Quatre lettres d'un professeur - L'Affaire Corneille-Molière

Je garde juste l’idée que la satire est un
genre mêlé où l’ironie amène à une lecture
avertie qui contredit le sens littéral, ce qui
justifie le sens que vous en donnez. Par
ailleurs, le poncif qu’on retrouve chez La
Fontaine et Boileau notamment, qui associe
systématiquement Térence et Plaute (voire
Tabarin) à Molière mérite d’être examiné. Il
insiste effectivement sur ce qui paraît
inconciliable aux yeux des contemporains :
un théâtre noble et élevé à la manière de
Térence et un théâtre bas et vulgaire à la
manière de Plaute (vous l’établissez en des
termes définitifs). Sans doute que Térence
était un prête-nom et assurément ces auteurs
le savaient. Mais je ne crois pas qu’il y ait
malignité constante dans cette double
référence, qui pour impure qu’elle soit (et
surtout aux yeux classiques qui proscrivent
tout mélange de genre et de registre de ce
censeur qu’est Boileau), définit la
spécificité sinon le génie de Molière quelle
que soit son identité.
En pleine querelle des Anciens et des
Modernes, le vieux Boileau exploite à
nouveau cette alliance de références si
contradictoires pour rendre compte de
l’œuvre de Molière.
Boileau montre l’importance des sources
littéraires antiques consultées par ses
contemporains : « Pouvez-vous nier que ce
ne soit dans Tite-Live, dans Dion Cassius,
dans Plutarque, dans Lucain, et dans
Sénèque, que M. de Corneille a pris ses plus
beaux traits, a puisé ces grandes idées qui
lui ont fait inventer un nouveau genre de
tragédie, inconnu d’Aristote ? … Enfin,
Monsieur, pour finir cette période un peu
longue, et pour ne me point écarter de mon
que Voltaire l’a surnommé « le flatteur de
Louis ».
En effet, il n’y a pas à proprement parler
« malignité » mais plaisir exquis des sousentendus.
Les Happy Few, et Boileau en
tête, en utilisant l’expression Terence ET
Plaute montrent à demi-mots ce qu’il en
est très exactement de « la gloire » de
« l’illustre Molière » et de celle du
« mercenaire » Corneille.
Cette « alliance de références si
contradictoires », ainsi que vous l’écrivez,
c’est exactement ce que les cornéliens
appellent la "collaboration Corneille-
Molière".
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