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Quatre lettres d'un professeur - L'Affaire Corneille-Molière

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la plume de Boileau. Les unifier, c’est<br />

gagner en cohérence ; et si leur sens change,<br />

alors il faudra en rendre compte. La satire<br />

X, « Au lecteur », associe le nom de<br />

<strong>Molière</strong> et celui du fabuliste et les met sur<br />

un pied d’égalité : « J’ai vu tout ce qu’ont<br />

fait La Fontaine et <strong>Molière</strong> ». Si le verbe «<br />

faire » est imprécis, le fabuliste est désigné<br />

ici comme écrivain et <strong>Molière</strong> lui est<br />

associé. Rien de nouveau sinon que <strong>Molière</strong><br />

est clairement un écrivain pour Boileau.<br />

Dans "Le Lutrin", on lit aussi ce vers que je<br />

sors de son contexte : « C’est par là que<br />

<strong>Molière</strong>, illustrant ses écrits » qui confère à<br />

<strong>Molière</strong> un statut d’écrivain s’inspirant de<br />

sa société pour représenter ses figures.<br />

Quant aux "Stances à M. <strong>Molière</strong> sur sa<br />

comédie de l’Ecole des femmes que<br />

plusieurs gens frondaient", Boileau écrit :<br />

« En vain mille jaloux esprits<br />

<strong>Molière</strong>, osent avec mépris<br />

Censurer ton plus bel ouvrage ».<br />

Le substantif « ouvrage » est probablement<br />

ambigu : il désigne le travail rémunéré qui<br />

permet de gagner sa vie (acception attestée<br />

Pas un « écrivain » : un « autheur », au<br />

sens où l’entend le XVII e siècle et, avant<br />

lui, le siècle de Montaigne. Prenez le cas<br />

de Chapelain, un vrai écrivain, lui, et<br />

pourtant il est souvent "autheur", c’est-àdire<br />

producteur. Un exemple : dans son<br />

interminable correspondance, le riche<br />

Chapelain (qui, lui non plus, ne parle<br />

jamais de <strong>Molière</strong> en tant qu’écrivain et<br />

seulement deux fois de <strong>Molière</strong> comédien)<br />

nous apprend qu’en 1639 il a bâti le plan<br />

d’une pièce – ce qui peut prendre une<br />

heure comme cent – et que c’est le<br />

nécessiteux Rotrou qui l’a écrite et<br />

versifiée (lettre du 17 février 1633 à Guez<br />

de Balzac). Nous savons aussi que la<br />

Cymminde de l’abbé d’Aubignac fut mise<br />

en vers par le désargenté Colletet. La<br />

Dame d’intrigue (1663) de Dorimond,<br />

comédien à l’Hôtel du Marais, a été<br />

composée par le nécessiteux Samuel<br />

Chappuzeau. Etc.<br />

Une fois encore, <strong>Molière</strong> est l’auteur de ses<br />

comédies puisqu’alors est "autheur" celui<br />

qui en est le propriétaire.<br />

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