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LES VOYAGES DE GULLIVER

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de moules, afin de ménager mes petites provisions. Je trouvai<br />

heureusement un petit ruisseau dont l’eau était excellente.<br />

Le quatrième jour, m’étant risqué d’avancer un peu dans<br />

les terres, je découvris vingt ou trente habitants du pays sur une<br />

hauteur qui n’était pas à plus de cinq cents pas de moi. Ils<br />

étaient tout nus, hommes, femmes et enfants, et se chauffaient<br />

autour d’un grand feu. Un d’eux m’aperçut et me fit remarquer<br />

aux autres. Alors, cinq de la troupe se détachèrent et se mirent<br />

en marche de mon côté. Aussitôt, je me mis à fuir vers le rivage,<br />

je me jetai dans mon canot, et je ramai de toute ma force. Les<br />

sauvages me suivirent le long du rivage, et, comme je n’étais pas<br />

fort avancé dans la mer, ils me décochèrent une flèche qui<br />

m’atteignit au genou gauche et m’y fit une large blessure, dont<br />

je porte encore aujourd’hui la marque. Je craignis que le dard<br />

ne fût empoisonné ; aussi, ayant ramé fortement, et m’étant mis<br />

hors de la portée du trait, je tâchai de bien sucer ma plaie, et<br />

ensuite je bandai mon genou comme je pus.<br />

J’étais extrêmement embarrassé ; je n’osais retourner à<br />

l’endroit où j’avais été attaqué, et, comme j’étais obligé d’aller<br />

du côté du nord, il me fallait toujours ramer, parce que j’avais le<br />

vent du nord-est. Dans le temps que je jetais les yeux de tous<br />

côtés pour faire quelque découverte, j’aperçus, au nord-nordest,<br />

une voile qui, à chaque instant, croissait à mes yeux. Je<br />

balançai un peu de temps si je devais m’avancer vers elle ou<br />

non. À la fin, l’horreur que j’avais conçue pour toute la race des<br />

yahous me fit prendre le parti de tirer de bord et de ramer vers<br />

le sud pour me rendre à cette même baie d’où j’étais parti le<br />

matin, aimant mieux m’exposer à toute sorte de dangers que de<br />

vivre avec des yahous. J’approchai mon canot le plus près qu’il<br />

me fut possible du rivage, et, pour moi, je me cachai à quelques<br />

pas de là, derrière une petite roche qui était proche de ce<br />

ruisseau dont j’ai parlé.<br />

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