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Quatre lettres d'un professeur - L'Affaire Corneille-Molière

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sujet, pouvez-vous ne pas convenir que ce<br />

sont Sophocle et Euripide qui ont formé M.<br />

Racine ? Pouvez-vous ne pas avouer que<br />

c’est dans Plaute et dans Térence que<br />

<strong>Molière</strong> a appris les plus grandes finesses de<br />

son art ? ». La construction symétrique des<br />

trois phrases interrogatives pose ici<br />

<strong>Corneille</strong>, Racine (ami de Boileau) et<br />

<strong>Molière</strong> sur un pied d’égalité. Ils sont tous<br />

les trois désignés comme écrivains<br />

s’inspirant de façon analogue de modèles<br />

antiques. Je constate avec vous que ces<br />

références font de <strong>Molière</strong> un écrivain, mais<br />

n’établissent nullement l’identité <strong>Molière</strong> =<br />

Poquelin = écrivain de ses œuvres. Certes.<br />

Je continue mon relevé fastidieux mais<br />

nécessaire des occurrences de <strong>Molière</strong> sous<br />

Une fois encore ne pas confondre notre<br />

mot « écrivain » et celui d’« autheur » tel<br />

que les sujets de Louis XIV le<br />

comprenaient. Au XVII e siècle est «<br />

autheur » celui qui assume la<br />

responsabilité de l’œuvre présentée au<br />

public. Ceci précisé, Boileau peut sans<br />

mauvaise conscience réunir ces trois<br />

grands noms, d’abord parce qu’il les<br />

réunit sous l’égide et la bienveillance du<br />

Roi, qui les a adoubés depuis longtemps,<br />

ensuite parce que ces trois artistes ont fait<br />

connaître des œuvres de théâtre et qu’à ce<br />

titre, ils sont à ranger dans la même<br />

catégorie : ceux qui veulent plaire et qui<br />

ont réussi (le Roi riait à se tenir les côtes<br />

aux spectacles bouffons de <strong>Molière</strong>, ce qui<br />

supplée à tous les honneurs académiques).<br />

Mais Boileau connaît la différence entre<br />

"faire jouer" et "écrire" une œuvre, et<br />

accepte la séparation ontologique que son<br />

siècle établit entre tragédie (genre noble<br />

par excellence) et comédie/farce (spectacle<br />

réputé “obscène”). <strong>Corneille</strong> et Racine<br />

sont des auteurs de tragédies, <strong>Molière</strong> est<br />

« autheur » de comédies – c’est-à-dire<br />

qu’il interprète et assume socialement la<br />

responsabilité de ce qu’il joue. <strong>Molière</strong> n’a<br />

aucun mérite à assumer cette<br />

« responsabilité » car le Roi le protège,<br />

mais il l’a toujours fait avec conviction, ce<br />

dont <strong>Corneille</strong> dut lui être reconnaissant<br />

car il n’aurait voulu pour rien au monde<br />

de la paternité des comédies de son<br />

associé.<br />

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