15.07.2013 Views

LES VOYAGES DE GULLIVER

LES VOYAGES DE GULLIVER

LES VOYAGES DE GULLIVER

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

l’univers et qui possédait toutes les vertus royales. J’ajoutai que<br />

la reine Anne, qui avait succédé au prince d’Orange, avait<br />

continué cette guerre, où toutes les puissances de la chrétienté<br />

étaient engagées. Je lui dis que cette guerre funeste avait pu<br />

faire périr jusqu’ici environ un million de yahous ; qu’il y avait<br />

eu plus de cent villes assiégées et prises, et plus de trois cents<br />

vaisseaux brûlés ou coulés à fond.<br />

Il me demanda alors quels étaient les causes et les motifs<br />

les plus ordinaires de nos querelles et de ce que j’appelais la<br />

guerre. Je répondis que ces causes étaient innombrables et que<br />

je lui en dirais seulement les principales. « Souvent, lui dis-je,<br />

c’est l’ambition de certains princes qui ne croient jamais<br />

posséder assez de terre ni gouverner assez de peuples.<br />

Quelquefois, c’est la politique des ministres, qui veulent donner<br />

de l’occupation aux sujets mécontents. Ç’a été quelquefois le<br />

partage des esprits dans le choix des opinions. L’un croit que<br />

siffler est une bonne action, l’autre que c’est un crime ; l’un dit<br />

qu’il faut porter des habits blancs, l’autre qu’il faut s’habiller de<br />

noir, de rouge, de gris ; l’un dit qu’il faut porter un petit chapeau<br />

retroussé, l’autre dit qu’il en faut porter un grand dont les bords<br />

tombent sur les oreilles, etc. » J’imaginai exprès ces exemples<br />

chimériques, ne voulant pas lui expliquer les causes véritables<br />

de nos dissensions par rapport à l’opinion, vu que j’aurais eu<br />

trop de peine et de honte à les lui faire entendre. J’ajoutai que<br />

nos guerres n’étaient jamais plus longues et plus sanglantes que<br />

lorsqu’elles étaient causées par ces opinions diverses, que des<br />

cerveaux échauffés savaient faire valoir de part et d’autre, et<br />

pour lesquelles ils excitaient à prendre les armes.<br />

Je continuai ainsi : « Deux princes ont été en guerre parce<br />

que tous deux voulaient dépouiller un troisième de ses États,<br />

sans y avoir aucun droit ni l’un ni l’autre. Quelquefois un<br />

souverain en a attaqué un autre de peur d’en être attaqué. On<br />

déclare la guerre à son voisin, tantôt parce qu’il est trop fort,<br />

tantôt parce qu’il est trop faible. Souvent ce voisin a des choses<br />

– 224 –

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!