ren<strong>de</strong>nt son i<strong>de</strong>ntité. À ce <strong>Noé</strong> qui a complètement<br />

déchu en s’enivrant, le manteau c’est plus qu’un vêtement, en ce temps-là<br />

B. M. – C’est couvrir<br />

A. F. – Voilà, c’est vraiment lui rendre son i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> père, <strong>de</strong> patriarche, <strong>de</strong> <strong>Noé</strong> avec ce<br />

qu’il a fait, en disant : « oui, tu es tombé, mais tu restes celui que tu es, et ce sont les fils qui<br />

vont lui rendre ce<strong>la</strong>. C’est une image difficile, parce qu’on se dit : on ne s’en sortira jamais <strong>de</strong><br />

ce mal au cœur <strong>de</strong> l’homme. Et en même temps, on voit ces <strong>de</strong>ux fils – sur trois – qui<br />

réussissent à reprendre le f<strong>la</strong>mbeau et à rendre à leur père sa dignité. C’est là que l’histoire va<br />

pouvoir continuer, et qu’on voit que l’alliance que Dieu a passée avec les humains est en train<br />

<strong>de</strong> commencer à être contagieuse pour les humains entre eux.<br />

B. M. – Et, très peu après, il y a le fameux récit <strong>de</strong> Babel.<br />

A. F. – Oui. C’est encore une affaire <strong>de</strong> points <strong>de</strong> repère qui se brouillent, ou que l’humanité<br />

voudrait bien brouiller. Dieu ne se <strong>la</strong>isse pas faire, mais c’est une autre histoire<br />

B. M. – une histoire que nous continuerons ensemble une autre fois. En conclusion, que nous<br />

enseigne ce récit <strong>de</strong> l’arche <strong>de</strong> <strong>Noé</strong> ?<br />

A. F. – Comme tous les récits bibliques, il est très <strong>de</strong>nse, et on peut tous en entendre beaucoup<br />

<strong>de</strong> choses. Moi, j’entends vraiment ce Dieu qui se retourne, qui commence par se convertir,<br />

lui, avant <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à l’humanité <strong>de</strong> se convertir, elle. On a un Dieu qui évolue, dans le<br />

récit <strong>de</strong> l’arche, et c’est quelque chose qui me touche énormément ; un Dieu qui passe d’une<br />

certaine violence à une décision responsable d’accompagnement : il dit « je renonce à <strong>la</strong><br />

violence. » Je trouve que c’est quelque chose d’extraordinaire. On a aussi cette leçon <strong>de</strong><br />

patience et <strong>de</strong> foi, une foi qui est <strong>de</strong> faire confiance à une parole donnée et <strong>de</strong> ne pas en<br />

bouger, quoi qu’il arrive ; et se dire que, même quand on est au sein du chaos, c’est ce<strong>la</strong> qui<br />

peut nous maintenir en vie et nous permettre <strong>de</strong> traverser l’épreuve pour arriver <strong>de</strong> l’autre<br />

côté. Et ce qu’il y a <strong>de</strong> l’autre côté, ce n’est pas forcément un mon<strong>de</strong> dévasté ; c’est peut-être<br />

une nouvelle vie, complètement recréée, ré-habitée. Je trouve que c’est une expérience<br />

extraordinaire. On traverse tous <strong>de</strong>s déluges et <strong>de</strong>s chaos dans nos vies, et on a là vraiment, au<br />

fond, le motif d’un horizon possible avec un arc-en-ciel pour nous.<br />

B. M. – Et est-ce qu’il y a un message, par rapport à <strong>la</strong> création ?<br />

A. F. – Bien sûr : on le lit souvent comme ce<strong>la</strong>, avec d’abord cette responsabilité donnée à<br />

l’homme comme étant celui qui doit sauvegar<strong>de</strong>r <strong>la</strong> création – en tout cas, y faire attention et<br />

en être responsable. Je ne sais pas si on peut traduire très loin, mais au minimum, se dire que<br />

l’homme a une responsabilité et qu’il n’a pas le droit <strong>de</strong> mépriser <strong>la</strong> création, parce qu’en<br />

méprisant <strong>la</strong> création il méprise Dieu.<br />

B. M. – L’arc-en-ciel pour vous, dans votre vie, ce<strong>la</strong> veut dire quelque chose ?<br />

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A. F. – Oui, je crois, justement : ce visage <strong>de</strong> Dieu qui n’est pas toujours en pleine lumière<br />

aveug<strong>la</strong>nte, mais qui nous est souvent donnée dans <strong>de</strong>s couleurs nuancées ; on n’en voit qu’un<br />

petit bout, on ne voit pas toujours l’arc-en-ciel en entier ; c’est rare <strong>de</strong> voir un arc-en-ciel en<br />

entier, on voit souvent un petit bout, mais ce petit bout-là fait espérer le reste.<br />

B. M. – Merci, Pasteur Anne Faisandier. Finissons avec ce superbe oracle du prophète Isaïe,<br />

Isaie 11 : « Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau<br />

et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. »<br />

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