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1 Cette recherche a été financée en partie - ERSS

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Marc Plénat<br />

Université de Paris X-Nanterre<br />

& C.N.R.S., U.R.A. 1033<br />

0. Introduction<br />

OBSERVATIONS SUR LE MOT MINIMAL FRANÇAIS 1<br />

L'ORALISATION DES SIGLES<br />

Il existe <strong>en</strong> français deux façons principales d'oraliser ces formes écrites que sont au départ les<br />

sigles: la lecture et l'épellation. Beaucoup de sigles sont oralisés indifféremm<strong>en</strong>t de l'une ou<br />

l'autre façon. Par exemple O.N.U. 2 peut être prononcé soit [ ], soit [ ], et F.E.N. 3 soit<br />

[ ], soit ]. Dans le premier cas, on se cont<strong>en</strong>te de conférer aux lettres la valeur<br />

qu'elles ont habituellem<strong>en</strong>t dans l'orthographe; dans le second, on énumère les noms des<br />

lettres qui <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t dans la composition du sigle. Certains sigles, néanmoins, bi<strong>en</strong> que<br />

syllabables, ne sont jamais lus ou ne le sont pour ainsi dire jamais; d'autres, au contraire, ne<br />

sont jamais épelés ou le sont rarem<strong>en</strong>t, alors que ri<strong>en</strong> a priori ne s'oppose à ce qu'un sigle soit<br />

épelé.<br />

La possibilité ou l'obligation de recourir à la lecture pour oraliser un sigle dép<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> particulier d'un certains nombre de conditions formelles 4 . La première d'<strong>en</strong>tre elles est la<br />

syllababilité. Il faut, autrem<strong>en</strong>t dit, pour qu'il soit lu, qu'un sigle conti<strong>en</strong>ne au moins un noyau<br />

vocalique et que les séqu<strong>en</strong>ces de consonnes qu'il comporte constitu<strong>en</strong>t des attaques ou des<br />

codas bi<strong>en</strong> formées. C'est parce qu'ils n'obéiss<strong>en</strong>t pas à ces principes que C.N.R.S. 5 , D.P.I.D. 6<br />

1<br />

<strong>Cette</strong> <strong>recherche</strong> a <strong>été</strong> <strong>financée</strong> <strong>en</strong> <strong>partie</strong> par une subv<strong>en</strong>tion du GRECO-PRC "Communication hommemachine".<br />

Elle a fait l'objet de quatre exposés dans le cadre des séminaires du SILEX à Lille, de l'URA 1033 à<br />

Toulouse et à Nanterre et du CELEX à Paris XIII. Je remercie les participants de ces séminaires, et, <strong>en</strong><br />

particulier, D. Corbin, A. Borillo, J.-P. Maurel, P. Solares Huerta, A. Eskénazi, F. Kerleroux, M.-F. Mortureux et<br />

J. Humbley, qui m'ont permis par leurs observations d'améliorer le cont<strong>en</strong>u du prés<strong>en</strong>t article. Merci aussi à F.<br />

Dell et à Y.-C. Morin, dont les remarques m'ont permis d'éviter plusieurs erreurs. Merci <strong>en</strong>fin aux étudiants du<br />

séminaire de morphologie de Nanterre, et notamm<strong>en</strong>t à L. Andriantsoa et F. Lepeuple, qui ont recueilli une<br />

bonne <strong>partie</strong> du corpus dont on se sert ici. Bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, T.L.E.S.M. (i.e. Toutes Les Erreurs Sont Mi<strong>en</strong>nes).<br />

La siglaison a fait l'objet de nombreuses publications. On trouvera dans la bibliographie le titre de celles que<br />

l'on a pu consulter. Les plus intéressantes, pour le français du moins, sont celles de Zumthor (1951) et de Calvet<br />

(1970, 1980).<br />

2<br />

Organisation des Nations Unies.<br />

3<br />

Fédération de l'Education Nationale.<br />

4<br />

Le choix <strong>en</strong>tre la lecture et l'épellation est influ<strong>en</strong>cé aussi par un certain nombre de facteurs non formels.<br />

Certains sigles ont pu être lexicalisés à une époque où la langue châtiée répugnait à l'oralisation par lecture. Les<br />

dictions archaïsantes ou sout<strong>en</strong>ues évit<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core de nos jours ce mode d'oralisation dans de nombreux cas. A<br />

l'inverse, une appréciation ironique de l'institution siglée peut pousser le locuteur à ignorer les contraintes<br />

formelles qui pès<strong>en</strong>t sur la lecture et à "lire" même des sigles insyllabables (par exemple, les anarchistes<br />

toulousains appelai<strong>en</strong>t naguère [ ] les J.C.R. (= Jeunesses Communistes Révolutionnaires). Enfin, un sigle<br />

homographe avec un mot de la langue courante est le plus souv<strong>en</strong>t prononcé comme ce dernier, même s'il ne<br />

respecte pas toutes les contraintes auxquelles la lecture est soumise. La place manque ici pour détailler et<br />

illustrer ces facteurs non formels.<br />

5<br />

C<strong>en</strong>tre National de la Recherche Sci<strong>en</strong>tifique.<br />

Marc Plénat. "Observations sur le mot minimal français. L’oralisation des sigles". In B. Laks & M. Plénat (éds.), De Natura<br />

Sonorum. Essais de phonologie, Saint-D<strong>en</strong>is : Presses Universitaires de Vinc<strong>en</strong>nes, 1993, pp. 143-172.


et R.A.T.P 7 , par exemple, sont normalem<strong>en</strong>t épelés. Mais cette contrainte bi<strong>en</strong> connue de<br />

syllababilité n'est pas la seule contrainte formelle qui régisse la lecture des sigles. Quand on<br />

examine d'un peu près les données, on s'aperçoit que bon nombre de sigles courts ne sont<br />

jamais lus. Il y a ainsi fort à parier que le lecteur n'oraliserait jamais C.A. 8 <strong>en</strong> [ ], U.V. 9 <strong>en</strong><br />

[ ] ni I.A. 10 <strong>en</strong> [ ]. Manifestem<strong>en</strong>t, il existe une taille critique <strong>en</strong> deçà de laquelle un sigle<br />

n'est pour ainsi dire jamais lu. Inversem<strong>en</strong>t les sigles longs sont presque toujours oralisés par<br />

lecture: qui, par exemple, dirait [ ] au lieu de [ ] pour U.R.S.S.A.F. 11 ? Il existe<br />

un second seuil au delà duquel l'épellation devi<strong>en</strong>t improbable, sauf dans un style de diction<br />

archaïque ou très formel. Le problème est de déterminer où se situ<strong>en</strong>t ces seuils, et, par<br />

conséqu<strong>en</strong>t, de définir l'unité ou les unités de mesure pertin<strong>en</strong>tes.<br />

Ces questions seront étudiées dans le cadre théorique de la morphologie prosodique<br />

telle qu'elle a <strong>été</strong> esquissée par McCarthy et Prince (1986). On sait depuis longtemps que les<br />

langues impos<strong>en</strong>t aux formes destinées à <strong>en</strong>trer dans le lexique des conditions de taille ou de<br />

poids; mais, à ma connaissance du moins, McCarthy et Prince sont les premiers à avoir<br />

proposé une théorie explicite du mot minimal. Selon ces auteurs, les représ<strong>en</strong>tations<br />

phonologiques sont dominées par une structure prosodique hiérarchisée. Les catégories qui<br />

<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t dans ces structures sont, pour les niveaux qui nous intéress<strong>en</strong>t, le mot prosodique (=<br />

), le pied (= ) et la syllabe (= ). Une catégorie d'un niveau donné consiste <strong>en</strong> une séqu<strong>en</strong>ce<br />

de catégories du niveau immédiatem<strong>en</strong>t inférieur (augm<strong>en</strong>tée év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t d'élém<strong>en</strong>ts<br />

périphériques). Ainsi un mot prosodique est-il fait d'une séqu<strong>en</strong>ce de pieds, et un pied d'une<br />

séqu<strong>en</strong>ce de syllabes. De là suit que chaque catégorie a une forme minimale: un mot<br />

prosodique est constitué d'au moins un pied et un pied d'au moins une syllabe, laquelle a ellemême,<br />

peut-être universellem<strong>en</strong>t, CV pour forme minimale. La constitution des catégories<br />

prosodiques varie néanmoins de langue à langue, et une même catégorie peut pr<strong>en</strong>dre diverses<br />

formes dans une même langue. Ainsi, s'il semble toujours être une structure binaire, le pied<br />

peut compr<strong>en</strong>dre, à côté de formes dissyllabiques, des formes compr<strong>en</strong>ant deux mores (= ).<br />

L'<strong>en</strong>jeu principal du prés<strong>en</strong>t article est de comm<strong>en</strong>cer à cerner les formes que pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

français certaines des catégories prosodiques énumérées ci-dessus.<br />

Après avoir prés<strong>en</strong>té les données sur lesquelles on a travaillé, on montrera que le mot<br />

minimal français, qui sert sans doute de schème régulateur dans la prononciation des sigles,<br />

admet pour forme minimale celle d'un pied bimorique et, pour forme maximale, celle d'un<br />

pied dissyllabique augm<strong>en</strong>té parfois d'une syllabe supplém<strong>en</strong>taire. Enfin, la définition donnée<br />

de la forme minimale du mot minimal se heurtant à certaines régularités mineures, on sera<br />

am<strong>en</strong>é à avancer l'idée que certains groupes consonantiques initiaux ne constitu<strong>en</strong>t pas des<br />

attaques, que les liquides compt<strong>en</strong>t <strong>en</strong> toute circonstance pour une more, et qu'une contrainte<br />

structurelle prohibe l'apparition d'hiatus dans les sigles courts et freine cette apparition dans<br />

les sigles longs.<br />

1. Le poids des sigles<br />

1.1. Les données.<br />

6<br />

Direction des Personnels d'Inspection et de Direction.<br />

7<br />

Régie Autonome des Transports Parisi<strong>en</strong>s.<br />

8<br />

Conseil d'Administration.<br />

9<br />

Unité de Valeur.<br />

10<br />

Intellig<strong>en</strong>ce Artificielle.<br />

11<br />

Union de Recouvrem<strong>en</strong>t des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales.<br />

2


On a relevé et fait relever par des étudiants la prononciation d'un bon millier de sigles. Un<br />

peu plus de la moitié d'<strong>en</strong>tre eux ont paru syllabables et donc, a priori, susceptibles d'être<br />

oralisés par lecture. On trouvera <strong>en</strong> (1) un tableau donnant la proportion des formes<br />

effectivem<strong>en</strong>t lues pour chaque classe de sigles syllabables (les C et les V r<strong>en</strong>voi<strong>en</strong>t aux<br />

consonnes et aux voyelles graphiques).<br />

(1) Proportions formes lues / formes syllabables<br />

2 lettres 3 lettres 4 lettres 5 lettres 6 lettres<br />

CCV 13/45 CCCV 1/1 CCVCC 7/7 CCVCCV 2/2<br />

CVC 79/141 CCVC 42/51 CCVCV 5/7 CCVCVC 6/6<br />

CCVV 3/6 CCVVC 4/5 CCVCVV 1/1<br />

CVCC 20/25 CCVVV 0/1 CVCCVC 6/6<br />

CVCV 23/23 CVCCC 1/1 CVCCVV 1/1<br />

CVVC 12/18 CVCCV 9/9 CVCVCC 4/4<br />

CVCVC 27/27 CVCVCV 4/4<br />

CVCVV 1/2 CVVCVC 1/1<br />

CVVCC 4/4<br />

CVVCV 2/2<br />

CVVVC 1/1<br />

CV 3/45 CVV 3/27 CVVV 0/1 CVVVV 0/1<br />

VCV 23/48 VCCV 9/15 VCCCV 4/4 VCCCVC 2/2<br />

VCVC 45/48 VCCVC 11/11 VCCVCC 1/1<br />

VCVV 2/2 VCVCC 5/6 VCCVCV 1/1<br />

VVCV 2/3 VCVCV 4/4 VCVCCV 3/3<br />

VCVVC 1/2 VCVCVC 3/3<br />

VVCVC 2/2 VVCVCC 1/1<br />

VC 1/17 VCC 2/28 VCCC 1/4<br />

VVC 0/24 VVCC 0/1<br />

VV 0/7 VVV 0/5 VVVV 0/2 VVVVV 0/1<br />

4 /69<br />

120/318<br />

158/200<br />

88/97<br />

36/36<br />

La lecture de ce tableau requiert quelques précisions. Les sigles du corpus ont <strong>été</strong><br />

classés suivant le nombre, la nature et la répartition des lettres qui <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t dans leur<br />

composition. Les proportions port<strong>en</strong>t non pas sur les sigles eux-mêmes, mais sur leurs<br />

réalisations: les sigles qui se sont trouvés avoir à la fois une réalisation lue et une réalisation<br />

épelée compt<strong>en</strong>t chacun pour deux dans le tableau. On n'a pas pu faire de statistiques sur la<br />

fréqu<strong>en</strong>ce d'usage des formes concurr<strong>en</strong>tes, ce qui confère sans doute un poids plus élevé que<br />

dans la réalité aux formes exceptionnelles. Par exemple, les deux réalisations de U.R.S.S. 12 , à<br />

savoir [ ] et [ ], compt<strong>en</strong>t chacune pour une réalisation, alors que la seconde est sans<br />

doute s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t moins fréqu<strong>en</strong>te que la première. Enfin, la place a manqué pour intégrer<br />

12 Union des Républiques Socialistes Soviétiques.<br />

3


dans (1) les types de sigles de plus de six lettres. Ces formes, peu nombreuses dans le corpus,<br />

sont toutes lues. 13<br />

L'observation, même rapide, du tableau (1) montre que le taux de lecture des sigles<br />

dép<strong>en</strong>d bi<strong>en</strong> de leur taille, et qu'il existe probablem<strong>en</strong>t deux seuils, l'un <strong>en</strong> deçà duquel<br />

l'oralisation par lecture est quasim<strong>en</strong>t impossible, l'autre au delà duquel elle est presque<br />

obligatoire. En première approximation, la lecture est très improbable quand le sigle compte<br />

moins de trois lettres et elle devi<strong>en</strong>t extrêmem<strong>en</strong>t plausible quand il compte plus de trois<br />

lettres. Mais la définition de ces seuils est <strong>en</strong> fait beaucoup plus délicate qu'il n'y paraît au<br />

premier abord.<br />

1.2. Le seuil inférieur<br />

On a fait ci-dessus comme s'il allait de soi que la taille des sigles devait être évaluée <strong>en</strong><br />

fonction du nombre des lettres qu'ils conti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t. Pourtant, cette hypothèse n'a ri<strong>en</strong> de certain.<br />

Elle est même fausse <strong>en</strong> ce qui concerne le seuil inférieur.<br />

1.2.1. L'unité de compte: la lettre?<br />

Pour ce qui est de ce seuil, l'unité de compte est phonique et non graphique. En effet, les<br />

sigles de trois lettres qui compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t un graphème complexe (i.e. une séqu<strong>en</strong>ce de lettres<br />

interpr<strong>été</strong>e à la lecture comme un phonème unique) se comport<strong>en</strong>t, sauf exceptions, 14 comme<br />

les sigles de deux lettres : ils sont épelés. Dans le corpus, cette situation se prés<strong>en</strong>te dans trois<br />

types de sigles:<br />

a. Dans les sigles <strong>en</strong> VCE.<br />

La plupart du temps, un E final est interpr<strong>été</strong> dans les sigles comme un e muet. S'ils<br />

étai<strong>en</strong>t lus, les sigles <strong>en</strong> VCE aurai<strong>en</strong>t donc une prononciation de type [VC]. Mais, hormis<br />

l'un d'<strong>en</strong>tre eux dans lequel le E est interpr<strong>été</strong> comme un [e], 15 tous ces sigles qui, lus,<br />

aurai<strong>en</strong>t une structure de type [VC], sont épelés; cf. :<br />

(2) Sigles <strong>en</strong> VCE<br />

A.P.E. ] Association de Par<strong>en</strong>ts d'Elèves<br />

I.D.E. [ ] Infirmière Diplômée d'Etat<br />

I.G.E. [ ] Inspection Générale de l'Enseignem<strong>en</strong>t<br />

I.M.E. [ ] Institut Médico-éducatif<br />

I.M.E. [ ] Institut Monétaire Europé<strong>en</strong><br />

O.P.E. [ ] Offre Publique d'Echange<br />

b. Dans les sigles <strong>en</strong> CCV et <strong>en</strong> VCC, quand la séqu<strong>en</strong>ce CC est une géminée graphique.<br />

13 Elles apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t aux types: CCVVCVC (1/1), CVCCVCV (1/1), CVCCVVC (1/1), CVCVCVC (3/3),<br />

VCCVCVC (1/1), VCVCCVC (1/1), CCVCVCVC (1/1), CVCVCCVC (1/1), VCCVCCVC (2/2),<br />

CCVCCCVCV (1/1), VCCVCVC (1/1), CCVCVCVC (1/1), CVCVCCVC (1/1), VCCVCCVC (1/1).<br />

14 Le corpus de référ<strong>en</strong>ce ne comporte que deux exceptions: C.H.U. [ ], pour C<strong>en</strong>tre Hospitalier Universitaire,<br />

et O.N.G. [ ], pour Organisation Non Gouvernem<strong>en</strong>tale. Dans les deux cas, la prononciation épelée est<br />

égalem<strong>en</strong>t attestée. Il y a toutes chances que [ ] et [ ] soi<strong>en</strong>t des formes résultant d'un relâchem<strong>en</strong>t des<br />

contraintes relevant d'une diction volontairem<strong>en</strong>t cocasse.<br />

15 Il s'agit de A.S.E. [ ] (= Aide Sociale à l'Enfance).<br />

4


Dans les sigles, ces géminées sont interpr<strong>été</strong>es comme des consonnes uniques (cf.<br />

D.D.A.S.S. 16 , qui est prononcé [ ]). Tous ces sigles, dont la lecture donnerait une<br />

séqu<strong>en</strong>ce [CV], sont épelés, cf. :<br />

(3) Sigles <strong>en</strong> CCVet <strong>en</strong> VCC<br />

D.D.A. [ ] Direction Départem<strong>en</strong>tale de l'Agriculture<br />

D.D.E. [ ] Direction Départem<strong>en</strong>tale de l'Equipem<strong>en</strong>t<br />

F.F.A. [ ] Fédération Française d'Athlétisme<br />

F.F.I. [ Forces Françaises de l'Intérieur<br />

S.S.A. ] Sci<strong>en</strong>ces Sociales Appliquées<br />

A.M.M. ] Autorisation de Mise sur le Marché<br />

I.T.T. Incapacité Temporaire Totale<br />

I.T.T. International Telephone and Telegraph Corporation<br />

c. Dans les sigles comportant un H, sauf si ce H, initial, est interpr<strong>été</strong> comme un "h<br />

aspiré" 17 , cf.:<br />

(4) Sigles <strong>en</strong> CVH et HVC<br />

V.I.H. [ ] Virus d'Immuno-défici<strong>en</strong>ce Humaine<br />

H.E.C. [ ] Ecole des Hautes Etudes Commerciales<br />

Chacune des classes d'exemples ci-dessus est par elle-même relativem<strong>en</strong>t peu<br />

nombreuse. Mais prises <strong>en</strong>semble, elles permett<strong>en</strong>t de conclure que l'unité de compte qui<br />

intervi<strong>en</strong>t dans la définition du seuil <strong>en</strong> deçà duquel un sigle doit être épelé n'est pas la lettre.<br />

Si, <strong>en</strong> effet, tel était le cas, on s'att<strong>en</strong>drait à ce que le taux de lecture des sigles de trois lettres<br />

réunis <strong>en</strong> (2), (3) et (4) soit celui des autres sigles de trois lettres, alors que ce taux, très faible,<br />

est comparable à celui des sigles de deux lettres. En fait, il paraît clair que si les sigles de (2),<br />

(3) et (4) se comport<strong>en</strong>t comme les sigles de deux lettres, c'est que, comme pour ces derniers,<br />

leur lecture aboutirait à une forme ne comptant que deux phonèmes.<br />

1.2.2. L'unité de compte: le phonème?<br />

On serait donc t<strong>en</strong>té de dire, sans plus, que pour qu'un sigle soit lu, il faut que sa lecture<br />

aboutisse à une forme comportant au moins trois phonèmes. <strong>Cette</strong> formulation du seuil<br />

inférieur, toutefois, se heurte à trois difficultés.<br />

La première difficulté est d'ordre théorique. McCarthy et Prince (1986) ont montré<br />

d'une façon convaincante qu'il est peu probable qu'il existe des phénomènes phonologiques<br />

fondés sur un décompte de segm<strong>en</strong>ts. Tous les exemples où un tel décompte semblait être<br />

nécessaire se laiss<strong>en</strong>t réanalyser <strong>en</strong> faisant interv<strong>en</strong>ir des catégories prosodiques. Celui, donc,<br />

qui <strong>en</strong>t<strong>en</strong>drait proposer pour les sigles un décompte des segm<strong>en</strong>ts aurait à démontrer<br />

qu'aucune analyse <strong>en</strong> termes de catégories prosodiques ne peut être substituée à la si<strong>en</strong>ne.<br />

16 Direction Départem<strong>en</strong>tale de l'Action Sanitaire et Sociale.<br />

17 C'est le cas de H.A.C. (= Havre Athletic Club) : on dit, avec l'article défini, non pas [ ], mais [ ]. Dans ce<br />

cas, l'attaque, vide, n'est cep<strong>en</strong>dant pas nulle. Ce sigle <strong>en</strong>tre dans la catégorie des sigles <strong>en</strong> /CVC/.<br />

5


La seconde difficulté, que l'on ne fera que signaler ici, provi<strong>en</strong>t des trois sigles <strong>en</strong> CV<br />

pour lesquels l'oralisation par lecture est attestée dans le corpus:<br />

(5) Sigles <strong>en</strong> CV lus<br />

LU Lefèvre-Utile<br />

R.A. Restaurant Administratif<br />

R.U. [ ]/ [ ] Restaurant Universitaire<br />

On peut constater que tous les sigles <strong>en</strong> CV qui sont lus comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t par une liquide. Le taux<br />

de lecture de ces sigles <strong>en</strong> LV, à savoir 3/7, est loin d'être négligeable, bi<strong>en</strong> que le nombre des<br />

exemples soit très limité. Il serait certes très possible de se débarrasser des trois sigles cidessus<br />

<strong>en</strong> disant qu'il y a belle lurette que le premier d'<strong>en</strong>tre eux n'est plus s<strong>en</strong>ti comme tel, s'il<br />

l'a jamais <strong>été</strong>, et <strong>en</strong> supposant que les deux autres sont des formes relevant d'un discours<br />

volontairem<strong>en</strong>t cocasse (la prononciation [ry] sonne d'ailleurs étrangem<strong>en</strong>t aux oreilles des<br />

locuteurs <strong>en</strong>tre deux âges). Mais on ne peut pas totalem<strong>en</strong>t écarter l'idée que le fait que les<br />

trois exemples comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t par une liquide ne soit pas fortuit (cf. infra § 2.1.4.). Et si ce<br />

n'était pas là le fruit d'un hasard, il existerait au moins un cas où deux phonèmes suffis<strong>en</strong>t<br />

pour qu'un sigle puisse être lu.<br />

1.2.3. Une contrainte structurelle<br />

La troisième difficulté, <strong>en</strong>fin, résulte du fait qu'imposer à l'oralisation par lecture un seuil de<br />

trois phonèmes <strong>en</strong> deçà duquel elle serait impossible est loin de suffire à r<strong>en</strong>dre compte de la<br />

répartition des formes qui ne sont jamais lues.<br />

Une consultation rapide du tableau (1) montre que les attestations de lecture sont très<br />

peu nombreuses quand le sigle, même s'il compr<strong>en</strong>d plus de deux phonèmes, ne conti<strong>en</strong>t pas<br />

de séqu<strong>en</strong>ce CV. 18 Voici quelques exemples qui convaincront sans doute le lecteur, s'il est<br />

francophone, du caractère très peu naturel de la lecture de ce type de formes: 19<br />

(6) Sigles <strong>en</strong> V C<br />

18 Les exceptions à cette seconde généralisation sont peu nombreuses. Deux d'<strong>en</strong>tre elles relèv<strong>en</strong>t très<br />

probablem<strong>en</strong>t d'un discours volontairem<strong>en</strong>t cocasse. Il s'agit de U.S. [ ] (= "L'Université Syndicaliste") et de<br />

O.N.G. [ (= Organisation Non Gouvernem<strong>en</strong>tale). Dans les deux cas, la prononciation majoritaire recourt à<br />

l'épellation. Parmi les cinq autres exceptions, quatre sont homographes ou quasi homographes avec des mots de<br />

la langue commune. Il s'agit de A.R.C. [ ] (= Association pour la Recherche sur le Cancer; cf. arc), de<br />

A.N.G.E. [ ] (= Association Nautique Giffoise pour l'Entraînem<strong>en</strong>t; cf. ange), de A.V.R.E. [ ] (= Association<br />

pour les Victimes de la Répression <strong>en</strong> Exil; cf. havre) et de E.O.L.E. [ ] (= Est-Ouest Liaison Express; cf.<br />

Eole). La seule exception qui résiste, du moins pour le mom<strong>en</strong>t, est U.R.S.S., qui est assez souv<strong>en</strong>t prononcé<br />

[ (prononciation qui, néanmoins, peut être rapprochée de celle de ours). Les facteurs qui <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ligne de<br />

compte dans le choix <strong>en</strong>tre la lecture et l'épellation sont nombreux. L'attitude du locuteur vis-à-vis de la réalité<br />

siglée et la proximité, parfois recherchée dès la création du sigle, avec un mot de la langue commune jou<strong>en</strong>t un<br />

rôle certain.<br />

19 Contrairem<strong>en</strong>t à ce qu'on pourrait croire au premier abord, même quand le sigle est composé uniquem<strong>en</strong>t de<br />

voyelles, il est la plupart du temps assez facile de distinguer l'épellation de la lecture. Dans les sigles épelés, les<br />

voyelles A et O sont prononcées, dans mon dialecte du moins, respectivem<strong>en</strong>t [ ] et [ ]; au contraire, ces<br />

voyelles, dans ce même dialecte, sont prononcées [ ] et [ ] si le sigle est lu (on a bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du [ ] <strong>en</strong> finale; pour<br />

uniformiser les transcriptions, c'est ce type de dialecte qui a <strong>été</strong> ret<strong>en</strong>u tout au long du prés<strong>en</strong>t article). Lorsqu'ils<br />

sont épelés, les I et les U sont réalisés comme des voyelles même lorsqu'ils sont placés devant une autre voyelle,<br />

alors que, dans ce contexte, la lecture <strong>en</strong> fait le plus souv<strong>en</strong>t des semi-voyelles. Enfin, certaines séqu<strong>en</strong>ces de<br />

voyelles comme OU ou EU sont lues comme des voyelles uniques, tandis que, dans l'épellation, elles sont<br />

réalisées comme deux voyelles distinctes.<br />

6


A.G. [ ] *[ ] Assemblée Générale<br />

E.P.S. [ ] *[ ] Education Physique et Sportive<br />

I.R.T.S. [ ] *[ ] Institut Régional du Travail Social<br />

I.U.T. [ ] *[ ] Institut Universitaire de Technologie<br />

I.A. [ ] *[ ] Intellig<strong>en</strong>ce Artificielle<br />

U.E.O. [ ] *[ ] Organisation de l'Unité Africaine<br />

A.I.E.A. [Ai A] *[ajea] Ag<strong>en</strong>ce Internationale de l'Energie Atomique<br />

A.A.A.A.A. [&&&&&] *[aaaaa] Association Amicale des Auth<strong>en</strong>tiques Amateurs<br />

d'Andouillettes<br />

On notera que cette contrainte voulant que le sigle, pour être lu, comporte une<br />

séqu<strong>en</strong>ce CV est elle aussi une contrainte phonique, et non une contrainte graphique : sauf<br />

exception (cf. note 18), les sigles <strong>en</strong> VCCE, qui comport<strong>en</strong>t une séqu<strong>en</strong>ce CV à l'écrit mais<br />

pas à l'oral, sont oralisés non par lecture, mais par épellation, bi<strong>en</strong> qu'il soit de règle, on le<br />

verra, que les sigles de quatre lettres soi<strong>en</strong>t lus quand ils sont syllabables. <strong>Cette</strong> obligation de<br />

les épeler résulte du fait que leur lecture ne compr<strong>en</strong>drait pas d'attaque. Les exemples dont on<br />

dispose ne sont malheureusem<strong>en</strong>t pas tous aussi bons qu'on pourrait l'espérer :<br />

(7) Sigles <strong>en</strong> VCCE<br />

A.F.M.E. [ ] Ag<strong>en</strong>ce Française pour la Maîtrise de l'Energie<br />

A.N.P.E. [ ]] Ag<strong>en</strong>ce Nationale pour l'Emploi<br />

A.S.T.E. [ ] Association pour le Développem<strong>en</strong>t des Sci<strong>en</strong>ces et<br />

Techniques de l'Environnem<strong>en</strong>t<br />

O.C.C.E. [ ] Office C<strong>en</strong>tral de la Coopération à l'Ecole<br />

O.C.D.E. [ ] Organisation de Coopération et de Développem<strong>en</strong>t<br />

Economique<br />

A la contrainte de taille voulant que le sigle comporte au moins trois phonèmes,<br />

s'ajoute ainsi une contrainte d'ordre structurel qui impose dans le sigle la prés<strong>en</strong>ce d'une<br />

séqu<strong>en</strong>ce /CV/. A elles deux, ces contraintes permett<strong>en</strong>t de décrire les faits d'une façon assez<br />

satisfaisante. Mais, formulées de cette façon, elles n'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t aucun li<strong>en</strong> l'une avec l'autre,<br />

et la grammaire qui les reti<strong>en</strong>t n'explique pas leur commune interv<strong>en</strong>tion dans la définition du<br />

seuil <strong>en</strong> deçà duquel l'oralisation par lecture est normalem<strong>en</strong>t impossible. On aimerait au<br />

contraire que ces deux contraintes découl<strong>en</strong>t d'une contrainte plus générale qui les explique.<br />

1.2.4. La forme minimale du mot minimal<br />

Une telle explication est possible si l'on p<strong>en</strong>se non plus <strong>en</strong> termes de segm<strong>en</strong>ts, mais <strong>en</strong><br />

termes de catégories prosodiques. L'idée est la suivante: pour qu'un sigle soit lu, il faut que sa<br />

lecture aboutisse au moins à un mot prosodique minimal, ce qui va de soi s'agissant de la<br />

création d'une forme nouvelle. Si le sigle lu doit bi<strong>en</strong> être un mot minimal, il sera constitué<br />

d'au moins un pied minimal, lequel compr<strong>en</strong>dra au moins une syllabe minimale. Comme la<br />

syllabe minimale est, sans doute universellem<strong>en</strong>t, constituée d'une voyelle précédée d'une<br />

consonne, on ti<strong>en</strong>t là l'explication de la nécessité d'une séqu<strong>en</strong>ce /CV/ dans le sigle lu. Le<br />

pied, d'autre part a toutes chances, ainsi qu'on l’a dit, d'être le plus souv<strong>en</strong>t un constituant<br />

prosodique binaire. Comme les sigles monosyllabiques sont abondamm<strong>en</strong>t attestés, il n'est pas<br />

possible de faire du pied minimal du français une séqu<strong>en</strong>ce de deux syllabes. Mais on peut<br />

7


très bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> faire une séqu<strong>en</strong>ce de deux mores, si du moins on admet comme presque tous les<br />

auteurs que les consonnes d'attaque n'<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t pas dans le décompte des mores 20 . Nécessaire à<br />

la constitution de la syllabe que doit r<strong>en</strong>fermer le pied, la consonne d'attaque n'<strong>en</strong>trerait pas <strong>en</strong><br />

jeu dans l'évaluation du poids du sigle. Ce poids dép<strong>en</strong>drait uniquem<strong>en</strong>t de ses voyelles et de<br />

ses codas, qui compterai<strong>en</strong>t les unes et les autres pour une more. Contrairem<strong>en</strong>t à la solution<br />

qui évalue le poids des sigles <strong>en</strong> termes de segm<strong>en</strong>ts, cette explication a l'avantage d'expliquer<br />

la co-interv<strong>en</strong>tion des deux contraintes et réduit les stipulations propres à la grammaire du<br />

français à une seule: le caractère bimorique du pied minimal.<br />

Pour illustrer ce qui vi<strong>en</strong>t d'être dit, voici quelques schémas montrant pourquoi<br />

certains sigles courts refus<strong>en</strong>t la lecture alors que certains autres l'accept<strong>en</strong>t 21 :<br />

(8) a. b. c. d. e.<br />

C V<br />

V C V C C<br />

V V V V V<br />

C V C<br />

V C V<br />

Les sigles <strong>en</strong> CV (cf.8a) conti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> une syllabe minimale, mais ils ne r<strong>en</strong>ferm<strong>en</strong>t qu'une<br />

more. A l'inverse, les sigles <strong>en</strong> VC et <strong>en</strong> VCC r<strong>en</strong>ferm<strong>en</strong>t au moins deux mores (et peut-être<br />

trois, comme on le suppose <strong>en</strong> (8b), pour ce qui est des seconds), mais ils ne conti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas<br />

de syllabe à proprem<strong>en</strong>t parler. De même, les sigles <strong>en</strong> VV et <strong>en</strong> VVV (cf. 8c) se laiss<strong>en</strong>t<br />

analyser respectivem<strong>en</strong>t comme des séqu<strong>en</strong>ces de deux et de trois mores, mais qui ne<br />

r<strong>en</strong>ferm<strong>en</strong>t pas de syllabe minimale. Aucun de ces trois types de sigles ne peut donc être lu.<br />

En revanche, les sigles <strong>en</strong> CVC et <strong>en</strong> VCV (cf. 8d,e) comport<strong>en</strong>t à la fois une syllabe et deux<br />

mores, car, pour l'évaluation du poids des mots, les consonnes codiques équival<strong>en</strong>t aux<br />

voyelles. Ces deux types de sigles peuv<strong>en</strong>t donc être lus.<br />

On verra que l'hypothèse développée ici se heurte à certains contre-exemples<br />

appar<strong>en</strong>ts, et que l'on aura besoin d'hypothèses auxiliaires. Mais avant d'aborder ces questions<br />

voyons ce qu'il <strong>en</strong> est du seuil au delà duquel la lecture devi<strong>en</strong>t obligatoire ou presque.<br />

1.3. Le seuil supérieur<br />

On a fait jusqu'à prés<strong>en</strong>t comme s'il allait de soi qu'un tel seuil existait. Cep<strong>en</strong>dant, les<br />

données sur ce point sont moins claires que pour le seuil <strong>en</strong> deçà duquel l'épellation devi<strong>en</strong>t<br />

obligatoire.<br />

1.3.1. Seuil ou continuum?<br />

20 Sur la théorie des mores, cf. <strong>en</strong> particulier, outre McCarthy et Prince (1986), Hyman (1985) et Hayes (1989).<br />

21 Dans ces représ<strong>en</strong>tations et dans celles qui suiv<strong>en</strong>t, on n'id<strong>en</strong>tifie comme des syllabes ( ) que les constituants<br />

répondant au moins à la définition de la syllabe minimale. Ce choix est principalem<strong>en</strong>t guidé par un souci de<br />

clarté. Mais il reste évidemm<strong>en</strong>t possible que les rimes sans attaque constitu<strong>en</strong>t des sortes de syllabes<br />

"dégénérées"; c'est là la solution qu'il faudrait ret<strong>en</strong>ir si l'on admettait qu'une catégorie prosodique ne peut<br />

dominer qu'une séqu<strong>en</strong>ce de catégories du niveau immédiatem<strong>en</strong>t inférieur, à l'exclusion de tout élém<strong>en</strong>t<br />

supplém<strong>en</strong>taire <strong>en</strong> périphérie.]<br />

8


Quand la lecture év<strong>en</strong>tuelle aboutit à une forme ne comptant que deux phonèmes, on ne<br />

constate pratiquem<strong>en</strong>t pas, dans le corpus, de cas de lecture effective, si ce n'est pour trois<br />

sigles comm<strong>en</strong>çant par une liquide (cf. (5)) et dans trois cas où l'int<strong>en</strong>tion de cocasserie est<br />

probable (cf. notes 14 et 18). On est donc bi<strong>en</strong> fondé à poser un seuil inférieur. En revanche,<br />

le taux de lecture des sigles de quatre lettres n'est que de 158/200. Très supérieur à celui des<br />

sigles de trois lettres (120/318), ce taux reste néanmoins s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t inférieur à celui des<br />

sigles de cinq lettres (88/97), qui est lui même légèrem<strong>en</strong>t inférieur à celui des sigles de six<br />

lettres (36/36). A s'<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir aux données brutes, on aurait donc plutôt l'impression que le taux<br />

de lecture augm<strong>en</strong>te progressivem<strong>en</strong>t au fur et à mesure que croît le nombre des lettres qui<br />

<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t dans le sigle.<br />

C'est là une impression fausse. Il faut <strong>en</strong> effet faire <strong>en</strong>trer <strong>en</strong> ligne de compte trois<br />

facteurs particuliers. On doit d'abord t<strong>en</strong>ir compte du fait que la contrainte étudiée <strong>en</strong>tre<br />

parfois <strong>en</strong> contradiction avec la contrainte qui veut qu'un sigle lu compr<strong>en</strong>ne une séqu<strong>en</strong>ce<br />

CV. Comme le montr<strong>en</strong>t les exemples <strong>en</strong> VCCE réunis <strong>en</strong> (7) et le faible taux de lecture des<br />

sigles <strong>en</strong> VVVV (0/2), <strong>en</strong> VVCC (0/1) et <strong>en</strong> VCCC (1/4), c'est le plus souv<strong>en</strong>t cette seconde<br />

contrainte qui sort victorieuse de la contradiction. Il faut signaler <strong>en</strong>suite que l'on a <strong>été</strong> assez<br />

peu sévère quand il s'est agi de décider si les sigles <strong>en</strong> CCVC et <strong>en</strong> CVCC étai<strong>en</strong>t syllabables<br />

ou non. On a par exemple admis comme syllabables B.D.I.C. 22 et C.I.D.J. 23 . Bi<strong>en</strong> que<br />

probablem<strong>en</strong>t légitimes (cf. bdelle, match), de tels groupes rest<strong>en</strong>t à tout le moins marginaux<br />

et font difficulté pour bon nombre de locuteurs, qui préféreront [ ] à [ ] et [ ]<br />

à [ ]. Enfin, comme on le verra plus tard (cf. infra § 2.2.1.), la prés<strong>en</strong>ce d'un hiatus dans un<br />

sigle semble <strong>en</strong> <strong>en</strong>traver la lecture. Si l'on pr<strong>en</strong>d <strong>en</strong> considération ces trois observations, on<br />

aboutit pour les sigles de quatre lettres à un taux de lecture s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t id<strong>en</strong>tique à celui des<br />

sigles de cinq lettres 24 .[23<br />

Tout <strong>en</strong> admettant donc que ce seuil est moins rigoureux que le seuil inférieur, et qu'il<br />

puisse ne pas valoir dans des dictions archaïsantes ou sout<strong>en</strong>ues, on ti<strong>en</strong>dra pour vraie la<br />

généralisation voulant qu'un sigle de plus de trois lettres doit être lu 25 .<br />

1.3.2. L'unité de compte: la more?<br />

Reste à déterminer à quelle aune il convi<strong>en</strong>t de mesurer le poids des sigles épelés. La première<br />

idée qui vi<strong>en</strong>t à l'esprit est d'utiliser la même mesure que pour la lecture, à savoir la more. Si,<br />

cep<strong>en</strong>dant, t<strong>en</strong>tant d'évaluer le poids phonique des épellations, on s'<strong>en</strong> ti<strong>en</strong>t au mode de calcul<br />

qui a servi pour mesurer les lectures, on constate que l'épellation de certains sigles de quatre<br />

22 Bibliothèque de Docum<strong>en</strong>tation Internationale Contemporaine.<br />

23 C<strong>en</strong>tre d'Information et de Docum<strong>en</strong>tation des Jeunes.<br />

24 Les données du tableau (1) sur les sigles de trois lettres sont elles aussi des données brutes qu'il convi<strong>en</strong>drait<br />

d'analyser soigneusem<strong>en</strong>t. Bon nombre d'épellations résult<strong>en</strong>t non pas d'un libre choix des locuteurs, mais de<br />

facteurs particuliers. On a vu que la lecture supposait la prés<strong>en</strong>ce d'une séqu<strong>en</strong>ce CV. Mais on observe<br />

égalem<strong>en</strong>t des régularités plus fines. Par exemple, aucun sigle <strong>en</strong> C (il s'agit de la lettre) + voyelle d'avant non<br />

arrondie + consonne n'est lu: C.E.S. (= Collège d'Enseignem<strong>en</strong>t Secondaire) et ses congénères sont toujours<br />

épelés. Il existe aussi une forte t<strong>en</strong>dance à épeler les sigles <strong>en</strong> voyelle + occlusive + voyelle, comme A.P.I. (=<br />

Association Phonétique Internationale). Enfin, on verra plus bas (cf. § 2.2.1.) que les sigles <strong>en</strong> CVV ne sont pour<br />

ainsi dire jamais lus. Néanmoins, les cas de double réalisation sont assez nombreux pour que l'on considère que,<br />

dans le cas général, un sigle de trois lettres peut indifféremm<strong>en</strong>t être lu ou épelé.<br />

25 Il existe beaucoup de sigles non syllabables de quatre lettres ou plus qui sont nécessairem<strong>en</strong>t épelés <strong>en</strong> dépit<br />

du fait qu'ils dépass<strong>en</strong>t le seuil au delà duquel un sigle devrait être lu. Mais considérez le mot A.B.C. On<br />

disposait au mom<strong>en</strong>t de le créer (et l'on dispose toujours) de tout le début le l'alphabet. Si aucune contrainte de<br />

poids ne jouait, on pourrait dire par exemple un A.B.C.D. (cf. abécédaire). Il est possible que le choix de A.B.C.<br />

soit imposé par le seuil dont il est question ici.<br />

9


lettres aurait le même poids que celle de certains sigles de trois lettres. Comme on peut le voir<br />

<strong>en</strong> (9), un sigle comme G.A.P.P. 26 , compterait par exemple quatre mores, soit autant que<br />

l'épellation d'un sigle comme F.E.N.<br />

(9)<br />

Or [ ] est une épellation bi<strong>en</strong> attestée et parfaitem<strong>en</strong>t légitime, alors que G.A.P.P.,<br />

comme l'imm<strong>en</strong>se majorité des sigles de quatre lettres est lu (on dit [ ] et non [ ]).<br />

Ce premier mode de calcul ne permettrait donc pas de fixer correctem<strong>en</strong>t le seuil au delà<br />

duquel l'épellation devi<strong>en</strong>t obligatoire. Si, <strong>en</strong> effet, on fixait ce seuil à trois mores, on prédirait<br />

à tort que certains sigles de trois lettres qui, comme F.E.N., peuv<strong>en</strong>t être épelés, sont<br />

obligatoirem<strong>en</strong>t lus; et si on le fixait à quatre mores, on devrait s'att<strong>en</strong>dre à ce qu'il soit<br />

légitime d'épeler certains sigles de quatre lettre qui, comme G.A.P.P., doiv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> fait être lus<br />

comme les autres. Force est donc d'imaginer une autre solution.<br />

1.3.3. L'unité de compte: la syllabe.<br />

A vrai dire, cette première hypothèse était sans doute invraisemblable a priori : il me semble<br />

douteux qu'un processus linguistique puisse compter les mores au delà de deux. Quand,<br />

d'autre part, on épelle un sigle, chaque lettre conserve son individualité.<br />

Pris isolém<strong>en</strong>t, les noms de lettre t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t à respecter la définition qu'on a donnée du<br />

pied minimal. Les lettres dont le nom comm<strong>en</strong>ce par une voyelle ont t<strong>en</strong>dance à se comporter<br />

comme des mots <strong>en</strong> h aspiré, c'est-à-dire comme des mots comm<strong>en</strong>çant par une attaque, vide<br />

sans doute, mais suffisamm<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>te pour déterminer l'apparition de déterminants de type<br />

préconsonantiques. (Beaucoup de locuteurs dis<strong>en</strong>t le i, le ef et non pas l'i ou l'f 27 .) Quand,<br />

d'autre part, le nom de la lettre s'achève par une voyelle et que cette voyelle peut avoir une<br />

réalisation lâche et une réalisation t<strong>en</strong>due, c'est le timbre t<strong>en</strong>du qui est choisi. Le fait que o se<br />

prononce [ ] ne veut pas dire grand chose, puisqu'un o final est toujours prononcé de cette<br />

façon. Mais il est peut-être significatif que b, c, d se prononc<strong>en</strong>t [ ], [ ], [ ] et non [ ],<br />

[ ], [ ], et que, dans mon dialecte au moins, a et k se prononc<strong>en</strong>t [ ] et [ ] et non [ ] et<br />

[ ]. On sait le li<strong>en</strong> qui existe <strong>en</strong>tre la t<strong>en</strong>sion et la longueur <strong>en</strong> français (cf. e.g. Plénat, 1987).<br />

Il est possible que, même si cela n'est pas s<strong>en</strong>sible <strong>en</strong> surface, ces voyelles occup<strong>en</strong>t deux<br />

mores. Autrem<strong>en</strong>t dit, tous les noms de lettres t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t à avoir une attaque et deux mores,<br />

c'est-à-dire à constituer un mot minimal.<br />

Réunies au sein d'un sigle épelé, les noms de lettre perd<strong>en</strong>t une <strong>partie</strong> des traits<br />

caractéristiques du mot minimal (ou ne les acquièr<strong>en</strong>t pas tous). Les sigles épelés<br />

comm<strong>en</strong>çant par une voyelle pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t les déterminants prévocaliques (on dit l'O.N.U. [ ]<br />

et non *la O.N.U. [ ]). Et, chez certains locuteurs, un o interne peut pr<strong>en</strong>dre un timbre<br />

lâche (on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d parfois ] pour O.N.U). Néanmoins, un sigle épelé forme un tout moins<br />

compact qu'un sigle lu. Quand un i précède une lettre dont le nom comm<strong>en</strong>ce par une voyelle,<br />

26 Groupe d'Aide Psycho-Pédagogique.<br />

27 Il est possible que cette prononciation soit due au fait que la lettre est utilisée "<strong>en</strong> m<strong>en</strong>tion".<br />

10


on n'introduit pas le yod typique des diérèses. On prononce par exemple les sigles I.A. 28 et<br />

I.R.T.S. 29 [ ] et [ ] et non *[ ] et *[ ]. D'autre part, il n'y a pas véritablem<strong>en</strong>t de<br />

liaison <strong>en</strong>tre un nom de lettre s'achevant par une consonne et un nom de lettre comm<strong>en</strong>çant<br />

par une voyelle. L'<strong>en</strong>chaînem<strong>en</strong>t est possible: F.O. 30 peut être syllabé [ ! ]; mais, même dans<br />

ce cas, le [ ] t<strong>en</strong>d à garder son timbre ouvert de voyelle <strong>en</strong>travée, et, si l'on introduit une<br />

pause, celle-ci apparaît plus facilem<strong>en</strong>t après la consonne qu'après la voyelle: [ ... ] est<br />

beaucoup plus plausible que [ ... ]. Ces phénomènes sont typiques des rapports <strong>en</strong>tre<br />

élém<strong>en</strong>ts séparés par une frontière forte. D'un point de vue phonologique, les sigles épelés<br />

constitu<strong>en</strong>t de sortes de mots composés au sein desquels chaque nom de lettre conserve une<br />

<strong>partie</strong> de son individualité.<br />

Autrem<strong>en</strong>t dit, même prononcés, les sigles épelés rest<strong>en</strong>t d'une certaine façon des<br />

séqu<strong>en</strong>ces de lettres, et l'évaluation du poids d'un sigle épelé est sans doute directem<strong>en</strong>t<br />

fonction du nombre de lettres qu'il comporte. Chaque lettre correspondant phoniquem<strong>en</strong>t à<br />

une syllabe, il est probable que c'est la syllabe qui doit servir d'unité de compte et que le seuil<br />

au delà duquel un sigle doit être lu (s'il peut l'être) est de trois syllabes.<br />

1.3.4. Le mot minimal<br />

S'il <strong>en</strong> est bi<strong>en</strong> ainsi, les sigles oscillerai<strong>en</strong>t, quand leur composition le permettrait, <strong>en</strong>tre un<br />

poids de deux mores et un poids de trois syllabes, deux poids relativem<strong>en</strong>t proches l'un de<br />

l'autre, et que l'on est t<strong>en</strong>té de considérer comme ceux des formes minimale et maximale du<br />

mot minimal, bi<strong>en</strong> que l'interprétation des faits ne soit pas parfaitem<strong>en</strong>t claire.<br />

Le résultat auquel on parvi<strong>en</strong>t ici touchant les sigles rappelle d'assez près ce que l'on<br />

sait des limites <strong>en</strong>tre lesquelles vari<strong>en</strong>t les mots formés par apocope (cf. Adam, 1991, et la<br />

belle analyse de Weeda, 1992). Les formes apocopées <strong>en</strong> VC ou <strong>en</strong> CV (comme adorable<br />

ad ou yatagan ya) sont très rares et, pour la plupart, peu employées. Abstraction faite de<br />

ces quelques exceptions, les formes les plus courtes compt<strong>en</strong>t deux mores et une séqu<strong>en</strong>ce CV<br />

(cf. les nombreux exemples du type accumulateur accu, baccalauréat bac et<br />

géographie géo). Si, d'autre part, on met de côté les formes s'achevant par / / (comme<br />

bibliographie biblio), dans lesquelles cette voyelle se laisse analyser comme un suffixe, on<br />

constate que le nombre des formes apocopées dépassant deux syllabes est très réduit et qu'<strong>en</strong><br />

toute hypothèse, une forme apocopée ne compte jamais plus de trois syllabes (ou plus de<br />

quatre si le suffixe /- / est prés<strong>en</strong>t).<br />

Ces constatations sont assez délicates à interpréter. Ce qui fait difficulté, c'est<br />

l'interprétation des formes trisyllabiques. Une première hypothèse pourrait consister à<br />

admettre qu'<strong>en</strong> français, un pied peut compr<strong>en</strong>dre jusqu'à trois syllabes. Dans ce cas, il<br />

faudrait r<strong>en</strong>oncer à faire de cette catégorie prosodique un constituant nécessairem<strong>en</strong>t binaire,<br />

ce qui ne serait peut-être pas absolum<strong>en</strong>t scandaleux. Mais on peut supposer aussi que la<br />

forme maximale du pied est dissyllabique et analyser la troisième syllabe comme un élém<strong>en</strong>t<br />

périphérique additionnel. <strong>Cette</strong> seconde solution est la plus séduisante dans le cas des formes<br />

obt<strong>en</strong>ues par apocopes. Dans leur cas, <strong>en</strong> effet, les formes trisyllabiques, comme on l'a dit,<br />

sont rares, la moitié de celles dont on dispose comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t par une voyelle, et les formes à<br />

consonne initiale sont souv<strong>en</strong>t sorties de l'usage courant ou respect<strong>en</strong>t le découpage<br />

28 Intellig<strong>en</strong>ce Artificielle.<br />

29 Institut Régional du Travail Social.<br />

30 Force Ouvrière.<br />

11


morphologique 31 . On est donc t<strong>en</strong>té de dire qu'incomplète, une syllabe initiale comm<strong>en</strong>çant<br />

par une voyelle peut ne pas <strong>en</strong>trer dans la composition du pied, et donc constituer un élém<strong>en</strong>t<br />

périphérique qui s'ajoute à un pied dissyllabique.<br />

<strong>Cette</strong> analyse, cep<strong>en</strong>dant, ne peut pas être ét<strong>en</strong>due sans aménagem<strong>en</strong>ts aux sigles<br />

épelés. L'év<strong>en</strong>tuelle extra-prosodicité des syllabes initiales comm<strong>en</strong>çant par une voyelle ne<br />

r<strong>en</strong>d directem<strong>en</strong>t compte que des sigles <strong>en</strong> VCV. Pour ce qui est des sigles <strong>en</strong> CCV et <strong>en</strong><br />

CVC, on ne constate pas que ceux dont la consonne initiale a un nom comm<strong>en</strong>çant par une<br />

voyelle soi<strong>en</strong>t plus nombreux à être épelés que les autres 32 . Force est donc ou bi<strong>en</strong> d'admettre<br />

que n'importe quelle syllabe initiale peut, dans un mot minimal, jouer le rôle d'élém<strong>en</strong>t<br />

périphérique additionnel, ou bi<strong>en</strong> de recourir à des expédi<strong>en</strong>ts, <strong>en</strong> rappelant que la modicité du<br />

corpus de départ n'a sans doute pas permis de dégager toutes les généralisations pertin<strong>en</strong>tes<br />

(cf. note 24) et qu'il est possible qu'un certain nombre au moins de sigles épelés relèv<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

fait de dictions archaïsantes ou guindées et ai<strong>en</strong>t <strong>été</strong> lexicalisés sous cette forme (cf. note 4).<br />

Quoiqu'il <strong>en</strong> soit, il est concevable qu'au mom<strong>en</strong>t d'oraliser un sigle, un locuteur<br />

cherche, dans tous les cas où il <strong>en</strong> a la possibilité, à aboutir à un même type de forme. Il<br />

s'agirait pour lui de constituer un mot minimal, c'est-à-dire un pied, qui pourrait lui-même<br />

varier <strong>en</strong>tre une forme minimale bimorique et une forme maximale dissyllabique ou<br />

trisyllabique.<br />

1.4. L'oralisation des sigles<br />

Pour parv<strong>en</strong>ir à ses fins, le locuteur dispose de deux stratégies : la lecture et l'épellation.<br />

L'une et l'autre de ces stratégies peut conduire à un échec. Trop court, ou dépourvu de<br />

séqu<strong>en</strong>ce CV, un sigle peut se révéler inlisable ; trop long, il ne peut pas être épelé. Dans ces<br />

cas, la lecture peut pallier la défaillance de l'épellation, et l'épellation celle de la lecture. Celleci,<br />

<strong>en</strong> effet, <strong>en</strong> ce qu'elle constitue les consonnes prévocaliques <strong>en</strong> attaques, les privant ainsi<br />

de tout poids, allège le sigle 33 . Pr<strong>en</strong>ons pour exemple le cas d'un sigle <strong>en</strong> CVCV comme<br />

S.A.M.U. 34 . On voit <strong>en</strong> (10a) que, comptant pour quatre syllabes s'il était épelé, ce sigle n'<strong>en</strong><br />

fait plus que deux quand il est lu :<br />

(10) a. Sigles <strong>en</strong> CVCV b. Sigles <strong>en</strong> CV<br />

Epellation : Lecture : Epellation : Lecture :<br />

31 On ne dispose que de sept exemples de ce type. Parmi ces exemples, combinaise ( combinaison), manipul<br />

( manipulation), militaro ( militariste) et possibilo ( possibiliste) ne se dis<strong>en</strong>t plus, à ma connaissance du<br />

moins; et dans kinési ( kinésithérapeute) et simili ( simili-gravure), on reti<strong>en</strong>t le premier terme du composé.<br />

Reste cinéma, mais ce nom n'est plus s<strong>en</strong>ti comme une forme apocopée, plus personne n'employant<br />

cinématographe.<br />

32 Cela n'a d'ailleurs ri<strong>en</strong> de très surpr<strong>en</strong>ant, puisque ces sigles se comport<strong>en</strong>t comme des mots <strong>en</strong> "h aspiré" (on<br />

dit le S.T.O. [ ], (= Service du Travail Obligatoire), le M.E.N. [ ] (= Ministère de l'Education<br />

Nationale).]<br />

33 Il existe d'assez nombreux sigles qui font appel non seulem<strong>en</strong>t aux lettres initiales des mots lexicaux de<br />

l'expression complète, mais aussi à une voyelle supplém<strong>en</strong>taire, comme par exemple S.A.V.A.C. [savak] (=<br />

Services Automobiles de la VAllée de Chevreuse; le sigle emprunte le a de Vallée). <strong>Cette</strong> utilisation de voyelles<br />

supplém<strong>en</strong>taires trouve, selon les cas, des explications diverses. Mais, souv<strong>en</strong>t, la seule raison plausible réside<br />

dans la possibilité qu'offre la voyelle supplém<strong>en</strong>taire de syllaber le sigle et d'aboutir ainsi à une forme constituant<br />

un mot minimal. C'est le cas pour S.A.V.(A.)C., qui compr<strong>en</strong>drait quatre syllabes s'il était épelé, et qui, lu, n'<strong>en</strong><br />

compr<strong>en</strong>d plus que deux. Paradoxalem<strong>en</strong>t, on allonge la forme graphique pour accourcir la forme phonique. Il<br />

est notoire qu'au mom<strong>en</strong>t de créer une expression destinée à être siglée, les locuteurs se préoccup<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t de<br />

la forme que pr<strong>en</strong>dra l'oralisation du sigle (cf. Bouvard, 1991).<br />

34 Service d'Aide Médicale d'Urg<strong>en</strong>ce.<br />

12


A l'inverse, l'épellation, dans laquelle un poids est attribué à chaque consonne, permet<br />

d'aboutir à des formes plus lourdes que la lecture. Comme le montre (10b), un sigle <strong>en</strong> CV<br />

comme F.O., qui ne compterait qu'une more s'il était lu, compte pour deux mores quand il est<br />

épelé.<br />

En fait, il arrive que les deux stratégies mèn<strong>en</strong>t à l'échec, soit que le sigle soit vraim<strong>en</strong>t<br />

trop long, soit qu'on ne puisse pas le syllaber 35 . C'est là la raison pour laquelle on ne prés<strong>en</strong>te<br />

pas ici l'oralisation des sigles comme l'association d'une mélodie à un gabarit, mais plutôt<br />

comme une adaptation à un schème régulateur (défini <strong>en</strong> termes de catégories prosodiques).<br />

Quand il n'est possible de constituer un mot minimal ni d'une façon ni de l'autre, c'est la<br />

lecture qui est choisie de préfér<strong>en</strong>ce, parce qu'elle aboutit à un résultat plus proche du mot<br />

minimal que l'épellation. Celle-ci n'intervi<strong>en</strong>t qu'<strong>en</strong> dernier recours, quand on a affaire à un<br />

sigle à la fois long et insyllabable.<br />

Inversem<strong>en</strong>t, la lecture et l'épellation peuv<strong>en</strong>t aboutir l'une et l'autre à un résultat<br />

conforme à la définition du mot minimal. C'est ce qui se passe pour certains sigles de trois<br />

lettres, <strong>en</strong> CVC et <strong>en</strong> VCV notamm<strong>en</strong>t. Dans ce cas, le locuteur a le choix, et l'on observe<br />

l'apparition des deux types de formes, comme par exemple dans le cas de O.N.U.:<br />

(11) Sigles <strong>en</strong> VCV :<br />

Epellation : Lecture :<br />

( )<br />

2. Trois hypothèses annexes<br />

L'hypothèse déf<strong>en</strong>due ci-dessus voulant que, pour qu'un sigle soit lu, il faut que sa lecture<br />

aboutisse au moins à la constitution d'un pied bimorique se heurte à deux difficultés. Si l'on<br />

n'aménage pas quelque peu le décompte des mores ou la définition des contraintes<br />

structurelles qui pès<strong>en</strong>t sur la lecture, elle prédit faussem<strong>en</strong>t que certains sigles pour lesquels<br />

la lecture est attestée ne devrai<strong>en</strong>t jamais être lus, et, à l'inverse, que devrai<strong>en</strong>t être lus sans<br />

difficulté des sigles pour lesquels la lecture est très peu attestée.<br />

2.1. Les sigles <strong>en</strong> CCV<br />

On a admis jusqu'à prés<strong>en</strong>t sans discuter que les consonnes d'attaque n'<strong>en</strong>trai<strong>en</strong>t pas dans le<br />

décompte des mores. De ce fait, les sigles dont la lecture év<strong>en</strong>tuelle aboutit à une forme de<br />

type [CCV], dans laquelle la séqu<strong>en</strong>ce CC semble ne se laisser analyser que comme une<br />

attaque, ne devrai<strong>en</strong>t jamais être oralisés par lecture. Il arrive cep<strong>en</strong>dant parfois qu'ils le<br />

35 On ne relève pas de sigles d'une lettre, ou alors la lettre est accompagnée d'un chiffre, comme dans A 2 (=<br />

Ant<strong>en</strong>ne 2). Le cas où les deux stratégies échouerai<strong>en</strong>t parce que le sigle serait trop court ne se prés<strong>en</strong>te donc pas.<br />

13


soi<strong>en</strong>t. Si l'on veut maint<strong>en</strong>ir l'idée que ce mode d'oralisation doit aboutir au minimum à une<br />

forme bimorique, force est de supposer ou bi<strong>en</strong> que certaines consonnes d'attaque au moins<br />

compt<strong>en</strong>t pour une more, ou bi<strong>en</strong> que toutes les séqu<strong>en</strong>ces CC ne sont pas des attaques. On va<br />

voir qu'il est plausible que les deux suppositions soi<strong>en</strong>t vraies, l'une dans un type de cas,<br />

l'autre dans les autres.<br />

2.1.1. Les données<br />

Assez peu nombreuses, les données dont on dispose sur les sigles dont la lecture év<strong>en</strong>tuelle<br />

aboutit à une forme <strong>en</strong> [CCV] sont néanmoins assez parlantes. Elles montr<strong>en</strong>t qu'il convi<strong>en</strong>t<br />

de distinguer, au sein de l'<strong>en</strong>semble qu'elles form<strong>en</strong>t, deux sous-<strong>en</strong>sembles aux<br />

comportem<strong>en</strong>ts assez différ<strong>en</strong>ts.<br />

Le premier de ces sous-<strong>en</strong>sembles compr<strong>en</strong>d les sigles qui comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t par une<br />

obstruante et une liquide. Ces sigles, au nombre de huit, sont tous attestés comme pouvant, au<br />

moins parfois, être lus. Ce sont:<br />

(12) Sigles <strong>en</strong> OLV<br />

C.H.R.U. [ ] C<strong>en</strong>tre Hospitalier Régional Universitaire<br />

C.L.A. [ ] C<strong>en</strong>tre de Linguistique appliquée<br />

C.L.E. [ ] Coordination Libertaire Etudiante<br />

C.L.I. [ ] Commission Locale d'Insertion<br />

D.R.E [ ] / [ ] Direction Régionale de l'Equipem<strong>en</strong>t<br />

F.L.E. [ ] / [ ] Français Langue Etrangère<br />

P.R.I. [ ] Parti Révolutionnaire Institutionnel<br />

T.R.U. [ ] Traitem<strong>en</strong>t des Résidus Urbains<br />

Le second sous-<strong>en</strong>semble compr<strong>en</strong>d les autres sigles, que l'on appellera ici les sigles <strong>en</strong> CCV<br />

(<strong>en</strong> supposant tacitem<strong>en</strong>t que le groupe CC n'est pas un groupe OL). Ces sigles sont plus<br />

nombreux : <strong>en</strong>viron une vingtaine (leur nombre exact varie suivant que l'on est plus ou moins<br />

libéral touchant l'acceptabilité des groupes consonantiques initiaux). Sur cette vingtaine de<br />

sigles, seuls cinq sont attestés comme étant au moins parfois lus dans le corpus (cf. (13a)); les<br />

autres, soit la grande majorité, ne sont attestés que sous leur forme épelée (cf. des exemples <strong>en</strong><br />

(13b)).<br />

(13) Sigles <strong>en</strong> CCV<br />

a. S.C.O. [ ] Sporting Club Olympique<br />

S.D.A.U. [ ] Schéma Directeur d'Aménagem<strong>en</strong>t et d'Urbanisme<br />

S.N.I [ ] / [ ] Syndicat National des Instituteurs<br />

S.T.I. [ ] / [ ] Service Technique Informatique (?)<br />

P.S.U. [ ] / [ ] Parti Socialiste Unifié<br />

b. C.N.U. [seEny] Conseil National des Universités<br />

C.S.A. [seEsa] Conseil Supérieur de l'Audio-visuel<br />

F.M.I. [EfEmi] Fonds Monétaire International<br />

P.N.A. [peEn&] Paris-Nord Autocars<br />

14


S.M.E. [EsEm"] Système Monétaire Europé<strong>en</strong><br />

S.P.A. [Espe&] Soci<strong>été</strong> Protectrice des Animaux<br />

T.S.A. [teEs&] "Travail-Social Actualités"<br />

<strong>Cette</strong> différ<strong>en</strong>ce de comportem<strong>en</strong>t est certainem<strong>en</strong>t à mettre <strong>en</strong> parallèle avec d'autres<br />

différ<strong>en</strong>ces, connues ou moins bi<strong>en</strong> connues, séparant les deux types de groupes de<br />

consonnes.<br />

2.1.2. Les groupes OL et les groupes CC<br />

Ces différ<strong>en</strong>ces sont multiples:<br />

a. La première est d'ordre statistique: les groupes OL sont, d'une façon générale,<br />

beaucoup plus nombreux que les groupes CC ordinaires.<br />

b. Dans certaines conditions, les groupes CC ordinaires <strong>en</strong>traîn<strong>en</strong>t l'ajustem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> [ ]<br />

du / / ou du /"/ qui, le cas échéant, les précède, alors que les groupes OL<br />

n'<strong>en</strong>traîn<strong>en</strong>t pas cet ajustem<strong>en</strong>t (cf. Dell, 1973).<br />

c. Les groupes OL n'admett<strong>en</strong>t après eux comme semi-voyelles que le / / du groupe<br />

/ i/ (cf. truie [ ]) ou le /#/ des groupes /# / et /# / (cf. trois [ # ], groin<br />

[ # ]; cf. Kaye & Low<strong>en</strong>stamm, 1984)); au contraire, les groupes CC ordinaires<br />

sembl<strong>en</strong>t admettre d'être suivis de n'importe quelle semi-voyelle, même <strong>en</strong> début de<br />

mot (cf. ptyaline [ ], skiatron [ ], skier [ ], S.N.I.A.S. 36 [ ],<br />

squeezer [skwize], Stuart [ ], tsuica [ # ]).<br />

d. En début de mot, les seuls groupes triconsonantiques du français sont formés d'une<br />

sifflante ou d'une chuintante suivie d'un groupe OL (cf. sclérose [ ], sgraffite<br />

[ ], sphragistique [ ], structure [ ], schtroumpf [ ]).<br />

e. Pour de nombreux locuteurs, quand un monosyllabe <strong>en</strong> chva précédé d'une voyelle<br />

est suivi d'un groupe consonantique et que la consonne du monosyllabe est<br />

id<strong>en</strong>tique à la première consonne du groupe consonantique (autrem<strong>en</strong>t dit quand on<br />

a une séqu<strong>en</strong>ce du type XV # C1" # C2C3VY, avec C1 = C2 ), le chva, qui peut<br />

tomber quand on a affaire à un groupe OL, ne le peut pas quand on a affaire à un<br />

groupe CC ordinaire 37 .<br />

f. Dans les hypocoristiques à redoublem<strong>en</strong>t, une attaque <strong>en</strong> OL est couramm<strong>en</strong>t<br />

simplifiée <strong>en</strong> O. Claude, par exemple, donne souv<strong>en</strong>t Coco. En revanche, dans le<br />

seul exemple dont on dispose de la simplification d'un groupe CC ordinaire, c'est la<br />

première consonne qui tombe: Xavier donne Zaza, et non Gaga (cf. Plénat, 1984).<br />

g. Dans des langages secrets comme le loucherbem (cf. Plénat, 1985) ou le verlan (cf.<br />

Plénat, à paraître), les élém<strong>en</strong>ts d'un groupe OL rest<strong>en</strong>t solidaires l'un de l'autre. En<br />

revanche, il existe des cas, rares il est vrai, où ceux d'un groupe CC ordinaire sont<br />

disjoints par l'opération de codage. D'où des exemples comme asperge<br />

[ ] <strong>en</strong> loucherbem et fatma [ ] ou veste [ ] <strong>en</strong> verlan.<br />

h. En début de mot, les groupes CC ordinaires sont parfois difficilem<strong>en</strong>t prononçables<br />

pour les locuteurs jeunes ou peu instruits, qui les estropi<strong>en</strong>t par prothèse (statue<br />

36 Soci<strong>été</strong> Nationale Industrielle Aérospatiale.<br />

37 Pour ces locuteurs, on ne peut pas dire par exemple *J'aime pas c' squelette ou *T'as pas d'gin?, alors que<br />

J'aime pas t' trouver ou T'as pas d'draps? sont parfaits.<br />

15


estatue), ép<strong>en</strong>thèse ( pneu p<strong>en</strong>eu), métathèse (Xavier Zagvier) ou<br />

simplification (psychiatre sychiatre); les groupes OL sont <strong>en</strong> revanche très<br />

stables <strong>en</strong> français standard.<br />

i. Les aphasiques ne commett<strong>en</strong>t pas les mêmes fautes sur les deux types de groupes<br />

(cf. Valdois 1990).<br />

Certaines de ces différ<strong>en</strong>ces conspir<strong>en</strong>t <strong>en</strong> faveur de l'idée que seuls les groupes OL<br />

constitu<strong>en</strong>t de véritables attaques. Si tel est bi<strong>en</strong> le cas, la formulation de la règle d'ajustem<strong>en</strong>t<br />

de / / et /"/ <strong>en</strong> / / peut être simplifiée: l'ajustem<strong>en</strong>t a lieu <strong>en</strong> syllabe fermée. Si, d'autre part,<br />

une attaque <strong>en</strong> français compr<strong>en</strong>d au plus deux segm<strong>en</strong>ts dont le second est obligatoirem<strong>en</strong>t<br />

une sonante, on compr<strong>en</strong>d pourquoi les groupes OL n'admett<strong>en</strong>t pas d'être suivis d'une semivoyelle<br />

qui ne soit pas le premier élém<strong>en</strong>t d'une diphtongue légère: la place qu'occuperait la<br />

semi-voyelle est prise par la liquide. On peut simplifier la définition des groupes<br />

triconsonantiques initiaux <strong>en</strong> disant qu'ils sont constitués d'une sifflante ou d'une chuintante<br />

suivie d'une attaque complexe. Dans les hypocoristiques à redoublem<strong>en</strong>t, une attaque<br />

complexe du mot d'origine peut n'être représ<strong>en</strong>tée que par sa tête; sauf à admettre qu'une<br />

attaque complexe peut avoir pour tête son élém<strong>en</strong>t droit, le fait que / / se simplifie <strong>en</strong> / /<br />

montre peut-être que cet élém<strong>en</strong>t est la tête d'une attaque (simple) dans laquelle le / / n'<strong>en</strong>tre<br />

pas. Le loucherbem et le verlan déplac<strong>en</strong>t <strong>en</strong> général des constituants; le fait que les élém<strong>en</strong>ts<br />

des groupes CC ordinaires soi<strong>en</strong>t habituellem<strong>en</strong>t solidaires dans ces langages secrets montr<strong>en</strong>t<br />

que leurs li<strong>en</strong>s sont forts; mais ils n'ont pas la même force que ceux qui uniss<strong>en</strong>t les élém<strong>en</strong>ts<br />

d'une véritable attaque <strong>en</strong> OL.<br />

2.1.3. Les sigles <strong>en</strong> CCV (avec CC OL)<br />

Le traitem<strong>en</strong>t des sigles <strong>en</strong> CCV comportant un groupe CC ordinaire se heurte à une difficulté<br />

d'ordre pratique: les données dont on dispose sont insuffisantes pour qu'on soit certain du<br />

statut de ceux d'<strong>en</strong>tre eux qui sont attestés comme pouvant être lus. Il n'est <strong>en</strong> effet pas exclu<br />

que l'explication des cinq exemples m<strong>en</strong>tionnés <strong>en</strong> (13) relève de facteurs d'ordre affectif ou<br />

stylistique plutôt que prosodique. Il n'est pas exclu non plus que l'on doive traiter<br />

différemm<strong>en</strong>t des autres les sigles <strong>en</strong> SCV (certains informateurs ont rejeté énergiquem<strong>en</strong>t la<br />

prononciation [ ] pour P.S.U., qu'ils trouv<strong>en</strong>t dénigrante, alors qu'ils acceptai<strong>en</strong>t sans<br />

difficulté [ ] pour S.N.I.).<br />

Si, néanmoins, on devait admettre la légitimité de l'oralisation par lecture de ces<br />

sigles 38 , l'analyse ci-dessus fournirait de cette légitimité une explication simple. Ne faisant pas<br />

<strong>partie</strong> de l'attaque proprem<strong>en</strong>t dite, la première consonne de la séqu<strong>en</strong>ce consonantique<br />

initiale de ces sigles ne peut guère, au moins dans le cas des groupes <strong>en</strong> sC, être analysée que<br />

comme une sorte de coda ou de rime dégénérée. <strong>Cette</strong> analyse justifie qu'on la compte pour<br />

une more, et donc que l'on considère que les sigles <strong>en</strong> question, qui comporterai<strong>en</strong>t dès lors<br />

deux mores et une séqu<strong>en</strong>ce CV, satisfont la contrainte pesant sur l'oralisation par lecture,<br />

comme le fait voir la figure suivante:<br />

(14)<br />

38 Comme suggère de le faire l'exist<strong>en</strong>ce de formes apocopées comme psy ( psychiatre) ou spi ( spinnaker).<br />

16


s C V<br />

Resterait alors à expliquer pourquoi ces sigles sont si faiblem<strong>en</strong>t attestés sous leur forme lue.<br />

Le fait que les groupes CC (où CC OL, et surtout si CC sC) sont des groupes marqués et<br />

que les sigles <strong>en</strong> CCV ne dépass<strong>en</strong>t pas le seuil à partir duquel le recours à l'épellation devi<strong>en</strong>t<br />

impossible paraît constituer une explication suffisante 39 .<br />

2.1.4. Les sigles <strong>en</strong> OLV<br />

La difficulté soulevée par les sigles <strong>en</strong> OLV est, elle, d'ordre théorique. On a vu ci-dessus que<br />

ces groupes ne se laissai<strong>en</strong>t analyser que comme des attaques. On s'att<strong>en</strong>drait donc à ce qu'ils<br />

n'<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t pas dans le décompte des mores et que, d'un poids insuffisant, les sigles <strong>en</strong> OLV ne<br />

soi<strong>en</strong>t jamais oralisés par lecture. <strong>Cette</strong> att<strong>en</strong>te, on l'a vu, est déçue. Mais doit-on pour cela<br />

remettre <strong>en</strong> cause la définition qui a <strong>été</strong> proposée du seuil <strong>en</strong> deçà duquel la lecture est<br />

impossible?<br />

Un moy<strong>en</strong> d'éviter cette conséqu<strong>en</strong>ce pourrait consister à considérer que les liquides<br />

<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> toute occasion dans le décompte des mores. Si tel était bi<strong>en</strong> le cas, les sigles <strong>en</strong><br />

OLV compr<strong>en</strong>drai<strong>en</strong>t, comme on peut le voir <strong>en</strong> (15a), les deux mores et la séqu<strong>en</strong>ce CV<br />

nécessaires à la constitution d'un pied.<br />

(15) a.<br />

O L V<br />

b.<br />

L V<br />

<strong>Cette</strong> hypothèse ne peut évidemm<strong>en</strong>t être maint<strong>en</strong>ue que si des argum<strong>en</strong>ts indép<strong>en</strong>dants<br />

vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t la corroborer. La place manque ici pour examiner sa compatibilité avec le reste de la<br />

phonologie du français. Mais, sans quitter le terrain de la morphologie des sigles, on<br />

rappellera que, seuls parmi les sigles <strong>en</strong> CV, les sigles <strong>en</strong> LV sembl<strong>en</strong>t pouvoir donner lieu à<br />

une oralisation par lecture (cf. supra § 1.2.2.). <strong>Cette</strong> particularité des sigles <strong>en</strong> LV trouve une<br />

explication directe dans l'idée que les liquides compt<strong>en</strong>t partout pour une more : avec deux<br />

mores et une séqu<strong>en</strong>ce CV, ces sigles constitu<strong>en</strong>t, quand ils sont lus, un pied, comme le<br />

montre (15b) 40 .<br />

39 Sans doute le caractère syllabable ou insyllabable d'un groupe de consonnes est-il <strong>en</strong> <strong>partie</strong> fonction de la<br />

longueur du sigle. Pour ma part, la lecture de T.L.A. me semble presque impossible (malgré thlaspi), alors que<br />

celle de T.L.E.S.M. me paraît s'imposer. C'est peut-être pour cette raison que l'on voit apparaître des groupes<br />

atypiques au début de certains sigles longs comme D.R.L.A.V. (= Docum<strong>en</strong>tation et Recherche <strong>en</strong> Linguistique<br />

Allemande, Vinc<strong>en</strong>nes), souv<strong>en</strong>t prononcé [ ], ou C.R.L.A.O. (= C<strong>en</strong>tre de Recherches Linguistiques, Asie<br />

Ori<strong>en</strong>tale), parfois prononcé [ ].<br />

40 On doit regretter ici la maigreur des données dont on dispose. Jusqu'à prés<strong>en</strong>t, il reste toujours à la<br />

rigueur possible de définir le seuil <strong>en</strong> deçà duquel les sigles ne sont plus oralisés par lecture <strong>en</strong> se passant des<br />

catégories prosodiques: les sigles lus les plus courts que nous ayons examinés compt<strong>en</strong>t tous trois segm<strong>en</strong>ts et<br />

une séqu<strong>en</strong>ce CV. Si, <strong>en</strong> revanche, il s'avérait que la lecture des sigles <strong>en</strong> LV est bi<strong>en</strong> légitime, il devi<strong>en</strong>drait<br />

impossible de définir ce seuil <strong>en</strong> termes de segm<strong>en</strong>ts, et l'on ti<strong>en</strong>drait ainsi un argum<strong>en</strong>t de poids <strong>en</strong> faveur de la<br />

description proposée. Il n'est peut-être pas sans intérêt ici de constater que, parmi les trois seules formes verlanes<br />

<strong>en</strong> CV dont on dispose, deux ([ ] or et [ ] par<strong>en</strong>ts) comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t aussi par une liquide (cf. Plénat, à<br />

paraître).<br />

17


2.2. Les sigles <strong>en</strong> CVV<br />

Prise telle quelle, l'hypothèse que la lecture d'un sigle doit aboutir au moins à un pied<br />

bimorique prédit que les sigles <strong>en</strong> CVV devrai<strong>en</strong>t pouvoir être lus sans difficulté aucune : ces<br />

sigles, <strong>en</strong> effet, conti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t la séqu<strong>en</strong>ce CV et les deux mores nécessaires à la constitution<br />

d'un tel pied 41 . Curieusem<strong>en</strong>t, cep<strong>en</strong>dant, cette prédiction est très loin de se réaliser: dans le<br />

corpus de référ<strong>en</strong>ce, les sigles <strong>en</strong> CVV ne sont pour ainsi dire jamais lus. Il convi<strong>en</strong>t sans<br />

doute de rapprocher cette quasi-impossibilité d'oraliser les sigles <strong>en</strong> CVV par lecture de la<br />

faiblesse relative du taux de lecture des sigles longs cont<strong>en</strong>ant deux voyelles successives. On<br />

proposera ici de r<strong>en</strong>dre compte de cette répugnance à l'hiatus par une contrainte structurelle 42 .<br />

2.2.1. Les données<br />

Dans le corpus, les sigles <strong>en</strong> CVV sont généralem<strong>en</strong>t épelés, comme les exemples réunis <strong>en</strong><br />

(16) 43 :<br />

(16 ) C.A.O. [ ] Conception Assistée par Ordinateur<br />

C.I.A. [ ] C<strong>en</strong>tral Intellig<strong>en</strong>ce Ag<strong>en</strong>cy<br />

D.E.A. [ ] Diplôme d'Etudes Approfondies<br />

F.A.O. [ ] Food and Agriculture Organisation<br />

M.O.I. [ ] Main d'Oeuvre Immigrée<br />

P.A.E. [ ] Projet d'Action Educative<br />

R.A.U. [ ] République Arabe Unie<br />

<strong>Cette</strong> difficulté qu'il y a à oraliser par lecture les sigles <strong>en</strong> CVV est à rapprocher de la<br />

faiblesse relative, à laquelle on a déjà fait allusion (cf.supra § 1.3.1.), du taux de lecture des<br />

sigles longs cont<strong>en</strong>ant deux voyelles consécutives. Le tableau suivant, qui repr<strong>en</strong>d sous la<br />

forme de pourc<strong>en</strong>tages les données du tableau (1) pour les sigles de quatre lettres, illustre bi<strong>en</strong><br />

ce comportem<strong>en</strong>t des sigles longs. (On a écarté de ces statistiques les sigles dans lesquels la<br />

condition imposant une séqu<strong>en</strong>ce CV n'est pas satisfaite.)<br />

(17) Taux de lecture des sigles de quatre lettres<br />

Sigles sans hiatus N Lecture Sigles avec hiatus N Lecture<br />

CCCV 1 100% CCVV 6 50%<br />

CCVC 51 82% CVVC 18 66%<br />

CVCC 25 80% CVVV 1 0%<br />

41 On notera que les formes apocopées <strong>en</strong> CVV ne sont ni particulièrem<strong>en</strong>t rares, ni particulièrem<strong>en</strong>t choquantes<br />

(cf. géo géographie, réa réanimation, zoo (jardin) zoologique).<br />

42 Je r<strong>en</strong>once donc à l'explication suggérée dans Plénat (1992) selon laquelle l'hiatus serait évité parce qu'une<br />

synalèphe priverait de son poids l'une des voyelles <strong>en</strong> contact. <strong>Cette</strong> hypothèse ne r<strong>en</strong>dait pas compte d'autant de<br />

faits que celle qui est proposée ici.<br />

43 Seuls trois sigles <strong>en</strong> CVV, sur vingt-sept, sont attestés comme étant au moins parfois lus: C.I.O. [ ] / [ ]<br />

(= C<strong>en</strong>tre d'Information et d'Ori<strong>en</strong>tation), L.E.A. [ ] / [ ] (= Langues Etrangères Appliquées) et M.A.I.<br />

[ ] (= Mutuelle des Ag<strong>en</strong>ts des Impôts). C'est très peu, surtout si l'on considère, que, pour au moins deux<br />

d'<strong>en</strong>tre eux (C.I.O. et L.E.A.), on a de bonnes raisons de p<strong>en</strong>ser que l'oralisation par lecture est la marque, de la<br />

part de ceux qui y ont recours, d'une appréciation ironique de l'institution siglée.<br />

18


CVCV 23 100% VCVV 2 100%<br />

VCCV 8 87% VVCV 2 50%<br />

VCVC 48 95%<br />

Total 156 89% Total 29 63%<br />

Ces pourc<strong>en</strong>tages port<strong>en</strong>t parfois sur des quantités infimes et, pris isolém<strong>en</strong>t, beaucoup d'<strong>en</strong>tre<br />

eux n'ont pas grande signification. Mais il est tout de même notable que, globalem<strong>en</strong>t, les<br />

sigles sans hiatus ai<strong>en</strong>t un taux de lecture qui frôle 90% (et qui dépasserait ce chiffre si l'on<br />

avait <strong>été</strong> plus sévère sur la syllababilité), tandis que le taux de lecture des sigles cont<strong>en</strong>ant<br />

deux voyelles consécutives est inférieur à 2/3.<br />

Il convi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>fin de noter que cinq des neuf sigles de cinq lettres qui sont attestés<br />

comme étant parfois épelés conti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t un hiatus. Cf. :<br />

(18) F.N.A.I.M. [ / ] Fédération Nationale des Ag<strong>en</strong>ts<br />

Immobiliers et Mandataires<br />

C.S.A.I.O. [ ] Chef du Service Académique<br />

d'Information et d'Ori<strong>en</strong>tation<br />

[ / ] C<strong>en</strong>tre d'EntraŒnem<strong>en</strong>t aux Méthodes<br />

C.E.M.E.A.<br />

d'Education Active<br />

[ ] Certificat d'Aptitude à l'Enseignem<strong>en</strong>t<br />

C.A.E.A.A.<br />

I.G.A.E.N.<br />

dans les Ecoles Annexes et d'Application<br />

[ ] Inspecteur Général de l'Administration<br />

de l'Education Nationale<br />

L'hiatus, cep<strong>en</strong>dant, est très bi<strong>en</strong> toléré dans les sigles longs, comme le montr<strong>en</strong>t<br />

F.N.A.I.M. et C.E.M.E.A. ci-dessus et les exemples de quatre lettres suivants:<br />

(19) C.R.E.A. [ ] C<strong>en</strong>tre de Recherche <strong>en</strong> Epistémologie Appliquée<br />

G.A.E.C. [ ] Groupem<strong>en</strong>t Agricole d'Exploitation <strong>en</strong> Commun<br />

E.R.E.A. [ ] Etablissem<strong>en</strong>t Régional d'Enseignem<strong>en</strong>t Adapté<br />

2.2.2. La prohibition de l'hiatus<br />

Si l'on pr<strong>en</strong>d au sérieux l'idée que les catégories prosodiques d'un certain niveau sont<br />

constituées d'une séqu<strong>en</strong>ce de catégories du niveau immédiatem<strong>en</strong>t inférieur et que la syllabe<br />

minimale est une séqu<strong>en</strong>ce CV, on est am<strong>en</strong>é à p<strong>en</strong>ser que les sigles lus cont<strong>en</strong>ant un hiatus<br />

et, par la même, un pied r<strong>en</strong>fermant une syllabe sans attaque, sont mal formés 44 . Il est<br />

concevable que cette malformation condamne irrémédiablem<strong>en</strong>t à l'épellation les sigles <strong>en</strong><br />

CVV, qui, épelés, rest<strong>en</strong>t <strong>en</strong> deçà du seuil de trois syllabes qui impose l'oralisation par lecture.<br />

En revanche, dans le cas des sigles de quatre ou cinq lettres, cette contrainte structurelle<br />

prohibant l'apparition d'hiatus <strong>en</strong>trerait <strong>en</strong> contradiction avec la contrainte de poids interdisant<br />

qu'un sigle compte plus de trois syllabes. On a déjà vu ci-dessus un cas où les contraintes de<br />

poids et de structure <strong>en</strong>trai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> contradiction : c'est l'abs<strong>en</strong>ce de séqu<strong>en</strong>ce CV qui a permis<br />

d'expliquer le fait que les sigles <strong>en</strong> VCCC et <strong>en</strong> VCCE ne sont, malgré leur poids, pour ainsi<br />

dire jamais lus. Dans ce dernier cas, il semble de règle que la contrainte structurelle l'emporte<br />

sur la contrainte pondérale. Mais on peut supposer qu'il soit moins gênant qu'un sigle<br />

44 Dans le cas des formes apocopées <strong>en</strong> CVV comme géo ou réa, cette malformation est héritée du mot d'origine.<br />

Il est donc d'une certaine façon normal que, dans ce cas, elle ne soit pas rédhibitoire.<br />

19


comporte un hiatus que pas de séqu<strong>en</strong>ce CV du tout. Il est donc possible qu'<strong>en</strong> fait, dans les<br />

sigles longs cont<strong>en</strong>ant deux voyelles successives, les deux contraintes s'équilibr<strong>en</strong>t à peu près<br />

et que les locuteurs ai<strong>en</strong>t finalem<strong>en</strong>t le choix <strong>en</strong>tre la lecture et l'épellation, l'une et l'autre<br />

solution s'écartant égalem<strong>en</strong>t du schème idéal 45 .<br />

Ce qu'il y a de paradoxal dans cette explication, c'est que, d'un point de vue purem<strong>en</strong>t<br />

phonétique, le remède paraît pire que le mal. Quand on épelle un sigle <strong>en</strong> CVV comme P.A.O,<br />

on aboutit à une forme ([ ]) qui r<strong>en</strong>ferme non pas un seul hiatus, mais bi<strong>en</strong> deux. Et quand<br />

on épelle un sigle <strong>en</strong> CVVC comme B.O.E.N. 46 , on obti<strong>en</strong>t une prononciation ([ ]) qui<br />

semble cumuler les inconvéni<strong>en</strong>ts, puisqu'elle conti<strong>en</strong>t quatre voyelles successives et qu'elle<br />

dépasse le seuil au delà duquel un sigle est normalem<strong>en</strong>t toujours lu. Mais il convi<strong>en</strong>t ici de<br />

rappeler (cf. supra § 1.3.3.) que chaque syllabe d'un sigle épelé constitue sans doute une sorte<br />

de mot minimal. Il n'est pas impossible que la prohibition de l'hiatus ne vaille que pour le mot<br />

prosodique simple et qu'elle n'affecte pas les mots prosodiques composés, où chaque lettre<br />

reste <strong>partie</strong>llem<strong>en</strong>t autonome.<br />

3. Remarques finales<br />

On ne cachera pas au lecteur l'insatisfaction relative avec laquelle on abandonne le prés<strong>en</strong>t<br />

article, dont certaines faiblesses saut<strong>en</strong>t aux yeux. Pour ce qui est des faits, on a dû, sur bi<strong>en</strong><br />

des points, se cont<strong>en</strong>ter de données trop maigres pour qu'on puisse espérer que toutes les<br />

généralisations pertin<strong>en</strong>tes ai<strong>en</strong>t pu être dégagées. Pour ce qui est de leur interprétation, la<br />

connaissance que l'on a de la prosodie du français était trop vague pour contraindre fortem<strong>en</strong>t<br />

le choix <strong>en</strong>tre les diverses solutions possibles. Et l'introduction, ou, plutôt, la réintroduction,<br />

de la notion de pied dans la phonologie du français peut prêter à suspicion. D'autres<br />

<strong>recherche</strong>s empiriques devront être m<strong>en</strong>ées, et la théorisation des faits devra sans doute être<br />

modifiée.<br />

Néanmoins, certaines idées demeureront peut-être. Considéré avec plus de recul qu'on<br />

ne l'a fait dans le corps de l'article, le problème abordé devi<strong>en</strong>t celui de la traduction des<br />

représ<strong>en</strong>tations graphiques <strong>en</strong> représ<strong>en</strong>tations phoniques. Dans le cas ordinaire, c'est la<br />

représ<strong>en</strong>tation phonique qui, première, contraint la représ<strong>en</strong>tation graphique, et la lecture<br />

consiste seulem<strong>en</strong>t à retrouver cette représ<strong>en</strong>tation phonique 47 , qui peut, le cas échéant, ne pas<br />

respecter <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t les schèmes qui régiss<strong>en</strong>t la forme sonore du langage. 48 Le cas des<br />

sigles est tout différ<strong>en</strong>t. Bi<strong>en</strong> qu'il ne soit sans doute pas rare qu'au mom<strong>en</strong>t de créer une<br />

expression complexe vouée à la siglaison, on p<strong>en</strong>se par avance à la forme que pr<strong>en</strong>dra le sigle,<br />

c'est ici la représ<strong>en</strong>tation graphique qui est première. On conçoit que la traduction de cette<br />

représ<strong>en</strong>tation graphique <strong>en</strong> représ<strong>en</strong>tation phonique doive respecter autant qu'il est possible<br />

les contraintes qui pès<strong>en</strong>t sur le mot sonore et que le locuteur joue sur l'exist<strong>en</strong>ce de deux<br />

stratégies d'oralisation pour se rapprocher au plus près du mot idéal.<br />

Ce qu'on a essayé de montrer ici, c'est que l'oralisation des sigles est soumise <strong>en</strong><br />

particulier à des contraintes prosodiques qui lui impos<strong>en</strong>t, quand c'est possible, de rester <strong>en</strong>tre<br />

45 On notera que les sigles <strong>en</strong> CVVV, CCVVV et CVVVV, qui r<strong>en</strong>fermerai<strong>en</strong>t plusieurs hiatus s'ils étai<strong>en</strong>t lus,<br />

sont tous épelés. La contrainte structurelle, qui serait <strong>en</strong>freinte plusieurs fois si le sigle était lu, l'emporte dans ce<br />

cas sur la contrainte de poids. Le sigle <strong>en</strong> CVVVC C.I.O.U.X. (= C<strong>en</strong>tre d'Information et d'Ori<strong>en</strong>tation de<br />

l'Université de Paris X) est lu [ ] sans hiatus.<br />

46 Bulletin Officiel de l'Education Nationale.<br />

47 Il y a bi<strong>en</strong> sûr des exceptions : la forme graphique des mots inconnus, celle notamm<strong>en</strong>t les mots étrangers, et<br />

les graphies anci<strong>en</strong>nes qui ne correspond<strong>en</strong>t plus à l'usage influ<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t directem<strong>en</strong>t la prononciation.<br />

48 Cf. <strong>en</strong> particulier les monosyllabes comme eau, lit, arc, etc. que l'usure phonétique à réduits à une taille<br />

inférieure à celle d'un pied minimal.<br />

20


un seuil minimal de deux mores et un seuil maximal de deux syllabes plus une et de respecter<br />

l'alternance attaque-rime. Telle serait la définition du pied, c'est-à-dire du mot minimal, <strong>en</strong><br />

français. Ce schème n'est pas toujours respecté, soit que le sigle soit insyllabable ou trop long,<br />

soit que sa composition mette <strong>en</strong> contradiction les unes avec les autres les conditions de<br />

bonne formation qu'on vi<strong>en</strong>t de rappeler. Dans de tels cas, néanmoins, on observe que son<br />

oralisation se rapproche autant qu'il est possible du mot minimal.<br />

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