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LES VOYAGES DE GULLIVER

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qui nous manquent, et nous avons des choses aussi qu’il n’a<br />

pas ; alors on se bat pour avoir tout ou rien. Un autre motif de<br />

porter la guerre dans un pays est lorsqu’on le voit désolé par la<br />

famine, ravagé par la peste, déchiré par les factions. Une ville<br />

est à la bienséance d’un prince, et la possession d’une petite<br />

province arrondit son État : sujet de guerre. Un peuple est<br />

ignorant, simple, grossier et faible ; on l’attaque, on en massacre<br />

la moitié, on réduit l’autre à l’esclavage, et cela pour le civiliser.<br />

Une guerre fort glorieuse est lorsqu’un souverain généreux vient<br />

au secours d’un autre qui l’a appelé, et qu’après avoir chassé<br />

l’usurpateur, il s’empare lui-même des États qu’il a secourus,<br />

tue, met dans les fers ou bannit le prince qui avait imploré son<br />

assistance. La proximité du sang, les alliances, les mariages,<br />

sont autant de sujets de guerre parmi les princes ; plus ils sont<br />

proches parents, plus ils sont près d’être ennemis. Les nations<br />

pauvres sont affamées, les nations riches sont ambitieuses ; or,<br />

l’indigence et l’ambition aiment également les changements et<br />

les révolutions. Pour toutes ces raisons, vous voyez bien que,<br />

parmi nous, le métier d’un homme de guerre est le plus beau de<br />

tous les métiers ; car, qu’est-ce qu’un homme de guerre ? C’est<br />

un yahou payé pour tuer de sang-froid ses semblables qui ne lui<br />

ont fait aucun mal.<br />

— Vraiment, ce que vous venez de me dire des causes<br />

ordinaires de vos guerres, me répliqua Son Honneur, me donne<br />

une haute idée de votre raison ! Quoi qu’il en soit, il est heureux<br />

pour vous qu’étant si méchants, vous soyez hors d’état de vous<br />

faire beaucoup de mal ; car, quelque chose que vous m’ayez dite<br />

des effets terribles de vos guerres cruelles où il périt tant de<br />

monde, je crois, en vérité, que vous m’avez dit la chose qui n’est<br />

point. La nature vous a donné une bouche plate sur un visage<br />

plat : ainsi, je ne vois pas comment vous pouvez vous mordre,<br />

que de gré à gré. À l’égard des griffes que vous avez aux pieds de<br />

devant et de derrière, elles sont si faibles et si courtes qu’en<br />

vérité un seul de nos yahous en déchirerait une douzaine<br />

comme vous. »<br />

– 225 –

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