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LES VOYAGES DE GULLIVER

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avait les pattes de devant semblables à mes mains, si ce n’est<br />

qu’elles étaient armées d’ongles fort grands et que la peau en<br />

était brune, rude et couverte de poil. Ses jambes ressemblaient<br />

aussi aux miennes, avec les mêmes différences. Cependant mes<br />

bas et mes souliers avaient fait croire à messieurs les chevaux<br />

que la différence était beaucoup plus grande. À l’égard du reste<br />

du corps, c’était, en vérité, la même chose, excepté par rapport à<br />

la couleur et au poil.<br />

Quoi qu’il en soit, ces messieurs n’en jugeaient pas de<br />

même, parce que mon corps était vêtu et qu’ils croyaient que<br />

mes habits étaient ma peau même et une partie de ma<br />

substance ; en sorte qu’ils trouvaient que j’étais par cet endroit<br />

fort différent de leurs yahous. Le petit laquais bidet, tenant une<br />

racine entre son sabot et son paturon, me la présenta. Je la pris,<br />

et, en ayant goûté, je la lui rendis sur-le-champ avec le plus de<br />

politesse qu’il me fut possible. Aussitôt il alla chercher dans la<br />

loge des yahous un morceau de chair d’âne et me l’offrit. Ce<br />

mets me parut si détestable et si dégoûtant, que je n’y voulus<br />

point toucher, et témoignai même qu’il me faisait mal au cœur.<br />

Le bidet jeta le morceau au yahou, qui sur-le-champ le dévora<br />

avec un grand plaisir. Voyant que la nourriture des yahous ne<br />

me convenait point, il s’avisa de me présenter de la sienne, c’està-dire<br />

du foin et de l’avoine ; mais je secouai la tête et lui fis<br />

entendre que ce n’était pas là un mets pour moi. Alors, portant<br />

un de ses pieds de devant à sa bouche d’une façon très<br />

surprenante et pourtant très naturelle, il me fit des signes pour<br />

me faire comprendre qu’il ne savait comment me nourrir, et<br />

pour me demander ce que je voulais donc manger ; mais je ne<br />

pus lui faire entendre ma pensée par mes signes ; et, quand je<br />

l’aurais pu, je ne voyais pas qu’il eût été en état de me satisfaire.<br />

Sur ces entrefaites, une vache passa ; je la montrai du<br />

doigt, et fis entendre, par un signe expressif, que j’avais envie de<br />

l’aller traire. On me comprit, et aussitôt on me fit entrer dans la<br />

maison, où l’on ordonna à une servante, c’est-à-dire à une<br />

– 204 –

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